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L’originalité des accords familiaux en droit international privé

p. 53-68


Texte intégral

« Les citoyens doivent jouir du maximum de liberté,
leur volonté doit être respectée autant que faire se peut,
mais des structures aussi fondamentales que le droit de la famille
ne doivent pas être trop fragilisées par l’exercice de cette volonté. »
1

1En rappelant la nécessité de trouver un équilibre dans la réponse à la question de savoir jusqu’où peut aller l’autonomie de la volonté, Mme Gaudemet-Tallon insiste sur la nécessité de trouver des limites particulières en ce qui concerne le droit de la famille. Il apparaît donc possible de poser, d’emblée, que les accords familiaux doivent bénéficier d’un traitement juridique original. Cette originalité se retrouve naturellement en droit international privé.

2Il est donc nécessaire de rechercher d’abord la définition des accords familiaux internationaux pour ensuite pouvoir en apprécier l’originalité, en droit international privé, mais également éventuellement dans d’autres matières, notamment en droit des contrats. Pour les besoins de cette définition, il est possible de partir de la définition des accords familiaux proposée par le droit interne français. En élargissant quelque peu la définition donnée par l’article 373‑2‑7 du code civil2, l’accord familial est la convention par laquelle les membres d’une famille organisent le statut familial et son régime.

3De premiers éléments d’originalité apparaissent alors tout de suite. Cet accord est en effet soumis à une exigence d’homologation3 et les dispositifs de l’accord « peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge »4, ce qui permet donc à chacune des parties, au ministère public ou à un tiers de demander à tout moment la révision de l’accord.

4L’accord familial est ainsi un contrat tout à fait particulier quant à son objet, en ce qu’il porte sur des obligations familiales, quant aux conditions à respecter pour sa validité, par la nécessaire intervention du juge ou d’une autre autorité, et quant à ses effets, à la fois plus fort qu’un contrat, en raison de l’homologation qui confère l’autorité de chose jugée, et plus limités qu’un contrat, en raison de la possible révision lorsqu’elle existe, ce qui est loin d’être systématique5. Le contrat, en tant qu’obligation librement assumée d’une personne envers une autre, produit donc dans l’état familial des réactions juridiques tout à fait particulières.

5La difficulté pour le droit de la famille est en effet de savoir s’il est possible d’y déceler des « obligations librement assumées », alors que la liberté est sans doute nécessairement faussée dans une matière marquée par l’affection, les sentiments, et même, idéalement, par l’amour6, puisque, « s’il fallait chercher un idéal vers lequel tend la vie privée, ce serait l’amour bien plus que la liberté »7. Loysel l’exprimait, sous un versant bien moins romantique, par sa célèbre formule « en mariage, trompe qui peut ».

6Cette difficulté n’empêche pas que le phénomène des accords familiaux a le vent en poupe, concrétisant ainsi une « pénétration de l’autonomie de la volonté dans le droit international privé de la famille » qui est déjà ancienne8. Ce phénomène s’est aujourd’hui largement accéléré, sur fond d’« engouement en faveur de l’autonomie de la volonté »9, promue notamment « en tant qu’outil de pacification du contentieux, […] vue comme œuvrant au désengorgement des tribunaux et ainsi à une forme de rationalisation économique de la justice »10.

7Le fait d’être face à une obligation acceptée offre d’indéniables avantages en termes d’exécution, particulièrement précieux en droit de la famille. La « contractualisation de la famille »11 est ainsi une illustration d’un nouvel essor du concept contractuel, qu’il faut confronter au droit international privé pour voir si, en matière familiale, le contrat est devenu désormais une banalité ou si l’utilisation du contrat constitue encore une originalité. On rejoint ici l’idée d’une « société contractuelle » fondée sur un modèle d’autorégulation plutôt que de régulation étatique12, dans lequel le juge interviendrait simplement pour pérenniser et accroître l’efficacité des accords privés. Ce mouvement, qui insiste sur la fonction économique du droit a été critiqué en droit international privé comme risquant de conduire à « la neutralisation de l’impérativité de la loi étatique »13. Cette évolution « réduit le droit à n’être qu’un simple vecteur d’ingénierie sociale ou économique [qui, si elle] devait se confirmer […] ouvrirait indiscutablement une perspective d’effacement progressif du droit »14 s’achevant dans une « logique du fait accompli »15 qui n’est plus que le droit du plus fort16.

8Il n’est donc guère surprenant d’assister aujourd’hui à la « conventionnalisation » du droit de la famille17, que ce soit dans les relations patrimoniales ou dans les rapports personnels18. La famille est ainsi de plus en plus considérée comme un « instrument offert à chacun pour l’épanouissement de sa personnalité »19.

