Le contrôle de l’exercice d’un pouvoir contractuel discrétionnaire par le tribunal anglais et la bonne foi : influences françaises et européennes ?
p. 111-139
Texte intégral
Remarques liminaires
1Cette intervention concerne la bonne foi dans le droit anglais des contrats aujourd’hui, et d’éventuelles influences françaises et dans les manifestations de la bonne foi en droit anglais des contrats, qui sont indirectes et historiques.
2En effet, des principes équivalents à la bonne foi existent en droit anglais. Certains apports proviennent du lex mercatoria (law merchant) du Moyen Âge, ou sont issus des principes développés, à partir du 14e siècle, du droit canonique inspiré du droit romain, qui était aux origines de la deuxième source jurisprudentielle en droit anglais, qu’est l’equity. Cette source apporte des principes fiduciaires comme le trust et l’estoppel, et des remèdes spéciaux discrétionnaires, permettant d’éviter des abus du droit commun.
3D’autres viennent des États‑Unis où le célèbre juriste américain Karl Llewellyn, d’origine allemande, a inspiré la première rédaction du Code Uniforme de Commerce qui intègre le principe de bonne foi venu du code civil allemand.
4Le droit européen a également apporté au droit anglais le principe de bonne foi dans le cadre des législations sur le consommateur et les agents commerciaux.
5Mais, depuis 300 ans environ, c’est plutôt une certaine hostilité à l’idée du principe général de bonne foi qui se dégage de la jurisprudence anglaise et des discours de certains juges.
6En 1766, Lord Mansfield, le célèbre juge anglais, avait déjà évoqué le besoin d’un principe général de bonne foi dans les contrats, lors d’une affaire d’assurance, (suivant les dégâts causés par une attaque de la flotte française sur un port dans une colonie britannique).
7Il a jugé que : « le principe directeur s’applique à tous les contrats et opérations. La bonne foi prohibe les parties de cacher ce qu’elles connaissent en privé, d’attirer l’autre dans une affaire dans l’ignorance de ce fait, ou de sa croyance dans le contraire. »1
8Si le principe a été accepté pour les contrats d’assurance, Lord Mansfield a été désavoué par ses pairs en ce qui concerne l’établissement d’un principe général. C’est toujours le cas 250 ans après.
9À certains moments de notre histoire, certains juges appelaient de leurs vœux un principe général de bonne foi : comme Lord Mansfield en 1776, Lord Steyn en 1993 qui se référaient à l’idée que le common law protégait « les attentes raisonnables de gens d’affaires honnêtes »2 ; ou Lord Bingham en 1995 et 19963.
10Mais d’autres jurisprudences plus récentes ont plutôt rejeté l’idée d’obligations implicites de bonne foi4.
11La grande crainte des juges hostiles au principe général de bonne foi, et adeptes du cantonnement de la bonne foi à certaines situations spécifiques, est qu’un principe général risque d’irriguer tous les contrats d’une obligation indéfinie de bonne foi, de manière indiscriminée.
12C’est l’idée que les relations contractuelles sont adversariales par nature depuis le début d’une négociation jusqu’à l’exécution complète des obligations, chaque partie ne se préoccupant que de ses propres intérêts jusqu’à a fin du contrat.
13Un des grands cabinets de la City spécialisé dans le droit maritime a publié un article dont le titre posait la question de savoir si les tribunaux anglais devenaient trop charitables, après la décision du juge Leggatt relevant une obligation implicite de bonne foi dans un contrat de distribution internationale (caractérisé en contrat commercial complexe « relational contract ») en 2013 (affaire Yam Seng citée plus loin). (« Are the English courts going soft »)5.
14En 2016 dans une affaire Mediterranean Shipping Co v Cottonex le Président de la Cour d’Appel LJ Moore‑Bick a déclaré « qu’au lieu de rechercher un principe « organisateur » tiré d’affaires factuelles diverses, la meilleure piste est de laisser développer le droit selon les lignes déjà établies ».
15Il poursuivait « de mon point de vue il existe un réel danger que si un principe général de bonne foi était établi il serait invoqué autant pour saper les conditions contractuelles convenues entre les parties que pour les soutenir. »6
16Sir Rupert Jackson éminent juge de la Cour d’Appel a récemment décrit une clause de bonne foi dans un contrat de construction comme étant « une disposition nébuleuse et peu utile » ; et que les opérateurs, architectes et ingénieurs travaillant sur un projet de construction « ne spéculent pas sur des questions d’éthique ou de métaphysique ».
17À propos d’une obligation implicite de bonne foi dans les contrats dits « relational » il a ajouté qu’il était difficile de voir ce que la notion pouvait apporter de plus, le droit commun obligeant déjà les parties à coopérer.
18Le juge Eder dans un discours à Melbourne en octobre 20177 a indiqué que tout principe général de bonne foi en dehors du secteur des assurances est « un concept étranger au droit commun des contrats ».
19En 1991, l’éminent juge Lord Steyn disait dans un discours8, qu’en ayant recours à un principe de bonne foi, les juges anglais pouvaient porter une auréole, mais n’étaient pas obligés de mettre un « hair shirt » (cilice, chemise de poil de cheval) !
20Dans son discours au Commercial Bar Association en octobre 20169, le juge Leggatt, (plutôt favorable à l’idée de bonne foi dans certains contrats), s’est permis une réplique à la Cour d’Appel en indiquant que l’antipathie des juristes anglais au concept de bonne foi est basée sur l’idée que la bonne foi, vue sous le prisme des systèmes de droit civil, viendrait à l’encontre de la liberté contractuelle des parties, fondement du droit commun anglais des contrats.
21Mais même pour le juge Leggatt, la notion française « d’ordre public » tel que prévu par le nouvel article 1104 du code civil, imposant, en l’apparence, une norme extérieure au contrat, serait l’anathème, car il limiterait d’emblée la liberté contractuelle des parties.
22Toutefois, comme le souligne Séverine Saintier de l’Université de Exeter dans un récent article10, l’apparente incompréhension entre les juristes anglais et continentaux à l’égard de la bonne foi n’est pas justifiée lorsque l’on étudie de manière comparative le fonctionnement des notions de bonne foi dans les deux systèmes.
23Malgré les limitations de la jurisprudence anglaise, nous verrons que les tribunaux anglais sont prêts à accepter, dans un nombre limité de cas, des obligations implicites de bonne foi au titre du droit commun des contrats, notamment pour contrôler l’exercice de certains types de pouvoir discrétionnaire accordé à l’une des parties au contrat, (jurisprudence dite Braganza11) ; et les contrats complexes « relationnels » (jurisprudence dite Yam Seng12).
24In fine, se trouve au cœur de cette discussion la question de savoir dans quelle mesure pourra être résolu le conflit inhérent à tout contrat : d’une part l’intérêt de chaque partie à défendre ses intérêts pour maximiser sa part du gâteau ; et d’autre part, l’intérêt des deux parties à coopérer pour accroître la taille du gâteau.
25Si les tribunaux n’ont pas pris une position définitive sur la question, la pratique dans certains secteurs a compris l’intérêt de rechercher une pratique plus coopérative de l’exécution des contrats complexes.
26Cet article propose une recherche sur le développement des matrices d’analyse économique de situations contractuelles, qui permettrait de rationaliser l’intégration de notions de bonne foi dans les contrats commerciaux.
27Après quelques remarques introductives, avec un bref état des lieux de la bonne foi dans le droit et pratique anglais (I), nous verrons dans quel degré le principe a pénétré le droit anglais des contrats, les évolutions récentes de la pratique et la controverse qu’il anime parmi les juges (II), puis nous ferons une brève excursion vers d’autres pays de common law (III), avant de conclure (IV).
