Chapitre I. L’« Arbre des républiques »
p. 81-119
Texte intégral
1L’« Arbre de la bonne & droicte Republicque, & consequemment de la depravée » imaginé et commenté dans le Miroir Politicque suit la hiérarchie classique des formes de gouvernement ; il se base sur la qualité et sur le nombre des gouvernants. Sa partie supérieure distingue trois bonnes républiques : « Royaulté » (monarchie) – « tres bonne » –, « Puissance des plus gens de biens » (aristocratie) – « excellente » –, « Puissance des riches médiocres » (timocratie) – « moins bonne » –. La partie inférieure rappelle les trois espèces dépravées correspondantes, par ordre décroissant d’iniquité : tyrannie – « très mauvais » –, « Puissance de peu de gens » (oligarchie) – « inique » –, enfin, « Puissance populaire » (démocratie) – « moins inique »1. C’est donc cet ordre que suivent les développements destinés à commenter cette typologie, en s’arrêtant plus longuement sur les questions de royauté et de tyrannie (I), tout en montrant un intérêt sensible pour les « dominations de plusieurs » (II).
Section I. La royauté et la tyrannie
I. Royauté
2En tête de toutes les bonnes Républiques se trouve classiquement la royauté, dite aussi « puissance royalle ». Quand seulement quelques paragraphes sont réservés aux autres régimes, huit pages lui sont ici consacrées, qui commencent par une définition attendue :
En ceste espece de republicque n’ha gouvernement ne prelation qu’un seul Roy ou Monarche, qui dirige sa visée au seul but de l’utilité publicque, preferant tousiours le bien commun au sien privé & particulier2.
3Les célèbres propos d’Isidore de Séville, lequel, inspiré par saint Augustin et les grammairiens alexandrins, avait utilisé l’étymologie pour préciser les exigences éthiques rattachées à la royauté, ne sont point cependant rapportés ici3. Une nouvelle fois, c’est Aristote (République, III, 11) qui est allégué pour démontrer que tout roi, monarque ou « unicque et seul prince », doit gouverner en bon père de famille,
car tout ainsi qu’en une maison d’un bon œconome (c’est-à-dire) mesnagier, bien ordonnée, n’y ha qu’un chief & maistre que nous appellons pere de famille, aussi en ceste espece de republicque le Roy est comme pere de famille en son Royaume ou cité et doit dominer sur ses citoyens et & vasaux de telle amytié que le pere de famille domine sur ses enfans : autrement il perd le nom de Roy, qui est tant precieux & honnorable, & prent nom de tyrant, qui est à Dieu & aux hommes odieux et abominable4.
4Se retenant de glisser vers l’évocation de la tyrannie qu’il doit commenter plus loin, l’auteur ne peut éviter une mise en garde : le roi qui veut régner sûrement et sans danger de sa personne doit suivre le conseil donné par le sage roi de Sparte Agasiclès pour gouverner « comme fait le pere de famille sur ses enfans ». Allant à l’encontre des propositions d’un Machiavel5 et des enseignements gravés sur la médaille offerte en 1533 à François Ier par la ville de Toulouse, qui signifiaient qu’un roi doit gouverner autant par amour que par crainte6, comme l’enseignait d’ailleurs un emblème du Theatre des Bons Engins7, La Perrière affirme désormais avec Alciat que le roi doit user de clémence et non de sévérité, se faire révérer par ses vassaux et non en être craint8. Chilon, Sénèque (De clementia) et Cicéron (Philippiques) l’ont en effet démontré : c’est ainsi qu’il obtiendra « bon vouloir & grace », « benivolence & amytié » de ses sujets, vénération peut-être. Sénèque l’avait autrefois révélé à Néron : l’amour des sujets constitue pour le prince une « forteresse inexpugnable »9. L’auteur du Miroir Politicque en est convaincu : à défaut d’avoir su se faire aimer, le prince risque de se trouver contesté, sinon renversé. L’un des critères de la royauté est l’acceptation de l’autorité du roi par ses sujets10.
5Avertissements tout aussi utiles aux rois qu’aux plus modestes administrateurs lecteurs du Miroir politicque, ces quelques remarques s’avèrent manifestement pour l’auteur aussi nécessaires que suffisantes. Eclipsant tout développement relatif aux privilèges de la royauté, aux fonctions normatives11 ou judiciaires12 du roi, elles illustrent à ses yeux un principe fondamental. Comme un Seyssel ou un Rabelais, La Perrière demeure pénétré du paradigme médiéval d’un roi « père du peuple » dont le règne de Louis XII avait ravivé la prégnance13. Sans être cependant certain de l’inclinaison des rois à faire montre de tels penchants. Après une brève transition, en effet, ayant remémoré à ses lecteurs que, « d’autant que nous vivons en ce florissant Royaume souz la monarchie du treschrestien et trespuissant Roy Henry second de tel nom, Roy de France, je seroys ingrat, si je ne dilatoys quelque peu ce propos de Royauté ou puissance Royalle »14, il entame, non un éloge de la monarchie française, comme son propos pouvait le laisser supposer, mais le débat ancien et controversé de savoir
s’il est plus convenable à nature, & plus utile au genre humain de vivre sous la domination d’un seul, que de plusieurs15.
6« Regrattant la vieille cicatrice » qui cuisait à La Boétie, il rappelle que, pour certains auteurs, vivre sous la domination d’un seul est dangereuse,
d’autant qu’il est difficille en ce monde, trouver Roy ou prince qui soit parfait de toutes ses parties, comme faut que soit necessairement tout Roy ou prince pour etre digne de tel nom. D’advantage posé le cas qu’il fut possible d’en trouver un de la Perfection requise16.
7L’humaine « fragilité » des hommes, la grande licence que les rois ont « de faire bien ou mal » comme le pouvoir dont ils disposent pour faire exécuter leurs volontés inclinent à corrompre la monarchie. Les rois, bien souvent, deviennent des tyrans. Constatant cela, bien des penseurs concluent au danger de vivre sous la domination d’un seul. La Perrière en trouve l’illustration dans les histoires romaines, notamment chez Tranquille. Néron, qui s’était montré, les premières années de son règne, si vertueux et clément que le Sénat et le peuple de Rome se félicitaient d’un si bon prince, « cheut en si profond gouffre de mechanceté, qu’il fut nommé monstre de l’humain lignage ». Caligula fit semblablement « belle entrée & layde sortie ». Or, selon les détracteurs du principe monarchique consultés par l’humaniste, de tels dangers ne peuvent avoir lieu sous la domination de plusieurs, car,
n’est pas vray semblable que tous soyent meschanz, & cas advenant qu’il en y ayt aucun, les bons le refreneront, comme faisoyent les Ephores aux Roys Lecedemoniens17.
8En témoignent les exemples de Lacédémone, d’Athènes et de France en raison du rôle dévolu aux Éphores, aux Aréopages ou aux parlements.
9L’auteur du Miroir Politicque semble s’accorder à ces vues en considérant que le faible potentiel de dépravation d’un gouvernement pluriel résulte du contrôle exercé par les uns sur les autres, ceux-ci prévenant ou démasquant la corruption de ceux-là. L’idée se trouve en effet illustrée par un extrait des histoires vénitiennes relatant comment le Collège des Dix, ayant découvert un complot tramé par le doge Faliero, a sauvé la République18. Or, de telles possibilités n’existent point dans une monarchie, alors même que « l’experience maistresse des choses » montre que les rois « le plus souvent » se dépravent de la sorte. Les Saintes Écritures en témoignent par l’exemple du tyran Saül comme par l’avertissement du prêtre Samuel « recitant la plus part des tyrannies aux Rois coustumieres »19. Emporté par sa digression, suivant une logique qu’il a pu trouver chez Patrizi20, La Perrière répond donc fermement à ceux qui voudraient affirmer avec Aristote que « toute multitude & pluralité est inepte à gouvernement » :
Je respons & confesse, que multitude de gouverneurs est inepte, mais cela se doit entendre, si telle multitude n’est reduitte à unité : car faut necessairement en pluralité de gouverneurs, que telle pluralité soit reduite à unité : comme plusieurs cordes d’un luc ou harpe faut que soyent reduittes en une harmonie. En une main ha plusieurs doigz, mais tous sont unis à l’office de la main. Quand le gouvernement de plusieurs sera uni en un vouloir, lors sans aucune doubte la Republicque sera florissante : comme nous voyons en la Republicque des Venitiens [… ]21.
10C’est alors à un éloge de la république de Venise qu’il se livre, avant de juger nécessaire de retourner à son « principal propos » et à la seconde partie de son argumentaire pour contredire finalement cette thèse favorable aux gouvernements pluriels, et livrer les raisons de lui préférer la monarchie.
11Car, écrit-il, nonobstant l’ensemble des raisons préalléguées, « le commun consentement de tous philosophes » tient résolument la monarchie comme le plus assuré des régimes :
car en icelle regne un seul, qui surpasse (ou doit surpasser) tous autres en vertu, lequel par sa singuliere providence & curieuse sollicitude, dirige sa visée au but du bien & utilité publicque, à icelluy obeissent tous : c’est le blanc à la flesche de ses subjectz, comme dit elegamment le poëte Claudian au Panegericque de l’Empereur Theodosius22.
12Des arguments logiques édifient leur raisonnement : « un est plus tost que deux, pluralité n’est que unité multiplice. Un prince (doncq) doit estre preferé au gouvernement de plusieurs ». Des raisons pratiques également : entre plusieurs gouvernants, des « murmurations, dissentions, trahisons, haines couvertes & latentes inimitiez » ne sauraient manquer d’advenir, « ce que ne peut estre quand le gouvernement appartient à un seul chief ». Les arguments religieux le parachèvent, à l’instar de cette comparaison établie entre la principauté de Dieu et celle d’un monarque unique par l’Apôtre, disant que
C’est Dieu qui est le Roy des Roys, & le Seigneur des Seigneurs : & qui ha la principauté sur toutes choses celestes, terrestres & infernalles, les moderant par sa divine providence. Et d’autant qu’il est chose impertinente de dire que au gouvernement de l’universelle machine du monde y ayt plusieurs gouverneurs, aussi est-il chose impertinente de dire qu’en un corps politicque, Royaume ou cité ayt plusieurs chiefz ou principautez [… ]23.
13Ne relevant pas que cet argument n’est pas incompatible avec l’hypothèse d’un gouvernement pluriel, car, comme il vient de l’affirmer, un tel gouvernement doit par principe demeurer uni, il clôt le débat :
Faut (doncques) necessairement conclure, que le gouvernement d’un chief, est meilleur & plus durable que de plusieurs24.
14Il ne mentionne pas ici la citation de Plutarque tendant à faire des princes les « simulachres vrais et imaiges de Dieu » ni saint Paul disant que « non sans cause Dieu très-bon et très-grand leur a baillé le sceptre pour regir et le glaive pour pugnir », que l’on retrouve dans l’une des chroniques des Annales manuscrites25. Mais il observe que Dieu a inscrit ce principe monarchique dans l’état de nature, ès choses animées et inanimées. En témoignent l’image virgilienne des abeilles, corroborée par les travaux de nombreux naturalistes latins26, comme les évocations, plus rares, d’un cheval ou d’un taureau menant la horde du haras ou le troupeau de bœufs. Ces derniers exemples démontraient au contraire chez Contarini que l’homme n’était pas fait pour être gouverné par un unique individu, car, assurait l’Italien, jamais on n’avait vu de tels troupeaux conduits par une seule tête de bétail27 ; transporté par l’éloge d’un principe hiérarchique qu’il voit inscrit dans l’ordre naturel des choses, La Perrière ne prend cependant pas la peine de les discuter. Et interpelle ses lecteurs :
Que dirons-nous d’advantage ? Si de terre nous levons l’esprit aux cieux, ne verrons-nous pas un seul Soleil avoir principauté sur tous autres astres ? Ne voyons-nous pas que unité, (que les Grecz appellent monade) est chief, racine & fontaine de tous nombres : & qu’apres avoir longuement calculé, nous retournons à une seule somme ? Que signifie (ô bon Dieu) qu’en toutes choses creées nous en trouvons tousjours une qui ha sur les autres de son genre preeminence ? Entre les creatures raisonnables l’homme : entre les bestes l’on recognoist le Lyon : entre les oyseaux, l’aigle : entre les grains, le bled : entre les brevages, le vin […]. Ces demonstrations nous donnent bien à cognoistre, que entre toutes especes de Republicques, nous devons tenir pour meilleure la royale principauté28.
15Son assentiment n’est point ici stigmatisé par l’emploi du pronom personnel si vigoureusement agité pour démontrer la valeur d’un gouvernement de plusieurs uni « en un seul vouloir ». Mais les arguments historiques et logiques établissant la dangerosité de la monarchie se trouvent balayés d’un coup par des considérations théologiques et métaphysiques. La théorie l’emportant sur la pratique, la foi sur la raison, La Perrière se rallie d’un trait à la reconnaissance de la supériorité de la monarchie sur les autres régimes. Dans un enthousiasme de principe. Et dans un enthousiasme éloquent, qui fit école. Malgré la faiblesse de son argumentation, ce passage fut copié presque mot pour mot dans divers ouvrages politiques de la seconde partie du siècle29. L’auteur du Miroir Politicque cependant ne se montre guère désireux d’approfondir les questions liées à la pratique d’un gouvernement royal. Ses lecteurs curieux de connaître les qualités requises en un bon roi sont renvoyés aux « Institutions des Princes » de Xénocrate, Platon, Théophraste, Antisthène, Dion, Xénophon, Onosander, Giovanni Pontano, Francesco Patrizi, Érasme et Juan Luis Vives30. Lui préfère s’attacher à une nouvelle controverse, portant sur la nature du régime français, avant de passer à l’évocation du régime aristocratique31.
