Forme coopérative et professions libérales réglementées
p. 35-66
Texte intégral
1Rapprocher coopérative et exercice d’une activité libérale réglementée ne paraît pas bien raisonnable. Le moins que l’on puisse dire, en effet, est que cette forme sociale n’est pas la première à venir à l’esprit pour servir l’exercice d’une telle profession. Elle serait inadaptée1, « plus source de rigidité que d’avantages2 ».
2Il semble pourtant que le débat puisse être aujourd’hui relancé, la discussion renouvelée. D’un côté, fleuron entrepreneurial de l’économie sociale et solidaire, la coopérative séduit à nouveau, en doctrine comme sur le terrain, depuis la loi du 31 Juillet 2014 qui lui consacre un titre entier3. De l’autre côté, le législateur n’a de cesse de parfaire l’œuvre qu’il a entamée en 1966, afin de développer et de faciliter l’exercice en société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
3Les deux mouvements sont inverses : à l’engouement des pouvoirs publics et de bon nombre d’acteurs économiques pour les coopératives4 font face l’inquiétude, voire l’hostilité, de la pratique libérale 5 comme de bon nombre d’auteurs6 face à la libéralisation, la déréglementation (la « “déprofessionnalisation” de l’exercice du droit », selon l’expression du professeur Jamin7) résultant de la récente loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques8 et des divers textes qui la mettent en œuvre. En 1990, l’intérêt était manifeste pour ce qu’on a pu désigner comme une « pierre supplémentaire à la construction d’un droit spécifique des activités libérales9 ». Désillusion dès 2011, le même auteur parlant alors de « ravaudage du régime des sociétés réservées aux professions libérales réglementées10 ». Pourtant, même s’il est peut-être plus facile à certaines professions qu’à d’autres de le reconnaître, les nouvelles dispositions légales « s’inscrivent dans la continuité d’une longue réflexion menée par les professionnels eux-mêmes, ainsi, qu’à l’évidence, dans le sillage d’exigences européennes de plus en plus pressantes guidées par le souci de ne négliger aucun levier de croissance potentielle.11 »
4Au cœur de ces tendances du droit contemporain figure un pan entier de notre activité économique, saisi par le droit civil : les professions libérales dont le titre est protégé qui forment, avec celles soumises à un statut législatif ou réglementaire et au sein de la catégorie hétéroclite des professions libérales, un ensemble à part, celui des professions « officiellement reconnues12 ».
5Si l’activité libérale est -depuis peu- définie par la loi française13, tel n’est pas le cas des professions qui nous intéressent, que nous désignerons ci-après par la formule raccourcie de « professions réglementées ». Une directive européenne s’y est attelée dès 2005, selon lequel il faut entendre par profession réglementée, « une activité ou un ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées ; l’utilisation d’un titre professionnel limitée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives aux détenteurs d’une qualification professionnelle donnée constitue notamment une modalité d’exercice14. »
6D’une manière schématique, il est possible de considérer que ces professionnels interviennent dans trois secteurs distincts : celui du droit, celui de la santé et, enfin, le secteur technique et du cadre de vie15. Compte rendu du rôle important joué par les réglementations propres à chaque spécialité, de leur hétérogénéité et même si bon nombre de nos remarques pourraient être étendues à l’ensemble de ces professions, nous restreindrons notre étude à un domaine, celui du droit16, à une profession technique, celle des experts-comptables17. Complémentaires, ils sont souvent rapprochés dans l’expression « professions du droit et du chiffre ». Le législateur lui-même les a réunis, par exemple à l’occasion d’une loi de 201118 qui leur est entièrement consacrée ou de quelques dispositions de la récente réforme d’août 201519.
7Pour de multiples raisons, l’exercice individuel des professions libérales réglementées a longtemps été la règle. L’indépendance et l’individualisme qui les caractérisent peuvent expliquer cette situation. L’on n’en assiste pas moins aujourd’hui, à des rythmes et avec une intensité variables selon les activités, au développement des modes collectifs. Bien sûr, l’on pense d’abord aux différentes formules dites de moyens, d’origine contractuelle et susceptibles de déboucher, ou non 20, sur des personnes juridiques plus (sociétés civiles de moyens) ou moins (coopératives21 ou groupements d’intérêt économique) spécifiques. Celles-ci ne retiendront pourtant pas notre attention dans le cadre de cette communication. D’abord parce que l’usage à ces fins de la forme coopérative ne pose guère de problèmes particuliers. Ensuite parce que ces types de groupements ne sont pas au cœur de la tourmente qui agite aujourd’hui le monde libéral. Seul par conséquent l’exercice en société sera étudié puisque, justement, ce sont les sociétés dites d’exercice qui concentrent actuellement toutes les attentions, avec, pour tendance législative, l’ « élargissement de l’éventail des structures juridiques offertes aux professionnels libéraux désirant exercer leur activité en groupe.22 ».
8Pour tous ces acteurs si particuliers de la vie économique, une considération l’emporte sur toutes les autres : « un exercice professionnel serein dans le cadre d’une structure appropriée et “juste”, “enjeu [qui] mérite un choix éclairé et avisé 23. » Ils ne sauraient dès lors se satisfaire de jugements hâtifs ni succomber à des effets de mode. Le meilleur soin est par conséquent apporté à la réflexion sur le choix du cadre d’exercice de leur métier, ce qui relève du défi compte tenu de la diversité de la situation ou des objectifs de chacun et de la variété des solutions ou combinaisons offertes.
