Chapitre VI. L’obéissance des gouvernes
p. 307-348
Texte intégral
1Tout ainsi qu’un corps humain possède différents organes, la République est composée de diverses « manieres de gens ». Son équilibre implique le bon fonctionnement et la pérennité de chacune, leur bon ordre aussi :
Si nous voyons et considerons les mousches à myel estre si bien ordonnées en leurs ruches, les filz en la toile de l’araigne, les legums en leurs gousses, les grains aux pommes grenades, les pignons aux pommes de pin, les membres au corps humain, ne devons-nous par plus forte raison arrenger et condecemment ordonner les citoyens (qui sont creatures raisonnables) en la cité & Republicque ?1
2Le droit naturel inspirant ici encore le droit des hommes, l’analogie suggère une adaptation de l’être à la fonction qui lui est assignée : l’abeille est faite pour la ruche, non pour la toile d’araignée ; les pignons pour la pigne, non pour la grenade. Toutefois, quand ce sont des particularités physiologiques qui expliquent la spécificité des espèces animales ou végétales, c’est un choix personnel qui paraît conditionner pour La Perrière l’adaptation de l’homme à son office. Un choix qui peut être libre, mais qui doit être définitif. Tout changement en effet peut s’avérer dangereux qui exprime potentiellement l’ambition et l’orgueil des hommes :
Est-il au monde plus grande folie que de ne se contenter de l’estat & train de vivre que l’on aura esleu pour exercer, durant le discours de la vie ?2
3Au-delà de l’idée de l’élection par chacun d’un « estat » particulier, se trouve ici encore véhiculée l’image d’une société immobile, où il n’est pas interdit à l’homme d’évoluer socialement et de décider de sa vocation, mais où il lui est plus encore conseillé de se contenter de son état3. « Chacun en sa qualité doit considérer la portée », disait Horace. Influencé par le déterminisme de l’hérédité, l’individu peut rarement se détacher de son environnement social et familial ; s’il le fait, il peut mettre en péril la République. Les humbles qui s’élèvent à de hautes dignités, souvent, les administrent mal. Nourrissant une ambition démesurée, ils s’évertuent à changer l’état de la République. Remettant en cause un équilibre reflétant la sagesse divine, les changements sociaux bouleversent l’harmonie du corps politique et sont susceptibles de le détruire. Ils doivent donc, aux yeux de La Perrière, être limités. Chargé de la réalisation d’un objectif économique, social ou politique précis, chacun doit respecter la « contemperance de dissimilitude » nécessaire à la communauté (section I). Ses ambitions personnelles doivent passer au second plan pour laisser s’accomplir ce devoir citoyen, dans l’obéissance au prudent magistrat (section II).
Section I. La « contemperance de dissimilitude »
4Les Prêtres, magistrats, nobles, bourgeois, artisans et laboureurs évoqués dans le Miroir Politicque sont en charge de procurer à la République les six choses qui lui sont nécessaires : sacrifices, jugements, armes, richesses, arts et aliments. À chacun ses responsabilités : tout ainsi que les magistrats doivent commander, les prêtres doivent assurer les sacrifices (I), les nobles assumer les faits de guerre (II), les bourgeois apporter l’argent nécessaire à la défense de la liberté (III), les artisans fournir les biens matériels indispensables (IV), les laboureurs, enfin, pourvoir à la nourriture de la communauté (V).
I. Les prêtres
5Ayant « la cure des dieux et des sacrifices », les prêtres sont, assurait Aristote, absolument nécessaires en toute République4 ; les sacrifices sont « la premiere et plus necessaire chose qu’est en toute cité », affirme La Perrière. À condition cependant de ne confondre bons et mauvais sacrifices. Le vrai sacrifice, défini par saint Augustin, correspond à « toute œuvre que nous faisons pour estre conjoints à Dieu par sainte Societé »5. Conformément à la division platonicienne des biens, trois types peuvent être distingués. Le « principal de tous » consiste en contemplations, contritions, dévotions et oraisons de l’âme ; le second comprend les abstinences, jeûnes et martyres du corps ; le tiers est constitué par les dons extérieurs, oblations à l’Église, aumônes aux pauvres et charités aux prochains6. Leur importance, a démontré Lactance Firmien, se déduit de l’histoire. L’humaniste acquiesce : il n’a pu trouver dans ses lectures qu’aucune nation, si rude et barbare soit-elle, n’ait reconnu quelque dieu ou usé de sacrifices. Ainsi les Égyptiens (réputés être, écrit-il, « les premiers hommes du monde »), les Assyriens, les Grecs ou les Romains n’ont-ils jamais été sans « sacrifices, prestres, propres & singulieres ceremonies ». Les œuvres de Jamblique, celles de Proclus, Psellus ou Denys d’Halicarnasse, celles des romains Varron, Cicéron, Tite-Live, Valère, Fenestelle ou Pomponius Letus le prouvent. Celles-ci relatent les cultes de Faunus et de Janus, des rites que, soucieux de ne pas franchir la limite séparant les sacrifices des « superstitions & illusions diabolicques », il évoque par prétérition : les cérémonies des Lupercales, la vénération de Pan Licée, « les Poticiens & Pinariens, les freres Arnals, Augures, Flamines, Saliens, Feciaux, Vierges Vestales » et autres cultes institués par Numa Pompilius. Cette accumulation l’entraîne à évoquer certains sacrifices faits par Enée, Didon, Évandre, puis à renvoyer aux Saturnales de Macrobe7, sa curiosité des traditions romaines l’amenant à pervertir son propos initial. Soucieux de distinguer sacrifices et superstitions pour prévenir ses lecteurs contre toute idolâtrie, il évoque en effet des rites que lui-même juge superstitieux. Sans doute n’était-ce guère le paganisme antique qu’il entendait dénoncer. Songeait-il aux traditions romaines dénoncées par les Réformés ? Il se hâte de conclure :
Les Prestres en toute bonne Republicque & cité doivent obtenir le premier & plus honnorable lieu : & doivent estre de tous honnorés & reverés. Et quant ils sont tels qu’ilz doivent estre (comme dit saint Paul escrivant à Timotée) ils meritent d’avoir double honneur, mesmement quand ils lisent ou preschent l’Evangile. Et quand leurs œuvres & façon de vivre sont conformes & consonantes à leurs lecteures ou predications. À l’opposite (comme dit saint Hierosme en ses commentaires sur Ezechiel) grande est la dignité des prestres, mais aussi grande est la ruine d’iceux, quand ils sont meschans. Si les prestres & prelats s’esjouissent de leur elevation, il doivent craindre de la cheute : car la joie de leur elevation n’est pas si grande comme l’angoisse de leur depression : Gardent soy doncques les prelats & prestres de nostre Republicque qu’ils ne soyent assis en la chaire de pestilence, de laquelle parle David prophete & roy en son premier pseaume. Et au-surplus que Dieu au futur jugement universel ne leur die & reproche, qu’en ce monde ils se sont assis en leurs sieges pontificaux, comme jadis les Scribes & Pharisiens sur la chaire de Moyse8.
6Des réprobations similaires marquent le Theatre des Bons Engins. Stigmatisant la stupidité de ces « lourdaux asniers à testes grosses » qui, « en plusieurs lieux, portent mitres & crosses »9, elles avertissent ceux qui dévient par trop du « droict chemin » qu’ils seront punis « au respect de leur rang »,
Car des subjectz Dieu requerra le sang10.
7L’emblématiste se désole encore ailleurs du comportement des prêtres contemporains, constatant que les clercs se trouvent bien éloignés du modèle de prélat incarné par saint Saturnin11 ou soulignant à quel point les protonotaires modernes se trouvent indignes de leurs offices12. Sans toutefois justifier ses menaces ou critiques par de trop explicites références aux malversations qu’il condamne. « Combien que les prebtres et religieulx deussent estre myroir de pudicité et chasteté envers les autres, par humaine fragilité aulcuns d’iceulx ont esté prins en lubricité », note la Chronique 229 sans autre commentaire. L’auteur n’était pas lui-même exempt de reproches, et sans doute ces manquements n’étaient-ils pas ceux qui l’indignaient le plus13. Le Miroir Politicque ose une attaque plus directe de l’avarice des prêtres, épinglant, sous couvert des autorités de Giovanni Pontano, Francesco Filelfo et Poggio Bracciolini, la cupidité du cardinal Angelot. Celle-ci était telle que le prélat allait, de nuit, dérober l’avoine donnée par ses palefreniers à ses chevaux : l’un de ses serviteurs s’étant caché dans l’étable pour capturer le voleur, le cardinal fut une nuit roué de coups de fourche : « Voyla la recompence du follastre Cardinal condigne à son avarice », juge l’auteur14. Le passage concourt à illustrer le devoir de libéralité des magistrats pour inciter les lecteurs à suivre les exemples de grands mécènes15 ; il est difficile cependant de n’y pas voir une allusion à l’un des thèmes ayant inspiré le schisme luthérien : la cupidité de l’Église et, peut-être, le problème des indulgences16.
8Comme bon nombre de ses contemporains, La Perrière condamne l’incapacité dans laquelle l’Église de Rome se trouve de se réformer. Si l’on s’en tient aux rares évocations qu’il fait du souverain pontife, il semble lui conserver un respect minimal17. Néanmoins, séduit peut-être par les théories conciliaires réactivées par la réunion du concile de Trente, il porte un regard critique sur cette Église ayant dénaturé sa constitution originaire, autrefois fondée sur le « conseil » :
quant les princes de nostre loy, c’est à dire les sainctz apostres de Jesuchrist, combien qu’ilz fussent illuminez de la grace du sainct esperit, si ne voulurent-ilz decreter aulcune chose sur la discention et discord que fut entre les fidelles convertiz du judaisme sur l’observation des ceremonies legalles, sans assembler la congregation et conseil de toute l’esglise que ne faisoit que naistre, comme appert aux actes apostoliques ? D’avantaige, approuchant plus pres de nostre temps, l’esglise militante n’a elle pas tousjours usé de conseilz, tant pour la reformation du chief que des membres dicelle, comme appert par le discours des sainctz decretz et par Platine en la vie des papes. Or n’est pas sans cause et mistere si toutes manieres de gens ont usé de conseil actendues les merveilleuses et admirables utillitez d’icellui18.
9Pour lui, la religion est avant tout une question personnelle. Les sacrifices de l’âme, a-t-il noté, priment sur ceux du corps ; l’union, « par grâce et gloire », de Dieu et de l’âme humaine est plus fondamentale que le mariage éventuel de Dieu et de son Église en un « corps mysticque », qualifié de mariage « infime »19. Face aux désordres religieux de son temps, l’humaniste paraît s’être replié dans un certain mysticisme. Reste que, comptant le prêtre parmi les citoyens de la République20, il en fait une « maniere de gens » à part, portant mitre et crosse, revêtu de vêtements luxueux. Ici où là sensible aux idées de la Réforme protestante, il n’adhère manifestement pas à la doctrine luthérienne du sacerdoce universel21.
II. Les nobles
10Le Miroir Politicque, où les magistrats constituent le second ordre nécessaire à la République et les nobles le tiers, distingue la robe de l’épée. Proche des élites parlementaires toulousaines, l’auteur fait de la prudence civile une vertu supérieure à la vertu guerrière. Issu d’une ancienne famille noble ayant pu s’illustrer par ses faits d’armes, il continue néanmoins de véhiculer l’idéal médiéval du noble guerrier. Car l’idéal guerrier est toujours vivace au xvie siècle. Malgré l’ascension des gens de robe, le gentilhomme à l’éthique chevaleresque demeure, de Champier à Brantôme, la référence première22. La Perrière imagine celui-ci en armure, lance à la main et heaume sur la tête, prêt à la défense de la République23. Avec Végèce et Valturio, il continue d’estimer que
Ceste deffense de la patrie appartient à toute condition de citoyens, mais par exprés, & plus proprement, elle appartient aux nobles qui ont le manyement, l’usage & adresse des armes, & qui dés le berceau jusques au tombeau, sont (ou doivent estre) exercités en icelles24.
11Définies par Varron et « le jurisconsulte » comme « tous instrumens bellicques, tant pour assaillir noz ennemis que pour nous deffendre des assaux & emprises d’iceux », les armes sont nécessaires, a-t-il reconnu avec Aristote. Si elles « se changent & varient selon la varieté & diversité des climats », comme les lois, chaque nation en a l’usage25. Et pour cause : trois fonctions leur sont reconnues. Celles-ci consistent à châtier les mauvais citoyens et les contraindre à l’obéissance, se faire craindre des ennemis et leur résister, défendre, enfin, la liberté des citoyens26. Ainsi assurent-elles la justice et la stabilité de la République. La conscience des désastres engendrés par les conflits interdit à l’auteur toute promotion des aspects offensifs de la guerre. Il demeure en cela éloigné des perspectives dégagées par l’humanisme civique italien. Dès lors, soucieux de ne pas mêler l’ensemble des citoyens aux problèmes militaires, c’est aux nobles, spécialistes des armes et des techniques de la guerre, qu’il confie « principalement » le devoir de défendre la République27. Renversant la proposition aristotélicienne selon laquelle chaque citoyen, constituant « une partie » de l’État, lui appartient « en partie », il en déduit qu’« une partie de la patrie appartient en propre aux nobles »28.
12Pour autant, considérant que les vertus guerrières des anciennes familles nobles de France ont pu se transmettre à leurs descendants, puisque
l’ercercice & usage des armes, guerres & batailles de toute ancienneté a esté commis aux nobles. Et noblesse, jouxte ce que escrit Aristote […] est une clarté ou illustration procedant des ancestres, & un honneur procedant d’ancienne prosapie29,
13il ne peut se résoudre à croire en une hérédité des qualités. Celle-ci n’existe pas en une lignée royale, comment pourrait-elle avoir lieu chez de simples citoyens, fussent-ils nobles ?30 L’idée de race ne trouve en définitive sous sa plume que de rares échos. N’évoquant pas la question de la pureté du sang, il élude celle de sa préservation par des mariages endogènes31. C’est Salomon qu’il cite, à l’onzième de ses Proverbes, assurant que
Noblesse de race & prosapie est une vaine et folle jactance si elle n’est accompaignée de vertu32.
