Chapitre IV. Loi et Justice
p. 215-260
Texte intégral
1Enfermé dans une vision statique du droit, La Perrière estime que l’ordre juridique nécessaire à la République, une fois identifié et énoncé, doit être conservé. Mais il le constate, la chose ne va pas de soi. Toutes créations se trouvent soumises à de fatales révolutions. Comme l’homme doit lutter pour sa propre survie, la République doit lutter pour sa propre conservation. Il s’agit là d’une leçon que donne l’histoire romaine1. Si bien instituée en son commencement, la république de Rome en effet s’est dépravée. La « liberté » s’en est trouvée ruinée et la constitution, changée. Après Lucain et Horace, l’humaniste le constate : en temps de paix, à n’y prendre garde, les hommes laissent libre cours à leurs penchants les plus néfastes2. Aussi convient-il, suivant les enseignements d’Aristote et de Plutarque, de contrecarrer leur dépravation par les armes et par les lois, car
loix et armes rendent tous royaulmes et republicque immobile, stable et immune de ruyne3.
2Le juriste n’a pas oublié le topos classique inscrit dans la préface des Institutes, celui de l’antagonisme entre les armes et les lois. Si la Chronique 228 qu’il signe dans les Annales manuscrites de Toulouse signale que les lois ont pu être entendues et observées alors que se poursuivait la guerre opposant Henri II et l’Empereur, il se montre formel : les lois « ont leur respect et efficace » en temps de paix ; les armes en temps de guerre. Le bruit des armes empêche d’entendre les lois, comme le disait Marius. Encore :
En temps de guerre sont necessaires les armes : en temps de paix, les lois4.
3Prenant acte de la nécessité des armes pour conserver la vie de l’homme, il constate comme Machiavel que la crainte de la guerre incite à la vertu, faisant des citoyens prudents, « ne dormans que de l’une oreille », qui oublient leurs intérêts propres pour servir la patrie5. Il ne conclut pas pour autant avec le Florentin à la nécessité d’entretenir des milices citoyennes, ni ne fait de la guerre un élément central du politique6. La tradition évangélique, partagée par Érasme, More ou Alciat, l’a prévenu contre tout conflit, par définition meurtrier7. Les princes faisant subir à leurs sujets les conséquences funestes de leur cupidité soulèvent sa profonde indignation :
Les Monarches & Princes se debattent pour qui obtiendra plus grande portion d’un vile morceau de terre, la plus grand partie de soy, couvert d’eau. Tout ce (pourquoy, tant d’armées se sont assemblées, tant d’estendarts & enseignes desployées, tant d’hommes armez, tant de harnoys fourbis, tant de chevaux bardez, tant d’artillerie chargée, tant de murs demoliz, tant de tours ruinées, tant de fossez rempliz, tant de peuples pillez, tant de pays depopulez, & bref, tant de gens meurtriz et tuez) n’est qu’un seul petit point, ayant esgard à l’estendue des Cieux. Ô bon Dieu ! Quel desordre ? Quelle ambition ? Quelle insatiabilité ? Ou (pour mieux dire) Brutalité ? […] À savoir mon, si les formiz se tuent pour limiter & partir leurs petites cavernes ? Tant est la caverne aux formiz, que toute la terre aux Monarches et Princes. Quand Alexandre le Grand ouy disputer un Philosophe qui vouloit prouver par evidentes raisons, qu’il y avoit plusieurs Mondes sensibles, il se print à plorer, de ce qu’il n’en avoit encore peu conquester un entierement. Tout ce pour lequel nous navigeons, flotons en mer, combatons, tracassons, nous tourmentons, & finalement nous tuons, n’est qu’un trespetit fragment à la proportion du Ciel. Ô rage desmesurée ! Ô fureur effrené ! Ô frenesie incurable ! La bouche d’enfer (comme dict Salomon) n’est jamais assouvie, l’humaine cupidité n’a jamais souffisance. Se pouroit-il trouver gouffre (fust-il Scyla, Carybdis, ou Malée) plus voragineux, que le cœur d’un homme insatiable ?8
4À ses yeux, la guerre n’est qu’un terrible gâchis. Ses causes comme ses effets sont profondément condamnables. Elle fait donc figure de mal nécessaire. C’est avec « fortitude et constance » que les hommes doivent la supporter, en s’armant de courage pour persister « contre la difficulté de tous empeschemens exterieurs »9.
5Rêvant d’une République entretenue dans la concorde, La Perrière en appelle au temps de paix, à la tempérance, à la philosophie et à la justice10. C’est à la déposition des armes et au règne des lois qu’il aspire (section I), comme à l’avènement de la justice (section II)11.
Section I. Les Lois
6Ancienne exigence de la théorie politique que celle du règne de la loi. La majorité des penseurs placent le salut de l’État dans ses lois. Les plus critiques se montrent sceptiques sur les vertus des lois humaines, non sur les bénéfices que pourrait procurer à l’individu et à l’État l’avènement de lois justes. La plupart s’accordent ainsi à affirmer que le pouvoir doit s’exercer conformément à un système normatif dont la fin est le bien de la communauté12. « Vouloir le règne de la loi, c’est vouloir le règne exclusif de Dieu et de la raison. Vouloir au contraire le règne d’un homme, c’est vouloir en même temps celui d’une bête sauvage, car l’appétit rationnel a bien ce caractère bestial, et la passion fausse l’esprit des dirigeants, fussent-ils les plus vertueux des hommes », assure Aristote13. L’observation de la loi est ainsi devenue le critère déterminant de la qualité des différents régimes politiques. Pour La Perrière comme pour ses prédécesseurs, « l’antiquité & utilité des loix est si evidente, que toute probation en seroit superflue »14. Les lois humaines doivent, à l’instar du droit, refléter la loi divine (I). En demeurant stables, elles assureront la pérennité de l’État (II).
I. De la loi divine aux lois humaines
7L’auteur du Miroir politicque distingue trois lois : « à scavoir est, loy de nature, loy d’escriture, & loy de grace »15. Cette pluralité cependant ne saurait faire illusion. Toutes reflètent l’ordre hiérarchique donné par Dieu au monde (a), lequel demeure le fondement essentiel et nécessaire des lois humaines (b).
a. La hiérarchie des lois
8Nature, écrit La Perrière, nous montre le chemin de la loi16. L’Univers tout entier, le monde sensible, réceptacles des préceptes divins, révèlent à l’homme qui sait les déchiffrer quelles règles doivent guider sa vie et le gouvernement de la chose publique. L’éthologie comme la botanique reflètent ainsi la préférence affichée par le Créateur à l’endroit d’un gouvernement unique et d’un régime constitutionnel royal. Et, tandis que les mœurs amoureuses des cigognes donnent l’exemple du mariage et de la fidélité, celles des fourmis donnent celui d’êtres industrieux, faisant un usage prudent de leurs propriétés17.
9Très proche de l’enthousiasme des Réformateurs qui, faisant du droit naturel l’origine des lois positives, se réconfortaient avec Calvin de ce que « ce qui est naturel ne peut être aboli par aucun consentement, par aucune coutume »18, La Perrière voit dans le respect de la loi de nature la garantie du respect dû à la nature humaine. Il ne paraît ni avoir pris conscience des difficultés liées à une détermination précise des lois naturelles, ni avoir pris acte des divergentes lectures pouvant être faites du « Grand Théâtre du monde ». Ne remarque-t-il pas que Patrizi déduit de l’éthologie la préférence divine pour des gouvernements multiples quand il conclut à la prééminence du gouvernement d’un seul ? N’a-t-il pas relevé comme Aristote, et partant saint Thomas, que toute détermination précise des règles juridiques applicables transforme la loi naturelle ? Négligeant le problème posé par sa formulation, impliquant son adaptation aux circonstances et éventuellement sa dénaturation, il continue de voir en elle une loi identifiable et éternelle19. Sans faire écho à la méfiance des théoriciens qui s’étaient inquiétés de voir les paysans, en 1525, l’invoquer pour fonder leurs revendications20.
10Il faut dire que, privé de l’outil pratique que constituait le droit romain, véritable ratio scripta, pour l’identification du droit naturel, il trouve à la loi naturelle un référent de taille : la Révélation21. Au vrai, la loi qu’il lit dans la Nature se différencie mal des préceptes divins inscrits par Dieu dans le Monde et consignés dans les Saintes Écritures. Des trois lois qu’il évoque, aucune ne se départit en réalité de la loi divine :
En la loy de nature fut premier prestre Melchisedech. En la loy d’escriture Aaron. En la loy de grace (souz laquelle vivons à present) fut premier prestre apres Jesus Christ, Pierre Apostre, comme apert par le discours des cinq livres de Moyse, de l’Evangile & des Actes des Apostres22.
11Et la valeur propre qu’il refuse à la loi naturelle, le prêtre la refuse plus encore à la loi civile. Celle-ci doit en effet résulter de pure « Philosophie », comme l’indique l’axiome platonicien du Philosophe-roi ici déformé pour assurer que
toutes les fameuses & florissantes Republicques ont pesché leurs loix aux fleuves de Philosophie23.
12Sa démonstration se veut limpide : Où donc ont trouvé leurs lois les Athéniens, Lacédémoniens, Mityléniens, Crotoniates, Scythes et Romains ? Auprès du philosophe Solon, de Lycurgue, Pittaque, Pythagore et Anacharsis. Les princes, dictateurs, consuls, sénateurs, tribuns et autres empereurs de Rome ont eu « toute qualité de doctrine », tels Jules César, Auguste, Trajan, Marc Aurèle et Alexandre Sévère. Au centre du mythe du législateur unique, qu’il grossit des exemples du grec Phoronée, de l’égyptien Mercure Trismégiste, des romains Numa Pompilius et des auteurs de la loi des douze tables, de Moïse, du « monstre » Mahomet, de Pharamond ou de Charlemagne24, figurent Abraham, Isaac, Platon, Aristote, et enfin Dieu, présenté comme le premier d’entre tous25. Par une invocation du Livre saint, les magistrats sont donc invités à calquer les lois de la République sur les préceptes bibliques :
Ne dit pas Sapience aux divins escritz : Par moy regnent les Roys & les conditeurs des loix decretent & ordonnent les choses justement ?26
13Ainsi les capitouls de l’année 1539-1540 sont-ils similairement pressés de s’informer des lois municipales :
Comment pourroyent les Hebreux savoir leur loy sans les escritz de Moyse ? Les Mahometistes sans leur Alchoran ? Comment pourrons nous estre vrays Chrestiens, si nous ignorons l’Evangille ? Comme pourra estre bon Capitol qui n’aura leuz les statutz municipaux, & ordonnances des predecesseurs, qui ont eu l’administration politicque ?27
14Pour La Perrière comme pour saint Augustin, « toute loy qui ne porte l’image de la loy divine est une vaine censure »28. Seule la loi divine se trouve à même de tracer les contours à l’intérieur desquels peut se mouvoir la loi civile, qui constitue
le ferme & solide fondement de toute civile societé, & icelluy defaillant tout l’edifice politicque vient en ruyne29.
b. Les lois humaines
15Des lois humaines, La Perrière donne somme toute une vision assez ambiguë. Influencé par la complexe vision aristotélicienne de la loi30, il hérite essentiellement d’une tradition qui, de saint Augustin à Calvin, fait de celle-ci un élément « tempérant » de la République :
l’office principal de loy est, de commander choses honnestes & vertueuses : & à l’opposite de prohiber & deffendre choses deshonnestes & vicieuses31.
16Outil fondamental guidant l’homme vers la vertu, la loi se distingue mal, ici, de la morale. Ce n’est pas sans raison que la définition précitée se trouve suivie d’un renvoi à l’Ethique à Nicomaque, où les lecteurs du Miroir Politicque trouveront un « petit formulaire » de la « morale philosophie ». Pour autant, les lois que l’auteur donne en exemple le révèlent : la loi est à ses yeux essentiellement prohibitive, chargée de
reffrener les voluptez immoderées que nous prenons à laise, quand nous n’avons aucun doubte de guerre32.
17S’attachant à empêcher l’accomplissement des mauvais penchants de l’homme, elle remédie aux désordres et conflits que ceux-ci entraînent. C’est pourquoi elle est particulièrement nécessaire en temps de paix, car c’est alors que l’homme laisse libre cours à ses turpitudes, et que la jeunesse, plus particulièrement,
franche & libre de tout soing & crainte de guerre, lâsche la bride à toutes voluptez33.
18Les lois de Lycurgue et de Dracon sont citées en exemple. Ayant ordonné la prise en commun des repas et la simplicité des mets servis, les premières ont banni de la République « toutes les occasions de gourmander, tous aiguillons de vin et (parlant plus generallement) tous irritemens de gueule, lesquelz sont coustumiers d’effeminer les corps virilles » ; elles ont interdit toutes pompes de vêtements, odeurs, parfums et onguents, et autres « semblables irritemens de volupté »34. Les secondes ont lutté contre la paresse des Gymnosophistes, refusant toute nourriture à ceux qui ne travaillaient pas35. Toutes poursuivaient des fins similaires à celles recherchées par les lois somptuaires qui, dans la jeune République romaine, favorisèrent la modestie contre la volupté, l’orgueil et la superbe36. Ainsi font-elles écho aux interdictions du Décalogue et aux péchés définis par l’Église. Comme chez saint Augustin et comme chez Calvin, elles sont faites pour l’injuste, non pour le juste, pour celui qui vit sans raison, non pour l’homme raisonnable37.
19De telles superpositions de la loi divine et de la loi humaine, puis de cette dernière avec la morale, pouvaient laisser croire en l’existence de lois universelles, admises par tous les peuples du monde. La Perrière cependant se montre influencé par la théorie des climats exposée dans les œuvres d’Hippocrate, d’Aristote et de Platon38, laquelle emportait à la Renaissance la conviction unanime des humanistes39. Il l’invoque pour justifier la non insertion des statuts municipaux de Toulouse à la fin du Miroir Politicque,
d’autant, que (comme dit saint Hierosme) chacune province abonde en son sens, & que tous statuts se changent selon la diversité des temps, des lieux, & des gens40.
20Or, ce lien reconnu entre le lieu d’établissement d’un peuple et des « statuts » désignant ici les ordonnances municipales, il ne manque pas de l’étendre aux lois. Pour autant, peu pragmatique ici encore, il n’évoque concrètement la constitution d’aucun corpus législatif particulier. Célébrant comme More et Machiavel les fondateurs mythiques ayant créé instantanément des lois sages, correspondantes aux mœurs de leurs peuples41, il n’envisage pas leur postérité. De fait, si sa Chronique 228 mentionne une formule de Plutarque (reprise par Bodin), disant
que nous avons en ce monde troys choses necessaires pour bien vivre : Le prince, la loy et la justice. Le Prince depend de Dieu duquel il est vray image en terre ; du Prince, la loy ; de la loy, l’exercice de justice. Car la fin de la loy est justice42,
21si un autre manuscrit reconnaît incidemment au roi la possibilité d’abolir des lois antérieures43, le Miroir Politicque ne donne aucun visage concret à l’autorité détentrice du pouvoir législatif. N’y est pas reconnue au prince la responsabilité de créer la loi. Un silence total y plane sur les traditions scolastiques dont le second souffle renforçait alors la théorie du droit divin des rois et sur les maximes romaines qui légitimaient depuis plus de trois siècles le pouvoir législatif d’un roi de France, première expérience de sa souveraineté. L’auteur n’invite guère les Valois à établir une compilation sur le modèle de Justinien. Il ne leur suggère pas davantage de faire une loi générale pour le royaume, contrairement à Seyssel, Budé ou Le Caron44. Empreint d’autant de préjugés à l’encontre du peuple qu’à l’encontre du roi, il se trouve tout autant éloigné de ceux qui, suivant la tradition de la lex regia, osaient placer entre ses mains la souveraineté législative45, même s’il ne se montre pas opposé à la possibilité de soumettre de nouvelles lois à l’assentiment populaire, coutume qui avait cours chez les Locriens46.
22Le relativisme qui sous-tend sa pensée au plan constitutionnel se retrouve dans sa conception de la loi humaine. À ses yeux, l’essentiel réside non dans les autorités titulaires du pouvoir législatif, il les ignore, mais dans la conformité des lois humaines aux lois divines, et, partant, dans leur autorité. C’est en effet cette conformité qui conditionne ensuite leur observation.
