Conclusion générale
p. 349-362
Texte intégral
Petrarche philosophe, poete et souverain orateur disoit, que combien que la fin soit en toutes choses derniere en execution, sy doibt elle estre premiere en consideration, car de la fin (comme dict le philosophe) toute chose prend denomination et sy la fin porte le tesmoignage de ce qui la precede1.
1La Perrière en a retenu la leçon. C’est le regard fixé sur le bien commun qu’il ne cesse d’envisager la République. Ce bien commun a mu les hommes libres à s’assembler. Transcendant tous les intérêts particuliers, c’est lui qui doit sous-tendre l’ensemble des activités du corps politique. Il en va, bien sûr, de la satisfaction des besoins naturels que, seul, l’homme n’est pas à même d’assouvir, obtention des vivres indispensables à son existence ou jouissance des biens et artifices nécessaires à son bien-être. Mais pas seulement. À lire attentivement le Miroir Politicque, on constate qu’il s’agit aussi de lui rendre justice, de l’aider, par la religion, à se frayer un chemin au travers du difficile pèlerinage de la vie, comme d’assurer sa liberté, de corps et de biens.
2Ce dernier thème de la liberté, transmis par l’humanisme civique italien2, vient vivifier dans la Morosophie3 comme dans le Miroir politique les idéaux traditionnels des Miroirs des princes médiévaux maintenus par l’auteur. À ses yeux, toutes guerres ou dissensions intestines à l’État demeurent à proscrire4, le bien commun ne peut être atteint que par l’ordre et l’unité, dans la paix. C’est la paix qui permet aux lois et à la justice de s’épanouir, pour conserver l’équilibre du corps politique. « Qui ha bon voysin, ha bon matin », note-t-il. Une politique extérieure fondée sur l’amour5, parachevée par d’habiles alliances matrimoniales, vient assurer dans la fermeté la concorde entre les pays6. À l’intérieur de la République, il convient de veiller à ce que les magistrats gouvernent prudemment, et à ce que les citoyens observent constance et obéissance. La paix résulte ici, comme autrefois chez saint Augustin, d’une juste correspondance entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent, entre les membres de la cité. Elle est un ordre tranquille7, le plus désirable de tous les ordres :
Est-il chose en ce terrestre monde plus desirable que paix, sans laquelle toute richesse n’est que paovreté, toute lyesse n’est que dueil, & toute vie n’est que mort ?8
3L’auteur du Miroir Politicque semble parfois espérer en l’efficacité de ses recommandations9. Son insistance sur le thème de l’harmonie sociale le conduit à souligner la place éminente des vertus dans la vie politique. C’est en elles qu’il place tous ses espoirs d’assurer l’unité de la République10 en un idéal qui n’est que douceur et modération :
la Republicque des citez et communitez politicques est ung corps, lequel prent et recoit nomineement vital et ame par le benefice de Dieu, et est conduict et demené par doulceur d’equité et gouverné par moderation de raison11.
4Ses convictions religieuses le poussent à envisager un monde parfaitement ordonné comme l’était celui des stoïciens. Elles fondent un détachement proche de celui qu’ils recommandaient. Comme eux, il semble considérer que le sage n’agit pas sur le monde mais le « suit », accordant sa vie privée à l’harmonie universelle, consentant aux décrets d’une providence qui, même sous les apparences inévitables du mal, demeure l’expression la plus haute du logos. Le sage, étant une partie du monde dont il suit l’ordre, doit en refléter l’harmonie12. En attendant l’heure du jugement dernier, il doit s’incliner. Redime me a calumniis hominum, répétait sa devise : La Perrière attendait que la Providence divine vînt réparer les injustices commises ici-bas.
5Apprenti juriste, Guillaume de La Perrière a suivi les exhortations des générations qui l’ont précédé, celles de Guillaume Budé et d’Alciat, qui s’attachaient à renouveler la science juridique par les litterae humaniores. Mais, étant allé voir du côté des belles-lettres, il y est resté. Chez Alciat, les épigrammes et les Emblemata constituent un prélude aux études juridiques, annonçant la restitution du texte authentique du Digeste13 ; chez La Perrière, le Theatre des Bons Engins signe un abandon définitif du droit. Juriste de formation mais non de profession, il se consacre à la littérature, aux emblèmes et à l’histoire, et se passionne pour le politique. Dans ses œuvres, force est de le constater, le politique affleure partout. Quand il est absent du commentaire des Annalles de Foix, il submerge l’épître liminaire à Marguerite de Navarre. Il rehausse les chroniques inscrites dans les Annales de Toulouse pour envisager le fonctionnement de la République municipale à l’aune des grands préceptes développés par les théoriciens classiques et modernes. Il sous-tend les Considérations des Quatre Mondes, se profile, enfin, dans le Theatre des Bons Engins comme dans la Morosophie. Le Miroir Politicque ne fait souvent qu’approfondir des réflexions précédemment développées sur la place de l’homme dans la société ou sur la nature du pouvoir.
6Accompagnant le travail historiographique mené par l’humaniste au sein de la maison commune de Toulouse, ce Miroir Politicque avait été premièrement destiné à des capitouls qui, pour appartenir à la meilleure bourgeoisie toulousaine, n’étaient pas pour autant toujours frottés de belles-lettres et de droit. L’auteur y examine donc le fonctionnement concret de la République. Sans chercher à analyser en profondeur la structure ontologique du politique. S’abreuvant à la source italienne, il se veut soucieux d’une verità effetuale delle cose qui relègue à l’arrière-plan la République de Platon comme l’Utopia de Thomas More. Le politique pour autant n’y supplante pas le moraliste. Lecteur de Machiavel, La Perrière se refuse à sacrifier l’éthique à l’efficacité. C’est « la plus pondereuse de morale philosophie » qu’il a cherchée à extraire de ses lectures.