14L’humaniste sait avec quelle éloquence les critiques des sophistes, les moqueries de Lucien, les satires de Juvénal, les panégyriques de Claudian, le prophète Malachie et Sénèque l’ont montré. N’ignorant pas de quelle modeste lignée des Arpinates Cicéron était issu, il considère la justesse avec laquelle, au noble Salluste qui lui reprochait sa basse extraction, le grand orateur affirma qu’il était le premier noble de sa race et Salluste le dernier33. Les rois Saül et David, les apôtres Pierre, Jacques, Jean et bien d’autres, simples « mecaniques » ou pauvres pêcheurs, avaient des origines modestes ; aucun homme, quelle que soit sa noblesse ou « sa race », ne doit s’estimer « plus que les autres gens » par arrogance ou vaine jactance. En effet, juge-t-il,
tout ainsi que d’une mesme racine procede l’espine & la rose : semblablement d’une mesme masse procedent nobles et vilains. Et pour autant que l’espine picque & point, elle est rejetée : & la rose tenue en main pour sa bonne odeur & suavité. Semblablement qui par vices se rend vilain doit estre rejeté comme l’espine picquante. Et qui par bonnes vertus se rend odorant & suave doit estre prisé & veneré comme la rose & tenu pour noble de quelque race qu’il soit extrait34.
15Il n’y a qu’à considérer la disparité de mœurs et de caractères existant en une fratrie pour le constater :
La race & lignage ne fait pas l’homme noble ou vilain : mais cela fait l’exercice, éducation, institution & nourriture : car quand un homme est institué des ses premiers ans & enfance aux bonnes meurs, tout le surplus de sa vie, il sera enclin aux actes de noblesse et de vertu. Et à l’opposite, s’il est mal institué des son jeune aage, il aura tant qu’il vivra meurs barbares, estranges et plaines de toute vilennie35.
16La parabole de l’institution des deux lévriers de Lycurgue, relatée par Plutarque, en fournit une parfaite illustration. L’auteur du Miroir Politicque en déduit le devoir, pesant sur les magistrats et les nobles, de veiller scrupuleusement sur l’éducation des enfants de la cité. En confiant ceux-ci à de doctes précepteurs, « non moins ornés de bonnes meurs que des lettres », magistrats et nobles conservent la vertu des ancêtres à toute postérité36. Il en trouve l’assurance chez ses contemporains, constatant que
communement, les Nobles sont plus riches, de plus honnestes meurs, & de plus grande civilité, que les plebeyens, mecanicques, & gens de bas estat, & ce d’autant que des leur enfance, voire sortans de la nourrice, ilz sont instituez en toute civilité, & entre gens d’honneurs37.
17Entretenant leur précellence sociale par le culte des vertus et « civilités », les nobles se voient reconnaître un rôle nouveau dans la République : celui de sa « principale décoration ». Une nouvelle métaphore rustique en explicite l’idée :
Ceux qui ont escrit d’agriculture, recitent que la plus délicate & savoureuse partie du lait est le beurre, & qu’il soit vray, l’experience le preuve : car qui tirera le beurre du lait, le fromage qui se fera du lait desbeurré, ne sera guère bon : car sera trop sec, oculé, & trop aspre. Par similitude les Nobles sont le beurre & la cresme du lait de la Republicque, & qui les osteroit d’icelle, elle demoureroit (comme le mauvais fromage) seche, mal savoureuse pour sa rusticité, & aride par faute de civilité, laquelle se nourrit entre les Nobles38.
18C’est comme si, commente Arlette Jouanna, se formait à la « surface » de la société une « manière de gens » plus civilisée, concentrant les vertus de l’ensemble, une « délectable sécrétion produite par la dynamique des ascensions sociales »39. « Décorant » naturellement la république, cette élite paraît tout indiquée pour en assumer les charges politiques. Certaines assertions du Miroir Politicque le donnent du moins à penser, à l’instar de celle-ci :
Nobles et vertueux doivent estre decorez des plus honnorables estatz & plus eminentes dignitez du Royaume & cité, & les idiotz & infimes personnes ne doivent administrer offices, qui surpassent leur capacité40.
19L’assimilation entre noblesse et magistrature n’est pas absente de l’ouvrage41. Cependant, la plupart du temps, elle se résout par un constat négatif : ce sont des nobles allemands qui ont oppressé le peuple par d’injustes exactions42, des jeunes nobles romains ayant fait entre eux « monopole » pour restaurer la monarchie des Tarquins43, des nobles ou riches gouvernant en une oligarchie quand les vertueux et pauvres tiennent le pouvoir en une aristocratie44. Plus encore, ce sont les dangers qu’encourrait la République si les nobles accédaient au gouvernement qui percent ça et là : orgueilleux, les nobles, en effet, le deviendront plus encore si on leur confie de hautes dignités ; ils entraîneront la ruine de la liberté du peuple et de la République. Aussi les magistrats doivent-ils parvenir à contenir leur prétention et leur morgue. Pour La Perrière, l’affirmation d’Aristophane indiquant que les magistrats ne doivent « nourrir le lyon en leur cité » signifie
qu’il faut corriger les jeunes enfans des nobles & riches maisons de la cité de leurs insolences, ce pendant qu’ilz sont petit lyons (c’est à dire qu’ilz sont en adolescence) autrement il seront intollerables en leur virilité, & leur faudra obeir par force, comme au lyon quand l’on l’aura nourry jusques à ce qu’il soit devenu grand, duquel necessairement faudra souffrir45.
20Le phénomène de clientélisme qui plaçait à la Renaissance les nobles modestes sous le patronage des grands seigneurs, qualifié parfois de « néoféodalisme », n’était pas pour le rassurer46. Bien plus réservé qu’un Seyssel, lequel, considérant l’inhérente supériorité des nobles, se montrait favorable à ce qu’on leur confie des charges politiques47, l’historiographe toulousain, chargé de la glorification des élites municipales, ne commente ni dans le Miroir Politicque ni dans ses Chroniques le privilège de noblesse des capitouls48.
21Il ne se départit donc pas de son idée première : la position privilégiée reconnue à la noblesse demeure attachée à son utilité sociale originelle, c’est-à-dire à son rôle militaire. Toutefois, il ne peut que constater que, désormais, la guerre ne correspond plus à la fonction spécifique du deuxième ordre49. Entre le statut social reconnu à la noblesse et la vertu professée par certains de ses membres, le fossé se creusait à la Renaissance. Nombre d’entre les nobles méprisaient les lettres, boudaient l’Université50. Pour « vivre noblement », certains en étaient réduits à vivre chichement. Et quelques-uns se laissaient aller à des pratiques d’une moralité douteuse, peut-être à ces monopoles que le moraliste avait dénoncés en 1530. Partageant les craintes de Machiavel et de More51, La Perrière s’inquiète donc de l’« infructuosité » de ces nobles « oisifs et cependant pompeux »52. L’étroitesse de ceux qui, se glorifiant des vertus de leurs ancêtres, se montrent oublieux de fonder et d’entretenir les leurs le glace53. En définitive, il ne comprend plus la tradition française interdisant au noble toute activité commerciale :
Les nobles de France penseroyent faire deshonneur à leur noblesse, s’ilz se mesloyent du train de marchandise, reputans l’exercice d’icelle estre vile, mais les nobles d’Italie s’en scavent bien ayder, si fait bien le Roy de Portugal, qui par son train de marchandise nous ha descouvert plusieurs regions aux anciens Geographes incogneües [...]. Et d’autant, qu’un propos ameyne l’autre. Je treuve chose mal seante à aucuns nobles de Gascoigne, l’Auragés & Albigeoys (desquelz pour honneur je tays le nom) de se faire marchands de bledz les sarrans iusques au temps qu’il soit fort cher, ou qu’il survienne quelque sterilité ou famine, & lors ilz font rançonner le pouvre peuple, comme il leur plaist, ce que n’est pas sans grand charge de leurs consciences, ou l’Escriture mentiroit, qui maudit ceux qui cachent les fromments, pour les vendre cherement en temps de sterilité. Ce n’est pas moy que le dy, c’est Salomon à l’unzième de ses Proverbes54.
22À ses yeux, la noblesse ne faisant plus profession des armes n’a plus d’utilité sociale. Il constate qu’inactive, elle peut-être dangereuse. Or, ses lectures sinon ses voyages le lui ont appris : en Angleterre et en Pologne, en Italie, les gentilshommes pratiquaient le commerce ou exerçaient un métier manuel sans pour autant perdre leur statut noble55. Venise en était une parfaite illustration56. Certains penseurs, comme Alciat, reconnaissaient que le commerce n’était pas indigne du gentilhomme puisque, la mer étant « pleine de périls », il fallait y « combattre les quatre éléments »57. En France, dans les grandes villes marchandes comme Marseille, Bordeaux, Avignon, Toulouse ou Lyon, où les Médicis donnaient l’exemple, certains prenaient le risque de la dérogeance58. En invitant toute la noblesse du royaume à suivre leurs exemples, La Perrière accompagnait l’évolution de la société. Avec de l’avance sur son temps : seule la coutume de Troyes autorisait alors les membres du premier ordre à vivre « noblement ou merchandement », et la plupart des penseurs comme la royauté devaient se refuser encore longtemps à aller en ce sens59. Maintenant des principes inadaptés aux pratiques sociales, ils cherchaient à préserver une prééminence dont la légitimité s’estompait ; en les assouplissant, La Perrière ne se rendait pas compte, lui, qu’il poussait les nobles hors de la catégorie sociale qui fondait leur statut privilégié.
23Pour l’humaniste, la noblesse d’âme constitue une vertu exceptionnelle, individuelle, acquise seulement par constance60, et la noblesse en tant que catégorie sociale, chargée de défendre la République, inspire le respect. Mais entre l’une et l’autre, aucune identification stricte n’est permise. Soigneuse d’entretenir ses vertus, celle-ci constitue la « décoration » de la République, mais écartée de sa fonction première, oublieuse des valeurs de ses ancêtres et dénuée d’utilité sociale, elle ne mérite que mépris. De manière assez novatrice, La Perrière lui suggère donc de ne pas tarder à réviser les codes de conduite sur lesquels elle fonde son prestige61. Que, désireux de conserver la haute main sur les armes, les nobles conservent le savoir technique nécessaire à leur maniement ! Qu’ils ne négligent pas l’apprentissage des arts et des lettres, instruments de toute bonne civilité ! Qu’enfin, ayant pris acte des mutations subies par la science militaire, ils ne dédaignent pas les métiers du commerce ! Il se fait l’écho, indéniablement, d’une assez radicale remise en cause de leur prééminence sociale62.
III. Les bourgeois
24Représentés dans le Miroir Politicque de belle stature, magnifiquement vêtus, les bourgeois procurent à la République les richesses qui lui sont nécessaires,
Et ce pour autant qu’ilz sont fondés en la cité de toute ancienneté ayants rentes, revenus & possessoires : dont à bonne raison l’on les peut appeler les colomnes et piliers de la cité, & fondemens de la Republicque63.
25En dépit des préventions qu’il éprouve à l’encontre des richesses artificielles, l’auteur considère leur rôle fondamental64. Précisant ici sa vision anthropomorphique du corps politique en glosant une célèbre formule de Cicéron, il affirme que la « pecune » des bourgeois constitue « le nerf de la République »65,
Car tout ainsi que par les nerfs tout le corps humain à sentiment & mouvement (comme disent les phisiciens anathomistes & mesmement le treseloquent & docte medecin Alexandre Benoist en son histoire du corps humain). Semblablement le corps de la Republicque par les nerfs de sa pecune et richesse ha sentiment & mouvement d’assembler gens de guerre pour deffendre sa liberté : ce que ne se pourroit faire sans pecune : & mesmement au temps present, au quel qui ha d’or & d’argent à foyson, trouvera plus de gens de guerre qu’il ne voudra66.
26En temps de guerre, les bourgeois doivent dès lors être les premiers à fournir l’argent nécessaire à la défense de la cité, « comme les plus aisés & mieux fondés ». La raison en est pratique : cent d’entre eux parviendront plus rapidement à trouver une certaine somme d’argent que ne le pourraient dix mille artisans ou mécaniques67. L’humaniste indique là qu’il a pris acte du décalage existant entre le devoir noble de défendre la République et les pratiques militaires de la Renaissance68. Si, dans ses développements apparents, il fait encore des nobles les premiers défenseurs de la République, il sait que ce sont désormais les bourgeois qui assurent ce rôle par leurs capacités financières à lever des milices. Qu’il en ait eu ou non une conscience très claire, en incitant les nobles français à pratiquer le commerce, il leur enseignait donc un des moyens d’assumer à nouveau leur fonction première. Il n’en déduit pas pour autant une prééminence particulière des bourgeois69. Au contraire : ce n’est que dans sa définition de l’oligarchie qu’il assimile les possesseurs de richesses aux nobles, et il le fait alors dans une perspective qui est loin d’être élogieuse70.
27Préoccupé seulement de l’utilité politique des richesses des bourgeois, il passe ici sous silence la question de l’origine de leurs biens : le trafic et le commerce. Les marchands, que le terme de bourgeois désigne aussi sûrement qu’il désigne ceux qui prennent une part active à la vie communautaire, appartiennent à ses yeux à la catégorie des artisans71. Leur rôle ne s’en trouve pas amoindri. Aristote en effet l’a démontré, sans eux, aucune communauté ne pourrait être accomplie,
d’aultant que civile societé presuppose communication de trafficque, contraux, ventes, achaptz, et autres choses semblables72.
28L’antiquité et l’universalité du train de marchandise est manifeste, la Genèse signalant notamment que Joseph a été vendu à des Ismaélites portant de la « resine de Stacte & autre droguerie aromaticque de Galaad pour la vendre en Égypte »73. Elle est naturelle, car, comme l’enseigne « curieusement » Jean Tixier de Ravisi,
nature n’a pas voulu eslargir tous ses biens en un seul lieu, ains les a voulu partir & diviser donnant à un climat ce que faut à l’autre, recompensant la sterilité d’une chose, par la fertilité d’une autre74.
29De tels échanges permettent d’amener en maints pays des richesses qui ne s’y trouvent pas. Déjà, du temps de Virgile, les Indiens vendaient leur ivoire en Europe ; de toute ancienneté, les Sabéens y envoient leur encens, les « Calybes » du fer et de l’acier. La Perrière a lu dans le récent ouvrage de Ruellius (Œuvre des arbres et des plantes) que, depuis peu, du Brésil, de l’ébène et du gaïac y sont importés de Calicut, terre nouvellement découverte dans le pôle antarctique75. Il note que la rivalité opposant plusieurs nations n’entrave pas tout commerce : au Moyen Âge, les Anglais, « anciens ennemis de France », dépêchaient leurs draps à toulouse et réciproquement, les méridionaux leur communiquaient les vins dont ils étaient naturellement privés « par la rigueur de leur climat, qui est trop froid et septemptrional »76. L’humaniste se félicite de ces fructueux échanges. Mais fidèle à une vision chrétienne du commerce, il exige des marchands une certaine éthique. C’est la raison pour laquelle il menace ceux qui, à l’instar des nobles d’Albigeois, trafiquent avec rapacité au détriment du peuple, non « sans grand charge de leur conscience », car
la vraye societé des marchands prent sa visée au but de l’utilité tant privée que publicque77.
