La clause de force majeure : leçons du droit anglais à l’égard des contrats français
p. 87-110
Texte intégral
1Le contrat est un outil de prévision pour les parties qui est à la fois nécessaire et difficile, car cette prévision repose sur une dualité : non seulement le contrat résulte de ce que les parties ont prévu, mais cette prévision peut elle-même être bousculée par ce qui n’est pas prévu. C’est toute la problématique, classique, des risques contractuels. Parmi les nombreux risques contractuels, l’on rencontre la force majeure empêchant l’exécution normale du contrat. Tandis que le mécanisme est ancien, il se régénère de nouvelles illustrations (incertitude accrue des événements climatiques et de leur importance, cyberattaques, exigences environnementales ou sanitaires mettant un terme au commerce de certains produits, Brexit, etc.). S’agissant du droit français, le code civil lui a toujours conféré un double effet, libératoire et exonératoire. La réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations du 10 février 2016 lui a consacré une place importante à travers quatre articles principaux : l’article 12181, après en avoir fourni une définition, énonce son effet libératoire, rappelé par les articles 1351 et 1351‑1 du code civil, et, logiquement, un effet exonératoire selon l’article 1231‑1 in fine du code civil2. Elle produit également un effet suspensif en cas d’empêchement temporaire (C. civ., art. 1218, al. 2 in limine)3. S’agissant du droit anglais, c’est la doctrine de la Frustration4 qui permet de proposer des réponses aux contractants subissant un événement de force majeure. Bien qu’il n’y en ait pas de définition générale, elle peut se résumer, à la lecture de la jurisprudence comme l’événement irrésistible rendant l’exécution impossible ou illégale5, la privant de tout intérêt pour le créancier ou la transformant complètement. Elle entraîne un effet libératoire et exonératoire6, à l’instar du droit français.
2Qu’il s’agisse du droit français ou du droit anglais, ces règles relatives à la force majeure ne sont pas impératives et permettent donc aux parties d’y déroger : les rédacteurs de contrat ont ainsi à cœur de se saisir de ce risque en agissant sur divers leviers, essentiellement en jouant sur la notion de force majeure et ses conséquences7. En limitant les dispositions d’ordre public, le Rapport au Président de la République relatif à la réforme du droit des contrats français a invité les rédacteurs à rédiger des contrats sur mesure, puisque, s’inscrivant dans les pas de la jurisprudence française, la réforme du droit des obligations a confirmé que les dispositions relatives à la force majeure n’étaient pas d’ordre public8.
3La clause de force majeure doit être distinguée, en droit anglais comme en droit français, de diverses clauses gérant également la survenance d’un événement irrésistible et imprévisible, mais ne rendant pas l’exécution du contrat impossible. C’est le cas de la clause de hardship ou d’imprévision9, ou encore clause Rebus sic standibus, qui a pour objet de gérer la survenance d’un événement bouleversant l’équilibre économique du contrat en raison de changement imprévisibles de circonstances ; l’exécution du contrat, bien que demeurant possible (contrairement à l’hypothèse de la force majeure), devient excessivement onéreuse10, mais le débiteur doit assumer l’alourdissement du coût de l’exécution11. Tandis que cette clause peut sembler moins nécessaire depuis la réforme du droit du contrat l’article 1195 dans le code civil12, elle demeure importante en droit anglais afin de contourner le refus de l’imprévision par la Common law13. Le débiteur peut alors solliciter la renégociation du contrat afin qu’il soit adapté aux nouvelles circonstances. La clause de force majeure doit également être distinguée de la clause dite Material Adverse Change14, aussi appelée clause MAC ; courante dans la pratique anglo-saxonne, elle permet de trouver une solution à un contrat dont la rentabilité économique se révèle bien moins intéressante qu’attendue, en raison de la survenance de circonstances nouvelles15. Elle peut prévoir la résolution du contrat, le versement de fonds supplémentaires16, l’adaptation des modalités de remboursement d’un prêt ou toute autre solution convenue par les parties.
4Toute approche comparative supposant de tenir compte des pratiques propres à chaque pays, l’on doit observer que les juristes anglais (et anglo-saxons plus généralement ici) rédigent quasi-systématiquement des clauses de force majeure17, leur contenu s’enrichissant au gré de leur pratique, car la doctrine jurisprudentielle de la Frustration est d’application stricte, les juges anglais se montrant particulièrement réticents à l’admettre pour libérer les parties de leurs obligations contractuelles18. Bien que rompus à l’exercice, les juristes anglais ont été surpris par deux décisions récentes ayant nié, de manière inattendue, l’efficacité de telles clauses dans deux espèces, en dépit de la précision des stipulations19. Dans ce contexte de réécriture récente de la force majeure par le code civil et le contrôle renforcé des clauses par le juge anglais, l’expérience anglaise peut être utile au regain d’intérêt du droit français pour la stipulation de ces clauses, non seulement lors de la rédaction (I), mais aussi afin d’éviter ses pièges (II).
I. Leçons du droit anglais relatives à la rédaction de la clause de force majeure
5Les juristes de Common law ont une longue expérience dans la rédaction des clauses de force majeure, devenue une tradition en l’absence de règles par défaut suffisamment protectrices ; mais, au regard du droit français, l’on peut douter que ce soit aussi nécessaire tant la jurisprudence et maintenant le code civil se sont emparés de la notion. Il s’avère que cette clause est une nécessité, parfois (A) et une commodité, toujours (B).
A. Une nécessité
6Comment comprendre que les anglo-saxons soient traditionnellement davantage rompus à la rédaction de clauses de force majeure que les français ? Cette différence s’explique par la nécessité d’une telle stipulation pour les premiers (1) en raison d’une jurisprudence peu accueillante en la matière, contrairement aux seconds (2).
1) Une nécessité impérieuse en droit anglais
7L’appétence des juristes anglais pour la rédaction de clauses de force majeure s’explique par une application particulièrement limitée de la jurisprudence relative à la force majeure. Les parties, éprouvant un tel événement, peuvent certes espérer compter sur la doctrine de la Frustration pour être libérées de leurs obligations ; toutefois, l’exigence des juges anglais est telle qu’il est bien rare qu’elle prospère en l’absence de clause.
8La doctrine de la Frustration fut inventée par les juges anglais comme un correctif à la rigueur de la force obligatoire des conventions. En effet, ils ont, dans un premier temps, refusé de reconnaître un effet libératoire à un événement pourtant irrésistible et imprévisible, dans la célèbre affaire Paradine v Jane, jugée en 1647. Le propriétaire d’un champ le donne en location, mais le preneur n’ayant pas payé le loyer pendant plusieurs années, il l’assigne en paiement des arriérés. Or, le preneur était loin d’être un mauvais payeur ; il n’avait pas pu payer les loyers, car il n’avait plus la possibilité d’exploiter le champ en raison d’une invasion de soldats qui l’en avaient chassé. Bien que l’invasion constituât un événement irrésistible et imprévisible, les juges le condamnèrent au paiement des loyers, cette solution sévère étant justifiée par la prédominance du respect de la force obligatoire du contrat selon la Common law. Cette réticence jurisprudentielle est soutenue par deux arguments, d’une part, le fait que le juge ne doit pas être instrumentalisé par la partie qui aurait, rétrospectivement, fait une mauvaise affaire à la lumière d’événements postérieurs à la conclusion du contrat20 et, d’autre part, par le fait que le futur est incertain pour tout un chacun, il appartient aux parties d’organiser, autant que possible, la survenance d’événements susceptibles de contrarier le cours normal du contrat21.
