De la sous-traitance à la firme-réseau multinationale : une nouvelle division du travail pour de nouvelles frontières économiques
p. 119-147
Texte intégral
Introduction
1L’évolution institutionnelle des trois dernières décennies a considérablement bouleversé les modèles de production en place sous l’impulsion de la mondialisation, de la financiarisation et de l’accentuation des pressions concurrentielles. Le paysage industriel a ainsi été considérablement redessiné ; de nouvelles institutions ont émergé à partir des structures complexes et de processus évolutionnistes1. En d’autres termes, les relations industrielles à l’intérieur et entre les firmes ont évolué au gré des changements institutionnels.
2La théorie de la firme était, à l’origine, une théorie économique de l’intégration verticale. L’économie des relations inter-firmes ne figurait donc pas à l’agenda de recherche. Or la grande firme moderne privilégie une organisation en réseau des relations de production. Ainsi à la sous-traitance classique se sont substituées des formes complexes (de type partenarial) de relations inter-firmes et les coopérations institutionnalisées entre les firmes se sont multipliées et diversifiées (qu’elles soient verticales ou horizontales, avec ou sans participation capitalistique, etc.).
3Les nouvelles formes de sous-traitance internationale ont donné naissance à de nouvelles structures de gouvernement spécifiques qui reposent sur des logiques d’intégration répondant aux exigences technologiques et concurrentielles du capitalisme mondialisé. La dichotomie analytique traditionnelle entre la firme et le marché2 n’est plus effective ; elle est dépassée par l’émergence d’un triptyque institutionnel des structures de production composé du marché, de la firme stricto sensu (reconnue par le droit des sociétés) et des formes inter-organisationnelles instituées3. Les implications théoriques de cette évolution institutionnelle sont importantes et remettent clairement en cause les conclusions traditionnelles des théories économiques de la firme, au sens où ces nouvelles formes organisationnelles, fondées sur des ressources idiosyncrasiques, reposent sur des logiques d’incitation et de coordination souvent de type informel et non plus uniquement sur des rapports codifiés dans des contrats ou structurés par la propriété privée du capital. Dès lors, la mise en exergue des risques de hold-up (à savoir la prise en compte du comportement potentiellement opportuniste des co-contractants en vue de la capture de la rente associée aux actifs spécifiques) et la domination de l’intégration verticale de jure comme catalyseur de ces comportements humains ne semblent plus constituer des analyses pertinentes susceptibles d’expliquer les réseaux mondiaux de production4.
4Dans une économie dominée par des firmes juridiquement intégrées, les frontières de la firme sont relativement stables et peuvent être aisément distinguées. Mais avec la tendance croissante vers la désintégration verticale et le développement des systèmes productifs complexes − souvent affiliés aux architectures productives modulaires −, la définition de la firme et l’analyse de ses frontières exclusivement sous l’angle de la propriété des actifs apparaissent désuètes. Cet éclatement des frontières régulatoires des firmes multinationales induit des transformations industrielles majeures. Autrement dit, la multiplication des coopérations verticales, qui reposent sur un management relationnel plus réactif aux évolutions de l’environnement industriel, a profondément affecté les relations inter-firmes. La matérialisation la plus explicite de cette tendance est l’émergence de la firme-réseau, que l’on peut définir comme une entité productive composée d’entités légales distinctes (des sociétés pour le droit positif) unifiées, coordonnées et intégrées verticalement par une firme-focale. Le développement des firmes-réseaux – comme les grandes firmes des industries électroniques, textiles, automobiles, numériques ou aéronautiques – est un cas d’école pour comprendre comment l’évolution de l’environnement institutionnel et industriel des firmes a bouleversé les relations de pouvoir inter-firmes et reconfigurer les frontières économiques.
5En effet, dans la firme-réseau, l’intégration économique des firmes est de type relationnel et les mécanismes de motivation et de coordination lui sont intrinsèques et ne reposent ni sur une logique marchande ni sur une logique hiérarchique. Cette triple dynamique relationnelle, organisationnelle et institutionnelle lie des entités légales distinctes au sein d’une organisation économique commune de la production sans qu’il y ait de relations de propriété privée. Il convient alors de s’interroger sur les propriétés de cette nouvelle forme d’intégration verticale. Dans cet article, nous montrerons tout d’abord comment les nouvelles relations verticales de production de type modulaire ont transformé la sous-traitance internationale en proposant des modèles hiérarchiques plus aplatis et plus incitatifs (I). Puis nous proposerons de définir et de caractériser la firme-réseau multinationale comme une forme organisationnelle émergente qui constitue une nouvelle heuristique économique en matière de sous-traitance mondiale (II). Enfin nous analyserons la spécificité de la division verticale mondiale du travail, laquelle reconfigure les frontières économiques des firmes en créant de nouveaux dispositifs de coordination organisationnelle (III).
I. L’aplatissement des relations inter-firmes verticales
6Nous nous focalisons, dans ce chapitre, sur les coopérations inter-firmes de type vertical, car nous pensons que les relations de pouvoir sont plus faciles à observer et sont plus « fortes » dans les réseaux verticaux de production. Ces derniers réunissent les trois régularités empiriques au cœur des relations de pouvoir : (1) des relations de long terme : les firmes situées à différents niveaux de production fournissent un module complet destiné à être intégré dans un schéma durable de production ; (2) l’interdépendance des ressources : la production du bien final repose sur de forts effets de complémentarité entre les différentes firmes ; (3) le partage d’un but commun : les firmes s’inscrivent dans un unique processus productif et sont toutes dépendantes (à des degrés différents) d’un produit ou d’une gamme de produits. Ces régularités s’observent tout particulièrement dans les nouveaux modèles de relations inter-firmes.
A. La transformation de la sous-traitance fordiste
7Tout d’abord, il est indispensable de rappeler que la sous-traitance ne doit pas se concevoir comme une pure transaction de marché réunissant un offreur et un demandeur qui s’accordent sur un produit « trivial ». Ceci étant dit, les relations de sous-traitance étaient traditionnellement de simples contrats commerciaux conclus entre une firme donneuse d’ordre et un sous-traitant preneur d’ordre. Il s’agissait d’une relation verticale dépourvue d’esprit d’initiative et de coopération. La firme donneuse d’ordre – le client – demande la production d’un composant quelconque qu’elle spécifie au travers d’un cahier des charges préalablement établi. Il s’agit d’une relation commerciale entre un client et un producteur régie par des obligations contractuelles de résultat : livrer le produit identifié à un prix préétabli. En ce sens, la relation de sous-traitance diffère très nettement d’une relation hiérarchique et autoritaire. Elle ne se situe pas non plus dans le continuum contractuel à proximité du marché, car il ne s’agit pas d’un simple achat sur catalogue. Au contraire, les relations de sous-traitance dont nous parlons ici sont des relations récurrentes entre des firmes situées à différents stades d’une ligne de production. Elles se nouent souvent au travers d’une demande spécifique de production de « pièces » (et non de modules entiers, voir infra), formalisée et rationalisée par la firme cliente, et sont guidées par des structures verticales d’information.
8Certains auteurs appréhendent cette relation industrielle de sous-traitance sous le terme de « quasi-intégration verticale »5 6 7. Par quasi-intégration, il faut comprendre une forme d’organisation de la production qui vise à tirer profit des avantages du marché tout en favorisant une logique hiérarchique, une logique d’ordre et de commandement. Pour Houssiaux8, « la quasi-intégration est donc un procédé d’intégration économique, non plus à l’intérieur de la firme, mais au sein du groupe constitué par la grande entreprise et ses sous-traitants », tout en ajoutant que, formellement, la quasi-intégration renvoie à des « relations suivies de marché entre des entreprises indépendantes situées à des stades de production différents ». Les relations inter-firmes verticales s’apparentent davantage à des relations marchandes entre entités distinctes plutôt qu’à des relations de coopération : une firme A produit un composant (son output) qui sera utilisé par une autre firme B (comme input) dans la production d’un bien final. Ce sont des relations asymétriques qui répondent avant tout à une logique de « pouvoir de marché » ou de « pouvoir de négociation ». Dans ce type de relation de sous-traitance, il y a une nette segmentation des compétences et des responsabilités ; la durée des contrats étant courte, les fournisseurs n’ont pas les ressources économiques suffisantes pour planifier des investissements et participer au processus d’innovation.