II. L’observation des lois
23« L’observation des lois » constitue pour l’auteur du Miroir Politicque la garantie de la conservation de l’État. Incontournable, puisque les lois humaines doivent refléter les lois divines immuables, elle sera facilitée par l’existence de lois écrites à l’autorité indiscutable (a), et à la lettre quasiment intangible (b).
a. L’écriture et l’autorité des lois
24N’ayant jamais voulu mettre leurs lois par écrit, les grands Lycurgue et Numa Pompilius s’étaient positionnés à rebours des positions prises par Platon dans sa Seconde épître à Denys, comme de celles qu’avaient prises et que perpétuèrent à la suite de Platon de très nombreux penseurs, dont Marsile Ficin47. C’est une très longue tradition juridique et politique qui se montre en effet favorable à l’écriture de la loi. Considérant qu’il s’agit de répondre à une exigence commandée par l’utilité, La Perrière s’y rallie d’ailleurs sans discuter, et même, avec une certaine emphase :
Comment pourroit l’on bien gouverner une cité sans magistraz ? Et comment peuvent estre les magistraz telz qu’il est requis sans l’usage des loix ? Et comment pourroit l’on user des loix sans l’usage des letres, & consequemment d’escriture ?48
25Passant sous silence la question pourtant fondamentale, et contemporaine, de la rédaction des coutumes49, il considère simplement que l’écriture de la loi permet aux magistrats d’identifier les fins que leur gouvernement doit poursuivre50. Et qu’elle vient aussi circonscrire plus fermement le champ à l’intérieur duquel peuvent se déployer leurs activités. Ainsi garantit-elle tout à la fois l’efficacité du gouvernement et le droit des citoyens dans la sphère publique, de même que l’écriture des actes civils garantit leurs droits dans la sphère privée,
Je taise tous les actes judiciaires, tant ecclesiasticques que seculiers, civils que criminelz, qui ne peuvent estre exercez sans icelle. Je taise tous les contractz (sans lesquelz civile societé ne peut consister) qui ne peuvent avoir asseurance sans ecriture, tous testamens, codicilles & legaz seroyent frustratoires, s’il n’en estoit apparent par escriture autenticque [… ]51.
26L’écriture de la loi pour autant ne participe pas de l’essence de la loi52. Pour l’humaniste, tout entier convaincu de la prévalence des lois divines ou naturelles sur les lois humaines, l’absence d’écriture ne saurait remettre en question le caractère obligatoire des premières, ni l’existence de lois écrites entraver leur supériorité fondamentale. Reflétant la pensée des théoriciens grecs, et celle des juristes qui, à l’instar d’Alciat, rejoignaient leurs considérations, l’un de ses manuscrits note que
Les jurisconsultes disent que raison est l’ame de la loi et les parolles ou l’escripture dicelle sont le corps. Et que si le prince veult abolir une loi fondée en raison, il peult abolir le corps dicelle c’est à dire l’escripture, mais il ne peult abatre l’ame de la loi, c’est la raison sur laquelle la loi fut premierement fondée53.
27Reconnaissant implicitement au prince le pouvoir d’abolir des lois antérieures, l’assertion sert l’idée d’une perpétuité de la loi ou, du moins, celle d’une ratio legis persistant en dépit de l’abrogation du corps législatif. Elle n’est pas incompatible avec la reconnaissance d’une évolution des lois, notamment dans l’hypothèse de la disparition de l’autorité les ayant édictées, celle d’un changement de gouvernement ou d’une adaptation de la législation aux circonstances54. Mais elle vient ici avant tout démontrer aux magistrats l’importance de se conformer à la « raison » de la loi. Mettant en garde contre l’éventualité d’un décalage entre des normes existantes, qualifiées de raisonnables (sinon de divines ou de naturelles), et de nouvelles lois reflétant l’imperfection du législateur terrien, c’est sur ces dernières qu’elle jette un certain discrédit.
28L’auteur n’envisage pas de manière explicite, dans ce texte, l’hypothèse de leur contrariété aux normes divines impératives ni n’indique a fortiori à ses lecteurs quelle attitude adopter en ce cas. Un peu plus éloquent dans le Miroir Politicque, il en appelle à l’autorité de saint Paul et de saint Augustin :
L’Apostre escrivant aux Colossiens ha tant exaucé la vigueur de la loy, qu’il l’appelle lyen de perfection, ce que se doit entendre de toute loy qui conforme à la loy divine : car comme dit saint Augustin en sa divine cité : toute loy qui ne porte l’image de la loy divine, est une vaine censure55.
29Certains auteurs n’avaient pas hésité à proclamer la vanité et la nullité des lois déviant des prescriptions divines. D’autres avaient conclu à l’absence de légitimité du roi qui osait les enfreindre ou à la nécessité de soumettre ce dernier à l’autorité d’un arbitre souverain en matière de raison. « La loi demeure, mais le roi tombe », lit-on chez un auteur médiéval anglais ; le roi doit se soumettre à l’autorité de l’université de Paris, affirme Gerson56. La Perrière ne marche pas sur ces traces, qui poursuit avec saint Augustin :
en vain ne sont instituez la puissance Royalle, le magistrat condamnant, le bourreau executant, le bras seculier fortifiant, le maistre commandant, le pere par severité corrigeant, car chacun d’iceux ha ses causes, ses raisons, ses utilitez. Quand chacun des susdictz est craint, les mauvais sont chastiez, & les bons vivent en asseurance parmy eux57.
30Il estime manifestement, comme un peu plus tard Bodin, que le discrédit porté sur la loi rejaillit sur le magistrat58. Insistant sur l’impérieuse nécessité d’instaurer des lois humaines conformes aux normes divines, il entend conférer aux premières l’autorité due aux secondes. Et juge nécessaire d’assurer le pouvoir du magistrat suprême pour garantir la stabilité de la République, même s’il ne reconnaît pas au roi une souveraineté totale en matière législative comme devait le faire le jurisconsulte angevin. Avec Isidore de Séville, et avec une fermeté que n’aurait pas reniée Jean Courtecuisse, il considère donc que
depuis que la loi est établie et approuvée, il ne faut point juger d’elle, ains faut juger selon elle59.
31Les lois constituent les piliers fondateurs de l’État. Ceux-ci ne sauraient vaciller sans mettre en péril l’entière République. En témoigne s’il en faut cette métaphore également prisée par Étienne Pasquier, Louis Le Caron ou Hotman :
Bref, la loy est en la cité, comme l’esprit au corps, & tout ainsi que le corps sans l’esprit vient infalliblement à putrefaction, semblablement toute cité & Republicque sans loy vient en ruyne & perdition60.
32Aussi la maxime de Sénèque (De clementia, I, 5, 1) selon laquelle le prince est l’âme de la République est-elle par lui totalement ignorée61. Il n’appartient pas aux hommes, estime-t-il, fussent-ils citoyens ou magistrats, de porter un jugement sur la loi62. Leur tâche consiste avant tout à les bien conserver, et à en assurer l’efficacité.
b. La conservation et l’efficacité des lois
33L’humaniste montre une certaine conscience de la nécessité de l’évolution des lois. La Morosophie loue celui qui sait changer de mœurs et façons de vivre63. Se félicitant d’un changement introduit par Henri II dans le mode d’élection des capitouls, la Chronique 229 le relève par ailleurs,
il est notoire à tout homme de bon sens que la variation et succession du temps faict varier l’oppinion des humains tellement que ce que autreffois aura esté trouvé bon sera par temps trouvé mauvaiz64.
34Le Miroir politicque ne manque pas enfin d’assortir la théorie des climats d’une variante temporelle :
tous statuts se changent selon la diversité des temps, des lieux, & des gens65.
35Mais cette question de l’évolution de la loi dans le temps ne faisait guère l’unanimité. Platon s’était prononcé contre66. Aristote, qui en avait accepté l’hypothèse, n’avait jamais en réalité approfondi un thème abordé fort succinctement et avec une méfiance certaine67. Puis, alors que saint Thomas avait retenu ces préventions, l’aristotélisme médiéval, faisant de la loi naturelle l’équivalent du juste, avait envisagé la loi humaine comme nécessairement variable68. En poussant vers le relativisme juridique et l’historicisme, l’humanisme incitait plus encore les théoriciens à reconnaître la nécessité d’adapter les lois aux temps et aux mœurs changeants des peuples69. Mais les humanistes sur ce point divergeaient. Guevara et Pasquier s’en tenaient au dit prêté à Pline selon lequel tout homme voulant introduire une nouvelle loi devait avoir la tête tranchée70. Lecteur de saint Thomas, Montaigne considérait que tout changement serait préjudiciable à l’État71. Se rattachant en définitive à ce dernier courant, La Perrière se montre à son tour défavorable à toute modification de la loi, si infime soit-elle72, car, explique-t-il,
La dixiesme cause de mutation de Republique est Petitesse. Et cela advient, quand par dissimulation ou autrement, l’on detranche de la loy, ou de l’estat politicque quelque chose (tant soit-elle petite). Le commun proberbe dict, que du petit l’on vient à un autre petit, & plusieurs petis accumulés font un grand, & de l’œuf l’on vient au beuf : & peu à peu l’on evacue l’authorité de l’estat ou de la loy, ce que l’on n’oseroit faire tout d’un coup car la diminution seroit trop evidente [… ]73.
36Aux magistrats de veiller scrupuleusement aux premiers signes révélant une telle maladie, sans dissimuler aucune tentative d’infraction à la loi car, de même que
nous voyons qu’une fievre lente afflige si peu le patient, qu’à peine se cognoist-il estre febricitant : mais qui la laisse continuer, sans y remedier de bonne heure, elle se convertist en fievre ethicque, & consequemment devient incurable74.
37Averti peut-être par Machiavel, qui conseillait à ceux qui désiraient changer le régime d’une cité de « conserver au moins l’apparence de ses anciennes institutions »75, il voit dans l’inobservation des lois le signe avant-coureur de la ruine de l’État, qui ne viendrait pas d’un coup,
car la chose seroit trop apparente, mais l’on le fait peu à peu, pour que l’on ne s’en apparceoyve. Et si ce peu est dissimulé ou tolleré par les magistratz, il vient à se agrandir, & à enfraindre totallement & appertement la loy, qui est le ferme et solide fondement de toute civile societé76.
38Aristote l’a convaincu. Un extrait de la Politique montre qu’un tel processus a abouti à la ruine des Ambraciotes, il en suit les conclusions. Plutôt que d’habituer les hommes à abroger les lois à la légère, il convient de maintenir ces dernières dans la fermeté, en dépit de leurs imperfections. Ainsi se trouveront protégés l’État et ses gardiens, les magistrats77. La modification de l’ordonnancement juridique du royaume et la « Réformation » des lois à l’œuvre au xvie siècle ne sont point ici considérées comme des impératifs de gouvernement78. Bien au contraire. Aux antipodes d’un Grassaille affirmant « À nouveau roy, nouvelle loy »79, La Perrière cite Démosthène relatant que tout Locrien désireux de soumettre une nouvelle loi à l’approbation de ses concitoyens devait le faire en place publique, la corde au cou, car si sa proposition n’était acceptée du peuple assemblé, il se trouvait « incontinent estranglé pour recompense condigne à sa temerité ». La Perrière conclut avec Hérodote et l’Ecclésiaste :
Hérodote dit que qui tasche de changer de loix, & de facon de vivre, est insensé. Le sage en son Ecclesiasticque dit, le Coleuvre mordra celuy qui dissipe la haye, ce que les docteurs exposent, de ceux qui taschent à dissiper les loix anciennes, & acoustumée façon de vivre80.
39Clôturant la « Confutation de la République de Platon » défendant le mariage et la propriété privative des biens, cet extrait révèle quelle lois La Perrière entend assortir d’une autorité absolue : les lois humaines reflétant exactement ce qu’il considère comme des prescriptions divines.
40Depuis que la loi est établie et approuvée, il ne faut point juger d’elle, mais selon elle, assure-t-il81. Sans être des plus pragmatiques. L’affirmation convient dans une République exemplaire où un système législatif a été instauré en parfaite conformité avec les normes du Créateur, et dans laquelle toute évolution, considérée comme une dépravation, est bannie. Mais elle implique que les gouvernants ne disposent d’aucun pouvoir décisionnel en matière législative, si elle n’interdit au juge le pouvoir d’interpréter les lois82. C’est là une conception bien éloignée de la réalité gouvernementale et de celle des prétoires. Les lois que l’auteur du Miroir Politicque entend établir dans la République correspondent à des prescriptions générales qu’il convient non seulement d’identifier, mais encore d’adapter aux circonstances. À défaut, elles restent imprécises et inapplicables83. La Perrière d’ailleurs ne l’ignore pas puisque l’un de ses emblèmes s’inspire de la métaphore, tirée de Diogène Laerce, par laquelle le philosophe Anacharsis avait repris Solon d’avoir rédigé ses lois :
L’araigne ha belle, & propre invention,
Quand sur sa toile elle attrape les mousches :
Mais elle est foible, & n’a protection,
Pour resister aux grosses et farouches.
Au temps qui court, gros ne craignent les touches,
La loy n’ha lieu que sur pauvre indigence,
Les riches ont de mal faire licence,
Pauvreté n’ha jamais le vent à voile.
Qu’ainsi ne soit, on void par evidence,
Que grosse mousche abbat legiere toile84.
41Une même dénonciation des lacunes de la loi écrite et de son inefficacité à atteindre son objectif premier, faire régner la justice, perce dans le Miroir Politique. Suivant Érasme et contrairement à Bodin, l’auteur y observe que ce sont les grands et les riches qui en bénéficient au détriment des humbles85. Proche de la vision socratique de la loi, il n’est pas loin de considérer la loi humaine comme un instrument d’exploitation des classes faibles par les plus aisées86. L’histoire municipale lui en donne de vivants exemples. Ses chroniques racontent une justice municipale aux prises avec des marchands habiles à contourner la loi, des marchands dont les fraudes, insuffisamment sanctionnées, causent de l’injustice dans la République87. Avec les sophistes Calliclès et Hippias, les réformés88, et plus tard Montaigne, il constate que la loi humaine ne peut assurer le règne du droit89.
Conclusion
42Les finalités assignées à la loi, La Perrière les confie somme toute au magistrat. Il le fait implicitement, sans référence à la tradition hellénistique d’un roi ou d’un juge nomos empsychos ni à la définition cicéronienne du magistrat lex loquens, passée dans le Corpus Juris Civilis et très largement diffusée depuis le xiiie siècle90. La question de la souveraineté législative lui posait-elle celle de la relation entre le roi et son Parlement, celle du gouvernement de la France ? Ayant pris acte de l’autorité absolue des Capétiens, il ne leur reconnaît explicitement aucun pouvoir législatif ni n’admet distinctement le rôle des officiers parlementaires en la matière, peu compatible par ailleurs avec ses conceptions religieuses sur un ordre divin ancestral ou ses rêves d’un législateur mythique et originaire. C’est bien à eux pourtant qu’il confie la tâche de préserver l’autorité des lois et de « distribuer » la justice91 :
Car la fin de la loy est justice92.
Section II. La Justice
43Prévenant la cité de devenir une caverne de brigands & de larrons, comme chez saint Augustin, la justice est particulièrement nécessaire en temps de paix, « pour refréner l’alliance de mal faire », écrit l’auteur du Miroir Politicque93. Comprenant « toutes vertus sans l’exercice de la quelle civile societé ne peult consister »94, elle se peut entendre, comme l’a expliqué Aristote, comme « une vertu specialle & generalle, ou pour une perfection universelle »95. Vertu générale, elle n’est autre « que universelle perfection de vertu, n’ayant aucune macule d’iniquité », selon l’expression de saint Jérôme96. Vertu spéciale, elle répond en premier lieu à la définition de saint Ambroise :
Justice est vertu cardinalle distribuant à chacun son droit. […] celle qui donne à chacun ce qu’est sien, & ne se approprie rien d’autruy97.
44N’ignorant pas la distinction entre justice distributive et justice géométrique98, La Perrière expose à ses lecteurs les deux visages d’une justice dont il évoque tantôt l’aspect commutatif, requérant « equalité de quantité » en sorte que « chacun prenne tant comme il doit », tantôt l’aspect distributif requérant « equalité de qualité (ou proportion) »99. Un « Arbre » spécifique vient illustrer ce dernier point. Vraie justice, montre-t-il, consiste à rendre tout à la fois adoration à Dieu, révérence aux supérieurs, concorde aux parents, discipline aux mineurs, patience aux ennemis, miséricorde aux pauvres, intégrité de vie à soi-même100.