30En définitive, louant les bourgeois pour leurs capacités financières et les marchands pour leurs activités commerciales, il se révèle incapable de valoriser les uns et les autres d’un point de vue individuel. L’activité marchande, au XVIe siècle, ne s’est pas imposée comme un idéal de vie enviable en soi ; elle n’est considérée que comme une étape sur le chemin de l’ascension sociale78. Dans le Miroir Politicque, le bourgeois est un marchand parvenu, et dans une République ordonnée où le monde des offices et des magistratures a pris le pas sur la noblesse, il occupe seulement le troisième rang. Le marchand qui n’a pas encore pris le chemin de cette ascension sociale, lui, est relégué parmi l’éclectique catégorie des artisans.
IV. Les artisans
31« L’estat des artisans et mechanicques est une des principalles et necessaires parties de toute Republicque », proclame la Chronique 218 des Annales de Toulouse79. Quand Platon y voyait la première partie du corps politique80, l’auteur n’en fait que la cinquième « manière de gens » du Miroir Politicque. Représentée par un artisan muni des attributs d’un géomètre, celle-ci est chargée de pourvoir la République en « artifices », définis avec Aristote et Diomède comme
habitude d’ouvrer par vraye raison […]. Art est science de certaine chose, acquise par usage, erudition ou raison tendant aux usages à la vie humaine necessaires81.
32Spéculatifs (théoriques) ou actifs (pratiques), tous artifices cherchent à approcher au plus près la nature, explique l’auteur en rappelant avec Aristote qu’après Dieu, nature est la chose la plus parfaite qui soit, et qu’ainsi, « tant plus l’artifice approche à nature, tant plus il est meilleur & plus parfait, comme appert aux images & statues »82. Néanmoins les arts libéraux, méritant plus ample « indagation », ne l’intéressent pas ici. Attentif à découvrir les aspects concrets de la vie de la République, il s’attache exclusivement aux arts mécaniques nécessaires aux usages de la vie humaine comme « à la perfection politicque & conservation d’icelle »83. Expliquant à propos pourquoi l’homme, incapable de satisfaire seul l’ensemble de ses besoins matériels, a créé la cité, il explique qu’artisans et laboureurs apportent aux citoyens et à la République les biens qui leur sont nécessaires. Et les énumère : laboureurs, bouchers, poissonniers, vivandiers, revendeurs, boulangers, taverniers, pâtissiers, rôtisseurs, cuisiniers et bien d’autres fournissent les victuailles ; maçons, charpentiers, géomètres, serruriers, menuisiers et tailleurs de pierre œuvrent à l’édification des maisons ; marchands, veloutiers, drappiers, couturiers, chaussetiers et semblables « fripeurs » confectionnent les vêtements84 ; enfin, tandis que les médecins, chirurgiens, apothicaires et « drogueurs » conservent les citoyens en bonne santé, les armuriers, « fourbisseurs, coteliers », selliers, « esperoniers et mareschaux » brident et bardent leurs chevaux, leur fournissant les armes et les harnais nécessaires à leur défense85.
33Dépassant les six distinctions préétablies pour embrasser certaines « manières de citoyens » déjà par ailleurs évoquées, La Perrière entend montrer ici l’exemple d’une activité industrieuse. Considérant la constance des besoins à satisfaire, cette besogne doit être continue sinon permanente, c’est pourquoi il appartient aux magistrats d’en maintenir l’intensité, car
Le principal soing & cure des magistrats doit estre telle envers les artisans de ne les laisser chommer par paresse ou negligence assoupir : & moins encore faire fraude en leurs artifices86.
34À l’instar des capitouls, les magistrats doivent donc veiller au bon ordre des corporations de métiers, contrôler les marchands irrespectueux des lois et sanctionner leurs fraudes87 en contraignant publiquement ceux qui refusent d’œuvrer au bien commun. Les Indiens gymnosophistes, relate La Perrière, punissaient plus que tout autre le vice de paresse, refusaient d’alimenter les enfants ou serviteurs sains et en âge de travailler qui n’avaient pas accompli leur devoir. Les fainéants, juge-t-il, ne méritent pas d’être repus88. Il n’est nullement question ici de laisser à l’individu le temps du repos et de l’épanouissement personnel. L’auteur du Miroir Politicque ne vit pas en Utopie89, c’est le comportement exemplaire des fourmis ou des abeilles qu’il met en avant pour démontrer la nécessité d’un travail besogneux et continu, car « nous devons travailler durant l’esté de jeunesse, pour nous alimenter en l’hyver de vieillesse ». La frivole cigale doit donc être mise au travail. Sans autre forme de procès. Condamnant à mort ceux qui ne voulaient travailler, les lois de Dracon étaient excessives, « plaines de telle severité que l’on les disoit estre escrites plustost de sang que d’encre ». Mais, pour contrôler l’activité des citoyens et identifier ceux qui, déviant de toute honnêteté, se livrent à des larcins pour vivre ou accroître leurs revenus, le dénombrement précis des citoyens, de leurs moyens de vie et de leurs dépenses qui avait autrefois cours en Égypte, peut s’avérer utile :
Pleust-il (ores) à Dieu qu’en nostre cité de Tholose fut introduite telle ou equipollente loy qu’estoit en la Republicque des Egyptiens : en laquelle n’avoit habitant du quel le nom ne fust enregistré au livre des magistrats pour scavoir de quoy il vivoit & pouvoit sustanter tant soy que sa famille. Lesdits habitants estoyent plusieurs foys l’année interrogés de leurs gaing & recepte, pour veoir s’ils estoyent accordans à la mise & despense. Et lors le magistrat pouvoit juger facilement si aucuns des habitants vivoyent de leur industrie, artifice, ou bien de larrecin. Et les vagabonds (qui communement sont les pestes de la cité) estoyent facilement congneus & consequemment expellés & bannis de la Republicque90.
35Bodin saurait s’en souvenir91.
V. Les laboureurs
36C’est un laboureur au travail qu’imagine La Perrière : une serpe dans la main droite, une pelle dans la gauche, hache et faucille à la ceinture et rateau aux pieds, celui-ci est aux champs92. Il ne lui appartient pas d’ailleurs d’aller « discourir » par des collèges et écoles, est-il affirmé93. Cette sixième et dernière manière de gens, en effet, n’est pas la moindre de la République, et,
combien qu’ils soyent de moindre reputation que les autres de la cité, si sont-ils d’aussi grande utilité. Car, comme disent les jurisconsultes, le ventre ne peut endurer dilation. Et comme dit le vieux adage, le ventre n’a point d’oreilles. La sustentation corporele de la cité vient du travail des laboureurs94.
37Les multiples métaphores rustiques émaillant les œuvres de l’humaniste le donnent à entendre : celui-ci se passionne pour les choses agricoles. S’il ne s’adonne pas lui-même aux joies du jardinage dans la borde possédée à Saint-Aubin par le collège de Saint-Mathurin, il a beaucoup lu sur la question et n’ignore ni la technicité, ni la rudesse, ni les plaisirs engendrés par le travail agricole95. L’un de ses emblèmes fait allusion à la possibilité de greffer les arbres infructueux96. Le Miroir Politicque indique que le jardinier doit être soucieux de bien cultiver son verger, précise qu’il lui faut prendre garde de renouveler son parc, et remplacer par de jeunes plants les arbres vieillissants97. Distinguant quatre sortes de terroirs98, il assigne trois tâches principales aux agriculteurs : connaître la nature du sol et la façon de semer et cueillir, posséder des bœufs, chevaux ou autres « instruments » de labour, enfin, être diligent et persévérant en besogne99. Aux champs où il sème le blé, le laboureur doit montrer continuel labeur, long travail et grande sollicitude100 ; « si par sa negligence, ses champs ne portent bled, segle, avoyne, orge, feves, poys, ou autre espece de grain, pour alimenter la Republicque », il mériterait d’être repris101.
38Partant, ce dur labeur portera des fruits savoureux. Cicéron l’a relevé, le bon « mesnagier champestre » est « en tous temps pourveu de pain, vin, chair, œufz, laict, beurre, fromage, frutages, boys, fagots, bourrées, sarments : le tout sans acheter & sortir argent de bource ». Joignant l’utilité à la volupté, goûtant les fruits nés dans son propre verger, il connaît des plaisirs inconnus des « praticiens des cours civiles »102 qui « n’ayment que procès » et mettent « tout leur engin & solicitude à troubler la tranquilité politicque »103. Critiquant en règle ces derniers, La Perrière se laisse aller à un éloge exalté de la vie rustique. Une voluptueuse vie « champestre » procure, dit-il, « la commodité des quatre elements plus grande beaucoup que aux viles & cités ». Aux champs, le soleil répand « ses raids d’Orient en Occident » ; le feu est meilleur qu’à la ville, l’air plus clair et plus sain, les vents purificateurs, l’eau plus rafraichissante et délectable, la terre, enfin, fertile et productive. À l’instar de très nombreux auteurs classiques, dont Cicéron, les poètes toscans Dante et Pétrarque l’ont démontré,
jamais n’a esté homme de bon engin qui n’aye preferé (tant pour la santé du corps humain que pour la recreation & tranquilité de l’esperit) les champs aux cités & villes & l’agriculture, à la civile societé104.
39Aussi Dioclétien et bien d’autres ont-ils abandonné leurs palais, Capitoles et autres somptueux édifices pour se retirer aux champs et mener une vie agreste, cultivant de leurs mains leurs arbres et jardins105.
40Cette aristocratique digression, partie de l’évocation du besogneux laboureur, allait à rebours de toute la problématique développée dans le Miroir Politique. L’auteur n’y avait-il pas pris garde ? C’est de manière assez malvenue qu’elle venait inciter au retrait de la vie civile, et conclure un manuel destiné à apprendre aux magistrats comment gouverner la chose publique.
Conclusion
41Chaque citoyen doit participer à l’une ou l’autre des catégories productives permettant à la République de fonctionner, en sacrifiant vertueusement à la satisfaction de l’intérêt commun. Aux laboureurs de ne pas épargner leur peine pour produire les aliments ; aux artisans de ne pas frauder dans la confection des artifices ; aux bourgeois de donner leur argent pour la défense de la liberté ; aux nobles d’entretenir leurs vertus ; aux prêtres, enfin, de procéder aux sacrifices sans entretenir les superstitions. Le rôle de chacun étant fondamental, il importe que chacun soit en état d’accomplir son office106. L’inadéquation d’un individu à sa fonction entraîne la remise en question de son statut social. Les prêtres dépravés et les nobles indignes sont menacés, les marchands corrompus sanctionnés, les artisans oisifs chassés du corps politique. C’est par sa fonction que chaque « manière de gens » se distingue107. Depuis le XIIe siècle, les moralistes avaient coutume de structurer la société au gré d’activités professionnelles sans cesse plus définies108. La classification établie dans le Miroir Politicque n’en présente pas moins quelques éléments novateurs. Distinguant les individus au sein de l’appareil administratif de l’État109, elle reflète l’idée que le gouvernement s’exerce désormais non pas tant sur des volontés que sur des activités spécifiques ou des richesses diverses, sur des potentiels différents et des populations affectées à des tâches précises. Montrant qu’il doit être fondé sur la prise en compte des conditions générales de la vie de l’État, elle préconise l’identification des facteurs humains et matériels qui sont à sa disposition. En 1550, l’avènement de l’État comptable n’est pas si loin110.
42En incitant les nobles ruinés à faire profession de commerce, l’auteur du Miroir Politicque ne prône pas la possibilité pour tout un chacun de glisser d’une « manière de gens » à une autre. Ceux-ci n’assument plus la fonction sociale dont disposaient leurs ancêtres, il est donc logique qu’ils en choisissent une nouvelle, éventuellement différente de celle à laquelle les prédisposait leur naissance. Par principe, chacun se voit ordonner de demeurer à sa place, à l’instar des laboureurs dont l’office « est de vivre en leur simplicité, & ne se mesler de choses ardues, ains de faire le devoir à cultiver les champs »111. La permanence et le bon fonctionnement des six « manieres de gens » sont essentiels au corps politique, lequel doit demeurer sous l’autorité du magistrat dans la « contemperance de dissimilitude » :
ce que fera quand à chacune des parties dissemblables l’on attribuera l’office qui luy appartient, ostant toute l’occasion de la discorde, qui pourroit survenir par la dissimilitude112.
43Partant, la onzième cause de sédition des citoyens sera battue en brèche113. Et l’harmonie du corps politique assurée :
Et combien que lesditz membres soyent en soy dissemblables de forme & d’office, si se reduisent-ilz tous en une harmonie, & s’accordent tellement ensemble, que l’on n’occupe l’office dedié naturellement à l’autre : car l’œil ne se mesle point de toucher, ne la main de veoir : semblablement, au corps politicq, la dissimilitude des parties d’icelle sera contemperée, quand chacune partie exercera l’office à soy approprié, sans occuper l’office approprié à une autre partie114.
44Une ultime précaution cependant sera nécessaire : réguler l’immigration. Les étrangers doivent être reçus « humainement » par la République. La Perrière se félicite de ce que Toulouse les accueille avec hospitalité, et soit allée jusqu’à récompenser un écolier espagnol aux Jeux Floraux « combien qu’il y eust plusieurs des citoyens, & autres que l’avoyent mieux meritée, que luy »115. Mais leur accueil demeure conditionné au respect de deux principes fondamentaux. Le premier est celui de l’utilité : la venue des étrangers n’est bénéfique, estime l’auteur du Miroir Politicque, que « pourveu qu’ils viennent en la cité pour cause de quelque chose honneste & utile à icelle »116. Le second tient à leur nombre : il ne serait pas bon de les admettre trop nombreux car fomentant une révolte, ils pourraient devenir maîtres de la cité117 sinon participer de l’insoumission des vrais citoyens. Or l’équilibre du corps politique exige le maintien de l’autorité en place et l’obéissance des gouvernés.
Section II. L’obéissance
45L’auteur du Catalogue et Summaire s’en félicite en 1540 : Toulouse jouit d’un privilège « conforme au droict de nature » enseigné dans le Digeste118,
c’est que tous hommes sers et esclaves de quelque nation et contrée qu’ilz soient, venantz à Tholoze ou aux limites d’icelle, retournent à leur naturelle ingenuité et franchise originalle ; de telle facon que ne peuvent estre reduictz, vindiquez ou retournez en servitude de leurs maistres quelz qu’ilz soient119.
46C’est de toute antiquité, relève-t-il dans le Miroir Politicque, qu’« en ce noble & franc Royaume », servitude est inconnue, « & dit l’on que c’est un des chiefs de la loy Salique establie par Pharamond, premier Roy des Françoys »120. La liberté, naturelle sinon universelle, participe de sa conception de la société politique : instituée par l’homme, celle-ci est naturellement fondée sur l’adhésion volontaire des citoyens et sur leur soumission au régime ainsi mis en place. Aussi cette obéissance doit-elle être fondée sur l’amour, non sur la crainte, devant être
voluntaire et non contraincte, filiale et non servile121.