7Son manuel de gouvernement relève explicitement du compendium. S’appuyant sur une foule d’exemples, recourant aux parallèles historiques les plus divers et aux citations les plus éclectiques, il accumule à l’envi les autorités, souvent à l’attention des lecteurs les plus qualifiés, curieux d’approfondir ses réflexions en allant aux sources. L’emblématiste a cherché à en faciliter la lecture par ses « arbres », sans oublier de les recréer par des poésies ou par diverses anecdotes. Il tend à offrir une vue d’ensemble des questions abordées. Mais il s’y révèle quelque peu scolastique. Abordant une question, il se livre à la disputatio, examinant les arguments de raison et d’autorité qui s’opposent sur un mode dialectique. Nourri par l’esprit de controverse marquant la logique juridique, il joue le rôle de l’opponens et celui du respondens, bien que souvent, chez lui, la dispute ne marque guère une véritable opposition. Sachant la solution à laquelle il entend parvenir, il choisit à dessein les arguments qu’il avance, et, se faufilant au travers des autorités alléguées, il lui arrive de butter sur le difficile antagonisme entre la théorie et la pratique. Quand son attachement à l’utilité des choses l’empêche de demeurer dans une sphère purement spéculative, son mysticisme religieux le rend inhabile à proposer des règles pratiques. Sa foi l’emportant parfois sur toute logique, il donne à ses solutions finales l’allure tranchée d’une sentence doctorale14. Sa prudence sur des sujets par trop polémiques l’empêche aussi de conclure de manière personnelle. « Les princes ont les bras longs » dit-il. Notre auteur les craint qui préfère, alors, suggérer qu’affirmer, laissant son lecteur libre de décider. La Perrière, assurément, est plus à l’aise dans la peau de l’impétrant que dans celle du maître.
8Possédant probablement quelques notions de grec, il fait parfois appel à l’étymologie, dans ses chroniques comme dans le Miroir Politicque. Aussi désigne-t-il par les termes adéquats les différentes formes de gouvernement pour présenter l’une des premières évocations d’une « Republicque » qui n’est pas vaguement assimilée à la chose publique. C’est qu’il cherche indiscutablement à appréhender avec clarté les concepts fondamentaux qu’il veut enseigner à ses lecteurs. Sans doute en laisse-t-il certains de côté, les évoquant sans les enserrer en d’étroites définitions, tels ce bien commun ou cette liberté qui demeurent dans l’abstraction, mais il prend garde d’expliquer avec précision ce qu’est la police, chacun des différents régimes, la maison ou la société. Souvent, il ne fait guère œuvre originale. Quand il n’emprunte pas à Aristote, il croit définir en se laissant aller au redoublement du concept par synonyme. Cependant, tout en employant un langage politique imprécis, que l’on peut qualifier avec Enzo Sciacca de « substantiellement élémentaire et approximatif », il demeure à l’affût. Se laissant aller à une certaine exubérance, il fait feu de tout bois. De fait, le Miroir Politicque fourmille d’idées. Ses incohérences, ses répétitions révèlent un auteur qui, s’il n’était parvenu à une vision achevée du politique, était à sa recherche. Ses arbres, les parallèles surprenants établis entre le politique ou le social et l’agriculture, induisent une approche très simple et très imagée du politique. Une approche tout à fait singulière.
9La Perrière, c’est évident, redécouvre le politique par le biais des penseurs antiques et notamment grâce à Aristote, car, s’il a beaucoup lu, s’il a médité à foison, c’est le Stagirite qui demeure la pierre angulaire de sa pensée politique. L’humaniste en oublie les questions qui passaient pour cruciales aux yeux de ses contemporains, envisageant en revanche bien des aspects de la République que ceux-ci passaient sous silence. La théorie de la souveraineté ne l’intéresse pas. Ce sont les règles concrètes régissant le politique qu’il recherche. Sa vision de la « gouvernementalité » est pour le moins originale. Chez lui, c’est la magistrature qui est une servitude, et le magistrat un citoyen qui n’est ni sacralisé, ni exempté de ses responsabilités. Attaché à trouver les fondements d’une République harmonieuse, il cherche des remèdes aux « maladies » affectant le corps politique, analysant par le menu cette famille dans laquelle il voit la cellule de base de l’État, puis ces catégories de citoyens qui, seuls, permettent d’assurer son unité. Et c’est à chacun qu’il assigne les devoirs les plus rigoureux : à l’épouse la plus diligente et cependant soumise, à des nobles qu’il invite à réviser leurs codes de conduite, aux bourgeois dont il entend utiliser les capacités financières pour défendre la « liberté des citoyens », aux artisans qui doivent œuvrer en toute loyauté à la satisfaction des intérêts de tous, aux laboureurs, enfin, qu’il exhorte à un travail sans relâche et dont il envie la qualité de vie. Ce faisant, unissant dans ses commentaires les théories politiques les plus anciennes à la description de la société de la Renaissance, il fait du Miroir Politicque une œuvre des plus riches, dont chaque page fait s’interroger l’historien des idées.