I. Introduction
28La question du contrôle par les tribunaux anglais de l’exercice d’une discrétion accordée à l’une ou l’autre des parties à un contrat commercial, soulève le vieil serpent de mer qu’est le principe de « bonne foi dans l’exécution des contrats », qui fait son apparition périodique dans la jurisprudence et la doctrine anglaises comme une sorte de monstre juridique du Loch Ness, auquel certains juges refusent de croire ; recherché avec impatience par d’autres.
29Si le principe de bonne foi n’est pas absent du droit anglais, (il existait au moyen-âge dans le droit des tribunaux des foires et marchés « law merchant »), aujourd’hui il prend des formes différentes selon la source. Dans le cas du droit commun des contrats en particulier, aucun principe général n’a été admis par la jurisprudence ; et sa définition et son application restent limitées.
30Le célèbre juge Lord Bingham rappelait déjà en 1987 dans l’affaire Interfoto Picture Library v Stiletto Visual Programmes13, que : « dans beaucoup de systèmes de droit civil, et probablement dans la plupart des systèmes juridiques en dehors des pays de common law, le droit des obligations reconnaît et rend effectif un principe général qui dispose que lors de la formation et de l’exécution des contrats les parties devraient agir de bonne foi. Fidèle à son esprit, le droit anglais s’est abstenu d’édicter un tel principe, mais a recours plutôt à des solutions fragmentaires (« piecemeal solutions ») pour répondre à des cas de déséquilibre patent. »
31On retrouve en effet dans différents segments du droit anglais des notions de bonne foi ou des notions proches de la bonne foi. En bref résumé14 :
- Tout d’abord, la législation utilise le vocable « good faith » dans certains domaines du droit, le droit européen ayant eu une influence récente et importante.
32Ainsi, différentes sources législatives évoquent la bonne foi, ou son contraire, la mauvaise foi, dont notamment :
- la sanction par l’annulation du contrat en présence de déclarations précontractuelles fausses, négligentes, voire innocentes ; consacrée par la loi dite Misrepresentation Act 1967.
- l’existence d’obligations de bonne foi dans le domaine de la vente, des assurances, des lettres de change, connaissements…
33Pour prendre l’exemple de « Good faith » dans la vente ou dans le droit des sûretés (transfert du titre à un acheteur de bonne foi), le standard est « honesty in fact », une notion subjective qui veut dire que la personne doit prouver qu’il ou elle avait réellement une croyance honnête, même si elle était négligente ou déraisonnable. Autrement dit le standard est bas dans l’échelle des valeurs de bonne foi. Elle est néanmoins qualifiée par la réserve que la personne ne devait pas être informée, (« on notice »), de l’existence d’une difficulté au niveau du titre du vendeur ou du mandat d’un intermédiaire (« absence of notice »), du moins ne pouvait raisonnablement la soupçonner).
34Dans le cas de « notice », nous sommes en présence du standard objectif de la vigilance raisonnable des gens d’affaires informés, dans le secteur des affaires concerné.
35(Cette dichotomie subjectif/objectif est utile car elle permet de voir que dans le droit commun des contrats, les tribunaux semblent vouloir cantonner la bonne foi à un standard subjectif, mais pas toujours. Nous y reviendrons).
- c. obligations réglementaires venues de la législation européenne : agents commerciaux et mandants, législations protégeant le consommateur ou régulant le commerce en ligne, tant dans les négociations précontractuelles que lors de l’exécution du contrat.
- ii. En ce qui concerne les sources jurisprudentielles, comme vous le savez certainement, le droit anglais a deux sources : common law et equity, sources qui coexistent et se complètent.
36Le droit commun, première source du droit anglais des obligations, (« our lady of the common law » pour utiliser la phrase du célèbre juriste anglais Pollock), est servi par l’equity ; décrite par un juge éminent comme la servante, mais non la maitresse, du common law. (« The handmaiden of the common law but not its mistress »), qui apporte des solutions complémentaires au droit commun, dans des cas spécifiques.
37La vocation historique de l’equity est d’empêcher des abus de droit. Pour cela elle met en œuvre des obligations analogues à la bonne foi à travers différents principes venant au départ du droit canonique. On peut citer rapidement :
- les obligations fiduciaires de personnes de confiance ou d’influence : tels trustees, banquiers, conseils, dirigeants de sociétés, associés, mandataires, employeurs…
38À noter que le débiteur d’une obligation fiduciaire ne doit que prendre en compte les intérêts du bénéficiaire. Nous verrons que cette obligation va nettement plus loin qu’une obligation de bonne foi au regard du droit commun des contrats.
- b. le principe de l’estoppel, qui empêche notamment de revenir sur une tolérance contractuelle, sans accorder un délai raisonnable.
- c. les remèdes discrétionnaires de l’equity. En ce qui concerne les mesures provisoires discrétionnaires (special remedies), telle une saisie contrefaçon ou une interdiction provisoire, au titre de l’equity, le demandeur doit démontrer un comportement exemplaire en termes contractuels ou moraux « clean hands ». Ainsi, l’absence de bonne foi en raison de pratiques commerciales ou professionnelles douteuses constituerait un empêchement privant le demandeur de la possibilité d’obtenir le remède.
39Quant au droit commun des contrats, aucun principe général de bonne foi n’est reconnu, ni dans la phase de formation, ni de l’exécution ou de la résiliation des contrats.
40En ce qui concerne les contrats commerciaux au sens large, les tribunaux anglais sont traditionnellement réticents à interférer dans les relations contractuelles, et plutôt enclins à tenir les parties, même celles inégales en termes de pouvoir de négociation, à la stricte lettre de leur contrat, en l’absence d’erreur, de pression économique indue (« economic duress ») ou de dol.
41Si un des objectifs du common law est de faciliter l’atteinte de l’opération prévue par le contrat, en interprétant ou en complétant le contrat dans la limite du strict nécessaire, le droit anglais prend une vue plutôt économique du contrat, sans rajouter des notions morales basées sur une idée extensive de la bonne foi.
42Certains principes permettent néanmoins aux tribunaux d’éviter les excès, mais dans des conditions limitées comme l’interprétation stricte des clauses de limitation de responsabilité déséquilibrés (contra proferentem) ; la nullité de clauses pénales excessives ; ou de l’obligation de réduire son préjudice en présence d’un manquement de l’autre partie (mitigation of loss) ; ou de reconnaissance de conditions implicites.
43Ceci étant, les tribunaux ont reconnu un principe de bonne foi dans des cas isolés :
- dans la formation des contrats d’assurance (standard subjectif et objectif).
- pour l’exercice de certains pouvoirs contractuels discrétionnaires, (standard plutôt subjectif, mais où semble se profiler un standard objectif dans certains cas)15.
- dans des contrats complexes, (dits « relational ») nécessitant une obligation d’information et de coopération pour permettre l’exécution du contrat16.
- pour des obligations de négocier de bonne foi, inscrites expressément dans un contrat existant (standard probablement subjectif, mais qui permettrait au tribunal de trouver une solution objective après analyse du contexte).
44Mais le droit commun a refusé d’accepter un principe de négociation de bonne foi dans la période précontractuelle, considérant que durant cette phase les parties restent dans des positions « adversariales ».
45Nous avons déjà vu que la controverse au sujet de la bonne foi dans le droit anglais des contrats est ancienne, (datant au moins du 18e siècle, mais toujours d’actualité. Depuis 2013 la bonne foi est source d’une certaine effervescence jurisprudentielle et doctrinale, donnant lieu à des affrontements entre les croyants et les non-croyants.
46Entretemps la pratique dans certains secteurs a déjà intégré le principe de bonne foi en le menant jusqu’à un niveau élevé de sophistication dans la rédaction des contrats.