47Pour la communauté politique, le principe est fondamental : les citoyens doivent être mus par l’amour de leur République (I). À défaut, l’imprudent magistrat se pourrait bien exposer à la rébellion du peuple (II).
I. L’amour de la République
48Suivant Aristote, qui avait établi une sorte de filiation entre le citoyen et la cité122, bien des penseurs médiévaux considéraient l’amour de la patrie comme le devoir premier du chrétien123. À la Renaissance, avec la diffusion des œuvres de Platon, les théories faisant de l’amour le fondement essentiel de la société fleurissaient. Découvrant dans l’amour le créateur et le conservateur de toutes choses, la force amalgamant le tout en une même réalité, Marsile Ficin leur avait donné de troublants accents dans son Commentaire du Banquet124. Érasme notait avec Cicéron qu’« une cité n’est rien d’autre que l’amitié de tous ceux qui, liés harmoniquement entre eux, se protègent par une aide mutuelle sous les mêmes lois »125. L’étrange Cupido jurisperitus d’Étienne Forcadel révèlerait sans doute à quel point ces idées avaient pénétré les facultés de droit, influençant déjà les grands jurisconsultes126. Nombreux étaient ceux qui, tel La Perrière, voulaient croire en l’existence d’une « colligance admirable [qui] n’est autre chose que celle merveilleuse chayne homerique » soumettant irrémédiablement le monde à l’amour127, et l’auteur du Miroir politicque constate avec Cassiodore quelle inclination pousse l’homme à affectionner tout particulièrement le pays de sa naissance,
Les bestes sauvages ayment les boys & forestz. Les oyseaux ayment l’air, les poyssons la mer, & les fleuves : les humains aiment le lieu originaire de leur naissance. Bref, hommes & bestes aiment les lieux où ilz pretendent longuement vivre & resider128.
49Les réalités politiques de la Renaissance cependant s’accordaient mal avec ces belles doctrines. L’auteur éprouve d’ailleurs quelques difficultés à glisser de l’amour de la patrie à celui de la République. L’adhésion à la thèse conventionnelle de la constitution de la cité pouvait amener naturellement cette transition. Aristote l’avait montré : l’homme, ayant créé la cité pour servir ses propres desseins, est naturellement conduit à l’« amitié civique »129. Mais l’histoire comme l’observation du temps incitaient à la Renaissance à nuancer ses assertions. La Perrière voit ses contemporains aussi peu aimants à l’endroit de leurs cités que peu empressés de les servir. Cet amour, dont il fait la première des conditions requises à la conservation de la République comme le critère distinguant le bon citoyen du mauvais130, tient donc davantage chez lui de l’obligation morale que du sentiment naturel et inné. « Nous ne sommes pas nayz seulement pour nous », prévient-il en citant Platon via Cicéron131. L’amour du citoyen pour sa patrie revêt ainsi les caractères d’un devoir civique. Un devoir auquel chacun doit satisfaire, gouvernant comme gouverné. Le magistrat n’aimant point le régime politique en place ou regardant sans amitié les sujets sur lesquels s’exerce sa domination doit être récusé132. Chacun doit à sa république cette fidélité absolue, laquelle, « diametralement contraire à trahison », était pour Sénèque
le tressaint bien de la poitrine humaine, laquelle ne peut estre contrainte à trahir par aucune necessité, ne corrompue par aucun guerdon133.
50N’est pas ici reconnue la nécessité qui pourrait contraindre les hommes. Nulle trahison, nulle corruption n’est autorisée ; aucune duplicité n’est comprise ni légitimée. L’humaniste stigmatise les faussetés commises par des traîtres ignominieusement célèbres pour exalter la « rectitude de pensée, par laquelle chacun est obligé de recompenser l’amitié, de celer le secret promis, d’accomplir la chose promise, & de demourer en fermeté de propos ». Tout homme, quel qu’il soit, se doit à ses yeux de faire montre d’une fidélité parfaite à l’égard de ses concitoyens, amis et ennemis, riches et pauvres, princes et vassaux, maîtres et serviteurs, car,
Il y a certaines vertus que tous ne sont pas habilles à les recevoir, mais aucun ne se peut excuser qu’il ne puisse estre fidele. À ceste vertu nature nous ha tous voulu obliger [… ]134.
51Un « Arbre de Fidélité » précise ces impératifs : croire en Dieu, se conserver soi-même, secourir la République, aimer son prochain, bien exercer son office. L’impératif religieux, autrefois saillant chez les Romains, n’est pas ici développé135. L’hypothèse d’une éventuelle contradiction entre ces diverses obligations n’est pas non plus envisagée. L’auteur n’aborde pas la question qui agitait tant ses contemporains : faut-il privilégier la fidélité à Dieu, ou celle due à son prince ? Concluant son développement par un constat des plus évidents, à savoir que sans fidélité, « Monarchie, Royaume, cité ne maison se peut aucunement conserver », il constate amèrement qu’elle est un des bien les plus rares, voire les plus inaccessibles de ce monde136.
52Fidélité est en effet une maîtresse exigeante : l’amour de la République suppose sa défense, c’est dans l’adversité qu’il doit se manifester avec le plus d’intensité. Le temps de guerre, quoi qu’en juge l’humaniste, fonctionne alors comme un espace privilégié de vertu. La fidélité doit s’y parer de « fortitude », le citoyen démontrant son aptitude à « soustenir & repouser les choses difficiles à souffrir » pour la patrie comme il le ferait pour Dieu ou pour ses parents137. Il doit être prêt à tout : « il n’est danger que l’on doive craindre pour deffendre sa cité : car il vaut myeux perir pour plusieurs, que perir avec plusieurs ». Comme l’a exprimé Cicéron,
qui deffend sa cité, deffend soy mémes & les siens. Qui refuse de mourir pour deffendre sa Republicque, il meurt ensemble avec elle, d’autant que ruynée la cité, les citoyens sont consequemment ruynez138.
53À grand renfort d’autorités et d’exemples, le Miroir Politicque comme les chroniques des Annales de Toulouse établissent la grandeur du sacrifice personnel139. Ce sont Périandre et Horace qui affirment qu’il est beau et honnête de mourir pour sa patrie, Justinien qui dit que ceux qui meurent pour la défense de leur République sont toujours vivants par la gloire. Les exploits accomplis par Codrus, Thémistocle, Brutus, Curtius, les deux Decius, Eléazar, Thrasibule, Scaevola, Onias et les barbares Philènes, mais aussi Aristote, le préteur Aelius ou Scipion l’Africain qui le démontrent. Encore la virilité d’Horatius Coclès les surpasse-t-elle, car, alors que tous ses compagnons d’armes s’étaient enfuis, le chevalier romain fit un rempart de son seul corps aux innombrables ennemis de la République. Au terme de la bataille, alors que venait de se rompre le pont qu’il avait âprement défendu, il se jeta dans la profonde rivière,
plus pesant que plomb de ses armes, & plus legier que plume du bon zele qui le portoit envers les siens. Ô bon Dieu ! Quel spectacle ! Qui ne fut pas moins admirable à ses ennemis, que proffitable à ses amis !140
54Une telle virilité ou « fortitude heroicque », notait le philosophe platonique Apuleius, rapproche l’homme de Dieu141. La Perrière paraît acquiescer. Ainsi, rejoignant Cicéron et son commentateur Macrobe, il constate que toutes nations ont placé les citoyens courageux, zélateurs et protecteurs de Républiques « au supreme degré de collaudation et gloire ». Il sait qu’elles leurs érigeaient, autrefois, de magnifiques statues publiques142. Chacun, estime-t-il, doit être prêt à sacrifier sa vie à sa patrie. Les citoyens comme le prince. « Mauvais est le chevalier qui suit son Prince à la guerre en plourant »143 ; indigne est le prince qui envoie ses sujets à la guerre sans en assumer lui-même les risques, juge-t-il. À rebours des positions prises par les légistes, il suit Aeneas Sylvius, qui arguait de ce que le Christ s’était sacrifié pour l’Église, pour inviter les princes à faire de même si le bien commun l’exige144. Le roi de Sparte Léonides, après avoir résisté trois jours aux innombrables troupes du roi de Perse Xerxès, « se persuada de mourir pour la deffense de sa patrie »145.
55Impliquant une stricte abnégation personnelle, cet amour de la République fait fi des sentiments personnels des citoyens : « une Republicque ne peut estre durable, si les affections des Cytadins n’en sont ostées »146. Le patriotisme est non seulement un devoir religieux mais aussi une vertu civique147.
II. Le droit de résistance
56Tout ainsi que le citoyen est tenu de bien et promptement obéir, le magistrat est tenu de prudemment commander, soutient l’auteur du Miroir Politicque148. Le citoyen insubordonné, on l’a vu, doit être sanctionné. Mais qu’en est-il du magistrat imprudent, qui oppresse le peuple ? Le citoyen se trouve-t-il en droit de ne pas obéir ? Lui appartient-il de résister et, partant, de se substituer à l’autorité défaillante ? Questions anciennes et controversées. Saint Paul avait prêché un strict devoir d’obéissance ; les théoriciens médiévaux reconnu au peuple un devoir de résistance passive149. Ces derniers n’étaient pas sans écho au début du XVIe siècle150, mais la restitution du texte originel de l’Apôtre menée par Lefèvre d’Étaples et par Érasme tendait alors à accroître la portée de ses admonestations. Tandis que le Batave avait remplacé la notion médiévale d’obéissance conditionnelle ou différée par celle d’obéissance passive151, Luther considérait que « Dieu préfère souffrir l’autorité injuste, que le peuple soulevé pour une juste cause », et qu’il fallait obéir aux lois, payer les tributs et porter le joug de sujétion d’une bonne et franche volonté152. Dans le contexte polémique du schisme luthérien et d’une répression grandissante de l’hérésie, la question agitait tous les penseurs, y compris La Perrière.
57Sans doute inspiré de Jean de Galles, un emblème du Theatre des Bons Engins constate qu’en cas de rébellion, le roi doit s’incliner :
Le roy d’eschetz, pendant que le jeu dure,
Sur ses subjectz ha grande preference :
Si l’on le matte, il convient qu’il endure,
Que l’on le mette au sac, sans difference153.
58L’emblématiste pour autant trouve sans doute illégitime le renversement du chef. Dans les Annalles de Foix en effet, fort inquiet des dérives tyranniques d’un gouvernement royal oublieux du bien commun, il se montre fort curieux de la manière dont sont morts les tyrans, et relate avec force détails les tourments endurés par ceux qui furent atteints de phtiriasis154. Mais il se félicite de la mort des tyrans sans seulement autoriser le peuple à regarder de front les erreurs commises par les princes :
Si de noz basses cavernes, nous osons lever noz yeulx aulx haultz et sublimes palaix d’aulcuns princes (Combien que leurs erreurs ne soyent subgectz à nostre correction, et moins encore leurs meurs corrompues à nostre reformation), Nous trouvons que leur temporelle felicité n’est immune de perpetuelle calamité, actendu que souvent ilz perissent, plus par les secrettes trahysons de leurs domesticques que par les patentz assaulx des estranges155.
59Observant que l’Africain Massinissa s’entourait de chiens de garde et que Denis de Syracuse ne se laissait raser que par ses filles, lorsqu’elles étaient enfants, ce sont les tyrans qu’il semble plaindre156. C’est sans commentaires qu’il relève que, jadis, les Allemands gratifiés par Charles Martel du pays de Béarn occirent ses seigneurs, soupçonnés de ne vouloir les maintenir en leurs us et coutumes157. Aucune conclusion n’est par ailleurs tirée du récit de la rébellion ayant eu lieu à Montpellier en 1378. Soulevé contre les taxes, le peuple avait massacré quatre-vingts de ceux qui étaient chargés de les prélever avant de jeter leurs corps dans un puits. Le duc d’Anjou, frère du roi et gouverneur de Languedoc, s’était montré sans pitié. Entré dans la ville, il avait soumis le peuple qui, à genoux et tête nue, criait miséricorde. S’étant fait remettre les clefs de la ville par les consuls portant la hart au col, il les avait obligés à aller chercher les morts ; les harnais avaient été confisqués, l’université perdue, une grosse amende infligée à la ville. La Perrière bien sûr se désole des malheurs survenus aux receveurs comme au peuple. C’est avec soulagement qu’il constate que l’intercession de plusieurs prélats permit de réduire la sentence158. Sur la légitimité de la révolte, il ne se prononce pas, mais il y a fort à croire qu’il estime alors, comme il l’écrit aux Toulousains exaspérés par les revendications financières de François Ier, que,
les princes, comme dit Plutarque philosophe et orateur grec, sont envers nous et ça (ba) bas en terre comme simulachres vrais et imaiges de Dieu, et que à iceulx sommmes tenuz d’obeir jouxte nostre faculté sans aulcunement disputer de leur pouvoir et aucthorité, comme dict l’apostre, d’aultant et pour raison que non sans cause Dieu très-bon et très-grand leur a baillé le sceptre pour regir et le glaive pour pugnir [… ]159.
60À la municipalité sommée de satisfaire aux exigences royales nécessitées par l’effort de guerre, il présente dans sa Chronique 218 l’obéissance comme une fidélité volontaire, considérée « l’extreme necessité instante », et « nonobstant leursdictz privilieges et sans prejudice d’iceulx », une fidélité d’autant plus importante « que Dieu estime plus obeissance que sacrifice »160.
61Au cours de la décennie suivante, il a pu néanmoins constater les progrès faits par les thèses contraires. Divers auteurs luthériens s’étaient attachés à démontrer l’existence d’un droit de résistance appartenant aux magistrats inférieurs, voire à tous citoyens. Tandis que les œuvres médiévales allant en ce sens avaient été réimprimées, le développement de la martyrologie protestante avait attisé la capacité d’insoumission161. Achevé en 1553, le Miroir Politicque prend acte de l’utilité de certaines rébellions. Conformément à « la commune resolution des philosophes », l’auteur y affirme que seuls les bons rois méritent de régner, tel le sage Salomon, opposé à son fils Roboam162. À l’encontre des magistrats qui commettent des malversations ou des négligences dans l’administration publique, il prône un châtiment aussi sévère que celui qui fut infligé au prophète Jonas :
Quand le prophete Jonas estoit assouppi de someil, lors que la nef estoit en peril de nauffrage, le pilote le redargua de ce qu’il dormoit, où il devoit necessairement veiller au peril instant, & de fait, le getta en la mer estimant qu’il fust inutile à son vaisseau. Cest exemple extraict (non des auteurs Ethnicques, ains du sacraire des saintes letres) misticquement demonstre, qu’un negligent Magistrat ou Capitol meriteroit d’estre getté hors de la nef, c’est de la maison du Capitolle, pour estre plongé en la mer de perpetuel reproche163.