16Ces développements sur le régime monarchique se révèlent ainsi tout aussi surprenants qu’incomplets. Traitant de la monarchie, La Perrière n’a su mentionner que des tyrans. Les Annalles de Foix donnaient maints exemples historiques de « grands princes et monarques » : David, Saül, Job, « miroir et pacience », Darius, Xerxès, Crésus, Alexandre, Denys de Syracuse, Néron (un temps seulement), et surtout Trajan qui, par l’amitié de conseil de Plutarque, « triumpha victorieusement de ses ennemys, fut crainct et aymé de ses subgectz, vescut honnorablement, mourut plainct et regrecté de toutz hommes vertueulx et en acquist à perpetuité surnom d’estre dict le meilleur des Empereurs Rommains »32. Dans le Miroir Politicque, instillées au compte-goutte, les références élégiaques demeurent assez rares. Le juste et prudent Josias, le prudent Vespasien, le docte, vertueux et tempérant Marc-Aurèle, le clément César, le docte Adrien, le juste Trajan, l’heureux Auguste, le débonnaire Antonin, le sage Salomon, le prudent Philippe de Macédoine, le très prudent Alexandre Sévère et le grand Antigonus ne sont que très rapidement évoqués33. Seul Cosme de Médicis, qu’avait déjà célébré Machiavel, lui suggère une enthousiaste remarque, ce prince issu d’une lignée illustrée de papauté et de royauté grâce à Léon X et Catherine de France ayant, dit-il, mérité « d’estre Monarche de tout le monde, tant il estoit accomply de toutes vertuz et doctrine »34. Sans doute les pages consacrées à la monarchie dans le Miroir politicque n’épuisent-elles pas l’ensemble des questions que l’étude du régime inspirait à l’auteur. Peut-être, ce manuel de gouvernement se voulant pratique, ce dernier cherchait-il avant tout à mettre en garde les politiques à l’encontre de tout gouvernement tyrannique. Quoi qu’il en soit, ses développements sur le sujet suscitent les doutes quant à l’excellence d’un tel régime. D’autant que, lorsque la monarchie est à nouveau évoquée quelques pages plus loin, de nouvelle réserves sont exprimées sur ses vertus.
17La Perrière en effet ne résiste pas à la tentation de s’interroger sur la question qui avait tant tracassé les intellectuels français de la fin du Moyen Âge35, savoir
s’il est plus condecent faire les Roys par election, que par succession de lignage et droit hereditaire36.
18Convaincu de l’inopportunité de laisser le gouvernement politique aux femmes, il ne la traite que partiellement37, et s’inspirant à nouveau d’Aristote (Politique, II, 9), il assure que
quand l’election des Roys se feroit droitement, & comme il est requis, c’est que tousjours fust esleu pour Roy le meilleur & le plus vertueux de toute la communité, & celluy qui surpasse tous les autres en prudence, lors seroit plus condecent & utile d’avoir les Roys par election : car ainsi ne regneroit Roy qui ne fust digne de regner : ce que n’advient pas tousjours, quand ilz sont faitz par succession hereditaire : car communement (voire le plus souvent) advient, que si le pere ha esté vertueux & prudent Roy, son filz (qui par droit hereditaire succedera au Royaume) sera vicieux, meschant, & abominable38.
19À nouveau, il fonde son raisonnement sur la Bible et l’histoire romaine. Pour y voir que l’insensé Roboam a succédé au sage Salomon, l’inique Sédéchias au juste Josias, l’horrible Domitien au prudent Vespasien, le méchant Commode au vertueux Marc-Aurèle39. Quand les médiévaux avaient avancé l’idée que Dieu refusait au roi indigne toute progéniture pour sanctionner ses fautes40, quand certains de ses contemporains mettaient en avant les exceptionnelles qualités des races royales41, il tend à croire que, « le plus souvent », un prince indigne succède à un sage roi. Considérant comme un Guillaume Benoît que « regnum sanguini non debetur sed meritis »42, il constate que des élections droites se révèlent meilleures en toute hypothèse quand une succession héréditaire ne peut l’être que « per accidens »43. Il ne s’en rallie pas moins au principe successoral. Mais il le fait essentiellement par défaut. Il ne constate pas que les monarchies héréditaires ont plus prospéré que les électives, ne dit pas que les pères font davantage cas d’un royaume qu’ils transmettent à leurs fils, ni même n’évoque le fait que, dans l’hypothèse de l’accession au trône d’un roi défaillant, la régulation du régime par l’observation de bonnes lois, ordonnances et coutumes peut suffire à pallier les carences du gouvernement44. Pour légitimer la supériorité du principe de l’hérédité sur l’élection, il n’avance en définitive qu’un seul argument :
L’improbité des humains, & l’insatiable convoytise de dominer, ont monstré par evidentz effetz, qu’il est chose plus asseurée & plus tranquille de commettre les Royautez à ceux qu’elles sont deües par hereditaire succession, que par election : car faisant les Roys par election, tout seroit plain de discorde intestine, & à peine se pourroyent accorder les electeurs, d’autant que plusieurs tascheroyent à estre Roys, par droit ou tort : chacun en voudroit manger, & faudroit finablement que l’affaire se terminast par fer & guerre, tant seroit grande l’ambition de plusieurs contendans45.
20Bien péremptoirement, il soutient que de tels troubles n’adviennent pas lorsque les royaumes se transmettent par succession héréditaire. Oublieux de préciser qu’il faut encore que les modalités d’une telle succession soient établies, il paraît ignorer à quelles péripéties a donné lieu l’attribution du trône d’Angleterre. Il omet de rappeler quels conflits ont accompagné la détermination des règles de succession au trône de France, et paraît n’éprouver d’ailleurs aucun scrupule à renvoyer ses lecteurs aux Annales de France dans lesquelles il trouve l’illustration de sa théorie, « reservé quelque foys »46. Au vrai, il semble que le mode de désignation de l’empereur romain germanique ait suffit à illustrer à ses yeux les terribles difficultés et discordes nourries par les élections47. L’historiographie germanique la plus récente avait pu lui apprendre qu’elles s’étaient souvent conclues dans les armes et le sang ; surtout, il savait comment l’antagonisme entre François Ier et Charles Quint s’était nourri de leur rivalité au trône impérial48. Les funestes conséquences de l’élection impériale avaient à ses yeux consommé « la destruction de la republicque Chrestienne ». Et la rumeur disait en outre que Charles Quint tentait d’unir perpétuellement l’Empire germanique à la maison d’Autriche pour rendre sa succession héréditaire. La Perrière se refuse à croire que le pape (« notre saint pere le Pape ») autorise une telle évolution, contraire aux déterminations de ses prédécesseurs ; il ne peut imaginer que les électeurs laïcs et ecclésiastiques de l’Empire acceptent d’être destitués du « si beau et grand privilège » d’élire l’empereur, donné par Grégoire V à Othon III « aux environs de l’an 994 ». Il ne met pas en doute le désir de Charles Quint d’effectuer un tel changement. Suivant l’exhortation cicéronienne de ne parler que peu et sobrement des dieux et des princes vivants, il juge d’ailleurs opportun de citer alors un dit d’Ovide popularisé par Érasme, assurant que
les Roys et Princes ont les bras & mains longz, c’est à dire, qu’il est chose dangereuse de les irriter, d’autant qu’ilz peuvent attaindre de loing49.
21En définitive peu désireux de commenter cette affaire, l’auteur du Miroir Politicque constate que les régimes électifs se changent bien souvent en régimes héréditaires, car les rois élus cherchent à conserver le pouvoir pour eux-mêmes et leur descendance. Rien ne garantit qu’ils ne se pervertissent, ne deviennent tyranniques ou encore ne modifient le régime politique en place. Le cas de Charles Quint, à supposer qu’il soit avéré, était loin d’être isolé. À Rome, Sylla avait rendu perpétuelle la dignité de dictateur à laquelle il avait été élu, avec de terribles conséquences50. Dans l’île de Trapobane évoquée dans la Polyhistoire de Solin, les citoyens étaient à ce point prévenus contre ces déviations qu’ils avaient délibéré de n’élire que des hommes âgés dépourvus d’enfants, et de destituer ceux qui, une fois élus, devenaient pères51.
22Alors certes, La Perrière désigne la monarchie héréditaire comme le meilleur des régimes. Mais avec réserve. Un roi vertueux monte-t-il sur le trône ? Son fils sera un dépravé. Un roi prudent se trouve-t-il élu ? Il tâchera de conserver le trône pour lui ou pour ses héritiers. En toute hypothèse, la royauté tend à se transformer en tyrannie.
II. Tyrannie
23Assez significativement, la tyrannie ne pose à l’humaniste qu’une seule question : celle de l’exercice du gouvernement. Ignorant le problème de l’origine du pouvoir, passant sous silence celui posé par le tyrannus ex defectu tituli pourtant longuement évoqué par la pensée politique médiévale tardive52, La Perrière comme plus tard Bodin voit dans la tyrannie le « contraire » de la royauté, un régime dans lequel,
le gouvernement de la Republicque est devolu à un seul dominant, ou (pour mieux dire) tyrannizant à son propre arbitrage & desordonnée volonté : sans aucune observation de loix, ou preceptes de justice53.
24Le pire de tous les régimes politiques, « monstrueuse beste, à Dieu & à tous vertueux execrable » ce régime a été dénoncé par maints bons auteurs. Xénophon, Sextus Aurelius, Eutrope, Orose, Tranquille (en ses « Vices [sic.] des douze Cesars ») et d’autres historiens romains, les modernes Raffaele Maffei (Commentaires urbains), Marco Antonio Sabellico (Rhapsodies) ou Johann Naucler (Chronographie) relatent en effet bien des « cruautez horribles, & execrables crimes » commis par Denys de Syracuse, Phalaris, Caligula, Néron, Domitien ou Commode. Tous se sont détournés du juste gouvernement en se laissant aller à leur amour du lucre, à la cruauté ou à la lubricité, vices de l’homme s’il en faut. Stigmatisés par l’historiographie, leurs exemples montrent qu’un peu du tyran sommeille en tout homme. Ils font de la tyrannie le règne de l’homme substitué au règne de la loi54, un règne qui s’impose par la force quand, au contraire, il devrait reposer sur l’amour des sujets. Conséquemment, pour La Perrière,
ces tyrans sont nessairement hays de Dieu & du monde, & mesmement de leurs subjetz, lesquelz meritoirement ilz craignent, d’autant qu’ilz se font craindre contre raison55.
25La crainte engendrant la crainte, entourés soient-ils des gardes les plus nombreux, ces tyrans ne trouveront jamais la paix, « car tousjours leur vie pend d’un fillet ». En témoignent la vie de Denys de Syracuse, l’image de l’épée de Damoclès employée par Cicéron dans ses Questions tusculanes et par Horace dans ses Carmina, illustrée par un emblème de la Morosophie56, ou une assertion du Satirique selon laquelle
les tyrans ne vont guere souvent au gendre de Ceres (c’est à dire à Pluto Dieu des Enfers) par mort seche (c’est à dire) sans sang & meurtre : car communement ilz sont occis comme l’experience le preuve57.
26Au-delà de ces affirmations de principe faisant du tyrannicide l’aboutissement logique d’une vie de tyran, La Perrière n’envisage pas le problème juridique avec clarté. Citant l’éloquent reproche adressé par Platon à Denys (« Pourquoy ô Denys (disoit Platon) as-tu fait tant de maux, qu’il te faille garder tant de soldatz armés ? »), il renvoie ici encore ses lecteurs à ses sources. La lecture de la Déclamation composée par Lucien sur la tyrannie ne manquera pas de les « recréer ». Celle des œuvres de Juan Luis Vives, Giovanni Pontano, Érasme, Francesco Patrizi, Ezéchiel, Philostrate, Artaxerxès comme de l’Institution du roi Cyrus de Xénophon les instruira58. À ceux qui souhaitent éviter de partager le sort des tyrans, deux ultimes avertissements sont cependant prodigués : en premier lieu, ne pas négliger de prendre conseil59 ; ensuite, ne pas lever sur les sujets des emprunts ou des tailles qui dévoreraient leur « substance ». « L’or qui est prins des vassaux par la tyrannie des princes, est plus vile que le fer, d’autant qu’il est moillé des larmes desditz vassaux », a écrit Apollonius. Il appartient mieux « à Royalle majesté de donner que de piller, & de revestir que de despoiller : car piller & oster, est propre office de brigans, & non mye de Princes ou Roys, s’ilz ne veulent desmentir leur nom », enseigne la Cyropédie60. Et l’humaniste d’insister :
Le prince ou le magistrat doit estre envers son peuple ou Republicque, non mye comme le maistre envers le serviteur, ou le vainqueur envers le vaincu, mais comme le pere envers ses enfans, & comme le bon tuteur envers ses pupilles61.
27Indéniablement, l’évocation du tyran sert ici des finalités didactiques. Les « gouverneurs et magistratz » lecteurs du Miroir Politicque doivent bien comprendre que, s’ils ne se font aimer de leurs sujets, s’ils gouvernent par la crainte, sans prendre conseil ou en imposant de très lourdes taxes, ils seront occis. Mais, pour relever de la pédagogie, ces lieux communs de la pensée politique se trouvent bien loin de constituer un pur topos érudit ou obsolète62. Proche des auteurs médiévaux qui, sitôt après avoir suggéré à leurs lecteurs la possibilité de l’assassinat politique, lui refusent toute effectivité sur le corps du roi63, La Perrière ne donne à aucun moment l’ombre de la licéité juridique au tyrannicide, s’accordant ainsi avec la position prise au Concile de Constance (1414-1418)64. Ses œuvres n’en témoignent pas moins du renouveau que le thème connaissait du fait des traductions et rééditions des classiques grecs et latins, lequel renouveau devait trouver avant la fin du siècle de bien sanglantes illustrations. L’auteur évite dans le Miroir Politicque d’entrer dans le vif du sujet. « Je seroys prolixe de reciter les exemples des tyrans occis », écrit-il pour mettre un premier terme à son récit. « Ce que dessus souffira pour la declaration du premier parquet », conclut-il finalement sur la tyrannie65. Il n’avait pas fait montre de tels scrupules dans les Annalles de Foix66. L’idée du glissement de la royauté en tyrannie se retrouvait d’ailleurs dans la plupart des traités politiques de la Renaissance. Les œuvres antiques, notamment les tragédies grecques, offraient aux humanistes des portraits de tyrans bien plus éloquents que ceux dont avaient disposé les auteurs médiévaux. L’histoire contemporaine illustrait la cruauté de certains gouvernements royaux67. Exerçant une sorte de fascination sur les penseurs, les portraits de princes cruels ou de tyrans avaient envahi la littérature.
28Entre la fureur du tyran et la droite volonté du roi, l’espace médian disparaissait. La Perrière ne sait plus très bien comment différencier l’un de l’autre. Peinant à élever entre royauté et tyrannie une frontière qui aurait permis de distinguer sûrement les deux régimes, il tend à les confondre68. Son analyse de l’entourage du prince le révèle clairement. Héritier de toute la littérature anti-curiale de la fin du Moyen Âge, inspiré par la tradition plutarquienne revisitée ici encore par Érasme, il se montre en effet particulièrement préoccupé par le thème de la flatterie69. Pour défendre Gratien Du Pont contre ses détracteurs, en 1535, il a « desgorgé sa rastellée » sur les flatteurs, poulpes (« polype ») ou « asnes estant parmi les singes » responsables de la perversion des princes70. Dans le Theatre des Bons Engins, pas moins de cinq emblèmes dénoncent leurs vices pour les assimiler tantôt à des corbeaux d’après l’image célèbre développée par Diogène, tantôt à des puces abandonnant les corps morts71. La dédicace des Annalles de Foix adressée à Marguerite de Navarre en 1539 se transforme pour sa part en un violent réquisitoire à leur encontre :
Est-il Mouche plus picquante, Loup plus ravissant, Formy plus diligente à serrer le grain, que le Flateur à despoiller son maistre pour se revestir ? Ulysses Prince Grec (comme recite Homere pere des engins) pour esviter le mortel chant des Seraines, se feist attacher et estoupper à ses gens les Oreilles à tout de la cire. Que represente Ulysses, fors que le pourtraict et la vraye ymage d’ung bon prince ? Que représente le chant des Seraines que la voix des flateurs ? Laquelle pour une goute d’apparente doulceur a une mer de latente amertume. Ce que Homere a representé par Ulysses, et Zenophon par Cyrus. Virgille a representé par Aeneas. La voix du Flateur en l’oreille du prince est vollée en bien petit moment, mays elle y faict ferme impression et longue residence72.