9Ce modèle de sous-traitance industrielle a été considérablement modifié par l’émergence d’un nouveau mode de régulation post-fordiste qui résulte de la valorisation du capital intangible et immatériel et de la « révolution technologique ». La firme moderne se caractérise ainsi par de nouvelles formes de sous-traitance, lesquelles sont plus aplaties, plus coopératives et moins asymétriques. Des relations partenariales de long-terme se substituent à des contrats commerciaux classiques. Dans de telles relations verticales, d’autres variables que le prix comme la qualité, la réputation, les ressources et les compétences mobilisées, etc., sont déterminantes. Et du fait des besoins de coordination qualitative et quantitative ex ante, ces relations aplaties de sous-traitance s’expriment par une structure organisationnelle coopérative réunissant les différentes firmes du réseau par des méthodes de contractualisation de type relationnel910, c’est-à-dire des contrats qui reposent sur des engagements informels et sur la croyance partagée que les gains issus de la coopération seront équitablement répartis en dynamique. Au regard des contrats inter-firmes, ceux-ci se sont substantiellement modifiés (allongement des termes de contractualisation, livraison en juste-à-temps, co-conception des produits, normes de qualité, partage d’informations, etc.). Le processus de recentrage des firmes s’est d’ailleurs caractérisé par une logique de rationalisation des coûts et des achats. Pour être bref, le nombre de fournisseurs a souvent été réduit au profit de contractualisations reconduites et de long terme, ce qui permet de réduire les procédures de contrôle et la fréquence des transactions (et donc les coûts de transaction). En termes de pouvoir, les rapports s’équilibrent également entre les niveaux de « délégation productive » (entre les « rangs ») et l’on observe de véritables transferts de responsabilités.
10Le modèle japonais tel que dépeint dans les années 1980 par Aoki11, Imai et Itami12 ou Dore13 – et l’exemple célèbre et éminemment repris de la firme Toyota – pont particulièrement contribué à mettre au centre des débats la question de la valeur économique des modèles coopératifs de sous-traitance. L’intérêt majeur de cette structure de gouvernement des relations inter-firmes réside dans la création d’une rente coopérative, souvent appréhendée dans la littérature sous la dénomination de « quasi-rente relationnelle 14. Dans cet esprit, Coriat15 écrit que les formes partenariales de production représentent des « procédures sociales de construction et de partage de la rente relationnelle ». Le partage de cette quasi-rente issue de la coopération de long terme entre les membres organisationnels du réseau le pérennise et assure la reconduite des relations économiques, lesquelles reposent sur des mécanismes de coordination fondés sur les engagements de long terme, la confiance et la réputation16. La création de valeur économique est fortement liée, dans ces réseaux de coopération inter-firmes, au partage des connaissances et au développement d’effets d’apprentissage collectif qui se diffusent en leur sein.
11Hamel17 analyse ces nouvelles formes de relations inter-firmes comme des alternatives au marché et à la hiérarchie pour accéder à des connaissances valorisables. De même, la dissémination des connaissances permet de résoudre les problèmes de production et favorise en dynamique la capacité d’innovation des firmes sous-traitantes (celles qui sont proches de la firme cliente) qui participent activement au processus de recherche et de conception. Les firmes sous-traitantes et la firme cliente sont interconnectées à un même réseau d’innovation. Les firmes donneuses d’ordre coopèrent avec les firmes preneuses d’ordre dans le processus de développement et de conception des produits finaux. Ces nouvelles relations de sous-traitance favorisent ainsi les relations de co-conception et les collaborations en R&D dans le périmètre du réseau inter-firmes. En d’autres termes, ces modèles de sous-traitance aplatis s’inscrivent pleinement dans une double logique d’efficience productive et de réduction de la complexité organisationnelle, qui repose, parallèlement, sur la valorisation du capital humain spécifique (ici spécifique au réseau inter-firmes) dans la création des avantages compétitifs. Le réseau inter-firmes est économiquement viable, car la spécialisation des fournisseurs autour d’un sous-ensemble du produit final permet d’économiser sur les coûts de transaction, de valoriser la qualité et ainsi de pérenniser les relations économiques dans le temps.
B. Le développement de l’architecture productive modulaire
12La production est une activité complexe. Simon18 explique à partir des limites cognitives des individus que tout produit complexe peut être décomposé en sous-systèmes. Dans les réseaux de sous-traitance aplatis, on retrouve clairement cet argument : les produits complexes sont décomposés en modules complémentaires (sous-systèmes) et confiés à des firmes distinctes qui se spécialisent dans une « fonction » du produit final complexe19. La complexité organisationnelle et la complexité des produits sont contenues au travers d’une « architecture modulaire »20 qui repose tant sur une division inter-firmes du travail que sur une logique de spécialisation. La modularité se définit ainsi comme « un ensemble général de principes pour manager la complexité »21. L’autre caractéristique de l’organisation modulaire de la production s’exprime en termes d’efficience et d’autonomie : la création de valeur pour le réseau est étroitement liée à l’autonomie des firmes impliquées dans la conception et dans la production du module. Cette reconfiguration des méthodes d’approvisionnement se cristallise également dans une logique de partage des risques liés à l’activité innovante.
13L’organisation modulaire de la production favorise ainsi la capacité d’innovation au sein du réseau22, et ce parce qu’elle combine « le design technologique » et « le design organisationnel » 23. Des industries comme l’aéronautique, l’automobile, ou bien encore l’électronique, reposent tout spécialement sur une architecture organisationnelle de type modulaire, favorisant, via des interfaces communes, la flexibilité et la réactivité face aux évolutions de la demande internationale, par définition volatile et changeante. L’architecture modulaire rend ainsi possible une sorte de « spécialisation flexible » au sens de Piore et Sabel24. Les sous-traitants eux-mêmes deviennent de grandes firmes multinationales profitables et en forte croissance. Dans l’industrie automobile par exemple, les équipementiers (comme Delphi, Bosch ou Siemens) génèrent des chiffres d’affaires qui n’ont souvent rien à envier à ceux de leurs constructeurs, et ce d’autant plus que ces équipementiers approvisionnent plusieurs firmes et bénéficient ainsi de fortes économies d’échelle. Spécialisés, dédiés ou non, les équipementiers occupent une place centrale dans le processus de décisions inter-firmes et disposent d’une capacité d’innovation leur permettant de répondre aux besoins spécifiques des constructeurs. Notons également qu’à côté de ces grands équipementiers, de nombreuses « petites » entreprises sont dédiées à ces grands constructeurs et la division inter-firmes du travail fait que celles-ci sont exclusivement et pleinement dépendantes des constructeurs pour lesquels elles produisent un module complet, une partie du véhicule assemblé. En disposant de compétences spécifiques à ce module, les sous-traitants permettent au réseau dans son ensemble de faire des gains en spécialisation et de réduire les coûts tout en préservant la qualité des produits.
14Sturgeon25 considère que l’émergence de ce qu’il nomme les « réseaux de production modulaire » est symptomatique d’« un processus historique de transformation industrielle dans lequel les modèles nationaux spécifiques d’organisation industrielle co-évoluent en fonction des phases de concurrence, de diffusion et d’adaptation ». Dans l’histoire, ces nouveaux modèles de sous-traitance s’apparenteraient au « paradigme du réseau de production ». Il affirme ainsi que les réseaux de production modulaire sont à même de favoriser la performance économique sous la contrainte de la mondialisation, en réduisant les coûts de transaction, en construisant de larges économies externes d’échelle et en diminuant considérablement les risques pour les acteurs du réseau. Langlois26 appréhende également ces nouvelles pratiques industrielles au regard de l’évolution de l’environnement institutionnel des États-Unis et note que « ce qui caractérise les nouvelles collaborations américaines, à l’instar des collaborations japonaises avant elles, c’est la modularité croissante »..