9Les juges ont décidé, bien plus tard, d’admettre quelques hypothèses de force majeure avec effet libératoire pour les parties. Désormais, il existe trois principales hypothèses que la jurisprudence qualifie de force majeure. En premier lieu, il peut y avoir force majeure lorsque l’exécution du contrat est devenue impossible ; c’est le cas si la chose, objet du contrat, a disparu22, ou encore si le débiteur de la prestation, dans un contrat intuitu personae23, est empêché dans l’exécution à raison de son décès ou de sa maladie par exemple. En deuxième lieu, les parties peuvent être également libérées si le contrat est devenu illégal24. Enfin, il peut y avoir aussi force majeure si l’exécution du contrat, bien que possible, ne peut l’être que d’une manière substantiellement différente de ce qui était prévu initialement par les contractants. Ainsi en est‑il si l’avantage que le contrat devait procurer au créancier, qu’il attendait et qui avait été convenu par les parties, ne peut plus être fourni25 ou pas de la même manière26. D’ailleurs, la High Court a récemment considéré que le Brexit, qui avait obligé le preneur (une autorité de l’Union européenne) à déménager (quitter Londres pour s’installer à Amsterdam), ne constituait pas un événement de force majeure pour un bail professionnel27, puisque le contrat présentait d’autres avantages que la jouissance personnelle, tels que la cession du bail ou la sous-location. Bien que ces hypothèses de force majeure soient clairement admises, le juge anglais demeure très réticent à reconnaître l’existence d’un événement de force majeure28.
10Outre les hypothèses limitativement énumérées de force majeure, ses effets présentent également quelques inconvénients. Ainsi, lorsqu’un événement de Frustration intervient, le contrat prend fin que les parties le veuillent ou non, et qu’elles le sachent ou non d’ailleurs. Rien n’est donc envisagé par la jurisprudence à propos de la suspension des obligations en cas d’impossibilité temporaire, le contrat prenant fin de plein droit29.
11Enfin, la doctrine de la Frustration présente encore un autre inconvénient : elle ne peut jouer qu’au soutien d’une défense et non comme moyen d’action, le débiteur doit donc attendre que le créancier l’assigne pour l’invoquer.
12Pour toutes ces raisons, la rédaction d’une clause de force majeure en droit anglais est un impératif, ce qui est bien différent en droit français.
2) Une nécessité atténuée en droit français
13La nécessité de rédiger une clause s’impose beaucoup moins en droit français tant l’encadrement juridique de ses éléments constitutifs et de ses effets est important. En effet, la qualification de force majeure est précise. Ainsi, la Cour de cassation, en Assemblée plénière, l’a définie comme un événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution30. Reprenant ces critères, la réforme des contrats de 2016 en a donné une définition détaillée dans l’article 121831 du code civil disposant qu’il « (…) y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »32 En outre, les effets de la force majeure sont également précisés par le code civil. Ainsi, en bref, en cas d’empêchement définitif, les parties sont libérées selon l’article 1218 du code civil, l’article 1351 confirme cette libération (si le débiteur n’a pas encore été mis en demeure) et ajoute une possible libération partielle « à due concurrence », le cas échéant. Mais si la force majeure a provoqué la perte de la chose, le débiteur est libéré s’il établit que la chose aurait pareillement péri malgré la mise en demeure, le créancier bénéficiant du transfert des droits et actions (art. 1351-1 C. civ.)33. En présence d’un contrat translatif de propriété, le risque pèse sur le propriétaire de la chose (art. 1196, al. 3 C. civ.), de sorte que le débiteur est libéré, mais pas le créancier34. Enfin, le débiteur n’ayant pas exécuté ou ayant exécuté avec retard ne sera pas tenu de dommages-intérêts s’il prouve que l’inexécution est le résultat de la force majeure (art. 1231‑1).
14Dans ce contexte de précisions légales, l’opportunité de rédiger une clause de force majeure ne semble pas se poser immédiatement au juriste français. Néanmoins, plusieurs raisons, liées aux articles mêmes qui régissent la force majeure, en justifient la rédaction.
15Tout d’abord, ces précisions n’excluent pas des incertitudes quant à la notion même de force majeure. En effet, l’article 1218 recèle une ambiguïté relative au caractère extérieur de l’événement, car la rédaction du texte permet tant de le conserver que de l’exclure de la qualification. Il est vrai que la jurisprudence s’était révélée floue à ce sujet35. Le rapport présenté au Président de la République définit la force majeure en matière contractuelle par les deux critères d’irrésistibilité et d’imprévisibilité, délaissant donc le troisième critère de l’extériorité. Mais la doctrine reste divisée sur la disparition ou non de ce critère36. En s’inspirant de la jurisprudence britannique37, il serait souhaitable d’englober l’extériorité dans l’irrésistibilité : ce qui est extérieur au débiteur est vraisemblablement irrésistible, mais ce qui n’est pas extérieur peut être tout autant irrésistible, car au‑delà de son contrôle. Le caractère irrésistible primant sur les autres, la jurisprudence anglaise se révèle même indulgente quant à l’exigence d’imprévisibilité38.
16Ensuite, le fait que la notion de force majeure et ses conséquences soient envisagées désormais par les textes n’exclut pas l’appréciation que le juge peut en faire, comme il le faisait avant l’ordonnance de 2016. Dans ces conditions, la qualification de force majeure relève du pouvoir du juge et les espèces dans lesquelles elles suscitaient le doute sont nombreuses39. Une clause permet donc aux parties d’éviter, dans une certaine mesure, cette incertitude.
17Face à ces difficultés purement relatives à la rédaction des textes, il est donc souhaitable de rédiger une clause-définition de la force majeure qui aurait le double avantage à la fois de dissiper les doutes persistants sur le critère de l’extériorité (en l’excluant ou non et, le cas échéant, en le définissant également) et à la fois d’être une source d’information pour les parties qui sauraient, avec précision, ce que recouvre leur force majeure40.
B. Une commodité
18Au-delà de la nécessité de rédiger une clause de force majeure, plus ou moins impérieuse selon le droit applicable, il s’agit aussi d’une commodité pour les parties. En effet, au regard des différences entre les qualification et effets selon les droits internes, il peut être sage de stipuler une clause les transcendant dans un contexte international41. Dans un contrat interne42, pareillement, les parties peuvent souhaiter échapper à une règle claire attachée à la force majeure ou l’atténuer ; elles peuvent aussi, inversement, chercher à dissiper des doutes produits par une règle confuse ou encore combler ce que le droit n’a pas envisagé. La confrontation de la pratique anglaise et du droit français révèle que la rédaction de la clause permet de contrôler la qualification de leur force majeure (1) et ses effets (2).
1) La qualification conventionnelle de force majeure
19Que le contrat soit soumis au droit anglais ou au droit français, l’on peut observer que les parties ont pris l’habitude d’aménager la notion de force majeure de diverses manières. Tout d’abord, les parties énumèrent souvent une série d’événements qu’elles qualifient de force majeure (guerre, rébellion, ouragan…)43. Toutefois, elles présentent un inconvénient rédactionnel : la liste ne doit pas être interprétée comme une liste fermée, mais comme une simple série d’exemples, d’où les stipulations le précisant44. Pour davantage de clarté, il est fréquent que les événements soient classés par catégorie (événements politiques, météorologiques, etc.). Inversement, les parties peuvent également exclure certains événements.
20Ensuite, en droit français comme en droit anglais, elles peuvent stipuler une définition abstraite de la force majeure en caractérisant l’événement, mais elle ne met pas pour autant les parties à l’abri du contrôle du juge sur le lien de causalité entre l’événement et l’impossibilité d’exécution45.