45« Droit calibre de justice », ce faisant, constitue un critère distinctif des bons régimes, un remède pour obvier aux séditions et un moyen pour faire prospérer longuement cités et Républiques101. Il s’agit essentiellement de poursuivre deux finalités sans cesse rappelées dans les Annales manuscrites de Toulouse comme dans le Miroir politicque :
Et comme le ciel est annobly et illustré de deux grands lumieres, Soleil et Lune, aussi toute republicque ha en soy deux lumieres, assavoir est guerdon aux bons et pugnition aux mauvais102.
46L’idée est des plus classiques. Elle figure dans l’ordonnance de Montils-lès-Tours et dans celle de Villers-Cotterêts103. Calvin l’a puisée chez Jérémie104 et Bodin ne l’ignore pas105. Le Miroir Politicque le répète : la punition des délinquants permet aux bons citoyens de vivre en sécurité ; la rémunération de ces derniers les incite à plus de vertu106. L’observation de justice constitue donc le tiers remède pour conserver les Républiques, la « prompte punition des crimineulx » le quatrième (I) et la « droite distribution d’honneurs » le sixième moyen de les préserver (II).
I. La « prompte punition des crimineulx »
47La Perrière l’a lu chez « la plupart des auteurs élus », Platon, Aristote, Xénophon, Cicéron, Patrizi ou Pontano, et ses chroniques municipales le répètent : le premier soin et cure des magistrats et « moderateurs de republicques » est d’expurger la cité de « meschantz gens », « gens criminels, malings et de maulvaise vie ». Il en va non seulement de la nécessité de punir les délinquants pour leurs fautes, mais aussi de celle d’assurer la tranquillité des bons citoyens, tant en leurs personnes qu’en leurs biens107. Ces finalités ont présidé à la constitution historique de la cité, il est donc naturel que la République les prenne en charge en assurant une justice à la fois incorruptible et diligente (a), exemplaire et aveugle (b), attachée en particulier à sanctionner les magistrats délinquants (c).
a. Une justice incorruptible et rapide
48La juridiction des capitouls s’étendait à l’exercice de la justice criminelle dans toute la viguerie, et les méfaits commis quotidiennement dans Toulouse étaient nombreux108. Aussi appartenait-il à l’historiographe de la ville de noter dans ses chroniques la vertu avec laquelle les magistrats rendaient justice aux citoyens. La Perrière s’acquitte de cette tâche dès la Chronique 216, faisant valoir la sagesse avec laquelle ils ont exercé « le glaive de leur severité » à l’encontre des « malfaicteurs, mal vivantz, larrons, affronteurs, escornifleurs, regnieurs et blasfemeurs de Dieu, vagabondz, taverniers, joueurs, pipeurs, porteurs d’espées et aultre vermine de gens »109. Il persévère dans les suivantes. Dans la Chronique 226, c’est par le biais d’une métaphore rustique qu’il exhorte les magistrats à faire preuve de sévérité :
Hesiode, Virgile, Cato, Varro, Palladius, Columelle et autres excellentz autheurs qui ont escript d’agriculture, admonestent tout bon laboureur (s’il pretend de bien remplir son grenier et celier de bled et vin), de separer en ses champs les maulvaises herbes des bonnes, voire de les arracher totallement affin que icelles maulvaises et inutiles herbes (qui croissent plus que les bonnes), ne occupent en vain la terre, et ne ostent le nourrissement des bonnes et profictables110.
49Le bon magistrat, précise l’auteur, doit s’inspirer du bon laboureur. Il lui faut donc bannir les mauvaises herbes, qui symbolisent tous
hereticques, blasphemateurs, sacrileges, parjures, homicides, volleurs, larrons, brigands, couppebourses, pipeurs, faulx monnoyeurs, rongneurs, affronteurs, macquereaulx, ruffiens et semblables pestes des Republicques […], maulvaises herbes qui ostent le nourriment aux bonnes […], mangent le pain des bons citoyens, les pillent et desrobent et bien souvent les tuent111.
50Partant de constatations similaires, Bodin devait prôner le développement de la « censure » permettant d’identifier les « mouches guespes, qui mengent le miel des abeilles »112. Lui se contente d’exhorter les magistrats à rendre une justice aussi prompte que rigoureuse, laquelle aboutira incontinent à chasser et exterminer les « pestes de la cité » et « perturbateurs de tranquilité publique » que sont ces délinquants, « membres pourris » du corps politique113.
51Ses lectures juridiques lui en ont laissé la conviction :
ne merite d’estre secouru, qui à son essient, et de sa propre volonté se met en péril114.
52Ne suggérant aux magistrats ni de modeler les sanctions en fonction des personnes ni de distinguer entre jeunes, aliénés, voluptueux, lâches ou colériques, pour punir chacun « en harmonie avec la faute qu’il a commise »115, il leur recommande la fermeté. Sachant que les juges sont soumis à de multiples tentations, il dépeint à ses lecteurs les corruptions auxquelles ils devront résister : la crainte de déplaire à un prince, le désir de contenter quelque autre personne, celui de se venger, l’influence des flatteurs, la compassion inspirée par les criminels, l’ignorance des droits divins et humains, enfin, « le plus grand & qui a plus d’efficace » : « les dons & presents »116. Les « vrays » magistrats, insiste-t-il, doivent rester imperturbables face à ces tentations. Leurs jugements doivent être fondés, à l’instar de celui de Salomon, « en seule raison naturelle et sur la presumption de nature »117. Pour y pallier, Moïse avait constitué des juges et des magistrats aux portes de la cité « comme au plus apparent & plus evident lieu », afin qu’ils jugent « par juste jugement, sans vaciller ou incliner par affection desordonnée plus à l’un qu’à l’autre »118. La Perrière n’en commente pas la règle. Mais il demeure inflexible : seule une justice rigoureuse permet que les suspects, immédiatement appréhendés, soient
interroguez, affrontez, geynez, condamnez, & jouxte leurs demerites executez119.
53La « prompte punition des crimineulx » constitue à ses yeux le quatrième moyen d’obvier aux séditions de la République. Il s’agit de parer aux troubles qui pourraient être fomentés par les délinquants laissés en liberté. Car les coupables, accusés par leur propre conscience et craignant continuellement d’être punis de leurs crimes, nourrissent, dit-il, une frayeur semblable « au vautour qui ronge continuellement le foye de Titius aux enfers »120. Tout répit à eux laissé ne fera qu’accroître leur effroi, et ceux-ci,
pensans sauver leurs vies, & fuir le supplice, auquel leur conscience les juges redevables esmeuvent sedition en la Republicque : & comme desesperés de leurs vies, jouent du perdu à perdu121.
54Une telle hypothèse n’est pas pure chimère. La Perrière a lu chez Aristote qu’un processus identique a jadis amené les nobles de la République de Rhodes à se soulever contre le peuple122. L’anecdote a sans doute contribué à renforcer ses convictions. Peu enclin à prôner une modération des peines, il ne peut donc se satisfaire que de condamnations parfaitement édifiantes.
b. Des peines exemplaires
55À ses yeux comme à ceux de ses contemporains, la justice s’inscrit dans une politique nourrie par l’« éclat des supplices », dans une problématique de l’exemplarité des peines qui condamne et dénonce les voies déviantes suivies par les délinquants123. Ainsi que l’écrit Cujas, « la peine regarde moins le délit commis que l’exemple à donner »124. Ses chroniques l’illustrent. La Perrière y juge insuffisantes les punitions des coupables ayant enchéri les blés, eu égard tant à la gravité du crime et à sa fréquence qu’à ses conséquences sur le pauvre populaire125. Il y relate aussi maints exemples édifiants de la justice municipale. C’est un « séducteur » vivant en ermite qui, pour avoir prêché et maintenu diverses opinions scandaleuses, est emprisonné et emmuré en la conciergerie. Un autre venu de la ville de La Charité, lequel « en l’habit d’apostre, portant bourdon, cheveux fort longs et barbe longue », entraînait le menu peuple « comme sy feust esté sainct Pierre » : il est contraint de se raser et de retourner chez lui126. C’est un hérétique condamné au fouet, à une cérémonie d’abjuration publique et banni de la viguerie de Toulouse127. D’autres qui se sont enfuis à Genève avec leurs familles, brûlés en effigie, leurs biens confisqués au profit du roi128. Ce sont ceux qui, déguisés en malades « combien qu’ilz feussent sains et gaillards, se perfumoient de soulfre et frotoient du just de certaines herbes », pour prendre les aumônes destinées aux vrais impotents : ils sont « virillement » punis, condamnés au fouet et aux galères puis bannis129. Ce sont des voleurs punis à l’amende, au fouet, mis au collier, pendus, étranglés et (ou) traînés sur un chariot dans la ville. Une femme qui a volé du pain des hôpitaux sous prétexte de nourrir son enfant : elle est mise au collier un dimanche à la porte de l’hôpital, pour y demeurer en « public spectacle » de huit à dix heures du matin puis de midi à trois heures, avec sur sa poitrine un écriteau relatant son larcin130. Ce sont les écoliers complices de Salvat punis pour l’incendie des écoles en 1540131, des voleurs sacrilèges pendus et étranglés devant l’église qu’ils ont dévalisée132, des faux-monnayeurs exécutés, décapités, pendus ou écartelés, voire, suivant la peine qui leur était traditionnellement imposée, « noyez en huyle bouillant à la place Sainct Georges »133, des assassins condamnés à être décapités et « mis en quatre quartiers ou plus »134, un prêtre décapité135, une femme condamnée à mort pour avoir prostitué sa fille mineure136. Un violeur d’enfant, brûlé vif137.
56Le spectacle de ces châtiments frappait l’esprit des foules qui s’y amassaient. Aussi longtemps que restait exposé au gibet ou sur la roue le cadavre des meurtriers, tant que la tête des rebelles demeurait fichée sur un pieu, la terreur du châtiment les pénétrait138. Elle demeurait par la suite. Composant le Miroir politicque, l’humaniste se souvenait encore de la condamnation subie par le groupe qui, sévissant sous l’autorité du capitaine du guet nommé Guyot, avait blessé et tué plusieurs Toulousains en 1517. Dix-sept ou dix-huit hommes avaient alors été exécutés, endurant diverses sortes de tourments,
car les uns furent tenaillez, autres desmembrés tous vifz, autres descapités, bruslés, pendus, & un d’iceux nommé Michel Le Gras fut condamné d’estre desmembré à quatre chevaux139.
57Si La Perrière ne s’était pas montré particulièrement ému de voir les capitouls prononcer des peines similaires dans ses chroniques, n’incitant nulle part les magistrats à modérer leurs sentences comme avait pu le faire More140, ce supplice lui avait semblé par trop barbare. Il se montrait rassuré de constater la rareté de telles condamnations, observant que
ceste espouvantable execution n’est guiere souvent praticquée, que ne soit pour grande enormité de crime. Combien que ledit Michel le Gras fut attaché aux quatre chevaux, & longuement trayné, si ne le peurent les chevaux desmembrer tant il avoit solide, fort et massys le corps, & voyant que lesditz chevaux estoyent foible à ce faire, fut decapité & ecartelé141.
58Pour juger un tel spectacle épouvantable, La Perrière cependant n’en condamnait pas moins le coupable, lequel avait à ses yeux d’autant plus démérité qu’il avait usé de son office pour perpétrer ses crimes.
c. Le cas des magistrats délinquants
59Les « mauvaises herbes » qu’il faut arracher de la République peuvent être aussi bien de simples citoyens que des officiers ou magistrats. La justice doit s’exercer sans acception de personne, quel que soit l’« estatz ou dignitez » du délinquant, note l’auteur de la Chronique 227142. Relevant maints exemples de tyrans occis, les Annalles de Foix enseignent que tous traîtres, mauvais flatteurs et iniques magistrats partagent le même sort. Pour avoir écouté un flatteur et combattu son père David, Absalon fut tué et pendu :
sa mulle luy servist d’eschelle, sa belle Perrucque luy servist de corde et Lycol. Ung arbre luy servist de Gibet, et Joab fut au lieu de Bourreau. Ô quel abisme de divine providence ?143
60L’exécrable Hue ayant incité le roi d’Angleterre à faire décapiter son oncle Thomas de Lancastre, les vingt-deux barons anglais ayant obtenu la répudiation d’Isabelle de France144, Landais, ayant suborné le duc de Bretagne et causé la mort de son chancelier145, Olivier le Daim et Daniel ont connu des fins semblables. Tous périrent
penduz et estranglez, pour le salaire et guerdon de leurs subordinations & flateries146.
61Le Miroir Politicque fournit d’autres illustrations d’une justice devant s’exercer contre les officiers et « Grands » criminels, tels Achitosel, les traîtres et « proditeurs » meurtriers du preux Machabée, Judas Iscariote ou le chevalier de Rhodes portugais André Merail ayant incité le Turc Soliman à assaillir l’île de Rhodes147. La divine providence n’est pas ici seule responsable de ces punitions. C’est la justice des hommes qui ordonne la condamnation des magistrats et officiers coupables comme Michel Le Bras ou Metius Suffetius, duc des Albans ayant trahi le roi des romains Tullus à la bataille contre les Fidenates, lui aussi condamné à être démembré à quatre chevaux148. Car, affirme l’auteur,
ne faut seulement user de severité de Justice contre les citoyens delinquans, ains en faut user contre les magistratz, quand ilz abusent de leur estat & dignité : car quand le populaire veoit ses crimes estre rigoureusement punys, & les crimes des magistratz estre impunys & dissimulez, il ha grande & juste occasion de esmouvoir sedition, & se revolter contre iceux : & quand ilz voyent les magistratz delinquans estre punys de leurs forfaitz comme gens privés, ilz endurent patiemment la punition des leurs149.
62Ici prêt à légitimer les séditions suscitées par l’impunité des magistrats délinquants, La Perrière juge avec emportement ces derniers. Dans le Theatre des Bons Engins, il les menace sans une once de commisération :
Si les Lyons que l’on pent en Affrique,
Font grand frayeur, et peur à leurs semblables :
N’aura pas peur un gros larron publicque,
Ou thesorier, de ses faicts execrables ?
Maints en sont mortz au gibet, miserables,
Et les plus grandz ont commencé la dance.
Gardent soy doncq’ pour peur de la cadence,
Leurs successeurs, d’estre comme eulx meschants :
Car aultrement hault en plaine evidence,
Seront logez, comme evesques des champs150.
63Dans le Miroir Politicque, il semble préconiser l’adjonction aux peines de sang de la damnatio memoriae romaine prisée par Érasme151, encore en vigueur à la Renaissance à Toulouse152. Aussi se réjouit-il du sort réservé au doge Faliero, dont l’exécution capitale fut assortie d’une « sanction par image »153. À l’inverse, mais dans une même perspective rétributive, il défend l’érection de statues à l’effigie des bons citoyens, qui participe selon lui de la « droite distribution d’honneurs ».
II. La « droicte distribution d’honneurs »
64Équivalent positif de la damnatio memoriae, l’érection de statues à l’effigie des bons citoyens séduisait les humanistes154. Collectionneur de médailles, lecteur assidu de Vitruve et d’Alberti, La Perrière était amateur d’architecture et de sculpture antique. La possibilité d’y lire les faits vertueux des citoyens du temps passé devait combler sa curiosité d’humaniste comme nourrir ses rêves personnels de gloire. Aussi n’est-il guère étonnant de constater à quel point le Miroir Politicque le montre enthousiaste face aux monuments dressés pour récompenser les vertus civiques. Car il l’a lu dans les œuvres de Pline, Tite-Live, Plutarque ou Flavio Biondo : c’est ainsi qu’autrefois, à Rome, l’on récompensait les meilleurs citoyens. C’est à ces fins qu’Asinius Pollio dressa dans la librairie publique de la ville une statue en l’honneur de Varron, « pour la grande reputation de savoir qui estoit en luy »155. C’est de la même manière qu’Aemilius Lepidus fut récompensé du courage avec lequel il défendit la République156. Hélas, constate l’humaniste, les Français n’ayant pas maintenu ces traditions, rien ne témoigne plus des vertueux faits de tant « d’Horaces en vaillance », « preux & vaillans hommes » qui se sont illustrés en France : « pour faute d’histoire, leurs corps & leur memoire ont esté enterrez ensemble ». Paul-Émile ayant rendu « lumiere aux tenebres de noz histoires », plusieurs s’efforcent désormais, tant en latin qu’en français, de suppléer les fautes des anciens « chronographes françois », « avec grande félicité »157. La bravoure montrée lors du voyage de Charles VIII à Naples par ce « second Hector » qu’est le chevalier Bayard a donc été dûment célébrée158. Toutefois, pour La Perrière, si ces histoires incitent les lecteurs à l’imitation, les statues se révèlent bien plus efficaces, qui offrent à l’ensemble du peuple le spectacle édifiant de la vertu. Éminemment regrettable s’avère donc l’abandon de cette tradition, lequel eut lieu du temps d’Archadius et Honorius, en raison de ce que,
au commencement de l’Esglise primitive, aucuns Chrestiens d’autorité pour zele de la Foy, feirent abbatre à Rome plusieures statues anciennes, comme reliques de la vieille idololatrie des Ethniques, & defendirent d’en eriger de nouvelles, pour la mémes raison159.