15Ce mouvement de modularisation de l’activité économique s’inscrit en effet dans une perspective plus large, celle de l’évolution de l’environnement industriel international27. La réduction des coûts de production, la réalisation d’économies d’échelle et d’envergure, les besoins de flexibilité (transformation des coûts fixes en coûts variables), la recherche de la qualité des produits ainsi que le partage des risques productifs sont progressivement devenus des contraintes économiques et organisationnelles lourdes pour les firmes. Et l’une des préoccupations des firmes a été de se concentrer sur un nombre restreint d’activités. En termes de structure de gouvernement, cela signifie que, même en présence de fortes interdépendances économiques, un réseau de firmes sous-traitantes séparées peut s’avérer plus efficace que l’intégration verticale28. Les firmes externalisent – et « outsourcent » (de l’anglicisme outsource) – une partie de la production qui ne correspond pas à leur cœur de métier et forment ainsi des réseaux inter-firmes de production – que l’on peut définir comme « des modes de régulation des interdépendances entre firmes qui sont différents de l’agrégation de ces unités dans une seule firme et de la coordination à travers des signaux de marché (prix, mouvements stratégiques, collusion tacite, etc.) et qui sont basés sur un jeu coopératif avec une communication spécifique aux partenaires »29.
16La désintégration verticale capitalistique constitue, à côté de la valorisation du capital humain spécifique à la firme, un fait stylisé particulièrement saillant des firmes modernes. Ces deux évolutions majeures dans le contexte industriel des firmes – associées à d’autres changements technologiques et institutionnels comme la « financialisation » des économies, le raccourcissement du cycle de vie des produits ou la concurrence internationale, y compris des pays émergents – ont des implications importantes pour l’économie industrielle au sens où elles contribuent à redessiner les frontières économiques des firmes. De même, ces nouvelles formes d’organisation verticale de la production doivent se comprendre dans une perspective d’encastrement institutionnel, dans la mesure où leur effectivité est dépendante d’institutions sociales plus larges dans lesquelles les relations inter-firmes sont encastrées, comme le système juridique, les institutions financières, la structure du marché du travail, ou encore les systèmes politiques30.
17Définir les frontières de la firme à partir de la propriété commune des actifs n’est plus pertinent pour dépeindre les firmes modernes et comprendre le mouvement de désintégration verticale. Avec le développement de ces relations de sous-traitance aplaties, les frontières économiques du réseau dans son ensemble reposent sur des effets de complémentarité ; pour reprendre Rajan et Zingales31, « quelque chose est davantage une composante de la firme lorsqu’elle a des complémentarités avec le reste de la firme ». Les frontières économiques se recomposent ainsi dans une entité productive dont l’organisation reste verticale mais non intégrée en termes de filiation capitalistique. La firme-réseau est au centre d’une réintégration verticale relationnelle et de coopérations informelles institutionnalisées.
II. L’émergence de la firme-réseau
18Dès 197932 MacMillan et Farmer montraient que la firme verticalement intégrée connaissait une évolution industrielle majeure sous l’impulsion des firmes japonaises composées de « fédérations » de firmes sous-traitantes indépendantes et liées à une firme « assembleuse ». Selon ces auteurs, de nouvelles formes organisationnelles, qui peuvent être appréhendées comme « des confédérations de firmes liées entre elles par une relation verticale »33, se substituent à la firme hiérarchique de Williamson et remettent en cause les modèles orthodoxes des marchés et de la concurrence. Très tôt, ces auteurs ont su décrire l’émergence d’une nouvelle organisation économique désagrégée qui ressemble à celle que nous allons définir et caractériser, dans les prochains paragraphes, sous le terme de firme-réseau34.
A. La nature de la firme-réseau
19Les firmes-réseaux se sont considérablement développées dans les années 1980-1990 ; elles concernent de grandes firmes multinationales et sont particulièrement présentes dans les industries de l’aéronautique et de l’automobile (Airbus, PSA, Renault, Toyota, etc.), du textile-habillement (Nike, Benetton, etc.) ou de l’informatique (Intel, Dell, etc.). Si elles prennent différentes formes selon les industries, elles dégagent des régularités qui nous permettent de les réunir sous une même définition. Comment définir la firme-réseau ? Quelles sont les caractéristiques intrinsèques de cette organisation économique complexe ?
20Baudry et Chassagnon35 utilisent également l’expression « organisation de réseau verticale (vertical network organization) » pour désigner la firme-réseau. Ainsi, cette dénomination doit être dissociée : (1) du « réseau d’entreprises » qui renvoie dans la littérature à des relations inter-firmes de type horizontal ; (2) du « groupement d’entreprises » qui a trait souvent aux réseaux de distribution commerciale ; et (3) du « groupe d’entreprises » qui repose sur des firmes pouvant être verticalement intégrées au sein d’une structure unifiée, mais nécessairement au travers de liens capitalistiques. La firme-réseau lie des entités légalement distinctes au sein d’un unique système productif sans recourir à la concentration des droits de propriété et, même, sans engager nécessairement de participations en capital, aussi minimes soient-elles. Différentes firmes joignent leurs efforts pour produire ensemble un bien ou un service complexe à travers une production verticalement fragmentée.
21Le terme « firme-réseau » focalise l’attention sur la singularité de cette organisation qui implémente un unique processus productif. C’est pourquoi nous avons choisi ici de garder ce terme courant dans la littérature – bien que la firme-réseau ne soit pas une firme stricto sensu. En revanche, il est plus délicat de qualifier un réseau vertical de firmes de firme-réseau dès l’instant où de nombreuses entités autonomes « appartiennent » à plusieurs entités productives, qui plus est en concurrence. Dès lors, ces firmes ne sont pas réellement intégrées au sein d’une unique entité, et l’identité des partenaires a moins d’importance. Autrement dit, au niveau de la firme prise isolément, moins celle-ci dédie ses activités à une firme focale, plus l’entité réelle constituant l’unité de sélection pertinente se rapproche de l’entité firme stricto sensu que la loi reconnaît au travers de la société. Cela ne signifie pas que la firme-réseau n’existe pas mais que toutes les firmes y participant ne peuvent pas être exclusivement définies au regard de ce réseau. En somme, ces firmes participent à plusieurs réseaux verticaux de production. De même, certaines firmes ont recours à des sous-traitants dédiés mais possèdent parallèlement une part majoritaire du capital de ces firmes. Dans ce cas non plus, il n’est pas opportun de parler de firme-réseau pour désigner l’organisation productive entre une firme et ses sous-traitants dédiés ; il s’agit au contraire d’un groupe (business group). Ces préoccupations sémantiques étant rappelées, nous pouvons proposer une définition de la firme-réseau :
22La firme-réseau se définit comme une entité productive qui unifie un ensemble de firmes légalement indépendantes, verticalement intégrées et coordonnées par une firme focale − communément nommée architecte −, laquelle est « la firme qui, en réalité, érige le réseau et occupe une place active dans l’intégrité de celui-ci36 »37, afin de produire des biens et/ou services complexes.
B. Une caractérisation de la firme-réseau multinationale
23Dans le réseau de production, les firmes coopèrent à des stades différents de la chaîne de production. Les partenaires du réseau sont ainsi situés en aval ou en amont de la chaîne de production, et la firme focale (hub-firm) représente le « cœur » du réseau38. À partir de cette définition, quatre éléments cruciaux permettent d’apprécier la complexité de cette forme organisationnelle39.
- Les produits qui sont échangés au sein du réseau identifié ne préexistent pas à la transaction économique. Les échanges intra-réseau doivent être qualifiés d’échanges hors-marché ou non marchands40. Deux stratégies peuvent être observées. Soit la firme focale ou le sous-traitant donneur d’ordre conçoit le projet lui-même et demande au sous-traitant (de rang n-1) de respecter un plan de production bien établi (situation différente de la sous-traitance classique de type « quasi-intégration » dans la mesure où les durées contractuelles restent de long terme). Soit le produit n’existe que sous la forme d’un besoin exprimé par la firme focale ou par un sous-traitant. Alors le donneur d’ordre et le preneur d’ordre collaborent dans la conception du produit qui sera in fine pris en charge par le preneur d’ordre. Les relations d’échange au sein du réseau prennent ainsi la forme d’échanges relationnels non marchands41. Il n’y a pas de confrontation directe entre une offre et une demande clairement établies portant sur des produits homogènes et standardisés. Ces relations reposent sur des contrats relationnels qui mêlent aux obligations contractuelles des éléments de réputation et des contraintes techniques42. La firme focale doit, dans tous les cas, concevoir le design de production et organiser les relations d’échange inter-firmes.