29Probablement inspiré par De l’ami et du flatteur de Plutarque, dont Antoine Du Saix venait de proposer une traduction française, l’auteur affirme qu’à défaut de savoir distinguer l’ami du flatteur, le monarque se transforme en tyran73. Et manifestement, comme le révèle ce passage emporté, il ne voit pas là un risque hypothétique, bien au contraire :
Les Princes tyrantz ne durent guieres, non pas par faulte d’or, car ilz en ont à superfluité, mays c’est par faulte d’amys. Et l’homme qui n’a d’amys ne peult durer, tant soit-il constitué en haulte dignité, car ce sont ceux qui en ont le plus besoing. Et d’aultant que fortune les a eslevez au plus hault de sa roue, d’aultant est à eulx plus dangereuse la cheute. Mays où sont les amys du temps present ? En quoy consiste aujourdhuy l’amistié ? Où sont les vouloirs unanimes ? Où est l’unité des courages ? Sont-ilz gens au monde qui ayent plus de besoing d’amys que les Princes ? Ne gens qui en soyent plus destituez ? D’où procede la ruyne des monarchies ? La désolation des Republicques ? La dépopulation des pays ? L’effusion de sang humain ? L’affliction des justes ? L’exaltation des meschantz ? Et bref, la confusion de toute vertu et civillité que de flaterie ? Si les Princes congnoissoyent les contraires effectz qui sortent de vraye amistié, et de flaterie. Ilz pourroient facillement discerner le flateur de l’amy. Et entretiendroyent les amys comme vertueulx, utilles, neccessaires et veritables, et chasseroyent de leurs courtz, les flateurs comme vicieulx, inutiles, superfluz et mensongiers […]. TOUT AINSI QUE LE PRINCE TYRANT N’A POINCT D’AMYS, SEMBLABLEMENT LE PRINCE SAGE N’A POINCT DE FLATEURS74.
30Cette éloquente affliction témoigne s’il en est besoin des doutes qu’il nourrit sur la réalité d’une monarchie ne dégénérant pas en tyrannie. Elle prend acte de la montée en puissance des favoris à la cour75. La possibilité d’éduquer le prince même s’en trouve remise en question. Bien des humanistes constataient les dangers de la flatterie et les méfaits occasionnés par les mauvais conseillers76, mais beaucoup avaient conservé l’espoir de convertir le prince par les Lettres. La philosophie et l’œuvre d’Érasme en constituent l’illustration77. Rares étaient ceux qui partageaient l’incrédulité d’un Thomas More démontrant dans son Utopia, par la bouche d’Hythlodée, toute la vanité des conseils pacifiques défendus par certains auprès d’un roi de France obnubilé par sa politique guerrière78. C’est bien pourtant un scepticisme similaire qu’exprime cette négation de la théorie platonicienne du philosophe-roi :
Platon en sa Republicque dict que par la familiarité et compaignie des Saiges et Philosophes, les tyrans viennent aulcuneffoys bon Princes et se reduisent en civilité. Ce que semblablement Aule Gelle recite avoir esté dict par Sophocles et Euripides, Mays bien souvent soubz l’Habit de Philosophie le Prince engressera ung pirate, ou bien guecteur de chemins combien que telle faincte ne peult durer que tost ne soit apperceue, car ce que mensonge aura pallié ung espace de temps, verité (que toutes choses revelle) comme disoit ledict Sophocles, revellera en ung momment, et de tant que la palliation du faulx Philosophe aura esté longue, de tant sera la confusion plus soubdaine, pourveu que le Prince soit tel que Homere et Xenophon anciens, et des Modernes Françoys Patriciens et le docte Jovian Pontan ont voulu figurer et pourtraire79.
31L’auteur des Annalles de Foix exprimait là, sans nul doute, l’antagonisme qui l’opposait à certains familiers de Marguerite de Navarre. Il n’en énonçait pas moins de profondes convictions. Le rôle fondamental qu’il accorde au conseil dans la République se trouve inscrit avec force dans l’épître commandée par les capitouls pour introduire le nouveau registre des délibérations de Toulouse en 154380. Il se reflète aussi dans divers emblèmes de la Morosophie relatifs au conseil du prince. Probablement inspiré par Alciat, l’un d’entre eux conseille au roi de ne pas dévoiler son conseil81. Un autre enseigne que c’est le roi usant de conseil qui est la véritable image de Dieu82. Un troisième met encore en garde le souverain :
Fortune donne aux Roys tel advantage,
Que leur vouloir (soit bien ou mal) est fait :
Mais si Juno n’a de Pallas la sage
Le bon conseil, son pouvoir est défait83.
32Un dernier, enfin, révèle le dépit de l’emblématiste observant encore les palais des princes remplis de courtisans quand les savants s’en trouvent écartés84. Face à cette insistance, l’absence de ces thèmes dans le Miroir Politicque ne laisse de surprendre. En effet, nulle part il n’y est fait cas des risques politiques liés à la présence des flatteurs ès cours des princes ni de l’importance du conseil dans le gouvernement. Or, indéniablement, La Perrière s’accorde encore à voir dans le conseil des princes l’un des rares moyens permettant d’éviter qu’ils ne veuillent user de puissance absolue85, et la définition du tyran stipule que le roi doit gouverner,
non mye à son appetit sensuel & vouloir desordonné, mais par maturité de conseil, observation de loix, & droit calibre de justice86.
33Peut-être l’auteur estimait-il avoir suffisamment développé ces thèmes dans ses précédentes œuvres. À moins que, croyant plus fermement qu’autrefois en la déviation inéluctable de la royauté en tyrannie, il n’ait plus même cherché à adresser aux princes l’avertissement qu’il leur lançait dans ses Annalles de Foix.
34« Je seroys prolixe de reciter les exemples des Tyrans occis », assure l’auteur du Miroir Politicque87. Les Annalles de Foix en attestent qui détaillent, longuement, les punitions divines ayant frappé les tyrans88. Appelés à témoigner, les historiographes grecs et latins y expliquent comment la phtiriasis, dite aussi pédiculaire ou « mal de sainct Fiacre », a tué plusieurs princes et tyrans, comme d’ailleurs divers homicides, sacrilèges ou gens de vie exécrable. « Comme de evidante punition divine », cette maladie a frappé Acastus, Callisthène, Olynthien, Speusippe, le poète Alcman, Phérécyde, Scylla, le roi de Syrie Antiochus, Maximien, l’empereur romain Arnolphus, le roi de Judée Hérode, le roi des Vandales Honorificus, « mengez des poulx », et plus récemment, en 1422, le roi d’Angleterre, à la mort duquel
l’on trouva sur son corps grande quantité de poux et de vermine […] car lui sortoient par le nez et les oreilles [… ]89.
35Éludant ces développements, l’auteur du Miroir politicque ne va pas au bout de ses réflexions. Mais, ne trouvant aucune expression juridique pour légitimer le tyrannicide, il se félicite en passant de ce qu’il aboutisse parfois à la délivrance du peuple, et en approuve quelques conséquences : pour avoir ruiné la liberté publique de Rome et causé une épouvantable guerre civile dans la République, César et Pompée ont eu la fin qu’ils méritaient90.
36Ce scepticisme montré par La Perrière à l’endroit des pratiques monarchiques pose une question d’importance : comment, lui qui fut longtemps présenté comme un champion de l’absolutisme, regardait-il la très-chrétienne dynastie royale française, et quelle place faisait-il à la théorie d’un roi de France qui, élu de Dieu, était censé en présenter la plus fidèle image ?
III. Le cas français
37C’est avec transport que l’auteur du Miroir Politicque évoque la succession des Français à la monarchie des Gaulois, intervenue « par grande felicité », vers le IVe siècle, lorsque « le Lys des François commença à florir, à mespriser l’Aigle Romaine, & se jetter hors de servitude »91. Lecteur des Commentaires de Jules César, de la Pharsale de Lucain et de la Géographie de Strabon, curieux des vestiges archéologiques remarqués par ses contemporains au diocèse de Chartres, inspiré aussi par l’étymologie, il admire la civilisation qu’il juge savante, bien que barbare, des Gaulois92. Il ne prend pas pour autant ombrage de l’avènement des Francs, dont il sait, d’après les plus récents développements de l’historiographie allemande, l’origine germanique93. À ses yeux, ces barbares n’étaient pas non plus dénués de sens politique94. Après avoir exterminé les Gaulois, Pharamond « print nom de Roy sur les Françoys » et fut à l’origine de la loi salique95. Clodovée chassa les Goths et Visigoths en Espagne où Charles Martel les vainquit définitivement. Si quelques événements effroyables survinrent en ce temps, telle l’« espouventable execution » subie par Brunehilde96, l’essor pris par la royauté franque transforma avec bonheur le visage de l’Europe. Lorsque Pépin et Charles naquirent, l’Italie se trouvait dépeuplée, le siège apostolique opprimé par les Lombards, puis Charles fut élu empereur de toute la « monarchie occidentale » et couronné à Rome. Accomplissant de mémorables exploits, il expulsa les Lombards, défit les Saxons, fit reculer les Gascons, dompta les Espagnols et n’oublia pas de célébrer l’autorité de l’Église. Fondateur de l’université de Paris, il est, assure La Perrière suivant la démonstration de Trithemius, à l’origine de « la plus part des meilleures loix des Germains »97.
38Peu renseigné peut-être sur les premiers temps de la lignée capétienne, l’humaniste ne fait nulle part mention d’Hugues Capet98 ou de ses successeurs. Insistant sur la piété de princes dans les Annalles de Foix, il n’ignore pas que certains, dédaignant leurs intérêts privés, sont partis en pèlerinage en Terre sainte. Il ne voit pas là des qualités spécifiques aux rois de France ; pour avoir suivi le même chemin, Godefroi de Bouillon est donc loué tout autant sinon plus qu’eux99. Mais, l’humilité et la piété d’un Louis IX, dont la Chronique de Joinville a conservé le récit, le transporte. Il prend ses lecteurs à témoin :
Cherche (ami lecteur) tant qu’il te plaira les Histoires des autres nations, à peine trouveras-tu Prince ou Roy, qui ait eu si grand zele à nostre Foy que cestui : lequel pour icelle sa vie à la merci du bois flottant en mer : laissa son Royaume tres fertile pour passer maint pays desert : si somptueux palais, pour loger bien souvent en petites & basses maisonnettes : ses vins delicieux, pour boire de l’eau corrompue. Bref, tous les aises & plaisirs que pourroit Prince terrien avoir, pour endurer tous les malheurs, qu’infortune pourroit à un pouvre homme preparer, & le tout pour augmenter la Foy de Jesus Christ ?100
39L’évocation du roi saint suggère une allusion au cycle merveilleux de la royauté française. S’étant « adjoint le signe de la croix », Louis IX a guéri les écrouelles, « ce que paravant roys de France n’avoyent faict »101. L’allusion cependant n’a point de suite. Les légendes royales françaises récemment cristallisées dans les ouvrages dédiés à Louis XII par Giovanni Ludovico Vivaldi ou à François Ier par Pierre Cotereau ou Jean Thenaud102 n’intéressent guère notre auteur. Il ne mentionne les miracles royaux, la sainte ampoule ou le sacre qu’à de très rares occasions, soit pour évoquer saint Louis, comme dans l’extrait précité, soit pour célébrer Jeanne la Pucelle ou le Christ103. Alors peu en vogue chez les juristes français, ces thèmes l’étaient moins encore chez les méridionaux. Ni Ferrault ni Rebuffi ne parlent de la sainte Ampoule ; ni Jean de Selve ni Vincent Cigault ne font allusion au sacre, et depuis que Calvin avait affirmé que ce dernier n’était qu’une ridicule superstition, les mentions s’étaient encore raréfiées104. La Boétie quant à lui n’était pas loin de considérer qu’il y avait là « une belle bourde » prise pour argent comptant par des crédules105. Ainsi, quand bien même un Machiavel confère-t-il au caractère très-chrétien du roi de France une importance politique majeure, La Perrière ne fait au thème que de maigres références106. Dans un contexte politique international et intellectuel favorable à la résurgence des grands thèmes du droit impérial dans lesquels les juristes puisaient depuis bientôt trois siècles les principaux fondements du droit public français107, alors que certains Toulousains s’étaient fait une spécialité de dresser la liste des droits régaliens du souverain français, il ne s’y intéresse guère108. Le roi de France n’est pour lui ni « l’étoile du midi au milieu des nuages du nord », ni « un second soleil »109. Aucune sacralité particulière ne lui est reconnue110. La Perrière n’est pas Du Bellay, pour qui « rien n’est après Dieu si grand qu’un roi de France »111. À ses yeux, le roi a-t-il été institué par Dieu, il n’est pas une source de perfection112. Et, si, usant de conseil, il peut constituer la véritable image de Dieu113, il n’est ni plus ni moins qu’un monarque comme les autres114.