21Par exemple, elles peuvent se contenter de se référer à des définitions données par des droits internes46. Elles peuvent aussi choisir leur propre définition de la force majeure en ne retenant qu’un seul des critères la caractérisant traditionnellement. Ainsi, les rédacteurs anglais se contentent parfois du caractère irrésistible afin d’éviter les contentieux ultérieurs sur le point de savoir si l’événement était, en outre, prévisible47 ou non lors de la conclusion du contrat, ou si l’événement l’était mais pas ses conséquences48. Ils prennent donc soin de stipuler que l’événement n’était pas « raisonnablement » prévisible par les parties. L’irrésistibilité peut également être utilement délimitée par le contrat qui peut alors déterminer ce à quoi elle correspond et énumérer les mesures appropriées pour éviter ses effets (clause de Best efforts)49. Cette exigence pourrait être analysée comme une logique proche de celle de la minimisation du dommage, mais non pas à la charge du créancier, mais à la charge du débiteur. Elle relève davantage de la caractérisation de l’événement irrésistible. Pareillement, l’incertitude relative à l’extériorité peut être dissipée en écartant purement et simplement cette exigence. Il est aussi utile de prévoir si des événements imputables à un tiers, proche des parties (un sous‑traitant50 ou à des salariés en grève du débiteur) peuvent constituer un événement de force majeure pour le débiteur. En effet, en dépit de la réforme du droit français du contrat, des doutes demeurent quant à l’exigence d’extériorité de l’événement, doutes qui peuvent être pleinement dissipés par la clause. Pareillement, en droit anglais, ce critère fait l’objet d’une application inégale : l’événement peut ne pas être extérieur dès lors qu’il n’a pas pour autant été provoqué par le débiteur ; c’est la distinction entre le l’extériorité et le Self-inducement51. Or, cette distinction est particulièrement importante en droit anglais, non pas en tant qu’élément constitutif de la force majeure, mais davantage en tant que critère de distinction avec l’inexécution imputable au débiteur et donc la clause de responsabilité le cas échéant. En pratique, il n’est d’ailleurs pas rare que les parties souhaitent articuler force majeure et exonération de responsabilité ; ainsi, le créancier peut accepter d’assumer les conséquences de l’inexécution imputable au débiteur tout en assumant aussi l’inexécution de sa propre obligation résultant pourtant d’un cas de force majeure. Une telle stratégie peut être efficacement contrebalancée par des conditions financières qui lui sont alors favorables. Le droit anglais distingue pourtant les deux clauses : la clause de force majeure permet de délimiter les obligations du débiteur, car la survenance de l’événement ne provoque pas une inexécution du contrat qui lui serait imputable (il n’y a pas de « breach »). En revanche, en l’absence d’un tel événement, il doit s’exécuter, sinon il y a breach et la clause exclusive de responsabilité produit son plein effet exonératoire52. En pratique, la distinction peut se révéler subtile d’application et repose sur les termes de la clause et leur interprétation53. Dans la même logique, la clause peut offrir aux parties l’occasion de modifier les obligations des parties ; par exemple, le débiteur peut accepter de supporter les conséquences de l’inexécution pourtant fruit de la force majeure ; c’est une clause de risque54. Inversement, le contrat peut aussi prévoir que les parties ne seront pas libérées malgré la survenance d’un cas de force majeure ; c’est une clause de garantie55. Les parties peuvent également dissocier le transfert de propriété et le transfert des risques, mais il ne s’agit alors pas pour elles d’agir, à proprement parler, sur les effets de la force majeure.
22Ensuite, la force majeure doit empêcher l’exécution du contrat. Il peut être sage que les parties s’accordent sur l’appréciation de cet empêchement et sur la façon de distinguer l’empêchement temporaire et définitif.
23Les parties peuvent également préciser qui va apprécier ces critères (l’une des parties, un tiers neutre) et comment y procéder. L’on observe d’ailleurs dans les clauses anglaises que la qualification de force majeure peut relever du pouvoir unilatéral du débiteur, pouvoir discrétionnaire encadré juridiquement en tant que tel.
2) Les effets conventionnels de la force majeure
24Les parties, en droit français comme en droit anglais, peuvent aménager les effets de la force majeure.
En premier lieu, les parties peuvent s’accorder sur l’issue du contrat, disparition ou suspension.
En effet, d’une part, la force majeure aboutit, en principe, à la résolution du contrat : c’est l’unique issue proposée par la jurisprudence anglaise, et l’article 1218 du code civil prévoit une fin de plein droit du contrat en cas d’empêchement définitif. S’agissant du droit anglais, il est important de rappeler que la fin automatique du contrat s’opère sans effet rétroactif, une loi de 1943 réglant les comptes entre parties ; il peut être alors utile pour elles d’organiser les restitutions et comptes le cas échéant. Mais les parties, en droit français, peuvent aussi les aménager. Il est également important de penser à l’articulation de la clause avec d’autres précautions ; concrètement, il n’est pas inutile d’imposer au débiteur susceptible de se retrouver dans la situation de l’article 1351‑1 du code civil la souscription d’une assurance56.
25D’autre part, la jurisprudence anglaise ne prononçant que la solution radicale qu’est la résolution, les parties peuvent avoir intérêt à prévoir la suspension du contrat si l’empêchement est temporaire, en s’inspirant de l’article 1218 du code civil. Des précisions sont alors importantes, qui valent pour les deux droits : par exemple, si la durée de suspension du contrat n’est pas indiquée, l’on peut convenir qu’elle sera appréciée à la discrétion de l’une ou l’autre partie (auquel cas il faudra prévoir un mécanisme d’information du cocontractant) ou qu’elle ne pourra pas excéder une certaine durée ou un temps raisonnable. En outre, malgré la suspension, il peut être intéressant de prévoir que certaines clauses seront toutefois maintenues (clause d’information et Report clause). Toujours pendant cette période de suspension, il est utile d’organiser les pouvoirs de chaque partie : par exemple, le créancier peut notamment obtenir l’exécution en nature auprès d’un tiers (livraison de marchandises, nouveau franchisé, etc.). Afin d’éviter la résolution du contrat, et de conserver une certaine efficacité du contrat, il est aussi possible de permettre au débiteur de prévoir des obligations alternatives : le contrat a pour objet obligations A et B, mais en cas d’impossibilité temporaire ou non, l’on peut prévoir de basculer vers les obligations C et D. Il ne s’agirait pas d’obligations alternatives en première intention, mais de les faire émerger en cas de force majeure caractérisée. Si le débiteur ne peut que partiellement exécuter le contrat, il peut être judicieux que les parties conviennent du calcul du prix alors dû (rappr. art. 1351), ou encore des délais de paiement accordés par le créancier ou le paiement à son profit d’une indemnité compensatrice. De même, avant d’envisager la résolution du contrat, il peut être utile de prévoir une issue intermédiaire avant de libérer les parties en cas d’impossibilité d’exécuter le contrat ; ainsi, l’on peut prévoir que les parties devront renégocier le contrat pour tenter de conserver une utilité au contrat, ce qui rapproche alors la clause de force majeure de la clause de hardship par cet aspect. Enfin, les parties peuvent privilégier la réduction du prix, réservant la résolution automatique au seul cas d’inexécution grave57.
26En second lieu, il est utile de prévoir la procédure à suivre. Le débiteur devra‑t‑il informer le créancier de la survenance d’un événement de force majeure ? La question est posée tant en droit français qu’en droit anglais, puisque la survenance de la force majeure met fin automatiquement au contrat. En outre, quelles modalités58, dans quels délais, avec ou sans justificatifs, avec quelle conséquence en cas de non‑respect59, etc. faudra‑t‑il respecter ? Les parties peuvent également indiquer si chacune peut se prévaloir de la force majeure, ce qui peut surprendre les juristes de droit français. En effet, en principe, c’est le débiteur, empêché par l’événement de force majeure, qui invoque la force majeure comme excuse ; mais le créancier peut aussi être habilité par le contrat à s’en prévaloir immédiatement avant même que le débiteur ne l’envisage60.
Toutefois, rédiger une clause de force majeure ne met pas les parties à l’abri de diverses difficultés.