10Indéniablement, ce n’est pas là l’œuvre de l’un de ces légistes qui, fraîchement émoulus de la faculté de droit toulousaine, s’adressaient au prince ou à ses pairs. Certes, La Perrière est licencié. Il a fait quelques lectures à la faculté de droit avignonnaise. Familier de Nicolas Bertrand, ami de Jean de Boyssoné et proche de ce sodalitium unissant autour de Jean de Pins et des Du Faur les maîtres et écoliers de l’Université, il est de ces élites censées représenter l’« École de Toulouse ». Mais, rentré à Toulouse dès 1526, il ne pousse pas plus avant ses études, incapable de briguer une chaire qui aurait fait de lui l’un des maîtres du studium toulousain. Prieur du collège de Saint-Mathurin, il demeure dans une sphère autonome, en retrait du mouvement qui porte ses pairs à servir la royauté. Et, au vrai, entre les représentants supposés de l’« École de Toulouse » et les offices royaux, il y a un lien incontestable. Un Guillaume Benoît, un Nicolas Bertrand ou un Charles de Grassaille, pour ne citer qu’eux, avaient choisi des carrières d’officiers. Et, si l’on en croit le discours adressé par Blaise d’Auriol à François Ier en 1533 il n’y a pas là hasard. Devant le souverain, celui-ci affichait bel et bien un programme politique faisant du studium toulousain l’École destinée à former les meilleurs agents du pouvoir royal. À observer ses écoliers devenir, tout au long du XVIe siècle, les plus proches auxiliaires des Valois, force est de constater que la morgue affichée par Auriol avait de solides fondements. Les régents eux-mêmes s’étaient pris au jeu, désertant les écoles de droit qu’ils jugeaient trop turbulentes, si peu lucratives et insuffisamment glorieuses. En 1551, dans son édit de réformation des collèges, Henri II n’en évoquait pas moins « notre université de Tholose, que de tout temps et ancienneté a esté pour les interpretations et estude de la jurisprudence la plus florissante et fameuse de nostre royaulme »15. En 1559, Jean Bodin reconnaissait en outre à la ville le mérite d’avoir « enseigné aux autres [cités] l’art de bien gouverner », louant son Université pour avoir la première « ressuscité les lois romaines » et répandu cette science par tout le royaume :
Quoi de plus honorable pour la renommé de Toulouse que de voir une foule innombrable d’étudiants distingués par la naissance et par le talent accourir ici pour y apprendre le droit romain, c’est-à-dire pour se préparer à gouverner les Cités et à instruire les peuples. C’est d’ici en conséquence que sortent les présidents des plus grandes assemblées et des plus hauts conseils, d’ici que sortent les juges, les chanceliers, les magistrats supérieurs ou subalternes16.
11Ces textes accréditent indiscutablement la thèse autrefois développée par Hanotaux, confirmant non seulement que la Faculté toulousaine se plaisait à croire qu’elle constituait l’École préparant aux plus grands offices, mais aussi que c’était là la raison pour laquelle les étudiants y affluaient.
12Mais cette École se proposait-elle réellement, comme le croyait Hanotaux, de promouvoir par l’entremise du droit romain le pouvoir absolu des rois ? Ici, rien n’est moins sûr. Le droit qui était enseigné à Toulouse demeure mal connu. Rares sont les cours qui ont été conservés et les sources existantes mériteraient d’être étudiées en profondeur17. Une glorification absolue du monarque perce dans le discours adressé par Blaise d’Auriol à François Ier en 1533 comme elle transparaît chez Ferrault et Grassaille, mais cette harangue, ne l’oublions pas, cherchait à capter par la flatterie les faveurs du roi très-chrétien. Les études les plus récentes consacrées à Guillaume Benoît, Jean Ferrault et Charles de Grassaille invitent à modérer l’absolutisme des représentants de l’« École de Toulouse », mettant l’accent non seulement sur la vigueur des théories parlementaires mais aussi sur le fort patriotisme local qui s’y exprime18. Ouvrons les œuvres d’un Guillaume de La Perrière, qui, s’il ne fut l’un des maîtres de la Faculté toulousaine, y avait étudié, entretenant avec certains de ses régents et bon nombre des officiers qui en étaient issus des relations de bonne amitié. Qu’y trouvons-nous ? Incontestablement, une certaine réticence à l’encontre du principe monarchique. Pour lui, la monarchie tend irrémédiablement vers la tyrannie, et le roi, abusé par des flatteurs, est inhabile à bien conduire son gouvernement sans s’appuyer sur un Conseil avisé. Le Capétien n’en sort pas indemne. Il ne paraît plus même être pour l’auteur ce très-chrétien roi que d’aucuns ont encensé et continueront de glorifier. Le Miroir Politicque, affirmant la nécessité de soumettre le pouvoir royal à un respect absolu de la loi et des autorités constituées, ne condamne-t-il pas un François Ier bridant les cours souveraines ? Au travers du modèle vénitien, ce sont les revendications du Parlement de France à un partage de souveraineté qui cherchent ici encore à s’exprimer. En cela, l’auteur est tout à fait fidèle aux enseignements prodigués par Nicolas Bertrand. L’« École de Toulouse » a-t-elle formé une bonne part des officiers des cours souveraines du royaume ? N’oublions pas quelles étaient les ambitions politiques de la plupart d’entre elles, ambitions révélées avec éclat dans l’affaire Lomagne à Toulouse comme par la tentative de réforme constitutionnelle de 1527 à Paris. Ce n’est qu’un absolutisme modéré que Jean Bodin apprit sur les bancs de la Faculté toulousaine.
13Le Miroir Politicque fournit un autre enseignement de choix. L’œuvre ne couronnait-elle pas vingt années de collaboration entre l’auteur et les magistrats municipaux ? Elle donne l’exemple d’un humaniste qui, ayant développé une vision positive des devoirs du citoyen au sein de la communauté, s’était engagé lui-même dans la vie politique de sa ville, désireux de fonder la pratique du gouvernement, fût-ce à l’échelon de la cité, sur une réelle réflexion théorique. On pourra certes objecter que l’humaniste n’était pas des plus désintéressés. Connaissant son tempérament, il nous est facile de croire qu’il n’eût pas assumé la charge d’historiographe s’il n’avait vu là une œuvre d’importance, par-delà la rémunération attendue.
