Chapitre II. La constitution mixte
p. 121-141
Texte intégral
1C’est Homère qui fit le premier de la constitution mixte1 un modèle politique2. L’admiration des théoriciens grecs pour le régime politique de Sparte nourrit ensuite la réflexion des penseurs3. Puis une forte tradition médiévale, renouvelée par l’aristotélisme de saint Thomas, renouvela le thème. Du xiiie au xve siècle, les auteurs qui envisageaient avec faveur un système dans lequel la royauté serait équilibrée par des contre-pouvoirs n’étaient pas rares4. Au début de la Renaissance, nombreux étaient encore ceux qui regardaient la constitution mixte comme un idéal, notamment en Italie dans le contexte particulier des Cité-États, mais aussi en France, où les parlementaires revendiquaient une part de souveraineté politique5. L’attachement de La Perrière aux formes mixtes de gouvernement, nourri par sa connaissance des institutions romaines et vénitiennes (section I), se fait ainsi l’écho d’un ancien débat sur la nature du régime monarchique français (section II).
Section I. Les exemples : Rome, puis Venise
2Dans la Chronique 216 comme dans le Miroir Politicque, un même penchant pour le régime mixte se révèle. Mais deux modèles le soustendent : celui de la République romaine, mis en avant dans le premier texte (I), puis celui de la Sérénissime, qui s’affirme, au détriment du premier, dans le second (II).
I. Rome
3Entre toutes les Républiques mémorables, note la Chronique 216 des Annales manuscrites de Toulouse, celle des Carthaginois fondée par Phaléas, celle des Milésiens par Hippodamos, celle des Lacédémoniens par Lycurgue, celle des Crétois par Minos, celle des Athéniens par Solon, celle des Thébains par Philolaüs, celle des Gètes par Zamolxis ou enfin celle des Scythes par Anacharsis, la république des Romains est la meilleure,
car des aultres les unes estoient regies par democratie, aultres par aristocratie, aultres par oligarchie, aultres par monarchie ; mais la republicque des Rommains participoit avec chescune desdictes especes de republicque ce que fust cause qu’elle eust de temperance, proportion et harmonie plus que toutes les aultres, comme recite Polibius au VIe livre de son histoire et que consequemment elle est le vray miroir et formulaire de toute aultres republicques pour raison mesmement que lesdictz Rommains par leur bonne institution politicque ont si bien faict qu’ilz obtindrent jadis la monarchie de tout le monde ce que ne fut pas par abondance d’or ou de richesses car les Indiens et aultres peuples orientaulx les oultrepassoyent en icelles6.
4Avant le début du xvie siècle, aucune traduction du sixième livre des Histoires de Polybe, consacré à la description et à la théorisation des constitutions mixtes auxquelles se trouvait identifié le régime de la Rome républicaine, n’avait été disponible7. Après Machiavel et Seyssel, La Perrière est l’un des premiers à en utiliser le texte8. En 1540, il se montre convaincu par ses conclusions, manifestement mesurées à l’aune d’une lecture attentive d’Aristote9. Mais l’approfondissement de sa culture politique et historique comme la genèse du Miroir Politicque ont pu faire évoluer sa vision des choses. Achevé en 1553, cet ouvrage ne montre plus en effet qu’une admiration limitée pour Rome, et cette dernière n’est plus présentée ni comme un modèle à suivre, ni comme une constitution mixte. Sans doute l’auteur, suivant Salluste, considère-t-il encore que la chute des Tarquins a abouti à l’instauration d’un gouvernement juste, comme il l’a par ailleurs exposé dans un emblème10. Sans doute célèbre-t-il aussi les vertus ayant accompagné l’établissement de la République, la pauvreté des Publicola, Menenius Agrippa, Cincinatus, Serenus, Attilius, Cornélius Scipion, Aemilius Scaurus ou d’un certain Paulus. Mais, constatant l’abandon progressif de ces valeurs par les optimates qui se réservaient les dignités publiques, pratiquaient l’endogamie et méprisaient le peuple, il voit qu’ensuite, les « dissimilitudes » ont grossi dans la République. Le fossé s’étant creusé entre les petits et les grands, les « médiocres » se sont faits plus rares, et la révolte du peuple n’est pas parvenue à endiguer la corruption du régime11. Après la destruction de Carthage, les vertus romaines déjà s’étaient dissipées. Un certain sens civique, certes, perdurait. La Perrière loue comme le fait Machiavel la constance des frères Gracques, « morts pour la loi agraire »12. Mais il regrette de constater dans les œuvres de Cicéron à quel point les ambitions personnelles s’étaient accrues, entraînant la jeunesse, qui n’avait plus de guerre à conduire, vers de néfastes voluptés,
tellement que quand l’occasion leur fut ostée d’exercer leurs armes contre les estrangiers, ilz commencerent de les exercer entre eux-mesmes13.
5Alors « survindrent les seditions intestines & guerres civiles, comme de Sylla contre Marius, de Cesar contre Pompée, & semblables, lesquelles (par fin) ruynerent la monarchie [sic] romaine, verifiant ledit d’Horace, disant : que Rome se ruynoit pas ses mesmes forces ». L’humaniste se désole avec Lucain et Horace de cette dépravation. Désireux de ne « trop arrester le lecteur » en accumulant les commentaires qui pouvaient se presser à son esprit, il se retient de trop s’étendre sur la question. Mais en un quatrain inspiré par le Satirique, il laisse entendre quels regrets lui inspirent les désordres ayant suivi l’arrêt des guerres puniques :
Quand Annibal bruyoit comme tonnerre,
De volupté avions bien peu d’assaux :
Mais longue Paix nous ha fait plus de maux
(la nous donnant) que ne feit oncq la guerre14.
6Élu dictateur, Sylla modifia la constitution et causa « la boucherie & le massacre des citoyens ». Puis la République de pâtir de la « mauvaise » conjuration de Catilina, avant de périr de l’ambition d’un Jules César et de celle d’un Pompée. Avec l’épouvantable guerre civile qui s’ensuivit, « la liberté publicque fut ruinée »15. Proche de Cicéron, l’auteur du Miroir Politicque n’est pas loin de considérer légitime le renversement de César conduit par Brutus et Cassius16, bien qu’il s’agisse d’une mauvaise « société » ou « monopole » :
Mais encore ceux qui feirent ce monopole, avoyent quelque apparence de raison, d’autant que Jule Cesar avoit occupé par force la Monarchie de l’Empire à sa main, & changé l’estat de la Republicque, qui depuis les roys exautorez avoit esté Aristocraticque, comme avons fait mention dessus17.
7Cette analyse de la République romaine comme une aristocratie n’est pas précisée18, mais force est de le constater, la défiance de l’auteur envers les « républiques de peu de gens » trouve ici de criantes illustrations. Cette république n’est pas parvenue à unir dans l’harmonie l’ensemble des citoyens. Il n’y a qu’à lire Polybe ou Salluste pour voir quelles violences ont rythmé son histoire. Pour La Perrière, ces violences ne peuvent se faire l’expression d’un témoignage de liberté ; elles reflètent les vices entraînant l’État vers sa perte19. Comme Cicéron, il regrette que Rome, emportée par un expansionnisme avide et impérialiste, ait été trop occupée des choses de la guerre pour assurer chez elle la paix et la stabilité20.
8Exprimée par de nombreux médiévaux, cette condamnation du modèle romain ne doit pas surprendre, et explique que ce soit à l’idéal représenté par Venise que La Perrière, après 1540, se soit voué.
II. Venise
9Symbole de concorde et de longévité, Venise, que la plume alerte et parfois monnayée de bien des humanistes italiens s’attachait à encenser, soulevait depuis le XIIIe siècle un enthousiasme généralisé21. C’est en elle que l’on voyait désormais l’incarnation des vertus de la constitution mixte. Dans le royaume de France, tout au long du premier seizième siècle, malgré la persistance d’une tradition défavorable à la cité des Doges22, la diffusion des œuvres issues de l’humanisme italien, celles de Marco Antonio Sabellico, Francesco Patrizi, Pier Paolo Contarini ou même Machiavel donnait au mythe politique vénitien un nouveau souffle23. Les nombreux émigrés italiens installés en France24, tous ceux qui faisaient le voyage d’Italie contribuaient à l’alimenter, à l’instar de Clément Marot qui, chassé par l’inquisition, trouva refuge à Venise en 1536, célébrant un ordre public qu’il trouvait là « plus grand, plus rond, plus beau, ne myeulx gardé » que l’Empire romain lui-même25. Fondé sur la sagesse et la supériorité des lois vénitiennes, sur la constatation de la longévité du régime, le modèle vénitien avait emporté la conviction de La Perrière26.
