La sous-traitance saisie par la RSE
p. 77-88
Texte intégral
1La sous-traitance, quelle que soit la définition retenue, ne pouvait pas échapper à la Responsabilité Sociale ou sociétale de l’entreprise (ci-après RSE) en raison de ce que recouvre cette notion1. Sans avoir la prétention de définir cette responsabilité sociale, ces deux termes se prêtant à interprétation, sera retenue, pour les besoins de cette présentation, la définition européenne de la RSE entendue comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société »2. Cette responsabilité est morale (ce qu’indique le terme anglo-saxon de responsability) mais aussi, éventuellement, juridique.
2Cette prise en considération des effets, positifs ou négatifs, de l’activité de l’entreprise sur la société a conduit à l’élaboration, dans les sciences de gestion, de la notion de sphère d’influence. Cette notion est étroitement liée à la responsabilité sociale de l’entreprise3. En effet, cette influence exercée par l’entreprise, influence qui la rend responsable au sens large du terme, doit être délimitée pour pouvoir donner du sens à cette responsabilité et la rendre effective. Le recours à la notion de sphère d’influence constitue une tentative de réponse concrète à l’imprécision de la responsabilité sociale de l’entreprise. Cette sphère d’influence se dessine en recherchant les « flux relationnels » entretenus par l’entreprise4 et en déterminant ses parties-prenantes, qui peuvent se définir comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l’entreprise »5. Si la définition de cette catégorie est incertaine6, il n’en reste pas moins que le sous-traitant en fait partie. Pour échapper aux incertitudes liées à la définition de la sphère d’influence, il a été proposé de se référer à la due diligence7, que l’on pourrait traduire par devoir de vigilance ou vigilance raisonnable. Ce devoir doit conduire l’entreprise à « identifier, prévenir et atténuer les effets négatifs sociaux, environnementaux et économiques, réels et potentiels qui résultent » de son activité8.
3Quelles que soient ces difficultés de définition, les notions de sphère d’influence et de diligence raisonnable ont été retenues, parfois indirectement, dans de nombreux textes normatifs relevant de la soft law, qu’il s’agisse de la norme ISO 26000 Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales ou encore des Principes directeurs du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur les droits de l’Homme et les entreprises. Ces textes demandent aux entreprises d’user de leur influence pour mettre fin aux incidences négatives de leur activité ou pour les prévenir.
4Cette influence source de responsabilité sociale ou sociétale peut bien évidement s’exercer sur le sous-traitant. C’est pourquoi la sous-traitance constitue à la fois un vecteur de la promotion de la RSE9 mais aussi un risque pour le donneur d’ordres. Ce dernier aspect sera retenu puisque le colloque dans lequel s’insère cette contribution a pour thème « Sécuriser la sous-traitance ». Dans cette perspective, il appartient au donneur d’ordres de veiller à ce que l’activité du sous-traitant ne soit pas contraire aux exigences de la responsabilité sociale de l’entreprise. La sous-traitance devient alors un risque pour le donneur d’ordres auquel il pourra être reproché de ne pas avoir usé de son influence pour corriger ou prévenir le comportement du sous-traitant. Ce risque né de la sous-traitance doit pouvoir être identifié (I) avant d’envisager les moyens de sa prévention (II).
I. L’identification du risque né de la sous-traitance
5Cette appréhension de la sous-traitance par le risque n’est pas nouvelle. La loi de 1975 instaurant une protection du sous-traitant, les dispositions du code du travail ou encore le droit de la concurrence prohibant l’abus de l’état de dépendance économique ont déjà justifié une telle démarche. Mais le risque n’est plus seulement lié à l’application d’un texte et de ses sanctions. Il est lié à la responsabilité sociale de l’entreprise donneur d’ordres, au regard du respect des droits sociaux, des droits fondamentaux ou de la protection de l’environnement, responsabilité mettant en jeu la réputation de l’entreprise et la menace de la sanction du marché. En effet, le sous-traitant est intégré dans la sphère d’influence de l’entreprise donneur d’ordres qui doit alors exercer son devoir de vigilance.
6Pour déterminer le sous-traitant à risque, il convient de se référer aux facteurs géographiques, au secteur d’activité, à l’organisation de la chaine d’approvisionnent ou encore au contexte de la relation contractuelle. Mais au-delà de ces facteurs, le critère déterminant réside dans l’influence que peut exercer le donneur d’ordres sur le comportement du sous-traitant. Cette influence conditionne la mise en œuvre du devoir de vigilance. En conséquence, la qualification devient secondaire (A), le critère de l’influence étant déterminant (B).