9La mise à l’épreuve de la coopération s’inscrit précisément dans cette démarche. Quand bien même ce que nous appellerons « coopérative d’exercice libéral » resterait en marge des formes utilisées, si donc l’enthousiasme qu’elle suscite était très modéré, l’exercice présenterait de l’intérêt24 ! Dans ce contexte marqué non seulement par de nombreuses et profondes modifications affectant les modes d’exercices des professions étudiées, mais aussi par une forte hétérogénéité en matière de choix du cadre d’accueil de l’activité selon la profession considérée25, l’objectif n’est rien moins que de contribuer à une connaissance complète du champ des possibles26.
10Afin de véritablement considérer les formes sociales, au détriment de toute autre considération parasite, nous prendrons le parti de négliger les volets fiscal et social de l’étude des structures disponibles. Pour provocatrice qu’elle soit, cette position est au demeurant un appel au législateur, appel à l’uniformisation des régimes sociaux et fiscaux des divers types de sociétés. Car sinon, à quoi bon multiplier les outils dotés de la personnalité morale, les adapter aux singularités de l’activité accueillie si tous ces efforts peuvent être anéantis par la stricte prise en compte d’éléments absolument étrangers à l’organisation de cette dernière ?
11Internationalisation, libéralisation, attractivité27 : tels sont les maîtres mots des réformes intervenues28. Aussi la voie coopérative offre-t-elle une solution tout à fait estimable du fait des divers garde-fous recelés par son régime juridique. D’autant que, il faut le souligner, la naissance et/ou le développement des formes coopératives, en théorie comme en pratique, sont fortement tributaires du contexte économique dans lequel elles sont appelées à s’insérer. Entre la frilosité des SCP29, l’ouverture des SEL et la libéralisation des modes d’exercice en société, quelle place pour la coopérative ? Loin d’être négligeable semble-t-il. Propre à préserver de façon drastique l’indépendance et jusqu’au caractère désintéressé des professionnels libéraux, elle peut contribuer aussi à une organisation atypique mais efficace.
12Toujours est-il que l’exercice d’une activité sous forme coopérative présente des spécificités. Sont-elles conciliables avec les contraintes inhérentes aux professions retenues ? La coopérative serait-elle parée de quelques discrets atours ? Qu’en est-il exactement de ses faiblesses ? Quel bilan dresser par rapport aux structures classiquement réservées ou récemment offertes aux membres de la plupart des professions réglementées ? L’analyse est ambitieuse, spécialement en ces temps troublés. D’autant plus que l’entrelacs des règles applicables contrarie la réflexion.
13Pour être fixés, il nous faut commencer par le plus important : éprouver la légalité de la coopérative d’exercice libéral (§ 1). Ce n’est qu’une fois cette étape victorieusement franchie que l’on pourra se prononcer sur la pertinence de cette proposition (§ 2).
I. La légalité de la coopérative d’exercice libéral
14La première question qu’il s’agit de se poser concerne la praticabilité, au regard des textes en vigueur, du recours à la forme coopérative. Est-il, autrement dit, licite, pour les membres d’une profession libérale réglementée, d’exercer collectivement leur activité professionnelle dans un cadre coopératif ?
Le problème se dédouble : car s’il est évident qu’est d’abord concernée la structure juridique (A), il est ensuite nécessaire de vérifier cette possibilité du point de vue des conditions posées à la création de cette même structure (B).
A. Légalité du recours à la forme coopérative pour l’exercice d’une profession libérale réglementée
15Dans l’absolu, la compatibilité entre forme coopérative et exercice d’une activité libérale réglementée ne fait aucun doute. D’ailleurs, le recours de cette catégorie de professionnels à la forme coopérative a déjà été envisagé, en théorie comme en pratique.
Nous n’en devons pas moins faire le point. Pour cela, envisageons successivement cette question à l’aune du droit coopératif (1°) puis du droit des professions libérales réglementées (2°).
1) Les réponses du droit coopératif
16Que l’activité de l’entreprise soit homogène, ou non, rien dans le droit coopératif ne fait obstacle au recours, par les membres d’une profession libérale réglementée, à la forme coopérative.
Le droit commun coopératif est particulièrement accueillant.
Tout d’abord, la coopérative a une « vocation universelle30 ». Selon l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi de 1947 en effet, « Elle exerce son activité dans toutes les branches de l’activité humaine ». La forme coopérative de droit commun convient donc à l’exercice d’une activité libérale, fut-elle réglementée.
Objectera-t-on, motif pris du principe coopératif de la porte ouverte31, que cet exercice présuppose la réunion, par les associés, de diplômes ou de titres ? Ces deux constantes, l’une du monde libéral, l’autre du monde de la coopération, ne sont pas incompatibles. Car la règle issue du droit de la coopération n’a pas pour objet de faire obstacle à ces exigences légitimes liées aux compétences requises, inhérentes à l’exercice d’une activité libérale réglementée. À défaut, bon nombre des coopératives d’entrepreneurs seraient condamnées, qui réunissent à titre principal et obligatoire en raison d’un autre principe coopératif dit de la double qualité, les membres de professions commerciales, agricoles ou artisanales sur la base, précisément, de la nature de leur activité.