62La législation royale allait en ce sens, de fameuses condamnations en témoignent ; mais le droit royal cependant n’était pas parfaitement appliqué164. L’auteur ne l’ignore pas : d’aucuns passaient entre les mailles de la loi et de la justice, et nombreux étaient ceux qui oppressaient le peuple par d’« insupportables » impositions. L’un des plus communs péchés de l’homme, la convoitise, ou appât du gain, constitue la première cause de mutation des Républiques. Et quel gain, demande-t-il ? C’est quand
les gouverneurs de la cité sont avares & convoiteux, taschans de faire grans gains & acquerir grandes richesses, & imposent sur le commun grandes exactions, vectigaux, tailles, emprunts, & autres insupportables subsides, lors leur patience se converstist en fureur, commencent à murmurer, & du murmure particulier & secret viennent à publicque & descouverte sedition, contre les gouverneurs & magistratz, ne voulans supporter l’insatiable convoytise d’iceux : dont bien souvent les tuent, pillent & saccagent leurs maisons à force165.
63Les Annales de France en offrent maints témoignages dit-il ; le Miroir politicque également, qui évoque notamment la « journée des mailletz », causée, sous Charles VI, par
l’avarice d’aucuns gouverneurs politicques, & mesmement de ceux qui estoyent au tour du Roy, qui ne tendoyent qu’à mettre sus nouvelles impositions & aydes, à fin qu’ilz peussent amaygrir le peuple, pour s’engraisser, & le piller pour enfler leurs bourses166.
64En dépit des remontrances faites par Pierre de Villiers et Jean des Marets, les fermiers des dites aides furent meurtris et tués, leurs biens pillés, leurs papiers brûlés, leurs maisons rasées, leur vin versé et l’un d’eux, réfugié dans l’Église Saint-Jacques, tué sur le grand autel, tenant « l’image de nostre-dame entre ses bras »167. Aux environs de 1382, une sédition fut engendrée par des causes similaires : La Harelle, à Rouen168. Sous le règne de saint Louis et le pontificat de Clément V, le peuple de cinq villes et cantons allemands auxquels les princes et nobles « faisoyent grandz griefz & oppressions par exactions injustes » s’est mutiné. Et firent « en grand nombre » telle sédition, « qu’ilz mirent au fil de l’espée tous leurs Princes, Seigneurs, Barons, Chevalliers, & (pour faire bref) tous ceux qui avoyent titre de noblesse en iceux pays & lieux ». Ainsi fut créée la Ligue et confédération des Suisses, « tellement que jusques à nostre temps, ilz vivent en leur liberté »169. Un dernier exemple, qui s’est également conclu positivement par le biais d’un changement de République, vient parachever la démonstration : après avoir souffert de l’avarice de Joël et Abia, le peuple israélite en effet réclama et obtint de Samuel le droit d’élire un monarque, Saul fut ainsi élu premier roi des Hébreux170. Une conclusion s’impose : « Si avarice est reprouvée (comme damnable) en toute condition de gens, ne sera elle pas en tout Prince, Roy ou gouverneur politicque meritoirement execrable ? » N’est-ce pas « grande infamie » que ces princes, magistrats et prélats faisant montre d’avarice ? L’auteur répond en glorifiant les princes libéraux, dont Titus, « qui pour sa grande humanité & liberalité fut nommé les delices de genre humain ». Prêchant la générosité, il passe sur le sort réservé aux ignobles171. Et cependant, sitôt le sujet abandonné, il revient sur les dangers encourus par les magistrats qui, tenant « la supreme autorité en la Republicque, par trop d’insolence & superbité font injure, oppression & outrage aux subjetz ». Le même cycle s’enchaîne : le populaire se mutine, fomente une sédition et la République est transformée. Les exemples affluent, l’autorité du Sage en son Ecclésiastique se trouvant illustrée par l’histoire : l’injure faite par Astiages à Cyrus entraîna le transfert de la monarchie des Mèdes aux Perses ; et Roboam, pour la réponse injurieuse et comminatoire faite à ses sujets, perdit « meritoirement » dix des douze lignées sur lesquelles régnait son père172.
65Ici, La Perrière suggère. Là, il donne une appréciation plus personnelle, notant que les conjurés menés par Brutus et Cassius
avoyent quelque apparence de raison, d’autant que Jule Cesar avoit occupé par force la Monarchie de l’Empire à sa main, & changé l’estat de la Republicque, qui depuis les roys exautorez avoit esté Aristocraticque173.
66Clairement, il trouve désormais quelque légitimité aux séditions mues par l’injustice et l’oppression d’un gouvernement légitime, à celles aussi qui s’exercent contre des usurpateurs. Ayant quelque bien-fondé, elles aboutissent parfois à des résultats qu’il approuve. Il ne le cache pas à ses lecteurs. Bien sûr, sa leçon doit avant tout les convaincre de fuir tout comportement tyrannique : l’histoire fait figure d’admonestation préventive, « la memoire des exemples doit nous faire prudens pour l’advenir »174. De là à défendre le droit de résistance du peuple, il y a un monde. Si l’on excepte les deux extraits précités, toute sédition est en principe condamnée, comme « la plus pernitieuse peste que puisse advenir à une Republicque »175. L’insatiable convoitise des magistrats assommant le peuple de taxes « insuportables » est réprouvée, certes, mais le naturel « soupçoneux, versatile & inconstant » du peuple qui se révolte l’est tout autant, d’autant que généralement, la rébellion aboutit à la perturbation de la tranquillité publique, au changement et à la ruine du corps politique176. Bien souvent entachée de sang, elle est jugée la plupart du temps inutile, à l’instar de la mutinerie de la plèbe romaine qui ne parvint pas à enrayer la dépravation inéluctable du régime. Le récit rappelle d’ailleurs à l’auteur l’ancien adage recensé par Érasme qui avait inspiré un emblème du Theatre des Bons Engins :
Communement l’on ne prend les anguilles
Que paravant n’ayt esté l’eau troublée.
Semblablement en querelles civilles,
Les fins larrons se font riches d’emblée.
Lors que par bruyt se fait mainte assemblée,
Pour meschans gents le temps est plus propice.
Sedition estiment sacrifice,
Au monde n’est chose qui plus leur plaise.
En temps de paix, de concorde, & justice,
L’homme meschant ne fait pas à son ayse177.
67La discorde, qui permet aux larrons de s’enrichir, encourage en outre les ennemis à envahir la République, danger qui constitue la douzième cause de mutation des Républiques, dite « cause extrinsèque ». La menace est perpétuelle, pouvant provenir d’un grand État, comme lorsque Rome assujettit l’Asie, la Macédoine, la Judée et l’Égypte, quand le royaume d’Israël fut ruiné par les Assyriens ou celui de Juda par les Babyloniens, « ausquelz tant l’un que l’autre peuple fut amené captif ». Elle se trouve accrue par les discordes intestines. Aussi, pour toutes ces raisons, ces dernières se trouvent irrémédiablement condamnées.
68L’humaniste y songeait-il ? La France de la Renaissance n’était pas exempte de tels dangers. Tout au long du premier seizième siècle, sur fonds de querelles franco-italiennes, avec le développement de l’antagonisme entre François Ier et Charles Quint, avec celui de la réforme protestante, les tensions populaires n’avaient cessé de croître. En 1517, le roi avait envoyé certains archers de sa garde s’informer des « rebellions, monopoles et colusions qui se faisoient alencontre du roy en la seneschaulcée dudict Tholoze »178. En 1529, sous le poids des levées extraordinaires destinées à payer la rançon du roi, le maximum de la pression fiscale avait été atteint, en pleine crise frumentaire179 ; il y avait eu la Rebeine lyonnaise180. La prédication protestante encourageait des foules qui pouvaient être promptes à s’émouvoir. En 1532, confrontées aux relents millénaristes animant le groupe de sectaires conduit par Arnaud de Badet, c’est une rébellion que semblaient craindre les autorités toulousaines181. Quelques années plus tard, les compagnons lyonnais se plaignaient de leur nourriture et de leurs horaires : ce fut le « Grand Tric » du printemps 1539. L’introduction de la gabelle du sel dans les provinces de l’ouest engendra encore le soulèvement paysan de 1548 en Angoumois. Dans les villes, les tensions étaient fortes et l’indiscipline se développait, les excès des étudiants toulousains en témoignent. Les autorités en place et les souverains étaient-ils réellement menacés ? La chose n’est pas impossible, puisque Jean Bodin évoque deux tentatives d’assassinat à l’encontre de François Ier et d’Henri II182.
69Un tel contexte nourrissait la phobie des penseurs à l’encontre des désordres, tout en fondant chez eux une certaine exigence de l’ordre183. En définitive, ce n’étaient pas les magistrats que La Perrière menaçait, mais le populaire mutin :
Et ne nous faut rememorer les exemples des siecles outre passez : quand nous voyons le desordre des seditions de nostre temps, comme entre autres la mutination de ceux de Bourdeaux, qui se sont mis au gouffre de malheur, chose memorable à toute posterité. Bref la sedition des mailletz de Paris, la harelle de Rouen, la male nuit de Montpellier, la jacquerie de Beauvoysin doivent estre exemples à tout fol & mutin populaire, comment il en prent à tous seditieux & perturbateurs de tranquillité publicque184.
70C’est à l’obéissance que le peuple doit se résoudre. C’est en se conformant, par la fidélité, la « fortitude » et la constance, à l’ordre établi, que le citoyen trouvera son salut185.
Conclusion
71Assurément, La Perrière jugeait légitime l’opposition d’un organe spécifiquement affecté au contrôle des autorités suprêmes : un Conseil des Dix chargé de défaire les tentatives tyranniques des Doges ou un organe institué à l’instar des Éphores pour censurer les rois de Sparte, dont l’équivalent moderne aurait satisfait Zwingli et Calvin186. Même si, en 1553, il n’hésitait ni à approuver les résultats obtenus par certaines séditions, ni même à donner « quelque apparence de raison » au meurtre de César, il ne pouvait reconnaître au peuple le droit de se révolter. C’est un devoir d’obéissance apparemment inconditionnel qu’il maintient187. Paradoxalement, substituant à la foi aveugle en la République la soumission à un gouvernement qu’il se permet de juger, il en mine les fondements. Mais il l’a consigné dans ses emblèmes, « Qui cuyde abatre abuz inveteré, est bien frustré de tout ce qu’il pourchasse… »188. À défaut de parvenir à instaurer la justice, l’obéissance des citoyens aura le mérite de conserver la République dans la pérennité.
Conclusion du chapitre VI
72Séduit par une vision de l’ordre qui suppose la pluralité mais a pour mission de réduire celle-ci en une harmonie, regroupant sans absorber, réunissant sans amalgamer189, La Perrière s’attache à réduire la « multiplicité de citoyens » fondant la cité aristotélicienne en une authentique « unité »190. Il n’a pas oublié l’avertissement du Christ : tout royaume divisé se trouvera désolé191. Seule parviendra « à union & tranquilité » la république unissant en son sein prêtres, magistrats, nobles, bourgeois, artisans et laboureurs192. La métaphore anthropomorphique d’ailleurs l’indique : condition d’existence du pouvoir politique, l’unité constitue également l’une de ses finalités, « le but auquel doit prendre sa visée tout bon administrateur politicque »193. L’importance quasi mystique du thème se retrouvera chez Bodin. Mais pour Bodin, l’Un sera le principe ontologique sans lequel le concept de souveraineté serait incompréhensible, un argument fondamental en faveur de l’absolutisme194. Pour La Perrière, il s’agit encore de définir les conditions dans lesquelles chaque individu, gouvernant comme gouverné, doit concourir au bien commun. Si l’unité du corps politique passe par la prudence du magistrat suprême, elle implique qu’il prenne des compagnons pour le guider et le conseiller ; si elle exige l’obéissance inconditionnelle des autres « manieres de citoyens », elle ne relègue pas ceux-ci, fussent-ils artisans ou laboureurs, à l’arrière-plan. Ce sont tous les citoyens qui font la cité : la « contempérance de dissimilitude » aboutit à la reconnaissance de chacun d’entre eux, tout en permettant que soit
parachevée et absolue la harmonie du corps politicque195.
73Ainsi rendue à l’unité, la civile société peut exprimer un seul « consentement & un vouloir »196, la « multitude des citoyens unie par concorde » tendre au bien et au profit publics197.
Notes de bas de page
1 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 45.
2 Ibidem, p. 79.
3 L’extrait précité indique qu’il appartient à chacun d’exercer un « estat »« esleu ».
4 G. de La Perriere, ibidem, p. 167-170, suivant Aristote (Politique, VI).
5 Ibidem, p. 167, mentionnant saint Augustin (Cité de Dieu, X).
6 Ibidem, arbre des sacrifices p. 168.
7 Ibidem, p. 169.
8 Ibidem, p. 170.
9 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. XIII : « En Thessalie on voit communement, / Asnes refaictz & de grand corpulence : / Qui toutesfoys sont lourdz au mouvement, / Et n’ont en eulx que du corps l’excellence. / Ores en ha, par tout, en habondance : / Car maintz lourdaux asniers à testes grosses, / En plusieurs lieux, portent mitres & crosses, / Et les chevaulx fault que portent les bastz : / Puis qu’Asnerie & Dignité font nopces, / Gent Literez cherchez ailleurs esbatz » ; voir également l’illustration de l’emblème XVII, centré sur la condition du savant : « Entre pourceaulx l’ordure, & la fiante / Plus est en prix que baulme precieux. / Et entre aulcuns, une chose meschante, / Est exaulcée au dessus des neuf cieulx. / Un idiot, infame, vicieux, / N’estime rien bonne literature, / Car il hait gents scavants, de sa nature, / Et n’ayme rien, que se veaultrer en fange. / Tant que pourceaulx aymeront la pasture, / Gentz literez auront temps, fort estrange ».
10 Ibidem, e. LXXXVI : « Tout bon prelat, doibt monstrer la lumiere, / Sur le hault lieu, à fin que tous la voyent : / S’ilz ne le font, ne suyvent la maniere / De tout bon droict, ains de raison fourvoyent. / Quand les plus grands du droict chemin devoyent, / De faire mal & paier l’abusion, / Seront puniz au respect de leur rang. / Et tomberont en grand confusion : / Car des subjectz Dieu requerra le sang ».