9Le mouvement n’est cependant pas linéaire, en raison de l’influence notable de l’art. 8 ConvEDH qui vient limiter la liberté contractuelle, dans le prolongement de la fondamentalisation du droit des contrats20.

10Ces deux mouvements se retrouvent également dans le droit international privé :

  • la conventionnalisation, y compris du droit de la famille, en raison de l’importance attachée à l’autonomie de la volonté ; de plus en plus d’instruments en font un élément pertinent pour déterminer la compétence juridictionnelle ou la loi applicable
  • la fondamentalisation, y compris du droit des contrats, en raison du poids donné aux valeurs et principes véhiculés par la ConvEDH ou le droit de l’Union européenne, qui s’appliquent, du point de vue des méthodes de droit international privé, en tant que lois de police, par le biais d’un ordre public quasi-automatique ou par le truchement de règles de rattachement spéciales.

11L’on peut donc douter sur le fait de savoir où est l’originalité et où est la normalité des accords familiaux en droit international privé. Traditionnellement, la famille était en effet, au même titre que la personne, son statut et son corps, indisponible, considérée comme relevant d’une sphère sacrée qui était hors du commerce21. Mais en raison des mouvements déjà évoqués, il ne s’agit plus que d’une normalité très relative, d’autant que « la volonté a toujours joué dans les rapports patrimoniaux un rôle important »22.

12L’originalité des accords familiaux en DIP doit donc s’apprécier au regard d’une normalité en droit interne qui est déjà en mouvement et dans laquelle le contrat s’épanouit de plus en plus comme mode de règlement des rapports sociaux. Que le contrat s’intéresse au statut familial, et par‑là à l’état des personnes, n’est en effet plus un phénomène nouveau, et ne saurait donc été qualifié de phénomène original. L’originalité des accords familiaux en droit international privé par rapport aux accords familiaux, voire par rapport aux contrats, internes ne vient donc pas de leur seule admissibilité, mais doit venir des effets particuliers qu’ils vont pouvoir produire. À ce titre, les accords familiaux internationaux pourront être les précurseurs d’une évolution qui se prolongera par le droit interne, tout comme la libéralisation du droit interne aura pu être un moteur du renforcement du phénomène contractuel pour le droit international privé de la famille.

13Nous nous attacherons à étudier cette originalité par rapport au droit positif, dont diverses applications constitueront le cœur de notre analyse, en renvoyant par ailleurs à l’important effort doctrinal déployé depuis longue date sur ces questions23.

14La question est alors de savoir en quoi la place et le régime juridique des accords familiaux en droit international privé sont révélateurs d’une forme d’originalité de ces accords.

15En adhérant à une analyse classique de l’acte juridique, qui distingue entre validité et effets de la situation juridique créée par l’acte juridique, cette originalité peut être recherchée aussi bien dans l’établissement de la situation familiale (I) que dans les effets de la situation familiale (II).

I. L’originalité quant à l’établissement de la situation familiale

16Le droit international privé de la famille est aujourd’hui soumis, à l’instar du droit interne de la famille, à un mouvement de privatisation du droit, qui se caractérise par un indéniable retrait du droit. Ce mouvement se vérifié, d’une part, par la banalité des accords familiaux portant sur l’établissement de la situation familiale (A), et, d’autre part, par l’extension de la logique contractuelle à des domaines de plus en plus vastes (B).

A. La banalité des accords familiaux internationaux

17Les accords familiaux ont toujours joué un rôle majeur dans le droit international privé de la famille. Leur admission quant à l’établissement d’une situation familiale est donc toute relative, puisque de nombreuses situations familiales requièrent la volonté des auteurs. La banalité des accords familiaux internationaux peut se vérifier ainsi au regard de l’établissement d’une relation de couple, y compris à l’égard de la forme la plus institutionnalisée qu’est le mariage, au regard de la filiation, ce qui peut être vérifiée en matière d’adoption internationale, et en matière de droit patrimonial de la famille, comme l’illustre parmi d’autres exemples l’hypothèse des pactes successoraux. Le droit international privé de la famille exprime donc depuis longtemps un esprit de faveur à la logique contractuelle.