14Plus qu’à la « République de France »19, c’est à la République de Toulouse que la Perrière prête corps et vie. Ce faisant, il s’inscrit dans une tradition méridionale dont il faudra un jour écrire l’histoire, tant il est vrai que la ville aime à se donner, dès le Moyen Âge, les airs d’une République autonome. Un attachement naturel à la « nationalité toulousaine » s’accompagne ici du désir vivace de défendre des privilèges et des statuts que les Capétiens abaissaient inéluctablement. Mais peu importent les raisons. Une vivace mythologie urbaine se développe, laquelle se double d’une véritable réflexion sur le gouvernement. On en trouve le témoignage chez Arnaud Arpadelle, Guillaume de Cunh, puis Bernard de Rosier. À la Renaissance, un Guillaume Benoît y est fort sensible, même si indéniablement, c’est Nicolas Bertrand qui en est le champion. Les lettrés s’en font l’écho quand, au sein même du capitoulat, cette symbolique explose. C’est, en 1525, le Capitole de Toulouse qui se substitue au chapitre municipal. C’est, en 1532, Libera Tholosa, que les décurions inscrivent en lettres d’or sur leur Livre des Annales20. Attaché à compiler l’histoire de Toulouse et à composer la Chronique 216, notre humaniste donnait chair à une « République » qui avait de profondes et d’anciennes racines, et même, grâce à sa culture, à son tempérament moralisant et à ses vues didactiques, une profondeur nouvelle. Joignant un sens profond du devoir individuel à une conscience aigue des difficultés de la politique, il ne pouvait ni laisser les capitouls se satisfaire du prestige que leur conféraient leurs magistratures, ni leur autoriser un orgueil et une désinvolture impropre à leurs responsabilités. C’est bien parce qu’il les jugeait trop peu instruits en l’art de doctrine politique qu’il se mit lui-même à son étude, composant à leur intention, en 1540, ce qui devint le Miroir politicque. En continuant, dans ses Chroniques, de conférer un lustre exceptionnel à cette « Republicque » et à ses « decurions », il cherchait à montrer à ces derniers comment mener à bien le gouvernement dont ils avaient accepté la difficile charge.
15Quelle oreille les capitouls ont-ils prêté à ses conseils ? L’accueil des magistrats ne paraît pas avoir été toujours des plus favorables. Le Miroir Politique, sitôt après sa composition, s’en alla croupir une dizaine d’années dans un coffre qui n’était pas, semble-t-il, l’un de ceux dans lesquels étaient précieusement conservés les cartulaires de la ville. Certains magistrats ou officiers municipaux, indéniablement, appréciaient le rôle que l’auteur entendait jouer auprès d’eux. Ils firent régulièrement appel à ses services. D’autres y accordaient moins de prix. En témoigne sans doute la rareté des chroniques qu’il composa dans la décennie 1540. Ce n’est qu’à partir de 1547 qu’il plut aux capitouls de prêter attention aux exhortations et aux commentaires politiques que leur proposait La Perrière. Ce dernier comptait alors parmi les proches du nouveau souverain de précieuses amitiés. Le protégeant, les magistrats municipaux cherchaient peut-être à s’attirer la bienveillance des Grands dont il avait les faveurs, celles, en particulier, de Jean Bertrand21. Quoi qu’il en soit, l’essentiel réside sans doute dans cette main qu’il avait plu à l’humaniste de tendre à ces magistrats.
16 Le phénomène n’est certes pas un cas d’espèce. En Italie, c’est dès le xie siècle, qu’autour des Libri iurium des cités, un vaste mouvement avait conduit les oligarchies municipales à un retour sur leurs archives et leur histoire, faisant montre d’une « civiltà communale » difficile à enserrer dans une définition étroite22. Puis, à la faveur du développement de la rhétorique et de l’ars dictaminis, avaient été composés divers livres spécifiquement consacrés à exposer les devoirs des magistrats municipaux23. L’épanouissement de ce mouvement chez les auteurs florentins du début du Quattrocento, en un « nouveau type d’humanisme » enraciné dans une nouvelle philosophie de l’engagement politique et de la vie active, consacrée à la célébration de libertés républicaines, est aujourd’hui bien connu24. Parallèlement, dans toute l’Europe, la vie politique avait tendance à s’ancrer dans les villes. Au Nord, l’implication des humanistes auprès des magistratures urbaines est patente. Il n’y a qu’à lire la correspondance d’Érasme ou suivre les parcours d’un Zwingli, d’un Oecolampade ou d’un Calvin pour s’en rendre compte25. En Allemagne, où l’on s’attachait à « définir un idéal de vie commune et un modèle de bon gouvernement urbain »26, nombreux furent les juristes exerçant des charges administratives qui, inspirés par Aristote, composèrent au XVIe siècle des manuels de gouvernement en langue vulgaire, destinés aux administrateurs territoriaux et aux conseils municipaux27. En Angleterre, à la même époque, tandis que les chroniques urbaines fleurissaient, les œuvres de Thomas More, Thomas Starkey ou Thomas Elyot témoignaient d’un désir de sensibiliser aux questions politiques un public qui n’était plus constitué seulement par des proches du prince28. De même en Espagne où les villes devenaient le centre d’attention des chroniqueurs, et où Guevara adressait son Relox de principes à des « grands dignitaires » de l’Empire29. Le royaume de France participe manifestement de ce même mouvement. Si, au Moyen Âge, les mythologies urbaines y furent rares, comme le relève Jacques Le Goff, soulignant l’exception constituée par la méridionale Toulouse avec sa légende capitoline, dès le XVe siècle, « toutes les cités majeures se considéraient comme secondes Romes, les conseillers se disaient décurions (Poitiers, Narbonne), siégeant en un Sénat (Vienne) ou en un Capitole (Toulouse) »30. À la Renaissance, les grandes chroniques urbaines furent compilées, servant les ambitions d’oligarchies urbaines qui concevaient les charges municipales comme des moyens de promotion sociale. Tandis que les juristes insistaient sur la dignité légitime du corps municipal, les humanistes se montraient « chatouilleux » sur les origines de leurs villes31. La ville, indéniablement, était perçue comme un corps32, devenant, comme le constatait Jean Delumeau,
un être de raison. Elle n’est plus seulement vécue, mais pensée33.