A. Une sous-traitance largement entendue
7Le plus souvent, les textes recommandant aux entreprises d’user de leur influence ne mentionnent pas la sous-traitance qui ne constitue qu’une hypothèse parmi d’autres d’influence possible. Ces textes préfèrent se référer aux relations d’affaires qui offrent à l’entreprise l’occasion d’exercer une influence. Sans être définie, la relation d’affaires est utilisée dans les Principes directeurs de l’OCDE ou dans la directive sur la publication d’informations non financières qui vise les risques graves découlant de l’activité de l’entreprise ou « liés à ses relations d’affaires, y compris ses chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance »10. Il peut être fait référence à des « fournisseurs de premier rang », sans autre précision, comme la loi dite « Sapin 2 » lorsqu’elle énonce les mesures de lutte contre la corruption et divers manquements à la probité11.
8Si elle est envisagée en tant que telle, la sous-traitance n’est pas définie. Ainsi la déclaration de performance extra-financière imposée à certaines sociétés doit-elle faire état de « la prise en compte dans les relations avec les fournisseurs et les sous-traitants de leur responsabilité sociale et environnementale »12. Il en est de même de loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 instaurant le devoir de vigilance notamment pour l’entreprise donneur d’ordres. En conséquence, la qualification de la sous-traitance, de marché ou industrielle, est sans portée. En outre, ces différents textes visent également les fournisseurs, ce qui ôte tout enjeu à la qualification.
9Cette sous-traitance peut être nationale ou internationale. Les principes directeurs de l’OCDE visent les « entreprises ou d’autres entités établies dans plusieurs pays et liées de telle façon qu’elles peuvent coordonner leurs activités de diverses manières », ajoutant que sont également concernées les entreprises nationales et les PME. Il en est de même dans l’avis de la plateforme RSE sur les relations responsables entre donneurs d’ordre et fournisseurs qui énonce que « tout acteur économique a un devoir de mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable afin d’éviter la survenance d’incidences négatives sur l’ensemble de sa sphère d’influence »13.
10Seule la taille de l’entreprise donneur d’ordres peut intervenir, les textes évoqués souhaitant épargner aux PME la charge d’un devoir de vigilance, ce qui justifie le recours à des seuils pour déterminer les entreprises donneur d’ordres soumises à un tel devoir. En effet, la mise en œuvre du devoir de vigilance constitue une lourde charge, en termes de compétence et de ressources financières, charge qui, cependant, pourrait être allégée par une mutualisation des moyens entre PME14. Mais seule l’influence est déterminante.
B. Le critère déterminant de l’influence
11Pour que la responsabilité sociale du donneur d’ordres puisse être engagée, celui-ci doit être en mesure d’influer sur le comportement du sous-traitant. Mais le critère permettant d’identifier cette influence n’est pas unique et ceux utilisés sont, bien souvent, très imprécis15.
12Ainsi, comme cela a été rappelé, certains textes d’origine internationale se réfèrent à l’existence de relations d’affaires. Mais ce critère de la relation d’affaires n’est pas défini et est pour le moins imprécis. Notamment, il reste à déterminer si la relation d’affaires suppose une certaine régularité ou continuité. Cette absence de critère juridique précis, source d’insécurité, est la conséquence de l’imprécision des notions en cause (responsabilité sociale, sphère d’influence ou devoir de vigilance) et de la diversité des situations. Elle résulte également et surtout de la nature particulière de cette responsabilité sociale qui doit conduire l’entreprise donneur d’ordres à dresser une cartographie des risques destinée à les « identifier, analyser et hiérarchiser »16. En effet, cette responsabilité sociale qui « délaisse l’idée de contrainte pour privilégier la prise de conscience de l’importance d’une comportement vertueux »17exige une responsabilisation de l’entreprise dans sa démarche18. Il lui appartient donc, en l’absence de critère défini comme dans la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 instaurant le devoir de vigilance, de déterminer elle-même la portée de son influence.