17Qu’en est-il à présent de la disponibilité des formes coopératives particulières, dont le régime est susceptible d’infléchir la règle commune ?
Commençons, justement, par les espèces de coopératives liées à l’exercice d’une profession particulière. L’on pense aux coopératives d’entreprises (artisanales, de commerçants détaillants ou de transport), aux coopératives agricoles ou encore aux banques coopératives. Il est alors bien entendu que, spécifiquement dédiées à des activités qu’elles définissent, elles ne sont pas ouvertes à d’autres.
Poursuivons cette vérification avec une forme coopérative très populaire, la société coopérative et participative. Utilisable quel que soit le secteur d’activité, caractérisée par la qualité de salarié de tout ou partie de ses associés, la SCOP se prête à l’exercice d’une profession libérale réglementée32. Selon le texte législatif qui leur est propre33, en effet, « Les sociétés coopératives de production sont formées par des travailleurs de toutes catégories ou qualifications professionnelles, associés pour exercer en commun leurs professions [...]. Les sociétés coopératives de production peuvent exercer toutes activités professionnelles, sans autres restrictions que celles résultant de la loi34. » La plus ancienne SCOP libérale aurait été créée, en 1946, entre des géomètres-experts35... Dans notre domaine, elle siérait particulièrement aux professions qui recourent plus facilement que d’autres au salariat, celle d’avocat en particulier, ou encore pourrait être envisagée pour améliorer l’opacité du statut fourre-tout de « collaborateur »36.
18Plus délicate est la question des coopératives d’intérêt collectif. Peu regardante à l’activité, la législation qui les concerne37 accorde la plus grande importance à la dimension sociale du projet porté par la société. Une coopérative d’intérêt collectif, a, ainsi, « pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale38 ». Profondément ancrée dans les territoires, avec les besoins desquels elle est en prise directe, la SCIC est composée d’au moins trois catégories d’associés distinctes39. Ce sont ces caractéristiques qui, sur le sujet qui nous préoccupe, sont susceptibles de prêter à discussion. Il n’en est pas moins possible d’admettre que cette forme coopérative adolescente pourrait constituer un cadre propice à l’exercice « autrement » des professions libérales réglementées ou dont le titre est protégé. Diverses pistes pourraient être suivies : aide à l’insertion des jeunes diplômés40, parfois en situation de précarité ou, c’est un peu le même ordre d’idées, soutien aux très petites entreprises, souvent individuelles41. Tel a d’ailleurs été le raisonnement tenu lors des discussions qui ont présidé à l’institution des coopératives hospitalières, véritables structures d’exercice régies par le Code de la santé publique42 : « Une clinique privée est en général soit une association loi de 1901, soit une société commerciale. Or il arrive de plus en plus souvent que des médecins travaillant en clinique aient envie de se réapproprier leur outil de travail, ce qu’ils ne peuvent faire que dans l’une des deux formes que je viens d’évoquer. Or c’est pour eux très difficile. Je pense par exemple à la constitution d’une société commerciale : ils n’en ont pas toujours les moyens, faute de capitaux suffisants, par exemple. L’idée a donc germé... de leur offrir une autre solution en recourant à la loi de 1947 sur les coopératives43. » Que la SCIC soit dédiée à des services d’intérêt collectif d’utilité sociale permet de la prescrire comme support à des projets source d’innovations sociales, aux fins par exemple de revitalisation de zones rurales désertées par les membres des professions libérales...
19À propos, que penser de la coopérative d’activité et d’emploi (CAE) qui, déjà répandue en pratique, a été consacrée par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale44 ? Il semble que le droit coopératif spécial contienne une implicite contre-indication pour les professions réglementées. La CAE, en effet, a pour objet principal « l’appui à la création et au développement d’activités économiques par des entrepreneurs personnes physiques45 ». Elle leur offre, à cette fin, un statut d’ « assimilé » salarié, peu conciliable avec l’impératif d’indépendance des membres des professions étudiées46. Voici pourquoi ces derniers ne sont pas, en pratique, admis à exercer dans ce cadre leur activité professionnelle 47. Observons néanmoins qu’il ne s’agit que d’une technique de protection aboutissant à une qualification artificielle, une doctrine unanime constatant le recours, ici comme dans bien d’autres hypothèses48, à une qualité de salarié « par détermination de la loi »49.
On le voit, les règles issues du droit coopératif sont permissives. Si réticences il y a, c’est dans les réglementations propres à chacune des professions réglementées qu’il faut les chercher.
2) Les réponses du droit des professions libérales réglementées
20Envisagée du point de vue des règles propres à chacune des professions réglementées, la question de la légalité du recours à la coopérative peut être examinée à la faveur d’une première distinction qui oppose les sociétés mono-professionnelles aux sociétés pluri-professionnelles d’exercice (ci-après SPE).
Longtemps, l’univers des sociétés d’exercice d’une seule profession était séparé en deux mondes : celui des professions du droit et celui des autres professions, dont celles du chiffre qui seules nous intéressent ici. Certes, l’ensemble des professions réglementées du secteur libéral disposent de structures d’exercice dédiées, la société civile professionnelle et la société d’exercice libéral50.