17Et pourtant, relevons ce paradoxe : alors que la vie urbaine d’outre-monts passionne les chercheurs et que chacun s’accorde à y voir, au-delà des querelles et des écoles historiographiques, un élément central de la construction de la citoyenneté et de l’État moderne34, la manière de penser la vie municipale en France ne soulève guère d’intérêt.
18 Laissant deviner quelle vie animait une chancellerie municipale devenue elle aussi, à la faveur de la Renaissance, un réel lieu de culture35, l’œuvre municipale de Guillaume de La Perrière révèle l’intérêt d’un tel sujet d’étude. Offrant un témoignage rare de l’influence de l’humanisme civique italien à Toulouse, au milieu du XVIe siècle36, elle confirme l’existence, dans le royaume des Valois, d’un humanisme attaché à penser le politique à l’échelon des villes.
19Il ne faut pas s’y tromper. En Italie, dès le Quattrocento, l’ère des princes avait succédé à celle des Républiques37. La Perrière s’attache à glorifier la république de Toulouse à l’heure où Jean Bodin commence de mûrir la République dans laquelle il va célébrer, avec le succès que l’on connaît, la souveraineté royale. Ses vues politiques sont rapidement dépassées. Le Theatre des Bons Engins, l’ouvrage d’emblèmes le plus fréquemment réédité au XVIe siècle, continue longuement d’influencer les auteurs d’emblèmes, devenus, très largement, des politiques38. Le Miroir Politicque, lui, connaît dans la seconde moitié du siècle un certain succès. Il semble qu’il figurait dès 1558 dans la bibliothèque de la reine Marie de Hongrie39, se trouvant réimprimé cette même année chez Macé Bonhomme40. En 1567, une édition partagée fut donnée par Robert Le Mangnier, Vincent Norment et Jeanne Bruneau, dans un format in-octavo qui devait permettre un maniement plus facile41. Deux impressions parurent encore en 1596 et 1597 chez Gilles Robinot42, peu de temps avant les deux traductions anglaises de 1598 et 159943. Un lecteur trouva alors du plaisir à en colorier les vignettes et lettrines de couleurs vives44. Puis, jusqu’à ce que les spécialistes de la pensée politique le redécouvrent à la fin du xixe siècle, il tomba dans l’oubli. Somme toute rapidement éclipsé, il demeure cependant unique en son genre. Cet ouvrage à l’esthétique raffinée constitue, à notre connaissance, le seul manuel de gouvernement qu’un humaniste français destina jamais à des magistrats municipaux.
Notes de bas de page
1 G. de La Perriere, « Chronique 227 (1550-1551) », p. 126.
2 Selon Quentin Skinner, deux thèmes chers à l’humanisme civique italien n’ont pas trouvé d’échos chez les humanistes du « Nord » : la nécessité de préserver la liberté politique et les dangers que fait courir à la liberté l’emploi d’armées mercenaires. Q. Skinner, Les fondements, notamment p. 184-185, 228 sq., 284-285, 330-331. Mais outre La Perrière, qui s’intéresse au thème, More se montre fort préoccupé du bonheur des Utopiens, l’Utopie ayant pour objectif de mener les hommes au plaisir, entendu comme voluptas, iucunditas, delectatio. T. More, L’Utopie, p. 91 notamment ; N. Morgan, Le sixième continent ou l’Utopie de Thomas More. Nouvel espace épistémologique, Paris, 1995, p. 111.
3 G. de La Perriere, Morosophie, e. 37 : « Pendant que sont les nauchers contendans, / La nef perit par tempeste & naufrage : / Pendant que sont entre soy discordans / Les Citoyens, ilz sont mys en servage ».
4 La condamnation était partagée par Dante, Marsile de Padoue et Bruni, aussi par Contarini et Guichardin, qui niait que les désordres romains aient pu être à l’origine de la puissance de Rome et voyait dans le tribunat un instrument de trouble (Dialogo del Regimento di Firenze, II). G. Contarini, Des magistratz, & repvblique de Venise, fol. viii v., xii v. Machiavel faisait véritablement figure de novateur avec ses vues positives des dissenssions, probablement inspirées par les historiens de la Rome républicaine (Cicéron, Cat., III, 10, 24-25 ; De oratore, II, 48, 199 ; Dion. Hal., 7, 66, 4-5) qui distinguaient dissensions (plus vertueuses et modérées) et guerres civiles. N. Machiavel, Discours, I, iv, dans Œuvres, p. 196-197 ; T. Berns, Violence de la loi.
5 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 76-77, 92, « douziesme cause du changement ou ruyne des Republicques », « cause extrinseque ».
6 G. de La Perriere, ibidem, p. 138. « Tant que Julie, fille de Jule Cesar, & femme de Pompée, fut en vie, l’Empire romain fut en paix : icelle trespassée vint le feu inextinguible de la guerre civile, qui ruyna leur Republicque, la tranquillité Romaine (voire de tout le monde) […] ».
7 J. Krynen, Idéal du Prince, p. 161.
8 G. de La Perriere, ibidem, p. 138.
9 Ibidem, p. 58 : « Tant que le medecin ignorera la cause de la maladie du patient, il ne pourra jamais remedier à icelle, ne guerir le malade. Le commun proverbe prins des bons auteurs Physiciens & Medecins dit, que maladie congneue vaut presque guerie. Par semblable raison, quand le Prince, magistrat ou gouverneur de civile societé aura congneu la cause qui peut ruiner sa Republicque, il pourra facilement obvier (s’il est homme prudent) à la future ruine d’icele ». Ceci rappelle Machiavel : « Si l’on considère le passé et le présent, on voit aisément que toutes les cités et tous les peuples ont les mêmes désirs et les mêmes humeurs et les ont toujours eu. Il est donc aisé, pour qui étudie attentivement le passé, de prévoir le futur dans toutes les républiques, et d’y apporter les remèdes que les Anciens ont employés, ou bien, n’en trouvant pas, de penser à des nouveaux, à cause de la similitude des événements. Mais, comme ces considérations sont négligées ou mal comprises par les lecteurs, ou bien, étant comprises, ne sont pas connues des gouvernants, il en résulte que les mêmes troubles naissent de tout temps ». N. Machiavel, Les Discours, I, xxxix, dans Œuvres, p. 257.