13Il est en outre délicat de définir un critère approprié comme en témoignent les débats qui ont précédé l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance. Cette loi a choisi la notion « de relations commerciales établies », préférée à celle « d’influence déterminante » qui avait été retenue dans la proposition de loi de 2015. Cette notion présente plusieurs avantages. D’une part, elle est définie par la Cour de cassation comme une relation « régulière, stable et significative » 19, ce qui contribue à la sécurité juridique. D’autre part, pour justifier le devoir de vigilance, le lien avec le sous-traitant ou le fournisseur doit être suffisamment significatif, ce que garantit cette définition jurisprudentielle. Cependant deux remarques conduisent à nuancer cette pertinence.
14Tout d’abord, la Cour de cassation a précisé la notion de relations commerciales établies en y intégrant, pour apprécier son existence, l’attente légitime de la victime de la rupture, cette notion permettant de caractériser son caractère brutal. S’agissant du devoir de vigilance, la finalité étant différente, seule une conception purement objective devrait être retenue.
15Enfin, l’exigence de la stabilité et de la régularité, caractéristique de la relation commerciale établie, paraît exclure les contractants occasionnels. Or ce caractère occasionnel ne diminue en rien le risque d’une atteinte portée par le sous-traitant ponctuel aux exigences de la RSE dans le domaine social, environnemental ou de respect des droits humains. Cette dangerosité est confirmée par le rapport du point de contact national français dans son rapport sur l’application des principes directeurs de l’ODCE dans la filière textile habillement20. En outre, comme cela a été relevé lors des travaux parlementaires, « les sociétés concernées pourraient échapper à l’obligation prévue par le texte en n’entretenant avec des entreprises que des relations ponctuelles pour l’exécution d’un contrat très important »21. Ce recours à la notion de relations commerciales établies n’écarte donc pas toute incertitude.
II. La prévention du risque né de la sous-traitance
16La loi peut imposer au donneur d’ordre l’adoption de mesures visant à prévenir les risques nés de la sous-traitance quant au respect des exigences de la responsabilité sociale d’une entreprise. Tel est le cas du code du travail qui met certaines obligations à la charge des donneurs d’ordres ou maîtres d’ouvrages22 ou du code de commerce qui impose à certaines sociétés l’élaboration d’un plan de vigilance23. Au-delà de ces obligations légales, le donneur d’ordre dispose de moyens de prévention de ces risques, dont certains pourraient constituer des éléments d’un plan de vigilance au sens de la loi du 27 mars 2017 instaurant le devoir de vigilance. Certains de ces moyens ont un caractère unilatéral, le donneur d’ordre s’engageant à adapter son comportement (A), d’autres relèvent d’une démarche de contractualisation (B).
A. Les démarches unilatérales
17Parmi ces démarches unilatérales figurent le recours à un code de conduite (1°), la référence à une norme ISO (2°) et la labellisation (3°).
1) Le recours à une charte ou à un code de conduite
18La charte visera les relations avec les fournisseurs et les sous-traitants et doit conduire le donneur d’ordre à adopter un comportement déterminé vis-à-vis du sous-traitant afin que celui-ci soit un vecteur de sa politique RSE. Ce document peut être élaboré en interne, par l’entreprise donneur d’ordre. Mais celle-ci peut également se référer à des textes normatifs proposés par des organisations internationales ou par les pouvoirs publics. Une voie médiane peut être choisie : la charte ou le code interne se réfère ou s’inspire de ces sources externes. Ainsi la société Carrefour a-t-elle élaboré une Charte sociale et éthique en partenariat avec la Fédération international des droits de l’Homme, charte qui inclue les principales conventions de l’Oit et les principes du Global compact de l’ONU24. Si l’efficacité de ces chartes est discutable, notamment lorsqu’elles sont rédigées en des termes généraux, il n’en reste pas moins qu’elles constituent un outil pédagogique à l’égard des collaborateurs et de la direction de l’entreprise et qu’elles peuvent être source de responsabilité25.
19Certaines chartes sont particulièrement adaptées aux relations avec les sous-traitants comme la Charte relations fournisseurs responsables proposée par la Médiation du crédit et le Conseil national des achats26. Cette charte énonce un certain nombre de bonnes pratiques à adopter, notamment à l’égard des sous-traitants. Ainsi, le coût total de l’achat doit intégrer les coûts qualités et RSE, le donneur d’ordre doit être attentif au maintien des capacités et des savoir-faire de sous-traitance en période de crise et il assume une responsabilité territoriale. Enfin, le grand donneur d’ordre doit sensibiliser les fournisseurs sur leurs responsabilités en matière de développement durable et intégrer ces préoccupations dans les critères de choix. Mais ce recours à des codes ou chartes de bonne conduite pose la question de leur efficacité et de leur sanction.