10Les Annales manuscrites de Toulouse en témoignent. À l’attention des Toulousains confrontés à une recrudescence de la peste, la Chronique 225 donne en exemple la sagesse avec laquelle les Vénitiens ont porté remède à la grande épidémie de 141327 ; commentant un édit somptuaire donné par Henri II, la Chronique 227 les loue d’avoir mis un frein au luxe des accoutrements et à la pompe vestimentaire des hommes, pernicieuse à toute République28. Le Miroir Politicque prolonge ces réflexions. L’ouvrage témoigne de l’intérêt porté par l’auteur aux activités marchandes caractérisant Venise comme d’autres cités italiennes29. La constitution vénitienne y est érigée en modèle pour ne jamais admettre les étrangers aux dignités politiques30. Surtout, la Sérénissime y est présentée comme un modèle exemplaire de concorde et de longévité, sa République se maintenant dans la fermeté et la stabilité pour entretenir une richesse et une puissance inégalées depuis déjà 1200 ans31. Le tout est présenté comme très remarquable au regard de la situation accablante dans laquelle se trouvent la plupart des Cités-États de l’Italie de la Renaissance. Ces dernières en effet, estime La Perrière
de leur naturelle inclination sont bendées & divisées par partialitez, tellement qu’elles ne sont jamais en paix, d’autant que si les guerres estranges cessent, les domesticques & civiles les tourmentent32.
11Comme dans les Discours de Machiavel et la République de Contarini, cette réussite est attribuée à la constitution ou « gouvernement » mixte aboutissant à l’unité de la République,
Et si se conduit-elle par troys especes de gouvernement differantes : car elle se conduit en aucuns affaires infimes de gouvernement populaire : en affaires ardues par le Senat & optimatz, & par unique principauté : c’est par leur Duc, lequel reduit à unité tant le Senat que le populaire. Et par ces troys especes de Republicque, temperées et reduites en unité, florist ladicte Republicque, à laquelle (parlant à la verité) en tous endroits de police n’est trouvée la pareille33.
12L’élément populaire du régime vénitien n’étant chargé que d’« affaires infimes », la participation des couches les plus basses de la population se résume à l’attribution aux personnes « infimes » des « offices viles assortables à leur vile condition ». Loin de s’en indigner, l’auteur du Miroir Politicque juge la solution fort habile, car autant il lui paraîtrait dangereux d’écarter totalement les « infimes » du gouvernement, puisque ceux-ci, mécontents, pourraient fomenter une rébellion, autant il lui paraîtrait aberrant de leur confier des magistratures importantes pour lesquelles ils ne sont pas qualifiés et à la tête desquelles ils pourraient se laisser corrompre. La constitution vénitienne évite ainsi les risques liés tant à une exclusion du peuple qu’à son intégration au gouvernement, parvenant à l’intéresser à la cause commune de la République tout en le satisfaisant des offices qui lui sont attribués34. Au doge ensuite d’accorder et de réduire en unité « tant le populaire que le Senat ». Assimilé à un monarque dirigeant par « unique principauté », le doge ne possède en réalité qu’un pouvoir de façade ; « régnant sans gouverner », il ne participe pas aux décisions des sages. Mais il importe peu à La Perrière qu’il soit prince sans être souverain35. Au contraire, l’incessante surveillance du Conseil des Dix, son éventuelle justice permettent d’éviter les dangers liés à sa possible dépravation. Il paraît donc bénéfique qu’une aristocratie, dans laquelle les risques de corruption sont moindres, un Sénat et des optimates vertueux, s’occupent entièrement des « affaires ardues »36. C’est cette articulation précise qui constitue même la principale garantie du système. Le rôle joué par le Conseil lors de la tentative de coup d’État du doge Marino Faliero (« Martin Phaletre »), lue chez Contarini, le montre. Élu doge pour l’éminence de ses vertus aux alentours de l’an 1300, Faliero chercha à profiter de l’instabilité sociale de la cité pour briser la puissance des conseils aristocratiques et se faire reconnaître prince. Averti du complot, le Conseil des Dix fit arrêter les conspirateurs qui, interrogés et jugés, furent condamnés à mort puis exécutés. Dans la galerie du Grand conseil où s’alignaient de longue date les portraits des doges, la place réservée au félon demeura vide, et une inscription vint témoigner à perpétuité de la sanction qui ne manquerait pas de s’abattre sur tout nouveau renégat comme elle s’était abattue sur Faliero : « Ici était la place de Marino Faliero, décapité pour crime de trahison »37. Le caractère exemplaire de la justice du Conseil comme la portée édifiante de l’anecdote soulèvent l’enthousiasme de La Perrière, illustré par deux quatrains inédits du Miroir politicque38.
13Une telle « république », célèbre-t-il, se trouve unie. L’emploi de ce terme polysémique s’avère délicat. Machiavel, Contarini ou Seysssel déduisaient de leurs observations que Venise, gouvernée par une forme mixte, était une République aristocratique39. La Perrière, qui analysait vers 1550 la Rome républicaine comme une aristocratie, s’accordait à voir dans le Conseil des Dix l’axe portant d’un système politique veillant au maintien de l’équilibre des pouvoirs, une institution dont l’autorité s’imposait au doge. Sans cependant prendre acte de la suprématie de cet élément aristocratique pour conclure que Venise était une « puissance de peu de gens »40, ni au contraire voir là une « république » au sens strict du terme, mêlée d’oligarchie et de démocratie41. Peut-être, ayant pris acte d’un partage de souveraineté entre les trois éléments gouvernant l’État, considérait-il que celle-ci, appartenant à un grand nombre de personnes, était une « puissance des riches mediocres ». Bodin serait plus explicite, en déduisant de l’histoire du doge Faliero que la constitution vénitienne était une « vraye seigneurie aristocratique »42. Mais l’Angevin, il est vrai, portait un regard bien différent sur la République et sur le gouvernement de la France.
Section II. Le problème : le gouvernement de la France
14Abordant de front le problème, La Perrière ne s’en cache pas :
Et sembleroit advis de prime face, que la question ne pourroit estre scrupuleuse, d’autant que nous vivons sous la monarchie d’un Roy. Mais nous reciterons l’opinion d’aucuns bons auteurs, & puis pour fin en dirons nostre advis43.
15Question « scrupuleuse » que celle du gouvernement de la France à ses yeux ? Jugeant nécessaires ces quelques précautions oratoires, celui-ci ne divulgue aucun nom des auteurs pour lesquels le royaume de France, sous la monarchie d’un roi, se trouve aussi gouverné par l’aristocratie des Parlements comparés aux Éphores de Lacédémone44. Cette théorie, servant les ambitions politiques des parlementaires, était-elle trop répandue pour qu’il puisse, ou veuille, donner l’un de ces noms ? Sa formulation, dans le célèbre Compendium de origine et gestis Francorum de Robert Gaguin, avait assuré sa fortune. La réfutation par Paul-Émile de la thèse carolingienne de la fondation du Parlement n’avait pas freiné son essor45. Depuis presque un siècle, les publicistes méridionaux s’efforçaient de démontrer que le Parlement était en possession d’un véritable pouvoir législatif, de mandato regis46. Dans les cercles parlementaires comme chez les lettrés, dans l’entourage royal, l’assimilation entre le Parlement de France et le Sénat romain était des plus communes47.