65Sans doute les vertus des citoyens trouvèrent-elles à s’exprimer par le biais des armoiries et écussons, enrichis depuis le XVIe siècle de métaux et de couleurs, « les blazonnant jouxte ce qu’ilz contiennent », comme l’indique Budé. Les statues, regrette un La Perrière peu enclin à commenter la brûlante question des reliques et des images, se montraient de « beaucoup plus magnificques & de plus grand artifice »160.
66La chose va de soi : c’est la sagesse des citoyens qui demeure primordiale. L’auteur du Miroir Politicque le répète avec le sage Démétrios de Phalère,
les Atheniens peuvent bien abbatre mes statues et images, mais ilz ne peuvent pas abbatre mes vertuz, pour raison desquelles mes statues furent jadis en public spectacle erigées161.
67Il n’en est pas moins nécessaire que la vertu obtienne de publiques satisfactions. Car les statues ou les écrits destinés à glorifier les bons citoyens encouragent l’ensemble du peuple, comme l’octroi de charges officielles, qualifiées ici d’« honneurs » suivant la terminologie aristotélicienne, se montre d’une immédiate utilité162.
68Théopompe l’a affirmé. Un royaume sera assuré si le monarque garantit ses sujets d’injure, d’oppression et
s’il faisoit les hommes vertueux de son Royaume, participans de sa dignité, & qu’il ne baillast aucune administration politicque qu’à gens doctes, vertueux & de long temps approuvez en vertu163.
69Résolument aux antipodes d’un Bodin refusant d’admettre aucun compagnon en la majesté royale, La Perrière se démarque aussi de tous ceux qui, à la suite d’Aristote, considèrent la richesse, la bonne naissance ou les valeurs militaires comme des critères devant peser dans le choix des « administrateurs politicques »164. Une métaphore développée par Plutarque le démontre éloquemment : les charges publiques ne doivent être confiées ni à des vicieux ni à des méchants165. Elles ne doivent pas tomber aux mains de ceux qui favoriseraient leurs pairs : ni l’oligarchie ni la démocratie ne sont des régimes parfaitement justes166.
70Les offices publics et les charges gouvernementales, estime-t-il, doivent être attribués aux plus sages et vertueux des citoyens. Cette attribution constitue ainsi la « premiation » de ces derniers. Droitement menée, elle assure le règne de la justice géométrique167. Il en va de l’ordre tout entier de la République, ici envisagé, selon les traditions augustiniennes, comme le reflet de l’honnêteté et de la justice divine :
Semblablement en toute Republicque bien ordonnée, les doctes, Nobles & vertueux doivent estre decorez des plus honnorables estatz & plus eminentes dignitez du Royaume et Cité, & les idiotz & infimes personnes ne doivent administrer offfices, qui surpassent leur capacité. Le vin de sa nature est confortatif, mais qui en donne à boire à un febricitant, il luy augmente la fievre, & le fait empirer. Semblablement, quand un Roy donne estatz & dignitez à gens qui ne le meritent, de meschans il les fait venir pires, & leur donne occasion de mal faire168.
71Comme chez Patrizi, Seyssel, ou Machiavel169, se trouve ici défendue la participation de tous les citoyens à l’administration de la République170. Le principe est commandé par l’existence en chaque homme de quelque « ambition d’honneur ». Celle-ci incite ceux qui se trouvent exclus des offices à envier ceux qui les administrent. Elle pourrait les pousser à se soulever contre ceux qui les en exclueraient systématiquement. C’est là la seconde cause de mutation des Républiques171. L’« ambition d’honneur » par ailleurs peut amener ceux qui se réservent les charges publiques à déprécier les autres et nourrir le « mespris » constituant la sixième cause de la ruine des Républiques,
quand aucuns citoyens sont mesprisez & excluz des offices & dignitez politicque : & quand en une cité l’on ne veut partir les honneurs172.
72Car d’évidence, les exclus finissent par se mutiner. La mauvaise conduite des gouvernants de Thèbes et Mégare, celle de Gelo ont abouti à la chute de leurs régimes173. Le mépris des princes du sang et des nobles de France a failli coûter la vie et le royaume à Louis XI174. Surtout, Rome a commis, dans la distribution des honneurs, toutes les erreurs qu’une République doit éviter. Acceptant que des citoyens soient exclus des offices publics, distribués seulement aux riches, elle a fermé les yeux sur l’orgueil grandissant de certains. Le « mespris » s’est développé dans la cité, la « dissimilitude » s’est établie dans le corps politique175, et fatalement, le populaire s’est soulevé,
voyant que le Senat & les nobles le tenoyent en tel mespris, qu’ils ne pouvoit aspirer à la dignité de consulat, dictature ne autre quelconque titre, qui fust honnorable en l’administration politicque176.
73L’histoire de la révolte de la plèbe contre le Sénat romain, en 488 avant Jésus-Christ, constitue l’exemple le plus édifiant des dangers auxquels conduit une mauvaise répartition des honneurs et dignités publiques :
Quand le commun populaire de Rome veit qu’aux honneurs & dignitez politicques n’estoyent admis que les nobles Senateurs, ou ceux qui estoyent descenduz de leur prosapie (qu’ilz appelloyent patriciens, comme descenduz des Senateurs qu’ilz appelloyent peres) & qu’ilz estoyent privez de tout estat & magistrat s’esmeurent contre les Senateurs & nobles de si grande impetuosité, qu’il n’y eut si constant noble ou Senateur qui ne tremblast. Et de fait, eut ledit populaire recours aux armes, lesquelles (comme dit le poëte) fureur met aux mains, & s’en alla camper au mont sacré outre le fleuve Aniene distant troys mille de Rome. Qui furent lors péneux ? si feurent les Senateurs & nobles qui ne s’estoyent veuz jamais en tel peril, & prevoyans que si pour lors aucuns ennemys leur eussent couru sus, il estoit fait de l’empire Romain, veu que (jouxte le commun proverbe) l’on ne peut mieux, ne plus aisement prendre les Anguilles qu’en eaue trouble, delibererent (en une sorte ou autre) d’appaiser & reconcilier le populaire mutiné, beste (comme j’ay dit dessus) de plusieurs testes, et dangereuse à conduyre & pour ce faire, y envoyerent en ambassade un facond orateur, nommé Menenius, lequel de la part du Senat estant bien instruit de sa charge, se transporta audit mont sacré, ou estant devant ledit peuple, sans faire plus long exorde (voulant adapter son oraison à la qualité de ses auditeurs) leur narra l’ancien apologue de la sedition de tous les membres du corps humain contre le ventre [… ]177.
74La relation de cet « apologue de la sedition de tous les membres du corps humain contre le ventre » suit presque mot pour mot, dans le Miroir Politicque, la version donnée par Tite-Live :
Jadis (dit-il) les membres du corps humain avoyent chacun son conseil, & son advis à part, & n’estoyent pas tous d’un consentement, comme ilz sont à present. Advint qu’iceux voyans qu’ilz estoyent tousjours en travail continuel, pour nourrir le ventre, & que le ventre ne faisoit rien que se reposer & faire grand chere aux despens & labeur des autres membres & que s’il se vouloit remplir il falloit necessairement qu’il travaillast comme eux. & de fait feirent entre eux monopole qu’ilz ne luy donneroyent plus à manger. Les pieds dirent qu’ilz ne tracasseroyent plus pour aller chercher victuailles. Les mains & bras dirent, qu’ilz n’apporteroyent plus le mourceau à la bouche. La bouche dit qu’elle ne recevroit plus la viande. Les dens dirent qu’elles ne macheroyent plus pour nourrir le ventre oysif. Or estans lesdits membres ainsi esmeuz contre le ventre : & le voulans laisser mourir de fain, ils sentirent peu à peu qu’ilz se delibitoyent eux-mesmes, & vindrent si maigres qu’à peine les pieds pouvoyent soustenir le corps : les bras estoyent si debiles, qu’ilz ne se pouvoyent desja lever envers la bouche, les dens aussi crolloyent dedans icelle. Par ainsi (dit-il) les membres se cuydans venger du ventre, se tuoyent eux mesmes178.
75L’humaniste n’a pas cependant repris le passage dans lequel l’historien romain justifiait l’importance et la fonction du ventre pour la vitalité du corps179. Ajoutant l’évocation des « dens crollantes », trouvée peut-être chez Jean de Salisbury, il évoque les acteurs de la fable (mains, pieds, estomac et dents) sans préciser leurs fonctions respectives180. Ne poussant pas plus avant l’analogie organique, il échappe aux conclusions que celle-ci imposait à bon nombre de ses commentateurs médiévaux : la primauté de l’un des membres, considéré comme source vitale (tête, cœur ou estomac), la soumission des autres181, et l’ordonnancement de la société vers son sommet182. La Chronique 226, évoquant l’autorité de Lactance Firmien et de Galiot Narnyen, affirme que
par droict divin et humain, les membres doibvent porter honneur et veneration à leur chief, et ne doibvent aucunement contrevenir à icelluy, et que pour ceste raison Dieu à voulu mettre le chief au plus hault et plus honnorable lieu de tout le corps, comme dongeon de tout le chasteau corporel183.
76Mais dans le Miroir Politique, la métaphore anthropocentrique n’aboutit pas à la reconnaissance de la prééminence particulière d’une partie du corps sur une autre. N’évoquant plus même la tête, l’auteur relève l’importance des fonctions assumées par le ventre de la République sans indiquer à quelle fonction sociale il identifie ce dernier. Il alerte sur la dangerosité de la plèbe sans préciser à quelle partie du corps politique il l’assimile. Seule est ici démontrée, en définitive, la nécessité de la participation de tous à l’œuvre collective, celle d’un dépassement respectif de tous les intérêts particuliers.
77La reconnaissance de l’injustice faite aux plébéiens, la condamnation du mépris des sénateurs n’excluent pas la réprobation du trouble suscité par la révolte. Jugé inhabile au politique, le « populaire mutiné » n’a rien compris au fonctionnement de la République. Les révoltés, « se cuydant venger du ventre, se tuoyent eux mesmes ». Ils ont fait courir un grand danger à l’État au plan interne comme d’un point de vue externe, car des voisins mal intentionnés auraient pu profiter de la rébellion et donner raison à la sagesse classique retenue par l’adage anguillas captare184. Blâmés pour avoir provoqué la rébellion, le Sénat et les nobles ont su l’apaiser en délégant auprès du peuple l’orateur Menenius. Ce sont eux qui se posent donc en garants de la conservation de la République185. Leur éventuelle supériorité n’est pas pour autant affirmée. C’est la manière dont a pris fin la sédition que la narration met en avant, l’habileté de Menenius, « facond orateur […] bien instruit de sa charge », sachant « adapter son oraison à la qualité de ses auditeurs ». C’est surtout le résultat final qui est célébré : l’apaisement de la fureur populaire, le retour des mutinés et la reconstitution du corps politique. L’éloquence de Menenius assume ici le rôle causal que l’institution des tribuns a joué dans le retour du peuple. La création des tribuns en effet, tout en répondant au problème initial, l’exclusion du peuple des honneurs et offices publics, ne se voit reconnaître qu’une place minime dans le récit186. Elle n’y apparaît que de manière incidente, comme une concession octroyée par les sénateurs en récompense du retour des plébéiens. Contrairement à Patrizi, Contarini ou Machiavel, La Perrière ne se réjouit pas du rôle confié aux tribuns, de l’observation des lois et de la défense de la liberté du peuple contre « la superbité de noblesse »187. Il ne rejoint pas non plus Seyssel dans sa condamnation de telles charges188. Une nouvelle fois, coupant court à la discussion, il renvoie ses lecteurs désireux d’en connaître le fonctionnement à Tite-Live, Plutarque, Varron, Cicéron, Fenestelle, Pomponius Letus ou Flavio Biondo189.
78Comme Aristote, qui louait les Éphores lacédémoniens en ce qu’ils assuraient la cohésion de l’État, « car le peuple se tient en paix à cause de sa participation au pouvoir suprême », il voit dans l’institution des tribuns une réponse efficace au problème de la « dissimilitude » ou du « mépris ». Une réponse nécessaire, mais qui ne soulève guère son enthousiasme190. La participation de tous aux offices et dignités publiques qu’il préconise est en effet bien éloignée d’une telle institution et de l’idée de souveraineté populaire. Elle implique l’évolution du régime simple vers une constitution mixte sans que celle-ci soit envisagée comme un moyen d’assimiler les citoyens en une « police de moyenne classe ». À tout prendre, elle n’est qu’un moyen destiné à éviter les extrêmes propres à chaque forme simple de gouvernement, comme chez saint Thomas191. Notre auteur ne se montre guère favorable à l’octroi de charges politiques à des « populaires » ou « mecanicques ». Sceptique sur leurs capacités à assumer de telles charges, il craint que ceux-ci, parvenus à des « honneurs sublimes », ne nourrissent un orgueil excessif192. L’histoire romaine nourrit ses appréhensions. Le Sénat romain, « duquel toute la sollicitude estoit de pourvoir, & par sutilz moyens contregarder, que le populaire ne se mutinast », bien souvent, « n’y pouvoit donner ordre »193. En dépit de la création des tribuns, la République n’est pas parvenue à distribuer les honneurs et dignités publiques en toute justice. Elle s’est laissée déborder par l’« ambition d’honneur » nourrie par les Marius, Sylla, Pompée et César194. Le modèle vénitien, en revanche, a su tirer profit des erreurs de Rome,
car combien que le populaire soit excluz de tous estatz & honnorables offices de leur Republicque, & n’ayent aucune jurisdiction en icelle, toutesfoys pour donner quelque contentement au dit populaire, & luy oster l’occasion de se mutiner, ilz baillent l’exercice d’aucun bas & infime offices à certains d’iceux, ceux qu’ilz font par grand discretion : car une vile personne repute à grand honneur d’avoir office en la Republicque pour vile que l’office soit, comme recite le docte Gaspar Contarene en son livre de la Republicque de Venise195.
79Confier « aux mecanicques et autres gens d’estat infime »« l’administration d’aucuns offices viles et assortables à leur vile condition »196, voilà qui participe à ses yeux de cette justice à établir dans la République. Les Toulousains l’ont bien compris, puisque le titulaire du plus infime office de la « Republicque », celui de « juge de la cour paucque », se tient pour honoré de sa charge, consistant à « tenir nettes de bouë, fiente & autres immondices les rues, quarrefours & esgoutz de la cité »197.
80C’est donc l’octroi des charges politiques aux plus vertueux, lesquels, issus de couches supérieures de la société, bénéficient de l’éducation et de la culture nécessaire pour les mener à bien, puis l’attribution des offices les plus ingrats aux moins tempérants et au populaire, qui incarne à ses yeux la « droite distribution d’honneurs » :
car ceux qui sont dignes d’estre illustrez & decorez des dites dignitez pour leurs vertuz, doivent (sans aucune controverse) estre esleuz à icelles, & à l’opposite, ceux qui sont indignes d’estre decorez desdites dignitez pour cause de leurs vices, doivent totallement estre forcloz d’avoir office ou dignité en la Republicque : & comme brebis infaites doivent estre gettez du parcq politicq198.
81Ainsi, les citoyens vertueux ne pourront se sentir « déprisés » ni les vicieux se plaindre d’être exclus. La « légale proportion » du corps politique préservera l’harmonie de la République :
Ce faisant, se conservera en son entier la Republicque, & sans aucune division, comme (par naturel & evident exemple) nous voyons que le corps humain est bien disposé & sain, & bien exerceant ses naturelz offices, quand l’une humeur ou qualité ne surpasse ou excede l’autre, car (comme dit est dessus) les superfluités & exuberances font les maladies, & la droite proportion & equalité de qualitez & humeurs cause la santé199.