II. Leçons du droit anglais relatives aux pièges de la clause de force majeure
27Bien qu’une clause de force majeure ait été rédigée, elle peut ne produire aucun effet, à la surprise des parties, en raison du contrôle du juge et/ou de la loi. En effet, une clause peut être privée d’effets malgré sa validité (A), tandis qu’elle peut aussi être privée d’efficacité ab initio (B).
A. Une clause valable privée d’effets
28Deux facteurs principaux peuvent expliquer qu’une clause de force majeure, pourtant valable, soit privée d’efficacité. D’une part, il peut s’agir de l’implication des parties dans la réalisation de l’événement faisant échec à la qualification même de force majeure (1). D’autre part, la clause peut se révéler de peu de secours pour le débiteur qui, en raison d’une concurrence d’événements, ne parvient pas à établir le lien de causalité entre la survenance de l’événement et l’inexécution (2). Ces aspects mettent en lumière une hésitation, en droit anglais, sur le point de savoir si l’empêchement relève de la qualification ou du lien de causalité provoquant l’inexécution.
1) L’implication des parties peut faire échec à la qualification de force majeure
29En premier lieu, la seule implication du débiteur dans la réalisation de l’événement peut faire échec à la qualification de force majeure. En effet, le juge anglais a le pouvoir de contrôler si l’événement indiqué dans la clause comme un événement de force majeure en est bien un dans les faits. Le droit anglais en contient de nombreux exemples. Ainsi en est‑il de la célèbre affaire Mamidoil61. En l’espèce, la clause de force majeure stipulait que le débiteur serait exonéré si l’inexécution du contrat résultait d’une décision des autorités locales macédoniennes ou des autorités de l’Union Européenne, à condition qu’elle fût irrésistible pour le débiteur. Il s’avère que le gouvernement macédonien enjoignit le débiteur de ne pas exécuter le contrat, et l’interdiction fit l’objet d’un écrit. Le débiteur, conformément à la clause, s’en prévalut pour justifier l’inexécution. Or, après enquête, il s’avéra que le débiteur, proche du gouvernement macédonien, avait lui‑même demandé à ce qu’il lui soit fait officiellement interdiction d’exécuter le contrat. Le juge anglais en conclut alors que l’interdiction ne correspondait pas à un événement irrésistible pour le débiteur au sens de la clause ; c’est l’application de la règle du Self inducement. Si le juge a considéré que la clause ne pouvait excuser le débiteur, il ne peut plus se fonder sur la doctrine de la Frustration62.
30En deuxième lieu – et inversement –, l’implication du créancier peut également faire échec à la qualification de force majeure. En droit anglais, la force majeure empêchant l’exécution du contrat suppose la survenance d’un événement avant tout irrésistible pour le débiteur. La question s’est posée, en droit anglais, de savoir si l’inexécution par le débiteur pouvait être qualifiée de force majeure, lorsqu’elle avait été la conséquence du comportement du créancier. En d’autres termes, lorsque l’exécution de l’obligation du débiteur suppose la coopération du créancier, mais que celui‑ci a refusé de coopérer, le débiteur peut‑il se prévaloir de la clause de force majeure pour échapper à son obligation et, surtout, peut‑il se prévaloir du délai de notification mentionné dans la clause de force majeure, différent de celui stipulé en cas d’inexécution classique ? Bien que le raisonnement paraîsse séduisant, le juge répond par la négative63.
31En troisième lieu, l’échec de la qualification peut résulter du fait que les parties ont convenu que seule l’une des parties pourrait se prévaloir de la clause, comme l’illustre une affaire célèbre64. Une personne achète un avion et verse une partie du prix à un tiers séquestre. Le contrat contenait une clause de force majeure stipulant que seul le vendeur pourrait se prévaloir d’un événement imprévisible et irrésistible pour mettre fin au contrat. Mais n’ayant finalement pas les moyens de cet achat en raison d’un effondrement des marchés financiers, l’acquéreur demande la résolution de la vente mais en se prévalant indirectement de la clause. En effet, dans une démonstration complexe et audacieuse (qui ne convainquit pourtant pas le juge, à juste titre), le débiteur tint le raisonnement suivant : le fait qu’il n’ait pas les moyens de payer place le vendeur face à un événement irrésistible (le non-paiement du débiteur-acheteur) ; le vendeur ferait donc face à un effet de force majeure l’empêchant de s’exécuter, ce qui entraînerait la fin automatique du contrat, situation objective qui bénéficieraient in fine aux deux parties ! Le juge rejeta cette tortueuse argumentation en constatant simplement que la clause ne permettait pas à l’acquéreur de se prévaloir d’un cas de force majeure, puisque ce n’était pas prévu en ce sens...
32Le droit français refuse pareillement au débiteur de se prévaloir de la force majeure lorsque l’événement rendant l’exécution impossible lui est imputable65, puisque, par hypothèse, ce n’est pas ce fait qui a empêché l’exécution ; c’est donc la qualification de force majeure qui doit être écartée. Même en présence d’une clause de force majeure, la commission d’une faute du débiteur l’emporte66. Mais si le contrat stipule que l’événement de force majeure peut ne pas être extérieur ou irrésistible ou imprévisible, le débiteur est excusé, mais il s’agit alors davantage d’une clause exonératoire de responsabilité.
33Ce raisonnement ici ne s’applique que s’il n’existe qu’une explication à l’inexécution, force majeure ou fait de l’une des parties ; or, le droit anglais livre diverses illustrations de causes concurrentes.
2) Causes concurrentes et défaut de lien de causalité
34En droit anglais comme en droit français, le débiteur n’est libéré et exonéré que s’il prouve que l’événement a empêché l’exécution du contrat, puisque l’empêchement est un élément de qualification de la force majeure. Cela devient encore plus complexe lorsque l’inexécution résulte de la combinaison de deux événements, l’un imputable au débiteur, l’autre étant irrésistible et imprévisible : ainsi, qu’en est‑il lorsqu’il y a bien eu événement de force majeure, ayant contribué à l’inexécution, mais seulement en partie ?
35En principe, en droit anglais, la réponse est simple : en l’absence de clause de force majeure, le débiteur doit prouver que l’événement a empêché l’exécution ; en revanche, lorsque le débiteur souhaite se prévaloir d’une clause de force majeure, l’événement doit être la seule explication à l’inexécution67. Toutefois, deux décisions récentes ont montré combien il était parfois complexe d’appliquer ce principe.
36La première décision68 a particulièrement surpris les juristes de Common law par la généralité et la rigueur de la solution. En l’espèce, une société pétrolière conclut un contrat avec une autre au terme duquel la première fournit ses services de forage pour la seconde qui fournit l’appareil de forage nécessaires aux opérations ; la zone géographique convenue est située au large du Ghana (zone 1), mais la société pétrolière envisage d’étendre son activité à une seconde zone plus tard (zone 2). Une clause de force majeure stipule que, entre autres événements, une décision qui imposerait au Ghana de ne plus autoriser les forages, serait un cas de force majeure pour la première société. Or, le Ghana et la Côte d’Ivoire se disputent la souveraineté de la zone 1 ; le tribunal arbitral saisi du litige entre les deux pays prononce une mesure provisoire interdisant tout nouveau forage dans cette région ; le Ghana informe la première société en lui indiquant que désormais, seules les activités sur les anciens puits demeuraient autorisées dans la zone 1, mais pas le forage de nouveaux puits. La société comprend donc que ses projets d’extension sont lourdement compromis (car aucun nouveau puits n’est envisageable) et invoque la clause de force majeure pour mettre fin au contrat ; en somme, il n’y a plus d’activité possible pour l’avenir en raison d’une décision imposée au Ghana, le contrat doit prendre fin. Le juge anglais admet que la décision arbitrale constitue bien un événement de force majeure au sens de la clause. Mais ce que la société omet de dire c’est que la sentence arbitrale a eu peu d’impact pour elle, financièrement, sur les forages de la zone 1 ; en revanche, l’utilisation de la foreuse n’est plus envisageable pour la zone 2 (non soumise à la sentence), parce qu’il se trouve que, en parallèle, le Ghana a refusé d’autoriser son exploitation ; en résumé, la société invoque la force majeure (concernant la zone 1) comme prétexte, puisque sa vraie motivation est de rompre le contrat en raison de l’absence de perspective pour la zone 2. Le prononcé de la sentence était indifférent ; or, l’interdiction des forages de la seconde zone par l’État ne constitue pas un cas de force majeure au sens de la clause. En résumé, il y avait donc deux causes concurrentes à l’impossibilité de forer : un cas de force majeure et une cause autre. Le juge, appliquant le precedent Intertradex, rappelle que le débiteur ne peut pas se prévaloir de la force majeure si ce n’est pas la seule cause d’inexécution ; la société pétrolière demeurait engagée. Cette décision illustre la difficulté à rédiger une clause de force majeure efficace, l’énumération pouvant, comme en l’espèce, se révéler insuffisante sur le terrain de la causalité. Mais il n’est pas non plus interdit de penser que le juge a refusé de donner raison au débiteur qui tentait, en interprétant la clause de force majeure, d’échapper, avant tout, à un contrat devenu encombrant.