47Les analyses économiques d’asymétrie contractuel pourraient apporter une évolution du traitement juridique de la bonne foi dans la relation contractuelle en levant des limitations existantes17, et en tenant compte de l’économie du contrat comparée à une évaluation des risque commerciaux et financiers des parties.
48Compte tenu de la méthode casuistique du « common law », une matrice économique (méthodologie) du contrat pourrait aider les tribunaux et les conseils de mieux prédire les effets de l’obligation de bonne foi dans tel ou tel type de contrat ou de situation commerciale ou financier.
49Le droit civil français a bien intégré cette idée en tenant compte des réalités des évolutions des prix de marché et leur impact sur la distribution18.
II. La bonne foi dans les contrats anglais : une définition et une application limitée
50Après avoir examiné la définition de la bonne foi (A), nous étudierons ses applications (B) puis la pratique (C).
A. La définition de la bonne foi dans le droit anglais des contrats
51C’est le Professeur de droit américain Allan Farnsworth qui a donné un éclaircissement de la dichotomie subjectif/objectif, qui permet de mettre en lumière les limites de l’approche anglais au sujet de la bonne foi dans les contrats.
52Le Code Uniforme de Commerce (« Uniform Commercial Code ») et le Restatement of Contracts américains parlent de « honesty in fact » (l’honnêteté réel ou subjectif) ; puis de « standards de loyauté d’affaires raisonnables dans le secteur commercial concerné » (« reasonable commercial standards of fair dealing in the trade »), notion objective qui importe les usages et pratiques du secteur d’affaires.
53Il apparaît à travers la jurisprudence anglaise que les juges préfèrent se référer la plupart du temps à la notion subjective, mais pas systématiquement. Certains adoptent la position que la bonne foi doit se définir plutôt en référence à ce qui est la mauvaise foi. Ce que les américains appellent la bonne foi définie plus restrictivement par référence à des pratiques à bannir, les « excluders ».
54Les juges anglais ont tenté de donner différentes définitions à la bonne foi. Elle a été décrite de manière très diverse dans la jurisprudence :
- l’honnêteté dans les relations commerciales ; encore que certains juges considèrent que cela est une donnée fondamentale de toute relation commerciale, un ingrédient essentiel mais évident de la bonne foi : un standard de comportement minimum. Pour le cas de la validité du titre du détenteur de bonne foi d’un connaissement maritime, la bonne foi a été défini simplement comme un comportement honnête (« honest conduct »)19.
- les cartes face dessus sur la table‑la transparence « coming clean »20, mais sans nécessairement être obligé de tout dévoiler, au moins éviter de mener quelqu’un en erreur par l’omission volontaire de communiquer des informations pertinentes21.
- un comportement loyal raisonnable dans les affaires en relation avec le contrat, et fidèle à son but. (« Reasonable commercial standards of fair dealing… »). Dans la même idée, le principe de bonne foi permettrait de sanctionner des comportements de mauvaise foi, dits “furtifs”, “opportunistes”, ou “déloyaux”, dans la mise en œuvre du contrat.
55(Voir p.e. Berkeley Community Villages Ltd v Pullen 22 : « to observe reasonable commercial standards of fair dealing in accordance with their actions which related to the Agreement and also requiring faithfulness to the agreed common purpose and consistency with the justified expectations of the First Claimant » ; ou Juge Leggatt dans l’affaire Al Nahayan v Ionnis Kent23 citant le juge australien Allsop CJ de la Cour Fédérale australienne dans l’affaire Paciocco v Australia & New Zealand Banking Group24.
- la fidélité à l’objectif du contrat. Pour certains juges, cela permet, en cas d’ambiguïté, une interprétation contextuelle allant au‑delà de la stricte vision littérale des obligations d’exécution dégagées par l’écrit pour amener les parties à l’achèvement de l’objectif du contrat (construction d’un bâtiment par exemple) ; sinon, ou du moins, l’insertion d’une condition implicite de coopération de bonne foi.
56Mais la Cour Suprême a récemment rappelé les juges à une discipline plus stricte dans leur rôle d’interprètes des contrats écrits25.
- dans certains cas, le besoin de tenir compte des intérêts mutuels des parties, mais sans nécessairement renoncer à un avantage. Il s’agirait d’un qualificatif des intérêts propres d’une partie contractante pour obliger chaque partie à œuvrer dans le sens du but commun, ne pas diminuer les avantages prévus au contrat, mais sans renoncer aux avantages librement négociés lors de la conclusion du contrat26.
57Mais, en règle générale les tribunaux anglais n’obligeraient pas une partie d’agir contre ses propres intérêts en vertu d’une obligation de bonne foi, ou à l’encontre de dispositions contractuelles précises.
58Le mot « faith » a été décrit par un des juges de la Cour d’Appel comme « un état d’esprit »27 que le tribunal peut contrôler pour voir si la personne avait réellement engagé les efforts requis pour tenter d’atteindre l’objectif prévu, par exemple pour négocier un coût prévu dans un contrat, ou pour médier un litige, mais sans obligation de résultat.
59La notion serait distincte de la « fairness », c’est à dire l’obligation de tenir compte de tous les éléments du problème, ou les différents points de vue à la manière d’un juge. La recherche d’un équilibre entre les intérêts convergents et divergents des parties irait au‑delà des limites de la bonne foi. La question de « fairness » revient néanmoins dans le cadre des affaires où il s’agissait de l’exercice d’un pouvoir ou discrétion octroyé par le contrat à l’une des parties. L’affaire Braganza citée plus loin en est un exemple.
60La bonne foi diffère également d’une obligation d’une exécution raisonnable du contrat. Le mot « reasonable » fait appel à des notions objectives tirées du contexte de l’affaire, tel un délai raisonnable, une qualité raisonnable, un prix raisonnable, une pratique commerciale ou un usage du secteur. Dans certains cas le mot « reasonable » peut même constituer une dilution d’une obligation, en obligeant une partie de ne prendre en considération une méthode pour satisfaire ses obligations, soit une obligation de moyens faible.
61Un juge australien, P.D. Finn, a résumé utilement la notion élusive de bonne foi de la façon suivante : « la bonne foi occupe le terrain médian entre le principe de nullité des contrats oppressifs (« unconscionability ») et les obligations fiduciaires. La bonne foi, tout en permettant à une partie contractante d’agir de manière intéressée, qualifie cela néanmoins, en obligeant cette partie de tenir compte, dans ses décisions et actions, des intérêts légitimes de l’autre partie »28. On retrouve la même idée dans le droit international public dans le cadre des négociations entre États29, les négociations actuelles entre l’UE et le Royaume-Uni au sujet du Brexit risquent d’ailleurs d’en être un cas d’espèce intéressant !
62Au plan théorique, (mais aussi de la pratique comme nous le verrons) il est nécessaire aussi de savoir si une obligation de bonne foi (écrite ou implicite) constitue une obligation primaire (« condition essentielle »), ou secondaire (appelée « warranty » dans le jargon juridique technique. (À noter que cette utilisation du mot « warranty » est différente de « warranty » mot également utilisé pour décrire les garanties de la vente).
63La distinction entre obligation primaire et secondaire est importante car elle conditionne les remèdes contractuels disponibles.
64Dans tous les cas, le standard du droit commun serait moins exigeant que celui d’une personne soumise à une obligation fiduciaire en equity, où le standard exige une abnégation de la part du fiduciaire en ce qui concerne ses propres intérêts.