18En matière de mariage, la règle de conflit applicable à la validité formelle du mariage consacre en effet la lex loci celebrationis, le nouvel article 202‑2 du code civil reprenant la solution jurisprudentielle traditionnelle de l’arrêt Caraslanis24 en affirmant que « le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu ». Or ce sont les époux qui choisissent le lieu de célébration du mariage, et par‑là choisissent également la loi applicable à la validité du mariage quant à la forme, ce qui exprime une faveur à la validité du mariage qui permet ici un accord familial international. Il n’en reste pas moins qu’il y a, en matière de mariage, une originalité, mais qui vient surtout de la force avec laquelle le droit français vient défendre le consentement, réaffirmant ainsi que le mariage doit être un véritable accord entre les deux époux. L’article 171‑1 du code civil prévoit ainsi que « le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s’il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n’aient point contrevenu aux dispositions [du code civil sur le consentement au mariage] ». Le consentement de l’époux français est donc en tout état de cause une condition spécialement protégée de validité du mariage, et son respect est strictement vérifié en cas de mariage avec un étranger, notamment par le biais de l’audition des époux. Cette règle matérielle est originale par rapport au raisonnement conflictuel traditionnel, et l’originalité est ici fondée sur l’idée qu’il faut protéger le consentement inhérent à l’acte juridique qu’est aussi le mariage25.

19Une idée comparable se vérifie à l’égard de l’adoption internationale. Les éléments de rattachement prévus par l’article 370‑3 du code civil suivent encore une approche classique, peu ouverte à la volonté individuelle. Mais s’agissant du consentement du représentant légal de l’enfant, qui est l’élément central de l’adoption, l’article 370‑3, al. 3 du code civil prévoit une règle matérielle de droit international privé visant à protéger ce consentement et à garantir son intégrité : « Quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ». Et de manière plus significative encore, l’article 370‑5 permet la conversion de l’adoption étrangère en adoption plénière uniquement « si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause ». Le législateur a donc créé une règle matérielle de droit international privé dont l’objectif est précisément de permettre un accord familial qui créera une situation nouvelle, consistant à procéder à l’adoption plénière.

20Le droit international privé européen, même s’il s’intéresse moins à l’établissement des situations familiales, confirme cette banalité des accords familiaux internationaux, dans le domaine classique du droit patrimonial de la famille. Les pactes successoraux bénéficient ainsi d’un régime de faveur à la validité, à travers le recours à l’optio juris qui permet de choisir, par préférence à la loi objectivement applicable à la succession, comme loi régissant le pacte successoral, « quant à sa recevabilité, sa validité au fond et ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution, la loi [nationale] que la personne ou l’une des personnes dont la succession est concernée aurait pu choisir »26. Ce régime rejoint celui de faveur à la validité quant à la forme des dispositions à cause de mort institué par l’article 27 du règlement successions et présent également dans la convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires.

21Les accords familiaux sont donc un phénomène classique pour le droit international privé, perturbant certes le raisonnement traditionnel du conflit de lois, mais qui n’est original que quant à la méthode, non quant à son admissibilité. La question de l’originalité de ces accords se pose cependant également face à l’extension de son admissibilité, au‑delà des domaines pour lesquels ils sont acceptés de longue date.

B. L’inexorable extension du champ des accords familiaux internationaux

22La faveur à la logique contractuelle du droit international privé de la famille s’étend également aux phénomènes sociaux nouveaux et aux réponses juridiques qui leur sont apportées. Cette extension du champ de la volonté des parties se vérifie pour la formation du couple, par les règles de droit international privé applicables aux partenariats enregistrés, pour la désunion du couple par la loi applicable au divorce et pour la filiation, dans laquelle, notamment dans les hypothèses de procréation médicalement assistées ou de gestation pour autrui, la volonté ou l’envie des parents commence à jouer un rôle de plus en plus central.

23En ce qui concerne les partenariats enregistrés, l’article 515‑7‑1 du code civil pose une règle de conflit originale, en application de laquelle « les conditions de formation et les effets d’un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l’État de l’autorité qui a procédé à son enregistrement ». Le choix indirect de la loi applicable par la détermination du lieu de célébration, admis pour le mariage au regard des conditions formelles, est ici étendue à toutes les conditions de validité et l’ensemble des effets du partenariat. La volonté est donc au cœur de l’outil qu’est le partenariat27, ce qui est novateur en termes de méthodes de droit international privé de la famille, mais confirme surtout que les partenariats sont davantage appréhendés comme un contrat, certes particulier, que comme une institution. Le contrat a donc toute sa place dans l’état familial créé par le partenariat.