40L’humaniste se montre très éloigné des positions prises par le régent toulousain Blaise d’Auriol qui, recevant François Ier au nom de l’Université en 1533, avait assuré « que le roy de France est ung dieu corporel en terre ». Exaltant la grandeur et la suprématie du Rex christianissimus, déployant les grands thèmes du cycle légendaire de la royauté française, le lien exceptionnel unissant les Capétiens à Dieu, la guérison des écrouelles, la Sainte Ampoule, les lis de France et l’oriflamme, Auriol avait assuré les docteurs de l’université de Toulouse, « apres avoir obtenue protection des letres et consumation d’estude, estre aptes presider ès affaires du bien publicque, relever le roy et voustre seigneurie ayant puissance entreroyale d’une partie de la peyne et travail qu’il vous convient prendre pour la exaltation et conservation de la couronne imperiale de France »115. S’il avait affiché là un programme à la hauteur de l’École de Toulouse imaginée par Hanotaux116, force est de le constater, La Perrière n’en suit pas les enseignements. Tout au contraire. Appelé à intervenir, en 1547, dans la première édition de la chronique de Jean de Joinville, il va jusqu’à refuser de considérer la suprématie de la dynastie très-chrétienne sur les autres lignées royales. Si l’histoire nationale, explique-t-il, nous est plus proche que les histoires anciennes ou étrangères, donnant ainsi plus de contentement à notre esprit, elle ne présente pas de spécificités par rapport aux autres histoires, ni ne démontre la supériorité de ses rois car,
si nous lisons les Histoires des François, nous trouverons que nos Princes n’ont esté moindres en tout exercice de vertu, soit d’engin, ou d’armes, aux Princes des autres nations : ains sont à l’adventure superieurs : ou (sans adventure) pareils. Car de douze cens ans en ça, ou environ, que le Lys des François commença à florir, à mespriser l’Aigle Romaine, & se jetter hors de servitude, nous avons eu des Princes dignes d’estre conferés aux Grecs, Romains, & Barbares117.
41« Conférer » les rois de France aux souverains des autres nations, antiques ou modernes, voilà donc qui doit permettre d’apprécier leurs vertus, lesquelles ne paraissent guère refléter la divine supériorité.
42Il n’est guère surprenant de constater dès lors quelle place les rois de France occupent dans le Miroir Politicque. Les Capétiens ayant précédé le règne de Charles V, saint Louis y compris, sont totalement ignorés. Les suivants ne sont évoqués que rapidement, toujours en référence à un événement qui s’est produit sous leur règne. Aucun n’est caractérisé par une extraordinaire vertu. Louis XII a été sage et Charles VII prince « de sa naturelle inclination, benin, amyable, & debonnaire », mais quant à son successeur Louis XI, il fut
de nature diametralement contraire à celle de son père, car il estoit aspre, vehement, soupçonneux, d’engin versatille & difficile à servir autant que Prince du monde118.
43Pour avoir méprisé les nobles et causé leur révolte, Louis XI faillit perdre la vie. Mais il en retint la leçon. Ayant su réformer ses mœurs et améliorer son gouvernement, il se montra « plus sage & plus rusé que paravant : car tout le surplus de sa vie il fut lyon en force & regnard en conseil »119. Son exemple s’avère édifiant. Celui d’un François Ier, bien que mentionné comme « plus enclin » que tous ses prédécesseurs envers les Lettres, inspire moins de commentaires. L’auteur espère seulement qu’Henri II, son fils et « image vive », « vray successeur, tant en ses biens temporelz, comme en ses vertus », n’en fera pas moins que lui à l’endroit des belles lettres. La chose est jugée « vraysemblable »120 : la transmission des vertus n’est pas davantage garantie chez les Capétiens que chez les nobles121.
44Pour être de bons rois, les Capétiens doivent donc gouverner en suivant les conseils prodigués à tous les rois, et notamment s’efforcer de conserver l’amour de leurs sujets sans opprimer le peuple par d’insupportables impositions. À défaut, ils risquent de sombrer à leur tour dans la tyrannie. Si l’on en croit un passage de la Chronique 216, il se pourrait bien que l’humaniste ait considéré cette éventualité en passe de se produire. L’année 1539 avait été une année particulièrement difficile dans la région toulousaine. Affamés par la disette, de nombreux pauvres avaient afflué dans la ville. Or, tandis que les capitouls avaient à faire face, dans l’urgence, à ce phénomène d’une ampleur sans précédent, François Ier avait cru bon d’exiger de la ville une très lourde contribution. Rarement la royauté avait été dominée de façon aussi constante, aussi exclusive, par la question d’argent122 ; et même si, globalement, le niveau de prélèvement restait limité, les révoltes anti-fiscales se multipliaient123. Des plus mal venues, les exigences royales suscitaient nombre de mécontentements. Rapportant l’événement dans les Annales manuscrites de Toulouse, l’historiographe le fait éloquemment comprendre. Jugeant bon de faire ici, exceptionnellement, référence à Plutarque et saint Paul pour justifier l’autorité politique, il rend hommage à François Ier, insistant sur ses « innumerables vertus » avant de relater que son « plaisir » a été d’imposer la ville de 46000 livres. Il met en avant le rôle des capitouls, qui ont fait tant et si bien que « le peuple fut supporté tant qu’il feust possible, et le roy obey ainsi qu’il estoit raisonnable ». Et pour justifier l’imposition auprès de ses lecteurs, il ne trouve de meilleur argument que d’invoquer les pires tyrannies :
Au surplus, pour aultant que les princes, comme dit Plutarque philosophe et orateur grec, sont envers nous et ça {ba} bas en terre comme simulachres vrais et imaiges de Dieu, et que à iceulx sommmes tenuz d’obeir jouxte nostre faculté sans aulcunement disputer de leur pouvoir et aucthorité, comme dict l’apostre, d’aultant et pour raison que non sans cause Dieu très-bon et très-grand leur a baillé le sceptre pour regir et le glaive pour pugnir. Et que Dieu nous a fait la grace d’estre vassaulx et subgectz à ung prince qui meriteroit pour ses innumerables vertus non seullement estre moderateur des Gaules, ains de tout l’universel monde. Quant fut le plaisir dudit seigneur de mettre empront sur la presente ville et cité la somme de trente-six mille livres lesquelles faulsit cotiser, coequer et lever sur le populaire et habitantz de Tholoze et en oultre bailler aultre somme de deniers tant pour reparation de la ville de Narbonne que estappes, montant le tout quarante-six mille livres et plus. Lesdictz seigneurs de cappitolz firent par leur bon advis tant et si bien que le peuple fut supporté tant qu’il feust possible, et le roy obey ainsi qu’il estoit raisonnable. Et si nous pensons à la grace que Dieu nous a faict de vivre soubz la monarchie d’ung et si bon et vertueux prince, nous noz reputerions plus heureux que nation chrestienne quelque aultre que ce soit et mesmement si nous rememourions en noz esperitz la tyrannie de pharaon d’Abimelech, de Saul premier roy des Hebreulx, de Hieroboam, de Achab, de Jézabel royne, de Baasa, de Manasses, de Sennacherib, de Nabuchodonosor, d’Holofernes, d’Antiochus, de Denys de Siracuse, de Pisistratus, Phalaris, Hiero ; des Rommains Neron, Claudius, Domitien, Heliogabale et aultres tyrantz. Soubz la tyrannie vivre estoit mourir et mourir souveraine felicité et les vassaulx d’yceulx desiroient journellement permuter leur vie douloureuse avec perpetuel repos de mort124.
45C’est comparé aux plus sombres tyrannies que le gouvernement de François Ier est ici jugé heureux. Bien que négligent de susciter en l’espèce l’amour de ses sujets, le souverain doit être obéi ; les Toulousains doivent se résoudre à la patience. Nul doute cependant que le chroniqueur n’ait estimé qu’à trop montrer de penchants tyranniques, les Capétiens n’aient à essuyer quelques difficultés et à craindre pour leur propre survie. L’histoire devait le montrer sans trop tarder.
46La Perrière avait fait sien l’adage classique inspiré d’Ovide, évoqué à la fois dans son Theatre des Bons Engins et dans le Miroir Politicque : « Les princes ont les bras longs »125. Chez lui, la crainte des monarques l’emportait-elle sur l’amour ? Maintenant, dans son dernier opus, une ferme adhésion de principe à la primauté de la monarchie sur les autres formes politiques, il ne cesse d’en relever les imperfections pour relever diverses qualités des formes de gouvernement pluriel, ou « domination de plusieurs ».
Section II. « La domination de plusieurs »
47Tout à fait brefs, les développements consacrés dans le Miroir Politicque aux formes pluricéphales de gouvernement se résument à un seul paragraphe pour l’aristocratie, guère plus pour la timocratie ou la démocratie, un peu plus cependant pour la République. C’est dans un simple et évident souci d’exhaustivité que se trouvent là ceux qui sont consacrés à la « Puissance des plus gens de bien » et à la « « Puissance de peu de gens » (I). Ceux consacrés à la « Puissance des riches mediocres » et à la « Puissance populaire », en revanche, révèlent malgré leur concision un intérêt authentique, déjà suggéré par plusieurs digressions (II).
I. « Puissance des plus gens de bien » et « Puissance de peu de gens »
48La consistance de la partie consacrée à la « puissance des plus gens de bien » dans le commentaire de l’Arbre des Républiques, huit pages, n’est qu’apparente. Ce régime à la qualification si imprécise n’intéresse en réalité que peu l’auteur. De l’aristocratie n’est ici indiqué que le strict minimum. Seconde « droicte et bonne republicque » dont sont précisés les équivalents grec, latin (« optimatz ») et français (« puissance des plus vertueux »), celle-ci se trouve constituée
quand peu de gens & vertueux, approvez en bonnes meurs & doctrine, gouvernent la republicque, ne dressant leur visée à autre but qu’au prouffit et utilité publicque : preferant tousjours icelle à leur particulier prouffit126.
49L’étymologie latine du terme le confirme aux yeux de l’auteur, puisque, note-t-il, « optimatz » désigne les « tresbons & tresvertueux ». Il ne voit manifestement rien d’autre à ajouter. La question lui paraissant ainsi traitée, c’est une longue digression de sept pages qui s’ensuit127, sans qu’aucun développement substantiel ne revienne sur le sujet.
50Ce silence s’avère d’autant plus étonnant que l’utilité du tempérament apporté par l’aristocratie dans un régime monarchique se trouve soulignée quelques pages plus tôt. L’auteur y a en effet donné en exemple les « aristocraties » de l’Aréopage grec, les Éphores lacédémoniens et les parlements de France pour démontrer les bienfaits d’un gouvernement de plusieurs128. Inspiré en cela par ses lectures italiennes, il a pu également trouver l’idée chez Calvin, lequel croyait en la perfection d’un régime aristocratique mêlé de démocratie et se montrait favorable à un régime monarchique tempéré d’aristocratie129. Mais, pour considérer avec intérêt un gouvernement unissant monarchie et aristocratie, La Perrière ne semble guère inspiré par une république purement aristocratique. Ni l’évocation de l’aristocratie des « Horoyens », transformée en tyrannie130, ni celle de la République romaine, qu’il considère comme une aristocratie, ne lui suggèrent de commentaire131. Et c’est sans réelle démonstration qu’il affirme que la « puissance des plus vertueux » constitue le meilleur régime politique après la royauté, prétendant que, tant sous l’une que sous l’autre, « l’on peut mieux vivre en tranquilité que souz autres quelconques »132.
51À peine plus d’intérêt est accordé à la puissance de « peu de gens », régime présenté comme directement contraire au précédent, dans lequel
peu de nobles ou riches en petit nombre occupent l’administration politicque, taschans & dressans leur visée au but de leur prouffit privé & particulier, n’ayans cure du prouffit publicq133.
52Ces définitions opèrent une scission radicale entre les notions de vertu, de bonnes mœurs et de doctrine, qualités des optimates gouvernant dans une aristocratie, et celles de la « noblesse » ou de la richesse propre aux oligarques. L’auteur ne le relève pas. Cette expression de méfiance à l’encontre de la noblesse et de la richesse lui a échappé comme incidemment134. Mais on la retrouve lorsqu’il explique l’antagonisme entre les deux régimes par le rappel des critères fondamentaux distinguant les bonnes républiques des mauvaises. En une aristocratie, répète-t-il, les plus vertueux gouvernent « par loix & justice, tendans au prouffit commun » ; en une oligarchie, au contraire, les gouvernants sont
coustumiers de tenir le party de leurs semblables en noblesse ou richesse, les favorisant tousjours, pressant tousjours & desprisant les paovres & infimes135.
53Suivant leurs affections propres et soutenant une partie des citoyens, les oligarques poursuivent un bien dont l’assise est plus large que celui recherché par le seul tyran. L’oligarchie demeure donc préférable à la tyrannie136. Mais un tel régime aboutit à la scission des citoyens en deux catégorie, les favorisés (nobles ou riches), et les déprisés ou oppressés (pauvres ou « infimes »). Ne parvenant pas à réaliser le bien commun recherché par tous, il échoue à conserver l’unité de l’État, comme souvent échouent les « Puissances des riches mediocres » et « Puissances populaires ».
II. « Puissance des riches médiocres » et « Puissance populaire »
54Autrefois appelée « censupotestas » par les Romains, « puissance des riches médiocres » constitue la tierce espèce de bonne et droite République, estime La Perrière. Se démarquant de la majorité des auteurs du premier XVIe siècle, qui se contentaient d’utiliser le terme par opposition à celui de principauté dans l’antagonisme entre le regnum et la respublica, ce dernier la qualifie également de « république », comme Aristote137. Il considère donc les deux réalités que recoupe à ses yeux le vocable, s’attachant à distinguer l’une de l’autre138.
55La première forme, simple, est celle en laquelle,
l’autorité de gouverner, est en la multitude de mediocres aymans & conservans l’estat de la cité en mediocrité. J’entens icy pour les mediocres, ceux qui tiennent le mylieu entre les riches & les paovres : entre les nobles & ignobles, que nous appellons vulgairement, & par mespris vilains : & qui ne sont par exuperance opulens, ne par trop d’indigence paovres (c’est à dire) ne du tout riches, ne du tout paovres, ne du tout eminens, ne du tout infimes139.
56Qualifiant ce régime de timocratique, Platon estimait qu’il faisait le lien entre aristocratie et oligarchie140 ; Aristote considérait qu’il aboutissait à la division des citoyens en trois espèces, riches, médiocres et pauvres (considérés en fonction de l’état de leur fortune), ou nobles, médiocres et infimes (distingués en fonction de la reconnaissance sociale attachée à leur statut)141. Se rattachant à la « commune théorie de tous les philosophes moraux », en réalité à la tradition grecque du juste milieu, La Perrière paraît s’en féliciter en se livrant à un éloge appuyé de « médiocrité »142. Favorable comme le Stagirite à un régime timocratique dans lequel la médiocrité relie les classes extrêmes de la société en évitant toute division, il se félicite même de la stabilité de cette « puissance des riches mediocres », laquelle,
combien qu’elle ne soit opulente & insigne, si elle est de tant plus tranquille & de longue durée, si elle se contient en sa médiocrité143.
57Remarquant comme ses prédécesseurs qu’un tel régime n’existe le plus souvent que dans le cadre étroit d’une petite cité, il ne saurait cependant en faire un modèle politique144.
58Son sentiment est identique à l’égard de l’« espece de gouvernement » directement contraire à la timocratie, dite « popularis potentia » ou « puissance populaire », en laquelle domine
le populaire (c’est à dire gens d’estat mechanique & infime au gouvernement), taschans non plus au prouffit publiq, mais au leur privé ou de leurs semblables145.