B. La bonne foi dans le droit anglais : exécution, interprétation ou condition implicite des contrats ?
65Un litige contractuel soulevant la question de la bonne foi sera, tantôt, une question d’exécution du contrat selon l’interprétation stricte et objective (1), parfois plus largement contextuel, des mots utilisés par les parties dans leur contrat écrit (2) ; ou encore, une question de savoir s’il manque une condition nécessaire à l’exécution du contrat où le tribunal sera amené à ajouter une condition implicite (3).
1) Exécution du contrat
66Lorsqu’il s’agit d’une question de l’exécution d’un contrat : la règle est assez simple : les parties exécutent le contrat complètement et exactement comme prévu, strictement et littéralement selon ses dispositions, ni plus ni moins.
2) L’interprétation des clauses de bonne foi dans les contrats
67Si une ambiguïté existe le juge examine le contrat dans son intégralité puis si nécessaire le contexte (« factual matrix »). Le mot « reasonable » fréquemment utilisé dans les contrats d’affaires, est un exemple d’ambiguïté nécessitant l’examen de la matrice factuelle du contrat. Les tribunaux anglais se sont montrés très circonspects en ce qui concerne l’interprétation des dispositions contractuelles prévoyant des obligations de bonne foi.
68Traditionnellement, les juges anglais refusent d’interpréter les contrats de manière à les rendre plus équilibrés ou raisonnables. Même en présence de clauses contractuelles prévoyant une coopération renforcée touchant au cœur des activités du contrat, les tribunaux penchent sur le côté d’une interprétation restrictive qui n’étendrait pas l’application de la clause au reste du contrat. Deux affaires récentes illustrent ce propos30.
69Par contre, dans l’affaire Berkeley Community Villages v. Pullen31 le juge a retenu l’efficacité d’une clause contractuelle plus large qui indiquait que « pour toute question relative à cet accord les parties agiront de la plus grande bonne foi l’une envers l’autre » (« in all matters relating to this agreement the parties will act with the utmost good faith towards one another… »).
70Dans cette affaire le juge a cité au soutien de sa décision une jurisprudence australienne qui, à son tour, citait des sources américaines, dont la « Restatement of Contracts » (dont certains principes étaient influencés à l’origine par la bonne foi du code civil allemand).
3) Les conditions implicites
71De la même manière que pour l’interprétation de dispositions écrites se référant à la bonne foi, la plupart des juges anglais sont peu enclins à considérer nécessaire de rajouter des clauses implicites d’exécution de bonne foi, notamment dans le cas de deux parties professionnelles négociant dans les conditions normales32.
72Mais il y a quelques exceptions, notamment l’exercice de pouvoirs discrétionnaires (a) ; les contrats complexes (« relational contracts ») (b) ; et les clauses de négociation de bonne foi dans les contrats existants, mais à l’exclusion des négociations précontractuelles (c).
a) les pouvoirs discrétionnaires accordé par le contrat à l’une des parties et leur contrôle par le juge
73Tout d’abord, une distinction existe entre :
- les pouvoirs discrétionnaires qui doivent s’exercer dans une situation spécifique, ou avec une raison ou objectif spécifié, ou qui oblige le décideur à tenir compte de différentes possibilités ou résultats, des questions de substance ou d’évaluation ; ce qui donne matière à un contrôle du tribunal ; et
- les pouvoirs absolus donnés à l’une des parties de décider par exemple de notifier la fin du contrat pour « convenience » ou en sa seule discrétion. Dans ces cas, les tribunaux rechignent à contrôler l’exercice de ce type de disposition. Comme l’a rappelé Sir Bernard Eder33 dans l’affaire White & Carter (Councils) Ltd v McGregor34, « le droit commun n’a jamais connu de principe que les droits contractuels doivent s’exercer de manière raisonnable ».
74Dans les deux cas, la rédaction du contrat est cruciale.
75En ce qui concerne le premier type de disposition, l’affaire Braganza35, jugée par la Cour Suprême anglaise en mars 2015, est un récent exemple d’un courant de jurisprudence permettant au juge d’imposer une obligation implicite de bonne foi lorsqu’une des parties est amenée à exercer une discrétion en fonction de critères prédéterminés par le contrat.
76Cette affaire a permis à la Cour de poser les principes généraux applicables en la matière, en considérant certaines jurisprudences antérieures où le principe avait été évoqué36.
77Il est à noter toutefois que cette affaire concernait le pouvoir de l’employeur de décider de ne pas octroyer une indemnité en cas de décès du salarié lorsque l’employeur en son opinion considérait que le décès résultait du comportement intentionnel du salarié. Il s’agissait d’un officier de marine qui avait disparu en mer sans explication. L’employeur concluait au suicide de celui-ci, mais sans éléments raisonnables pour soutenir cette décision.
78La Cour a rappelé qu’elle interviendrait pour contrôler l’exercice de la discrétion, notamment en cas de rapport de force déséquilibré entre les parties, ce qui est le cas entre employeur et salarié : « significant imbalance of power ».
79La Cour Suprême a décidé que lorsqu’un contrat permet à l’une des parties d’exercer un pouvoir discrétionnaire, le décideur doit prendre en compte tous les éléments pertinents ; et, selon la rédaction de la clause, les « reasonable expectations of the parties ».
80La décision doit être :
- « rationnelle » dans le sens que le décideur devra se soumettre de bonne foi à un standard objectif de procédure rationnelle pour arriver à la décision : un lien entre les faits et les raisons apparentes de la décision. C’est l’élément mental qui est en question : est‑ce que la personne avait véritablement et volontairement suivi une méthode décisionnelle logique et de bonne foi ? Autrement dit la décision ne doit pas relever de l’arbitraire, de caprice ou de perversité.
- « ne pas être perverse ou déraisonnable » au sens des standards moraux généralement applicables et de toute personne ayant à prendre ce même type de décision.
- consistent avec les objectifs du contrat, (ainsi c’est le contrat lui‑même et son contexte qui permet au tribunal de déterminer si la solution issue de la décision est pertinente ou pas).
- conforme au droit.
- sans malhonnêteté, sans motif illégitime.
81In fine l’objectif affiché est d’empêcher une partie d’abuser des droits de l’autre partie.
82Par contre la Cour a rejeté l’idée que la solution doit être nécessairement une solution raisonnable en elle‑même, à partir du moment où elle avait été prise de bonne foi. Ainsi les circonstances dans lesquelles le tribunal peut intervenir sont limitées.
83En cela la Cour a approuvé des jurisprudences antérieures qui ont refusé d’intervenir pour imposer une solution « raisonnable » ou d’interférer dans l’exercice d’une discrétion, notamment dans différentes affaires bancaires, d’affrètement maritime, ou de d’réassurance :
- la possibilité pour une banque de s’octroyer une marge complémentaire en fonction des tirages de facilités de crédit37.
- la décision d’un armateur concernant la dangerosité d’un port pour la poursuite d’un voyage au titre d’un contrat d’affrètement38.
- l’autorisation préalable d’un réassureur pour la signature d’une transaction des demandes d’indemnisation au titre de la police principale réassurée39.
- clause permettant à une banque de modifier le taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire, où le tribunal a validé la décision prenant en compte des éléments pertinents, même si le résultat était au détriment significatif de l’emprunteur professionnel40.
84Dans certains cas, le tribunal peut tenir compte de la situation des parties, pour écarter la condition implicite de bonne foi, notamment :
- de leur degré de sophistication dans le secteur concerné ; ou
- du fait que le contrat avait été rédigé et négocié par des professionnels du droit, ce qui aurait permis de rajouter des considérations tenant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire accordé. Ainsi lorsque le pouvoir n’a pas été qualifié, le tribunal n’irait pas imposer des obligations supplémentaires au décideur.