16Alors que l’humanisme invitait les juristes à plus de rigueur dans le maniement de l’histoire et des concepts48, alors que le pouvoir royal s’affirmait, ni sa réalité ni ses implications n’étaient cependant acceptées par tous. Dès 1508, Budé dénonçait tout parallèle rapide entre le Parlement de France et l’Aréopage athénien ou le Sénat de Rome. Certes, invitant les magistrats français à prendre exemple sur les juges de l’Aréopage, il considérait que les princes devaient se soumettre au contrôle de la Cour. Mais il affirmait que seul le chancelier de France était le gardien des lois (nomophylax) ; constatant que le Sénat romain était autrefois chargé de l’interprétation et des actions de la loi, il ne reconnaissait au Parlement de France que le pouvoir de confirmer les actes du prince, lui déniant fermement tout rôle législatif49. L’autorité du savant ne pouvait toutefois éteindre des théories d’une brûlante actualité, laquelle d’ailleurs confirmait ses analyses. Dès avant l’avènement de François Ier, les relations entre la royauté et ses parlements en effet s’étaient envenimées. Ainsi à Toulouse, en 1510, l’inflation des évocations royales avait suscité un orageux conflit. Les représentants du Parlement étaient allés faire à la Cour des remontrances « dignes de grand et perpétuelle mémoire » : dans un traité de quarante-six articles, ils avaient défendu la légitimité de leur démarche, énumérant les privilèges de la province touchant les évocations puis arguant d’un prétendu contrat selon lequel le parlement de Toulouse avait été concédé à titre de privilège au Languedoc lors de la réunion du comté à la couronne de France. Louis XII manifestement n’en apprécia guère les conclusions : l’un de ses maîtres des requêtes, six archers de sa garde et un procureur spécial allèrent signifier à la Cour toulousaine sa détermination d’envoyer le sieur de La Trémoille, deux cents hommes d’armes et cinq cents archers exécuter sa décision par la force si la résistance se prolongeait. Le 22 janvier 1511, Adam Fumée vint déclarer au Château Narbonnais que le roi ne pouvait souffrir que l’on tente de vouloir « oster la couronne dessus sa teste », ni d’être accusé d’« injustice et oppression à ses subjectz tout ainsi que s’il estoit ung tyrant »50. Le parlement de Toulouse céda, sans cependant vouloir s’avouer vaincu. Comme il continuait d’emprisonner les porteurs de lettres d’évocation, ses protestations entraînèrent un nouveau conflit en 1516. Les méridionaux relayèrent cette lutte de terrain par la composition de traités soutenant les prétentions parlementaires. Dans une longue discussion comparant les pouvoirs et le prestige du Grand Conseil à ceux du Parlement, Jean Montaigne soutint implicitement la thèse parlementaire51. Nicolas Bertrand, l’un des maîtres ayant encouragé Guillaume de La Perrière en son jeune âge, réunit dans un Opusculus de magnifica parlamenti Tholosani institutione dédié au président Saint-André divers éléments d’un dossier encore brûlant52 : s’appuyant à son tour sur Étienne Aufréri et Guy Pape, il y assurait que nul prince ne pouvait avoir supériorité sur le Parlement et qu’en France, le roi lui-même ne pouvait statuer sur les droits du royaume sans les décrets d’un Sénat qui, le représentant, détenait des pouvoirs identiques, dont celui de légiférer53. Dès son accession au trône, François Ier montra cependant comment il entendait régler ce conflit. C’est avec une inflexible fermeté qu’il exigea l’enregistrement de l’ordonnance des eaux et forêts de mars 1516 et celui du Concordat de Bologne54. Or, avec la multiplication sans précédents du nombre des officiers, avec l’arrivée massive des lettrés dans le monde des offices, le rôle fondamental joué par les magistrats dans le renouveau culturel et intellectuel de la France, les prétentions des gens de robe n’avaient jamais été si vives55. Le roi se dressait-il contre ses Parlements ? Ceux-ci s’étaient raidis.
17Convaincu par l’équilibre politique qu’il avait observé sous le règne de Louis XII, Claude de Seyssel voulait encore croire en 1515 en la mixité d’une constitution française où le Parlement jouait le rôle d’un frein contrôlant le pouvoir royal :
Le second [frein] est la Justice : laquelle, sans point de difficulté est plus autorisée en France qu’en nul autre pays du Monde que l’on sache, mêmement à cause des Parlements qui ont été institués principalement pour cette cause et à cette fin de réfréner la puissance absolue dont voudraient user les Rois56.
18L’analyse est célèbre. Ayant franchi les monts, elle était allée jusqu’à convaincre un Machiavel57. Puis elle s’était enrichie et parée de couleurs nouvelles. Les préventions de Budé nuisaient-elles à l’identification du Parlement de France et du Sénat de Rome ? C’est désormais au Sénat de Venise que les parlementaires en appelaient. Lors de l’entrevue qui se tint à Amboise le 14 janvier 1518 entre François Ier et les conseillers Loynes et Verjus, Pierre Du Chastel fit un éloge enthousiaste de la Sérénissime, et dans le mémoire afférent à la délicate réception du Concordat qu’ils avaient remis au roi, les parlementaires n’avaient probablement pas manqué de faire valoir le modèle constitutionnel vénitien. Très irrité, François Ier répondit avec véhémence le 28 janvier suivant, et
colèra aigrement, disant qu’il n’y auroit que ung roy en France […] et que ce qui avoit esté faict en Italie ne seroit deffaict en France, et garderoit bien qu’il n’y auroit en France un sénat comme à Venise […]. Meslez-vous, leur dit-il, de la justice […], les menaçant de transformer le parlement sédentaire en une cour ambulante qu’il ferait « trotter après lui » comme ceulx du Grand Conseil58.
19La riposte ne tarda pas. Le souverain envoya son premier chambellan La Trémoille au Parlement pour requérir l’enregistrement immédiat du Concordat à l’audience du 15 mars. Le Parlement céda, non sans noter aigrement que celui-ci avait lieu « par ordonnance et commandement du roy et non point » de ladite court. Continuant la lutte sur le terrain de l’exécution du traité, il avait déjà perdu la partie. En 1525, c’est en vain que les parlementaires essayèrent de profiter de l’absence de François Ier pour tenter d’imposer leur projet de réforme constitutionnelle ; au lit de justice du 24 juillet 1527, la vibrante éloquence du président Guillart se heurta à un souverain inflexible59. La diffusion du mythe vénitien dans les milieux parlementaires ne fut pas plus efficace60. Paru en 1529, le Catalogus Gloriae Mundi de Barthélemy de Chasseneux donnait de la monarchie française une vision qui n’était pas d’actualité. Affirmant que la royauté française s’était spontanément soumise à l’autorité de ses officiers, l’auteur y soutenait que le Parlement représentait une autorité modératrice comme autrefois les Éphores et les Tribuns, défenseurs du peuple contre d’éventuels décrets royaux contraires au droit61. La réalité était tout autre. À partir de 1535, prenant toujours plus de précautions contre des voix parlementaires qui ne voulaient pas se taire, le souverain évita d’ailleurs d’utiliser dans ses ordonnances la formule selon laquelle le Parlement représentait le roi62.
20Dès 1536, Calvin regrettait le pouvoir absolu qui était reconnu au roi de France,
car s’il y avoit en ce temps icy Magistratz constituez pour la deffense du peuple pour refrener la trop grande cupidité et licence des Roys, comme anciennement les Lacedemoniens avoient ceux qu’ils appelloient Ephores : et les Romains, leurs deffenseurs populaires : et les Atheniens leurs Demarches : et comme sont, possibles, aujourd’huy en chascun royaume les trois estatz quand ilz sont assemblez : à ceux qui seroient constituez en tel estat, tellement je ne deffendrois de s’opposer et resister à l’intemperance ou crudelité des Roys, selon le devoir de leur office : que mesmes s’ilz dissimuloient, voyans que les Roys desordonnéement vexassent le povre populaire, j’estimerois devoir estre accusée de parjure telle dissimulation, par laquelle malicieusement ilz trahiroient la liberté du peuple, de laquelle ilz se devroient congnoistre estre ordonnez tuteurs, par le vouloir de Dieu63.