Comme le note Baudry43 au sujet de l’industrie automobile, « l’impérialisme technologique […] semble maintenant révolu. Les constructeurs cherchent de plus en plus à utiliser les complémentarités, les synergies avec l’ensemble des équipementiers et des sous-traitants ». Les coopérations inter-firmes (durables) favorisent ainsi l’échange et le partage d’informations et de connaissances, et valorisent les processus d’apprentissage inter-organisationnel. L’une des résultantes est de favoriser la capacité d’innovation du réseau dans son ensemble et de faire face à l’évolution des marchés. C’est à cet effet que les firmes focales ouvrent leurs départements de R&D aux firmes sous-traitantes (de rang n-1). De telles relations de collaboration dans le processus d’innovation valorisent les capacités dynamiques des firmes, et ce d’autant plus que le système des droits de propriété intellectuelle est développé. - La firme focale doit accéder à des compétences et à des complémentarités technologiques tout en implémentant un schéma de coordination intra-réseau (non marchand et de type coopératif) productivement efficient. Dans l’esprit de Richardson44, ces deux dernières contraintes productives en termes de compétences et de coordination sont ancrées dans sa dialectique activités similaires/activités complémentaires. Pour lui, le processus complexe de production se caractérise souvent par des activités inter-firmes complémentaires et dissemblables. C’est particulièrement le cas dans la firme-réseau où ces activités sont situées à des stades différents du processus de production. Dans de telles configurations de complémentarité, ce sont les organisations en réseau de coopération qui sont, selon lui, les plus adéquates.
L’argument de Richardson justifie ainsi théoriquement l’évolution de l’architecture organisationnelle des grandes firmes vers le processus de modularisation économique des produits complexes. La firme-réseau, en tant qu’« ensemble intégré et dynamique »45, repose sur des liens étroits entre les différents partenaires qui sont économiquement interdépendants en raison de la complémentarité et de la difficile orchestration de leurs ressources spécifiques46. Les avantages comparatifs du réseau inter-firmes sont étroitement liés au design de la production. Et la firme focale doit organiser la production à partir de ressources et de compétences – qui s’inscrivent directement dans le projet organisationnel – dont elle a besoin dans l’implémentation durable de sa stratégie (mais qu’elle ne possède pas). En dessinant les règles de fonctionnement interne au réseau, la firme focale se définit comme le « centre stratégique » à partir duquel les autres firmes se coordonnent47. Les firmes du réseau développent des routines inter-organisationnelles qui ne reposent pas directement sur de simples contrats marchands. - L’architecture organisationnelle de la firme-réseau est de type pyramidal. Cela signifie que la division inter-firmes du travail se compose d’au-moins deux ou trois niveaux « hiérarchiques », caractérisés par des degrés différents de responsabilités. Prenons l’exemple d’un réseau constitué de deux niveaux. Dans ce cas, il y a une forte délégation de responsabilités : la firme focale délègue à la firme sous-traitante de premier niveau la responsabilité d’organiser les transactions économiques avec une firme de deuxième niveau afin de produire le module dont elle a besoin. Néanmoins, la firme focale maintient souvent une forme de contrôle en contraignant les choix de sous-traitants de second niveau, et ce même si ceux-ci ne sont pas en relation directe avec elle. Pour les industries composées de trois niveaux hiérarchiques de sous-traitance – comme dans les industries de l’automobile et de l’aéronautique –, on remarque souvent que ce troisième niveau correspond à des firmes de petite taille qui représentent des acteurs conjoncturels du réseau. Il s’agit d’une sous-traitance « classique » qui a trait à la production de composants simples ou d’activités banales et où la variable du prix redevient importante. Plus l’on se rapproche du sommet de la pyramide et plus les relations sont durables et coopératives. Plus l’on descend dans l’échelle pyramidale et moins les durées de contractualisation et les relations de production sont longues.
La firme-réseau apparaît comme une forme organisationnelle efficiente pour le découplage de la stratégie de désintégration verticale capitalistique et l’organisation de la production, à la fois en termes d’opérationnalité mais également en termes d’allocation des droits de propriété. Elle diffère ainsi de la structure de gouvernance hiérarchique de type fordiste, dans laquelle l’exécution et le découplage du design organisationnel reposaient simplement sur l’opérationnalité (avec la propriété unifiée du capital). Dans le cas de cette organisation verticale, l’architecture pyramidale donne très clairement une image des « nœuds » et des relations qui les connectent et qui les relient, et ce sans qu’il y ait nécessairement de relations de propriété ; c’est la définition même d’un réseau48. - La firme-réseau repose sur des actifs spécifiques tels que définis par la littérature économique49. Les travaux empiriques montrent explicitement que les formes d’organisation économique verticale, comme la firme-réseau, reposent sur de nombreux actifs spécifiques50. La création, l’accumulation et le développement de ressources spécifiques au réseau font de la firme-réseau une entité singulière et structurent en dynamique ses avantages compétitifs. Ces actifs complémentaires et spécifiques suscitent également l’interdépendance organisationnelle et la dépendance économique entre les différentes entités productives.
Les actifs spécifiques que l’on retrouve dans la firme-réseau sont de diverses natures. Ils peuvent être physiques bien entendu (machines, moules de fabrication, etc.). Mais l’on retrouve également des actifs humains spécifiques. En effet, parce qu’elle favorise la coopération et les collaborations en recherche et développement (création de plateaux de conception, de bureaux d’études, de départements de R&D, etc.), la firme-réseau investit dans des actifs humains spécifiques qui s’expriment au-delà des frontières juridiques. De même, en raison des méthodes de rationalisation des stocks et de leur gestion en flux tendus, on a vu se multiplier des mouvements de rapprochement géographique et de recomposition spatiale. Par exemple, dans l’industrie automobile, de nombreuses petites firmes sous-traitantes se sont installées à proximité des usines d’assemblage des constructeurs afin d’économiser sur les coûts de transport. L’autre intérêt de ces actifs localisés – dits « de site » (et de temps) – réside, à l’image de la célèbre Silicon Valley, dans le partage des connaissances. Enfin, l’organisation verticale de la production est facilitée par des actifs immatériels, qu’il s’agisse de méthodes de gestion informatisée comme « l’échange électronique de données (EDI) »51 et autres réseaux de communication électronique52 ou de procédures de certification institutionnelle (gages de qualité) et autres dispositifs d’assurance-qualité.
Notons également que la firme-réseau est une structure organisationnelle appropriée pour la création et l’accumulation d’actifs spécifiques, au sens où les contractualisations de long terme qu’elle engage permettent de garantir, d’une part, la valeur des actifs idiosyncrasiques, en calquant leur durée contractuelle sur le cycle de vie de ces actifs et, d’autre part, l’amortissement des coûts imputables à la production de cet actif spécifique53. Il faut ajouter que le réseau en lui-même constitue déjà une ressource spécifique (notamment au regard de ceux qui en sont exclus) qui résulte directement des interactions répétées entres les entités productives.
24Au regard des caractéristiques centrales de la firme-réseau, il apparaît que cette nouvelle forme organisationnelle s’inscrit pleinement dans l’évolution de l’environnement institutionnel et dans l’émergence d’un nouveau modèle de régulation de type post-fordiste. Dans l’esprit de Coriat et Weinstein54, la firme-réseau génère une sorte d’« avantage comparatif institutionnel ». La firme-réseau doit être comprise comme « l’émergence d’une nouvelle architecture industrielle et un arrangement institutionnel complémentaire à celle-ci »55. Elle correspond ainsi à ce mouvement décrit par Coriat56 en référence au passage d’un régime industriel de type fordiste à un régime industriel de type post-fordiste : « l’industrie comme un tout est construite sur le principe du réseau virtuel qui lie de facto les firmes ensemble, beaucoup plus qu’elles ne l’étaient dans les précédents régimes de production ». Le développement de ces firmes-réseaux s’inscrit dans un processus dynamique plus général d’échanges relationnels et coopératifs (favorisant la réintégration verticale relationnelle) au travers desquels les acteurs économiques parviennent à faire face aux exigences du nouvel environnement institutionnel en mobilisant et en interconnectant leurs ressources complémentaires dans des activités interdépendantes de conception, de production et de distribution. Partant, l’appartenance à un réseau particulier garantit aux firmes membres de bénéficier d’un avantage concurrentiel inter-firmes et d’affronter les autres réseaux ou autres firmes concurrentes implantés sur le marché mondial.