10 Comme chez Starkey ou More, Q. Skinner, Les fondements, p. 331.
11 G. de La Perriere, « Catalogue et Summaire », fol. xxiv.
12 P. Aubenque, La prudence chez Aristote, p. 87.
13 P.-E. Viard, André Alciat, p. 166.
14 G. Chevrier, « Sur l’art de l’argumentation chez quelques romanistes médiévaux au xiie et au xiiie siècle », APD, 11 (1966), p. 117 ; J.-L. Thireau, « La doctrine civiliste », p. 20.
15 G. Cazals, « Le collège de Saint-Mathurin ».
16 J. Bodin, Oratio de instituenda in repub. juventute, p. 46, col. 2. et p. 60, col. 2.
17 G. Cazals, « Sur quelques manuscrits universitaires toulousains du xvie siècle et sur l’enseignement de François Roaldès », dans Science politique et droit public dans les facultés de droit européennes (xiie-xviiie siècle), dir. J. Krynen, M. Stolleis, Francfort-sur-le-Main, 2008, p. 325-346.
18 À lire, la mise au point de P. Arabeyre, « L’École de Toulouse a-t-elle existé ? Idéologie universitaire et parlementaire dans les années 1480-1530 », dans L’humanisme à Toulouse, p. 23-41.
19 Expression employée dans une épître liminaire du Miroir Politicque, fol. [α 3 v.]
20 G. Cazals, « La constitution d’une mémoire urbaine », p. 167-191.
21 Il n’en eut pas moins quelque influence sur les générations toulousaines qui suivirent. Le Miroir Politicque inspira très largement Antoine Tournier, auteur d’un ouvrage juridico-politique publié en 1558, lequel reprend mot à mot les considérations de La Perrière sur la société, sa fin et son utilité, puis développe concrètement les obligations pesant sur les magistrats municipaux : horaires, distribution des requêtes, forme et règlement des délibérations, auditions des témoins, jugements, prononcé des sentences, enregistrement, exécution, inquisitions, appels, dépêches, commissaires, audiences, prisons, guet, et syndic. A. Tournier, Reiglement et Ordre des affaires de la Maison de la Ville et Cité de Tolose, Toulouse, Guyon Boudeville, 1558, notamment fol. [A ii v.]. Le cartulaire AA 6, compilé en 1559-1560 par Jean Balard fils, montre également la persistance des idées déployées par La Perrière. Introduit par un portrait des capitouls de l’année confié à Jean Faguelin, dit Le Page, il figure les magistrats assis sous un cartouche servant de cadre à une scène biblique : Moïse au mont Sinaï, confiant au peuple hébreu les tables de la loi. Le cartouche est entouré de deux figures allégoriques, la Prudence à deux visages, tenant enroulé sur son bras droit un serpent, et la Justice, traditionnellement dotée d’un glaive et d’une balance. Le portrait toulousain de 1550 à 1800. Exposition présentée par le Musée des Augustins du 21 octobre 1987 au 7 janvier 1988, Toulouse, 1987, p. 21.
22 G. Fasoli, « Giuristi, giudici e notai nell’ordinamento communale e nella vitta cittadina », dans Scritti di Storia medioevale, 1974 , p. 609-622 ; J. Heers, « Le notaire dans les villes italiennes, témoin de son temps, mémorialiste et chroniqueur », dans La chronique et l’histoire au Moyen Âge, 1982, p. 73-84 ; Civiltà comunale : libro, scrittura, documento, Atti del convengno Genova, 8-11 novembre 1988, Gênes, 1989, dont G. Tabacco, « La genesi culturale del movimento comunale italiano », p. 13-32, G. G. Fissore, « Alle origini del documento comunale : i rapporti fra notai e l’istituzione », p. 99-128 et A. Rovere, « I Libri iurium dell’Italia comunale », p. 157-199.
23 L’Occulus pastoralis de Boncompagno da Signa (1222), le Liber de regimine civitatum de Jean de Viterbe (v. 1240), la troisième partie des Livres dou Tresor de Brunetto Latini (v. 1260-67), le De regimine rectoris de Paolino Minorita puis le De regimine civitatum de Bartole. V. Franchini, « Trattati De regimine civitatum sec. (XII-XIV) », dans La Ville, I : Institutions administratives et judiciaires, RSJB, VI, Bruxelles, 1964, p. 319-342 ; D. Quaglioni, « Per una edizione critica e un commento moderno del Tractatus de regimine civitatis di Bartolo da Sassoferrato », Il Pensiero Politico, 9/1 (1976), p. 70-93 ; Id., Politica e diritto nel trecento italiano ; Id., « Letteratura consiliare e dottrine giuridico-politiche », dans Culture et idéologie, p. 420-432 ; Q. Skinner, Les fondements, p. 66, 75.