85Il est néanmoins remarquable que dans l’affaire Braganza au moins deux des juges de la Cour Suprême (Lady Hale l’actuelle présidente et Lord Sumption) ont indiqué que le fondement du principe était d’empêcher des abus d’un droit contractuel discrétionnaire, faisant ainsi un écho involontaire au principe d’ordre public de l’article 1104 du code civil français ; mais ce contrôle d’un droit discrétionnaire reste très en deçà des principes fiduciaires de l’equity.
86Alors qu’il était permis de se demander si la jurisprudence Braganza serait cantonnée aux relations entre employeurs et salariés ; elle a été appliquée, depuis, à plusieurs affaires dans des domaines divers : secteur bancaire, droit des sociétés et les pratiques des marchés financiers.
87Dans une affaire41 en 2017, la Haute Cour de Justice a imposé une obligation de suivre une procédure détaillée de prise de décision au sujet du calcul discrétionnaire de ses honoraires par une banque pour arriver à un montant déterminé par référence aux pratiques décisionnelles du secteur bancaire. Cela ne voulait pas dire que le montant lui-même devait être raisonnable.
88Mais dans une autre affaire42 la Cour ne souhaitait pas intervenir lorsque le contrat était suffisamment clair par rapport aux risques acceptés par les parties, même si le résultat était très défavorable pour l’une d’entre elles.
89Il en résulte que la jurisprudence Braganza impose un processus décisionnel honnête et rationnel a minima. Si elle n’a pas encore permis une évolution vers un standard général objectivement raisonnable en ce qui concerne le résultat de l’exercice d’une discrétion contractuelle, on voit pointer dans certaines décisions, dans des espèces isolés une référence aux éléments, et limites, pris en compte par la pratique du secteur, s’il en existe.
90À noter que dans une affaire de conflit d’intérêt inhérent entre actionnaires43, le juge a tenu compte, du risque de dilution par l’effet d’une décision d’un actionnaire décisionnaire.
b) Relational contracts : l’affaire Yam Seng
91C’est dans ce cadre des solutions casuistiques qu’est apparu un nouveau courant de jurisprudence datant de 201344 qui a introduit un principe implicite de bonne foi pour donner effet aux intentions des parties et de soutenir l’objectif de leur accord (« support their bargain »), dans les contrats dits « relational contracts », (description établie à l’origine par un juriste écossais mais repris par la doctrine et la jurisprudence américaine), où les parties s’engagent sur des opérations complexes et des investissement pour une certain durée, tels les joint-ventures, contrats miniers, contrats de construction, contrats de développement de logiciels, contrats impliquant un besoin élevé d’échange d’informations et de coopération pour assurer la bonne fin de l’objet du contrat ou il existent des attentes implicites de confiance mutuel au-delà de la simple honnêteté45.
92Mais, d’autres cas d’espèce n’ont pas toujours reçu le sceau de contrat « relational », le juge considérant que les critères n’étaient pas réunis.
93Il s’agit notamment de contrats relevant du commerce “routinier”.
c) La négociation de bonne foi (« Good faith negotiation »)
- absence d’obligation de bonne foi dans la négociation précontractuelle :
94La bonne foi est exclue par une jurisprudence dominante (« leading case ») dans le cadre des négociations précontractuelles.
95La jurisprudence Walford v Miles46 a refusé l’idée de bonne foi dans le cadre de négociations précontractuelles, considérant que ce serait étranger au principe de liberté dans la négociation, par nature adversariale.
96Lord Ackner a dit : « l’idée d’une obligation de mener des négociations de bonne foi est foncièrement répugnant à la position adversariale des parties impliquées dans une négociation… ce serait ingérable dans la pratique… ».
- ii. clause de négociation de bonne foi contenue dans un contrat signé :
97Malgré la jurisprudence Walford v Miles, la jurisprudence a accepté l’existence d’obligations de bonne foi au cas par cas dans le cadre de dispositions contractuelles détaillées, notamment :
- clauses contractuelles prévoyant une négociation de bonne foi de coûts de maintenance d’une plateforme pétrolière offshore Brasiliero v Petromec47 . (Bien que les indications données par la Cour étaient hors sujet par rapport à la base légale de la décision (« obiter dicta »), elles ont été reprises avec approbation dans différentes instances depuis.
- clauses contractuelles prévoyant une médiation de bonne foi en vue de résoudre un litige à l’amiable, avant toute procédure judiciaire ou arbitrage (affaire Cable & Wireless v IBM)48.
98Il s’agit seulement de la mise en œuvre de moyens nécessaires à la négociation, mais non pas d’une obligation d’arriver à un résultat.
99Ceci étant, plus le contrat est détaillé sur le contenu de la négociation à mener, (p.e. déterminer les coûts de maintenance d’un plateforme pétrolier offshore dans un contrat de construction détaillé avec spécifications et prix d’origine en annexe), plus la Cour sera encline à s’assurer que les parties donnent effet à leur obligation de négocier de bonne foi.
100Ainsi la Cour d’Appel a indiqué dans l’affaire Petromec, en dehors des raisons essentielles de sa décision (obiter dicta), que, si les parties n’y arrivaient pas, la Cour pourrait déterminer le prix à leur place, sans doute après avoir entendu un témoin-expert !
C. Histoire de la bonne foi, la pratique professionnelle et l’aspect économique
101La bonne foi était reconnue dès 1291 notamment par le tribunal de la foire de St. Ives comme un élément essentiel des promesses faites entre marchands, pour déterminer si un acheteur pouvait prendre un titre valable lors d’une vente de marchandises (« law merchant »)49.
102À l’époque pareille règle était reconnu par d’autre foires sur le continent, comme à Ypres et en Champagne. Les marchands de la France, de l’Angleterre, de l’Espagne, de l’Allemagne et de l’Italie, circulaient régulièrement entre ces foires, dont les marchés en Angleterre, où siégeait les « Courts of Piepowder », (où le tribunal siégeait dans l’enceinte du marché et les marchands venaient les « pieds poudrés » de la poussière du marché !).
103Ces marchands cherchaient à faire valoir des règles coutumières similaires dans chaque foire ou marché. Au fil du temps, elles étaient à l’origine d’un droit coutumier mercantile international.
104La Carta Mercatoria édictée sous le règne d’Edward 1er en 1303 avait reconnu que les contrats devaient être jugés selon les usages et coutumes de la foire où le contrat avait été conclu. L’idée de la bonne foi avait également pénétré le droit des contrats mercantiles pour éviter la nécessité d’un écrit ou d’un formalisme particulier, ce qui n’était pas le cas du « common law » qui exigeait un acte50.
105Le concept de bonne foi était venu du droit romain et droit canonique. Si le droit commun des contrats n’a jamais voulu reconnaître le principe général, malgré quelques tentatives, equity, (également inspiré à son origine par le droit canonique), avait établi des principes analogues pour éviter des abus dès le 15e siècle.
106Le principe de bonne foi est un ingrédient essentiel du contrat d’assurance depuis le moyen âge. Ici il convient de mettre en avant l’aspect économique de la bonne foi, car l’obligation de l’assuré de faire une déclaration détaillée de totale bonne foi à son assureur, était indispensable, afin que celui‑ci décide d’accepter ou non le risque et enjeu financier important, et de fixer la prime.
107Ce principe était donc consacré par la législation sur les assurances marines depuis le 17e siècle. Le Merchant Assurances Act de 1601 rappelait que les coutumes du marché des assurances existaient depuis « tyme out of mynde ».
108Si l’on appliquait la même analyse économique, que celle du marché des assurances, à d’autres contrats, en partant du principe que la bonne foi devrait être proportionnel aux risques encourus de part et d’autre, il serait possible de déterminer le degré de bonne foi pour chaque situation, au lieu de procéder à des analyses casuistiques (« piecemeal ») en fonction d’un abus avéré. Les études économétriques de la bonne foi existent51.