Seulement pour les professions juridiques et judiciaires, elles constituaient en vertu des textes qui leur sont propres et jusqu’à une période très récente, la seule voie praticable en vue d’un exercice collectif51. Tout au plus les dispositions de l’article 37 de la loi précitée du 29 novembre 1966 prévoyaient-elles que : « Les sociétés régies par la présente loi peuvent adopter le statut de société coopérative. » Le régime applicable est alors le fruit du cumul des dispositions de la loi de 1966 et de la loi de 1947 portant statut de la coopération52, laquelle l’emporte en cas de contradiction53.
21Quant aux autres professionnels libéraux, bon nombre d’entre eux54, parmi lesquels les experts-comptables55, jouissaient déjà d’une liberté importante, leur permettant d’opter, non seulement pour tout ou partie des formes dédiées (la SCP, à la forme coopérative ou non, dans certains cas, et la SEL), mais également pour d’autres formes. L’ouverture a, dans une dernière évolution, été totale, leur permettant de recourir à toute autre forme sociale sous réserve de sa compatibilité avec l’exercice d’une profession libérale réglementée56. Quelques-unes ont franchi le pas, choisissant une forme coopérative, par exemple pour mettre leur forme sociale en accord avec leur pratique57.
22Quoiqu’il en soit, le temps de la distinction est passé. En effet, selon l’article 63, I à VIII, de la loi du 6 août 2015, qui modifie en ce sens l’ensemble des dispositions à valeur législative particulières des différentes professions du droit, les membres de ces dernières peuvent à présent « constituer entre eux, pour l’exercice en commun de leur profession, des entités dotées de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant58 ». Pour révolutionnaire qu’elle apparaisse, cette modification ne manifeste rien de plus, on le voit bien, qu’un alignement de la situation des professionnels libéraux du droit (et de la santé) sur celle de bien des professions techniques, en particulier celles du chiffre.
En définitive, seules les professions visées par l’ordonnance restaient de ce point de vue en retrait...
Mais il y a plus puisque désormais, les professions que nous avons retenues peuvent constituer des formes sociales aux fins d’un exercice en commun de plusieurs professions59, neuf au total60, choisies parmi les professions judiciaires, juridiques ou l’expertise-comptable61. Le déverrouillage est tel qu’aux termes de l’article 31-4, al. 1er, de la loi du 31 décembre 1990 dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 31 mars 201662 : « La société peut revêtir toute forme sociale, à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Elle est régie par les règles particulières à la forme sociale choisie et par les dispositions du présent titre. »
C’en est donc fait du « sacro-saint principe d’identité professionnelle entre associés et objet social63 » !
23Ces dispositions inspirent, sur la question qui nous préoccupe, deux observations.
La première est que les professions du droit et du chiffre64 peuvent désormais exercer ensemble, au sein d’une structure commune. Pas supplémentaire vers l’ouverture des professionnels français au marché international et d’attractivité pour le client, spécialement les entreprises, la pluriprofessionnalité d’exercice marque l’avènement du « “one stop shopping” juridico-comptable »65 soit l’offre de services « multiples » et « concentrés »66. Ainsi, dans le cadre de la SPE, les professionnels libéraux du droit et les experts-comptables ont la possibilité d’y exercer en commun leurs professions, ce qui « [...] permet aux entreprises et aux particuliers d’accéder, au travers d’un guichet unique, à une gamme complète de prestations juridiques ou financières, à des prix que la mutualisation des charges rendra plus attractifs »67.
La seconde remarque concerne les formes sociales désormais proposées. En effet, ne sont exclues que celles « qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant ». Fondée sur l’incompatibilité entre secteur libéral réglementé et secteur commercial qui frappe certaines des professions, la solution, qui ne surprend pas, n’écarte donc en définitive que la société en nom collectif et la commandite (la simple seulement semble-t-il, la SCA étant accessible via la SEL). Pour le reste, la formule légale est très large, qui vise toute autre forme sociale (« l’ensemble des formes sociales d’exercice existante en droit interne à l’exception de celles conférant la qualité de commerçant » (sic) peut-on lire dans le rapport au Président68). Si l’on veut bien admettre que la coopérative appartient à la catégorie des sociétés69 et qu’elle ne confère pas à ses associés la qualité de commerçant, rien n’en interdit l’usage70... bien que peu d’auteurs la citent parmi les formes acceptées71.
B. Légalité du point de vue des conditions de constitution d’une coopérative d’exercice libéral
24Une fois la faisabilité du choix étudié avérée, il faut se pencher sur les conditions de constitution afin de rechercher si les textes qui régissent la naissance d’une coopérative peuvent se plier aux exigences propres à l’exercice en société d’une profession libérale réglementée ou dont le titre est protégé. L’hypothèse étudiée implique en effet que soient respectées les contraintes spécifiques issues de la réglementation de la profession (1), qu’il faudra par suite combiner avec celles, sans doute plus familières, du droit des société (2).
1) Les exigences du droit des professions libérales
25S’agissant, c’est un premier point, de sociétés d’exercice d’une profession strictement encadrée, et dans la mesure où ces « sociétés ne peuvent accomplir les actes d’une profession déterminée que par l’intermédiaire d’un de leurs membres ayant qualité pour exercer cette profession72 », la considération des qualités, aptitudes et compétences des membres est bien entendu déterminante. Or, ceci a été vu, le droit coopératif est coutumier de ce type d’exigences73. L’utilisation d’une forme coopérative généraliste devra par suite conduire, c’est en tout cas la solution actuellement retenue pour les formes commerciales classiques, à rédiger les statuts en ce sens.