Conclusion
82C’est une sorte de justice harmonique combinant les proportions arithmétique (justice commutative) et géométrique (distributive) dans la distribution des dignités et des honneurs, des peines et des récompenses que La Perrière préconise. Voilà, à ses yeux, le seul moyen d’assurer la coexistence de l’ensemble des citoyens et, partant, le seul moyen d’assurer l’ordre au sein de la République200. Salomon n’émerveilla-t-il pas la reine de Saba, quand elle vit le « grand ordre de sa cour & de son train, officiers & serviteurs » ? C’est la justice des hommes qui parachève l’ordre initié par le Créateur201.
Conclusion du chapitre IV
83Empreint d’une forte influence augustiniste laquelle, écrasée sous la majesté des lois divines éternelles, avait tendu à se passer de la loi humaine pour se suffire de la loi de l’Écriture, La Perrière ne peut envisager qu’avec scepticisme des lois positives reflétant l’imperfection et les malices de l’homme202. Probablement tributaire aussi du nominalisme médiéval, il conserve de la loi humaine une vision abstraite, incapable d’épouser les contours multiformes de la réalité203. Comme Platon, More ou Érasme, il se montre donc favorable à l’existence de lois fermes mais rares qu’un législateur sage a dessinées à l’image de la loi divine204, des lois qu’un législateur unique a autrefois parfaitement instituées et qu’il convient désormais de conserver sous peine de mettre en danger tout l’équilibre de l’État. Des « lois dormantes », assurant en silence l’ordre de la République205.
84Conscient néanmoins de l’écart existant entre des lois générales ou (et) anciennes avec la réalité concrète et historique des hommes, il fait une concession spirituelle à l’idée exprimée dans le Code (6, 23, 19) selon laquelle les lois sont « enfermées » dans la poitrine des rois. Il confie au magistrat, chargé de l’application de la loi, le devoir de faire régner la justice. C’est lui, la « vive loy ». Partant, chez la plupart des juristes de la Renaissance, l’exaltation du droit et de la loi divine trouvait son aboutissement dans celle des autorités séculières chargées d’en assurer le règne206. Inspiré par saint Augustin, l’auteur du Miroir Politicque déduit du caractère sacré des normes divines l’absolue nécessité de conférer au magistrat une autorité sans faille. Mais, obnubilé par les fins, il s’occupe peu des moyens, assigne au magistrat l’importante charge d’identifier le juste sans s’étendre sur les questions pratiques qui se posent à lui. Comment identifier la loi ? Comment adapter les lois divines aux mœurs et aux temps des hommes ? Sur quels critères déterminer la conviction du juge ? Quelle est l’autorité de la chose jugée ?207 Autant de questions concrètes qu’il laisse sans réponse. Peu préoccupé des prérogatives du magistrat, c’est en moraliste qu’il s’attache encore à défendre les grandes valeurs de paix et de justice. Il ne s’appesantit en définitive que sur le résultat que la bonne magistrature doit procurer : un équilibre basé sur une justice distributive et commutative, centré sur la punition et l’élimination des citoyens délinquants comme sur la « prémiation » des bons. Une justice qui prend l’ensemble des citoyens dans ses filets pour les faire participer à l’œuvre collective.
85Élément central de l’ordre de la cité, la « droite distribution d’honneurs » trouve son point d’orgue lorsque les meilleurs citoyens, identifiés aux plus doctes et aux plus vertueux, sont chargés des plus grandes dignités de la République. Impliquant la préférence pour un gouvernement pluriel aux mains des optimates, elle conduit à envisager un corps politique dans lequel les membres ne sont pas soumis à un organe unique, mais concourent ensemble à la survie du tout : un corps ordonné par Dieu et qui doit veiller à conserver son unité.
Notes de bas de page
1 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 28 : « en ce discours peut considerer tout lecteur de bon jugement, comment par succession de temps se depravent les meurs des humains, et consequemment les Republicques, combien que de leur principe elles soyent bien reiglées et les citoyens bien instituez » ; Platon, La République, VIII, 546 a, Œuvres complètes, I, p. 1142.
2 G. de La Perriere, ibidem, p. 26-27.
3 Aristote, Politique, VII ; Plutarque, Institution dirigée à Trajan ; G. de La Perriere, « Chronique 228 (1551-1552) », p. 142.
4 « Et combien que Marius, prince romain aict dict jadis que les loix ne pouvaient estre escoutées ny entendues entre les armes, sy a nostre roy usé de telle providence que par ses armes il ha faict entendre les loix et non seullement entendre mais observer, gardant les gens de guerre de faire oppression ne populaire ». G. de La Perriere, ibidem, p. 142 ; également Miroir Politicque, p. 25-26, 31, et, sur ce topos de la pensée politique, voir Cicéron (De officiis, I, 11, 34) et Justinien, dans le prohème des Institutes, « Imperatoriam maiestatem non solum armis decoratam sed etiam legibus oportet esse armatam […] » ; F. Tateo, « Le armi e le lettere : per la storia di un topos umanistico », dans Acta Conventus Neo-latini Torontonensis. Proceedings of the Seventh International Congress of Neo-Latin Studies, éd. A. Dalzell, C. Fantazzi, R. Schoeck, Binghampton-New York, 1991, p. 63-81.
5 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 26.
6 N. Machiavel, Œuvres, en maints endroits, également J. Bodin, Les six livres, V, 5, p. 142.
7 La Querela pacis d’Érasme, probablement achevée dès 1517, est traduite entre 1521 et 1523 par Louis de Berquin. Elle fait partie des livres qui sont brûlés devant Notre-Dame en 1523, à l’issue du premier procès qui est fait au traducteur d’Érasme. Accusé et convaincu d’hérésie, le chevalier doit se rétracter le 2 août 1523. Une telle chance ne lui est pas offerte lors du troisième procès qui lui est fait en 1528, à l’issue duquel il est mené en place de Grève où il est étranglé puis brûlé. L. de Berquin, La complainte de la paix, traduite du latin d’Érasme [1525], éd. fac-similé par E.-V. Telle, Genève, 1978 ; Id., Déclamation des louenges de mariage ; DLF xvie siècle, p. 138.
8 G. de La Perriere, Considerations des Quatre Mondes, fol. 13 v.-15 ; aussi seconde centurie (le monde angélique), considération LV. Érasme avait adressé à François Ier un vibrant plaidoyer pour la paix sans sa préface de la Paraphrase de saint Marc (Bâle, Froben, 1er décembre 1523), éd. D. Érasme, La Correspondance, vol. V, lettre 1400. More jugeait la guerre « absolument bestiale ». T. More, L’utopie, II, p. 119. Concernant Alciat, voir l’emblème « Fureur et Rage », dans A. Alciat, Toutes les emblemes, p. 80 ; G. Barni, « Bellum justum e bellum injustum nel pensiero del giureconsulto Andrea Alciato », Mélanges Augustin Renaudet, BHR, 14 (1952), p. 219-234. Sur la tradition de l’Église, J. Joblin, L’Église et la guerre. Conscience, violence, pouvoir, Paris, 1988.
9 G. de LA Perriere, Miroir Politicque, p. 30-32, puisant dans les Saintes Écritures, saint Thomas (Commentaires sur l’Épître de saint Paul aux Hébreux), saint Jérôme (Commentaires de Joël), saint Ambroise (Épître à Simplician), l’histoire des martyrs chrétiens, l’histoire antique, grecque (via les exemples de Léonide, Socrate, Dion, Phocion, Alexandre le Grand) et romaine (s’en référant au courage d’Aemilius Lepidus et d’Annibal, à la constance de Q. Scaevola, Metellus, Fabius, Fulvius et des frères Gracques), Sénèque (Épître cvii), enfin l’observation de la nature (références au lion, éléphant, cyprès) pour laquelle il renvoie à sa Morosophie.
10 Ibidem, p. 25.
11 Ibidem, p. 28.
12 Voir notamment La Loi civile, CPPJUC, 12 (1987) ; Histoire de la pensée politique médiévale, p. 400-449 ; Renaissance du pouvoir législatif ; M. Bastit, Naissance de la loi moderne ; T. Berns, Violence de la loi ; S. Petit-Renaud, « Faire loy ».
13 Aristote, La Politique, III, 16, 1287 a, p. 248-249.
14 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 90.
15 Ibidem, p. 169.
16 Ibidem, p. 147. Coutume, écrit-il, est une « autre nature », p. 146. Sur la loi naturelle, M. Bastit, « Loi naturelle et droit naturel au déclin du Moyen Âge », La doctrine et le droit naturel, II, RHFD, 6 (1989), p. 49-62 ; J.-L. Thireau, « Cicéron et le droit naturel », p. 55-85.
17 Sur les fourmis, voir infra.
18 G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 138 : « aucun législateur ne fera que ce ne soit pas vicieux ce que la nature a déclaré vicieux ».
19 Pour Aristote (Rhétorique, I, 10, 3 sq.) ou saint Thomas (Ia, IIae, qu. 91 sq.), il n’est de loi naturelle « qu’assez vague pour respecter l’indétermination du droit ». M. Villey, « Une définition du droit », rééd. dans Seize essais, p. 25 note 10.
20 Luther, s’opposant à la loi naturelle invoquée par les paysans, refusait de l’identifier à la loi biblique ou au droit naturel. G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 139-140, 177-178. La méfiance des théoriciens à l’encontre de la loi naturelle alla croissant au xvie siècle. Montaigne considère que la conscience, entièrement modelée par la coutume, ne peut servir de base naturelle pour la recherche de lois universelles. Concluant à l’absence de fondement rationnel du droit, il affirme qu’il faut obéir à la loi non parce qu’elle est juste, mais parce qu’elle est la loi. Jugeant l’historicité de la loi responsable de son instabilité et de celle de l’État, il réprouve toute forme de changement ou d’innovation. M. de Montaigne, Essais, I, 20, 23, 43 ; II, 12 ; III, 1, 9, 13 ; T. Berns, Violence de la loi, p. 228-229, 282 sq.
21 Sur le recours au droit romain, M.-F. Renoux-Zagame, « La méthode du droit commun : réflexions sur la logique des droits non codifiés », RHFD, 10-11 (1990), p. 148-149 ; sur la soumission du droit humain aux principes chrétiens, J.-L. Thireau, Charles Du Moulin, p. 61 sq. ; Id., « Cicéron et le droit naturel », p. 55-85.
22 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 169.
23 Ibidem, p. 29.
24 Ibidem, p. 29 et 90. Concernant le « monstre » Mahomet, qu’il dit né l’an 597, il s’en réfère à la « tresdocte histoire » de Jean Cuspinian, ou au « Livre des cribrations de l’Alchoran » de Nicolas de Cusa.
25 Ibidem, p. 129 : « Ce n’a pas esté Moyse Abraham, Isaac, Licurgus, Solon, Platon, ne Aristote : mais c’est Dieu, duquel Mariage ha esté estably, honnoré, loué & (que plus est) consacré ». Sur le mythe du législateur unique, J.-M. Poughon, « Mythe et loi », dans Pensée politique et loi, Actes du colloque d’Aix-en-Provence (25-26 mars 1999), Aix-en-Provence, 2000, p. 39-53.
26 G. de La Perriere, ibidem, p. 30. Un même raisonnement figure chez Gousté : « La loi de Dieu nous enjoint prendre et recevoir alagrement, et sans contrainte, toutes les ordonnances du Roy fondées sur la Loy, ny plus ny moins que si elles nous estoyent envoyées du ciel. Et à icelle convient obeyr, sans trop curieusement s’enquerir de la cause et raison pourquoy […] car qui est celuy, qui voudroit entreprendre sur la cognoissance et arrest du divin conseil ? ». Plus loin l’auteur ajoute qu’il est écrit : « par moy les Roys regnent, et les Potentats font de justes ordonnances ». Cl. Gouste, Traicté de la puissance et authorité des roys, et de par qui doyvent estre commandez les Diettes ou Conciles solennels de l’Eglise, Les estats convoquez en quel lieu et degré doyvent estre assis les Roys, les gens d’Eglise, les Nobles et le menu peuple, Tiré des escriptures saintes, des bons et fidelles autheurs et des ordonnances de tous les Conciles. Fait en latin par Claude Gousté, prevost de Sens, depuis mis en nostre vulgaire François, s. l., 1561, fol. 6 v.
27 G. de La Perriere, ibidem, p. 7.
28 Ibidem, p. 89. Sur la loi dans la pensée des saints Pères, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 89-117.
29 G. de La Perriere, ibidem, p. 89 et 90.
30 Aristote considère que si la loi intervient là où doit s’exercer la spontanéité vertueuse, elle prive le citoyen de sa vertu. M. Canto-Sperber, « L’unité de l’État et les conditions du bonheur public (Platon, République, V ; Aristote, Politique, 11) », dans Aristote-politique, p. 67. Pour Machiavel, les bonnes lois produisent la bonne éducation qui engendre la vertu civique ; elles ne s’intéressent donc pas aux individus, mais aux devoirs civiques, à la manière de faire échec à l’ambition et à l’appétit conflictuel de pouvoir, Histoire de la pensée politique moderne, p. 46.
31 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 26.
32 Ibidem, p. 26.
33 Ibidem, p. 26 et 157.
34 Ibidem, p. 6, 27-28. Les lois de Licurgue étaient déjà louées par Platon, Les Lois, I, 635 sq. dans Œuvres complètes, II, p. 650 sq.
35 G. de La Perriere, ibidem, p. 188. La luxure est évoquée dans la troisième loi du mari envers sa femme ; l’envie et la convoitise p. 79 ; la colère dans la première loi du mari.
36 Ibidem, p. 27 et 151 ; également un éloge de Caton dans la Morosophie, e. 92 et, sur la pauvreté, voir supra, p. 198 sq.
37 Ces vues augustiniennes sont partagées par Guevara (Histoire de Marc Aurèle, fol. 3 v. et fol. E iii v.), Luther, pour qui aucun homme n’est bon par nature, et « il n’est plus de justes, il n’y a que des justifiés » (Épître aux Galates, 1524) et Calvin pour lequel « la fin donc de la Loy naturelle, est de rendre l’homme inexcusable » (Calvin, Institution de la religion chrestienne, p. 61 et 176). Histoire de la pensée politique moderne, notamment p. 105 ; G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 180-181, p. 411 sq.
38 Platon, Les Lois, V, 747, Œuvres complètes, ibidem, II, p. 808-809 ; Aristote, La Politique, I, 8, 1256 a, p. 51.
39 Pour l’angevin Pierre Ayrault (Discours de la nature, variété et mutation des loix, dans Plaidoyers et arrests, opuscules et divers traitez, Paris, 1615, p. 75-82), de même que l’air inhalé et les viandes mangées par les hommes diffèrent en fonction du lieu, de même les États se trouvent policés par des lois « non semblables ny unes ». J.-L. Thireau, « Le comparatisme », p. 169. Il en est de même pour Jean Bodin, M.-D. Couzinet, Histoire et méthode à la Renaissance. Une lecture de la Methodus de Jean Bodin, Paris, 1996, p. 163 sq. ; A. Jouanna, L’idée de race, I, p. 350 sq. ; A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi, p. 375 sq.
40 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 198.
41 T. More, L’utopie, II, p. 115 ; N. Dockes-Lallement, « Utopie et constitution », dans La Constitution dans la pensée politique, Actes du colloque de Bastia (7-8 septembre 2000), Aix-en-Provence, 2001, p. 117-149 ; N. Machiavel, Discours, I, ix, dans Œuvres, p. 208-209.
42 G. de La Perriere, « Chronique 228 (1551-1552) », p. 140. Ce passage aurait-il inspiré Bodin relevant que « si la justice est la fin de la loi, la loi œuvre du prince, le prince est image de Dieu […] » ? J. Bodin, Les six livres, I, 8.