25Au regard de cette caractérisation tant théorique qu’empirique, il semble évident que l’émergence de la firme-réseau met au défi les principales conclusions émises par les théories économiques des frontières de la firme qui justifieraient, au regard de ces caractéristiques, le bien-fondé de la stratégie d’intégration verticale, laquelle serait à même de réduire l’opportunisme issu de la spécificité des actifs et d’allouer efficacement les droits résiduels de contrôle. En quoi la firme-réseau remet-elle en cause ces présupposés théoriques « dominants » en économie ? Quelle est la nature du processus d’intégration économique au sein de la firme-réseau ?
III. La firme-réseau : une intégration économique sans intégration capitalistique
26Les différentes firmes du réseau sont productivement liées entre elles et forment des réseaux plus ou moins denses de coopération coordonnés au premier chef par la firme focale qui structure et qui élabore le design organisationnel intra-réseau. En tant qu’organisation économique, la firme-réseau développe en interne des mécanismes de motivation et de coordination inter-firmes. Les théories économiques soulignent les risques de hold-up qui imprègnent les relations inter-firmes, car les firmes sous-traitantes peuvent agir de manière opportuniste. Pourtant l’existence même de la firme-réseau remet en cause cette conclusion beaucoup trop hâtivement appliquée à toutes les formes organisationnelles « hybrides ». L’émergence de la firme-réseau questionne ces théories et semble contredire les présupposés de ces approches dominantes en économie. Mais quelle est la nature des mécanismes complexes de coordination et de motivation entre la firme focale et les firmes sous-traitantes ? Est-ce que ces dispositifs propres à la firme-réseau sont comparables à ceux que l’on retrouve dans les autres institutions que constituent le marché et la hiérarchie ?
A. Des mécanismes organisationnels spécifiques
27La firme-réseau se fonde sur des mécanismes de motivation qui ont pour mission principale de la protéger contre l’opportunisme des partenaires sous-contractants et de développer les investissements en actifs spécifiques au réseau. Partant, la firme focale recherche la durabilité et l’intégrité du réseau dans son entièreté. Plus précisément, elle implémente deux dispositifs complémentaires pour manager et orchestrer les multiples relations qu’elles nouent avec ses partenaires sous-traitants57.
28Le premier mécanisme peut être appréhendé sous le terme de « procédure de sélection » : la firme focale sélectionne quelques firmes et refuse, ce faisant, l’accès à d’autres firmes. Les firmes sélectionnées sont alors labélisées – c’est-à-dire certifiées et agréées – et intégrées dans les plans de production de la firme focale, laquelle dispose alors d’un répertoire de fournisseurs susceptibles de répondre à ses exigences. De nombreuses firmes souhaitent intégrer ce premier niveau, car, ainsi, elles capturent une partie de la rente relationnelle en accédant au réseau pour une période, par définition, très longue. Il est en effet quasiment impossible pour la firme focale de changer de fournisseur de premier rang pendant la durée de vie d’un produit. Les fournisseurs évitent ainsi des périodes d’incertitude coûteuses et nuisibles en termes d’investissements productifs et de croissance économique. La concurrence entre les firmes pour accéder au réseau suscite de fortes incitations, qu’il s’agisse des firmes de premier rang ou des firmes de second rang souhaitant intégrer le cercle fermé des fournisseurs directs.
29À la différence de la logique de fonctionnement des marchés classiques, la sélection effectuée par la firme focale et la rétention des firmes au sein du réseau ne reposent pas sur des considérations de prix (spécifiés ex ante). Au contraire, ce qui importe ce sont les capacités (au sens de capabilities) dynamiques des firmes (humaines, technologiques, financières, etc.), celles dont a besoin à un moment précis la firme focale58. Nul doute qu’une fois en place, la répétition des relations d’échange intra-réseau et les effets de réseau qu’elle suscite encouragent les investissements en actifs spécifiques au réseau. Il se crée ainsi de fortes barrières à l’entrée en raison de la non-redéployabilité des actifs spécifiques, ce qui réduit considérablement les mouvements d’entrée et de sortie de firmes au sein du réseau. Ces investissements sont également renforcés par la présence de fortes contraintes réputationnelles. Toute défection et tout comportement opportuniste dans le périmètre de la firme-réseau se soldent par l’éviction de la firme en question, ce qui serait extrêmement coûteux pour celle-ci qui perdrait sa part dans la répartition de la rente relationnelle et ce qui souillerait sa réputation (au-delà même du réseau).
30Le second mécanisme réside dans ce que nous appellerons « la procédure d’allocation ». Ce mécanisme alloue les tâches intra-réseau entre les firmes sélectionnées dans la phase de sélection. Néanmoins, cette procédure se fonde sur des termes plus courts que la procédure de sélection. Sur le « marché d’allocation », les contrats octroyés par la firme focale sont à durée variable ; ils diffèrent en fonction des durées de vie des produits et de la demande du marché. Mais, dans cette procédure d’allocation aussi, la concurrence entre les firmes du panel est relativement intense ; elles se livrent une véritable course pour décrocher le marché. La qualité et l’efficacité de l’activité productive réalisée par la firme seront fondamentales et conditionneront les possibilités de reconduction des relations. Les deux procédures intra-réseau de sélection et d’allocation sont ainsi complémentaires et connectées au sens où la phase d’allocation conditionne l’évolution de la procédure de sélection59. Ces deux mécanismes peuvent être exécutés seulement si trois conditions complémentaires sont rencontrées :
- Les échanges entre la firme focale et ses partenaires sous-traitants doivent être répétés, car l’une des conditions de l’implémentation des contrats relationnels inter-firmes est la perspective de gains futurs, en comparaison aux coûts liés aux comportements opportunistes de court terme. La répétition des échanges crée et renforce les investissements en actifs spécifiques et constitue une source d’efficience productive.
- Les actifs spécifiques des membres du réseau doivent être protégés. Cette condition fait des engagements crédibles une nécessité incontournable ; les mécanismes d’incitation doivent être crédibles pour réduire les risques de hold-up60. L’une des possibilités consiste à calquer la durée du contrat sur la durée des actifs spécifiques.
- Pour rendre les mécanismes d’incitation crédibles, les firmes du réseau doivent anticiper des comportements loyaux et avoir confiance en la firme focale. Celle-ci se soumet à deux types de coûts en cas de pratiques de hold-up. D’une part, il serait très coûteux pour la firme focale de remplacer ex post l’une des firmes membres du réseau en raison de l’existence d’actifs fortement spécifiques, d’où des coûts irrécouvrables élevés. D’autre part, la réputation de la firme focale est fondamentale pour l’implémentation et l’exécution d’échanges relationnels non marchands intra-réseau. Économiquement, elle permet de réduire les coûts de mesure soulignés par Barzel61. En d’autres termes, la réputation de la firme focale est indispensable à la préservation du réseau dans son ensemble. Les membres du réseau sont liés entre eux au travers de cette réputation qui constitue un gage de répartition équitable de la rente relationnelle. La firme focale dispose ainsi d’un moyen d’assurer la durabilité et l’intégrité de la structure collective.
31Il y a une relation positive entre la réputation et l’intensité de la rente relationnelle, ce qui suscite les engagements des membres inter-organisationnels. Mais il est à noter que la réputation de la firme focale est souvent celle qui caractérise le réseau et qui permet ainsi à toutes les firmes partenaires d’accéder à un « marché conquis »62. Pour les firmes membres du réseau, les situations de lock-in et de dépendance économique les incitent à faire des investissements spécifiques et à éviter les actions opportunistes, car les risques d’éviction du réseau sont irrémédiables et extrêmement coûteux. La réputation en tant que ressource critique intangible confère un pouvoir qui se diffuse et qui crée des incitations à investir dans des actifs spécifiques au réseau.
32Ce dernier argument théorique est central dans l’analyse des règles de fonctionnement de la firme-réseau. Dans les réseaux où les ressources intangibles et relationnelles sont au cœur de la création des avantages compétitifs, la réputation, les engagements organisationnels et la confiance sont les facteurs clés de succès. De nombreuses études ont montré théoriquement et/ou empiriquement l’importance de ces éléments « non rationnels » dans les firmes-réseaux63.