109Par exemple, le distributeur, souvent une entreprise de taille moyenne ou petite, se trouve habituellement entre un fabricant de produits de grande consommation, (fréquemment de taille mondiale), et les réseaux de la grande distribution. La marge de manœuvre de négociation de l’intermédiaire est donc plus que restreint, voire nulle. Concrètement un distributeur est obligé de s’engager sur un prix pour une période annuelle vis à vis de ses clients de la grande distribution, alors que les conditions générales du fabricant lui permettent de modifier ses prix à tout moment parfois même après acceptation d’une commande avant livraison !
110Lorsque l’on demande à ces entreprises, dans la négociation, si elles sont prêtes à adapter leurs conditions générales à la situation, la réponse est habituellement négative. Mais, poussées dans leurs retranchements, elles demandent à leurs interlocuteurs de leur « faire confiance » sur parole, de ne pas se prévaloir des clauses qui posent difficulté ! Autrement dit elles proposent de travailler dans la bonne foi, mais sans que ce principe ne trouve son équivalent dans le droit anglais des contrats, sauf si le contrat dont il s’agit peut rentrer dans les exceptions indiquées.
L’alignement du droit avec la pratique mettrait les deux au diapason.
111Mais, les difficultés d’accès aux tribunaux en Angleterre en raison du coût très élevé des procédures, empêchent les PME de porter leurs réclamations devant les Mercantile Courts, héritiers des anciens tribunaux des foires et marchés. Malgré différentes réformes de la justice civile anglaise, ce problème reste entier. Les opportunités pour développer la jurisprudence sont limitées. La doctrine a moins d’influence qu’en France.
112Si une analyse économique en termes de risque était appliquée, cela permettrait d’imposer à la partie en position dominante une obligation implicite de bonne foi proportionnée.
113Les difficultés du droit et de la pratique (1), ont poussé certains secteurs, dont notamment l’industrie de la construction, à évoluer vers une pratique plus équilibrée du risque contractuel en imposant des devoirs de collaboration et de bonne foi (2).
1) Les difficultés du droit et de la pratique
114Comme les marchands du 14e siècle, les opérateurs économiques du 21e siècle, et leurs avocats, cherchent des solutions pour parer à l’absence de principe de bonne foi du « common law » anglais, depuis la disparition des tribunaux des marchés et foires et leur reprise en main progressive par les Cours Royales de common law depuis les 17e et 18e siècles, et l’intégration du « law merchant » dans le « common law ».
115La grande difficulté dans la pratique, notamment dans les contrats mettant en œuvre des projets complexes à moyen ou long terme, est de pouvoir définir, au départ, toutes les obligations nécessaires, sachant que très souvent il s’agit d’une activité novatrice avec un certain nombre d’inconnus. Ce seul fait exige une coopération renforcée.
116Les professionnels du droit s’efforcent à donner la plus grande précision et certitude aux contrats qu’ils rédigent. Comme disait Lord Justice Goff, (un éminent juge de la House of Lords Appellate Committee (prédécesseur de la Cour Suprême actuelle), les juristes sont des « pèlerins sur un chemin infini vers une perfection inatteignable »52. Dans leurs échanges avec leurs clients, cet objectif est impacté par les contraintes de la négociation commerciale, et le fait que, très souvent, les parties sont au début d’un nouveau projet où il est difficile de tout prévoir au départ. Cela nécessite de recourir à des formulations plus vagues et ambiguës comme « reasonable time for delivery », « reasonable steps to develop sales », « timely performance », « in adequate quantities »… pour ne donner que quelques exemples.
117Une deuxième difficulté concerne l’attitude restrictive de la jurisprudence à l’égard de dispositions contractuelles tendant à imposer des obligations de bonne foi ou similaire pour prévenir les difficultés à venir dans l’exécution du contrat53.
118Cela fait partie d’un courant fort de la jurisprudence contractuelle d’interpréter les contrats littéralement et restrictivement rappelé dans la récente affaire Arnold v Britton déjà citée, privilégiant la lettre (« the black letter »), sur l’esprit du contrat.
119La solution qui consiste à utiliser un terme ambigu comme « reasonable » oblige le tribunal d’avoir recours au contexte : du projet, des parties, des usages et la pratique de l’industrie ou du secteur commercial, pour interpréter le contrat écrit. Mais cette interprétation restera objective.
La difficulté est que dans certains cas « reasonable » ne va pas assez loin.
120Une autre solution consiste à imposer des obligations pesant sur les parties de manière subjective : les obligeant par exemple de faire preuve d’honnêteté dans la mise en œuvre et l’atteinte des objectifs du contrat : informer, coopérer, négocier de bonne foi, de prendre en compte tous les paramètres, y compris la situation de l’autre partie, de coopérer, d’informer, … (obligations de moyens renforcés), qui peuvent prendre la forme d’une charte ou guide de la pratique de l’exécution du contrat par les parties.
121C’est l’approche qui a fait l’objet d’une interprétation favorable d’un juge de la High Court dans l’affaire Birse v St David Construction54.
122Ici la notion de bonne foi a apporté l’idée que les parties doivent agir de manière intègre et dans un esprit de coopération, de pleine information, fidélité aux objectifs convenus, la prise en compte des paramètres étendus au‑delà des seuls intérêts de la partie concernée, mais sans nécessairement subordonner leurs propres intérêts à celles de l’autre partie.
123Il peut s’avérer nécessaire d’aller plus loin et de recourir à une condition objective, ou objectivement nécessaire, pour renforcer les obligations implicites de bonne foi, par rapport aux critères tirés de la pratique du secteur, parfois plus difficile à cerner.
124L’idée est donc de faire évoluer le contrat d’un instrument formel et détaillé, rédigé avec une concision ne prêtant à aucune amplitude dans la pratique du contrat, vers un contrat vu comme un outil de management des relations collaboratives des parties présidé par un objectif de résultat ou de moyens clairement déclaré comme un aboutissement du projet industriel ou commercial.
125En tout état de cause, la rédaction des clauses nécessaires doit faire clairement ressortir l’idée que ; soit, les principes doivent s’appliquer à tout aspect de l’exécution du contrat de son début jusqu’à son terme, et non seulement cantonné à certaines clauses ; soit, au contraire que l’obligation de bonne foi est strictement limitée à certaines clauses ou à des circonstances spécifiques.
126Dans le silence des parties, les cas où le tribunal imposerait une obligation de bonne foi implicite restent limités. À ce moment‑là, il convient de voir si d’autres arguments basés sur d’autres principes du droit des contrats, ou tenant ou à l’equity, ne pourraient être utilisés, avec les difficultés que cela suppose.
127Ces idées trouvent un écho important dans la pratique pour contourner les difficultés soulevées par la jurisprudence ; et combler le vide du droit des contrats que le juge Leggatt avait mis en exergue dans Yam Seng, mais dont les effets potentiels ont été limités par la Cour d’Appel dans l’affaire MSC Mediterranean Shipping v Cottonex55.
2) La pratique contractuelle anglaise
128Dans la pratique la notion de bonne foi ou des idées analogues, trouvent leur expression dans bon nombre de contrats types ou rédigés sur mesure.
129Les techniques concernent à la fois la structure du contrat (a) ; la rédaction de clauses de coopération de bonne foi (b) ; des stratégies liées à la loi applicable, l’ordre public et le choix d’un arbitrage ou tribunal (c) ; et les techniques de résolution de litiges, en ayant recours notamment à des tiers experts (d).
Les indications données lors des interventions au Colloque ce matin, notamment sur la question d’ordre public, sont précieuses à cet égard.
a) Analyse de la structure du contrat : Obligation primaire ou secondaire et les effets d’une clause de bonne foi ?