26Concurrente de la SCP et des formes de droit commun en cas d’exercice mono-professionnel, la formule issue de la coopération sera en tout cas, pour les professions du droit, plus protectrice que le droit des SEL nouvelle génération et de la SPE puisque, en vertu des dispositions des Titre Ier et IVè de la loi de 1990 modifiée, il suffit désormais que soit présent parmi les associés un seul membre ayant qualité pour exercer la ou les professions mentionnées dans l’objet social74....
27Proche est la question de la possibilité, ou non, pour les prétendants à la qualité d’associé d’exercer leur profession en dehors de la société, ou, plus exactement, sous un autre mode. La législation s’est, sur ce point également, considérablement assouplie. Désormais en effet, et en vertu des textes d’application de l’article de la loi précitée du 6 août 2015, la règle d’unité de l’exercice professionnel, selon laquelle un membre ne peut exercer sa profession que selon une seule modalité, est écartée au profit d’un nouveau principe de pluri-exercice. Imposée pour les officiers ministériels quelle que soit la forme sociale d’exercice75, toujours en vigueur dans les SCP, elle est, pour toutes les autres professions ici retenues, susceptible d’être écartée.
28Corrélativement, la société elle-même est concernée par ces restrictions. En tant que structure d’exercice, c’est-à-dire société dont l’objet social est l’exercice en commun de la profession de ses membres, elle devra obtenir un agrément ou une inscription par l’organisme professionnel compétent. En ce qui concerne les offices publics et/ou ministériels, la société doit être agréée ou titularisée dans l’office selon des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ces conditions de forme sont vitales pour les sociétés vouées à l’exercice d’une profession libérale réglementée ou dont le titre est protégé puisqu’elles en conditionnent l’immatriculation76. Tel n’est cependant pas le cas de la société pluri-professionnelle d’exercice (SPE)77, du fait des complication qu’engendre la pluralité des professions abritées.
29Si un tel contrôle a priori n’est plus de mise en droit coopératif, il est tout à fait possible de l’intégrer aux règles spéciales applicables dans la mesure où il est fondé sur la réglementation propre du secteur d’activités concerné.
2) Les exigences du droit des sociétés
30Débarrassons-nous immédiatement de la question du choix de la dénomination sociale placée, dans chacune des formes en concurrence, sous le signe de la liberté. Le dernier avatar de cette évolution est figuré par la loi de mars 2011 qui délivre la SCP de l’obligation d’y faire figurer le nom des associés... Toutes les formes, coopératives comprises, sont donc de ce point de vue soumises à des règles de même type, étant observé que, en outre, la mention de la forme juridique exacte devra figurer sur tous les documents émanant de chacune de ces entreprises.
31Les deux questions essentielles qu’il s’agit de poser ici ont trait aux membres de la personne morale et à son capital (questions qui, soit-dit en passant, ne sont pas limitées au stade de la constitution de la personne morale).
32Le montant du capital à réunir varie d’une forme à l’autre. En droit commun, toute forme sociale, société anonyme exclue, pour être statutairement soumise au régime de la variabilité du capital social. En droit coopératif, cette dernière est de règle, quelle que soit la forme support78. Or, cette formule présente une connexion étroite avec l’objet des structures étudiées. Ce point a été souligné, précisément à propos des coopératives : « La variabilité du capital correspond à la logique d’activité de la société coopérative et permet d’ajuster la contribution des sociétaires à leur faculté contributive réelle. Il est logique de contribuer à la hauteur de son activité dans la mesure où les besoins de financement de la coopérative sont inévitablement en relation avec cette activité [...]79. »
33Dans la SCP, des personne physiques seules peuvent entrer au capital. C’est une différence importante avec la SEL. La règle diffère également de celle retenue pour les formes classiques, que l’on retrouve au travers de la nouvelle SPE et du droit coopératif.
34Quant au nombre d’associés requis pour créer la coopérative, il en faut nécessairement deux. De ce point de vue, la forme préconisée est placée sur un pied d’égalité par rapport à la SPE (en tant que condition sine qua non de la pluri-professionnalité), la SCP, la SELAFA, la SELCA (dans laquelle le nombre le plus bas est cependant de trois) et la SA de droit commun. C’est en revanche un point de marqué en faveur des SARL et SAS unipersonnelles, pures et simples ou sous « forme » de SEL, seules de nature à permettre un exercice du droit ou de l’expertise comptable sous couvert d’une personne morale mais « en solo ».
35Enfin, aspect très sensible du régime des sociétés vouées à l’exercice libéral qui met face à face le capital et les membres de la société, vient la répartition du capital et, avec elle, le sujet des droits politiques et des droits sur les parts ou actions. Ce point, souvent présenté comme déterminant la « propriété de l’entreprise » (expression dont on notera qu’elle est aux antipodes de la philosophie de la coopération), a connu des évolutions. Propre à garantir l’indépendance des professionnels en exercice, il a toujours été l’objet des attentions du législateur, sous forme d’importantes restrictions80... Sauf dans l’actualité récente et pour ce qui concerne le champ d’application de la loi de 1990, pour les professions juridiques et judiciaires81.