B. Une nouvelle division inter-firmes du travail
33La firme-réseau doit faire face aux problèmes de l’organisation de la production et de la distribution des biens et/ou des services. En tant que forme organisationnelle, la firme-réseau génère des coûts de coordination relativement élevés, car les produits circulants sont dédiés à la firme focale ; la coopération inter-firmes requiert le partage et la dissémination d’informations et la détermination des caractéristiques techniques et fonctionnelles des modules productifs. Et la stratégie du juste-à-temps ne permet aucune accumulation de stocks. Ainsi, il est plus difficile pour la firme-réseau d’assurer la coordination complète entre les différents agents productifs eu égard aux spécificités de la forme hiérarchique qui dispose des capacités de concevoir le processus global de production et de la redistribution de la rente, de centraliser et de distribuer l’information, de contrôler les produits et d’améliorer la synchronisation.
34La firme focale utilise deux dispositifs d’intégration distincts pour réduire les coûts de coordination inter-firmes. Le premier renvoie à la procédure institutionnelle de certification, qui facilite le choix des membres du réseau et réduit ex ante les risques de sélection adverse, à l’image des systèmes d’assurance-qualité et des normes de production (comme les normes ISO 9001, ISO 14001, ISO 26000)64. Le second se réfère à l’intégration logistique au travers des nouvelles technologies de l’information et des communications et du développement du numérique, ce qui facilite les procédures de contrôle ex post. L’intégration logistique consiste à rendre exécutoires les engagements des partenaires de la chaîne de production en contrôlant leur capital circulant, mais pas leur stock de capital65. Ce faisant, la firme focale « standardise » au sein du réseau le processus informationnel. De même, cette forme d’intégration fondée sur les nouvelles technologies permet de réduire les coûts de transaction mais également de faciliter la synchronisation des tâches, de la même manière que le ferait la hiérarchie. La firme focale implémente le gouvernement relationnel des échanges intra-réseau en coordonnant les flux physiques et les flux électroniques et en s’assurant de la qualité des produits, quitte à préconiser des audits chez les sous-traitants. Autrement dit, même sur ce point crucial de la coordination, la firme-réseau développe des mécanismes qui lui sont propres et qui leur permettent de contourner l’intégration capitaliste et l’unification des droits de propriété.
35Les mécanismes de motivation et de coordination inter-firmes sont développés, dans le cas de la firme-réseau, indépendamment de la structure des droits de propriété, ce qui remet en cause les conclusions des théories économiques dominantes66. La firme-réseau parvient à maintenir de fortes incitations tout en évitant les comportements opportunistes au profit de formes de confiance inter-firmes67. Bien entendu, si nous pensons que cette forme de confiance est effective et pérenne, nous partageons également l’approche « conflit-coopération » de Perroux68, selon lequel la coopération sociale n’est jamais réellement une coopération pure au sens où les « agents sont individués et forment des groupes caractérisés par une certaine individuation ; c’est-à-dire que ni isolément ni dans leurs groupes, ils ne peuvent abdiquer tout à fait leurs intérêts égocentriques et renoncer aux forces centripètes ». En implémentant ces deux procédures complémentaires propres au réseau, la firme-réseau s’affranchit des risques d’une coopération trop « pure ». L’intégration capitalistique n’apparaît plus comme l’unique alternative possible au marché. D’autres formes d’intégration complexe permettent de rendre la firme-réseau productivement efficiente en dessinant les contours d’un système économique cohérent dont le gouvernement est de type « coopératif et informel » et non de type capitalistique.
36Le processus d’intégration économique intra-réseau repose sur un gouvernement coopératif de la firme-réseau. Au centre de ce gouvernement et de cette logique d’intégration se trouvent les ressources critiques du réseau. Les firmes forment un réseau tant pour accéder à des ressources complémentaires que pour créer – par leur unification – de nouvelles ressources idiosyncrasiques. Selon les théories de la firme fondées sur les ressources, la formation de ressources critiques générant de la valeur est fortement liée au réseau de relations de la firme69. La capacité d’incorporer la connaissance émanant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur des frontières de la firme émerge comme une capacité organisationnelle particulière70. La firme-réseau peut être appréhendée comme un « réseau complexe et dynamique de ressources et de capacités »71. Une seule firme de l’entité organisationnelle doit être affectée à la coordination de ces diverses ressources. Une telle tâche incombe à la firme focale qui contrôle les ressources critiques, telles que la marque et la réputation, autour desquelles gravitent des activités complémentaires qui doivent être qualitativement et quantitativement coordonnées. Les ressources critiques constituent le cœur du réseau, et la firme focale se doit d’assurer l’intégrité des relations intra-réseau.
37Le gouvernement de réseau lie des firmes autonomes qui effectuent des tâches nécessitant une action jointe72. En entrant dans ces relations privilégiées de réseau, les firmes s’insèrent dans un processus d’intégration verticale de facto − contrats non spécifiés, vision de long terme et tâches structurées par le pouvoir de la firme focale − qui se concrétise à travers les frontières légales. Et le lien de dépendance économique entre la firme focale et les autres membres du réseau constitue le fer de lance de ce processus d’intégration verticale. Les frontières de la firme se brouillent, car elles sont de plus en plus déterminées non seulement par les relations de propriété et par les contrats, mais également par le pouvoir73.
Conclusion
38Depuis le déclin du modèle fordiste, l’environnement institutionnel des firmes a fortement évolué. En ce qui concerne les relations inter-firmes, les nouvelles formes de coopération reposent sur des dispositifs de réintégration verticale relationnelle qui se substituent aux relations d’intégration capitalistique de jure. La firme-réseau représente ainsi la forme la plus aboutie de ce mouvement de décomposition des frontières juridiques des firmes et de recomposition des frontières économiques des réseaux de production. L’analyse théorique des règles de fonctionnement des réseaux de production montre que le gouvernement externe des grandes firmes (qui consiste à gouverner les relations entre une firme focale et son réseau de fournisseurs) semble être basé sur des dispositifs d’allocation et de motivation spécifiques, sur une division inter-firmes du travail et sur des mécanismes complexes d’intégration qui privilégient le capital social et les arrangements informels aux instruments contractuels ou à la propriété. Loin de se réduire à une forme hybride du marché et de la firme, la firme-réseau implique un gouvernement inter-firmes de type relationnel qui diffère par nature des logiques de coordination marchande et de régulation hiérarchique.
39Pour conclure, la firme-réseau est une entité institutionnelle (même si les règles d’institutionnalisation sont différentes de celles que l’on retrouve dans la firme) et organisationnelle qui génère des profits nécessaires à sa reconstitution et à sa pérennité. La firme-réseau est une entité réelle reconstituée à travers un processus génératif qui lui est propre. La définition de la firme-réseau comme une « unique entité réelle » nous permet de comprendre et d’apprécier la nature complexe de cette organisation économique moderne. Néanmoins, comme l’explique Chassagnon74 dans son ouvrage dédié à l’« économie de la firme-monde », envisager la firme-réseau comme une entité réelle singulière et non comme un agrégat d’entités légales distinctes n’est pas sans conséquences en termes d’implications politico-légales et de régulation juridico-économique.
Notes de bas de page
1 Elsner, Wolfram, Hocker, Gero and Schwardt, Henning [2010], « Simplistic vs. Complex Organization: Markets, Hierarchies, and Networks in an Organizational Triangle – A Simplistic Heuristic to Analyze Real-World Organizational Forms – », Journal of Economic Issues, vol. 44, n° 1, pp. 1-29.
2 Williamson, Oliver E. [1975], Markets and Hierarchies: Analysis and Anti-Trust Implications, New York : Free Press.
3 Baudry, Bernard et Chassagnon, Virgile [2012a], « The Vertical Network Organization as a Specific Governance Structure: What are the Challenges for Incomplete Contracts Theories and What are the Theoretical Implications for the Boundaries of the (Hub-) Firm? », Journal of Management and Governance, Vol. 16, n° 2, may, pp. 285-303.
4 Holmstrôm, Bengt et Roberts, John [1998], « The Boundaries of the Firm Revisited », Journal of Economic Perspectives, vol. 12, n° 4, pp. 73-94.
5 Houssiaux, Jacques [1957], « Le concept de quasi-intégration et le rôle des sous-traitants dans l’industrie », Revue Économique, vol. 8, n° 2, pp. 221-247.
6 Blois, Keith J. [1972], « Vertical Quasi-Integration », Journal of Industrial Economics, vol. 20, n° 3, pp. 253-272.
7 Monteverde, Kirk et Teece, David J. [1982], « Supplier Switching Cost and Vertical Integration in the U.S. Automobile Industry », Bell Journal of Economics, vol. 13, n° 1, pp. 206-213.