37La seconde affaire, Classic Maritime69, prononcée également en 2018, a, encore davantage surpris. La question était de savoir si le débiteur pouvait se prévaloir d’une clause de force majeure alors qu’un second événement qui lui était imputable avait aussi contribué à l’inexécution. En droit anglais, le débiteur doit démontrer que l’événement a empêché l’exécution du contrat tel un lien de causalité. Mais de quelle causalité s’agit‑il ? Ce n’est, en principe, pas la même causalité qu’en matière de responsabilité (« but for test »)70. Pourtant, dans l’affaire Classic Maritime, la solution est plus subtile, puisque, au contraire, le juge a appliqué la causalité de la responsabilité. Cette solution divergente se justifie ici par le contenu de la clause : aux termes de la stipulation, les parties avaient restreint l’effet de la force majeure à la seule exonération de responsabilité71, excluant a contrario la résiliation du contrat. Les faits de l’affaire Classic Maritime permettent de mieux saisir l’enjeu de la clause : un contrat d’affrètement est conclu pour une longue durée afin de transporter du fer du Brésil vers la Malaisie. Or, quelque temps après, une explosion a lieu dans l’une des mines brésiliennes, de sorte que l’affréteur n’a plus de fer à transporter. Mais ce n’est pas la seule raison expliquant que l’affréteur ne fournisse plus de fer : il s’avère que l’affréteur a déjà renoncé à deux transports par manque de clientèle, car il n’y a plus vraiment d’acheteurs de fer en Asie. Apprenant l’explosion, l’affréteur se prévaut immédiatement de la clause de force majeure pour mettre fin au contrat avec le propriétaire du bateau. Ces faits soulèvent alors deux difficultés : d’une part, comment articuler les deux événements expliquant l’inexécution du contrat, l’une relevant de la force majeure (explosion dans la mine), l’autre ne pouvant être qualifié ainsi (manque de clients) ? D’autre part, la clause de force majeure était limitée à l’effet exonératoire et non libératoire. En articulant les deux difficultés, le juge parvient à une double conclusion.
38Tout d’abord, les parties n’ayant opté que pour l’effet exonératoire, il faut en conclure qu’elles ont convenu d’exclure toute résiliation du contrat ; et puisqu’elles se sont placées sur le terrain de la responsabilité, le juge doit se fonder sur le lien de causalité en la matière, c’est‑à‑dire le principe de But for test. Appliquer cette règle consiste à se poser la question suivante : l’exécution aurait‑elle été possible s’il n’y avait pas eu force majeure ? Il ne s’agit pas de déterminer si la force majeure a juste empêché l’exécution, peu importe que l’exécution aurait pu avoir lieu par ailleurs. Une fois ce principe appliqué, il apparaît au juge que le débiteur n’aurait de toute façon pas exécuté le contrat, avec ou sans force majeure, en raison de la diminution de la demande ; en d’autres termes, la clause de force majeure ne produit pas son effet exonératoire en présence d’une cause d’inexécution imputable au débiteur qui aurait, de toute façon, contribué à l’inexécution.
39Ensuite, quant à l’appréciation du rôle joué par les deux événements (l’un de force majeure, l’autre non), le juge considère qu’il ne serait pas juste de faire primer l’un sur l’autre, c’est pourquoi il accorde, certes, une indemnisation au créancier (parce qu’il y a bien eu inexécution imputable au débiteur) mais il en réduit le montant afin de prendre en compte le cas de force majeure (qui pourtant n’avait pas produit d’effet exonératoire !). Cette décision est importante car elle introduit, pour la première fois, une distinction entre deux types de clauses de force majeure : celles qui permettent la résolution du contrat et celles qui ne prévoient que l’indemnisation du dommage, excluant a contrario la résolution. Les premières seraient de véritables clauses de force majeure, représentant un aménagement de la Frustration, tandis que les secondes seraient des clauses exonératoires de responsabilité, soumises au But for test. Cette distinction est source de complications, car, bien souvent, les deux aspects sont inclus dans la même clause et car cela remet en cause l’idée selon laquelle la clause de force majeure définit en réalité les obligations du débiteur, et non la gestion de l’inexécution72.
40Ce raisonnement pourrait‑il être importé dans le droit français du contrat ? En premier lieu, il convient de rappeler que le débiteur, en défense, peut invoquer la force majeure, et notamment la clause de force majeure ; il doit alors prouver que le fait a empêché l’exécution, comme un lien de causalité, mais qui constitue, en réalité, un critère de la notion. Toutefois, dans une chaîne de causes, comment résoudre le conflit qui pourrait apparaître en cas de commission d’une faute par le débiteur en plus du cas de force majeure ? Une première hypothèse peut être aisément résolue : si le débiteur commet une faute en ne prenant pas les mesures appropriées pour éviter ses conséquences, il n’y a pas de concurrence de causes, puisque l’événement ne peut être qualifié de force majeure. Qu’en est‑il d’une seconde hypothèse, dans laquelle une faute du débiteur précède la survenance de la force majeure, telle un coup de grâce, qui empêche l’exécution jusque‑là juste compromise ? Il faut tout d’abord observer que le fait imprévisible et irrésistible ne peut, le cas échéant, relever de la clause de force majeure que si l’exécution du contrat est impossible (temporairement ou définitivement), et non juste plus onéreux. Ensuite, si la faute préalable du débiteur a déjà empêché l’exécution du contrat, tout fait autre, postérieur, fût‑il imprévisible et irrésistible, ne peut plus être qualifié de force majeure73. Inversement, si le débiteur commet une faute postérieurement à la survenance de l’événement de force majeure, il doit pouvoir se prévaloir de la clause ; tout au plus, devra‑t‑il indemniser le cocontractant pour le dommage causé par sa faute, la perte résultant de la force majeure devant être écartée. En outre, doctrine et jurisprudence conviennent, en cas de faute préalable du débiteur (ou plus généralement l’imputabilité de l’inexécution), de la faire primer sur la force majeure74.