24Autre illustration du rayonnement de la logique contractuelle au regard des situations familiales internationales, la loi applicable au divorce résulte désormais en principe du choix de loi effectué par les époux, au moment du divorce ou antérieurement28. Ce rattachement confirme cette « mode de l’electio juris [dont le] rattachement constitue pourtant un choix par défaut, que l’on pourrait croire opéré par paresse s’il ne présentait cette apparence stratégique d’être en phase avec ce que certains croient être le désir psycho-sociologique d’autodétermination des individus »29. Or ce souci d’autodétermination, s’il est d’une grande originalité pour le droit de la famille dont la vocation était pendant longtemps le maintien de limites sociales assez fortes face à la volonté individuelle, est d’une grande banalité pour le droit des contrats. Mais l’extension du phénomène contractuel au droit international privé du divorce se justifie largement ici par l’évolution du droit interne, qui par l’admission du divorce sans juge va même plus loin encore dans la privatisation et la contractualisation des relations familiales.

25Ce mouvement de contractualisation est certainement plus problématique en ce qui concerne les accords concernant les enfants, notamment au regard de l’établissement de la filiation. Les accords familiaux peuvent porter directement ainsi sur le lien conférant la qualité de fils ou fille à l’enfant, le droit français se montrant ouvert à de tels accords en permettant notamment la saisine a posteriori des juridictions aux fins de “légitimer” les pratiques illégales en France réalisées à l’étranger30, que ce soit à l’égard de la gestation pour autrui ou pour la procréation médicalement assistée. Heurtant ici, notamment dans l’hypothèse d’une gestation pour autrui, au‑delà de l’indisponibilité de l’état des personnes, le principe d’indisponibilité du corps humain, de telles pratiques qui reposent sur l’accord familial entre « parents d’intention » sont pourtant aujourd’hui de plus en plus largement acceptées. Ces accords familiaux, qui prennent ici la forme de projets parentaux, se rencontrent dans l’hypothèse « douce » qu’est la procréation médicalement assistée, y compris possiblement post mortem31, réalisée à l’étranger alors que les conditions posées par le droit interne français ne sont pas respectées. Mais ils se rencontrent également dans l’hypothèse « dure » de la gestation pour autrui, qu’il faut reconnaitre alors même que des principes essentiels du droit français sont en cause. L’on s’oriente ainsi de plus en plus vers la situation dans laquelle l’accord familial doit entraîner une double filiation des parents d’intention, dans le prolongement des affaires Menneson et Labassée ayant entraîné la condamnation de la France par la CEDH en 201432 et de la longue saga qui a suivi33, dont il est douteux que l’avis rendu par la Cour « relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention »34 constitue l’épilogue. L’accord familial conserve certes une forme d’originalité par les formes qu’il doit prendre, notamment l’exigence possible d’une adoption subséquente. Mais il n’en reste pas moins que le droit international privé est ici résolument ouvert aux accords familiaux, oubliant sans doute que « le droit n’a pas pour finalité d’assurer le bonheur individuel et, [qu’] à l’inverse, la souffrance des couples sans enfants ne peut pas être automatiquement source d’un droit à ce que la société leur en fabrique »35.

26Cette ouverture du droit international privé de la famille aux accords familiaux, qui constitue un élément aussi incontestable en fait qu’il est contestable au regard des valeurs qu’il promeut, doit être vérifiée également au regard des effets de la situation familiale.

II. L’originalité quant aux effets de la situation familiale

27Le mouvement de contractualisation du droit n’est pas toujours synonyme de retrait du droit, puisque l’État peut chercher à réguler spécialement les accords familiaux internationaux. Cette régulation est susceptible de se manifester notamment de deux manières. La première consiste à conférer une efficacité spécialement forte aux accords familiaux internationaux, efficacité qui est tellement forte qu’il est plus adéquat de parler de « force obligatoire », ce qui est certainement un marqueur de l’originalité de ces accords. La privatisation du droit de la famille est alors à son comble (A). La seconde manifestation de la régulation est cependant de nature à tempérer ce propos, puisque l’efficacité des accords familiaux reste conditionnée au respect de certaines exigences légales, notamment tenant à la protection des droits fondamentaux (B).

A. La force obligatoire des accords familiaux internationaux

28Le droit international privé de la famille est très sensible à la question de l’efficacité des accords familiaux internationaux36. L’homologation d’un accord portant sur les modalités et l’exercice de la responsabilité parentale entraîne ainsi la circulation et la force exécutoire de l’accord familial international. En vertu de l’article 46 du règlement Bruxelles II bis, « les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions », c’est‑à‑dire bénéficient du régime de circulation internationale très favorable prévu par le droit européen. Ce régime a même vocation à être grandement facilité encore avec la révision du règlement Bruxelles II bis à intervenir, qui prévoit la suppression généralisée de l’exequatur, tout comme la possibilité pour les parties de choisir la juridiction compétente en matière de responsabilité parentale37.