11 G. de La Perriere, « Catalogue et Summaire », fol. XXVII v. L’office de l’évêque, écrit-il, est symbolisé par « la misticque forme et figure de son baston pastoral », résumé par ce vers lu sur un bas-relief de la cathédrale Saint-Étienne : « Curva trahit quos recta regit pars ultima pugnit », que reprendra A. Noguier, Histoire Tolosaine par Antoine Noguier Tolosain, Toulouse, Guyon Boudeville, 1556, p. 61.
12 G. de La Perriere, épître à François Bertrand, dans N. Bertrand, Les gestes des Tolosains, 1555, fol. [A iij v]. Ayant évoqué les quatre évangélistes et les premiers notaires institués par Clément Ier, il poursuit : « Au lieu et office desquelz ont succedé ceulx qui au jourd’huy nous appellons Prothonotaires, qui sont beaucoup differantz de ceux de la primitive Église, de telles et semblables dignités est meilleure la condition de ceux qui le meritent sans les avoir, que ceux qui les obtiennent sans sçavoir ».
13 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 147.
14 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 61.
15 Ibidem, p. 63 et 66.
16 Sur les troubles agitant l’Église, J. Delumeau, M. Cottret, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, 1971 ; 6e éd., 1996 ; J. Delumeau, T. Wanegffelen, Naissance et affirmation de la Réforme, Paris, 1965 ; 8e éd., 1997 ; T. Wanegffelen, Ni Rome ni Genève. Des fidèles entre deux chaires en France au xvie siècle, Paris, 1997.
17 G. de La Perriere, « Catalogue et Summaire », mentionnant divers papes ; « Chronique 229 (1552-1553) », mentionnant « sainct pere le pape », p. 156.
18 G. de La Perriere, « À Trez honnorez », fol. 2 v. Sur les théories conciliaires élaborées par Ptolémée de Lucques, Pierre de Jean Olivi, Jean de Paris, Pierre d’Ailly, Jean Gerson, Jacques Almain et John Major, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 540-553 ; J. E. Blythe, Ideal Government ; Histoire de la pensée politique moderne, notamment p. 133-139.
19 Le mariage de la nature divine et de la nature humaine incarné par Jésus Christ, « par miracle supernaturel, & oultre passant l’intelligence de toute humaine capacité », demeurant le mariage suprême, G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 108 et 109.
20 De fait, depuis 1516, une partie de l’Église était déjà bel et bien entre les mains de l’État. Le processus ne fit que s’accentuer jusqu’à la Constitution civile du clergé. Voir notamment H. Morel, « Le Gallicanisme, pilier de l’absolutisme ? », dans Droit privé et institutions régionales, p. 539-550.
21 G. de La Perriere, Miroir Politicque, vignette p. 167. Sur la doctrine luthérienne, conférant à l’État, en vertu de sa puissance séculière, des droits absolus sur toutes les manifestations extérieures de l’Église et réservant à ce dernier, en définitive, la seule qualité de société humaine, G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 302-304 sq.
22 Dès le xive siècle, les humanistes italiens s’étaient penchés attentivement sur la question. Voir les œuvres de Buonaccorso de Montemagno (Controversia de Nobilitate, vers 1420), Poggio Bracciolini (De nobilitate, v. 1440), Cristoforo Landino, Bartolomeo Sacchi, Antonio da Ferrariis (v. 1495), Matteo Palmieri (Vita civile) ou Leonardo Bruni (De militia). F. Tateo, « Le armi e le lettere », p. 70. En France, dans un traité original, Pierre Antiboul avait dénoncé les privilèges et exactions de la noblesse. A. Gouron, « Doctrine médiévale et justice fiscale : Pierre Antiboul et son Tractatus de muneribus », dans La science du droit dans le Midi de la France au Moyen Âge, Londres, 1984, x. Mais au xvie siècle, le Libre del orden de cavalleria de Raymond Lulle (1274) était considéré comme actuel. Champier en donna une traduction dans son Ordre de chevalerie, et une illustration parfaite dans son éloge du chevalier Bayard (son cousin par alliance). L’idéal perdura. A. Jouanna, L’idée de race, p. 215 sq., 625 sq. ; É. Vaucheret, « La notion de république chrétienne chez les mémorialistes du xvie siècle », dans La conscience européenne au xve et xvie siècles, Paris, 1982, p. 423-434 ; Id., « Symphorien Champier et la chevalerie », dans Il Rinascimento a Lione, II, p. 987-1008 ; J.-M. Constant, La noblesse française aux xvie et xviie siècles, Paris, 1985, 1994, p. 14 sq. ; E. Schalk, L’épée et le sang, Paris, 1996, p. 37-58 ; A.-M. Lecoq, François Ier imaginaire, p. 215 sq.
23 G. de La Perriere, Miroir Politicque, vignettes p. 162 et 176.
24 Ibidem, p. 42. C’est au xvie siècle seulement que le mot de patrie commence à être employé dans la langue française. P. Contamine, « Mourir pour la patrie, xe-xxe siècle », dans Les lieux de mémoires, dir. P. Nora, II : La nation, 3, Paris, 1986, p. 26 sq.
25 Ibidem, p. 176-178.
26 Ibidem, p. 177.
27 Sans se pencher sur les qualités guerrières des nobles de France discutées par Machiavel. N. Machiavel, « Portrait des choses de la France », dans Œuvres, p. 45.
28 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 44 ; sur ce point Aristote, Politique, VIII, 1, 1337 a 27-29 ; P. de La Primaudaye, reprenant mot à mot La Perrière, Academie françoise, I, 1581, fol. 220.
29 G. de La Perriere, ibidem, p. 44, suivant Aristote. L’emploi du terme de prosapie, mot rarissime en français comme en latin, témoigne d’une lecture attentive de la Guerre de Jugurtha de Salluste, comparant vraie noblesse et vraie vertu. E. Schalk, L’épée et le sang, p. 53. La référence à Aristote est problématique. Songe-t-il au De la bonne naissance dans lequel le Stagirite expliquait que la noblesse appartenait à l’homme issu d’ancêtres valeureux et non au bon, comme l’avait écrit Euripide ? passage étudié par P. Aubenque, La prudence chez Aristote, p. 48-49, car Solange Vergnières rapporte un autre extrait (Sofisti, II, Lycophron, 4) affirmant que « la noblesse est une notion vide […], son prestige n’est que verbal […], la préférence qu’on lui accorde est d’opinion, mais en vérité les nobles ne diffèrent en rien des roturiers », S. Vergnieres, Éthique et politique chez Aristote, p. 30.
30 Sur l’absence d’hérédité des vertus royales, voir supra, p. 90.
31 L’idée de race est celle « selon laquelle les qualités qui classent un individu dans la société sont transmises héréditairement, par le sang : les enfants des nobles ayant une capacité innée à remplir des fonctions élevées, et les enfants des roturiers, doués d’aptitudes différentes mais de moindre dignité, étant rejetés par leur naissance dans une position subalterne ». Tiraqueau et Belleforest condamnaient les hommes épousant des femmes de catégorie sociale supérieure, jugeant qu’ils lui permettaient de se glisser indûment dans l’ordre noble dont la pureté se trouvait altérée. L’union d’un homme de condition sociale supérieure et d’une femme de catégorie inférieure était tolérée car la noblesse était transmise de père en fils (sauf en Champagne). Elle était estimé risquée, car le sang de la mère pouvait l’emporter sur celui du père, engendrant ainsi des « métis » ou « briguets ». A. Jouanna, L’idée de race, I, p. 1, 149-151.
32 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 178.
33 Ibidem, p. 178-179.
34 Ibidem, p. 179.
35 Ibidem, p. 180.
36 Ibidem, p. 180-181.
37 Ibidem, p. 44. Pour Pierre Doré ou Charles de Sainte-Marthe, la noblesse de sang prédisposait aux vertus, P. Chiron, « L’idéalisation du prince dans la poésie encomiastique aux xve et xvie siècle », dans Images européennes du pouvoir, p. 112.
38 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 44. Le passage est relevé et commenté par A. Jouanna, Le devoir de révolte, la noblesse française et la gestation de l’Etat moderne (1559-1661), Paris, 1989, p. 15 sq.
39 A. Jouanna, « Des ‘‘gros et gras’’ aux ‘‘gens d’honneur’’ », p. 17-18 sq., 40-41.
40 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 45.
41 Ibidem, p. 72.
42 Ibidem, p. 60.
43 Ibidem, p. 104, suivant Tite-Live, Première décade et Ovide, Fastes.
44 Ibidem, p. 39.
45 Ibidem, p. 84.
46 F. Billacois, « La crise de la noblesse européenne (1550-1650) : une mise au point », RHMC, 23 (avril-juin 1976), p. 262-263.
47 W. F. Church, Constitutional Thought, p. 31.
48 Malgré les mentions qu’il en fait dans le Catalogue et Summaire en énonçant les privilèges des capitouls, ou en rapportant l’exemption dont Henri II les gratifie relativement à l’interdiction pour tous non nobles de porter aucuns vêtements de soie. G. de La Perriere, « Chronique 227 (1550-1551) », p. 129. Les chroniqueurs italiens encensaient au contraire la noblesse de leurs élites. J. K. Hyde, « Italian Social Chronicles in the Middle Ages », Bulletin of the John’s Rylands Lybrary, 49 (1966-1967), p. 107-132 ; de même que le toulousain La Faille, au siècle suivant. P. Bonin, « De l’Histoire au Droit, les fondements d’un privilège municipal à la fin du xviie siècle : le Traité de la Noblesse des Capitouls de Toulouse », RHD, 79/4 (oct.-déc. 2001), p. 463-484.
49 Sous Henri III, seuls 15 à 25 % des 30 000 familles nobles pratiquaient le métier des armes. A. Jouanna, « Des ‘‘gros et gras’’ aux ‘‘gens d’honneur’’ », p. 35.
50 « Combien que la noblesse de France ait tousjours, jusques à ce temps-ci, haï les lettres… » dit V. de La Loupe, Premier et second livre, fol. 54 v. D’après les suppliques présentées à Benoît XIII par l’Université au début du xve siècle, les nobles représentaient seulement 3,35 % des effectifs de la faculté de droit toulousaine. Celle-ci avait voté à leur endroit des statuts favorables. Une ordonnance de 1499, confirmée en 1510, permit ensuite aux nobles « ex utroque parente, et d’ancienne lignée » de n’étudier que 3 ans au lieu de 5 pour être bachelier en droit canon et civil, privilège que Le Caron justifiait par la supériorité naturelle des nobles. J. Verger, Histoire des universités, p. 90. Pour autant, aux siècles suivants, nombre de gentilhommes ne savaient pas lire, plaçant même leur coquetterie à afficher leur ignorance. F. Billacois, « La crise de la noblesse européenne », p. 270-271 ; A. Jouanna, L’idée de race, p. 63 sq.
51 Machiavel envisage la classe noble comme une classe parasite, vivant du produit de ses biens, coulant des jours dans l’abondance sans nul souci pour vivre, une classe dangereuse pour toutes Républiques. N. Machiavel, Les Discours, dans Œuvres, p. 282 ; P. Mesnard, L’essor de la philosophie politique, p. 58. Pour More, « il existe une foule de nobles qui passent leur vie à ne rien faire, frelons nourris du labeur d’autrui, et qui, de plus, pour accroître leurs revenus, tondent jusqu’au vif les métayers de leurs terres ». T. More, L’utopie, p. 19.
52 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. LXV : « Le cypres est arbre fort delectable, / Droict, bel et hault, & plaisant en verdure : / Mais quand au fruict, il est peu profitable, / Car rien ne vault pour donner nourriture. / Beaucoup de gents sont de telle nature, / Qu’ilz portent tiltres & nom de grand science ; / Mais s’il advient d’en faire experience, / L’on ne congnoist en eulx, que le seul bruict. / C’est grand folie en arbres avoir fiance, / Dont l’on ne peult cueillir quelque bon fruict ». L’image est aussi développée par A. Alciat, Toutes les emblemes, p. 168.
53 F. Tateo, « Le armi e le lettere », p. 63-81.
54 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 101 ; aussi « Chronique 216 », p. 38.
55 Guevara, estimant en revanche les occupations commerciales indignes d’un gentilhomme, s’en prend à Cincinnatus, chevalier romain devenu marchand, considéré comme un plébéien. A. de Guevara, Relox de principes, liv. III, ch. XXV-XXVII ; A. Redondo, Antonio de Guevara (1480 ? – 1545) et l’Espagne de son temps. De la carrière officielle aux œuvres politico-morales, Genève, 1976, p. 620.
56 I. Gillet, Les institutions, p. 36 sq.
57 J.-M. Constant, La noblesse française, p. 90.
58 Au xve siècle, Louis XI, « roi des marchands », avait d’ailleurs cherché à encourager chez les officiers royaux et les nobles les pratiques commerciales. En 1462, rapporte Chastelain, « fut dit que le roy fist annoblir par écuyée tous ceux qui voudroient marchander en son royaume, et leur accorda privilège de noble homme ; et pareillement octroya et donna grâce à tous nobles de user de marchandise, sans préjudice de leur nom et de leur estat ». Des lettres royales le précisaient pour le Languedoc dès l’année suivante, et en 1483, le chancelier déclara encore « que le plaisir du roy estoit que chacun qui voloit user de marchandise le puist faire en son roialme sans déroguier à la noblesse ne autre privilège, comme l’on faisoit ès Ytalies et au roialme de Engleterre » ; G. Zeller, « Un procès à réviser ? Louis XI, la noblesse et la marchandise », Annales ESC, 4 (octobre-décembre 1964), p. 331-341 ; I. Gillet, Les institutions, p. 36 sq.
59 En 1548, Henri II fait exception en faveur du sieur de Roberval, qu’il autorise à exploiter des mines sans déroger. Durement atteinte par la conjoncture économique, une fraction de la classe noble souhaite alors être affranchie de la loi de la dérogeance. Mais aux États Généraux de 1560, Charles IX refuse l’autorisation de commercer aux gentilshommes de Touraine qui en font la demande. En 1566, il accorde ce droit aux Bordelais, mais l’ordonnance de Blois reconduit le rejet de « tout fait et trafic de marchandise ». G. Zeller, Les institution, p. 12 sq. ; É. Dravasa, “Vivre noblement”. Recherches sur la dérogeance de noblesse du xive au xvie siècle, Bordeaux, 1965 ; A. Jouanna, L’idée de race, I, p. 269 ; J.-M. Constant, La noblesse française, p. 87 sq.
60 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. LXVII : « L’homme constant est semblable à l’enclume, / Qui des marteaulx ne craint la violence ? / Cœur vertueulx, est de telle coustume, / Que de malheur ne doubte l’insolence. / Ne crainct fureur, cris malevolence, / Contre tous maulx est prompte à resister ? / Pour quelque effort ne se veult desister, / De parvenir en honneur et prouesse. / Constance fait le saige persister / En son entier, & conquester noblesse ». Dante et Bruneto Latini eussent été d’accord, Q. Skinner, Les fondements, p. 82-83.