41Enfin, le débiteur est tenu de prendre toutes les mesures raisonnables pour diminuer les effets néfastes de l’événement de force majeure, en droit anglais comme en droit français. À ce propos, l’affaire Classic Maritime est l’occasion pour le juge de préciser que cette obligation s’impose au débiteur, même si la clause ne le lui impose pas expressément75. Il s’agirait d’une forme inversée de la minimisation du dommage qui concerne d’habitude le créancier victime d’un préjudice. Ici, c’est le débiteur qui est concerné et ce n’est pas la minimisation du dommage dont il s’agit mais d’une minimisation des conséquences de l’inexécution. Il est vraisemblable que le droit français apporte la même réponse puisque ces mesures caractérisent le caractère irrésistible ou non de l’événement. Mais comment apprécier si des mesures appropriées pouvaient être prises ? L’affaire Seadrill, dans laquelle une clause de force majeure avec obligation de minimiser ses effets avait été stipulée, y répond ainsi : le débiteur doit prendre les mesures raisonnables au regard des intérêts commerciaux des deux parties76. Dans cette affaire, le juge reproche donc au débiteur de s’être montré égoïste (parce qu’il ne voulait pas dépenser davantage ou parce qu’il s’exposait à un profit moindre) en n’appréciant le caractère approprié des mesures qu’au regard de son seul intérêt commercial77. Cette position a d’autant plus surpris que, sauf pour certains contrats, ni la bonne foi contractuelle ni la dimension commune du contrat ne sont traditionnellement prises en compte. Il pourrait être intéressant que cette exigence, considérant ici le contrat comme une affaire commune, irrigue l’application jurisprudentielle de l’article 1218 du code civil.
B. La clause privée d’efficacité ab initio
42En droit français comme en droit anglais, la validité d’une clause de force majeure est soumise aux mêmes conditions que toute autre clause du contrat78. En premier lieu, des dispositions d’ordre public réputent non écrites des clauses, notamment de force majeure, qui les contrediraient79. En deuxième lieu, l’article 1170 du code civil français dispose que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. » Par exemple, dans un contrat de construction, une clause de force majeure qui exonérerait le constructeur même pour des retards de livraison très longs ou qui énumérerait, de manière non limitative, toute une série d’événements exonératoires, risquerait d’être réputée non écrite80. L’on peut aussi envisager l’article 1171 du code civil français prévoyant que « Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite »81 ; encore faut‑il, pour invalider la clause, qu’elle ne soit pas en adéquation avec le prix82. L’on peut également ajouter aux dispositions à respecter l’article 1304‑2 du code civil et la prohibition des clauses potestatives83, l’article L. 442‑1 du code de commerce84 ou encore les articles L. 212-1 et s. et la prohibition des clauses abusives dans les contrats entre consommateur et professionnel85.
43En droit anglais, le raisonnement n’est pas identique mais il peut aboutir au même résultat. En effet, une clause de force majeure (énumérant, pêle‑mêle et sans limite, des événements irrésistibles et d’autres qui ne le seraient pas) peut être requalifiée par le juge en clause exonératoire ou limitative de responsabilité, et, en tant que telle, doit passer par le filtre d’un texte pour juger de sa validité, le UCTA 1977 (Unfair Contract Terms Act)86. En résumé, le UCTA répute non écrite la clause qui exclut ou restreint la responsabilité en cas de dommage corporel ou décès causés par la Négligence. Les autres clauses doivent être raisonnables (art. 11), caractère apprécié grâce aux critères suivants : l’égalité des parties lors de la négociation de la clause ; l’incitation du créancier par le débiteur à accepter la clause ; la connaissance de la clause par le créancier ; le bien demandé est‑il standard ou fait sur mesure (annexe 2).
Enfin, il faut ajouter un autre contrôle imposé par le droit anglais qui est la certitude. En effet, la Common law est soucieuse de vérifier que les parties ne s’engagent pas à faire des choses qui seraient trop vaguement évoquées dans un contrat. Et cette exigence s’applique à la clause de force majeure87.
Notes de bas de page
1 Reprenant, en substance, l’article 7.1.7 des principes Unidroit.
2 Voir not. S. Bros, La force majeure, Dr. et patr. juin 2016, n° 259 ; G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, Dalloz, 2018, p. 562 ; O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, LexisNexis, 2e éd., 2018, p. 537 ; J. Julien, Droit de la responsabilité et des contrats, sous la dir. Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2018‑2019, n° 2142.11 et s.
3 D’autres dispositions du code civil appliquent ces règles à d’autres situations : par exemple, pour l’obligation alternative (art. 1307‑2, 1307‑4 et 1307‑5 C. civ.) ; pour l’obligation facultative (art. 1308, al. 2 C. civ.) ; pour la restitution en cas d’éviction de l’acheteur (art. 1631 C. civ.) ; pour le bail (art. 1730, 1733, 1754, 1755 C. civ.) ; pour le contrat de transport (art. 1784 C. civ.) ; pour le dépôt (art. 1929, 1934 et 1954 C. civ.) ; ou encore pour la prescription (art. 2234 C. civ.).
4 G.‑H. Treitel, Frustration and Force Majeure, Sweet & Maxwell, 1994 ; E. McKendrick, Force Majeure and Frustration of Contract, Lloyd's of London Press, 1995.
5 G.‑H. Treitel, The law of contract, Oxford, 2002, p. 351 s.
6 Mais si le contrat a été partiellement exécuté par le créancier (prépaiement d’une somme d’argent en attente de l’exécution d’une prestation de service, par exemple), la Common law stricto sensu ne prévoit pas de mécanisme de restitution, ce qui est justifié par le fait que la force majeure ne provoque pas de disparition rétroactive du contrat. Les correctifs sont apportés par une loi de 1943 intitulée la Law Reform (Frustrated Contracts) Act qui prévoit, notamment, la restitution de sommes payées par avance, ou l’indemnisation des pertes dans la limite du bénéfice conservé par le débiteur ou encore le paiement des prestations divisibles.
7 P.‑H. Antonmattéi, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, p. 131 ; J. Heinich, La clause de force majeure, Lamy Droit du contrat, 2018, n° 3006 s. ; W. Dross, Clausier : Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 2016, p. 834 s ; J. Mestre et J.‑Ch. Roda, Les principales clauses des contrats d’affaires, Lextenso, 2018, p. 480.
8 S. Bros, précité ; O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, op. cit.
9 W. Dross, op. cit., p. 347.
10 W. Dross, op. cit., p. 346 ; J. Mestre et J.‑Ch. Roda, op. cit., p. 480.
11 Davis Contractors v Fareham UDC [1956] AC 696 ; Tsakiroglou & Co Ltd v Noble Thorl GmbH [1962] AC 93.
12 Mais elle demeure pertinente pour en restreindre les conditions et ses effets. Par exemple, le débiteur peut accepter, selon l’article 1195, d’assumer le risque.
13 Bremer Handelsgesellschaft mbH v Westzucker GmbH (No 3) [1989] 1 Lloyd’s Rep 582 ; sur l’inapplication de la clause de force majeure en cas d’aggravation inattendue des conditions financières, voir par exemple, Tandrin Aviation Holdings Limited, précité.
14 W. Dross, op. cit., p. 465.
15 Par exemple, une société ayant racheté une autre société dont la rentabilité se révèle moins performante, demande l’adaptation de son contrat de prêt auprès de la banque.
16 W. Dross, op. cit., p. 466.
17 Rappr. modèle de clause de force majeure proposée par la Chambre de Commerce internationale.
18 Le juge peut même reprocher au débiteur de ne pas s’être prémuni, par une clause de force majeure, contre des risques fréquents (manquement d’un tiers grossiste) et refuser le bénéfice de la Frustration (Intertradex v Lesieur [1978] 2 Lloyd’s Reports 509).
19 Seadrill Ghana Operations Ltd v Tullow Ghana Ltd [2018] EWHC 1640 (Comm) (03 July 2018) ; Classic Maritime Inc. v Limbungan Makmur Sdn Bhd & Anor [2018] EWHC 2389 (Comm) (13 September 2018).
20 Lord Roskill, in The Nema [1982].
21 E. McKendrick, Contract law, Palgrave, 2018, p. 255.
22 Taylor v Caldwell [1863] 3 B & S 826.
23 Condor v Baron Knights [1966] 1 WLR 87.
24 Fibrosa Spolka v Fairbairn [1943] AC 32.
25 Krell v Henry [1903] 2 KB 740 ; comp. Herne Bay Steam Boat v Hutton [1903] 2 KB 683 : pas de force majeure car l’objet du contrat n’était pas entièrement vidé de son intérêt.