29En matière de droit international privé des enfants, l’accord familial entre les parents peut donc d’ores‑et‑déjà produire des conséquences très importantes sur le traitement juridique de la situation à l’égard de l’enfant. Il influence ainsi considérablement la compétence judiciaire de deux manières. L’accord entre les parents, au‑delà même de l’hypothèse d’un choix explicite de la juridiction compétente, est un élément crucial pour caractériser la résidence habituelle de l’enfant38. Or c’est bien la résidence habituelle qui décide dans la très grande majorité des cas de la compétence internationale directe à l’égard de l’enfant39. De manière tout aussi marquante, en application de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants40, le consentement de chacun des parents au déplacement d’un enfant vers un État étranger est un des motifs au retour immédiat de l’enfant, alors que ce retour est la condition sine qua non pour pouvoir exercer efficacement la juridiction dans l’État compétent avant le déplacement. L’accord familial crée donc une situation de fait qui produit des conséquences juridiques très lourdes, en transférant le pouvoir de décision au juge dont la compétence est ainsi confortée par l’accord entre les parents.

30Au regard des relations familiales entre adultes, l’esprit de consolidation des effets produits par l’accord passé entre les époux ou partenaires se confirme également. Que ce soit pour les obligations alimentaires ou les régimes matrimoniaux ou effets patrimoniaux du partenariat, il est en effet possible de choisir aussi bien la loi applicable41 que le juge compétent pour statuer sur d’éventuels contentieux42. On retrouve donc ici l’extrême efficacité de l’accord familial lorsqu’il combine le choix de loi avec le choix d’un juge compétent, la décision à intervenir par le juge désigné qui est exclusivement compétent ayant vocation à circuler librement au sein de l’ensemble de l’Union européenne.

31Face à cette efficacité de l’accord familial, la question qui doit se poser est celle des limites qui restent nécessaires pour éviter de verser dans un hyper‑individualisme dans lequel le droit de la famille serait clairement subordonné à la volonté individuelle, qui ne saurait en définitive être autre chose que l’expression d’un rapport de force forcément défavorable à ceux qui doivent être protégés, que ce soient les enfants ou les adultes qui vivraient naïvement le rapport familial guidé davantage par l’affection, l’amour et la confiance que par la défense de leur intérêt personnel.

B. Une efficacité conditionnée par le respect des droits fondamentaux

32Les accords familiaux restent régulés pour pouvoir s’assurer du respect de certaines considérations sociales essentielles, même si l’on peut se demander si l’ouverture, fût‑elle conditionnée, à la volonté individuelle est vraiment l’outil le plus efficace pour défendre les valeurs sociales essentielles.

33Une première forme de régulation vient de la limitation du choix qui ne peut porter que sur certaines lois, ce qui distingue ici radicalement les accords familiaux de l’autonomie de la volonté en matière contractuelle. Le choix est ainsi limité à la fois du point de vue conflictuel et, parfois, du point de vue matériel.

34En ce qui concerne la limitation conflictuelle, la loi choisie doit présenter une proximité réelle avec la situation familiale, en sorte que les personnes ne choisissent pas librement le droit applicable, mais doivent trancher entre des lois qui semblent objectivement pertinentes pour régir la situation familiale43. On doit regretter que l’éventail des choix accessibles est souvent trop large, puisque le choix ne se fera en pratique pas en dehors de considérations matérielles sur la solution qui convient le mieux aux parties ou à celle qui peut imposer son point de vue, mais c’est déjà une limite conceptuellement très importante.

35En ce qui concerne la limitation matérielle ensuite, le choix doit parfois porter sur des lois dont la teneur correspond aux objectifs matériels du droit matériel français ou du droit européen, au premier rang desquels figurent les droits fondamentaux protégés par la Conv. EDH. Il en va ainsi notamment en matière de divorce, où le choix de loi ne doit pas conduire à l’application d’une loi qui « ne prévoit pas le divorce ou n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce », l’article 10 du règlement Rome III imposant alors l’application de la loi du for en lieu et place de la loi choisie par les époux. Le message adressé aux époux est donc simple : choisissez librement dans votre accord familial, mais surtout le droit français ou européen. D’autant que la loi applicable doit toujours respecter l’ordre public international du juge saisi44. Les considérations matérielles restent ainsi très présentes en vue de la régulation des accords familiaux internationaux. Et le même constat peut être fait à l’égard de la circulation internationale des accords familiaux même homologués, puisque dans la plupart des situations, l’État pourra s’opposer à l’efficacité de l’accord familial si celui‑ci heurte son ordre public international, qui intègre notamment les droits fondamentaux45.