21Il se trouvait désormais moins de voix pour affirmer que le Parlement de France assumait une fonction équilibrante dans le gouvernement du royaume. Tandis que Charles de Grassaille rejetait l’assimilation entre le Parlement de France et le Sénat, Pierre Rebuffi se fit précautionneux sur la question, et en 1553, Vincent de La Loupe, qui concédait au Parlement « quelque ressemblance de ce Sénat romain », ne lui accordait plus qu’un rôle purement judiciaire64.
22L’auteur du Miroir Politicque ne pouvait pas davantage croire à l’assimilation du gouvernement de la France à un gouvernement mixte. Il ne pouvait plus croire en l’assimilation du Parlement de France ni avec les Éphores lacédémoniens, ni avec le Sénat de Rome ou celui de Venise. Il en fait la démonstration avec limpidité. Tel que décrit par la République d’Aristote ou la Vie de Aristidès de Plutarque, le pouvoir des Éphores était, dit-il, une « supreme autorité, voire telle qu’ilz refrenoyent & bridoyent leurs Roys, quand ilz vouloyent exceder les bornes de raison »65. Cette seule constatation lui suffit pour juger toute comparaison avec le Parlement de France « mal proportionnée », puisque,
[…]. Quant à la supreme autorité des Ephores, desquelz on ne pouvoit appeller, la comparaison des Parlemens de France est bonne, d’autant que les presidens & conseilliers d’iceux sont les supremes magistratz du Royaume, & ceux qui sont estimez les plus graves, doctes & oculés de tous autres, joint que de leurs arrestz n’y ha aucun refuge d’appel, non plus que jadis des Ephores. Mais quant à ce que lesditz Ephores bridoyent leurs Roys, la comparaison d’eux à noz parlemens cloche de ce pied, & n’est pas bonne : car les Parlemens ne brident pas noz Roys, ains noz Roys les brident, reforment, & en cas de coulpe punissent, cassent et annulent leurs arrestz quand bon leur semble, & par leurs editz & ordonnances les reglent66.
23La Perrière ne l’ignore pas : Machiavel estime dans ses Discours que les fondateurs de la monarchie française, s’étant réservé la puissance des guerres et des finances, ont « remis » l’administration de la justice aux Parlements,
ce que denote, qu’en nostre Republicque, ayant esgard à noz Roys, nous vivons souz l’espece de monarchie : & ayant esgard au fait de la justice, nous vivons souz l’espece d’Aristocratie67.
24Mais « ayant le tout bien calculé », il ne peut s’accorder avec son analyse, car,
considerant que les Parlemens, voire tous sieges de judicature de France, sont comme ruysseaux procedens de la fontaine de Royauté, & le Roy est chief unique sur tous, & que de luy seul procede toute leur autorité, comme toutes arteres du cœur, toutes veines du foye, & tous nerfz du cerveau : je conclus, que nous vivons en ce florissant Royaume, souz une seulle espece de Republicque, c’est souz la monarchie d’un treschrestien & trespuissant Roy, auquel Dieu par sa grace doint prosperer de bien en mieux68.
25La réalité d’un régime mixte supposant l’existence de sphères de pouvoir distinctes, la position du Parlement de France à l’égard d’un roi que toute la civilistique s’accordait à reconnaître source de toute justice s’oppose à l’identification d’un tel régime en France. Le Parlement, n’ayant reçu qu’un pouvoir secondaire, qu’il soit délégué ou qu’il implique un véritable pouvoir de représentation, ne saurait donc se poser en équivalent des Éphores69. Aussi La Perrière réfute-t-il vertement les efforts faits par le « traducteur de l’hystoire d’Appian Alexandrin en françoys pour en faire la démonstration en son epistre liminaire dirigée au Roy Loys douzième » :
Mais les raisons qu’il adduit sont apparentes & non concluantes, voire si froides qu’elles ne peuvent eschauffer son opinion : car à tout homme qui ha succé de bon laict, est apparent que nous vivons souz Empire Monarchique : & ne fait rien de dire, que les Venitiens sont conduitz souz lesdictes troys especes & sont plus florissans que jamais : car l’autorité de leur Duc est bridée, & n’est pas l’autorité de noz Roys, si ce n’est de leur naturelle benignité qui les rend enclins à tout exercice de vertu70.
26La citation est célèbre. Extraite de son contexte, elle a laissé croire que La Perrière faisait découler de la grâce naturelle du roi le caractère illimité des pouvoirs du prince, qu’ainsi, il était un digne héritier de cette « École de Toulouse », un défenseur de l’« absolutisme » monarchique ne croyant pas au régime mixte. Replacée dans le cadre des discussions du Miroir Politique, elle ne fait qu’avouer l’impossibilité dans laquelle l’auteur se trouve de voir dans la constitution française un régime mixte. La seule observation concrète de l’articulation des pouvoirs l’en empêche : démontrant la suprématie du roi de France, la dépendance de ses magistrats, la négation des freins dans lesquels beaucoup voyaient la garantie de la perfection du régime français, celle-ci ne pouvait aboutir qu’à la constatation de la réalité d’un principe unique de souveraineté, tout entier contenu dans la personne royale71. Un principe unique de souveraineté dont Henri II ne manquait pas de rappeler la réalité aux parlementaires qui s’arrogeaient un droit de remontrance illimité, et dont il savait bien ce qu’ils souhaitaient : « Semblerait qu’on voulust faire le Sénat de Venise… » pestait-il encore en 155772.
27L’avenir d’une telle démonstration ? En 1560, devant les États Généraux assemblés, Michel de L’Hospital rappela aux parlements que leur rôle se limitait aux « audiences privées et des particuliers »73, mais Jean Quintin soutint l’assimilation du gouvernement de la France à une constitution mixte, et tandis que la royauté s’embourbait dans les querelles religieuses, le thème se répandit comme une traînée de poudre dans la quasi-totalité des œuvres des publicistes français74. Alors que Venise, troublée par « la religion nouvelle », regardait avec attention du côté des institutions françaises75, rares furent ceux qui se souvinrent des enseignements de Budé ou de la mise au point de La Perrière, même si, pour Théodore de Bèze, c’était les « Estats du roiaume » qui avaient reçu pouvoir légal de contrôler voire de punir le souverain76. Jean de Coras fut l’un des seuls à constater que si jamais le Parlement de France avait pu autrefois être comparé aux Sénats de Sparte et de Rome ou au Grand Conseil de Venise, la chose n’était plus possible car les Parlements actuels « ne sont qu’une petite umbre et apparence de ces grands et illustres parlemens »77. Après la Saint-Barthélemy, la permanence des théories constitutionnalistes, l’extraordinaire faveur du mythe de Venise et les théories des monarchomaques firent peur à Jean Bodin. Approfondissant la logique mise en branle par La Perrière, celui-ci réfuta toute validité à la constitution mixte. Ne pouvant plus alors imaginer d’autorité royale qu’impartagée, il ouvrit grand la porte à un absolutisme que l’humaniste n’aurait pu envisager sans frayeur78.
Conclusion du chapitre II
28La sècheresse avec laquelle La Perrière réfute Seyssel ne saurait faire illusion. L’humaniste ne s’indigne pas de ce que l’on a voulu faire des compagnons à la majesté royale. Au contraire : il préconise que les hommes vertueux du royaume « participent de sa dignité »79. Surtout, il se défend de tout dédain à l’encontre des Parlements :
Ce que j’en escris, n’est pas pour mespris d’iceux, auxquelz de tout temps je dois le tribut d’honneur & reverence, mais c’est pour prouver que la comparaison susdicte n’est pas bonne80.
29Proche de Nicolas Bertrand et des élites parlementaires toulousaines, peut-être ancien élève de Jean Montaigne et de Nicolas Bohier, il prend acte des déconvenues que la pratique gouvernementale de François Ier a fait subir aux théories parlementaires. Eduqué à l’ombre du parlement toulousain, il a le regard tourné vers la mythique Venise où l’aristocratie tient les rênes du gouvernement.