24 La thèse de Hans Baron, selon laquelle l’humanisme civique naquit à Florence dans l’urgence de faire face aux menaces pesant sur la liberté de la ville depuis 1350 (du fait du conflit l’opposant à Milan, culminant entre 1400 et 1402) a subi de nombreux assauts, voir notamment H. Baron, « Franciscan Poverty and Civic Wealth as Factors of the Rise of Humanistic Thought », Speculum, 13 (1938), p. 1-37 ; Id., « Cicero and the Roman Civic Spirit », p. 72-97 ; J. E. Seigel, « Civic Humanism or Ciceronian Rhetoric ? », p. 3-48 ; P. O. Kristeller, Renaissance Thought ; G. A. Pocock, Le moment machiavélien, Paris, 1997 ; A. Jr. Rabil, « The Significance of “Civic Humanism” », p. 141-174 ; Q. Skinner, ibidem, p. 115 sq.
25 D. Érasme, La Correspondance, vol. II (1514-1517), notamment la lettre 305, à Jacques Wimpfeling, Bâle, 21 septembre 1514, p. 25 sq. ; aussi A.G. Weiler, « La Consultatio de Bello Turcis inferendo : une œuvre de piété politique », dans Actes du colloque international Érasme, p. 103. Sur l’implication de Zwingli à Zurich ou de Calvin à Genève, G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 203, 207, et sur diverses villes des Pays-Bas, Memoria, communitas, civitas.
26 P. Monnet, « Particularismes urbains et patriotisme local dans une ville allemande de la fin du Moyen Âge : Francfort et ses chroniques », dans Identité régionale et conscience nationale, p. 389-400 ; id., « La ville et le nom : le livre des Melem, une source pour l’histoire privée des élites francfortoises à la fin du Moyen Âge », JS, juin-décembre 1999, p. 491-539 ; Id., « Élites dirigeantes et distinction sociale à Francfort-sur-le-Main (xive-xve siècles) », Francia, 27/1 (2000), p. 117-162 ; Id., « Ville réelle et ville idéale à la fin du Moyen Âge : une géographie au prisme des témoignages autobiographiques allemands », Annales HSS, 3 (mai-juin 2001), p. 591-621 ; Id., « La mémoire des élites urbaines de l’Empire à la fin du Moyen Âge entre écriture de soi et histoire de la cité », dans Memoria, communitas, civitas, p. 49-70 ; Id., « Histoires chroniques, journaux, livres de famille : mémoires individuelles et collectives dans les villes allemandes de la fin du Moyen Âge », dans Histoire, chroniques, journaux et livres de famille dans les villes de l’Empire à la fin du Moyen Âge, séminaire donné à Lyon et Montréal en 2001, à paraître.
27 M. Stolleis, Histoire du droit public en Allemagne, p. 121-128. Il y eut par suite une étonnante prospérité du genre des Miroirs des princes en Allemagne, voir aussi M. Senellart, « Justice et bien-être dans les Miroirs des princes de Osse et Seckendorff », dans Specula principum, p. 245-265.
28 J.-P. Moreau, « L’utilisation de l’histoire au moment du schisme anglais », dans L’histoire au temps de la Renaissance, dir. M.-T. Jones-Davies, Paris, 1995, p. 43-46. On trouve un témoignage de ce mouvement en Utopia puisque Hythlodée base sa relation sur des Annales ayant scrupuleusement consigné l’histoire des 1760 années écoulées depuis la conquête de l’île, et aussi parce que More « fonctionne comme un théoricien de la ville-État », dont l’objectif est de s’occuper « des intérêts réels des citoyens et non de ceux de l’humanité en général ». T. More, L’utopie, II, p. 64 ; N. Morgan, Le sixième continent ou l’Utopie, p. 64 ; F. Lessay, « Le Prince d’Utopie », p. 51-70 ; Q. Skinner, Les fondements, p. 303-304.
29 E. Rucquoi, « Les villes d’Espagne : de l’histoire à la généalogie », dans Memoria, communitas, civitas, p. 145-166. Dès 1385, Francesch Eiximenis avait consacré un traité à la ville. Son Regiment de la cosa publica fait d’elle, en effet, une communauté politique parfaite où se concilient harmonieusement les fins dernières de l’homme. J. Krynen, « Le pouvoir monarchique selon Francesch Eiximenis. Un aspect du Regiment de princeps e de comunitats », Annales de l’université des sciences sociales de Toulouse, 27 (1979), p. 339- 365. Madrid compile ses ordonnances en 1500, Cordoue en 1515, Séville en 1527, Valladolid en 1549, Grenade en 1552. Face aux exigences financières de Charles Quint, le mouvement ubain comunero, revendiquant le droit des villes à une participation directe au gouvernement des affaires politiques, se dresse en Castille, à Tolède, Ségovie, Burgos, Salamanque, Tore, Zamora, et Médino Del Campo. Sans succès. A. Redondo, Antonio de Guevara, p. 116 sq. ; B. Gonzales-Alonso, « La monarchie castillane et le gouvernement municipal (1474- 1598) », dans Pouvoirs et institutions en Europe au xvie siècle. 27e colloque international d’études humanistes, dir. A. Stegmann, Paris, 1987, p. 97-106.
30 J. Le Goff, « L’apogée de la France urbaine médiévale », dans La ville médiévale, des Carolingiens à la Renaissance, dans Histoire de la France urbaine, dir. G. Duby, II, 1980, p. 278, 394, 586.
31 Rabelais, Gargantua, xiv, 50-61 ; R. Cooper, « Rabelais, Corrozet et les origines légendaires de Paris », p. 151-62.
32 C.-G. Dubois, L’imaginaire de la Renaissance, p. 158.
33 J. Delumeau, « Réinterpréter la Renaissance : les progrès de la capacité d’observer, d’organiser et d’abstraire », RHMC, 14 (1967), p. 305. Voir à cet égard E. BALMAS, « Cité idéale, utopie et progrès dans la pensée française de la Renaissance », dans Mélanges de littérature française offerts à M. René Pintard, professeur en Sorbonne, Strasbourg, 1957, p. 47-57.