36Une seconde forme de régulation tient à l’exigence d’un contrôle étatique qui reste maintenu, à travers la nécessité d’obtenir l’homologation de l’accord familial notamment, à l’occasion de laquelle les objectifs sociaux essentiels pourront être vérifiés, notamment au regard de l’intérêt de l’enfant ou des exigences de l’ordre public. L’accord familial non homologué bénéficiera en effet d’un régime de circulation internationale bien plus précaire, et donc d’une efficacité internationale souvent limitée. Or la possibilité de l’homologation est conditionnée à l’existence d’une compétence du juge ou de l’autorité procédant à l’homologation. Ici, il peut alors y avoir un décalage entre la faveur à l’accord familial en droit international privé et l’accès au juge qui peut et doit lui conférer la force obligatoire, et par‑là même la force exécutoire.

37Mais comme le souligne le projet de Guide pratique sur la reconnaissance et exécution transfrontières des accords conclus dans le cadre de différends familiaux impliquant des enfants préparés par la Conférence de La Haye46, l’accord familial reste le meilleur moyen pour coordonner les différents instruments internationaux et européens et trouver une solution satisfaisante, y compris et surtout pour les membres de la famille plus faibles, donc le plus souvent les enfants. L’esprit de faveur à la conventionnalisation du droit international privé de la famille reste et restera donc très fort. L’accord familial est en effet le meilleur moyen pour garantir l’effectivité du droit, notamment en droit de la famille où l’identification de la solution est souvent encore aisée, mais l’exécution des décisions bien plus difficile à assurer. Or c’est bien cette exécution qui est décisive en vue de la réalisation du droit.

Conclusion

38Comparé au droit interne de la famille, les accords familiaux en droit international privé sont précurseurs d’une évolution qui pénètre de plus en plus profondément le droit de la famille, mais ils conservent une forme d’originalité par rapport à l’appréhension traditionnelle du droit international privé de la famille. Comparé au droit des contrats cependant, les accords familiaux internationaux ne sont sans doute qu’une illustration assez classique du phénomène contractuel qui, lorsqu’il se met dans tous ses états, se mêle avec une facilité déconcertante et parfois déroutante, aussi à l’état familial.

Notes de bas de page

1 H. Gaudemet-Tallon, « L’autonomie de la volonté, jusqu’où ? », in Mélanges en l’honneur du Professeur Pierre Mayer, LGDJ, 2015, p. 255 et s., spéc. p. 272.

2 « Les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d'exercice de l'autorité parentale et fixent la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. »

3 C. civ., art. 373‑2‑7, al. 2.

4 C. civ., art. 373‑2‑13.

5 En matière de divorce notamment, où le recours contre la convention homologuée est tout à fait exceptionnel.

6 Comme nous avons pu le remarquer par ailleurs, « si les situations de droit de la famille sont souvent si complexes, c’est bien parce qu’il y a les sentiments d’amour et toutes les contradictions que ceux‑ci entraînent », notre thèse, Les fondements du droit international privé européen de la famille, thèse Paris 2, à paraître, LGDJ, para n° 277.

7 T. Todorov, Les ennemis intimes de la démocratie, préc., note 944, spéc. p. 136.

8 Voy. not. P. Gannagé, « La pénétration de l’autonomie de la volonté dans le droit international privé de la famille », Rev. crit. DIP 1992.425‑454 ; et parmi beaucoup d’autres J.-Y. Carlier, Autonomie de la volonté et statut personnel : étude prospective de droit international privé, Bruylant, Bruxelles, 1992 ; C. Kohler, L’autonomie de la volonté en droit international privé : un principe universel entre libéralisme et étatisme, coll. RCADI, n° 359, 2012.

9 E. Gallant, « Autonomie conflictuelle et substantielle dans les pactes familiaux internationaux » in Le droit à l'épreuve des siècles et des frontières - Mélanges en l'honneur du Professeur Bertrand Ancel, Iprolex, Madrid, 2018, p. 709 et s., spéc. p. 713.

10 E. Gallant, « Autonomie conflictuelle et substantielle dans les pactes familiaux internationaux », préc., spéc. p. 714 ; en référence également à P. Kinsch, « Les fondements de l’autonomie de la volonté en droit national et en droit européen », in L’autonomie de la volonté dans les relations familiales internationales, dir. A. Panet, H. Fulchiron et P. Wautelet, Bruylant, Bruxelles, 2017, p. 3 et s ; P. Callé, « Les fondements de l’autonomie de la volonté en droit de l’Union européenne (droit des personnes et de la famille) », in L’autonomie de la volonté dans les relations familiales internationales, préc., p. 31 et s.

11 Sur laquelle, voy. not. D. Fenouillet et P. de Vareilles-Sommières (dir.), La contractualisation de la famille, Economica, 2001.