2) La référence à une Norme ISO
20La norme ISO 20400 achats responsables, publiée en avril 2017, énonce un ensemble de lignes directrices afin d’intégrer la responsabilité sociale dans le processus achat. Elle est présentée comme une application sectorielle de la norme ISO 26000 Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale. Cette norme 20400 est constituée de lignes directrices et ne donne pas lieu à certification.
3) La labellisation
21L’attribution d’un label subordonné au respect d’un référentiel constitue une autre voie de prévention du risque lié à la sous-traitance, qui n’est pas exclusive des autres. Le Label Relations fournisseurs et achats responsables27 proposé par le Médiateur des entreprises et le Conseil national des achats (association) illustre cette possibilité et cette complémentarité, ce label faisant suite à l’élaboration de la Charte fournisseurs responsables précédemment évoquée. Il s’appuie, en outre, sur la norme ISO 20400 Achats responsable et vise à distinguer « les organisations ayant fait la preuve de relations durables et équilibrées avec leur fournisseur ».
22Parmi les cinq domaines d’évaluation figure l’intégration de la responsabilité sociétale dans le processus achat, entendu au sens large comme englobant la sous-traitance. Ce domaine d’évaluation repose sur trois critères : la préparation d’une stratégie de sourcing28 responsable, l’intégration des spécifications RSE dans le cahier des charges et l’intégration des performances RSE des fournisseurs et sous-traitants. Pour le respect du second critère, le donneur doit, notamment, évaluer la conformité de sa chaine d’approvisionnement aux critères de la responsabilité sociale et définir les critères RSE dans le cahier des charges produits/services. Pour ce faire, le référentiel recommande, au titre de bonnes pratiques « d’identifier jusqu’à quel niveau de sous-traitance il est nécessaire d’aller pour évaluer les impacts sociaux » et « d’inclure des clauses contractuelles qui permettent d’accroître sa maîtrise de la chaîne d’approvisionnement ». Le respect du troisième critère exige de l’entreprise qu’elle s’assure du respect par les fournisseurs et sous-traitants de leur conformité aux obligations RSE.
B. La contractualisation
23Cette contractualisation est recommandée par plusieurs des textes qui visent à orienter le comportement des entreprises pour qu’elles exercent une influence positive, qu’il s’agisse des Principes directeurs de l’OCDE, de la norme ISO 26000, du référentiel du label Relations fournisseurs et achats responsables29 ou du rapport sur l’application des principes directeurs de l’OCDE à la filière textile-habillement. Ces clauses RSE ont fait l’objet d’une étude menée par Affectio Mutandi et ECOVADIS au regard de leur efficacité et des risques à prévenir30. Plusieurs techniques ou clauses contractuelles peuvent être mises en œuvre (1°) mais l’efficacité de la contractualisation est subordonnée au respect de conditions (2°).
1) Les manifestations de la contractualisation
24La contractualisation a pour objectif de recourir à la force obligatoire du contrat pour soumettre le sous-traitant à des engagements RSE. L’adhésion du sous-traitant à une charte ou à un code de bonne conduite défini par le donneur d’ordres constitue l’une des manifestations de cette contractualisation. La société Carrefour demande à ses fournisseurs de signer la Charte sociale et éthique par une intégration de celle-ci dans les contrats d’achats31 et la société Décathlon indique que ces fournisseurs sont liés contractuellement par un code de conduite32. Il en est de même de la « Charte RSE Fournisseurs et sous-traitants » du groupe Bouygues, annexée aux contrats33. Avant d’énoncer les engagements à respecter par thèmes (éthique, respect des normes du travail, protection de la santé et de la sécurité et protection de l’environnement), cette charte précise que tout manquement grave et délibéré aux principes exposés constituera un manquement aux obligations contractuelles susceptibles d’entrainer l’application des mesures coercitives prévues au contrat. Le donneur d’ordres a également la possibilité de recourir à des conditions générales d’achat contenant des exigences en matière de RSE. Mais il conviendra de respecter les dispositions de l’article L.441-6 C du code de commerce régissant la négociation et d’éviter toute soumission à un déséquilibre significatif au sens de 2° du I) de l’article L.442-6 du code de commerce. La définition des critères RSE dans le cahier des charges offre également un moyen de contractualiser ces engagements, moyen constituant une bonne pratique selon la Charte relations fournisseurs responsables déjà évoquée. Enfin, de nombreuses clauses permettent au donneur d’ordre d’exercer son devoir de vigilance, telle qu’une clause interdisant ou soumettant à agrément le recours à un sous-traitant de rang 2 ou prévoyant la réalisation d’audits auprès du sous-traitant par un tiers choisi pour son indépendance et son sérieux.