Notes de bas de page
1 « From the very beginning the mixed constitution was associated with the division of the political community into the one, the few, and the many, and at many times these groups were associated with the simple forms of monarchy, aristocracy and democracy. A mixed government in its broader sense, then, is any one in which power state is shared by at least two of these groups, or one in which there is a combination of two or more simple forms of government ». J. E. Blythe, Ideal Government, p. 11.
2 Homère considère que le partage du commandement n’est pas une bonne chose. Tel est le sens des vers souvent cités : « Il faut un seul qui commande, un seul roi ». Mais il donne l’exemple d’un pouvoir royal entouré par un Conseil des Grands ou « rois inférieurs » et par l’assemblée du peuple. Ainsi gouverne Agamemnon, dont le pouvoir est restreint par les nobles et, dans une moindre mesure, par le camp grec. P. Aubenque, « Aristote et la démocratie », dans Aristote-politique, p. 255 ; P. Nemo, Histoire des idées politiques dans l’antiquité, notamment p. 48.
3 Le modèle constitutionnel mixte a ensuite été plébiscité par Platon (Lois, I, 1, 1252 a 15), Aristote (Politique, II, 6, 1265 b ; 2.9.1270 b ; IV.12.1296 b-129 a, V.7.1307), Cicéron, et bien d’autres. Voir notamment M. Prelot, G. Lescuyer, Histoire des idées politiques, p. 97 sq.
4 Après saint Thomas, Pierre d’Auvergne, Ptolémée de Lucques, Engelbert d’Admont, Jean de Paris, Marsile de Padoue, Oresme et John Fortescue, notamment, J. E. Blythe, Ideal Government.
5 J.-L. Thireau, Charles du Moulin, p. 251 sq. ; H. Morel, « La renaissance de Sparte », dans État et pouvoir, p. 209-219 et du même, « Le régime mixte ou l’idéologie du meilleur régime politique », dans Réflexions idéologiques sur l’État, p. 81-93, 95-112. Sur le contexte des Cités-États italiennes où ces théories s’étaient épanouies, et spécialement à Florence où elles s’étaient cristallisées dans la pensée de Machiavel mais aussi de Luigi Alamanni, Donato Giannotti, Francesco Guicciardini, et bien d’autres, N. Machiavel, Discours, I, ii, dans Œuvres, p. 194 ; G. Guidi, « Dalla tesi delle tre ambizioni allo stato misto », Il pensiero politico, 17/2 (1984), p. 147-178. Sur le contexte français dans lequel « la science juridique des docteurs a non seulement inculqué à cette nouvelle noblesse le dogme de la suprématie du droit sur le prince, mais lui a procuré en outre les moyens techniques de servir cet idéal », J. Krynen, « L’encombrante figure du légiste. Remarques sur la fonction du droit romain dans la genèse de l’État », Le Débat, 74 (mars-avril 1993), p. 45-53 ; Id., « À propos des Treze Livres des Parlemens de France », dans Les parlements de Province, dir. J. Poumarède, J. Thomas, Toulouse, 1996, p. 691-705 ; Id., « Qu’est-ce qu’un Parlement qui représente le roi ? », p. 353-366 ; Id., « Une assimilation fondamentale », p. 208-223 ; Id., « De la représentation à la dépossession du roi », p. 95-119 ; également E. H. Kantorowicz, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, 1989, p. 99 sq. ; MF. Renoux-Zagame, « Du juge-prêtre au roi-idole », p. 143-186.
6 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 37 v.-38 ; Polybe, Histoires, VI, 7, 10, 12-14 et 47-48.
7 Pour autant, l’analyse de la Rome républicaine comme une constitution mixte se retrouve chez saint Augustin (Cité de Dieu, II, 18, III, 16 et 17), Ptolémée de Lucques et Bartole, lequel pense que le gouvernement du peuple a été transformé par l’émergence du Sénat en gouvernement de peu de gens de bien, puis que le régime a dégénéré en oligarchie. Sous l’Empire, la monarchie s’est muée en tyrannie. La Rome médiévale correspond à ses yeux à une forme inconnue d’Aristote : le gouvernement de plusieurs tyrans. J. E. Blythe, Ideal Government, p. 172-173.
8 C. de Seyssel, La Monarchie de France, p. 104-105.
9 Les constitutions citées sont pour la plupart analysées par Aristote, La Politique II, 7, 1266 a-II, 12, 1274 b, p. 116-163.
10 Suivant Salluste, La Perrière affirme que le droit juste et modéré ne régna à Rome que durant la période qui suivit immédiatement l’expulsion des rois. Il voit dans la « crainte » la cause véritable de cette brève période de justice. G. de La Perriere, Theatre des bons engins, e. X ; également « Chronique 216 (1539-1540) », p. 40 ; Miroir Politicque, p. 104.
11 G. de La Perriere, Miroir Politicque, sur la pauvreté romaine, p. 27-28 ; sur l’institution des tribuns, p. 68, 74-76 et infra, p. 251 sq.
12 Machiavel estime que Rome a été bien ordonnée jusqu’aux Gracques, car les tumultes, qui n’avaient jusqu’alors entraîné que peu d’exils et de sang, engendrèrent des lois et des institutions utiles à la liberté. Le déclin de la République a commencé lorsque la noblesse a soutenu Sylla. N. Machiavel, Discours, I, iv ; I, xxxviii, Œuvres, p. 196-197, 254.
13 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 26.
14 Ibidem, p. 26.
15 Ibidem, p. 26, 32, 64, 88, et 104.
16 Cicéron exultait de savoir la res publica romaine délivrée de César, tandis que Sénèque condamnait ce tyrannicide. M. Turchetti, Tyrannie et tyrannicide, p. 152, 173.
17 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 104, également p. 64 sur l’aristocratie de la République romaine.
18 La Perrière n’a pu trouver cette analyse ni dans Polybe ni dans Machiavel. Bodin jugeait, lui, que Rome avait une constitution démocratique, où le pouvoir appartenait au peuple. J. Bodin, La méthode, p. 363, 366-367 ; République, II, 1, p. 13-14, 18 et 27.
19 P. J. Osmond, « Sallust and Machiavelli : from Civic Humanism to Political Prudence », Journal of Medieval and Renaissance Studies, 23/3 (1993), p. 407-438 ; M. Raskolnikoff, P. Botteri, « Philosophie et démocratie à Rome à la fin de la République. Dêmokratia et libertas », dans Philosophie et démocratie, p. 28.
20 Cicéron, méfiant à l’encontre des éléments monarchiques des gouvernements mixtes, considère que ceux-ci tendent à conférer à la constitution le caractère d’une monarchie. Sa condamnation de la politique guerrière romaine trouve quelques échos chez Machiavel, cependant convaincu de l’utilité politique des dissenssions et des guerres pour la conservation de la République. N. Machiavel, Histoire de Florence, préambule, dans Œuvres, p. 656 ; T. Berns, Violence de la loi, entre autres p. 95.
21 Le régime politique vénitien avait été loué par Barthélemy l’Anglais (vers 1230), Ptolémée de Lucques, Henri de Rimini, Benzo d’Alessandria (vers 1320), Francesco Barbaro (c. 1398- 1454), Georges de Trebizonde, Pietro Paulo Vergerio l’Ancien (1370-1444), Leonardo Bruni (c. 1370-1444), Lorenzo dei Monaci (vers 1420), Leonardo Da Vinci (1446), Savonarole (1452-1498), A. de Ferrariis (début xvie), Pietro Crinito, Thomas Starkey (fin 1400’s-1538), Domenico Morosini (De Bene instituenda Republica, c. 1500), Guichardin (Dialogo del Reggimento di Firenze, début 1520), Pietro Vergerio (De republica veneta, 1526), Donato Giannotti (Della repubblica di Veneziani, écrit en 1526 mais publié en 1540), Gasparo Contarini (traité écrit entre 1522 et 1525). F. Gaeta, « Alcune considerazioni sul mito di Venezia », BHR, 23 (1961), p. 58-75 ; Y. Durand, Les républiques au temps des monarchies, Paris, 1973 ; V. I. Comparato, « Un incontro sul tema : « Il mito di Venezia tra rinascimento e controriforma », Il pensiero politico, 11/2 (1978), p. 249-257 ; L’Image de Venise au temps de la Renaissance. Université de Paris-Sorbonne, Centre de recherches sur la Renaissance, 14e colloque, Paris, 1988 et 1991, Paris, 1989 ; V. Conti, « Forme di stato e forme di governo nella Republica di Pier Maria Contarini », Il pensiero politico, 24/1 (1991), p. 9-27 ; J. E. Blythe, Ideal Government ; J.-L. Fournel, « Le modèle politique vénitien », Revue de synthèse, 2-3 (avril-sept 1997), p. 208-219 ; I. Gillet, Les institutions ; Q. Skinner, Les fondements, notamment p. 207-214, 249-251 ; Id., « Republican Virtues in an Age of Princes », dans Visions of Politics, II : Renaissance Virtues, Cambridge, 2002, p. 118-159 ; É. Crouzet-Pavan, « Jeux d’identités : mémoires collectives et mémoires individuelles-l’exemple vénitien », dans Memoria, communitas, civitas, p. 21-31.