130Il convient de rappeler qu’une réflexion est toujours nécessaire pour savoir si une clause intégrant des objectifs de coopération ou exécution de bonne foi constitue :
- une obligation essentielle du contrat, sanctionnée, le cas échéant, par la possibilité pour la partie victime d’un manquement à cette obligation de résilier le contrat et réclamer des dommages-intérêts ; ou
- une obligation de nature plutôt de second plan permettant seulement de réclamer des dommages-intérêts en cas de manquement.
Là aussi la rédaction des clauses est primordiale pour obtenir l’efficacité souhaité.
Les tribunaux ont eu à juger leur efficacité dans un certain nombre de situations où le contrat a prévu des obligations de bonne foi, qui peuvent imposer des obligations de communiquer tout fait important56 ; ou de ne pas utiliser un code d’accès à un système informatique de manière déloyale57.
b) Clauses de coopération
131Quelques exemples tirés de la pratique permettent de mettre en exergue les pratiques actuelles, telles que les contrats type NEC 3 de l’industrie de la construction en Angleterre ; les development agreements (projets de développement immobilier) (voir Gold Group Properties v BDW Trading Ltd)58 ; les partnering agreements, souvent utilisé dans l’industrie de la construction ou pour des projets industriels complexes, les « partnering agreements » cherchent à améliorer la « performance » (l’exécution contractuelle) des parties par le biais d’une collaboration étroite et transparente, tenant compte de valeur ajoutée au lieu de rechercher le coût minimum, l’optimisation de ressources de chacune, et le partage de gains ou de pertes (« gain or pain ») ; ou enfin les baux commerciaux, (commercial leases), où il n’est pas inhabituel de voir des clauses enjoignant le bailleur et le locataire commercial de négocier le loyer des périodes renouvelées « de bonne foi ».
c) Stratégies de droit international privé pour atténuer l’absence de bonne foi (loi applicable et for par défaut de choix)
132Enfin au plan pratique, les règles de droit international privé sont utiles pour déterminer quelle loi serait applicable et l’existence ou non d’une obligation de bonne foi, ou éventuellement qualifier une obligation de bonne foi par la loi de police applicable. La compétence juridictionnelle déterminera également la loi de police du for et les remèdes potentiels en cas de manquement à la bonne foi.
133Ainsi, en cas de négociation difficile sur ces questions il peut, dans certains cas, avoir un intérêt à refuser la loi applicable et la compétence proposée (notamment anglaises), pour laisser entrer en jeu les règles du droit international privé.
134C’est le cas notamment de distributeurs français face à des fabricants anglais, encore qu’il soit nécessaire d’analyser la question délicate de la loi de police internationale, ou non, et la loi du for, sujet qui a fait très utilement l’objet des interventions sur ce sujet dans le colloque.
135Dans d’autres cas, des stratégies peuvent tourner autour des “liens étroits” qui pourraient lier le contrat à tel ou tel pays, y compris le lieu des négociations ou de signature, le style du document etc.
d) Les techniques de résolution de litiges
136Les parties peuvent également prévoir par le biais des systèmes de résolution de litiges des moyens pour parvenir à des résultats équilibrés en cas de dispute. Pour ne citer que les « dispute boards » composés de professionnels et de juristes spécialisés pour régler les litiges en cours de chantier, ou les « stepped dispute resolution clauses » (clauses prévoyant plusieurs étapes de négociation, de médiation puis arbitrage).
137La question de la preuve sera également un élément important dans le choix de la loi et le tribunal ou la procédure d’arbitrage tenant compte des typologies factuelles de risque.
138La jurisprudence de la Cour d’Appel anglaise prévoit que le choix des parties de nommer un arbitre pour régler leurs litiges peut permettre à ce dernier de trouver des solutions aux incertitudes des contrats à long terme, par exemple pour redéfinir le prix ou une quantité59.
III. La jurisprudence d’autres pays de common law
États-Unis
139Les tribunaux américains, notamment à New York et dans le Delaware, ont tendance à donner force exécutoire à des obligations de négocier de bonne foi, par le biais des principes de « promissory estoppel » (fondé sur l’idée qu’une personne ne peut revenir sur sa parole au détriment d’autrui). Voir par exemple l’affaire Siga v Pharmathene60 jugée dans l’État du Delaware qui tenait compte de la jurisprudence de l’État de New York.
Canada
140En 2014, la Cour Suprême du Canada a jugé dans l’affaire Bhasin v Hrynew qu’il existait un principe ‘organisateur’ de bonne foi dans les relations contractuelles nécessitant une exécution honnête basée sur la confiance et la coopération qui oblige les parties de tenir compte des intérêts légitimes de l’autre partie.
Australie
141Dans une affaire United Group Rail Services v Rail Corp of NSW le Président de la New South Wales Court of Appeal Justice Barrett a rappelé que « la bonne foi… s’agit plutôt une obligation de reconnaître et de prendre en compte dans la mesure appropriée… les fruits du contrat… »61.
Singapore
142Si la Cour d’Appel de Singapore est plutôt prudente dans son approche à l’idée d’un principe régulateur de bonne foi dans le domaine des contrats, elle a néanmoins rappelé l’importance de la culture asiatique de compromis, que la notion de bonne foi requiert d’une partie d’agir de manière équilibrée en tenant compte des intérêts légitimes de l’autre, en précisant de manière très claire l’utilité voire l’ordre public de la notion de bonne foi dans certaines situations62.
IV. Conclusion
143Historiquement, le droit commun anglais développé par des avocats et juges des Cours Royales sans influence du droit romain ou de la doctrine des universités, a pris un chemin différent de ses voisins européens au 12e et 13e siècles. Ainsi, le droit commun anglais a été nourri de notions de liberté de commerce et de règles simples, mais dures, sur la certitude des contrats, (certains juges disent « robustes »), issu de la jurisprudence des tribunaux amenés à juger les opérations des marchés de la City et les affaires maritimes ; tout à l’opposé du droit civil basé sur des principes généraux du Code, du moins en l’apparence.
144L’article de Sévérine Saintier, déjà cité, a très utilement débroussaillé le terrain pour éloigner les incompréhensions ; et nous permet de poser la question de savoir si c’est une erreur de penser que la notion civiliste de la bonne foi entame systématiquement la liberté contractuelle des parties, alors que le code civil lui‑même l’énonce comme principe ?
145Mais jusqu’à présent, nous pourrions caractériser l’attitude de la plupart des juges anglais vis à vis de la bonne foi en reprenant l’adage allemande : « Treu und Glaubens ist gut, aber Kontroll ist besser » !
146À l’aune du Brexit, et d’une nouvelle divergence avec le reste de l’Europe, c’est le moment opportun de renforcer des recherches comparatives pour diminuer les incompréhensions mal fondées et inutiles.
Notes de bas de page
1 Carter v. Boehm (1766) 97 Eng. Rep. 1162, 1164 ; 3 Burr. 1905, 1910 (Lord Mansfield) (“The governing principle is applicable to all contracts and dealings. Good faith forbids either party [from] concealing what he privately knows, to draw the other [party] into a bargain, from his ignorance of that fact, and his believing the contrary.”).
2 First Energy UK Ltd v Hungarian International Bank Ltd 1993 2 Lloyds Reports 194.
3 Philips Electronic Grand Public SA v BSkyB 1995 EMLR 472 et Balfour Beatty v DLR 1996 78 BLR 42 ou Timeload Ltd v British Telecom 1995 EMLR 459.