12 Sur laquelle, voy. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Les obligations, 12e édition, Dalloz, 2018, spéc. p. 60.

13 H. Muir Watt, « La fonction économique du droit international privé », Revue internationale de droit économique, t. xxiv, 1, no. 1, 2010, pp. 103‑121.

14 B. Oppetit, Droit et modernité, PUF, Paris, 1998, spéc. pp. 110‑111.

15 Y. Lequette, « De la “proximité” au “fait accompli” », in : Mélanges Pierre Mayer, LGDJ, Lextenso, 2015, pp. 481‑518, spéc. p. 499 et 505.

16 Ibid. spéc. p. 498 et s. ; voy. égal., parmi beaucoup d’autres, S. Bollée, « La gestation pour autrui en droit international privé », Travaux du Comité français de Droit international privé, 2012‑2014, p. 215‑232, L. d’Avout, « La reconnaissance dans le champ des conflits de lois », Travaux du Comité français de Droit international privé, 2014‑2016, p. 215 et s., D. Bureau et H. Muir Watt « L’impérativité désactivée », Rev. crit. DIP, 2009, p. 1 et s.

17 F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Les obligations, 12e édition, Dalloz, 2018, spéc. p. 566.

18 C. civ., art. 373‑2‑7 sur les conventions organisant les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixant la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et C.civ., art. 229‑1 sur l’admission d’un divorce par consentement mutuel qui n’a plus besoin d’homologation judiciaire.

19 J. Carbonnier, Essais sur les lois, LGDJ, 2013, p. 171.

20 Sur laquelle voy. parmi d’autres D. Costa et A. Pélissier (dir.), Contrats et droits fondamentaux, PU Aix-Marseille, Aix-en-Provence, 2011.

21 F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Les obligations, 12e édition, Dalloz, 2018, spéc. p. 565‑568.

22 Ibid., p. 565.

23 Outre les références déjà données, voy. parmi beaucoup d’autres : H. Batiffol, « Le rôle de la volonté en droit international privé », Arch. phil. droit 1957.71‑86 ; P. M. Patocchi, Règles de rattachement localisatrices et règles de rattachement à caractère substantiel. De quelques aspects récents de la diversification de la méthode conflictuelle en Europe, coll. Schweizer Studien zum Internationalen Recht, n° 42, Schulthess Verlag, 1985 ; A. E. von Overbeck, « L’irrésistible extension de l’autonomie en droit international privé », dans Nouveaux itinéraires en droit : hommage à François Rigaux, coll. Bibliothèque de la Faculté de Droit de l’Université Catholique de Louvain, n° 22, Bruylant, Bruxelles, 1993, spéc. p. 619‑636 ; T. Vignal, La part de la volonté dans les règles de conflit de lois hors des contrats, préc., note 176 ; D. Bureau, « L’influence de la volonté individuelle sur les conflits de lois », dans L’avenir du droit : mélanges en hommage à François Terré, Dalloz, Paris, 1999, spéc. p. 285‑305 ; V. Heuzé, « La volonté en droit international privé », Droits 1999.28.127 et s.

24 Cass. Civ., 22 juin 1955, GA, n° 27.

25 Si l’on veut encore y voir une institution par ailleurs.

26 Art. 25 § 3 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen.

27 Cette logique étant même renforcé s’agissant des effets patrimoniaux du partenariat par le règlement (UE) 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, dont l’article 22 permet un choix de loi, en faveur de certaines lois présentant un lien avec le couple.

28 L’article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (Rome III) prévoyant que :
« 1. Les époux peuvent convenir de désigner la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, pour autant qu’il s’agisse de l’une des lois suivantes :
a) la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou
b) la loi de l’État de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ; ou
c) la loi de l’État de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou
d) la loi du for.
2. Sans préjudice du paragraphe 3, une convention désignant la loi applicable peut être conclue et modifiée à tout moment, mais au plus tard au moment de la saisine de la juridiction.
3. Si la loi du for le prévoit, les époux peuvent également désigner la loi applicable devant la juridiction au cours de la procédure. Dans ce cas, la juridiction prend acte de la désignation conformément à la loi du for. »

29 L. d’Avout, « la législation européenne de droit international privé : bref bilan d’une décennie (2000‑2010) », in Revue de droit d’Assas, n° 5, février 2012, p. 75. ; voy. égal. de façon plus générale sur l’autonomie de la volonté, K. Kroll-Ludwigs, Die Rolle der Parteiautonomie im europäischen Kollisionsrecht, Mohr Siebeck, Tübingen, 2013 ; et A. Bucher, La famille en droit international privé, préc., note 2729, spéc. p. 91 et s.