59Inspirés par les auteurs classiques, la plupart des humanistes n’accordaient que peu de crédit au « populaire » et aux « mechaniques », accolant ordinairement aux termes de foule ou de multitude des adjectifs péjoratifs, comme le fait Érasme146. La Perrière n’échappe pas aux préjugés de son temps. L’une de ses chroniques municipales évoque un populaire « plus monstrueux, variable et difforme à contenter que le mynotaure de Crette, par ce que communité est beste à plusieurs testes »147. Le Miroir Politique l’affirme « communement mal morigené, variable, mobile, soupçonneux, difficille à conduyre », ou encore, suivant Virgile et Claudien, « toujours schismatique et forclos de tout bon jugement et civilité »148. Platon le relevait, dénué du sens des choses, le populaire considère que la possession de richesse constitue le souverain bien. La Perrière conclut sans appel :
autant (voire plus difficille) seroit de nourrir le feu en l’eau que trouver bon jugement en un populaire149.
60Toutefois, suivant un paradoxe que l’on retrouve chez Machiavel150, il fait du peuple un élément essentiel du politique151. C’est avec soin que tout monarque doit prendre garde d’en conserver le respect et d’en rechercher l’amour. C’est par raison, et non par force, que les magistrats doivent le conduire, bien qu’il soit malhabile à recevoir des enseignements intellectuels, car « le chemin d’instruire un populaire par preceptes est long, & de l’instruire par exemple est bref & de plus grand efficace »152. Aussi, en dépit de l’insuffisance du populaire au gouvernement, la « puissance populaire » constitue-t-elle « le moins pire » de tous les régimes politiques dépravés153. En une telle République en effet, les magistrats « plebeyens », qui persécutent les nobles et les riches, favorisent les pauvres et infimes qui constituent la plus grande partie de la République154. Le gouvernement du peuple sert donc les intérêts du plus grand nombre. Injuste seulement pour une petite fraction de citoyens, la démocratie est moins inique que les régimes précédents. Pour autant, aboutissant à la réduction d’une hiérarchie qualitative au profit d’une unité quantitative, et, partant, à une sorte de justice commutative, elle n’en constitue pas moins une tyrannie d’une partie de la cité sur l’autre. Pour La Perrière, un tel régime, fondé sur la violence, ne saurait donc durer. Il observe d’ailleurs que les « puissances populaires », comme tous régimes dépravés, ont chu en extermination et ruine,
& ce d’autant qu’elles sont violentes, & nulle chose violente peut avoir longue durée, ou l’experience mentiroit, qui est maistresse des choses155.
61En dépit de ses qualités, la démocratie ne peut donc emporter sa pleine conviction.
62Mais il existe un autre régime lequel, compris sous le genre de « puissance des riches mediocres », porte le nom plus spécifique de République. Selon l’acception strictement aristotélicienne du terme, celui-ci se définit comme
un temperament de la puissance de peu de gens, et de gouvernement populaire, lesquelz deux gouvernemens sont especes de Republicque depravée [… ]156.
63En dépit de leur nature dépravée, ces deux espèces de régimes se combinent en une forme que l’auteur du Miroir Politicque ne peut s’empêcher de juger exemplaire. Certains magistrats y favorisent les riches et opulents ; d’autres privilégient les pauvres, c’est-à-dire les plus nombreux. Tous se préoccupent des intérêts de l’ensemble des citoyens. Ainsi la médiocrité se trouve-t-elle favorisée tandis que les fortunes et misères extrêmes se raréfient. Conquis, La Perrière célèbre cette réussite par une métaphore autrefois employée par Chritine de Pisan pour évoquer Venise :
comme de la lye de deux tonneaux de vin se fait un bon tartarum, & comme entre deux espines bien picquantes l’on cueillist une tresodorante rose : Semblablement de deux especes de Republicques depravées, comme Doligarchie & Dimocratie se cueillist ceste rose de Republique157.
Conclusion du chapitre I
64Pour n’avoir aucun projet républicain comparable à celui d’un Machiavel, La Perrière n’en demeure pas moins favorable aux formes de gouvernement respectueuses de l’ensemble des citoyens, et particulièrement du peuple158. Les formes simples commentées par le biais de l’« Arbre des Républiques » ne lui offrant pas suffisamment de garanties à cet égard, on le voit à plusieurs reprises faire l’éloge des formes composées de gouvernement. Appréciant qu’un élément aristocratique vienne tempérer un gouvernement monarchique, il célèbre avec transports l’union d’oligarchie et de démocratie, et préconise plus encore l’union de trois formes légales prônée par plusieurs traités qu’il avait consultés, la constitution mixte.
Notes de bas de page
1 Ibidem, p. 14.
2 Ibidem, p. 16.
3 Isidore de Séville (Étymologies, IX, 3 ; Sentences, III, 48, 7, col. 719), cité par L. Petris, La plume et la tribune, p. 79 note 48.
4 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 16 ; voir également p. 39.
5 « Les hommes ont moins d’hésitation à nuire à quelqu’un qui se fait aimer qu’à quelqu’un qui se fait craindre, parce que l’amour est maintenu par un lien d’obligation qui, les hommes étant méchants, est rompu par toute occasion de profit personnel ; mais la cruauté est maintenue par la peur du châtiment, qui ne vous abandonne jamais. […] Néanmoins, le prince doit se faire craindre de façon que, s’il n’acquiert pas l’amour, il fuie la haine ». N. Machiavel, Le prince, xvii, dans Œuvres, p. 152.
6 Voir supra, p. 39 note 127.
7 G. de La Perriere, Theatre des Bons Engins, e. XCII : « Prince qui veult que sa vertu fleuronne / Et que son bruict soit en tous lieux famé : / Pour asseurer son sceptre & sa coronne / Fault que des siens, il soit crainct, & aymé. / Par ce moyen sera bien reclamé, / Et des subiectz honoré, nuict et jour. / Le liepvre crainct, le chien ha grant amour, / Deux ennemys, ferme paix entretiennent. / Craincte, & amour tiennent roys en seiour. / Liepvres & chiens les corones sostiennent ».
8 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 17. Voir les épigrammes « Le prince procurant le salut de ses subjectz », et « La clemence du prince », dans A. Alciat, Toutes les emblemes de M. André Alciat, de nouveau translatez en françoys […]. Avec figures nouvelles […], Lyon, Guillaume Rouille, 1558 ; éd. fac-similé, Paris, 1989, p. 177-178 et 183 ; Aneau en a également fait un commentaire, s’en référant à César, magnifique et clément.
9 G. de La Perriere, ibidem, p. 16-17.
10 Comme chez Aristote, La Politique, III, 14, 1285 b, p. 238. Sur l’importance du thème chez les « mécontents » du royaume dans la seconde moitié du xvie siècle, A. Jouanna, « Un programme politique nobiliaire : les Mécontents et l’État », dans L’État et les aristocraties, xiie-xviie siècle, France, Angleterre, Écosse, éd. P. Contamine, 1989, p. 259.
11 Sur les fonctions normatives du roi de France voir notamment Renaissance du pouvoir législatif et genèse de l’État, dir. A. Gouron et A. Rigaudiere, Montpellier, 1988 ; M. Bastit, Naissance de la loi moderne. La pensée de la loi de saint Thomas à Suarez, Paris, 1990 ; S. Petit-Renaud, ‘‘Faire loy’’ au royaume de France de Philippe VI à Charles V, Paris, 2001.
12 Sur lesquelles voir notamment, pour la Renaissance, M. Reulos, « La notion de justice et l’activité administrative du roi en France (xve-xviie siècles) », dans Histoire comparée de l’administration, p. 33-46 ; Id., « La justice, attribut essentiel du roi de France au xvie siècle », dans Le juste et l’injuste à la Renaissance et à l’âge classique, dir. C. Lauvergnat-Gagnière et B. Yon, Saint-Étienne, 1986, p. 101-107.
13 Le thème serait apparu chez saint Thomas, J. Krynen, Idéal du Prince, p. 119, note 223. Sous le règne de Louis XII, de nombreux panégyriques l’ont popularisé, comme en témoignent les œuvres de Seyssel, et les figures de Grandgousier et de Gargantua. V.- L. Saulnier, « Rabelais et le populaire », Lettres d’humanité, 8 (1940), p. 142-143 ; J. Poujol dans C. de Seyssel, La Monarchie de France, p. 49 ; D. Le Fur, Louis XII, 1498- 1515. Un autre César, Paris, 2001 ; également A. Du Crest, Modèle familial, p. 83 sq. ; L. Avezou, « Louis XII père du peuple : grandeur et décadence d’un mythe politique, du xvie au xixe siècle », RH, 625 (janvier 2003), p. 95-125.
14 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 17.
15 Ibidem, p. 17.
16 Ibidem, p. 17. Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie débute par la discussion de cette assertion d’Homère : « D’avoir plusieurs seigneurs, aulcun bien je ne voy : qu’un sans plus soit le maistre, et qu’un seul soit le Roy ». L’auteur n’approfondit pas le débat, mais conclut ainsi : « À quoy si je voulois venir, encorres vouldrois-je sçavoir avant que mettre en doubte quel rang la Monarchie doibt avoir entre les Republicques, si elle y en doibt avoir aulcun, pource qu’il est malaisé de croire qu’il y ait rien de publicq en ce gouvernement où tout est à un », É. de La Boetie, Discours de la servitude volontaire, présenté par F. Bayard, Paris, 1992, p. 45-46.
17 G. de La Perriere, ibidem, p. 18.
18 Ibidem, p. 18. Voir infra, p. 129.
19 Ibidem, p. 18.
20 « ung homme seul comme je puis arbitrer et juger n’a jamais ne embrasse toutes les vertus ensemblement et doncques pource qu’en l’estat de la chose publicque sont plusieurs personnages chascun a et obtient quelque portion de vertu et prudence. Les hommes de cest estat commun sont comme collez et conglutinez ensemble, si que les citoyens bien unis par concorde ne sont seulement que ung seul homme parfaict qui d’ung engin multiplie resplendist et de recente memoire se refreschist […] ». Patrizi rapporte plus loin comment les Éphores institués par Théopompe ont assujeti à Sparte la puissance royale. F. Patrizi, Livre tres fructueux et utile à toutes personnes. De l’institution et administration de la chose publicque […], Paris, 1534, fol. ii-ii v. et lxxxi.
21 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 19.
22 Ibidem, p. 20.
23 Ibidem, p. 21.
24 Ibidem, p. 21.
25 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 39 « Au surplus, pour aultant que les princes, comme dit Plutarque philosophe et orateur grec, sont envers nous et ça {ba} bas en terre comme simulachres vrais et imaiges de Dieu, et que à iceulx sommmes tenuz d’obeir jouxte nostre faculté sans aulcunement disputer de leur pouvoir et aucthorité, comme dict l’apostre, d’aultant et pour raison que non sans cause Dieu très-bon et très-grand leur a baillé le sceptre pour regir et le glaive pour pugnir ». Sur le contexte de la citation, voir infra, p. 110.
26 Outre Virgile, La Perrière cite Varron, Collumelle, Palladius, Constantin César et d’autres ouvrages d’agriculture. Il ne mentionne ni les Pères (saint Jérôme ou saint Thomas - De regno, I, 2) ni le droit canon (In apibus, Décret de Gratien -C. 7, q. 1, c. 41), G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 21.
27 G. Contarini, Des magistratz, & republique de Venise, Paris, Galiot du Pré, 1544, fol. vii-vii v. ; fol. ix-x.
28 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 21-22 et également p. 37. Des idées similaires figurent chez L. Le Roy, De l’excellence du gouvernement royal, Paris, Frédéric Morel, 1575, fol. 4 v. sq.
29 A. Jouanna relève que le passage fut repris presque mot pour mot par Talpin (Institution d’un prince chrestien, 1567, fol. 8), Le Roy (La politique d’Aristote, 1576, p. 44), Du Haillan (1576, p. 3) et P. de La Primaudaye (Académie françoise, I, 1581, fol. 173 v.). A. Jouanna, L’idée de race, I, p. 464.
30 G. de La Perriere, Miroir politicque, p. 22.
31 Sur la nature du régime français, voir infra, p. 131 sq.
32 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. [C II v.-C III].
33 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 34, 46, 55-56, 62. L’auteur rend également hommage à Salomon dans plusieurs de ses manuscrits, évoquant notamment la sagesse du roi et le bon ordre de sa cour. G. de La Perriere, « À tres honnorez », fol. 2 v. : « Salomon, reputé le plus saige homme du monde, eust en sa court grand nombre de gens scavans, experimentez de bon conseil par lequel il acquist tel bruyct que la royne de Sabée vint de terre fort lontaigne pour ouyr sa sagesse ; comme c’est escript tant en la saincte escripture comme aux antiquictez du tresexcellent hystorien Jesephe ». Ses œuvres témoignent ainsi de la réhabilitation du roi que le Moyen Âge avait considéré de manière ambiguë, à la fois comme le bon juge mais aussi comme le prototype du monarque méchant, ayant échoué à transmettre à son fils Roboam un royaume stable. J. Le Goff, Saint Louis, Paris, 1996, p. 392 sq. ; P. Buc, L’ambiguïté du livre, p. 28-29 ; L. Scordia, ‘‘Le roi doit vivre du sien’’, p. 265 ; D. Menager, « Quelques aperçus sur le Jugement de Salomon (du Moyen Âge au xviie siècle) », dans Littérature et droit, p. 123-140.
34 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 66. Sur Côme de Médicis, N. Machiavel, Histoire de Florence, VII, ii-vii, dans Œuvres, p. 918-925.
35 J. Krynen, L’empire du roi, p. 139.
36 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 34.
37 Guillaume Benoît ou Claude de Seyssel avaient pris le temps de la discussion. P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 340 sq. ; C. de Seyssel, La Monarchie de France, p. 112-113.
38 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 34.
39 Ibidem, p. 34-35.
40 Jean de Salisbury le prétend (Policraticus, IV, 11 et 12), arguant du fait que Saül et ses trois fils ont péri dans la bataille de Gelboé contre les Philistins (I Samuel, xxxi) et que ni Alexandre ni César n’ont eu de descendance. J. Le Goff, Saint Louis, p. 91 ; également J. Krynen, « Princeps pugnat pro legibus... Un aspect du Policraticus », dans Droit romain, ‘‘Jus Civile’’ et Droit français, p. 91-99.
41 A. Jouanna, L’idée de race, I, p. 110, cite par exemple cet extrait de Le Caron (Questions diverses et discours, 1579, XIV, p. 83 v.) : « Aux Roys, Princes et grands Seigneurs, lesquelz sur-passent d’autant plus les plus excellens hommes, que plus ils excellent entre les autres, qui doivent servir, y a une semence naturelle, qui les rend digne de gouverner : laquelle par succession descend aux enfans, et les fait héritiers de ceste mesme excellence, qui est appellée noblesse ».