26 Nicholl and Knight v Ashton, Eldridge & Co [1901] 2 KB 126.
27 Canary Wharf v European Medicines Agency (EMA) [2019] EWHC 335 (Ch), 20 février 2019, Le Brexit n’est pas un cas de force majeure : déception pour les locataires ! note C. Le Gallou, AJ Contrat avril 2019.
28 The Super ServaCnt Two [1990] 1 Lloyd’s Rep 1 ; Canary Wharf v European Medicines Agency (EMA) [2019], précité.
29 E. McKendrick, Goode on commercial Law, Penguin, 2018, n° 3.167.
30 Cass. Ass. Plén., 14 avr. 2006, n° 02‑11.168 et 04‑18.902, voir not. D. 2006, p. 1577, note Ph. Jourdain, D. 2006, chron. p. 1566, par D. Noguero, D. 2006, pan. p. 1933, obs. Ph. Brun, D. 2006, p. 2645, obs. B. Fauvarque-Cosson, JCP, éd. G 2006 II 10087, note P. Grosser, Defrénois 2006, p. 1212, obs. E. Savaux, CCC 2006, n° 152, note L. Leveneur, RLDC 2006/29, n° 2129, note M. Mekki, RDC 2006, p. 1083, obs. Y.‑M. Laithier, RDC 2006, p. 1207, obs. G. Viney.
31 Il s’agit de la définition en matière contractuelle, distincte de celle en matière délictuelle (art. 1253 du projet de réforme).
32 Le rapport au Président exclut le critère de l’extériorité, malgré les désaccords d’une partie de la doctrine ; voir infra.
33 G. Chantepie et M. Latina, op. cit., n° 1050.
34 Voir not. W. Dross, op. cit., p. 836.
35 Pour un rappel des hésitations jurisprudentielles relatives au critère de l’extériorité, voir not. G. Chantepie et M. Latina, op. cit., n° 618.
36 L’événement échappant au contrôle du débiteur, exigé par l’article 1218, alinéa 1er, in limine traduit‑il l’extériorité ou l’irrésistibilité ? Sur cette double interprétation, voir not. G. Chantepie et M. Latina, op. cit., op. cit., n° 619 ; O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, op. cit., p. 568 : pour ces auteurs, le troisième critère de l’extériorité est mainten ?Pour une interprétation favorable à l’extériorité englobée par l’irrésistibilité, voir Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Droit des obligations, LGDJ, 2018, n° 956 ; Ch. Larroumet et S. Bros, Le contrat, Economica, 2016, n° 723.
37 La Frustration ne s’applique pas si l’inexécution du contrat résulte du comportement volontaire du débiteur ou des deux parties (self‑inducement). Il importe peu que le comportement concerne une obligation du contrat, dès lors que le comportement en a empêché l’exécution : par exemple, le salarié, qui est condamné à une peine de prison ferme pour un délit commis dans sa vie personnelle, ne peut pas aller travailler (Sumnal v Statt [1984] 49 P&CR 367) ; rappr. ass. soc., 5 oct. 1983 : Gaz. Pal. 1984, 1, pan. jurispr. p. 120 ; il ne peut pas se prévaloir de cette condamnation comme un fait de force majeure, mais l’employeur le peut. Inversement, Treitel donne l’exemple d’un événement extérieur au débiteur qui, pourtant, ne libère pas le débiteur : un agriculteur, qui prévoit de récolter 200 kg de blé, conclut deux contrats avec A et B, leur promettant à chacun la livraison de 100 kg de blé ; une sécheresse s’abat et seuls 100kg sont récoltés ; s’il livre les 100kg à A, il exécute parfaitement le premier contrat, mais pas du tout le second ; est‑ce en raison de la sécheresse ou parce qu’il a fait le choix de privilégier A… ? (G.‑H. Treitel, précité, p. 365). Ce n’est donc pas tant une question d’extériorité au débiteur qu’une question de causalité et d’irrésistibilité.
38 Pour une exigence du caractère imprévisible, voir Walton Harvey Ltd v Walker & Homfrays Ltd [1931] 1 Ch 274 ; Peter Cassidy Seed Co Ltd v Osuustukkuk-Auppa Ltd [1957] 1 WLR 273 ; P. Richards, Law of contract, Pearson, 2017, p. 530. Toutefois, cette exigence est critiquée par Treitel (précité, p. 361), le caractère prévisible ou non d’un événement est une question de risques supportés ou non par les parties. Si le risque est prévu ou prévisible, il est vraisemblable que les parties l’envisageront dans la négociation du contrat (le montant du prix par exemple). Les parties doivent donc anticiper, autant que possible, les risques imprévisibles. C’est donc l’impossibilité des parties de gérer le risque de force majeure qui justifie l’appréciation du caractère imprévisible (voir Krell 1903). La Frustration étant un outil de justice, il n’est pas impossible de l’appliquer pour libérer un débiteur malgré le caractère prévu ou prévisible d’un événement (WJ Taten Ltd v Gamba [1939] 1 KB 132). D’ailleurs, l’appréciation du caractère prévisible est bien incertaine : le déclenchement d’une guerre est traditionnellement considéré comme imprévisible alors que des signes avant-coureurs sont vraisemblables. L’auteur poursuit son questionnement sur l’admission de la Frustration malgré la prévision du risque : pourquoi le juge modifierait‑il la répartition d’un risque que les parties connaissaient et ont pris en compte ? Ce qui est certain, c’est que la Frustration s’applique lorsque les parties n’ont pas géré, expressément ou non, les conséquences d’un risque imprévisible (The Eugenia [1964] 2 QB 226).
39 Par exemple, fut jugée prévisible la présence d’une voiture sur la voie ferrée, malgré les barrières de protection (Cass. 2e civ., 10c2009, n° 08‑20.971, Resp. civ. ass. 2010, n° 5, obs. H. Groutel) ; l’agression d’une passagère dans le train n’est pas irrésistible (Cass. 1re civ., 21 nov. 2006, n° 05‑10.783) ; le décès de l’acteur principal d’une série n’est pas un événement insurmontable pour le maintien du contrat avec son partenaire (Cass. soc., 12 févr. 2003, n° 99‑42985) ; adde, Cass. 2e civ., 8 févr. 2018, n° 16‑26.198.
40 Sous réserve que le juge n’y trouve à redire.
41 J. Heinich, op. cit., n° 3007.
42 A.‑S. Lucas-Puget, La clause de force majeure, Contrats. conc., consom. 2015, form. 2.
43 Voir, par exemple, la clause de force majeure proposée par DLA Piper : “An event of force majeure is an event or circumstance which is beyond the control and without the fault or negligence of the party affected and which by the exercise of reasonable diligence the party affected was unable to prevent provided that event or circumstance is limited to the following :
(a) riot, war, invasion, act of foreign enemies, hostilities (whether war be declared or not) acts of terrorism, civil war, rebellion, revolution, insurrection of military or usurped power, requisition or compulsory acquisition by any governmental or competent authority ;
(b) ionising radiation or contamination, radio activity from any nuclear fuel or from any nuclear waste from the combustion of nuclear fuel, radio active toxic explosive or other hazardous properties of any explosive assembly or nuclear component ;
(c) pressure waves caused by aircraft or other aerial devices travelling at sonic or supersonic speeds ;
(d) earthquakes, flood, fire or other physical natural disaster, but excluding weather conditions regardless of severity ; and
(e) strikes at national level or industrial disputes at a national level, or strike or industrial disputes by labour not employed by the affected party, its subcontractors or its suppliers and which affect an essential portion of the works but excluding any industrial dispute which is specific to the performance of the works or this contract.”