22 A. Tallon, Conscience nationale et sentiment religieux en France au xvie siècle, Paris, 2002, p. 167 sq.
23 En France, les éloges de Venise abondent chez Christine de Pisan, Philippe de Mézières, Oresme ou Commynes ; J. Blanchard, « Commynes et la ‘‘nouvelle politique’’ », dans Saint-Denis et la royauté, p. 559. Puis le mythe est diffusé par M. Sabellico (Degli storici delle cose veneziane, dans Opera, Venezia, 1500), F. Patrizi (De institutione reipublicae libri novem, entre 1465-1471, éd. Paris, Galiot Du Pré, 1518, mais aussi 1535 et 1544, 1e trad. fr.), G. Contarini (De magistratibus et republica venetorum, vers 1520, éd. Paris, Michel Vascosan, 1543 et Paris, chez René Avril pour Galiot Du Pré, 1544, puis Lyon, chez Benoît Rigaud et Jean Saugrain), G. Postel (De la république des Turcs, Poitiers, 1552 et Poitiers, Enguilbert [III] de Marnef, 1560), et même N. Machiavel (Discorsi sopra la prima deca di Tite Livio, Rome, A. Bladus, 1531, et de multiples rééditions parmi lesquelles la première traduction française donnée à Paris par Denis Janot en 1544). Car, si Machiavel critique le régime vénitien, il ne cesse d’y faire référence, tant dans le Prince que dans les Discours. Il loue la vaillance des Vénitiens, le choix judicieux de l’emplacement de la ville, l’excellence de sa constitution (notamment pour réfréner les puissants). Réprouvant le dédain professé par les Vénitiens pour certaines magistratures et la force politique constituée par la noblesse, il juge que ces nobles sont moins critiquables que dans d’autres contrées. N. Machiavel, Le prince, xii ; Discours, I, I, ; I, v ; I, xxxiv ; I, lv ; dans Œuvres, 1996.
24 R. Cooper, Litterae in tempore belli, Études sur les relations littéraires italo-françaises pendant les guerres d’Italie, Genève, 1997 ; J.-F. Dubost, La France italienne xvie-xviie siècle, Paris, 1997 ; Cultures italiennes (xiie-xve siècle), dir. I. Heullant-Donat, Paris, 2000.
25 « Oncques rommain empereur ne dressa / Ordre publicq, s’il est bien regardé, / plus grand, plus rond, plus beau, ne myeulx gardé. / Ce sont, pour vray, grands et saiges mondains, / Meurs en conseil, d’executer soudains : / Et ne voy rien en toutes leurs pollices / De superflu, que pompes et delices ». C. Marot, « Epistre envoyée de Venize à Madame la Duchesse de Ferrare par Clement Marot », dans Œuvres poétiques, II, Paris, 1993, p. 106, v. 70-76.
26 Pour les jeunes Toulousains désireux d’aller parfaire leur culture et découvrir à la source le message de l’humanisme, le voyage d’Italie constitue alors un passage obligé. Voir suprap.37.
27 Ce règlement eut lieu, dit-il, à l’instigation du « tresdocte medecin lectres grecques et latines Alexandre Benoist verronois », G. de La Perriere, « Chronique 225 (1548-1549) », p. 107.
28 G. de La Perriere, « Chronique 227 (1550-1551) », p. 128. Sur la législation somptuaire vénitienne, voir A. Bellavitis, « La gouvernance du luxe. Venise et ses pompes », dans Gouverner la ville en Europe. Du Moyen Âge au xxe siècle, B. Dumons, O. Zeller dir., Paris, 2006, p. 29-36. Sur l’influence de la législation étrangère, notamment vénitienne, sur les lois royales françaises, A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi, p. 392 sq.
29 Voir infra, p. 319.
30 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 195 sq. Voir infra, p. 331.
31 Il l’a lu chez Sabellico et Contarini, ibidem, p. 196 ; aussi p. 18, 20, 22, 34, 45 et 67.
32 Ibidem, p. 66. Pour Machiavel, l’absence de politique guerrière constitue une lacune de la République de Venise, N. Machiavel, L’art de la guerre, I, viii, dans Œuvres, p. 488.
33 G. de La Perriere, ibidem, p. 20 et 34.
34 Ibidem, p. 45 et 67.
35 Les droits du doge se bornaient à nommer le patriarche de Venise, le primicier et les chanoines de Saint Marc, à introduire au Grand Conseil des propositions qui seraient discutées avant les autres, mais en toute liberté. Bodin qualifie sa charge de « principat » et le doge de « premier des gentils hommes de Venize ». J. Bodin, Les six livres, I, 8, I, 10, p. 206- 207, 303 ; C. Diehl, Venise, Paris, 1937, p. 39.
36 Le Conseil des Dix avait été créé pour découvrir et dépister les actes de félonie tramés contre la ville. Le Sénat vénitien décidait de toutes affaires concernant la guerre ou la paix, l’argent, les impôts, les magistratures, les ambassades. Pour Contarini, « toute la charge et solicitude du gouvernement de la Republique appartient au Senat ». G. Contarini, Des magistratz, & republique de Venise, fol. xlvii v.
37 Faliero (Phaletrus, Phaletre), duc Vénitien « qui briguoit secretement de troubler et usurper la principaulté par tyrannie, fut supprimé par l’auctorité et prudence des Dixhommes, et eust la teste tranchée pour la punition de sa folie, et temerité aveques plusieurs aultres nobles citoyens, qui avoient conspiré ensemble contre la liberté de Venise, et furent notez de perpetuelle infamie. Car au lieu de la court ou sont painctes les pourtraictures de tous les Princes de Venise avecques un bref recit des choses qu’ilz ont achevé trumphalement pour la republique, la place, où debvoit estre painct de Martin Phaletrus, est vuide, ors mis qu’on luy à escrit quelques vers, qui signifient aux lecteurs, (affin que je ne change rien) que ce Martin par sa meschanceté eut la teste tranchée ». G. Contarini, ibidem, fol. lvi ; G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 18-19.
38 « Phaletre le Duc de Venise / En ce lieu devoit estre peint : / Mais son Image n’y fut mise, / Pource qu’il fut de crime attaint » ; « D’autant que crimineux estoit, / Et qu’on luy feit trancher la teste, / Son image ne meritoit. / D’occuper ce lieu tant honneste ». G. de La Perriere, ibidem, p. 19.
39 V. Conti, « Forme di stato e forme di governo », p. 9-27 ; C. de Seyssel, La Monarchie de France, p. 107 sq. et 179-180. Sur la prééminence de l’aristocratie et de la noblesse à Venise, N. Machiavel, Les Discours, I, xxxiv ; I, xlix ; I, l ; I, lvii, dans Œuvres, p. 249, 272, 273, 282.
40 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 20.
41 Loyseau assimile Venise à une République populaire (C. Loyseau, Traité des seigneuries, XIV, p. 82) ; É. Gojosso, Le concept de République, p. 177, 191.
42 J. Bodin, Les six livres, II, 1, p. 19-21.
43 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 22.