2) Les conditions de l’efficacité de la contractualisation
25Ces conditions34 ne sont pas propres à la contractualisation de la RSE et constituent de bonnes pratiques contractuelles. Trois mots peuvent les résumer : la cohérence, l’équilibre et la durabilité. La cohérence exige que les engagements contractuels liés à la RSE ne soient pas pratiquement impossibles à respecter par le sous-traitant en raison de leur imprécision, de la multiplication des textes de référence, de la difficile conciliation de ces clauses avec d’autres stipulations du contrat (tels que les délais, le prix, les conditions de commandes). En d’autres termes, le donneur d’ordre doit prendre en considération la situation globale du sous-traitant. L’équilibre s’impose également, mais pas uniquement en raison de la sanction possible d’un déséquilibre en vertu des dispositions du code civil ou de commerce. En effet, le donneur d’ordre ne peut s’exonérer de toute responsabilité. Il doit assumer sa part en raison de son devoir de vigilance. Dans le cas contraire, si l’un des risques identifiés se réalise, il sera alors facile de reprocher au donneur d’ordre de s’être déchargé sur le sous-traitant, ce qui, au-delà des conséquences proprement juridiques, causerait un dommage à la réputation de l’entreprise. En outre, une telle attitude serait contraire à l’influence qu’il est censé exercer et à la logique de responsabilisation. Enfin, troisième condition de l’efficacité, si la durabilité est une condition de l’influence elle participe aussi du comportement attendu d’un donneur d’ordre responsable. Comme le relève le rapport sur l’application des principes directeurs de l’OCDE à la filière textile-habillement « la durabilité renforce la coopération, accroit l’influence du donneur d’ordres et facilite la démarche d’amélioration continue »35.
26Ainsi, la sous-traitance saisie par le RSE tend à devenir un partenariat, ce qui renforce un mouvement déjà amorcé, mais pour des raisons économiques et techniques. S’il faut relativiser ce mouvement et ne pas idéaliser cette démarche, il n’en reste pas moins que le sous-traitant ne peut plus être considéré par le donneur d’ordres comme une simple variable d’ajustement dans l’exercice de son activité.
Notes de bas de page
1 Pour une présentation synthétique des définitions de la RSE : G. Marain, La juridicisation de la responsabilité sociétale des entreprises, Coll. de L’institut de Droit des affaires, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2016, p. § 3° et svts.
2 Communication du 25 octobre 2011 sur la responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011-2014, COM (2011) 681 final.
3 Sur la sphère d’influence, voir : S. Mac Cionnaith, Le concept de sphère d’influence : de nouvelles obligations pour l’entreprise, éd. Universitaires Européeennes, 2017 et « Délimiter le périmètre de la vigilance : entre concept de soft law et de hard law; De la matrice du concept de sphère d’influence », Rev. Lamy Droit des affaires, 2017, p. 25. Y. Queinnec, « La notion de sphère d’influence au cœur de la RSE : lecture juridique d’un phénomène normatif », in Dossier Entreprise et développement durable, Journal des sociétés, 2012, n° 10, p. 66.
4 M. Doucin, Analyse des notions de « due diligence » et de « sphère d’influence », dans le contexte du respect des droits de l’Homme par les entreprises : enjeux de de la définition du champ d’application des standards en matière de RSE, Ministère des affaires étrangères et européennes, 22 mars 2010.
5 R.-E. Freeman, Strategic Management : a Stakeholder Approach, éd. Pitman-Ballinger, 1984.
6 Voir : G. Marain, op. cit., n° 11.
7 Sur ce point, voir S. Mac Cionnaith, « Délimiter le périmètre de la vigilance », op. cit., p. 25.
8 S. Brabant et Y. Queinnec, « De l’art et du devoir d’être vigilant », Rev. Lamy Droit des affaires, 2013, n° 88, p. 48.