30 Voy. notre contribution « La saisine a posteriori des juridictions aux fins de “légitimer” les pratiques illégales en France réalisées à l’étranger : le regard du juriste internationaliste » In : De la procréation médicalement assistée élargie à la procréation améliorée - Vers l'ébranlement de certains interdits ?, dir. Bérengère Legros, LEH éditions, 2018 et les références mobilisées à cette occasion.

31 Sur laquelle, voy. not. CE, 31 mai 2016, n° 396848, AJ fam. 2016, 439, obs. C. Siffrein-Blanc ; ibid. 360, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Lebon avec les conclusions ; D. 2016, 1470, obs. M.‑C. de Montecler ; ibid. 1472, note H. Fulchiron ; ibid. 1477, note B. Haftel ; ibid. 2017, 729, obs. F. GranetLambrechts ; ibid. 781, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 935, obs. Régine ; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; RTD Civ. 2016, 578, obs. P. Deumier ; ibid. 600, obs. J. Hauser ; ibid. 802, obs. J.‑P. Marguénaud ; ibid. 834, obs. J. Hauser ; RTD Europe, 2017, 319, obs. D. Ritleng ; et refusant l’exportation des gamètes, tout en réaffirmant la solution de principe : CE, 4 déc. 2018, n° 425446.

32 CEDH 26 juin 2014, n° 65192/11 et n° 65941/11, AJDA 2014, 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2014, 1797, et les obs., note F. Chénedé ; ibid. 1773, chron. H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 1806, note L. d'Avout ; ibid. 2015, 702, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 755, obs. J.‑C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1007, obs. Régine ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2014, 499, obs. B. Haftel ; ibid. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2014, 887, note C. Bergoignan-Esper ; Rev. crit. DIP 2015, 1, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 144, note S. Bollée ; RTD Civ. 2014, 616, obs. J. Hauser ; ibid. 835, obs. J.‑P. Marguénaud.

33 Voy. not. l’« amendement Menneson » qui a introduit le réexamen des décisions civiles dans la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

34 Rendu le 10 avril 2019 par la Grande chambre, la Cour ayant énoncé que « dans la situation où, comme dans l’hypothèse formulée dans les questions de la Cour de cassation, un enfant est né à l’étranger par gestation pour autrui et est issu des gamètes du père d’intention et d’une tierce donneuse, et où le lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention a été reconnu en droit interne :
1. le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la « mère légale » ;
2. le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, ne requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle que l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de sa mise en œuvre, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant. » (demande n° P16‑2018‑001, émanant de la Cour de cassation française).

35 M. Fabre-Magnan, La gestation pour autrui : fictions et réalité, Fayard, Paris, 2013, p. 116‑117, et généralement sur la question, et C. Thomale, Mietmutterschaft : eine international-privatrechtliche Kritik, Mohr Siebeck, Tübingen, 2015.

36 Voy. not. le Groupe d’experts de la Conférence de La Haye de droit international privé qui travaille sur la reconnaissance et l’exécution des accords en matière familiale, en élaborant notamment un Guide pratique sur la reconnaissance et exécution transfrontières des accords conclus dans le cadre de différends familiaux impliquant des enfants (hccch.net).

37 Voy. la proposition de refonte du 30 juin 2016 (COM (2016) 411) et l’accord politique trouvé sur l’orientation générale le 30 novembre 2018 (N° doc. Cion : 10767/16), not. les art. 27 et ss. et l’art. 10 bis de la proposition.

38 CJUE, 15 févr. 2017, C‑499/15, W et V (même s’il ne s’agit pas d’un critère exclusif : CJUE, 17 oct. 2018, C‑393/18 PPU, UD c. XB).

39 Règlement Bruxelles II bis, art. 8.

40 Art. 13, a) de la convention de 1980.

41 Prot. La Haye, 23 nov. 2007, art. 8 ; règlements du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux et sur les effets patrimoniaux des partenariats, art. 22.

42 Art. 4 du règlement « obligations alimentaires », art. 7 des règlements du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux et sur les effets patrimoniaux des partenariats.

43 Tous les règlements européens en matière de droit international privé de la famille prévoient ainsi des optio juris, non des choix de loi libres.

44 Art. 12 du règlement Rome III s’agissant du divorce.

45 Voy. à titre d’illustration p. ex. l’art. 37 des règlements du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux et sur les effets patrimoniaux des partenariats.

46 Sur lequel, voy. not. A. Boiché, « La reconnaissance des accords familiaux impliquant des enfants », AJ famille, 2018, p. 536 et s.

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