44 Ibidem, p. 22.
45 Selon Gaguin, l’autorité de ce Parlement était si grande que les décisions du roi touchant les affaires publiques, le droit et les finances du royaume ne pouvaient s’accomplir sans ses décrets. R. Gaguin, Compendium de origine et gestis Francorum, Paris, Pierre Le Dru, 1495. Paul-Émile, suivant l’ordonnance de réformation du 23 mars 1302-1303, avait attribué la création du Parlement à Philippe Le Bel. F. Collard, Un historien au travail à la fin du xve siècle : Robert Gaguin, Genève, 1996 ; Id., « La pensée politique », p. 34-36.
46 Jean Faure et Guillaume Benoît se référaient à l’ordonnance de 1303 et à l’ouvrage de Gaguin. E. Sciacca, « Ferrault, Chasseneux et Grassaille », p. 745 ; P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 437 sq.
47 François Ier reconnaissait lui-même la tradition selon laquelle avec 80 conseillers, 8 maîtres des requêtes de l’Hôtel et 12 pairs, le parlement de Paris comprenait comme le Sénat romain 100 membres. Il déclarait vouloir la respecter en portant le nombre des conseillers à 100. Voir la déclaration faite par A. Fumée et P. de La Vernade au conseil du 23 janvier 1522 ; R. Doucet, Étude sur le gouvernement de François Ier, I, p. 159 ; également J.-P. Jurmand, « L’évolution du terme de Sénat au xvie siècle », dans La Monarchie absolutiste, p. 55-67 ; J. Krynen, « Qu’est-ce qu’un Parlement qui représente le roi ? », p. 353-366 ; Id., « Une assimilation fondamentale », p. 208-223 ; Id., « De la représentation à la dépossession du roi », p. 95-119. Sur l’institution parlementaire voir en particulier, F. Aubert, Le parlement de Paris au xvie siècle, Paris, 1905-1906 ; Id., « Recherches sur l’organisation du parlement de Paris au xvie siècle », Extrait de la NRHD, 1912 ; É. Maugis, Histoire du parlement de Paris, I : Période des rois Valois, Paris, 1913 ; rééd. 1977 ; E. Glasson, Le parlement de Paris. Son rôle politique depuis le règne de Charles VII jusqu’à la Révolution, 1901 ; R. Doucet, Étude sur le gouvernement de François Ier dans ses rapports avec le parlement de Paris, Alger-Paris, 1921 et 1926 ; G. Zeller, Les institutions, p. 147-163 ; F. Autrand, Naissance d’un grand corps de l’État. Les gens du parlement de Paris, 1345-1454, Paris, 1981.
48 D. R. Kelley, Foundations of Modern Historical Scolarship. Language, Law, and History in the French Renaissance, New York-Londres, 1970.
49 Cette démonstration figure déjà dans les Annotationes in quatuor et viginti Pandectarum libros publiées à Paris chez Josse Bade en 1508. L. Delaruelle, Guillaume Budé, p. 114 note 5 et 121 ; J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 100 ; J. H. Franklin, Jean Bodin, p. 20.
50 G. de La Faille, Annales de la ville de Toulouse, Toulouse, G.-L. Colomiès et J. Pasuel, 1687-1701, I, p. 304 sq. ; dom C. Devic et dom J. Vaissete, Histoire générale du Languedoc, avec les notes et pièces justificatives, nouv. éd., Toulouse, 1872-1904, IX : 1271-1443, Toulouse, 1885, p. 186-188 ; M. Dubedat, Histoire du parlement de Toulouse, Paris, 1885, p. 116 ; A. Viala, Le parlement de Toulouse, II, p. 456-458 ; P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 112-113 ; J. Krynen, « La signification d’une métaphore », p. 43-57.
51 J. Montaigne, Tractatus celebris de auctoritate sacri magni concilii et parlamentorum regni Francie ac de precedentia ipsorum [...], Paris, 1512 ; P. Arabeyre, « Aux racines de l’absolutisme », p. 189-210. Ce Jean Montaigne était semble-t-il décédé en 1520. Il convient de ne pas l’identifier au maître avignonnais des années 1520. P. Arabeyre, « Jean Montaigne », DHJF, p. 570-571
52 Voir supra.
53 Le parlement toulousain, créé par Philippe IV en 1302, illustrant le royaume, « floretque super omnes curias tanque lilium inter spinas », car, « parlamentum […] quippe censet pars corporis ipsius principe » et « senatores clarissimi illustresque ad universum regendi orbem aptissimi ». « Cum ergo jamdudum essent pretores principum loco habentes eandem quam principes habet potestatem : facientes leges, creando militum magistros quos in socios delegerunt diversa expedientes, quorum potestas hodie translata en in principes et magistrorum militum loco prefectos pretorio elegit : quibus plenam largitus est potestatem removendi judices inutiles, legesque faciendi […] ». N. Bertrand, Opus de Tholosanorum gestis ab urbe condita cunctis mortalibus apprime dignum conspectibus, Toulouse, Jean Grandjean, 13 juillet 1515, fol. lxii-lxiii.
54 Le 5 février 1517, François Ier indiquait au Parlement que « La Cour, n’a qu’à obéir, sous peine d’exciter sa colère par ses retards et ses lenteurs. Le roi est seul maître dans l’État ; elle n’a autorité que de lui. À lui seul et à nul autre il appartient de faire des ordonnances ; et quand il mande quelque chose, elle doit le faire incontinent » ; le 11 juillet, il alla jusqu’à affirmer « que, en sa Cour, il y avait aucuns gens de bien, mais aussi y en avait une bande de fols, et qu’il les connaissait bien, et qu’ils tenaient leurs caquets de lui et de la despense de sa maison, et qu’il était roi aussi bien que ses prédecesseurs, et qu’il se ferait obéir… ». L’enregistrement forcé eut lieu le 18 mars 1518. É. Maugis, Histoire du parlement de Paris, I, p. 140, 142, 552.
55 Le Parlement manifeste ses prétentions avec « une ampleur et un éclat nouveaux ». É. Maugis, ibidem, I, p. 591. Les parlementaires constituent l’élite la plus cultivée du royaume. F. Vindry, Les parlementaires français au xvie siècle, Paris, 2 t. en 4 fasc., 1909.
56 C. de Seyssel, La Monarchie de France, p. 80-81, 117, 143. Seyssel avait défendu la mixité du gouvernement de la France dès 1510, dans le Prohème en la translation d’Appien. Dans La Monarchie de France, composée en l’espace de deux mois début 1515 mais imprimée seulement en 1519, il avait entendu contribuer à l’édification du nouveau souverain monté sur le trône. J. W. Allen, A History of Political Thought, p. 275 sq. ; A. J. Carlyle, A History of Mediaeval Political Theory, VI : Political Theory from 1300 to 1600, 1936, p. 237-
57 « Parmi les royaumes bien ordonnés et gouvernés de notre temps, il y a celui de France ; on y trouve une infinité de bonnes institutions, dont dépendent l’indépendance et la sécurité du roi ; la première est le Parlement et son autorité. Car celui qui ordonna ce royaume, connaissant l’ambition des puissants et leur outrecuidance, et jugeant qu’il était nécessaire de leur mettre un frein en bouche pour les brider, et connaissant d’autre part la haine de la masse du peuple envers les grands, fondée sur la peur, désirant lui donner des assurances, ne voulut pas que ce soit là une tâche particulière du roi, pour lui ôter le dommage qui pouvait lui en résulter avec les grands, s’il favorisait le peuple ; avec le peuple, s’il favorisait les grands. Aussi institua-t-il un tiers juge, chargé, sans dommage pour le roi, de frapper les grands et de favoriser les petits ». N. Machiavel, Le prince, xix, dans Œuvres, p. 157 ; aussi les Discours, I, xvi, « La sûreté de celui-ci [royaume de France] tient uniquement au fait que les rois sont liés par un grand nombre de lois, qui garantissent la sûreté de leur peuple. Les fondateurs de cet État ont voulu que les rois disposent à leur gré des armées et des finances, mais qu’ils ne puissent disposer de tout le reste que conformément aux lois », p. 225 ; autre passage en I, lviii, p. 285.