9 F. Quairel et M.‑N. Auberger, « La diffusion de la RSE par la relation fournisseurs : injonction paradoxales ou partenariat de progrès », Rev. internationale P.M.E., 2007, 20 (3-4), 69-94.
10 Directive PE et Cons. UE n° 2014/95, du 22 oct. 2014, JOUE n° L.330/1 du 15.11.2014.
11 Article 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, JORF n° 287 du 10 déc. 2016.
12 Article R.225-105-II-A-3°-b) du code de commerce.
13 Avis de la Plateforme RSE sur les Relations responsables entre donneurs d’ordre et fournisseurs, Recommandations pour la mise en œuvre de la diligence raisonnable, https://www.strategie.gouv.fr/publications/relations-responsables-entre-donneurs-dordre-fournisseurs-avis-de-plateforme-rse, France Stratégie, 2017, p. 13.
14 Avis de la Plateforme RSE, op. cit, p. 14.
15 Sur les critères disponibles : G. Jazottes, « Délimiter le périmètre de la vigilance : entre concept de soft law et de hard law; le critère légal de la relation commerciale établie », Rev. Lamy Droit des affaires, 2017, 6168, p. 26.
16 Article 17 de la loi dite « Sapin 2 », précitée.
17 P. Deumier, « L’approche environnementale de la RSE, Prolégomènes », in B. Parance (dir.), « La RSE approche environnementale », Colloque du Centre français de droit comparé, éd. Soc. Légis. Comp., 2016, p. 13.
18 X. Boucobza et Y.‑M. Serinet, « Loi « Sapin 2 » et devoir de vigilance : l’entreprise face aux nouveaux défis de la compliance », D. 2017, chron., 1619. Ces auteurs évoquent une « logique de responsabilisation ».
19 Cass. Com. 6 septembre 2011, n° 10-30679 ; Cass. Com. 20 mars 2012, n° 10-26220.
20 Rapport du PCN sur la mise en œuvre des principes directeurs de l’OCDE dans la filière textile-habillement, 2013, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/8507_rapport-du-pcn-sur-la-mise-en-oeuvre-des-principes-directeurs-de-l-ocde-dans-la-filiere-textile-habillement
21 Assemblée nationale, avis n° 2625 de Mme Annick Le Loch fait au nom de la commission des affaires économiques, intervention de Mme Brigitte Allain.
22 Voir notamment les articles L. 4231-1, L. 8222-1 et svts et L. 8281-1 du code du travail.
23 Articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce.
24 http://www.carrefour.com/sites/default/files/carrefour_-_document_de_reference_2017_0.pdf, p. 64, § 2.4.4.
25 V. Rebeyrol, « La compliance : le rôle de la charte éthique », in N. Borga, J.‑C. Marin, et J.‑Ch. Roda (dir.) « Compliance : l’entreprise, le régulateur et le juge », Dalloz, Thèmes et commentaires, Régulations et Compliance, 2018, p. 119.
26 https://www.economie.gouv.fr/CHARTE_RFR
27 http://www.rfar.fr/label-relations-fournisseurs-achats-responsables/
28 Le sourcing pouvant être défini comme la démarche de recherche des fournisseurs pouvant le mieux répondre aux besoins de la société acheteuse selon des critères prédéfinis (voir : O. Bruel et alii, Management des achats, décisions stratégiques, structurelles et opérationnelles, Economica, 2e éd. 2014).
29 Précité.
30 Sur les clauses RSE, voir : Affectio Mutandi et ECOVADIS, Le contrat et les clauses RSE, leviers incontournables de vigilance, étude croisée cheteurs fournisseurs sur les clauses contractuelles RSE, http://affectiomutandi.com/wp-content/uploads/2018/05/2018_contrat_et_clauses_RSE_ecovadis_affectio_mutandi.pdf
31 Document de référence 2017 précité, p. 64, § 2.4.5.
32 http://sustainability.decathlon.com/media-reports/csr_reports/, p. 70.
33 https://www.bouygues.com/wp-content/uploads/2016/09/charte_rse_8p_fr.pdf
34 Pour une étude approfondie : Le contrat et les clauses RSE, op. cit.
35 PCN, rapport précité, recommandation n° 5.
Auteur
Professeur de droit privé et sciences criminelles
Membre du Centre de Droit des Affaires
Université Toulouse 1 Capitole
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