43 G. de La Perriere, « À trez honnorez », fol. 1 v., cité infra p. 430.
44 La théorie du droit divin des rois était en plein essor : « Nous devons être persuadé que toute loi ou ordonnance émanant du pouvoir temporel est l’expression de la volonté et de la loi de Dieu à notre égard, car Salomon dit : « la prophétie est sur les lèvres du Roi », c’est-à-dire que ce que le pouvoir ordonné doit être observé comme étant l’ordre même de Dieu », dit Melanchthon (Instructions aux visiteurs, 1527). Voir G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 186 ; C. Collot, L’école doctrinale, p. 204 sq. ; J.-L. Thireau, Charles Du Moulin, p. 219 sq. ; M.-F. Renoux-Zagame, « Du juge-prêtre au roi-idole », p. 143-186 ; Id., Du droit de Dieu au droit de l’homme, Paris, 2003, notamment p. 148 sq. Certains auteurs cependant y étaient réfractaires, à l’instar de Rabelais, F. Dumont, « La royauté française vue par les auteurs littéraires du xvie siècle », dans Études historiques à la mémoire de Noël Didier, Paris, 1960, p. 63 sq. Sur le pouvoir législatif du roi de France et les théories juridiques ou politiques qui le sous-tendaient, M. Villey, La formation de la pensée juridique moderne, Paris, 1968, IV, p. 397 sq. ; V. Piano Mortari, Diritto, Logica, Metodo, p. 59, 78- 89 ; E. Sciacca, « Ferrault, Chasseneux et Grassaille », p. 731, 744 ; Renaissance du pouvoir législatif ; Histoire de la pensée politique médiévale, p. 400-449 ; M. Reulos, « Vers la présentation coordonnée et logique du droit français », dans Pouvoir et institutions en Europe au xvie siècle, Paris, 1987, p. 275-282 ; G. Giordanengo, « Le pouvoir législatif du roi de France (xie-xiiie siècle) : travaux récents et hypothèses de recherche », BEC, 147 (1989), p. 283-310 ; J.-L. Thireau, « Le comparatisme », p. 165-167 ; J. Krynen, « Voluntas domini regis in suo regno facit jus. Le roi de France et la coutume », dans El dret comu i Catalunya (VII Simposi Internacional. Barcelona, 23-24 de maig de 1997), Barcelone, 1998, p. 59-89 ; Id., « Entre science juridique et dirigisme : le glas médiéval de la coutume », dans Droits et pouvoirs, Cahiers de Recherche Médiévale, 7 (2000), p. 171-187 ; Id., « The Absolute Monarchy and the French Unification of Private Rights », dans Privileges and Rights of Citizenship. Law and the Juridical Construction of Civil Society, dir. J. Kirshner et L. Mayali, Berkeley, 2002, p. 27-55 ; S. Petit-Renaud, « Faire loy ».
45 J. Quillet, « Souveraineté et citoyenneté dans la pensée politique de Marsile de Padoue », Souveraineté et citoyenneté, Actes du colloque des 16-17-18 mai 1983, CPPJUC, 4 (1983), p. 81 ; J. E. Blythe, Ideal Government, p. 195 sq. ; Q. Skinner, Les fondements, p. 105 sq. On en trouve trace chez Patrizi et Buchanan, le premier affirmant que le consentement du peuple fait les lois fermes, F. Patrizi, Livre tres fructueux, fol. vi-vi v., le second (Baptistes sive votum, v. 1206) que la souveraineté de la loi émane du peuple. C. Ferradou, Traduction et commentaire, II, p. 470 sq.
46 G. de La Perriere, Miroir Politicque, sur les Locriens p. 97.
47 Ibidem, p. 3.
48 Ibidem, p. 6.
49 Sur laquelle voir R. Filhol, Le premier président Christofle de Thou et la réformation des coutumes, Thèse droit, Poitiers, 1937 ; Paris, 1937, notamment p. 44.
50 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 6-7. Ces fins tiennent autant du religieux que de la philosophie ou du politique : « Comment auroyent Platon, Aristote, Xenophon, Plutarcque & autres seu parler des republicques des Lacedemoniens ou Spartes, Thebains, Atheniens, Boetiens & autres nations, s’ilz neussent leuz les escritz de leurs legislateurs ? Comment pourroyent les Hebreux savoir leur loy sans les escritz de Moyse ? Les Mahometistes sans leur Alchoran ? Comment pourrons-nous estre vrays Chrestiens, si nous ignorons l’Evangile ? Comment pourra estre bon Capitol qui n’aura leuz les statutz municipaux & ordonnances des predeceseurs, qui ont eu l’administration politique ? Comment pourra l’on trouver & lire lesditz statutz, s’ilz sont separez en divers lieux, sans ordre, & esgarez parmy les bancz et coins de vostre Capitole ? […] ».
51 Ibidem, p. 5-6.
52 De même que la non écriture n’est pas de l’essence de la coutume pour Guillaume de Ferrières, estimant que l’écriture est une « modique solennité », et que le terme de « jus non scriptum » pour qualifier la coutume n’est pas adéquat. H. Gilles, « Le traité de la coutume de Guillaume de Ferrières », dans Université de Toulouse, p. 130-131.
53 G. de La Perriere, « À trez honnorez », fol. 1 v. L’image a été développée par Héraclite, A. Bill, La morale et la loi, p. 34. Elle est reprise par A. Alciat, « Car la raison est l’âme et la vie d’une loi particulière », De verborum significatione, 1565, p. 20 ; Histoire de la pensée politique moderne, p. 69.
54 G. Leyte, « Remarques sur la perpétuité de la loi », dans Pensée politique et loi, p. 57-58.
55 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 89. Sur les conceptions respectives des Pères, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 89-117. Saint Thomas, ne tolérant pas l’impiété de la loi, affirmait qu’il était licite de ne pas lui obéir, A. Comparot, « Montaigne, lecteur de Thomas d’Aquin dans le chapitre De la coustume et de ne changer aisement une loy receüe », La tyrannie, p. 75 sq. ; M. Bastit, Naissance de la loi moderne, p. 48 ; également J.- L. Thireau, Charles Du Moulin, p. 77 sq.
56 Histoire de la pensée politique médiévale, p. 477 sq.
57 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 89-90 ; « Chronique 228 (1551-1552) », p. 136.
58 J. Bodin, Les six livres, III, 1, p. 9 : « du mespris des loix vient le mespris des magistrats, et puis la rebellion ouverte contre les Princes, qui tire apres soy la subversion des estats » ; IV, 3, p. 101 : « de sorte que le fruict qu’on doit recueillir d’un nouvel edict, n’est pas si grand que le dommage que tire apres soy le mespris des autres loix, pour la nouveauté d’une. Et pour trancher court, il n’y a chose plus difficile à traiter, ni plus douteuse à reussir, ni plus perilleuse à manier, que d’introduire nouvelles ordonnances […] ».
59 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 90. Jean Courtecuisse, porte-parole de l’université et de la ville de Paris lors de la promulgation de l’Ordonnance cabochienne, avait exhorté Charles VI à garder fermement la loi, « Puis que la loy est une foiz mise et publiée et elle est raisonnable, le prince ne la peut ne doit par raison rompre, ne venir à l’encontre, car, comme dit Aristote, Ve Polit., les princeps sont seigneurs des choses qui ne sont point determinees par les loys, mes des loys non » ; cité par J. Krynen, « De nostre certaine science…, remarques sur l’absolutisme législatif de la monarchie médiévale française », dans Renaissance du pouvoir législatif, p. 143.
60 G. de La Perriere, ibidem, p. 90. Voir sur Étienne Pasquier (Recherches, III, 17, col. 227) et Louis Le Caron (Dialogues, Paris, 1556, fol. 19 v.) É. Gojosso, Le concept de République, p. 97 ; F. Hotman, l’Antitribonian, éd. H. Duranton, Saint-Étienne, 1980, p. 4.
61 La maxime de Sénèque disant que le prince est l’âme de la République et que ses volontés ont force de loi est présente chez Érasme en introduction de l’Institutio principis christiani comme l’indique P. Archambault, « The Analogy of the ‘‘body’’ in Renaissance Political Literature », BHR, 29 (1967), p. 47-48 ; on la trouve aussi chez J. Breche, Manuel royal, ou Opuscules de la doctrine et condition du prince […], Tours, M. Chercelé, 1541, fol. [E iii].
62 Sur l’immobilité de la loi, M.-B. Bruguiere, « La loi et le temps, intangibilité ou obsolescence ? », dans Pensée politique et loi, p. 13-21, et, dans le même opus, S. Caporal, « Le thème de la loi dans l’Antigone de Sophocle », p. 23-38.
63 G. de La Perriere, Morosophie, e. 61 : « L’escrevice est de cheminer habile, / Tant en avant qu’en arrier s’il fuyt : / Changer noz meurs est chose tresutile, / Quand nous voyons que ce faire nous duit » ; l’écrevice est pour Alciat symbole de vice, « Contre les escornifleurs », A. Alciat, Toutes les emblemes, p. 114.
64 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 157. Le roi et son conseil avaient trouvé « beaucoup meilleur, plus expedient et proffitable » à la République toulousaine que, désormais, quatre des huit capitouls soient continués d’une année sur l’autre. Les lettres données le 6 novembre 1553 à Villers-Cotterets tendaient à faciliter, disait le roi, la continuité de la chose publique dans les principales villes du royaume. Les Toulousains s’étaient tout d’abord alarmés. Le capitoul Saint-Félix avait montré au Conseil général le danger « que pourra venir au detriment de la Republicque car sera bien difficile trouver gens idoines et capables qui veuillent accepter la charge de capitoulat pour employer leur temps deux années en ladicte charge qu’est bien grande et importante. Et pourroit l’on par ce moyen occasionner les bons habitans capables à ladicte charge soy absenter de la ville pour fouyr de n’estre capitouls ». Des remontrances avaient été adressées au roi afin qu’il maintienne les anciens privilèges. Henri II accepta de modifier en faveur des capitouls sa première lettre par une seconde, donnée à Paris le 26 novembre 1554. Comprenant que « estoient lesdictz capitoulz durant leur année chargez de si grandz affaires et sans avoir aulcung proffict qu’il ne se trouvoit plus parsonnage en ladicte ville qui voulsist accepter ledict estat et charge de capitol pour l’exercer deux années, consequutive, durant lesquelles ilz estoient contrainctz dellaysser toutz leurs affaires pour vacquer à ceulx de la ladicte ville ». Les capitouls pourraient chaque année élire six capitouls nouveaux. AMT, BB 10, des 24 novembre 1554 et 9 février 1555, fol. 316, 345 v.-346.
65 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 198.
66 « Introduire en effet une nouvelle forme de musique, c’est un changement dont il faut se garder, comme d’un péril global : c’est que nulle part on ne touche aux modes de la musique sans toucher aux lois les plus importantes de la Cité », Platon, La République, IV, 424 c, dans Œuvres complètes, I, p. 986.
67 « car le profit qu’on pourra retirer d’une modification de la loi sera loin de compenser le dommage qui sera causé par l’habitude de désobéir à ceux qui gouvernent ». Aristote, La Politique, II, 8, 1268 b-1269 a, p. 131-133.
68 A. Comparot, « Montaigne, lecteur de Thomas d’Aquin », p. 88 ; M. Villey, « Une définition du droit », p. 26 note 11. Oresme accepte la nécessité de changer la loi, « Et ne peut l’en faire lays escriptes fors en universal. Et pour ce convient-il aucunes foiz faire en de nouveles et muer les anciennes selon la qualité des faiz, des temps, des meurs, des gens » (Le livre de politiques, 3, 15). J. E. Blythe, Ideal Government, p. 213 sq.
69 Michel de L’Hospital se montre soucieux d’adapter la loi à la condicio temporum et à l’histoire, affirmant suivant Cicéron (De officiis¸ I, 10, 31) que, les circonstances évoluant, le devoir change, et que les lois humaines doivent s’adapter. Voir la harangue du 18 juin 1561 (l. 78-90) citée par L. Petris, La plume et la tribune, p. 298-300.
70 A. Guevara, Histoire de Marc Aurèle, p. 179 ; É. Pasquier, Pourparlers, éd. B. Sayhi-Périgot, Genève, 1995, p. 75-76.
71 Pour Montaigne comme pour saint Thomas, « le seul changement de la loi, pris en soi, comporte une sorte de préjudice à l’intérêt commun » ; « Il y a grand doute, s’il se peult trouver si évident profit au changement d’une loy receue, telle qu’elle soit, qu’il y a de mal à la remuer : d’autant qu’une police, c’est comme un bastiment de diverses pieces jointes ensemble, d’une telle liaison, qu’il est impossible d’en ebransler une, que tout le corps ne s’en sente ». A. Comparot, « Montaigne, lecteur de Thomas d’Aquin », p. 88.
72 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 73-74, 97, 89.
73 Ibidem, p. 73-74.
74 Ibidem, p. 73-74.
75 N. Machiavel, Les Discours, I, xxvi, dans Œuvres, p. 236-237.
76 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 73-74.
77 Ibidem, p. 74, 89 ; Aristote, La Politique, II, 8, 1268 b-1269 a, p. 131-133 ; V, 3, 1303 a ; V, 7-8, 1307 b, p. 349 et 374-376 ; c’est à ce dernier passage que se référait La Perrière p. 89.
78 Contrairement aux thèses défendues par les juristes à l’œuvre avec la réformation des coutumes ou les chanceliers royaux, R. Filhol, Le premier président, réimpr. 1977 ; J. Yver, « Le président Thibault Baillet et la rédaction des coutumes (1496-1514) », RHD, 64 (1986), p. 19-42 ; A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi, p. 203 sq.
79 G. Leyte, « Remarques sur la perpétuité », p. 55.
80 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 97.
81 Ibidem, p. 90.
82 Selon le Digeste (50 17 1), il ne peut exister de règle coïncidant exactement avec le droit naturel. Sur le pouvoir d’interprétation, M. Villey, « Une définition du droit », p. 27 n. 12 ; J.-L. Thireau, Charles Du Moulin, p. 165 sq. ; I. MacLean, Interpretation and Meaning in the Renaissance. The Case of Law, Cambridge, 1992.
83 Comme le dénonçaient Platon, Le politique, 294 b sq. dans Œuvres complètes, t. 2, p. 399 sq. ; et Aristote, La Politique, II, 8, 1269 a et III, 16, 1287 a, p. 132 et 249.
84 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. XXXIX. L’adage, figurant dans la Vie de Solon de Plutarque et chez Diogène Laerce (I, 58 ; Apophtegmes VII, 22, LB IV, 330 F), est recensé par Érasme. D. Érasme, Opera Omnia, II, 1, I.iv.47. « Aranearum telas texere », p. 446 ; aussi Ad., III.v.73, « Dat veniam corvis […] ». Au xiiie siècle, il fut utilisé pour stigmatiser les craintes qu’un usage intempestif du droit romain faisaient naître chez les moralistes ; au xve, pour fustiger l’inefficacité de la justice, comme chez Hélinand de Froidmont, Jacques de Cessoles et Gerson. J. de Cessoles, Le livre du jeu d’échecs ou la société idéale au Moyen Âge, xiiie siècle, éd. J.-M. Mehl, Paris, 1995, p. 63 ; J. Krynen, « Du bon usage des leges. Le droit savant dans le De bono regimine principis d’Hélinand de Froidmont (1210) », dans Specula principum, IC, 117 (1999), dir. A. de Benedictis, p. 166 ; aussi Id., Idéal du Prince, p. 188. On le retrouve à la Renaissance dans les Devises heroïques (Lyon, Jean de Tournes, 1557, p. 121) de Claude Paradin et chez Rabelais : « Or sà, noz loix sont comme toilles d’araignes : or sà, les petits mouscherons et petits papillons y sont prins ; or sà, les gros taons les rompent, or sà, et passent à travers, or sà. Semblablement nous ne cherchons les gros larrons et tyrans ; or sà, ils sont de trop dure digestion, or sà, ils nous affoleroyent, or sà. Vous autres gentils innocens, or sà, le grand diable, or sà, vous chantera messe, or sà ». F. Rabelais, Cinquiesme Livre, xii, dans Les Cinq Livres, p. 1356-1357.