8 Houssiaux, Jacques, op. cit., p. 222.
9 Baker, George P., Gibbons, Robert and Murphy, Kevin J. [2002], « Relational Contracts and the Theory of the Firm », Quarterly Journal of Economics, vol. 107, n° 1, pp. 39-84.
10 Roberts, John [2004], The Modern Firm: Organizational Design for Performance and Growth, Oxford: Oxford University Press.
11 Aoki, Masahiko (dir.), [1984b], The Economic Analysis of the Japanese Firm, New York : North Holland.
Aoki, Masahiko [1988], Information, Incentives and Bargaining in the Japanese Economy, Cambridge: Cambridge University Press.
12 Imai, Ken-ichi et Itami, Hiroyuki [1984], « Interpenetration of Organization and Market : Japan’s Firm and Market in Comparison with the U.S. », International Journal of Industrial Organization, vol. 2, n° 4, pp. 285-310.
13 Dore, Ronald [1986], Flexible Rigidities : Industrial Policy and Structural Adjustment in the Japanese Economy 1970-1980, Palo Alto : Stanford University Press.
14 Dyer, Jeffrey H. et Singh, Harbir [1998], « The Relational View : Cooperative Strategy and Sources of Interorganizational Competitive Advantage », Academy of Management Review, vol. 23, n° 4, pp. 660-679.
15 Coriat, Benjamin [1995], « Variety, Routines and Networks : The Metamorphosis of Fordist Firms », Industrial and Corporate Change, vol. 4, n° 1, pp. 205-227. p. 223.
16 Granovetter, Mark S. [1995], « Coase Revisited : Business Groups in the Modern Economy », Industrial and Corporate Change, vol. 4, n° 1, pp. 93-131.
17 Hamel, Gary [1991], « Competition for Competence and Interpartner Learning within International Strategic Alliances », Strategic Management Journal, vol. 12, numéro spécial, pp. 83-103.
18 Simon, Herbert A. [1962a], « The Architecture of Complexity », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 106, n° 6, pp. 467-482.
19 Berger, Suzanne [2006], Made in monde : les nouvelles frontières de l’économie mondiale, Paris : Seuil. Elle observe que certains équipementiers peuvent prendre en charge la quasi-totalité du produit final : « Magna, fournisseur canadien, peut produire le module suprême : une voiture entière, sur certains créneaux, comme la Jeep Cherokee en Europe » (p. 116).
20 Ulrich, Karl [1995], « The Role of Product Architecture in the Manufacturing Firm », Research Policy, vol. 24, n° 3, pp. 419-440.
Sanchez, Ron and Mahoney, Joseph T. [1996], « Modularity, Flexibility, and Knowledge Management in Product and Organizational Design », Strategic Management Journal, vol. 17, numéro spécial, pp. 63-76.
21 Langlois, Richard N. [2002], « Modularity in Technology and Organization », Journal of Economic Behavior and Organization, vol. 49, pp. 1, pp. 19-37. p. 19.
22 Robertson, Paul L. et Langlois, Richard N. [1995], « Innovation, Networks and Vertical Integration », Research Policy, vol. 24, n° 4, pp. 543-562.
23 Langlois, Richard N., op. cit., p. 19.
24 Piore, Michael et Sabel, Charles [1984], The Second Industrial Divide: Possibilities for Prosperity, New York : Basic.
25 Sturgeon, Timothy J. [2002], « Modular Production Networks: A New American Model of Industrial Organization », Industrial and Corporate Change, vol. 11, n° 3, pp. 451-496. p. 451 puis p. 452.
26 Langlois, Richard N, op. cit., p. 34. Rappelons brièvement que des firmes comme General Motors privilégiaient des relations contractuelles basiques afin de faire jouer la concurrence entre de nombreux fournisseurs avec lesquels elle n’entretenait que de simples relations commerciales. Au contraire, une firme comme Toyota reposait clairement sur des relations de long terme et de confiance avec des fournisseurs « dédiés », si bien que l’entité économique de production (la firme-réseau) intégrait ces firmes preneuses d’ordre au sein du réseau constitué par Toyota. Très vite, Toyota a compris que les fournisseurs étaient des parties prenantes de la firme et qu’il fallait qu’ils évoluent dans le même sens qu’elle. Par exemple, Toyota propose souvent d’envoyer ses employés dans les firmes sous-traitantes en tant que consultants, afin de résoudre les problèmes productifs et d’améliorer l’organisation de la production
27 Baldwin, Carliss Y. et Clark, Kim B. [2000], Design Rules : The Power of Modularity, Volume 1, Cambridge : MIT Press.
28 Eccles, Robert G. [1981], « The Quasifirm in the Construction Industry », Journal of Economic Behavior and Organization, vol. 2, n° 4, pp. 335-357.
29 Grandori, Anna et Soda, Giuseppe [1995], « Inter-Firm Networks : Antecedents, Mechanisms and Forms », Organization Studies, vol. 16, n° 2, pp. 183-214. p. 184-185.
30 Aoki, Masahiko [2007a], « Endogenizing Institutions and Institutional Change », Journal of Institutional Economics, vol. 3, n° 1, pp. 1-31. Aoki, Masahiko [2007b], « Whither Japan’s Corporate Governance? », in Masahiko Aoki, Gregory Jackson et Hideaki Miyajima, (dirs.), Corporate Governance in Japan: Institutional Change and Organizational Diversity, Oxford : Oxford University Press, pp. 427-448.
31 Rajan, Raghuram G. et Zingales, Luigi [2000], « The Governance of the New Enterprise », in Xavier Vives, (dir.), Corporate Governance : Theoretical and Empirical Perspectives, Cambridge : Cambridge University Press, pp. 201-227. p. 218-219.
32 Macmillan, Keith et Farmer, David [1979], « Redefining the Boundaries of the Firm », Journal of Industrial Economics, vol. 27, n° 3, pp. 277-285. p. 278-279.
33 Ibid.
34 « Il est trop simpliste de croire que les problèmes de la coordination inter-organisationnelle peuvent être résolus par l’intégration où la plus haute autorité inhérente au système managérial hiérarchique est le seul instrument effectif qui puisse être appliqué. Nous suggérerions que dans le monde industriel actuel, l’applicabilité d’un style de management qui est basé entièrement sur l’autorité issue du statut hiérarchique est de moins en moins effective. […]. Nous pensons que la plupart des bénéfices que Williamson imputerait aux systèmes hiérarchiques internes, et que Blois attribuerait à l’existence de pouvoirs de marché, peuvent être obtenus à la fois par les acheteurs et par les vendeurs à travers le développement du respect mutuel, de la compréhension et de la confiance dans un esprit plus informel ». Ibid. p. 284.
35 Baudry, Bernard et Chassagnon, Virgile [2012a], op. cit.
36 Cette firme possède la capacité de structurer le champ d’action de ses partenaires industriels en termes de conception, de coordination et de contrôle des activités productives.
37 Jarillo, Carlos J. [1988], « On Strategic Networks », Strategic Management Journal, vol. 9, n° 1, pp. 31-41.
38 Robertson, Paul L. et Langlois, Richard N., op. cit.
39 Baudry, Bernard [2004], « La question des frontières de la firme : incitation et coordination dans la firme-réseau », Revue Économique, vol. 55, n° 2, pp. 247-273.
Baudry, Bernard et Chassagnon [2012a], Virgile, op. cit.
40 Hodgson, Geoffrey M. [2002], « The Legal Nature of the Firm and the Myth of the Firm-Market Hybrid », International Journal of the Economics of Business, vol. 9, n° 1, pp. 36-60.
41 Goldberg, Victor P. [1980], « Relational Exchange : Economics and Complex Contracts », American Behavioral Scientist, vol. 23, n° 3, pp. 337-352.
42 Stinchcombe, Arthur L. [1985], « Contracts as Hierarchical Documents », in : Arthur L. Stinchcombe et Carol A. Heimer, (dirs.), Organization Theory and Project Management, Oslo: Norwegian University Press, pp. 121-171.
43 Baudry, Bernard [2005 (1995)], L’économie des relations interentreprises, seconde édition, Paris : Repères La Découverte. p. 65.
44 Richardson, George B. [2002], « Mrs. Penrose and Neoclassical Theory », in : Christos N. Pitelis, (dir.), The Growth of the Firm : The Legacy of Edith Penrose, Oxford : Oxford University Press, pp. 37-44.