42 P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 332. Sur le thème de l’élection dans la pensée politique de la fin du xvie siècle, R. A. Jackson, « Elective Kingship and consensus populi in Sixteenth Century France », JMH, 44/2 (juin 1972), p. 155-171.
43 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 34 ; B. Tierney, Religion et droit, p. 72.
44 Sur ces arguments avancés notamment par Pierre d’Auvergne, J. E. Blythe, Ideal Government and the Mixed Constitution in the Middle Ages, Princeton, 1992, p. 85 ; C. de Seyssel, Prohème en la translation d’Appien, et La Monarchie de France, p. 80-81, 111, 114-115 ; L. Le Roy, De l’excellence, fol. 25 sq., « Comment il est meilleur que le royaume de France soit hereditaire qu’electif… ».
45 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 35. L’argument se retrouve chez L. Le Roy, ibidem, fol. 30 sq.
46 Quel contre-exemple, en effet, que l’Angleterre, comme le montre M.-B. Bruguiere, « La fin de la légitimité dynastique dans l’Angleterre des deux roses, 1399-1485 » dans Prendre le pouvoir : force et légitimité, EHDIP, 6 (2002), dir. M.-B. Bruguière, p. 45-100. La complexité et la violence de la succession au trône anglais avaient pu inciter Thomas More à choisir pour son Utopia un système électif. P. Mesnard, L’essor de la philosophie politique, p. 147 ; F. Lessay, « Le Prince d’Utopie : remarques sur une absence » dans Thomas More, Utopia : Nouvelles perspectives critiques, éd. J.-M. Maguin et C. Whitworth, Montpellier, 1999, p. 51- 70.
47 Il ne fait pas non plus allusion au mode d’élection des capitouls, sur lequel voir, dernièrement, M. Taillefer, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, [Paris], 2000, p. 60 sq.
48 Sur la candidature du roi de France au trône impérial, J.-M. Carbasse, G. Leyte, L’État royal, xiie-xviiie siècle. Une anthologie, Paris, 2004, p. 34 sq.
49 G. de La Perriere, Miroir politicque, p. 35-36.
50 Ibidem, p. 88.
51 Ibidem, p. 35.
52 On trouve cette distinction chez Platon (République, VIII, IX) ; Aristote (Politique, III, 14, 1285 a ; V, 10, 1311 a ; V, 11, 1314 a), Cicéron, République (II, xxvi, 47-48), Sénèque (De clementia, III, 10). On la retrouve chez Bartole, Marsile de Padoue, Salutati, Machiavel, Érasme et Buchanan. D. Quaglioni, « Intorno al testo del Tractatus de tyrannia di Bartolo di Sassoferrato », Il Pensiero politico, 10 (1977), p. 268-284 ; Id., Politica e diritto nel trecento italiano. Il De tyranno di Bartolo da Sassoferatto (1314-1357). Con l’edizione critica dei trattati De Guelphis et Gebellinis, De regimine civitatis e De tyranno, Rome, 1983 ; J. Quillet, « Tyrannie et Tyrannicide dans la pensée politique médiévale tardive (xive-xve siècles) », La tyrannie, Actes du colloque de mai 1984, CPPJUC, 6 (1984), p. 61-73 ; C. Ferradou, Traduction et commentaire des deux tragédies sacrées de George Buchanan, Jephté et Baptiste, Thèse Lettres, Université Toulouse-Le Mirail, novembre 2001, p. 467.
53 G. de La Perriere, Miroir politicque, p. 37 ; J. Bodin, Les six livres, II, 4, p. 55 sq. : « La Monarchie Tyrannique, est celle où le Monarque foulant aux pieds les loix de nature, abuse de la liberté des francs sujects, comme de ses esclaves, et des biens d’autruy, comme des siens ».
54 La Perrière ne donne aucun exemple d’impiété ni envers les dieux ni envers la famille, vices qui stigmatisent également la tyrannie pour les auteurs latins. L. Jerphagon, « Que le tyran est contre nature. Sur quelques clichés de l’historiographie romaine », La tyrannie, Actes du colloque de mai 1984, p. 39-60.
55 G. de La Perriere, Miroir politicque, p. 37.
56 G. de La Perriere, Morosophie, e. 30. La pièce latine se trouve bien plus explicite sur la question du tyrannicide que la version française. Néanmoins, cette dernière, plus suggestive, donne le point de vue intime du tyran : « Qui sapor est dapibiu ?quae fercula gratapalato, / Si gladius pendens immineat capiti ? / Vita tyrannorum simili discrimine pendet, / Quorum finitur (non nisi morte) metiu » ; traduit par La Perrière « En ce festin de manger n’aye envie, / Ne de gaudir (tout ainsi beau qu’il est) / Lors que je pense & cognoys que ma vie / Seulement tient, & depend d’un filet ».
57 G. de LA Perriere, Miroir politicque, p. 38.
58 Ibidem, p. 38. Sur l’œuvre de Lucien (Pro tyrannicida declamatio, Bâle, 1521), traduite par More et Érasme, A. Jolidon, « Thomas More et Érasme traducteurs du Tyrannicide (1506) », dans Thomas More 1477-1977, Colloque international tenu en novembre 1977, Bruxelles, 1980, p. 39-89.
59 Sur le conseil, voir infra, p. 289 sq.
60 L’emploi du terme de majesté est ici à relever. C’est au xvie siècle en effet que la titulature officielle du roi enregistre le terme, qui est pour Bodin l’équivalent de la souveraineté. R. E. Giesey, Le Roi ; Id., Cérémonial et puissance, p. 56 sq.
61 G. de La Perriere, Miroir politicque, p. 39.
62 Voir les points de vue contradictoires sur la question de P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 336 et de D. Quaglioni, « Tirannide e tirannicidio nel tardo cinquecento francese : la Anacephalaeosis di Pierre Grégoire detto il tolosano (1540-1597) », Il Pensiero Politico, 16/3 (1983), p. 341-356 ou de M. Isnardi Parente, « Jean Bodin su tirannide e signoria nella République », dans La République di Jean Bodin. Atti del Convegno di Perugia, 14-15 nov 1980. Il pensiero politico, 14 (1981), p. 61-77.
63 Comme Pierre Le Chantre, P. Buc, L’ambiguïté du Livre, p. 205.
64 Le Concile de Constance avait condamné la proposition « Quilibet tyrannus potest et debet licite et meritorie occidi » dans sa quinzième session, A. Coville, Jean Petit. La question du tyrannicide au xve siècle, Paris, 1932. Voir infra.
65 G. de La Perriere, Miroir politicque, p. 38, 39.
66 Voir infra.
67 P. Boucheron, « De la cruauté comme principe de gouvernement. Les Princes « scélérats » en Italie du Nord à la fin du Moyen Âge », dans Images européennes du pouvoir. Actes du colloque international organisé par le LAPRIL (Université de Bordeaux III), éd. J.- L. Cabanès, Cl.-G. Dubois, Toulouse, 1995, p. 119-130.
68 Quand saint Thomas, au contraire, avait su établir entre les deux régimes un espace médian infranchissable. M. senellart, Les arts de gouverner, p. 172.
69 En 1514, Érasme traduit en latin le traité de Plutarque Cum principibus maxime philosophum debere disputare, dans lequel est développée l’image du roi fontaine à laquelle boit le peuple et que le flatteur empoisonne par des paroles corruptrices. Plus tard, il traduit le De amico ab adulatores discernando de Plutarque. Le thème de la flatterie est aussi évoqué dans les Adages et dans la correspondance. D. Érasme, Opera Omnia recognita et adnotationes critica instructa notisque illustrata, II, t. 1, Adagiorum chilias prima, éd. M. L. Can Poll-van de Lisdonk, M. Mann Phillips, Chr. Robinson, Amsterdam-Londres-New-York-Tokyo, 1993, I.ii.14, « Malum consilium, consultori pesimum », p. 226-228, inspiré par Aulu-Gelle (Nuits attiques, IV, 5, 6, référence à la statue d’Horatius Coclès) et Varron (De re rustica, III, 2, I) ; D. Érasme, La Correspondance, vol. I (1484-1514), lettre 150 à Antoine de Luxembourg, Paris, 16 mars [1501], p. 330. Sur la littérature anti-curiale au Moyen Âge, voir par exemple Gilles De Rome, Le mirouer exemplaire et tresfructueuse instruction […] du regime et gouvernement des Roys princes et grandz seigneurs qui sont, chef, colomne et vraiz pilliers de la chose publicque et de toutes monarchies […], [Paris], [1516], « De l’ambition des curiaux et officiers », chapitre XIII ; « De la adulation ou flaterie mensongiere », chapitre XX. L. Harf, « L’Enfer de la Cour : la cour d’henri II Plantagenet et la mesnie Hellequin », dans L’État et les aristocraties, p. 27-50 ; et dans le même opus, F. Autrand, « De l’Enfer au Purgatoire : la cour à travers quelques textes français du milieu du xive à la fin du xve siècle », p. 51-77.
70 « Qui pourroit (Ô bon Dieu) suffisamment descripre ne condignement denombrer les execrables maulx et horribles malefices qui sortent de flatterie mesmement quand elle habite aulx palaix royaulx et triclines des princes : n’est-ce pas flaterie la quelle faict ouvrir les portes des dignitez aulx ydiotz et ignorantz et ycelles clorre aux scavantz et litterez ; n’est-ce pas celle mesme furie infernalle que faict preferer le bien privé au publicque et que faict repputer mensonge pour verité, tyrannie pour justice, vice pour vertu, et asnerie pour Doctrine […] ». G. de LA Perriere, « À Gratian Du Pont », dans G. Du Pont, Les Controverses, fol. [C iv v].
71 G. de La Perriere, Theatre des bons engins, e. XXXXII, XXXXV, LIIII, LXXIII, XCIIII. Alciat les compare au caméléon, dans A. Alciat, Toutes les emblemes, « Contre les flateurs », p. 77-78.
72 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. [B iii v.].
73 Le De amico ab adulatores discernando de Plutarque est traduit en français pour la première fois par François Sauvaige en 1520. C’est du latin d’Érasme qu’Antoine Du Saix tire sa version française, De l’ami et du flatteur (s.l.n.d.) réédité à Lyon en 1537. R. AULOTTE, Amyot et Plutarque. La tradition des Moralia au xvie siècle, Genève, 1965.
74 Le texte se trouve en majuscule dans l’édition originale, G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. [B iv v.-C i].
75 N. Le Roux, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, 2000.
76 Les problèmes posés par les mauvais conseillers n’avaient échappé à aucun de ses contemporains, voir notamment N. Machiavel, Le Prince¸ ch. XXII, XXIII ; A. Alciat, « Les conseillers des princes », dans Toutes les emblemes, p. 182 ; J. Bodin, La République, III, 1 ; Voir également S. Junius Brutus et I. Gentillet ; N. Cazauran, Le roi exemplaire dans quelques pamphlets réformés (1560-1585), Strasbourg, 1984, p. 185-200 ; C. Ferradou, Traduction et commentaire, II, p. 452 note 1342.
77 La correspondance d’Érasme montre à quel point il croyait en cette conversion, rendue possible à la fois par les panégyriques et par des discours plus sévères. Les éloges, écrit-il, fournissent aux princes une sorte d’image du monarque parfait, les font réfléchir en silence, « reconnaissant en quoi ils s’éloignent de ce portrait du prince idéal, et qu’ils apprennent, sans que leur susceptibilité ait été blessée, quel défaut ils ont à corriger, de quelle qualité ils ont à faire preuve, afin que par une même méthode deux résultats soient obtenus : que les bons princes reconnaissent ce qu’ils font, les mauvais ce qu’ils devraient faire ». Il exprime la même idée en 1504, mais se montre sceptique sur l’humilité dont peuvent faire preuve les princes à l’écoute de sévères critiques : « Peux-tu croire les rois nés ou élevés de telle sorte qu’on puisse leur proposer les fameux axiomes des stoïciens et les aboiements des cyniques ? Oui, si c’est pour les faire éclater de rire ou les irriter encore davantage. Une âme généreuse, combien il vaut mieux la conduire que la contraindre ! Combien on la guérit mieux par les caresses que par les injures ! Existe-t-il une façon de persuader plus efficace, les gens sages en ont-ils jamais employé une autre, que d’attribuer largement les belles choses vers lesquelles ils cherchent à attirer ? N’est-il pas vrai que la « vertu grandit à s’entendre louer et que la gloire est un puissant aiguillon ? » [Perse, 3, 38] ». D. Érasme, La Correspondance, vol. I, lettre 93 à Adolphe, prince de Veere, Paris, [mars ?] 1499 ; lettre 180 à Jean Demarez, Anvers, [février 1504], p. 201, 373 sq. ; voir également F. de Michelis Pintacuda, « L’Institutio principis christiani di Erasmo da Rotterdam », MEFR, Moyen Âge-Temps modernes, 99/1 (1987), p. 269 sq. Ceci dit, Érasme voulait encore croire en la possibilité d’instruire les princes par la plus dure franchise : « Pourquoi donc les médecins ont-ils recours à des remèdes amers et pourquoi mettent-ils la hierapicra au rang des remèdes souverains ? L’apôtre exige que les vices soient traqués par tous les moyens et toi, tu veux qu’on ne touche à aucune plaie ? […] Et ne voyons-nous pas quelle est parfois, même sur les cruels tyrans, la puissance d’un mot d’esprit bien approprié et dit au moment voulu ? ». D. Érasme, ibidem, vol. II : (1514-1517), éd. M. A. Nauwelaerts, Bruxelles, 1974, lettre 337 à Martin Dorp, Anvers, [mai] 1515, p. 110 sq.
78 Hythlodée estime inutile de consacrer sa vie à conseiller les princes, qui sont davantages préoccupés d’acquérir de nouveaux royaumes que de bien administrer leurs héritages. Considérant qu’ils sont sourds aux avis d’autrui et sous influence des flatteurs, il affirme que « la philosophie n’a pas d’accès auprès des princes ». Aux sages de s’abstenir de politique : la fin tragique de Thomas More a donné raison à ce scepticisme. T. More, L’Utopie, p. 15-16, 39-51. Sur l’optimisme d’autres humanistes, Q. Skinner, Les fondements, p. 305-308.
79 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. [C ii-C ii v.]. On comprend mieux qu’il fasse une interprétation vague de la théorie du philosophe-roi. Voir sa « Chronique 216 », p. 40, le Miroir Politicque, p. 29. Sur le thème platonicien, Platon, La République, V, 473 c-d et VII, 540 e-541 a, dans Œuvres complètes, I, 1950, p. 1052, 1138 ; R. Lebegue, « La Politique de Platon et la Renaissance », Lettres d’Humanité, 2 (1943), p. 141-165 ; J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 82 sq.