58 R. Doucet, Étude sur le gouvernement de François Ier, I, p. 24 et 115.
59 Le Parlement mena sept ans durant cette lutte, jusqu’à ce que le roi transfère au Grand conseil les procès en matière bénéficiale. R. Doucet, ibidem, p. 77-124, II, p. 97-116 et 251 sq. ; S. Hanley, Le lit de justice des rois de France. L’idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours, Paris, 1991. La harangue du président Guillart figure dans les Archives de la France, dir. J. Favier, III : xvie siècle, éd. P. Hamon, J. Jacquart, Paris, 1997, p. 146-148.
60 « Il n’est pas anodin que cette littérature politique consacrée à la cité des Doges soit traduite par des parlementaires français », note I. Gillet, Les institutions, p. 128.
61 B. de Chasseneuz (Catalogus Gloriae Mundi, Lyon, 1546, fol. 107 ; Genève, 1617, p. 202), J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 244-245 ; C. Dugas de La Boissonny, Barthélemy de Chasseneuz, p. 200 ; E. Sciacca, « Ferrault, Chasseneux et Grassaille », 1985, p. 716- 736 ; P. Arabeyre, « Aux racines de l’absolutisme », p. 208.
62 J. Krynen, « Qu’est-ce qu’un Parlement qui représente le roi ? », p. 355.
63 J. Calvin, Institution de la religion chrestienne, p. 782.
64 Sur Grassaille (Regalium franciae, Paris, 1545, p. 204-205), Rebuffi (Commentarii in constitutiones seu ordinationes regias, 1549 ; Lyon, 1554, II, p. 455) et La Loupe (Premier et second livre des dignitez, magistrats et offices du royaume de France, Paris, Guillaume Le Noir, éd. 1560, fol. 50 v.), E. Sciacca, « Ferrault, Chasseneux et Grassaille », p. 745 ; J. H. Franklin, Jean Bodin, p. 29 note 3 ; J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 338 ; G. Leyte, « Charles de Grassaille », p. 324-325.
65 La Perrière a pu le lire aussi dans le commentaire dont Jean Charrier, secrétaire de Jean Bertrand, a fait précéder sa traduction de Contarini : « La Rep. de Lacedemone avoit un Roy, les Ephores, & le Senat. Les Ephores estoyent certains magistratz pour brider la puissance de Roys, comme les Tribuns du peuple faisoyent aux consulz Romains… », G. Contarini, Des magistratz, & republique de Venise, pièces liminaires. Pour Bèze : « Le Roy, & les Ephores s’obligent tous les mois par un serment mutuel, assavoir les Ephores au nom de tous les Citoiens, & le Roy en son nom propre : Jurant le Roy qu’il regnera selon les loix establies, & les Ephores qu’ils lui garderont la ville, pourveu qu’il garde son serment ». T. de Beze, Du droit des magistrats sur leurs subjets. Traitté tres-necessaire en ce temps pour advertir de leur devoir, tant les Magistrats que les Subjets : publié par ceux de Magdebourg l’an m. d. l. et maintenant reveu et augmenté de plusieurs raisons et exemples, s.l.n.d., 1575, p. 51.
66 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 22.
67 Machiavel voit dans ce mode de fonctionnement un retour aux origines : « Les royaumes ont aussi besoin de se rénover et de ramener leurs lois à leurs origines. On voit quels bons effets obtient ce procédé dans le royaume de France, qui est davantage gouverné selon les lois et les institutions qu’aucun autre royaume. Les Parlements, et surtout celui de Paris, les maintiennent. Il se rénove chaque fois qu’il prend une mesure contre un prince du royaume et qu’il condamne les sentences royales. Il s’est conservé, parce qu’il réforme obstinément la noblesse. S’il la laissait impunie et si les fautes se multipliaient, il en résulterait sans aucun doute qu’elles devraient être corrigées au prix d’un grand désordre, ou que le royaume disparaîtrait ». N. Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, III, 1, dans Œuvres, p. 373. Le Florentin a fait de multiples références au régime français, notamment dans Il Principe, XIX, p. 157-159 ; la Notula per uno che va ambasciatore in Francia (1503), le De natura Gallorum (1500 ?), textes restés à l’état d’ébauches, ou le Rittrato delle cose di Francia (1510).
68 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 24.
69 J. Krynen, « Qu’est-ce qu’un Parlement qui représente le roi ? », notamment p. 356-357.
70 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 24.
71 Sur le concept de souveraineté, voir notamment F. Calasso, I glossatori e la teoria della sovranità, Milan, 1951 ; M. David, La souveraineté et les limites du pouvoir monarchique du xie au xve siècle, Paris, 1954 ; A. Rigaudiere, « L’invention de la souveraineté », dans Pouvoirs, 67 (1993), p. 5-20 ; J. Krynen, « Note sur Bodin, la souveraineté, les juristes médiévaux », dans Pouvoir et liberté. Études offertes à Jacques Mourgeon, Bruxelles, 1998, p. 53-66 ; J.-F. Spitz, Bodin et la souveraineté, Paris, 1998.
72 É. Maugis, Histoire du parlement de Paris, I, p. 600.
73 « Les audiences publicques et generales, que le roy s’est reservé, ont pris le nom d’Estats ». A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi, p. 98 note 342.
74 Voir les textes de Quintin (publié par Mayer, Les États Généraux, 10, p. 351), Le Roy (Commentaires des Politiques d’Aristote, II, IV, éd. 1568, p. 178), Du Haillan (De l’état et succès des affaires de France, Paris, 1570, fol. 79), Pasquier (Pourparlers, 1995, p. 99-100 et Les recherches de la France, II, 1-4), Hotman (Franco-Gallia, 1573, p. 96), Papon (Secret du troisieme notaire), aussi Montaigne, Du Moulin, Coquille, Gentillet, Dupuy, Le Bret, enfin Loyseau, mentionnés par J. Poujol dans La Monarchie de France, p. 226 et 234 ; W. F. Church, Constitutional Thought, p. 121 sq. ; J.-L. Thireau, Charles Du Moulin, p. 252-262 ; J.-L. Bourgeon, « La Boétie pamphlétaire », BHR, 51 (1989), p. 292-293 ; J. Krynen, « À propos des Treze Livres des Parlemens de France », dans Les parlements de Province, p. 698 ; É. Gojosso, Le concept de République, p. 92, 173, 177, 191 ; L. Pfister, « Des “rescrits du prince”, le pouvoir normatif selon Jean Papon », RHFD, 22 (2002), p. 81- 107 ; I. Gillet, Les institutions, p. 138 sq.
75 Comme en témoignent les relations faites par les ambassadeurs vénitiens, C. Lecomte, « Le gouvernement de la France du xvie siècle vu par les ambassadeurs vénitiens », dans Nonagesimo anno. Mélanges en hommage à Jean Gaudemet, textes réunis par Cl. Bontemps, Paris, 1999, p. 641-666.
76 Ayant eu tout d’abord la charge d’élire les rois, les « Estats » avaient eu « le pouvoir de demettre celui qu’ils avoient eslu ayant meffait », lequel droit leur appartenait encore par les loix : les « Estats », se peuvent et doivent opposer au tyran, « jusques à remettre les choses en leur estat, & punir mesmes le Tyran, si besoin est, selon ses demerites », dit T. de Beze, Du droit des magistrats, p. 70-80.
77 J. de Coras, Question politique, p. 10-12 ; É. Gasparini, « À l’orée de la pensée monarchomaque », p. 677 sq.
78 Bodin se base sur l’analyse des relations entre le roi et son Parlement, et notamment sur les formules employées par le Parlement, pour conclure que « c’est donc une pure monarchie, qui n’est point meslée de puissance populaire, et moins encore de seigneurie Aristocratique : et telle meslange est du tout impossible, et incompatible ». J. Bodin, Les six livres, II, 1, p. 22- 24 ; J.-F. Spitz, Bodin et la souveraineté. Sur le contexte d’écriture des Six livres de la Republique, J. H. Franklin, Jean Bodin, p. 67 sq.
79 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 29. Voir infra, p. 249.
80 Ibidem, p. 23.
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