61 A. Collas, « Entre la noblesse et la bourgeoisie. Un modèle social au xve siècle : les officiers du roi », dans Le modèle à la Renaissance, dir. C. Balavoine, J. Lafond, P. Laurens, Paris, 1986, p. 91-99.
62 Ce n’est qu’avec l’affaiblissement des structures du pouvoir par les guerres de religion qu’ils allaient chercher ailleurs une justification morale de ces privilèges, et menacer la noblesse française ne faisant pas profession de vertu, E. Schalk, L’épée et le sang, p. 59-81. Sur l’évolution du statut de l’armée, R. Doucet, Les institutions de la France, II, ch. VI, VII, VIII.
63 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 165, 181-184.
64 Voir supra, p. 201.
65 Guillaume de Rochefort avait utilisé la formule dans son discours d’ouverture des États Généraux de 1484 : « les tributs et finances sont les nerfs de la guerre, sans eux le corps politique ne peut se tenir ferme et puissant », L. Scordia, ‘‘Le roi doit vivre du sien’’, p. 426- 427. Bodin y fait également référence, J. Bodin, Les six livres, VI, 2, p. 35. Machiavel n’était pas d’accord : « L’or, il faut donc le répéter, n’est pas le nerf de la guerre, ce sont les bons soldats. L’argent est assurément nécessaire en second lieu, mais c’est une nécessité dont triomphent par eux-mêmes les bons soldats ». N. Machiavel, Les Discours, II, x ; L’art de la guerre, I, iv, dans Œuvres, p. 315, 480.
66 G. de LA Perriere, Miroir Politicque, p. 181-182.
67 Ibidem, p. 182.
68 R. Doucet, Les institutions de la France, p. 608-660.
69 Sur le statut desquels voir la thèse de P. Bonin, Bourgeois, bourgeoisie et habitanage dans les villes du Languedoc sous l’Ancien régime, thèse Droit, Université Panthéon Assas (Paris II), 9 décembre 2000 ; Aix-Marseille, 2005.
70 P. Michaud-Quantin, « Les catégories sociales », p. 174-176.
71 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 182.
72 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 148 ; Miroir Politicque, p. 100 suivant Aristote, Politique, VI.
73 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 100.
74 Ibidem, p. 194.
75 Il pouvait l’avoir lu dans ce « livre du voyage des Portugalois » cité dans le Miroir Politicque, p. 100-101, qu’il faut peut-être identifier à la « relation du pilote portugais » consignée par un marchand ayant suivi l’expédition de Pedro Alvarez Cabral. L. de Matos, L’expansion portugaise dans la littérature latine de la Renaissance, Lisbonne, 1991, p. 243 sq.
76 G. de La Perriere, ibidem, p. 194-195.
77 Ibidem, p. 101.
78 A. Jouanna, « Des ‘‘gros et gras’’ aux ‘‘gens d’honneur’’ », p. 108 ; J.-M. Constant, « Absolutisme et modernité », également dans Histoire des élites, p. 187.
79 G. de La Perriere, « Chronique 218 (1541-1542) », p. 52.
80 Platon, La République, II, 370-372, dans Œuvres complètes, I, p. 916-918. Pour Pline (X et XIV), artisans et métiers sont « les nerfs et la vie de la ville ».
81 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 185 ; Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 4 sq., p. 282 sq.
82 G. de La Perriere, ibidem, p. 185.
83 Ibidem, p. 185.
84 Ibidem, p. 190.
85 Ibidem, p. 188.
86 Ibidem, p. 188.
87 Les capitouls s’efforçaient de maintenir l’autorité des monnaies, définissant et contrôlant les poids et mesures des denrées et aliments. Corporation par corporation, ils s’ingéniaient à punir les fraudes. En 1539-1540, diverses ordonnances furent proclamées concernant les bouchers, taverniers et boulangers, « chandeliers et tuylliers ». En 1548-1549, de nouveaux statuts furent faits pour l’orfèvrerie et les pratiques des drapiers, jugées « difformes et dévoyées de droite lice », furent règlementées. En 1550-1551, ceux-ci furent priés d’orner dorénavant leurs draps d’une lisière « en la mode des draps de France ». L’année suivante, les drogueries et boutiques des apothicaires, celles des orfèvres et poissonniers furent également contrôlées. G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540 », « Chronique 218 (1541- 1542) », « Chronique 228 (1551-1552) », « Chronique 229 (1552-1553) », « Chronique 218 (1541-1542) », « Chronique 225 (1548-1549) », « Chronique 227 (1550-1551) », « Chronique 229 (1552-1553) », p. 39, 52, 110, 133, 142, 148, 149 et 152. Cette police municipale des métiers mériterait une étude approfondie.
88 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 188-189.
89 En Utopie, les citoyens travaillaient six heures par jour, contre quatorze ou quinze heures en été, pour les contemporains de More, suivant un décret d’Henry VII (1495). T. More, L’utopie, p. 69.
90 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 188, suivant Aristote, Éthiques, VI.
91 J. Bodin, Les six livres, VI, 1, p. 14 ; M. Senellart, « Census et censura chez Bodin et Obrecht », dans Bodin. A 400 anni della morte, Il pensiero politico, 30/2 (1997), p. 250-266.
92 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 162 et 189.
93 Ibidem, p. 153, 189. De fait, le développement de l’imprimé modifia peu la vie des campagnes au xvie siècle. Rares sont les auteurs qui s’adressaient à des laboureurs. L’initiative de René Choppin, désireux d’informer les paysans de leurs droits, n’eut probablement qu’un succès limité : son De privilegio rusticorum libri tres ne fut publié qu’en latin, à Paris, en 1575. N. Zemon-Davis, « L’imprimé et le peuple », dans Les cultures du peuple, p. 328-329.
94 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 189.
95 Ibidem, p. 190, citant Hésiode, Démocrite, Constantin César, Varron, Virgile, Caton, Columelle, Palladius, Pierre de Croissants et « autres », les poètes Horace, Ovide, Tibulle et Properce.
96 G. de La Perriere, Morosophie, e. 28 : « L’arbre sauvage infertil par Nature / Ne faut du tout couper ou désplanter, / Mais le convient par art d’agriculture / De quelque plant, qui soit fertil, enter ».
97 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 136.
98 Ibidem, p. 190, distinguant quatre sortes de terroirs, champs, bois, taillis, forêts et saulaies en premier lieu ; vignes, oliviers et arbres fruitiers, pâturages en second ; jardins d’agréments, rosiers, lys, violiers et semblables en troisième ; enfin jardins d’ortolans, choux, blettes et autres herbages.
99 Ibidem, p. 190.
100 Ibidem, p. 135, 193.
101 Ibidem, p. 135.
102 Ibidem, p. 191. Au Moyen Âge, rustici et agricolae disposaient fort librement de leurs biens ; au xvie siècle, ils comptaient parmi les couches prêtes à « l’ascension sociale ». P. Michaud-Quantin, « Les catégories sociales », p. 182 ; A. Jouanna, « Des ‘‘gros et gras’’ aux ‘‘gens d’honneur’’ », p. 55.
103 G. de La Perriere, ibidem, p. 191.
104 Ibidem, p. 191-193, suivant Horace, Ovide, Tibulle, Properce, Aristote, saint Jérôme, Pline (Histoire naturelle, II), Aulu-Gelle (Nuits attiques), Macrobe (Songe de Scipion), Virgile, Boèce Severin, Horace, Dante, Pétrarque, Cicéron, Valère Maxime (Livre des dits et faits), Filippo Beroaldo (Oraison des louanges de l’agriculture), et Nicolas Bérauld (dans son commentaire de la Sylve rustique d’Angelo Poliziano).
105 Ibidem, p. 193.
106 Comme chez Aristote, La Politique, I, 2, 1253 a, p. 30 : « Or les choses se définissent toujours par leur fonction et leur potentialité ; quand par suite, elles ne sont plus en état d’accomplir leur travail, il ne faut pas dire que ce sont les mêmes choses, mais seulement qu’elles ont le même nom ».
107 Arlette Jouanna considère au contraire que l’auteur suggère par l’expression « six manieres de gens », « comment se manifestent concrètement les différences qualitatives entre les divers ordres d’hommes : dans leur manière d’être, dans leur façon d’être présents au monde, de se comporter, d’accomplir leur fonction sociale ». A. Jouanna, L’idée de race, I, p. 71, 139, 142, 160, 192, aussi p. 312, 317, 462-463, 479.
108 P. Michaud-Quantin, « Les catégories sociales », p. 178, 180 ; également « Condicio-conditio. Notes de lexicographie médiévale », dans Études sur le vocabulaire philosophique, p. 25-57.
109 E. Sciacca, « Ferrault, Chasseneux et Grassaille », 1985, p. 734.
110 M. Senellart, Les arts de gouverner, p. 42-43, 58.
111 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 189.
112 Ibidem, p. 91.
113 Ibidem, p. 91.
114 Ibidem, p. 91. Selon Arlette Jouanna, ce qu’évoque un peu longuement, mais avec précision, ce texte, c’est une société-organisme où les dissemblances entre les ordres sont l’effet de leur adaptation à leur fonction. A. Jouanna, L’idée de race, p. 409.
115 G. de La Perriere, ibidem, p. 196.
116 Ibidem, p. 194 : les citoyens, « lesquelz combien qu’ils ne soyent du corps de la Republicque & cité, si sont-ils par aucuns temps residens en icelle ».
117 Ibidem, p. 74, 196.
118 Digeste, 1.5.4. La liberté est une faculté naturelle ; la servitude est constituée par le droit des gens. Y. Thomas, « L’institution juridique de la nature (remarques sur la casuistique du droit naturel à Rome) », dans La doctrine et le droit naturel, II, p. 42.
119 G. de La Perriere, « Catalogue et Summaire », fol. xxix. Douze articles de la coutume de Toulouse sont consacrés à la question des hommes de corps, mais Arpadelle ne s’étend pas sur la question : en 1295, il restait bien peu de serfs à Toulouse. Guillaume Benoît voit dans la liberté toulousaine une illustration du contrat autrefois passé par le roi et son pays au moment du rattachement du Languedoc au comté. La Perrière se réfère seulement à un arrêt du parlement de Toulouse obtenu contre la cour du pays de Catalogne et d’Aragon le 19 septembre 1444. P. Ourliac, « Le servage à Toulouse au xiie et xiiie siècle », dans Études d’histoire du droit médiéval, p. 131-144 ; H. Gilles, Les coutumes de Toulouse ; P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 386 sq.
120 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 107. Ignorait-il qu’en certaines parties du royaume, notamment dans la Marche ou en Champagne, il existait encore des serfs ? R. Doucet, Les institutions de la France, p. 493 sq.
121 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 147.
122 S. Vergnieres, Éthique et politique chez Aristote, p. 41-42.
123 Sur l’évolution sémantique du terme, G. Dupont-Ferrier, « Le sens des mots “patria” et “patrie” en France au Moyen Âge et jusqu’au début du xviie siècle », RH, 66/188 (1940), p. 89-104. Sur le thème médiéval et moderne de l’amour de la patrie, E. H. Kantorowicz, « Mourir pour la patrie dans la pensée politique médiévale » (1951), dans Mourir pour la patrie et autres textes, Paris, 1984, p. 105-141 ; C. Beaune, Naissance de la nation, p. 437- 453 ; P. Contamine, « Mourir pour la patrie », p. 12-43 ; E. H. Kantorowicz, Les deux corps du roi, p. 172 sq. ; G. Post, « Ratio publicae utilitatis, ratio status et “raison d’État” (1100-1300) », dans Le pouvoir de la raison d’État, dir. C. Lazzeri et D. Reynié, Paris, 1992, p. 64.
124 « par icelluy les Planetes & estoilles espandent leur lumiere sur les elements. Par icelluy le feu par la communion de sa chaleur meut l’air : l’air, l’eau : l’eau, la terre : & au rebours, la terre attire à soy l’eau : l’eau, l’air : & l’air, le feu. Les herbes aussi & les arbres, desirants multiplier leur semence, engendrent choses semblables à elles. Toutes bestes brutes, & les hommes sont incités par les allechements & attrait de ceste mesme convoitise de engendrer lignée. Si donc Amour faict toutes choses, il garde aussi toutes choses : car office est tousjours de mesme effect et conservation. Et Amour attire le semblable au semblable. Chascunes parties de la terre, Amour mutuel les assemblant, s’assemblent à aultres parties de terre semblables à elles ». M. Ficin, Le commentaire de Marsille Ficin, Florentin : sur le banquet d’Amour de Platon, fol. xxiii v.
125 D. Érasme, Ecclesiasticae, dans Opera Omnia, IV, col. 1098 ; cité par M. Turchetti, « Un question mal posée : Érasme et la tolérance. L’idée de sygkatabasis », BHR, 53 (1991), p. 388. Voir également les adages, I.I.1. « Amicorum communia omnia », et I.i.ii. « Amicitia aequalitas. Amicus alter ipse », Opera Omnia, II, t. 1, p. 84-94 et J.-L. Thireau, « Cicéron et le droit naturel », p. 57.
126 É. Forcadel, Cupido Jurisperitus. Stephano Forcatulo Bliterensi jurisconsulto autore. Eiusdem ad calumniatores epistola, Lyon, Jean de Tournes, 1553.
127 G. de La Perriere, Catalogue et Summaire, fol. xxiii v.
128 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 42.
129 « L’amitié civique, quant à elle, a été formée à partir de l’intérêt, et ce, essentiellement, c’est parce que chacun ne se suffit pas à soi-même que les hommes, estime-t-on, se sont rassemblés, quoique ce fut la vie commune qui dicta ce rassemblement ». Aristote, Éthique à Eudème, VII, x, 2, Paris, 1994, p. 169.
130 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 41 (arbre) et 42 : « qui ayme plus (dit Aristote au tiers des Politicques) son particulier prouffit que le publicq, il perd le nom de bon citadin et prent le nom de meschant ».
131 Ibidem, p. 42.
132 Ibidem, p. 47-50.
133 Ibidem, p. 47.
134 Ibidem, p. 47.
135 Ibidem, p. 47-48, mais les cérémonies instituées par Numa Pompilius, ordonnant que l’on ne sacrifie aucun animal à Fidélité, et le vêtement blanc des prêtres, « laquelle couleur denote purité de cueur » le sont, comme l’évocation du premier temple consacré à Rome au dieu Terminus et à Fidélité, via Tite-Live et Alexandre (Jours géniaux, V, 2).