45 Miles, Raymond E., Snow, Charles C., Meyer, Alan D. and Coleman, Henry J. [1978], « Organizational Strategy, Structure, and Process », Academy of Management Review, vol. 3, n° 3, pp. 546-562.
46 Chassagnon, Virgile [2010], « Firme (-réseau) et relations de pouvoir : une analyse théorique », Économie Appliquée, vol. 63, n° 2, pp. 23-54.
Chassagnon, Virgile [2011b], « The Network-Firm as a Single Real Entity : Beyond the Aggregate of Distinct Legal Entities », Journal of Economic Issues, vol. 45, n° 1, pp. 113-136.
47 Lorenzoni, Gianni et Baden-Fuller, Charles [1995], « Creating a Strategic Center to Manage a Web of Partners », California Management Review, vol. 37, n° 3, pp. 146-163.
48 Fombrun, Charles J. [1982], « Strategies for Network Research in Organizations », Academy of Management Review, vol. 7, n° 2, pp. 280-291.
49 Riordan, Michael H. et Williamson, Oliver E. [1995], « Asset Specificity and Economic Organization », International Journal of Industrial Organization, vol. 3, n° 4, pp. 365-378.
50 Dyer, Jeffrey, H. et Nobeoka, Kentaro [2000], « Creating and Managing a High-Performance Knowledge-Sharing Network : The Toyota Case », Strategic Management Journal, vol. 21, n° 3, pp. 345-367.
51 Jackson, Matthew O. et Wolinsky, Asher [1996], « A Strategic Model of Social and Economic Networks », Journal of Economic Theory, vol. 71, n° 1, pp. 44-74.
52 Malone, Thomas W. [2004], The Future of Work : How the New Order of Business will Shape your Organization, your Management Style, and your Life, Cambridge: Cambridge University Press.
53 Saussier, Stéphane [1998], « L’analyse des contrats interentreprises : une analyse empirique », Économie et Prévisions, vol. 135, n° 4-5, pp. 137-147.
54 Coriat, Benjamin et Weinstein, Olivier [2002], « Organizations, Firms and Institutions in the Generation of Innovation », Research Policy, vol. 31, n° 2, pp. 273-290.
55 Aoki, Masahiko [2004], « An Organizational Architecture of T-form : Silicon Valley Clustering and its Institutional Coherence », Industrial and Corporate Change, vol. 13, n° 6, pp. 967-981.
56 Coriat, Benjamin, op. cit., p. 220.
57 Baudry, Bernard et Chassagnon, Virgile [2012a], op. cit.
58 Langlois, Richard N. [1992], « Transaction-Cost Economics in Real Time », Industrial and Corporate Change, vol. 1, n° 1, pp. 99-127.
59 La firme focale a la possibilité de structurer et de réguler les relations de « pouvoir économique » en agissant sur le degré de dépendance entre elle et ses partenaires sous-contractants. Par exemple, la firme focale peut choisir une stratégie dite de « double sourcing » – c’est-à-dire mettre en concurrence pour chaque module productif au moins deux sous-traitants – afin d’éviter les effets d’enfermement (lock-in) et de préserver la flexibilité opérationnelle. Dans ce cas, la firme focale préserve son pouvoir de marché au détriment des autres membres du réseau. D’une part, les compétences technologiques et les informations étant partagées au sein du réseau, la firme focale maintient une concurrence lors de la phase de renouvellement des contrats, et la firme préalablement retenue ne dispose pas d’un avantage de temps (first mover advantage au sens de Williamson). La transformation fondamentale de Williamson ne s’exerce pas, car les deux vendeurs potentiels restent sur un certain « pied d’égalité » lors du renouvellement contractuel. D’autre part, une telle stratégie permet à la firme focale de sanctionner (et ainsi de créer des contraintes incitatives) une firme sous-traitante n’ayant pas honoré ses engagements et n’ayant pas été productivement et économiquement efficiente.
60 Williamson, Oliver E. [1983], « Credible Commitments: Using Hostages to Support Exchange », American Economic Review, vol. 73, n° 4, pp. 519-540.
61 Barzel, Yoram [1982], « Measurement Cost and the Organization of Markets », Journal of Law and Economics, vol. 25, n° 1, pp. 27-48.
62 Chassagnon, Virigle [2010], op. cit.
63 Powell, Walter W. [1990], « Neither Market Nor Hierarchy: Network Forms of Organization », Research in Organizational Behavior, vol. 12, n° 1, pp. 295-336.
Zaheer, Akbar et Venkatraman, Narayan [1995], « Relational Governance as an Interorganizational Strategy: An empirical Test of the Role of Trust in Economic Exchange », Strategic Management Journal, vol. 16, n° 5, pp. 373-392.
Gulati, Ranjay, Nohria, Nitin et Zaheer, Akbar [2000], « Strategic Networks », Strategic Management Journal, vol. 21, n° 3, pp. 203-215.
Tsai, Wenpin [2002], « Social Structure of Coopetition within a Multiunit Organization: Coordination, Competition, and Intraorganizational Knowledge Sharing », Organization Science, vol. 13, n° 2, pp. 179-190.
Chassagnon, Virgile [2014], « Consummate Cooperation in the Network-Firm: Theoretical Insights and Empirical Findings », European Management Journal, vol. 32, n° 2, pp. 260-274.
64 Baudry, Bernard et Chassagnon, Virgile [2012b], « Inter-firm Social Responsibility and the Coordination and Regulation of Multinational Network Firms : An Economic Analysis », Revue d’Économie Industrielle, n° 137, pp. 43-64.
65 Par exemple, de nombreuses grandes firmes internationales (comme Benetton, Marks et Spencer ou Ikea) contrôlent les activités et les comportements productifs des partenaires sous-traitants grâce aux réseaux d’échange électronique des données (système EDI), aux entrepôts automatisés, aux systèmes informatisés, ou bien encore aux codes-barres.
66 Baudry, Bernard et Chassagnon, Virgile [2012b], op. cit.
67 Kilduff, Martin et Krackhardt, David [2008], Interpersonal Networks in Organizations : Cognition, Personality, Dynamics, and Culture, Cambridge: Cambridge University Press.
68 Perroux, François [1973], Pouvoir et économie, Paris-Bruxelles-Montréal : Bordas, p. 45.
69 Barney, Jay B. [1991], « Firm Resources and Sustained Competitive Advantage », Journal of Management, vol. 17, n° 1, pp. 99-120.
70 Lorenzoni, Gianni et Lipparini, Andrea [1999], « The Leveraging of Interfirm Relationships as a Distinctive Organizational Capability: A Longitudinal Study », Strategic Management Journal, vol. 20, n° 4, pp. 317-338.
71 Dagnino, Giovanni B. [2004], « Complex Systems as Key Drivers for the Emergence of a Resource and Capability-based Interorganizational Network », Emergence : Complexity and Organization, vol. 6, n° 1-2, pp. 61-69.
72 La coordination des activités jointes est un enjeu crucial dans la production en réseau lorsque l’on sait que dans des secteurs comme l’automobile ou l’aéronautique, les achats aux équipementiers et aux sous-traitants représentent presque 70 % de la valeur ajoutée du produit final.
73 Chassagnon, Virgile [2011b], op. cit.
Chassagnon, Virgile [2014], op. cit.
Chassagnon, Virgile [2011a], « The Law and Economics of the Modern Firm: A New Governance Structure of Power Relationships », 2011. Revue d’Économie Industrielle, n° 134, pp. 25-50.
Chassagnon, Virgile [2012a], « Pouvoir et coopération dans la firme et entre les firmes », Socioéconomie du Travail (Économies et Sociétés série AB), n° 34, pp. 1183-1210.
Chassagnon, Virgile [2012b], « Fragmentation des frontières de la firme et dilution des responsabilités juridiques : l’éclatement de la relation d’emploi dans la firme-réseau multinationale », Revue Internationale de Droit Économique, vol. 26, n° 1, pp. 5-30, Virgile [2013], « Contrôle et manipulation au cœur de la firme-monde ? », Revue de la Régulation, n° 14, pp. 2-12.
Chassagnon, Virgile [2018], Économie de la firme-monde. Louvain-La-Neuve : De Boeck.
74 Chassagnon, Virgile [2018], op. cit.
Auteur
Professeur des Universités en Économie
Université Grenoble Alpes, Grenoble INP, CREG, IREPE
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