4 Francois Abballe v Alstom UK Ltd 2000 EWHC TCC, Hadley Design Associates v Lord Mayor & Citizens of the City of Westminster 2003 EWHC 1617 TCC, Ultraframe UK Ltd v Tailored Roofing Systems Ltd 2004 1 Lloyds Reports 341 (CA).
5 Ince & Co.
6 MSC Mediterranean Shipping Company S.A. v Cottonex Anstalt [2016] EWCA Civ. 789.
7 The MV (Motor Vessel) Good Faith: the relevance of good faith in shipping disputes The Hon Sir Bernard Eder. The 44th Annual MLAANZ Conference. Frank Stuart Dethbridge Memorial Address.
8 Lord Steyn The Role of Good Faith and Fair Dealing in Contract Law: a Hair‑Shirt Philosophy? The Hon. Mr. Justice Steyn. The Royal Bank f Scotland Lecture 1991 Oxford.
9 Contractual Duties of Good Faith. Mr. Justice Leggatt 18th Octobre 2016.
10 Sévérine Saintier (University of Exeter) : The elusive notion of good faith in the performance of contract, why still a bête noire for the civil and common law? Journal of Business Law August 2017.
11 Braganza v BP Shipping Ltd 2015 UKSC 17.
12 Yam Seng PTE Ltd v International Trade Corporation Ltd 2013 EWHC 111.
13 Interfoto Picture Library v Stiletto Visual Programmes Ltd 1987 EWCA Civ. 6.
14 Pour un panorama plus complet, voir l’article très utile de William Tetley, Professeur McGill University : Good Faith in Contract Particularly in Contracts of Arbitration and Chartering Journal of Maritime Law & Commerce, vol. 35 n° 4, October 2004.
15 Braganza v BP Shipping Ltd 2015 UKSC 17.
16 Yam Seng PTE Ltd v International Trade Corporation Ltd 2013 EWHC 111.
17 Voir par exemple The Economics of Civil Law Contract and Good Faith Ejan Mackay Université de Montréal 2014 et les références bibliographiques citées.
18 Voir notamment les jurisprudences Société Française des Pétroles BP c/ Huard Cass. Com. 3‑11‑1992 Bull. civ. IV n° 338 et Danone v Chevassus-Marche Cass. Com. 24‑11‑1998 Bull. civ. n° 277 citées par Sévérine Saintier dans son article « the Elusive Notion of Good Faith in the Performance of a Contract, why still a bête noire for the civil & common law » Journal of Business Law, August 2017.
19 The Agean Sea 1998 2 Lloyds Reports 39.
20 Lord Bingham Interfoto v Stiletto op. cit.
21 Voir affaire Yam Seng.
22 Berkeley Community Villages Ltd v Pullen [2007] EWHC 1330 (Ch).
23 Al Nehayan v Ioannis Kent (AKA John Kent), [2018] EWHC 333 (Comm).
24 Pacciocco v Australia and New Zealand Banking Group Ltd 2015 FCAFC 50 at para 288.
25 Arnold v Britton 2015 UKSC 36.
26 Gold Group Properties v BDW Trading (formerly Barratt Homes Ltd) 2010 EWHC 1632 TCC.
27 Sir Rupert Jackson Role of Good Faith in Construction Contracts 11th International Conference on Construction Law & ADR Mauritius 24th May 2018 para 3.2.11.
28 P. D. Finn “The Fiduciary Principle” (TG Youdan Equity Fiduciaries & Trusts, cité par Jim Mason “Delivering improvements in ethical behavior in the construction industry through the implementation of contractual good faith provisions”).
29 CIJ affaire de trafic ferroviaire Lithuanie v Pologne in 1931.
30 Mid‑Essex Hospital Services NHS Trust v Compass Group UK & Ireland Ltd t/a Medirest 2013 EWCA Civ. 200 et.
31 Berkeley Community Villages v Pullen 2007 EWHC 1330 Ch.
32 Greenclose Ltd v National Westminster Bank Ltd 2014.
33 The MV (Motor Vessel) Good Faith: the relevance of good faith in shipping disputes The Hon Sir Bernard Eder. The 44th Annual MLAANZ Conference. Frank Stuart Dethbridge Memorial Address.
34 White & Carter (Councils) Ltd v McGregor 1962 AC 413.
35 Braganza v BP Shipping Ltd 2015 UKSC 17.
36 The Vainqueur José 1979 I Lloyds Rep. 55; Abu Dhabi National Tanker Co v Product Star Shipping Ltd 1993 1 Lloyds Rep 397; Paragon Finance v Nash 2002 1 WLR 685; Socimer International Bank Ltd v Standard Bank London Ltd 2008 1 Lloyds Rep 558; British Telecommunications Plc v Telefonica 02 UK Ltd 201#4 UKSC 42.
37 Ludgate Insurance Co v Citibank NA 1998 Lloyd’s Rep IR 221.
38 Abu Dhabi National Tanker Co v Product Star Shipping Co 1993 1 Lloyds Reports 397.
39 Gan Insurance v Tai Ping Insurance 2001 EWCA Civ. 1047.
40 Paragon Finance v Nash 2001 EWCA Civ. 1466.
41 BHL v Banque Leumi ABL Ltd 2017 EWHC 1871 QB.
42 Dennis Edward Myers v Kestrel Acquisitions 2015 EWHC 916 Ch.
43 Watson v Watchfinder.co.uk 2017 EWHC 1275.
44 Yam Seng PTE Ltd v International Trade Corporation Ltd 2013 EWHC 111.
45 Professor Hugh Collins (Vinerian Professor of English Law Oxford University) : Is a Relational Contract a Legal Concept? Degeling, Edelman & Goudkamp: Contracts in Commercial Law Sydney Thompson Reuters (cité par Sir Rupert Jackson: The Role of Good Faith in Construction Contracts op. cit.) ; voir également D&G Cars v Essex Police Authority 2015 EWHC 226 QB.
46 Walford v Miles 1992 2 AC 128.
47 Petromec Inc v Petroleo Brasiliero SA (Petrobras) 2005 EWCA Civ. 891.
48 Cable & Wireless Plc v IBM United Kingdom Ltd 2002 EWHC 2059 Comm.
49 W. Mitchell. An Essay on the Early History of the Law Merchant. Ed. CJ Clay-Cambridge University Press-Yorke Prize 1903.
50 Idem.
51 E.g. Good Faith And Contract Interpretation: A Law And Economics Perspective Simone M. Sepe The University of Arizona James E. Rogers College of Law August 2010.
52 Spiliada Maritime Corp v Cansulex (The Spillada) 1987 AC 460 p. 488 cité par L.J. Leggatt dans son discours à Aston University.
53 Viz : Affaires Mid-Essex et TSG Building déjà citées.
54 Birse Construction Ltd v St. David Ltd 1999 BLR 194.
55 MSC Mediterranean Shipping v Cottonex 2016 EWCA Civ. 789.
56 Horn v Commercial Acceptances Ltd [2011] EWHC 1757 Ch et 2012 EWCA Civ. 958.
57 Bristol Groundschool Ltd v Intelligent Data Capture Ltd [2014] EWHC 2145.
58 Gold Group Properties Ltd v BDW Trading Ltd EWHC 1632 TCC.
59 F&G Sykes (Wessex) Ltd v Fine Fare Ltd 1967 I Lloyds Reports 53.
60 Siga v Pharmathene Delaware Supreme Court December 2015.
61 United Group Rail Services v Rail Corp of NSW 2009 NSWCA 177.
62 HSBC Institutional Trust Services (Singapore) Ltd (trustee of Starhill Global Real Estate Investment Trust) v Toshin Development Singapore Pte Ltd [2012] SGCA 48.
Auteur
Avocat Honoraire au Barreau de Lyon
ancien Solicitor (England & Wales)
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