136 Ibidem, p. 49-50 : « Mais (Ô bon Dieu !) Au temps où nous vivons, fidelité est une chose bien rare, & qui ha un amy ou serviteur fidele, il le doit estimer sur tous les tresors du monde : d’autant qu’il n’y ha peste plus pernicieuse ne plus contagieuse qu’un familier ennemy. Et pour conclure ceste parcelle, nous dirons avec Salomon : plusieurs sont misericordieux, mais qui trouvera un homme fidele ? ».
137 Ibidem, p. 30 sq.
138 Ibidem, p. 43.
139 Ibidem, p. 31, 43, 50, 51, 53 ; « Chronique 225 (1548-1549) », p. 113 ; « Chronique 228 (1551-1552) », p. 137.
140 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 50. Machiavel met en avant les actions magnifiques d’Horatius Coclès, de Mutius Scaevola ou de Manlius Capitolinus, pour montrer que la République doit récompenser de tels actes de bravoure. N. Machiavel, Les Discours, I, xxiv, dans Œuvres, p. 236.
141 G. de La Perriere, ibidem, p. 50.
142 Voir supra, p. 248.
143 « souffrons donc paciemment & souffrons constantement ce qui nous survient, d’autant que n’est en nous le pouvoir ne scavoir d’y resister ». G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 32, également 54.
144 E. H. Kantorowicz, Les deux corps du roi, p. 191-192.
145 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 31.
146 Ibidem, p. 93.
147 M. Yardeni, « Religion et sentiment national en France aux xvie et xviie siècles », dans Le sentiment national dans l’Europe méridionale aux xvie et xviie siècles, dir. A. Tallon, Madrid, 2007, p. 323-336.
148 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 54.
149 Pierre le Chantre reconnaissait au peuple un devoir de résistance passive dont l’analyse chez plusieurs exégètes autour de 1200 débouchait presque sur une légitimation de la rébellion. P. Buc, L’ambiguïté du Livre, p. 205.
150 Guillaume Benoît était très explicite : « un prince qui abuse de son pouvoir envers ses sujets, c’est-à-dire qui opprime ceux qu’il doit défendre, doit être privé de son royaume ». Avec Balde, il estimait cependant que les sujets ne pouvaient chasser le tyran sans recourir au « jugement du supérieur ». P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 334-335. Les conciliaristes Almain et Major reconnaissaient à la communauté le pouvoir de déposer le mauvais prince menaçant de détruire l’État. G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 230-233.
151 Saint Paul, I Pierre II, 13-17 ; I Timothée II, 1-2 ; Tite III, 1 ; J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 76-79. D. Érasme, Paraphrase à l’Épître aux Romains, XIII ; J. Chomarat, « Le juste et l’injuste chez Érasme », dans Le juste et l’injuste, p. 38 ; A. de Guevara, Histoire de Marc Aurèle, fol. 45 v., 54 v. ; M. Turchetti, Tyrannie et tyrannicide, p. 366 sq., 393 sq.
152 Mais il semblait hésitant, G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 230-233 ; J. Ride, « Guerre juste et guerre injuste selon Martin Luther », dans Le juste et l’injuste, p. 49- 56 ; Q. Skinner, Les fondements, p. 389-395.
153 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. LXXV ; et e. XXVII. « Cecy nous fait notable demonstrance : / Qu’apres le jeu de vie transitoire, / Quand mord nous ha mis en son repertoire, / Les roys ne sont plus grandz que les vassaulx : / Car dans le sac (comme à tous est notoire) / Roys & pyons en honneur sont esgaulx ». C’est Jean de Galles qui reprit l’allégorie échiquéenne développée par Cessoles dans un passage des Communiloquium sive summa collationum, suite de leçons morales et d’exempla composé entre 1250 et 1260. Comparant le monde à un jeu d’échecs, il voit dans le déplacement des pièces le tableau des vices humains, et non celui des vertus, comme Cessoles. Du roi, il écrit : « Et il arrive souvent que quand la famille des échecs repose dans le sac, le roi se retrouve dans le fond. De même que les grands de ce monde quittent cette vie et sont ensevelis aux enfers et les pauvres sont placés au sein d’Abraham, à l’exemple du riche et de Lazare », J.-M. Mehl dans J. de Cessoles, Le livre du jeu d’échecs, p. 198.
154 Voir supra, p. 102.
155 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. [B iii].
156 Ibidem, fol. [B iii].
157 Ibidem, fol. xxiiii-xxiiii v.
158 Ibidem, fol. xlii v-xliii.
159 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 39.
160 G. de La Perriere, « Chronique 218 (1541-1542) », p. 54.
161 Entre 1530 et 1546, face à la menace impériale, les luthériens privilégiaient la résistance. Ils affirmaient que les magistrats étaient institués sous condition d’instaurer le gouvernement de la justice, comme dans le Warnung an seine lieben Deutschen de Luther (1531) et le Prolegomena au De officiis de Cicéron publié par Melanchthon en 1530, révisé en 1542. Il s’affirma peu à peu que le droit de résister à une autorité injuste appartenait aux magistrats ordinaires comme aux sujets individuels. Après la campagne de Charles Quint contre la ligue schismatique en 1546, les arguments se retrouvèrent chez des publicistes protestants et dans la Confessio et Apologia des pasteurs de Magdebourg. Voir les œuvres de Knox, Buchanan, Ponet, Goodman, Marnix et J. van Wesenbeke, Q. Skinner, « Humanism, Scholasticism and Popular Sovereignty », dans Visions of Politics, II, p. 245-263 ; également celles de Du Plessis-Mornay et T. de Beze, Du droit des magistrats. Sur le lien entre la martyrologie protestante et l’insoumission, D. El Kenz, Les bûchers du roi. La culture protestante des martyrs (1523-1572), Paris, 1997, p. 235 sq. Sur la réimpression d’imprimés des années 1530, Q. Skinner, Les fondements, p. 638 ; M. Turchetti, Tyrannie et tyrannicide, p. 412 sq. Du Moulin se démarquait en rejettant toute possibilité de résistance au prince légitime, J.- L. Thireau, Charles Du Moulin, p. 227.
162 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 34.
163 Ibidem, p. 47.
164 A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi, p. 456 sq.
165 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 59.
166 Ibidem, p. 59.
167 Ibidem, p. 59. Sur la crise de 1355-1358, F. Olivier-Martin, L’absolutisme français, p. 16-18.
168 G. de La Perriere, ibidem, p. 59.
169 Ibidem, p. 59 ; G. Cazals, « Genève et les cantons suisses ».
170 G. de La Perriere, ibidem, p. 60.
171 Ibidem, p. 60-64.
172 Ibidem, p. 65.
173 Ibidem, p. 104, référence à Plutarque (Vies de Brutus, Vie de Cassius, Vie de Jules César) et Tranquille (Vie de Jules César) ; « La guerre ordonnée contre Cesar sous la conduite de Pompée, estoit juste, combien que Cesar ait esté vainqueur », dit T. de Beze, Du droit des magistrats, p. 23.
174 Ibidem, p. 59. Ces perspectives sont plus claires encore dans le discours de Hainault, L’Estat de l’Église avec le discours des temps, depuis les apostres sous Neron, jusques à present […], [s. l.], 1556, fol. [A iii v.-A iiii] : « comme de faict il n’y a rien sous le soleil, tant bien reiglé, tant bien ordonné et estably soit-il, qui ne soit subject à divers changemens. Les couronnes des Rois tombent bas par terre : les sceptres des Empereurs se cassent et brisent : la gloire des republiques se flestrit. Il est bien vray que les puissances sont de Dieu : mais l’ambition, l’ingratitude orgueilleuse, l’avarice insatiable de ceux qui estoyent ordonnez pour regner, ne sont point de Dieu : lesquelles sont causes de tels renversemens et de telles mutations. Ainsi puis que tous hommes tendent à cercher quelque estat ferme, ou ils puissent subsister, il falloit que la lecture de tels exemples les amenast à regarder en Dieu, qui est la fermeté de toutes choses, et sans lequel rien ne peut demeurer ferme une minute de temps ».
175 G. de La Perriere, « Chronique 228 (1551-1552) », p. 142.
176 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 59.
177 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. XXXXIIII ; aussi « Chronique 225 (1548- 1549) », p. 107. Inspirée d’Aristophane et de Suétone (Vie des douze Césars, Vespasien, VIII, 7-9), la pique est recensée par D. Érasme, Opera Omnia, II, t. 6, Amsterdam-Oxford-North-Holland, 1981, Centurie VI, III. vi.78, « Anguillas captare », p. 381-382 ; elle avait inspiré un adage à A. ALCIAT, « Contre les riches au dommage public », dans Toutes les emblemes, p. 110.
178 Mandement à Jean Sapin, receveur général de Languedoïl et Guyenne, de payer 116 livres 16 sous tournois à Antoine de Jeannot de Bouches, Pierre de Champfagos et Barthélemy de Chaignes, archers de la garde envoyés à Toulouse sous la conduite du chevalier François de Théligny « pour eulx informer d’aucunes rebellions, monopolles et colusions qui se faisoient alencontre du roy en la seneschaulcée dudict Tholoze », Amboise, 14 mars 1517, AN, 2ème compte de Jean Sapin, KK 289, fol. 482, mention ; Catalogue des Actes de François Ier, V, n. 16642.
179 J. Jacquart, François Ier, Paris, 1994, p. 354 sq.
180 N. Zemon-Davis, « Grève et salut à Lyon », dans Les cultures du peuple, p. 24 ; aussi « Assistance, humanisme et hérésie : le cas de Lyon », ibidem, p. 52. Pour l’auteur, il n’y aurait aucun lien direct entre prix des grains et émeutes, ces dernières étant plutôt occasionnées par la prédication protestante. Et, si les massacres de 1572 expriment une haine de classe, un soulèvement du peuple contre les riches huguenots, le schéma d’ensemble ne serait pas celui d’un massacre des riches par le peuple. N. Zemon-Davis, « Les rites de violence », ibidem, notamment p. 265-266, 271, 277, 278.
181 Voir supra, p. 37 ; G. Cazals, « Des procès humanistes ».
182 Un cordelier s’était repenti d’avoir voulu tuer François Ier et un homme « insensé » nommé Caboche avait tiré son épée contre Henri II. J. Bodin, Les six livres, II, 5, p. 76.
183 J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 277. Même Théodore de Bèze dit détester « les seditions et toute confusion, comme monstres horribles ». T. de Beze, Du droit des magistrats, p. 17.
184 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 77.
185 Comme chez Aristote, La Politique, V, 9, 1310 a, p. 390, privilégiant « la pédagogie du tyran », M. Turchetti, Tyrannie et tyrannicide, p. 94.
186 La légitimité d’une telle résistance était mise en avant par Zwingli dans un sermon de janvier 1523. Calvin reprit l’idée (Institution chrétienne, 1560, IV, c. XX32), tout en maintenant la thèse de l’obéissance. J. Calvin, Institution de la religion chrestienne, p. 776- 777, 760 ; G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 245 ; Q. Skinner, Les fondements, p. 670 sq., p. 619-621.
187 Sa conclusion eût-elle été différente après 1572 ? L’œuvre de Théodore de Bèze légitima avec autorité le droit de résistance, en particulier celui des magistrats ne dépendant « proprement du souverain, mais de la souveraineté », tenus à la conservation des lois. T. de Beze, Du droit des magistrats, notamment p. 31-32, 36 sq. Certains ne craignaient plus à reconnaître, comme Hotman, un droit absolu du peuple à déposer les rois tyranniques. F. Hotman, Franco-Gallia, p. 66, 174-175. Voir notamment S. Goyard-Fabre, « Le ‘‘peuple’’ et le droit d’opposition », Philosophie et démocratie, p. 74-75 ; J. Quillet, « Tyrannie et tyrannicide », p. 61-73 ; Histoire de la pensée politique moderne, notamment les ch. VII et VIII ; A. Leca, « Les droits du peuple », p. 277-290. À l’inverse, Bodin suggérait aux mécontents de démissionner et de quitter l’État, son rejet du droit de résistance entraînant la récusation du concept d’autorité limitée : « il faut savoir si le prince est absolument souverain, ou bien s’il n’est pas souverain ; car s’il n’est pas absolument souverain, il est nécessaire que la souveraineté soit au peuple, ou bien aux seigneurs ; en ce cas, il n’y a doute qu’il ne soit licite de procéder contre le tyran ». J. Bodin, Les six livres, II, 5, p. 301 ; III, 4, p. 105. La voie de l’autocratie était ouverte. Une limitation majeure cependant demeurait : le consentement aux impôts nouveaux. J. H. Franklin, Jean Bodin, p. 71 sq., 151 sq. ; G. Borrelli, « Obligation juridique et obéissance politique : les temps de la discipline moderne pour Jean Bodin, Giovanni Botero et Thomas Hobbes », dans Politique, droit et théologie, p. 11-25.
188 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. XXXVI : « Qui cuyde abatre abuz inveteré, / Est bien frustré de tout de qu’il pourchasse : / Car si souvent il est reiteré, / Que l’on n’a rien à suyvre telle chasse. / Fort fascheuse est, & bien sotte l’audace / De ceulx, qui ont ce lourd entendement, / De prendre aux retz les ventz aucunement : / Car tout ainsi que cela n’est possible, / Un vieuls abus changer, semblablement, / Sans grand ennuy, on repute impossible ». Inspiré d’Érasme, Adagia, I.4.63, « Reti ventos venaris », et évoqué par Rabelais, Cinquiesme Livre, xxii ; également l’e. XXXIII : « Qui d’un rasouer la roche cuyde fendre, / N’avance rien, sors que perdre son temps : / Et le filet rasouer fin, & tendre, / Gaste du tout en maigre passetemps. / Sur ce notons, que noyses, ou contendz / Ne fault avoir, à gents plus forts que nous. / Le rasouer ha le taillant mol, & doulx, / La roche est dure, & forte à l’advantaige. / Contre plus forts (comme scavent bien tous) / L’on prend debat, à son tresgrand dommaige » ; la Morosophie, e. 43.
189 « l’ordre a pour mission d’orienter vers une unité supérieure cette multiplicité de créatures singulières », dit saint Thomas, via G. de Lagarde, La naissance de l’esprit laïque, II, 1958, p. 58-59.
190 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 11 ; Aristote, politique, III, 1, 1274 b 41.
191 G. de La Perriere, ibidem, p. 42, 161 ; « Chronique 226 (1549-1550) », p. 113.
192 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 164.
193 Ibidem, p. 160.
194 S. Goyard-Fabre, L’État, p. 25.
195 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 194, aussi p. 91.
196 Ibidem, p. 161, mentionnant le Livre des Juges : « Et s’assembla toute la communité d’Israel en la cité non plus ne moins qu’un homme seul, d’un conseil & d’un vouloir ».
197 Ibidem, p. 100.
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