36En matière coopérative, le thème est dominé par la règle de la double qualité des associés, dont chacun sait qu’elle a été libéralisée par une loi du 13 juillet 1992. Ainsi admet-on aujourd’hui, parmi les associés, de simples bailleurs de fonds (désignés pour l’occasion comme des associés non-coopérateurs)82. Si bien qu’en définitive la coopérative apparaît comme moins restrictive que la SCP, formule souvent choisie en pratique, qui ne doit comporter que des personnes physiques exerçant leur profession libérale de façon exclusive dans la société. Compétitive sous cet angle, la coopérative apparaît dans le même temps plus protectrice que les formes régies par la loi de 1990 modifiée.
37Dans le même ordre d’idées, mais du point de vue cette fois du rôle susceptible d’être joué par les tiers dans l’exercice de l’activité même de la société, l’ouverture de la coopérative la rend compétitive par rapport à ses homologues libérales ou même généralistes. Certes destinée à préparer une entrée dans la société, l’admission des services de tiers ni coopérateurs, ni même associés date, elle aussi, de 1992. Une illustration tant de l’hypothèse que de son intérêt peut être trouvée dans le secteur médical. Ainsi, « L’article L. 6163-5, relatif aux tiers non associés, prévoit la possibilité pour les sociétés coopératives hospitalières de médecins de recourir à des interventions ponctuelles de professionnels d’origine diverse (remplaçants, consultants, médecins en période d’essai...). L’activité des tiers non associés n’est pas soumise à versement en capital ; elle est strictement plafonnée à 20 % du chiffre d’affaires annuel de la société.83 ». L’intérêt de cette disposition est évident car il offre une solution de substitution au « tout interne » de la SCP et à la trop grande ouverture de la SEL nouvelle formule...
II. La pertinence de la coopérative d’exercice libéral
38Avec les sociétés d’exercice libéral, le législateur de 1990 a réalisé le grand écart entre professions libérales réglementées et formes sociales commerciales. Bien moins incongru semble le rapprochement proposé. La mise en coopérative de l’activité libérale semble en effet, compte de surcroît tenu du droit positif, de nature à en préserver les spécificités.
D’abord parce qu’en tant qu’organisation de l’ESS par sa forme, la coopérative manifeste son adhésion à un « mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine [...]84 ». Mais aussi et surtout parce que l’on relève de véritables affinités entre l’une et les autres, proximité qui les unit non seulement sous l’angle de l’activité elle-même (A), mais également du point de vue de la manière dont elle doit, ou peut être, exercée (B).
A. Les affinités entre la forme coopérative et les activités libérales réglementées
39Les liens qui rapprochent coopération et activités libérales réglementées concernent tout particulièrement deux points : l’objet social spécifique des coopératives, parfaitement compatible avec celui des structures d’exercice libéral (1) ainsi que les valeurs et principes conférant leur ADN aux métiers en cause et que l’on ne peut s’empêcher de rapprocher des principes identitaires du monde coopératif (2).
1) Une même vocation : le service procuré à l’activité de ses membres
40Comme leurs consœurs ad hoc (SCP ou SEL), les coopératives sont destinées, ou mieux, affectées, à l’activité de leurs membres. Si l’on a pu présenter les premières comme des « sociétés dont la prospérité repose plus sur l’activité des associés que sur les apports en numéraire ou en nature qu’ils ont pu effectuer85 », la remarque est tout à fait valable pour les secondes.
41D’après sa récente définition légale, la coopérative est « une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires86 ». Assurément susceptible de jouer le rôle d’une simple structure de moyens87, cette forme sociale convient idéalement à l’exercice à part entière d’une activité économique, activités libérales réglementées comprises. L’exemple de la coopérative « de production », dont l’usage à des fins d’exercice d’une activité juridique ou technique réglementée en permet la démocratisation, est à cet égard significatif. Mais ce n’est pas le seul88. De manière bien plus générale, l’article 37 de la loi de 1966, déjà cité, autorise en matière civile le recours par les sociétés civiles professionnelles au statut coopératif, sans d’ailleurs réserver, comme il l’a fait dans l’article 36 applicable aux structures civiles de moyens, l’application des dispositions législatives ou réglementaires contraires.
42Le lien étroit qui unit l’associé à la société dans laquelle il exerce son activité professionnelle est matérialisé, en droit coopératif, par le principe de la double qualité, selon lequel l’associé doit, de surcroît, être bénéficiaire de l’activité de l’entreprise (ici exercer la ou les professions visées dans l’objet social) et l’engagement coopératif qui en découle.
Dans la SCP, il est question de « communauté de travail », l’expression soulignant le rôle significatif joué par chacun des associés dans la réalisation de l’objet social89. L’on y relève également « un principe général de collégialité90 ».
43Beaucoup plus distante est cette contribution économique dans la SEL et la SPE, la plupart des associés pouvant, nous le savons, ne pas être « exerçants » dans la société. Là n’est pas dire que la structure ne rend aucun service aux membres, l’objectif des réformes récentes étant de leur faciliter la vie professionnelle. Propre à lui permettre davantage de solidité face à la concurrence européenne et à améliorer l’attractivité de son offre, le but est atteint mais d’une autre façon et au prix d’un net déclin du rôle des professionnels en exercice dans les SEL et les SPFPL91. Disparité qui peut être considérée comme justifiant l’étendue du choix offert aux professionnels.