80 G. de La Perriere, « À Tres honnorez », fol. 2. Voir infra, p. 289 sq.
81 G. de La Perriere, Morosophie, e. 88 : « Pourquoy Consus tout seul entre les Dieux / Se tient caché, & tousjours au couvert ? / C’est que tout Roy doit estre curieux, / Que son conseil ne soit point découvert ». L’emblème « Non vulgando Consilia » (Emblemata, 1531, 8) avait été inspiré à Alciat par Rome. Le jurisconsulte s’en réfère au minotaure servant d’enseigne de guerre aux Romains. L’idée de conserver les conseils secrets est présente chez Pompée (De verborum significatione), Végèce (De re militari, III, 6), Pline le Vieux (Hist. Nat., X, 16). M. A. de Angelis, Gli Emblemi di Andrea Aciato della edizione Steyner de 1531 : fonti e simbologie, Salerme, 1984, p. 79. À la Renaissance, le principe est admis par Machiavel et Montaigne, lequel affirme qu’« au temple de Pallas », certains mystères peuvent seulement être montrés à ceux qui en sont profès. M. de Montaigne, Essais, III, 10, p. 218 ; T. Berns, Violence de la loi, p. 371.
82 « Ainsi qu’aux Cieux nous voyons le Soleil / Representer de Dieu le grand ouvrage : / Semblablement, Roy usant de conseil / En ce monde est de Dieu le vray image », G. de La Perriere, Morosophie, e. 63.
83 Ibidem, e. 18, également e. 40.
84 Ibidem, e. 45, 59, 66, 95 et notamment le n. 49, illustré par un âne surgissant de la fenêtre d’un palais, tandis qu’à l’extérieur, une chouette veille, posée au sol : « Puys qu’aux chasteaux des Princes & palays, / L’on voit pomper ceste grand beste immonde : / Et les savans des honneurs reculez, / Qu’attendons-nous sors que la fin du monde ? ».
85 Saint Thomas d’Aquin, Gilles de Rome, Guillaume d’Ockham et Oresme affirment qu’un roi gouvernant sans conseil est un tyran. Sur l’importance de la thématique au Moyen Âge, D. M. Bell, L’idéal éthique ; J. Krynen, Idéal du Prince, p. 144 sq. ; J. E. Blythe, Ideal Government, p. 39-59, 72, 181-185, 232. Sur son traitement par Alciat, Budé, Hotman, A. Alciat, Toutes les emblemes, « In senatum boni principis », « Les conseillers du Prince », p. 177-183 (emblème déjà présent en 1531, n. 60) ; G. Bude, De L’institution du Prince, p. 42 ; F. Hotman, Franco-Gallia, trad. fr. de 1574, éd. A. Leca, Marseille, 1991, p. 11-12 ; et sur cette dernière œuvre, A. Leca, « Les droits du peuple dans la Franco-Gallia de F. Hotman (1573-1600) », RRJ, 1992-1, p. 277-290.
86 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 37.
87 Ibidem, p. 38.
88 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. [C iii v sq.].
89 La Perrière cite Plutarque (Vie de Sylla) et renvoie au poète Serenus, ibidem, fol. LX.
90 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 64, suivant Plutarque (Vies de César, Vie de Pompée), Lucain (Pharsale) et d’« autres bons autheurs ». L’exemple de César et de Pompée, présent chez Cicéron, avait servi au Moyen Âge les théoriciens favorables au tyrannicide, Jean de Salisbury, saint Thomas d’Aquin et Jean Petit. L’humaniste avait pu également le trouver chez Machiavel, identifiant César au tyran et voyant dans sa dictature les prémisses de la ruine de la liberté républicaine. C. Bruschi, « La dictature romaine dans l’histoire des idées politiques de Machiavel à la Révolution française », dans État et pouvoir, p. 221-240 ; réédité dans L’influence de l’antiquité, p. 195-218.
91 G. de La Perriere, ibidem, p. 102.
92 Différents passages sont consacrés aux Gaulois, à la ville de Dreux et à leurs écoles. G. de La Perriere, « Chronique 216 », p. 40 et Miroir politicque, p. 102, précisant que la disparition des druides est survenue sous le règne de Claude et non de Tibère, ce qu’il rectifie d’après l’autorité de Suétone (« Tranquille »), en commentant le début d’un édit ayant induit Pline en erreur, « Tiberius Claudius Caesar, Pius, Germanicus, Tribunitiae potestatis […] » ; voir également « Guillaume de La Perriere, Tolozain, au benin lecteur, salut », dans J. de Joinville, Histoire et chronique du treschrestien roy sainct Loys, 1595, fol. [*6 V]. Sur les victoires militaires des Gaulois, la prise de Rome, le siège du Capitole, et le meurtre des sénateurs. La Perrière participe du courant nationaliste visant à l’élaboration d’une histoire apologétique des Gaulois, suivant Aristote (qui voyait dans les druides les premiers philosophes et dans la Gaule l’institutrice de la Grèce), Ammien Marcellin, Diodore de Sicile, Pomponius Mela, Cicéron, César, Strabon, Ausone, Martial ou Sidonius. C.-G. Dubois, Celtes et Gaulois au xvie siècle. Le développement littéraire d’un mythe nationaliste. Avec l’édition critique d’un traité inédit de Guillaume Postel, Paris, 1972 ; Id., La conception de l’histoire en France au xvie siècle (1560-1610), Paris, 1977.
93 Dès le milieu du xve siècle, les origines troyennes étaient rejetées en Italie. L’historiographie allemande prit progressivement le parti de l’origine germanique des Francs, à l’instar de Bebel (Oratio de Germaniae Laudibus, 1504), Trithemius (Compendium sive breviarum primi voluminis Annalium sive historiarum de origine regum et gentis Francorum, 1515), Rhenanus (Rerum Germanicarum libri tres, 1531), Peutinger (De Mirandis Germaniae antiquitatibus, sermones conviviali, 1530). En France, quelques auteurs commencèrent de se montrer sceptiques, tels Pierre Desgros, Jean Candida ou Robert Gaguin, mais les Illustrations de Gaule et singularitez de Troye de Jean Lemaire de Belges (1510) donnèrent une nouvelle vigueur au mythe troyen. Celui-ci était encore vivace chez Bertrand, Bouchet, Corrozet ou Grassaille. Au milieu du xvie siècle néanmoins, le mythe se trouvait bel et bien ébranlé. En 1539, Du Moulin fait quelques concessions à la thèse germanique ; La Perrière suit Trithemius dans le Miroir Politicque (p. 90) ; Du Tillet se montre à son tour sceptique et Ronsard, écrivant la Franciade, savait sans doute que la légende était controversée, sans chercher à approfondir la question. Bodin cependant niait l’origine germanique des Francs. Ce furent Hotman et Du Tillet, en 1573 et 1578, qui donnèrent plus d’éclat à la thèse germanique. G. Huppert, L’idée de l’histoire parfaite, Paris, 1973, notamment p. 77-92 ; A. Jouanna, L’idée de race, p. 775 sq. ; J. Krynen, Idéal du Prince, p. 245-251 ; C. Beaune, Naissance de la nation France, Paris, 1985, p. 25-74 ; R. E. Asher, National Myths in Renaissance France. Francus, Samothes and the Druids, Édimbourg, 1993 ; M.-B. Bruguiere, « Mythes de fondation et mission de la France : la légende troyenne », dans L’influence de l’antiquité, p. 51-75.
94 Les Goths et Ostroghts ayant assailli Rome du temps d’« Archadimus et Honorius », tuèrent nombre de Romains puis brûlèrent toutes les librairies grecques et latines qu’ils purent trouver, ayant compris « qu’une republicque ne peult estre ruynée tant que les armes seront acompaignées des lectres ». G. de La Perriere, « Chronique 227 (1550-1551) », p. 131 ; sur la conquête romaine ou les invasions barbares, aussi « Catalogue et Summaire », fol. xxv v. ; Miroir Politicque, p. 175.
95 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 107 ; Du Tillet, qui commence sa généalogie royale française avec Pharamond, se contente de dire que c’est « en ce temps » que fut faite la loi salique, J. Du Tillet, La chronique des roys de France, et des cas memorables advenuz depuis Pharamond, jusques au Roy Henry second du nom, selon l’ordre du temps et supputation des ans continuez, jusques en l’an mil cinq centz cinquante et un, Rouen, Jean Petit pour Martin Le Mesgissier, 1551, f. [i]. Du Moulin estime pour sa part que la loi du royaume procède d’un accord intervenu entre le peuple et le premier de la dynastie. J.- L. Thireau, Charles du Moulin, p. 266. Voir également sur la loi salique, l’étrange œuvre de G. Postel, La Loy salique, livret de la premiere humaine verité, là où sont en brief Les Origines & Auctoritez de la Loy Gallique nommée communement Salique, pour monstrer à quel poinct fauldra necessairement en la Gallique Republique venir : et que De ladicte Republique sortira un Monarche temporel, Paris, en la rue S. Jacques aux cicongnes, 1552.
96 G. de La Perriere, « Chronique 225 (1548-1549) », p. 98 ; Miroir Politicque, p. 105.
97 G. de La Perriere, « Chronique 225 (1548-1549) », p. 98 ; préface à J. de Joinville, Histoire et chronique du treschrestien roy sainct Loys, fol. [*6-*7] ; Miroir Politicque, p. 90.
98 « trente cinquieme et premier de nation Françoyse, Roy de France », selon J. Du Tillet, La chronique, f. [xxxv].
99 Godrefroy de Bouillon est loué dans cette même préface, J. de Joinville, ibidem, fol. [*6 v.-7] ; les princes de Foix, et notamment Gaston Phébus, dans les Annalles de Foix, fol. xlviii-xlviii v.
100 Préface à J. de Joinville, ibidem, fol. [*8-*8 v.]. L’Histoire et chronique du treschrestien roy sainct Loys présente une image royale délibérément augustiniste, celle d’un roi en quête de paix, de justice, d’ordre, de modération et d’humilité. Antoine Pierre, préférant l’image de la simplicité d’un roi pauvrement vêtu, n’hésitant ni à s’asseoir par terre ni à laver les pieds des pauvres, n’adjoint pas à son texte les vocables savants de la royauté en majesté. Le public y fut sensible : tout au long du xvie siècle, son édition connut un vif succès, étant réimprimée en 1561, 1595, 1596 et 1609. Voir D. Boutet, « Y a-t-il une idéologie royale dans la Vie de Saint Louis de Joinville ? », dans Le prince et son historien, p. 71-99.
101 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. xxiii v.
102 Sur les ouvrages de Vivaldi (Tractatus de laudibus ac triumphis trium liliorum que in scuto regis christianissimi figurantur, dans l’Opus regale, Saluces, 1507 ; Lyon, 1512 ; Paris, 1608), Cotereau (Mémoriales cédules de la céleste et divine investiture de France, BnF, ms. 5207), et Thenaud (Traité de la kabbale chrétienne, v. 1520, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 5061), voir A.-M. Lecoq, « La symbolique de l’État. Les images de la monarchie des premiers Valois à Louis XIV », dans Les lieux de mémoire, P. Nora dir., II : La nation, 2, Paris, 1986, p. 162-163 ; sur les légendes royales, J. Krynen, Idéal du Prince, p. 205-277 ; J. Poujol, L’évolution et l’influence, notamment p. 110-133, 229-261 ; E. Sciacca, « Ferrault, Chasseneux et Grassaille », p. 703-705.
103 G. de La Perriere, Annalles de Foix, fol. lxi v. ; sur Jeanne d’Arc, voir aussi le Miroir Politicque, p. 159 ; sur l’onction, les Considérations des Quatre Mondes, I, c. LXVII : « Le nom de Christ, en Grecque diction, / (Qui vaut autant comme en nostre langage, / Oingt). Nous disons aussi telle unction, / D’estat royal porter le tesmoignage ».
104 J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 336 ; G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique, p. 225 note 1, 226 ; C. Beaune, « Les théoriciens français contestataires du sacre au xve siècle », dans Le sacre des rois, Actes du colloque international d’histoire sur les sacres et couronnements royaux (Reims, 1975), Paris, 1985, p. 233-241 ; P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 286-287, 305-320. Charles Du Moulin accomplit l’exploit de retracer l’histoire de la royauté française depuis Pharamond sans dire un seul mot du « sacrement de Reims ». J.-L. Thireau, Charles Du Moulin, p. 223.
105 La Boétie fait précéder les piques qu’il décoche aux miracles français par l’évocation de la « belle bourde » selon laquelle les Épirotes croyaient fermement que le gros doigt d’un pied de Pyrrhus faisait des miracles et guérissait de la rate. É. de La Boetie, Discours de la servitude volontaire, p. 69 sq. Les doctrinaires de Pont-à-Mousson auraient à nouveau ces thèmes à cœur, C. Collot, L’école doctrinale, p. 283 sq.
106 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 17, 23.
107 Faut-il les rappeler ? La candidature infructueuse de François Ier au trône impérial avait entraîné des luttes quasi-permanentes avec l’Espagne. La possession du royaume de Naples, le contrôle de Milan et de Gênes, la captivité de François Ier, les polémiques anti-papales avaient remis ces thèses à l’honneur et justifié, en 1526, la publication par Jacques Bonaud de Sauset des traités de Jean de Terrevermeille (Contra Rebelles suorum regum, cum postillis Jacobi Bonaudi de Sauseto […], Lyon, Jean Crispin, 1526) ; A. Lemaire, Les lois fondamentales de la monarchie française et d’après les théoriciens de l’Ancien Régime, Paris, 1907, p. 56 sq. Les travaux de restitution textuelle effectués par les humanistes attiraient aussi l’attention sur le droit impérial. Alciat et Budé avaient fait école. J. Poujol, L’évolution et l’influence, p. 68 ; V. Piano Mortari, Diritto, Logica Metodo nel secolo XVI, Naples, 1978, p. 61 sq.