44 Par exemple, les parties peuvent écrire les formules suivantes : « including but not limited to » ou « any other cause beyond the control of the parties » ou « without prejudice to the generality of this clause ». La jurisprudence française suit la même logique (Cass. Com., 11 oct. 2005, n° 03‑10.975).
45 Triple Point Technology Inc, précité : les agitations populaires en Thaïlande, bien que qualifiées de force majeure, n’avaient pas empêché l’exécution du contrat.
46 Triple Point Technology Inc v PTT Public Company Limited [2017] EWHC 2178 : les parties se référaient au code civil et au code commercial thaïlandais.
47 La Frustration exige traditionnellement l’imprévisibilité de l’événement (Walton Harvey Ltd v Walker & Homfrays Ltd [1931] 1 Ch 274 ; Peter Cassidy Seed Co Ltd v Osuustukkuk-Auppa Ltd [1957] 1 WLR 273), mais ce n’est pas systématique ; sur la difficulté d’appliquer ce critère systématiquement, voir note 6.
48 Carboex SA v Louis Dreyfus Commodities Suisse SA [2011] EWHC 1165.
49 J. Heinich, précité.
50 Plus généralement, c’est particulièrement important dans les groupes de contrats.
51 Maritime National Fish v Ocean Trawlers [1935] AC 524 7 ; sur la distinction entre extériorité et self-inducement, voir note 7.
52 Fairclough, Dodd & Jones Ltd. v J. H. Vantol Ltd [1957] 1 WLR 136 ; Classic Maritime Inc. v Limbungan Makmur Sdn Bhd & Anor [2018] EWHC 2389 (Comm) (13 September 2018).
53 Great Elephant Corp v Trafigura Beheer BV (The Crudesky) [2013] EWCA Civ. 905.
54 Art. 1351 C. civ. ; W. Dross, op. cit., n° 836.
55 W. DROSS, op. cit., n° 836.
56 O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, op. cit., p. 538 : articulation de la fin automatique du contrat de l’article 1218 du code civil et de l’article 1351‑1 prévoyant le transfert des droits et actions au créancier de l’obligation portant sur une chose ayant péri.
57 O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, op. cit., p. 538.
58 O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, op. cit., p. 538.
59 Scottish Power UK Plc v BP Exploration Operating Company Ltd and others 2015 EWHC 2658 (Comm).
60 Tandrin Aviation Holdings Limited v Aero Toy Store Llc [2010] EWHC 40.
61 Mamidoil-Jetoil Greek Petroleum Company SA and another v Okta Crude Oil Refinery AD [2003] EWCA Civ. 617.
62 P. Richards, op. cit., p. 540 ; comp. Jackson v Union Maritime Insurance Co Ltd [1874] LR 10 CP 125.
63 Ministry of Sound v Worldonline [2013] EWHC.
64 Tandrin Aviation Holdings Ltd v Aero Toy Store LLC [2010] EWHC 40 (Comm).
65 Sur le rapprochement entre l’absence de contrôle et la non-imputabilité, voir O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, op. cit., p. 538 ; J.‑Ch. Saint‑Pau, Art. 1146 à 1155 - Fasc. 11‑30 : Droit à réparation. – Exonération de la responsabilité contractuelle. – Inexécution imputable à une cause étrangère, n° 23 s.
66 Cass. Com., 10 janv. 2010, n° 08‑17326, inédit ; W. Dross, op. cit., p. 84 ; J.‑Ch. Saint‑Pau, J.‑Cl. civ. Art. 1146 à 1155 - Fasc. 11‑10 : Droit à réparation. – Conditions de la responsabilité contractuelle, n° 110.
67 Intertradex v Lesieur [1978] 2 Lloyd’s Reports 509.
68 Seadrill Ghana Operations Ltd v Tullow Ghana Ltd [2018] EWHC 1640 (Comm).
69 Classic Maritime Inc. v Limbungan Makmur Sdn Bhd & Anor [2018] EWHC 2389 (Comm) (13 September 2018).
70 Continental Grain v STM Grain [1979] EWHC. Dans les Torts, le « But for test » signifie que le dommage ne peut s’être réalisé sans la commission de la Negligence ; si le dommage se serait tout de même réalisé, avec ou sans Negligence, il n’y a pas de causalité.
71 Le contrat stipulait précisément que l’affréteur, notamment, ne pourrait être tenu responsable pour les dommages ou le manquement à livrer des matières premières, en raison d’un événement de force majeure, d’accidents dans les mines ou dans les usines, ou tout autre fait irrésistible pour l’affréteur, « pourvu, toujours, que ces événements aient eu un effet direct sur l’exécution de ses obligations ».
72 Dans cette affaire, l’application du But for test aux faits de l’espèce aboutit à ne donner aucun effet à la clause de force majeure. Mais cela se retourne contre la victime lors du calcul des dommages-intérêts : non seulement la promesse du débiteur d’indemniser le dommage ne s’applique pas, mais en outre il faut en revenir au calcul en l’absence de clause. Ainsi, le créancier ne peut pas réclamer l’équivalent de ce qu’il aurait reçu si le contrat avait été exécuté, mais ce qu’il aurait obtenu en tenant compte de l’explosion de la mine…
73 Cass. com., 19 janv. 2010, n° 08‑17.326 ; W. Dross, op. cit., p. 841 ; rappr. avec l’exclusion de la force majeure en cas de mise en demeure (art. 1351 et 1351‑1 C. civ.).
74 Cass. Civ., 1er févr. 1937 : DP 1937, 1, p. 41, note R. Roger ; J.‑Ch. Saint-Pau, J.‑Cl. civ. Art. 1146 à 1155 - Fasc. 11‑30 : Droit à réparation. – Exonération de la responsabilité contractuelle. – Inexécution imputable à une cause étrangère, n° 25 : plus généralement, il peut s’agir de tout fait du débiteur déclenchant sa responsabilité.
75 En revanche, dans l’affaire Seadrill, la clause de force imposait au débiteur de prendre toutes les mesures raisonnables pour éviter ou limiter les effets de la force majeure.
76 Dans l’affaire Classic Maritime, le juge reproche au débiteur de ne pas avoir, après l’explosion d’une mine, recherché d’autres fournisseurs de fer.
77 Reardon Smith Line v. Ministry of Agriculture, Fisheries and Food [1963] AC 691.
78 J. Heinich, op. cit., n° 3006 s. ; W. Dross, op. cit., p. 840.
79 Voir, pour des exemples de droit français de l’immobilier, art. L. 230‑1 CCH et art. 1792‑5 C. civ. ; adde, M. Poumarède, précité.
80 M. Poumarède, précité.
81 M. Poumarède, précité.
82 O. Deshayes, T. Genicon et Y.‑M. Laithier, op. cit., p. 538.
83 W. Dross, L’introuvable nullité des conditions potestatives, RTD Civ. 2007, p. 701 ; G. Chantepie et M. Latina, précité, n° 770 ; B. Dondero, De la condition potestative licite, RTD Civ. 2007, p. 677 ; M. Poumarède, précité.
84 J. Heinich, op. cit.
85 Voir plus généralement sur les clauses abusives, J. Julien, Droit de la consommation, Lextenso, Domat, 2017, n° 215.
86 Adde Sale of Goods Act 1979 ; et le CRA 2015 pour un contrat entre consommateur et professionnel (Consummer Rights Act).
87 British Electrical and Associated Industries (Cardiff) Ltd v Patley Pressings Ltd [1953] 1 WLR 280 ; Channel Island Ferries Ltd v Sealink UK Ltd [1988] 1 Lloyd’s Rep 323.
Auteur
Maître de conférences HDR
Institut de Droit Privé (EA 1920)
Co-directrice du Master 2 Juriste international
Université Toulouse 1 Capitole
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