44Il est par suite possible de suggérer que l’activité libérale réglementée a pour cadre d’élection la coopérative, dans la mesure où l’objet de cette dernière est consubstantiel, en quelque sorte, à l’objet de l’activité de ses membres92. Certes, cette adéquation n’est pas exclusive. Mais elle lui offre une place de choix au sein des diverses sociétés éligibles.
D’autant que la coopérative présente d’autres avantages, tirés de son appartenance au secteur de l’économie sociale et solidaire : des valeurs caractéristiques que l’on est tenté de rapprocher de celles qui identifient, de l’intérieur, le secteur libéral.
2) Des valeurs partagées
45Comme celui de la coopération, au travers des valeurs qu’elle véhicule et des principes qui en forgent la philosophie, le monde libéral est à part, que l’on a pu présenter comme « [...] un univers original avec son histoire propre, son organisation, ses règles déontologiques, une certaine conception de la responsabilité professionnelle et certaines limites qui lui ont été fixées au fil du temps par la jurisprudence.93 » En dotant l’activité libérale et le monde coopératif de structures adaptées, le législateur n’a fait que prendre acte de cette originalité94.
46Si les milieux commerciaux sont ceux du lucre, tel n’est assurément pas le cas du secteur libéral, facile à identifier par le caractère désintéressé de l’activité de ses membres, caractère que l’on doit comprendre comme « une absence de recherche de profit à tout prix »95. L’affirmation est classique, qui alimente la distinction pédagogique des matières civile et commerciale. Même si l’on peut lui reprocher certaine approximation96, elle renferme une vérité incontestable, celle de la singularité des professions réglementées de par leur attachement à une éthique, une déontologie professionnelles97 complétées d’un sens aigu de l’intérêt du client98. C’est en leur nom que les toutes premières formes sociales empruntées au droit commercial par les quelques professions avantagées qui ont pu, plus tôt que d’autres, exercer leur art de façon collective, obéissaient déjà à des règles dérogatoires précisément consacrées à la prise en compte de ces spécificités99.
47Et l’on sait qu’innervant les dispositions législatives et réglementaires, ces valeurs et principes sont relayés par les dispositions statutaires des sociétés d’exercice, dont les stipulations sont propres à garantir, sur délégation du législateur, tant l’indépendance de l’exercice professionnel des associés et des salariés que le respect des textes encadrant l’exercice de chacune des professions qui constituent son objet social, notamment celles relatives à la déontologie100.”
48Voilà qui est parfaitement en phase avec l’esprit coopératif, véhiculé lui aussi par sa législation propre. De fait, qui l’ignore, le recours à la coopération par les associés professionnels manifeste leur désir non pas seulement d’exercer ensemble leur art mais aussi de procéder à une réappropriation de leur instrument de travail tout en veillant au respect des valeurs et principes à l’origine dégagés par la pratique des premiers coopérateurs et propres à l’exercice d’une veille constante sur la cohésion du projet commun. Spécialement, envisagé du point de vue de ses membres, le but poursuivi dans une coopérative est autre que le partage des bénéfices, clin d’œil évident au caractère désintéressé souvent prêté au secteur libéral.
49Choisir une telle forme, c’est avant tout adopter un mode de fonctionnement différent des sociétés ordinaires, puisqu’il relève, par nature, de l’économie sociale et solidaire101. Ce qui implique l’adoption d’une démarche identitaire.
L’on observe aussi dans chacun des secteurs, et pour ces raisons, divers mécanismes tendant à la préservation de cette identité : protection stricte des appellations des structures (l’on n’ose parler, pour chacune, de « formes »), rôle du « réseau », sentiment d’appartenance à une famille...
C’est jusqu’à leurs dimensions économique et entrepreneuriale, à présent bien posées s’agissant des coopératives, qu’on peut les rapprocher. Longtemps niées, elles sont à présent presque revendiquées par le secteur libéral102.
50L’on considérera même, pour finir et quand bien même ils ne se situeraient pas sur un même plan, que les deux secteurs, coopératif et libéral ont connu une évolution comparable du point de vue qui nous occupe : après une longue période de défiance, source d’interdits, un cantonnement à des formes déterminées suivi d’une libéralisation progressive, inexorable, assortie d’un irréductible ensemble de dérogations rendues nécessaires par les spécificités étudiées103. Si bien qu’aujourd’hui ne restent que ces dernières, le vêtement juridique, devenu absolument neutre du fait de son caractère réducteur, perdant toute fonction identitaire à la suite de cet ultime et commun mouvement d’ouverture de toutes les structures à un secteur tout entier104.
51Il nous reste à croiser les univers. Structure fédérative, la coopérative permet de rompre l’isolement de certains membres des professions auxquelles nous consacrons ces lignes. D’un tout autre point de vue, son efficacité est avérée en matière de lutte contre les grands groupes en position dominante sur un marché.
B. Les affinités entre la forme coopérative et l’exercice des activités libérales réglementées
52Coopérative et profession libérale réglementée peuvent faire bon ménage, car la première est compatible avec les diverses dérogations apportées par le droit naissant des professions libérales au droit des sociétés. Or, précisément, ces mesures d’adaptation visant à accorder les formes sociales mobilisées par le législateur pour l’exercice de ces activités professionnelles et les caractères fondamentaux de ces dernières présentent une constance telle que l’on est tenté de discerner les prémisses d’un droit commun des structures d’exercice d’une profession libérale réglementée105.