85 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 2 : « Solon le grand legislateur des Atheniens, fut mocqué et reprins du philosophe Anacharsis, de ce qu’il avoit fait rediger ses loix par escrit, disant, que toute loy escrite est semblable à la toile des araignes, de laquelle les grosses mouches eschapent, et les petites y meurent. Semblablement, les riches et opulens citoyens eschapent la rigueur de la loy et les paoures la souffrent ». Bodin en fait une lecture bien différente : « c’est qu’il y a tousjours eu, et n’y aura jamais faute de larrons, meurtriers, fainéants, vagabonds, mutins, voleurs en toute Republique, qui gastent la simplicité des bons subjets, et n’y a loiz, ni magistrats, qui en puissent avoir la raison, et mesmes on dit en proverbe, que les gibets ne sont dressez que pour les belistres : car les edicts et ordonnances en plusieurs lieux, ressemblent aux toiles des araignes, comme disoit Anacharsis à Solon, d’autant qu’il n’y a que les mousches qui s’y prennent, et les grosses bestes s’en jouënt. Il n’y a donc moyen de nettoyer les Republiques de telle ordure, que de les envoyer en guerre, qui est comme une medecine purgative, et fort necessaire pour chasser les humeurs corrompus du corps universel de la Republique ». J. Bodin, Les six livres, V, 5, p. 140.
86 Platon, La République, I, 338 e-339 a, dans Œuvres complètes, I, p. 873 : « Or les lois établies par chaque gouvernement le sont en vérité par rapport à son profit, lois démocratiques par la démocratie, tyranniques par la tyrannie, et de même par les autres régimes. Puis, ayant établi ces lois, ils ont fait voir que la justice pour les gouvernés consiste en ce qui est, pour eux-mêmes, leur profit, et celui qui la transgresse, ils le châtient comme ayant enfreint la loi, comme ayant commis une injustice. […] D’où il résulte, pour qui raisonne correctement, que partout c’est la même chose qui est juste, celle qui profite au plus fort ».
87 « Car l’on ne peult tant faire d’ordonnances sur le faict de leurs mestiers qu’ils ne trouvent moyen tant par monopoles, frauldes que aultres secretes et […] machinations de fraulder la loy, et à peine se peult faire ordonnance que par eulx directement ou obliquement ne soyt enfraincte et entre aultres les bouchiers, taverniers et boulengiers tellement que leur meschante coustume ilz ont presque reduictz en nature ». G. de La Perriere, « Chronique 218 », p. 52 ; aussi « Chronique 216 », p. 39.
88 Luther (De Captivitate babylonica, 1520) affirmait la chose suivante : « Je sais une chose, c’est qu’aucun État ne saurait être bien administré par le moyen de lois écrites ; s’il y a un magistrat sage, il administrera tant mieux en suivant la conduite de la nature qu’en se conformant aux lois ». Il fallait alors affranchir les fidèles de la contrainte de la loi, méprisable et réduite à une contrainte extérieure : « les chrétiens n’ont d’autre droit que leur propre volonté […] ; ils n’ont besoin ni du glaive séculier, ni du droit, et s’il n’y avait que de bons chrétiens, de véritables croyants, il n’y aurait ni prince ni roi, le glaive et le droit seraient inutiles […]. Va-t-on rédiger des livres et des lois pour empêcher le pommier de produire des épines ? Il portera naturellement de bons fruits malgré toutes les lois […] », dit-il encore (Luther, Von weltlicher Oberkeit, 1523) ; G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 143 sq., 183.
89 Montaigne juge les lois inadaptées à la diversité humaine, « l’expérience ne connaît que la singularité », Essais, II, 12, III, 9, III 13 commentés par B. Boudou, « Montaigne et l’herméneutique juridique », BHR, 48 (1985), p. 570-593.
90 Via Aristote (Éthique à Nicomaque, 1132 a 22), Cicéron (Pro Cluentio, 53, 146) et Justinien (Novelles 105.2.4) ; E. H. Kantorowicz, Les deux corps du roi, p. 107 sq. ; L. Mayali, « Lex animata, rationalisation du pouvoir politique et science juridique (xiie-xive siècle) », dans Renaissance du pouvoir législatif, p. 155-164 ; Histoire de la pensée politique médiévale, p. 26-27, 43-45, 61 ; A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi, p. 27 sq.
91 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 172 : « Or ne peut estre nommé le magistrat vray magistrat, si ce n’est par la distribution de justice : laquelle (pour faire durer & florir longuement sa cité & sa Republicque), doit distribuer en sept parties […] » ; M.-F. Renoux-Zagame, « Du juge-prêtre au roi-idole », p. 159, 162.
92 G. de La Perriere, « Chronique 228 (1551-1552) », p. 140 ; Miroir Politicque, p. 82.
93 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 28 et 29.
94 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 146.
95 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 28 ; Aristote, Éthique à Nicomaque.
96 G. de La Perriere, ibidem, p. 29.
97 Ibidem, p. 28-29 ; Platon, La République dans Œuvres complètes, I, p. 863 ; sur la justice particulière telle que déterminée par Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 4.
98 G. de La Perriere, ibidem, p. 29.
99 G. de La Perriere, ibidem, p. 87 : « l’une, est second que la premiere imposition du nom, proportion est habitude de quantité à quantité second l’excez determiné ou equalizé : l’autre se prend & se transporte à signifier l’habitude de toute chose, comme (par exemple) de la matiere à la forme, de la puissance à l’acte, du fini à l’infini, de la creature au Createur ». Un passage est repris mot pour mot par P. de La Primaudaye, Academie Françoise, I, 1581, fol. 219 r.
100 G. de La Perriere, ibidem, p. 173.
101 Ibidem, p. 81 et 172 ; l’expression « droit calibre de justice » est employée p. 37.
102 G. de La Perriere, « Chronique 228 (1551-1552) », p. 140 ; aussi « Chronique 216 (1539- 1540) », « Chronique 225 (1548-1549) », « Chronique 226 (1549-1550) », p. 42, 99, 117 ; Miroir Politicque, p. 82.
103 C. Biet, Droit et littérature sous l’Ancien Régime, p. 94.
104 J. Calvin, Institution de la religion chrestienne, 1911, p. 761, renvoyant à Jérémie (22) et au Deutéronome (1, 17, 16).
105 J. Bodin, Les six livres, V, 4, p. 97 sq.
106 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 82 : « exterminer les vices, honnorer & remunerer les vertuz : l’on punist les meschans pour que innocence soit asseurée entre les bons : l’on guerdonne les bons, pour que l’espoir du guerdon les incite d’advantage à tout exercice de vertu ».
107 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) » ; « Chronique 225 (1548-1549) », p. 42 et 99.
108 La suspension entraînée par l’affaire Bérenger n’avait été que très courte. Mais en 1428, les capitouls, pour avoir défendu manu militari leur privilège face aux juges royaux, avaient été privés à perpétuité de leur juridiction criminelle. À force de réclamations, ils avaient obtenu sa restitution en 1443, lors du passage du souverain dans le Midi. A. Viala, Le parlement de Toulouse, I, p. 542-545.
109 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 42.
110 G. de La Perriere, « Chronique 226 (1549-1550) », p. 117. Eustache Deschamps comparait les magistrats à des laboureurs (Œuvres complètes, Paris, 1878-1904, I, p. 201- 202) ; L. Scordia, ‘‘Le roi doit vivre du sien’’, p. 203 n. 644.
111 G. de La Perriere, ibidem, p. 117.
112 J. Bodin, Les six livres, VI, 1, p. 14.
113 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 42 ; Miroir Politicque, p. 96-97.
114 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 4.
115 Platon, Les Lois, XI, 934 dans Œuvres complètes, II, p. 1078 ; sur les distinctions à établir en matière de peines arbitraires, voir les idées de Chasseneuz, dans C. Dugas de La Boissonny, Barthélemy de Chasseneuz, p. 71 sq.
116 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 173-174. Pour Machiavel, « on ne trouve, en effet, ni lois ni institutions capables de refréner une corruption générale », N. Machiavel, Les Discours, I, 18, dans Œuvres, p. 227.
117 G. de La Perriere, « À Trez honnorez », fol. 1 v. Ailleurs, c’est Trajan qu’il présente comme le prince le plus « collaudé » de justice, Miroir Politicque, p. 55. Sur la conscience exigée du juge voir La conscience du juge dans la tradition juridique française, dir. J.- M. Carbasse, L. Depambour-Tarride, Paris, 1999, notamment J.-M. Carbasse, « Le juge entre la loi et la justice : approches médiévales », p. 67-94 ; J.-L. Thireau, « Le bon juge chez les juristes français du xvie siècle », p. 131-153.
118 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 171
119 Ibidem, p. 83. Sur les projets de réforme de son contemporain Raoul Spifame, Y. Jeanclos, Les projets de réforme judiciaire de Raoul Spifame au xvie siècle, Genève, 1977.
120 Ibidem, p. 85, références à Virgile, Ovide, Horace, Tibulle, Properce, Lucrèce, Macrobe et à l’emblème 46 de sa Morosophie : « Jamais méchant ne veit sa peur extainte : / Quand l’une fuyt, l’autre vient de retour : / Comme l’on void en la figure peinte / Titus est rongé par le vautour ». L’emblème LXI du Theatre des Bons Engins était tout aussi parlant : « L’homme coulpable, ou bien noté de crime / Se void pareil au Liepvre, en tout propos : / Car il aura le cœur pusillanime, / Et ne pourra dormir de bon repos. / Tousiours craindra que viennent les supostz, / Pour le livrer aux mains de la Iustice. / L’homme innocent, pur et net de tout vice, / Ne craint l’assault des malings & pervers. / Le Liepvre monstre & gestes de malefices, / Qu’il leur convient dormir, les yeulx ouvertz ». L’idée participe de sa vision de l’homme, doté d’un entendement inné des principes moraux fondamentaux. Sur la notion de syndérèse mise en avant puis abandonnée par Luther, M. Van Gelderen, « Libertés, droits et devoirs civiques dans l’Europe du xvie siècle : la naissance de la République de Hollande », dans L’individu dans la théorie politique, p. 130.
121 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 83, 85.
122 Ibidem, p. 65 ; Aristote, La Politique, V, 3, 1302 b, p. 346.
123 M. Foucault, Surveiller et punir, éd. Paris, 1993, p. 36 sq. ; J.-M. Carbasse, Introduction historique au droit pénal, Paris, 1990, p. 205-249 ; C. Gauvard, ‘‘De grace especial’’. Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, 1991, II, p. 745-749, 903 ; J.-M. Moeglin, « Pénitence publique et amende honorable au Moyen Âge », RH, 298/2 (1997), p. 225-269 ; C. Gauvard, « Mémoire du crime, mémoire des peines. Justice et acculturation pénale en France à la fin du Moyen Âge », dans Saint-Denis et la royauté, p. 709-710 ; C. Vincent, « Rites et pratiques de la pénitence publique à la fin du Moyen Âge : essai sur la place de la lumière dans la résolution de certains conflits », dans Le règlement des conflits au Moyen Âge, Paris, 2001, p. 351-367.
124 Cujas écrivait « Omnis enim pena non tam ad delictum quam ad exemplum pertinet » ; J.- M. Carbasse, ibidem, p. 212.
125 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 38-39.
126 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 150.
127 G. de La Perriere, « Chronique 225 (1548-1549) », p. 100.
128 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 149 et 156.
129 G. de La Perriere, « Chronique 228 (1551-1552) », p. 142-143. En 1536 en Angleterre, tout mendiant valide était puni du fouet ; s’il persistait, on lui coupait l’oreille droite ; à la troisième fois, il était arrêté et jugé et en cas de nouvelle récidive, il était pendu. En 1547, une ordonnance royale avait déclaré que « tout indigent valide, après trois jours d’oisiveté volontaire, est condamné à servir gratuitement deux ans celui qui l’a dénoncé. S’il s’enfuit et qu’il est repris, il est marqué au fer rouge et devient l’esclave à vie de son délateur ». J. Attali, Au propre et au figuré. Une histoire de la propriété, Paris, 1988, p. 266-268.
130 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », « Chronique 225 (1548-1549) », « Chronique 226 (1549-1550) », « Chronique 228 (1551-1552) », « Chronique 229 (1552- 1553) », p. 42-43, 102, 117, 140, 147, 151. En 1544-1545, les capitouls avaient érigé des piliers pour placer les colliers « ès places publiques de la Pierre, du Salin, Sainct-Estienne, la Daurade, Saint Sernyn et du Basacle » et firent réparer ceux de la place Saint-Georges. Ceux de Saint-Étienne furent refaits en 1549. AMT, BB 274, p. 70 ; CC 2408, n. 287 ; H. Graillot, Nicolas Bachelier. Imagier et maçon de Toulouse au xvie siècle, Toulouse, 1914.
131 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 41.
132 Ibidem, p. 42-43.
133 G. de La Perriere, « Chronique 218 (1541-1542) », « Chronique 225 (1548-1549) », « Chronique 226 (1549-1550) », « Chronique 228 (1551-1552) », p. 53, 102, 141, 117. Un autre supplice à l’huile bouillante eut lieu en 1572, AMT, II 80.
134 G. de La Perriere, « Chronique 226 (1549-1550) », « Chronique 228 (1551-1552) », p. 117, 141.
135 G. de La Perriere, « Chronique 226 (1549-1550) », p. 117.
136 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 43.
137 G. de La Perriere, « Chronique 228 (1551-1552) », p. 140.
138 N. Zemon-Davis, « Les rites de violence », dans Les cultures du peuple, p. 263.
139 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 104-105.
140 Le droit canonique avait su s’accomoder de la peine de mort, H. Gilles, « Peine de mort et droit canonique », dans La mort et l’au-delà en France méridionale (xiie-xve siècle), Toulouse, 1998, p. 393-416. Pour Thomas More, la condamnation à mort d’un voleur « va au-delà du droit sans pour cela servir l’intérêt public », étant un supplice « trop cruel pour punir le vol et impuissant à l’empêcher » T. More, L’utopie, p. 18-19, également p. 28-29.
141 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 105.
142 G. de La Perriere, « Chronique 227 (1550-1551) », p. 126. L’actualité toulousaine l’illustrait. Pour avoir falsifié les registres du gouverneur, Jean d’Ulmo, quart président du parlement de Toulouse, fut condamné le 6 octobre 1537 à être dégradé, faire amende honorable et le cours accoutumé des rues de la ville, être mis au pilier de la place Saint-Georges, « fletry d’une fleur de lys au front avec fer chaud » et enfermé à perpétuité au château de Saint-Malo, où il fut pendu en 1549. J. Chalande, Histoire des rues de Toulouse. Monuments, institutions, habitants, Toulouse, 1919-1927 ; Marseille, 1987, II, p. 309.
143 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. [C iii v.].
144 Ibidem, fol. [C iii v.-C iv] : Hue, assiégé avec le roi au château de Bristol par Jean de Hainaut et divers nobles d’Angleterre, fut « justicié » et exécuté, « luy vivant fut ouvert comme ung Pourceau, les entrailles arrachées et bruslées. Et finablement descapité, et la teste pourtée à Londres par merveilleulx spectacle ».
145 Ibidem, fol. [C iv] : « Mays à la fin Dieu permist qu’il fut pugny de ses demerites », les barons bretons se saisirent de Landois, et malgré le duc, le flatteur fut pendu et étranglé « comme bien avoit merité, au Gibet de Biesse ». L’auteur poursuit, « Le Duc fut bien marry de la mort de sondict Flateur pendu, mays il fut contrainct de prendre pacience. Et n’est homme de bon sens qui n’estime dadvantaige les Barons et Seigneurs de Bretaigne d’avoir maulgré leur dict Duc prins et faict executer ledict Flateur, qui mectoit en scandalle tout leur pays » ; sur l’affaire en question, H. Le Roy, « La justification d’un coup d’État selon un chroniqueur engagé », dans Prendre le pouvoir : force et légitimité, p. 119-136.
146 G. de La Perriere, ibidem, fol. [C iv]. Le même exemple laissait penser à Guillaume Benoît que Louis XI avait eu quelque responsabilité en l’affaire, P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 301.
147 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 48. L’anecdote participe, modestement, de la vision négative des Turcs imprégnant le discours religieux comme la réflexion politique. G. Poumarede, Pour en finir avec la Croisade. Mythes et réalités de la lutte contre les Turcs aux xvie et xviie siècles, Paris, 2004.
148 G. de La Perriere, ibidem, p. 105.
149 Ibidem, p. 82.
150 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. XXVII. Sur l’affaire Semblançai, R. Doucet, Étude sur le gouvernement de François Ier, I, 1921, p. 175-201.
151 Érasme commente ainsi l’extrait de l’Histoire Auguste dans lequel Elagabal, cherchant à faire déshonorer son cousin Alexandre Sévère, envoya ses hommes souiller de boue les statues du futur empereur : « on a l’habitude de le faire dans le cas des tyrans ». Plus loin, évoquant Néron, Caligula et Elagabal, il écrit : « non seulement la vie entière de ces princes fut une peste pour le monde, mais leur mémoire elle-même est en butte à l’exécration publique de tous ». J. S. Hirstein, « Érasme l’Histoire Auguste et l’Histoire », dans Actes du colloque international Érasme, p. 87-88.