108 Balde en avait établi une liste, reprise vers 1450 dans les Miranda de laudibus Franciae, regalia et privilegia de Bernard de Rosier. On retrouvait de tels catalogues chez Guillaume Benoît, Étienne Aufréri (Repetitio Clementinae primae, Lyon, 1502, sous le titre Decisiones Cappellae Tholosanae), Jean de Selve (Tractatus de beneficio, Paris, 1504), Jean Ferrault (Tractatus cum jucundus, tum maxime utilis, jura seu privilegia aliqua regni franciae continens […], dans Grassaille, Regalium Franciae libri duo, Poncet Le Preux, 1545) ou Vincent Cigault (Allegationes super bello italico, Paris, 1512, réédité sous le titre de Tractatus singularis super bello italico, Lyon, 1513 et augmenté sous celui de Opus laudabile et aureum, Lyon, 1516). P. Arabeyre, « La France et son gouvernement », p. 291-326 ; G. Leyte, « Charles de Grassaille et la monarchie française », dans Pensée politique et droit. Actes du colloque de Strasbourg (11-12 septembre 1997), Aix-en-Provence, 2000, p. 315- 326 ; P. Arabeyre, Les idées politiques, p. 372. Témoigne également du genre G. Postel, Les raisons de la monarchie et quelz moyens sont necessaires pour y parvenir, là où sont comprins en brief Les tresadmirables, & de nul jusques au jourd’huy tout ensemble considerez Privileges & Droictz, tant Divins, Celestes, comme humains de la gent Gallicque, & des Princes par icelle esleuz, & approvez, Paris, s. n., 1551.
109 Grassaille et Chasseneuz cités par J. H. Franklin, Jean Bodin et la naissance de la théorie absolutiste, Paris, 1993, p. 14. Des expressions similaires étaient employées pour évoquer la dignité royale en général, comme chez J. Breche, Manuel royal, ou Opuscules de la doctrine et condition du prince […], Tours, Mathieu Chercelé, 1541, fol. [D iii-iii v.].
110 Peut-être est-ce un écho aux problématiques mises en avant par A. Boureau, Le simple corps du roi, 1988.
111 J. Du Bellay, Les Regrets. Les antiquités de Rome. Défence et illustration de la langue française, Paris, 1967, p. 196, sonnet 191. Sur les parallèles et l’identification du roi à Dieu, J. Ceard, « Les visages de la royauté en France à la Renaissance », dans Les monarchies, E. Le Roy Ladurie dir., Paris, 1986, p. 73-89 ; A.-M. Lecoq, « La symbolique de l’État. Les images de la monarchie des premiers Valois à Louis XIV », dans Les lieux de mémoire, P. Nora dir., II : La nation, 2, Paris, 1986, p. 173 sq. ; A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi, p. 35-36.
112 M.-F. Renoux-Zagame, « Du juge-prêtre au roi-idole. Droit divin et constitution de l’État dans la pensée juridique française à l’aube des temps modernes », dans Le droit entre laïcisation et néo-sacralisation, dir. J.-L. Thireau, Paris, 1997, p. 143-186.
113 G. de La Perriere, Morosophie, e. 63, cité supra, p. 101 note 82.
114 Préface de Guillaume de La Perrière à J. de Joinville, ibidem, fol. [*6], cité supra.
115 SCDT1, ms. 1, « Oraison à monsieur le grand maistre gouverneur de Languedoc qui entra le premier en juillet », fol. 169.
116 Voir supra, p. 22.
117 G. de La Perriere, « Guillaume de La Perrière, tolozain, au benin lecteur, salut », dans J. de Joinville, L’Histoire et chronique, Genève, Jacques Chouët, 1596, fol. [*6].
118 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 152 (Charles VI), p. 68 et 159 (Charles VII), p. 59, 68-69 (Louis XI), p. 51 (Charles VIII), p. 46 (Louis XII), p. 63-64 (François Ier), p. 64 (Henri II).
119 Ibidem, p. 69. Cette vision ambiguë de Louis XI est probablement influencée par la lecture de Commynes. Jean Du Tillet, lecteur de ce dernier, est plus encore enthousiasmé par Louis XI, jugeant que « s’il n’eust esté prevenu de la mort, il eust esté cause de grandes utilitez en France ». J. Du Tillet, La chronique, f. [xciii-xciiii]. La génération suivante se montra plus critique, avant que n’ait lieu, à la faveur du tacitisme de la fin du xvie siècle, un nouveau revirement chez Botero ou Ammirato. A. E. Bakos, « The Historical Reputation of Louis XI in Political Theory and Polemic During the French Religious Wars », The Sixteenth Century Journal, 21/1 (1990), p. 3-32 ; Id., Images of Kingship in Early Modern France : Louis XI in Political Thought, 1560-1789, Londres, 1997 ; T. Maissen, « Le ‘‘commynisme’’ : Louis XI héros de la Contre-Réforme », BHR, 58 (1996), p. 313-349. Sur la guerre du Bien Public, J. Krynen, « Louis XI perd le pouvoir », dans Prendre le pouvoir : force et légitimité, p. 101- 117.
120 G. de La Perriere, ibidem, p. 64. François Ier avait supplanté Charles V dans le rôle du roi père des lettres françaises, mais certains auteurs (tels Du Tillet) le reconnaissaient encore comme un roi sage, « grand amateur des lettres ». C. Richter Sherman, « Representations of Charles V of France (1338-1380) as a wise ruler », Medievalia et Humanistica, n. s., 2 (1971), p. 83-96 ; J. Krynen, Idéal du Prince, p. 92 sq. ; J. Du Tillet, La chronique, f. [lxxvii v.]. L’éloge rendu par La Perrière à François Ier est bien réservé au regard de ceux que lui rendaient certains de ses contemporains, le présentant comme un surhomme, un prince habilité par la grâce du saint-Esprit, un monarque messianique ou un roi christique œuvrant tant à la renovatio Ecclesie qu’à la renovatio Imperii ou à la restitutio Litterarum. Voir à titre d’exemple les œuvres d’É. Dolet, Les Gestes de Francoys de Valois Roy de France, Lyon, É. Dolet, 1540 ; J. Bodin, Oratio de instituenda in repub. Juventute, p. 34 col. 2 sq. ; les études de F. Dumont, « La royauté française », p. 61-93 ; A.-M. Lecoq, François Ier imaginaire, 1987 ; D. Crouzet, La genèse de la Réforme française 1520-1562, Paris, 1996, p. 113-117. Mais tous les auteurs n’étaient pas unanimes. Ainsi Du Tillet, qui, bien que relevant son goût pour les « bonnes lettres et sciences », se montre à son tour peu élogieux. J. Du Tillet, ibidem, f. [xcix-ciiii v., f. ci sur les lettres].
121 Chez les nobles, voir infra, p. 313 sq.
122 G. Zeller, Les institutions, p. 391 et 248-296.
123 P. Hamon, « Une monarchie de la Renaissance ? 1515-1559 », dans La Monarchie entre Renaissance et Révolution, p. 65 ; sur les révoltes, dernièrement, Pouvoirs, contestations et comportements dans l’Europe moderne. Mélanges en l’honneur du professeur Yves-Marie Bercé, Paris, 2005, notamment A.-M. Cocula, « Je vis en mon enfance un gentilhomme commandant à une grande ville… Montaigne et la révolte bordelaise de 1548 », p. 531-547.
124 G. de La Perriere, « Chronique 216 (1539-1540) », p. 39 ; également deux réminiscences dans les Annalles de Foix, fol. [C iv v.] et la « Chronique 228 (1551-1552) », dans le but d’exalter la loi, p. 140.
125 D. Érasme, Opera Omnia, I.ii.3, p. 216-218, « Longae regum manus », inspiré d’Ovide ; I.ii.2., « Multae regum aures atque occuli », inspiré de Lucien et d’Aristote (Politique, III, 1287 b 29-30), p. 216. On retrouve le premier dans le Miroir Politicque, p. 36 et une idée similaire dans le Theatre des bons engins, e. III : « Toy qui veult vivre au service des princes, / Garde toy bien de te jouer à eulx : / Car pour petit, ou pour rien que les pinces, / Tu trouveras leur jeu trop dangereux. / Et bien souvent grand malheur s’en reveille. / Pour te jouer, cherche bille pareille, / Par ce moyen sera hors de danger : / Qui de touzer le Lyon s’appareille, / Est en peril de se faire menger ».
126 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 24 et 39.
127 Ibidem, p. 24-32. Sur les questions de guerre et de paix, sur la loi, voir infra.
128 Ibidem, p. 19.
129 Sur Calvin, G. de LAGARDE, Recherches sur l’esprit politique, notamment p. 245 ; sur Luther, J. E. Blythe, Ideal Government, p. 270.
130 C’est la raison pour laquelle, sans doute, considérant que l’homme peut vivre en paix sous l’aristocratie comme sous la royauté, La Perrière se livre à un exposé illustré des qualités nécessaires à la République en temps de paix et en temps de guerre. G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 73, 64.
131 Ibidem, p. 64, 104. Sur son jugement de la république romaine, voir infra, p. 123 sq.
132 Ibidem, p. 24.
133 Ibidem, p. 39.
134 Platon, La République, VIII, 550 c sq., dans Œuvres complètes, p. 1148 sq. ; Aristote, La Politique, III, 8, 1279 b, p. 201.
135 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 39.
136 Ibidem, p. 39.
137 Ibidem, p. 32. Seyssel, Budé, Calvin, Du Moulin, Pasquier, Hotman, Eusèbe Philadelphe, Montaigne et même Bodin mentionnent le sens précisé par La Perrière mais se rallient au sens générique de communauté politique. Loys Le Roy est le premier à conceptualiser la « république » en tant que régime distinct de la monarchie et à préciser qu’elle peut revêtir deux aspects. É. Gojosso, Le concept de République, p. 173-174.
138 G. de La Perriere, ibidem, p. 34.
139 Ibidem, p. 32-33.
140 Platon, La République, VIII, 545 sq., p. 1142 sq.
141 Aristote, La Politique, IV, 11, 1295 b, p. 301.
142 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 33. Sur l’idéal horatien de la « médiocrité » ou « médiété », Platon, La République, X, 619 a ; Aristote, La Politique, V, 9, 6 ; Éthique à Nicomaque, II, 5 sq. et notamment 8, 1108 b, p. 102 sq., 113-114.
143 G. de La Perriere, ibidem, p. 33 ; aussi Aristote, La Politique, IV, 11, 1296 a, p. 304.
144 Aristote, ibidem, IV, 11, 1296 a, p. 306. Aussi, s’il est clair que le sens de la modération caractérisant la timocratie, son aptitude à concilier les intérêts des grands et des pauvres, semblent à La Perrière d’excellentes garanties pour réaliser l’équilibre social et l’harmonie de la société, il paraît excessif de considérer que la timocratie constitue son régime préféré, ou d’en déduire que « La Perrière concepisce per questo tipo di governo una spiccata preferenza, anche se non essplicitamente ammessa », avec E. Sciacca, « Forma di governo », p. 188, 186.
145 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 40.
146 Dans la République, Platon compare une foule assemblée à un « nourrisson grand et fort » et à un « animal de grande taille », suggérant par ces métaphores anthropomorphiques l’incapacité du peuple à bien juger. Platon, Politique, VI, 493 a 9-10 et 493 c 2 ; Gorgias, 481 d 3-5 ; M. Narcy, « Aristote devant les objections de Socrate à la démocratie (Politique, III, 4 et 11) », dans Aristote-politique. Études sur la Politique d’Aristote, dir. P. Aubenque, Paris, 1993, p. 278. Platon en déduit l’imperfection de la démocratie dans laquelle le peuple sacrifie l’idée du Bien, M. Bastit, « Aristote et la démocratie », Philosophie et Démocratie, Actes du colloque des 26-27 mai 1982, CPPJUC, 2 (1982), p. 14. Cicéron n’est guère plus enthousiaste, dénonçant le caractère vil du peuple et condamnant le régime démocratique. N. Rouland, « Cicéron et la démocratie », dans État et pouvoir, p. 163-177. Érasme qualifie la multitude d’ignorante, indéfendable, paresseuse et brutale. Ces sentiments étaient alors communs. Ce n’est qu’après 1550 que l’essor de la Réforme protestante entraîna une reconsidération, temporaire, des valeurs du peuple. Érasme, humanisme et langage, éd. P. Jacopin, J. Lagree, Paris, 1996, p. 76 ; M. Venard, « Dans l’affrontement des réformes du xvie siècle : regards et jugements portés sur la religion populaire », dans Le catholicisme à l’épreuve dans la France du xvie siècle, Paris, 2000, p. 187-204.
147 G. de La Perriere, « Chronique 229 (1552-1553) », p. 145.
148 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 2, 44.
149 Ibidem, p. 66.
150 Machiavel, considèrant le peuple comme l’équivalent d’une bête brute, trompée par de fausses idées du Bien, n’en fait pas moins le fondement le plus ferme de la République. N. Machiavel, Discours, dans Œuvres, par exemple p. 223, 261 et 276 ; C. Bruschi, « Le peuple antique dans la pensée de Machiavel et de Bodin », dans Actes du 1er colloque de l’AFHIP, Aix en Provence, 1981, Aix-Marseille, 1983, p. 13-28.
151 Suit-il là une tradition méridionale ? A. Gouron estime que les juristes méridionaux du Moyen Âge ont mis en valeur le rôle du populus dans le domaine politique en lui octroyant une capacité autonome de création du droit et des lois particulières régissant la cité. A. Gouron, « Populus : Legal Entity and Political Autonomy », dans Juristes et droits savants. Bologne et la France médiévale, Aldershot-Brookfield-Singapore-Sydney-Ashgate, 20, p. 241-260.
152 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 66 et 88 ; Morosophie, e. 20 : « Au fort cheval de rien ne sert le frain, / Si par la main du maistre n’est conduit : / Semblablement le peuple presse en vain, / Qui par raison à soy ne le reduit ».
153 G. de La Perriere, Miroir Politicque, p. 40 ; G. Contarini, Des magistratz, & republique de Venise, fol. x : « toute multitude est malpropre à gouvernement ».
154 « Comme nous voyons tousjours qu’en une communauté pour un riche citoyen l’on en trouvera cent paovres », G. de La Perriere, ibidem, p. 69.
155 Ibidem, p. 40.
156 Ibidem, p. 33. Aristote en fait une constitution plus « politique » que les autres. Aristote, La Politique, IV, 8, 1293 b sq., IV, 9, 1294 b 1 ; 14, 1298 a 39-40, p. 290 sq.
157 G. de La Perriere, ibidem, p. 33-34 ; Christine de Pisan évoque la cité de Venise « qui, tout ainsi comme la rose, entre les espines est close » dans Le Livre de la mutacion de fortune (éd. S. Solente, Paris, 1959, I, v. 4755-4756) ; I. Gillet, Les institutions et le gouvernement de Venise dans la littérature politique française du xive au xviiie siècle, Thèse d’Histoire du droit, Université de Toulouse, dactyl., 2006, p. 17.
158 É. Gojosso, « Deux approches de la république au xvie siècle : Machiavel et Bodin », dans Nation et République. Actes du Colloque organisé par l’AFHIP, 1994, Aix-Marseille, 1995, p. 14-39 ; Id., Le concept de République, p. 205.
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