34 Q. Skinner, et dernièrement M. Ascheri, « Città-Stato e Comuni : qualche problema storiografico », dans La Carte e la Storia. Rivista di storia delle istituzioni, 5 (1999), p. 16-28.
35 R.-H. Bautier, « Chancellerie et culture au Moyen Âge », dans Cancelleria e cultura nel medio evo. Communicazioni presentate nele giornate di studio della commissione (Stroccarda, 29-30 agosto 1985), a cura di G. Gualdo, 1990, p. 1-75.
36 Sur l’influence de l’humanisme italien sur la Renaissance française, essentiellement d’un point de vue littéraire, J. Texte, L’influence italienne dans la Renaissance française, Paris, 1898 ; P. Villey, Les sources italiennes de la Défense et illustration de la langue française, Paris, 1908 ; les travaux d’É. Picot, L’influence italienne en France au xvie siècle et au xviie siècle, et Les Français italianisants ; J. Baillou, « L’influence de la pensée philosophique de la Renaissance italienne sur la pensée française », Revue des études italiennes, 1 (1936), p. 116-155 ; F. Simone, Umanesimo, Rinascimento, Barocco ; H. Busson, Le rationalisme, 1971 ; M. Françon, « Note sur la diffusion de l’italianisme en France au xvie siècle », BHR, 42 (1980) ; J.-F. Dubost, La France italienne, xvie-xviie siècles, Paris, 1997.
37 Q. Skinner, Les fondements, p. 171 sq.
38 Voir les emblèmes protestants de Georgette de Montenay, Emblèmes ou devises chrestiennes, Lyon, Jean Marcorelle, 1571, de nombreuses fois réédités et notamment en 1974, par « The Scholar Press of England » ; également les œuvres de Théodore de Bèze. Du côté des catholiques, voir notamment celles de Louis Richesme et du père Menestrier. M. PRAZ, Studies in Seventeenth Century Imagery, p. 170, 179. Au xviie siècle, l’emblématique se consacrait essentiellement à la découverte de la spécificité du politique. Un corpus considérable de recueils vit le jour, comptant pour le moins 1500 ouvrages imprimés entre 1610 et 1640, alors que se discutait dans toute l’Europe la question de la Raison d’État. Les auteurs y compilaient les thèses les plus divergentes, les unes à la gloire du prince chrétien, les autres plutôt favorables à un idéal de type républicain. Saavedra Fajardo, Idea de un principe christiano representada en cien empresos, dedicada la Principe de las Espanas, 1640 et 1642 ; Madrid, 1927. L’ouvrage fut traduit dans de nombreuses langues, notamment en français sous le titre Le Prince chrestien et politique, Paris, 1668. Il est considéré comme le plus remarquable des ouvrages d’emblèmes politiques. R. Farneti, « Emblematica e politica. L’Idea di Diego Saavedra Fajardo », Il pensiero politico, 27/3 (1994), p. 355-378. Sans être cependant le premier. Voir les nombreux traités évoqués par M. Praz, ibidem, p. 192. Les spécialistes le relèvent : en songeant à la formation juridique des premiers grands créateurs d’emblèmes, on voit que la préoccupation étatique n’est pas le fruit du hasard, mais qu’elle surgit au terme de la longue tradition juridique qui a pensé l’État. A. Boureau, « État moderne et attribution symbolique : emblèmes et devises dans l’Europe des xvie et xviie siècles », dans Culture et idéologie, p. 155-178, notamment p. 163, 170 ; J.- M. Chatelain, Livres d’emblèmes et de devises, p. 44 sq.
39 C. Lemaire, « La bibliothèque des imprimés de la reine Marie de Hongrie régente des Pays-Bas (1505-1558) », BHR, 58 (1996), p. 133, 135. Il n’était pas cependant présent dans les bibliothèques vues par R. Doucet, Les bibliothèques parisiennes au xvie siècle, Paris, 1956.
40 M. Grünberg Dröge, « Guillaume de La Perrière », Bestellmöglichkeiten des Biographisch-Bibliographischen Kirchenlexikons, Verlag Traugott Bautz, VII, 1994, col. 216-227 ; http://www.bbkl.de/l/La Perriere.shtml
41 G. de La Perriere, Le.// Miroir Poli-//tiqve, contenant di-//verses manieres de govverner// & policer les Republiques, qui sont, & ont // esté par cy devant :// Oeuure, non moins vtile que necessaire à tous Monarques, // Rois, Princes, Seigneurs, Magistrats & autres qui ont // charge du gouuernement ou administra-//tion d’icelles : // Par M. Guillaume de La Perriere, // Tholosain. // [ « Gloriam datur Vincenti, non victo »] // A Paris, // Pour Vincent Normant, & Ieanne Bruneau, en la rue neuf//ve nostre Dame, à l’image sainct Iean l’Evangeliste, & au Pa //lais, en la galerie par ou l’on va à la Chancellerie. // 1567. // Avec privilege du roi. // In-8°, Pièces liminaires, [16] et 127 fol, figures sur bois.
42 Des éditions de Gilles Robinot ne subsistent que deux exemplaires. Le premier, daté de 1596 est à la Bibliothèque municipale de Nancy ; le second, de 1597, à la médiathèque Elisabeth et Roger Vaillant de Bourg en Bresse.
43 G. de La Perriere, The Mirror of Policie. A work no lesse profitable than necessarie, for all magistrates and governors od Estates and Commonwealth, London, Adam Islip, 1598, 45 gravures ; réédité en 1599 ; fichier Émile Picot, Histoire littéraire des xve et xvie siècle, BnF, manuscrits, nouv. acq. fr. 23193-23276.
44 Probablement réglé et colorié à la fin du xvie siècle de couleurs encore vives (orange, marron, vert, rouge, bleu, jaune), il contient plusieurs ex-libris, notamment celui de l’éditeur et collectionneur Ballardens. BnF, Rés. E * 108.
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