152 Le Sénat romain frappait de damnatio memoriae la mémoire et les actes des empereurs condamnés, le marteau écrasant le nom des damnés figurant sur les inscriptions officielles. C. Bruschi, « Force, légitimité et pouvoir dans le xiième panégyrique latin et dans l’Histoire Auguste », dans Prendre le pouvoir : force et légitimité, p. 23-43. Les capitouls sanctionnaient les malversations commises par leurs pairs en refusant d’intégrer leurs portraits dans les salles communes et dans les Annales manuscrites, même s’ils ne l’appliquèrent pas en 1551, quand Antoine de Boscredon, coupable de concussions en fuite, fut condamné par contumace à être publiquement dégradé et à une très forte amende. Ayant refusé d’assister à ses obsèques et lui ayant dénié les honneurs habituels, ils n’effacèrent pas sa représentation dans les Annales, il y figure encore. AMT, BB 96, p. 750. La sanction appliquée à l’encontre du capitoul Adhémar Mandinelli, condamné à mort en 1562, s’étendit à ses portraits. T. Mailles, « Les relations politiques entre le parlement de Toulouse et les capitouls, de 1540 environ à 1572 », dans Les parlements de Province, p. 512. Elle fut encore appliquée en 1646 à l’encontre de Lannes et de Salabert. P. Bonin, « 1644-1646, une crise peu connue de la municipalité toulousaine », L’Auta, n. s., 622 (janvier 1997), p. 56-62 ; 626 (mai 1997), p. 149-154.
153 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 19 ; et supra p. 326.
154 Elle a lieu en Utopie, T. More, L’utopie, II, p. 114.
155 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 6.
156 Ibidem, p. 31.
157 Ibidem, p. 50-51.
158 Ibidem, p. 51.
159 Ibidem, p. 82. L’auteur paraît ici rejoindre Machiavel et Guichardin qui relevaient que la religion romaine glorifiait les vertus civiques et aidait à la défense de la République quand la religion chrétienne, glorifiant « humbles et contemplatifs », contribua au contraire à la corruption de Rome. Q. Skinner, Les fondements, p. 244.
160 G. de La Perriere, ibidem, p. 82.
161 Ibidem, p. 10.
162 Aristote, La Politique, III, 10, 1281 a, p. 213.
163 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 29.
164 Aristote, III, 12, 1283 a, p. 225 ; aussi J. Bodin, Les six livres, V, 4, p. 105-106, 124 ; VI, 6, p. 303.
165 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. L : « Qui donne vin à un febricitant, / Il ne le fait qu’eschauffer d’avantaige : / Le vin est chauld, & la fiebvre excitant, / Au patient il porte grand dommaige. / Semblablement le prince n’est pas saige, / Qui donne aux folz, dignitez & offices : / Car par ce don augmentent leurs malices. / Et tant plus vont en haulte dignité, / Plus ont pouvoir de faire malefices, / Au detriment de la communité. » ; voir aussi le Miroir Politicque, p. 85-86.
166 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 39-40.
167 Ibidem, p. 29. C’est ici que l’auteur rapporte la réponse de Léon rapportée supra, p. 145 : « interrogué, Quelle cité de toute la Grece pourroit l’on eslire pour seurement habiter en icelle ?... ».
168 Ibidem, p. 45.
169 F. Patrizi, Livre tres fructueux, viii ; C. de Seyssel, Prohème en la translation d’Appien, dans La Monarchie de France, p. 84 ; N. Machiavel, Discours, dans Œuvres, p. 86-87, 89.
170 Sur le sens devant être ici accordé au terme de « noblesse » et sur la mise en pratique de ces considérations pour les charges gouvernementales, infra, p. 317.
171 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 64.
172 N. Machiavel, Le prince, xix, dans Œuvres, ibidem, p. 155 sq.
173 Aristote, La Politique, V, 3, 1302 b, p. 346-347 ; G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 67.
174 G. de La Perriere, ibidem, p. 68.
175 Ibidem, p. 67, 74.
176 Ibidem, p. 27, 67-68.
177 Ibidem, p. 74-75, également p. 27 et 68. La fable se trouve chez Sénèque (Lettres à Lucilius, Paris, 1971, p. 95, 52.9) et on la lit au Moyen Âge dans les œuvres de Vincent de Beauvais, J. de Vitry, Dante, Marsile De Padoue, Gerson, Nicolas de Cusa, Eneas Sylvius Piccolomini, Philippe de Mézières, Eustache Deschamps ou Christine de Pisan ; L. Harf-Lancner, « Les membres et l’estomac : la fable et son interprétation politique au Moyen Âge », dans Penser le pouvoir au moyen âge. Études offertes à Françoise Autrand, éd. D. Boutet et J. Verger, Paris, 2000, p. 113-114.
178 G. de La Perriere, ibidem, p. 76.
179 « Alors on put voir que l’office du ventre lui non plus n’était pas inutile, mais qu’il nourrissait s’il était nourri, renvoyant dans toutes les parties du corps cet élément, qui est notre vie et notre force, qui se répartit également dans les veines, qui arrive à sa perfection par l’assimilation des aliments, le sang », Tite-Live, II, 33.
180 Pour Jean de Salisbury, les prêtres sont l’âme, le roi la tête, le Conseil royal, le cœur du corps politique ; les juges et administrateurs de province sont les yeux, les oreilles et la langue ; l’administration des finances occupe le ventre ; les soldats sont les mains ; les paysans, artisans et marchands correspondent aux pieds. M. Senellart, Les arts de gouverner, p. 141 note 1. Il en est quasiment de même pour Gilles de Rome, pour qui le roi est le chef ; les sénéchaux, prévôts et juges, les oreilles ; les sages conseillers, le cœur ; les chevaliers, les mains ; les marchands, les jambes ; les laboureurs et autres, les pieds. Gilles de Rome, Le mirouer exemplaire, fol. i.
181 Sur la métaphore organique, employée par saint Paul, revivifiée au xiie siècle par Jean de Salisbury et l’école de Chartres, présente chez Gerson, placée au cœur de la théorie du pouvoir par Jean de Terrevermeille et mise en exergue par Guillaume de Rochefort lors des États Généraux de 1484, E. H. Kantorowicz, Les deux corps du roi, p. 145-199 notamment ; J. Krynen, « Réflexions sur les idées politiques aux États Généraux de Tours de 1484 », RHD, 62/2 (1984), p. 203 ; E. Gojosso, Le concept de République, p. 64. Sur son l’utilisation politique, également P. Archambault, « The Analogy of the ‘‘body’’ », p. 21-53 ; J. Krynen, Idéal du Prince, p. 53, 198, 319-320 ; Id., L’empire du roi, p. 242 sq. ; L. Harf-Lancner, « Les membres et l’estomac », p. 111-126, et, pour la période moderne, A. Guevara, Histoire de Marc Aurèle, ch. XXXVI, fol. 54 ; H. Weber, « L’analogie du corps humain-corps social dans la pensée politique du xvie siècle », dans À travers le seizième siècle, II : Histoire des idées, Paris, 1986, p. 147-153 ; M.-F. Renoux-Zagame, « Du juge-prêtre au roi-idole », p. 182-183 ; L. Scordia, ‘‘Le roi doit vivre du sien’’, p. 444 sq. Il semble que la diversité des emplois qui en avaient été faits à l’époque classique s’était réduite. Outre l’ancienne fable rapportée par Tite-Live, Yann Thomas évoque en effet la métaphore d’une cité à deux têtes dénoncée par les adversaires des Gracques (Varron, De vita populi romani, riposati, n. 114), celle d’une cité double, l’une sans corps (sénat), l’autre sans tête (plèbe) fustigée par Catilina (Cicéron, Pro murena, 52 et De officiis, 1, 25, 85 ; Plutarque, Vie de Cicéron, 14, 6 ; Tite-Live, 1, 8, 1), le tableau donné par Tite-live de la constitution romuléenne comme fusion de la multitude « dans le corps d’un seul peuple uni par des lois », les références impériales à l’unité du « corps » de l’Empire (Florus, 2, 14 (4, 3), 5), le discours de Galba chez Tacite (Histoires, 1, 16, 1) et Sénèque (De clementia, 1, 5, 1, « le prince est l’âme de la respublica et la respublica le corps du prince » ; Epistulae, 92, 30), enfin, la loi d’Honorius définissant, en 397, les dignitaires de l’Empire comme « partie du corps du prince », « pars corporis nostri » (Code théodosien, 9, 14, 3). Y. Thomas, « L’institution civile de la cité », Le Débat, 74 (1993), p. 23-44.
182 Conclusion à laquelle parvient Jean de Boyssoné condamnant le peuple, « mutin », « sot », « rogue » : « Du seigneur et de son peuple » : « Un mutin peuple à son seigneur disoit / On ne vous doibt tant estimer que nous / Car nous souffrons et le chault et le froid / Pour acquérir ce qu’après mangez vous / Et la tousjours occupés sommes toutz, / Et vous jouée et peenes vostre estat »/ Lors le seigneur réspond : « Nostre débat / Se peult vuider par ung vieulx apologue / Du differant qu’eut avec un sabot / Le jour ouvrier par trop lors sot et rogue » ; « Du jour ouvrier et jour de feste » : « Le jour ouvrier disoit au jour des feste : « Mon jour est plus digne que n’est le tien / Car je me rompz le corpz, les bras, la teste / Pour assembler en travaillant le bien / Que toy apres mengez sans faire rien, / Et ne te fault sinon ouvrir la manche / Pour recevoir ». / Lors respond le Dimenche : / « Tu dis bien vray, mais sans moy ne serois ; / Comme sans arbre on ne voit yssir branche, / Aussi sans moy aulcun nom tu n’aurois », J. de Boyssone, Les trois centuries, III, VI, p. 162 sq.
183 G. de La Perriere, « Chronique 226 (1549-1550) », p. 115, citant le Livre de l’office de Dieu de Lactance Firmien et le Livre de l’homme de Galiot Narnyen.
184 Sur l’adage, voir infra, p. 344.
185 Ceci le rapproche de Contarini pour qui la métaphore organiciste profitait essentiellement aux yeux, identifiés au sénat et aux nobles : « Car au corps d’un animal l’office de regarder, et cognoistre appartient seulement à l’œil, les aultres charges sont laissées aux aultres membres, qui n’ont l’usage de veoir, ains obeissent, et en aulcune façon ne font semblant de desobeir à ce, que les yeulx leur ont annoncé, et ne se transportent ailleurs, que la, ou les yeulx les conduisent, ainsi le corps est tresbien gardé, et entretenu. Par mesme raison, tout le regime et gouvernement des affaires en la republique de Venise est commis, et baillé aux nobles, comme à certains yeux de la cité. Les aultres et moindres charges, sont recommandées à ceulx du commun peuple. Dont les Venetiens vivent heureusement comme un corps bien uny, et composé […] », G. CONTARINI, Des magistratz, & republique de Venise, fol. c v.-ci.
186 On ne retrouve pas plus l’institution dans la fable « Les membres et l’estomac » de J. de La Fontaine, Fables, III, 2.
187 F. Patrizi, Livre tres fructueux, fol. v v ; G. Contarini, ibidem, fol. lviii ; N. Machiavel, Discours, I, ii, dans Œuvres, p. 194-195.
188 C. de Seyssel, La Monarchie de France.
189 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 76.
190 Aristote était peu favorable à l’accession des gens pauvres aux hautes magistratures, estimant qu’ils se montreraient plus facilement tentés par la corruption. Aristote, La Politique, II, 9, 1270 b, p. 140-141.
191 J. E. Blythe, Ideal Government, p. 110-114.
192 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. XCI : « Quand Bucephal se congnoissoit bardé, / Si fier estoit, que plus ne pouvoit estre : / Pour lors aulcun ne se fust hazardé / Le chevaulcher, reservé son seul maistre. / Par ce pourtrait est donné congnoistre, / Que gens extraictz de quelque race infime, / Si parvenir peuvent à grosse estime, / Si fiers se font, qu’on ne les peult tenir. / Quand pauvreté montre en l’honneur sublime, / L’on ne la peult, à peine, retenir ».
193 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 45, suivant Tite-Live, Plutarque et autres « bons auteurs ».
194 Ibidem, p. 64.
195 Ibidem, p. 67, également p. 45. Contarini distingue deux sortes de « populaire ». La première, constituée des infimes, « qui naturelement ne se soucie gueres de l’honneur, ains plus tost pense à gaigner sa vie, encor a quelque peu d’auctorité, et ses honneurs à part. Ilz sont divisez en tant de bandes, et compagnies, qu’il y a de sortes de mestier : chascune bande a ses propres loix, et ordonnances, soubz lesquelles chascun ouvrier exerce son mestier […] dont plusieurs sont devenus maîtres ouvriers, lesquels s’estiment être parvenus en grande dignité […] ». L’autre manière, plus honorable, dispose de certaines charges honnêtes et de réputation : l’état de sécrétaires, ceux qui sont toujours présents avec les magistrats (qui n’est pas pour les nobles et, « combien qu’elle n’est point noble, si est elle honnorable »). G. Contarini, ibidem, fol. xcvi-xcvi v.
196 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 45, 67.
197 Ibidem, p. 67. Le thème de la distribution des honneurs à Toulouse est à peine évoqué dans les Chroniques, si l’on excepte une brève allusion de 1539-1540, affirmant que les capitouls ont « premiez les bons cytoyens, leur elargissant offices et charges publicques second leurs dessertes », « Chronique 218 (1541-1542) », p. 53. L’infime officier évoqué par La Perrière est aussi célébré par F. B. de La tour d’Albenas, Le siecle d’or, p. 179 : « Au superintendant des fanges, à Tholose : « Du ciel vient ton authorité, / Toy aussi, puis qu’as merité / Cet office plein de louenge : / Car si l’air oultre le devoir / Demeuroit tousiours sans plouvoir / Jamais Tholose n’auroit fange ».
198 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 85 : « Car (comme dit le poëte Satyricque) : le synderese ou remord de la conscience, est le premier juge d’un chacun ».
199 Ibidem, p. 86-87 ; « lesgale proportion & mesure de toute & chascune des parties du corps politicq, par laquelle (gardant en soy mediocrité et droite raison) n’est permis que l’une partie d’icelluy ayt surcroissance & excessif augmentement sur l’autre » ; Aristote, La Politique, V, 3, 1302 b, p. 347.
200 G. de La Perriere, ibidem, p. 45.
201 Ibidem, p. 45 ; Livre des rois, 3, 10.
202 Gratien ne fait presque aucune place à la fonction créatrice du législateur, M. Villey, « Saint-Thomas et l’immobilisme », dans Seize essais, p. 104-105.
203 M. Bastit, Naissance de la loi moderne, p. 171-250.
204 Platon, La Republique, IV, 423 d-427 c ; T. More, L’utopie, II, p. 196-197 ; D. Érasme, Institutio principis christiani, VI. Michel de L’Hospital s’inquiétait de la prolifération législative du xvie siècle, L. Petris, La plume et la tribune, p. 292. François Hotman préconise un État comptant très peu de lois, dans lequel le règlement des affaires privées sera laissé à l’entière discrétion des juges. F. Hotman, Antitribonian, p. 148.
205 « Je n’accuse point un magistrat que dorme, pourveu que ceus qui sont soubs sa main dorment quand et luy : les loix dorment de mesme ». M. de Montaigne, Essais, III, 10 ; A. Tournon, « Le magistrat, le pouvoir et les lois », dans Les écrivains et la politique dans le Sud-Ouest de la France autour des années 1580. Actes du colloque de Bordeaux, 6-7 novembre 1981, Bordeaux, 1982, p. 68.
206 J.-L. Thireau, « Préceptes divins et normes juridiques », p. 126 sq.
207 Alors même que ces questions se posaient avec acuité aux praticiens, G. D. Guyon, « Recherches sur la méthode jurisprudentielle criminelle du parlement de Bordeaux au xvie siècle », dans Les parlements de Province, p. 302 ; S. Geonget, « Justice, cas perplexe et question pour l’amy chez Montaigne », dans Bulletin de la Société des amis de Montaigne, 8e s., 21-22 (janvier-juin 2001), p. 159-170 ; Id., La notion de perplexité, p. 19-190.
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