Il nous suffira donc, après avoir identifié ces indispensables règles dérogatoires propres à protéger ce qui constitue l’identité des professionnels libéraux 106, de vérifier qu’elles puissent être accueillies par le droit coopératif. Pour ce faire, distinguons la vie professionnelle (1) et de la vie sociale (2) de l’entreprise étudiée.
1) Forme coopérative et vie professionnelle dans la structure d’exercice d’une profession libérale réglementée
53Quatre aspects retiendront ici notre attention : l’interprofessionnalité, l’implication de la société dans l’exercice de l’activité, la qualification juridique du travail accompli par les associés et leur responsabilité professionnelle.
Par interprofessionnalité, l’on entendra la possibilité pour des professionnels appartenant à des familles différentes du secteur libéral réglementé107, d’acquérir des droits sociaux dans la structure d’exercice afin non seulement d’en partager les résultats mais aussi en vue d’y exercer leur activité.
Réponse apportée aux besoins des usagers, spécialement des entreprises, elle a progressivement été favorisée dans les différentes réformes qui ont touché les professions libérales, quoique de façon variable selon les activités.
54En ce qui concerne le chiffre et le droit, cette ouverture a accompagné la création, en 2011, des société de participations financières de profession libérale, qui permettent à des professionnels de métiers différents de détenir les parts ou les actions d’une SEL monoprofessionnelle. Avec la « loi croissance » d’août 2015, leur domaine s’est étendu puisque la pluriprofessionnalité peut se retrouver entre juristes au sein des SEL, mais aussi entre juristes et experts-comptables dans les SPE. L’on observera à ce propos que ce « mode plural » ne concerne que la composition de la société, en aucun cas l’activité de ses membres qui reste bien entendu liée à l’acte 108.
55Or, aucune des règles applicables aux formes coopératives non spécialisées n’est de nature à contrarier cette évolution en imposant aux coopérateurs d’appartenir à la même catégorie professionnelle. Si bien que l’on peut, en théorie, admettre l’existence de coopératives d’exercice libéral réunissant des professionnels libéraux coopérateurs dont l’activité n’est pas homogène.
56Une autre garantie prévue par le législateur est que, censée exercer la profession, la personne morale doit le faire par l’intermédiaire de professionnels patentés. Ce lien, concrétisé par la nécessité pour la société d’être agréée par l’organisme professionnel, se retrouve également lors du retrait d’un associé ou tout autre événement le concernant, celui-ci entraînant en toute hypothèse les modifications d’inscription pour la société.
Or, ce type de règles apparentées à l’idée de surveillance externe est loin d’être inconnu du secteur coopératif qui, par suite, saura s’en accommoder. Le contrôle ordinal ne fera que s’ajouter à l’actuel contrôle administratif109.
57Terminons ce point par cette remarque que la vie professionnelle des juristes et experts-comptables associés passe aussi par la question sensible de la détermination de la valeur des droits sociaux. L’on sait qu’ici, une difficulté a longtemps préoccupé les esprits qui concerne la prise en compte, ou non, de la clientèle. En effet, la patrimonialisation des parts de capital d’une société d’exercice professionnel est d’un intérêt fort variable en fonction des situations110. Les solutions sont aujourd’hui source d’apaisement, cette détermination étant confiée aux statuts, lesquels devront le cas échéant prévaloir sur l’évaluation de l’expert éventuellement désigné. Tel est le cas du droit applicable aux SCP111. Dans la SEL également puisque « Sauf dispositions contraires du décret particulier à chaque profession, la valeur des parts sociales prend en considération une valeur représentative de la clientèle civile. Toutefois, à l’unanimité des associés, les statuts peuvent exclure cette valeur représentative de la clientèle civile de la valorisation des parts sociales. »
L’on ne relève pas, sur ce point, de discordance majeure avec, à tout le moins, le droit commun applicable aux coopératives, l’opération étant soumise aux dispositions statutaires.
58Enfin, règles importantes s’agissant de l’exercice d’une profession libérale, chacun des associés doit répondre des conséquences de son activité professionnelle personnelle. La règle est uniforme, désormais, qu’il s’agisse de la SCP112, de la SEL113 ou de la SPE114 : « chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit115 ». Et l’on sait qu’en complément, cette règle étant prise dans l’intérêt de la clientèle, la société d’exercice est solidairement responsable aux côtés de l’associé défaillant116.
59Sur ce point, l’intérêt de la distinction semble inexistant entre la coopérative et les formes spécifiquement consacrées à l’exercice d’une activité libérale réglementée. Puisque c’est l’associé qui exerce les actes professionnels, c’est exclusivement à lui d’en répondre. Et nous pensons que, quelle que soit le forme qui l’héberge, cette responsabilité est illimitée. Telle est d’ailleurs la solution retenue par le droit positif dans sa version la plus récente. En effet, désormais et en toute hypothèse, chacun des associés exerçant son activité libérale dans une structure d’exercice assume, sur son patrimoine sa responsabilité au titre de ses propres manquements professionnels. Elle est aussi admise par la jurisprudence et une doctrine majoritaire, au terme d’un débat portant sur la question de savoir si cette règle devait être retenue lorsque la structure d’exercice est une forme sociale commerciale de droit commun117.
2) Forme coopérative et vie sociale dans la structure d’exercice d’une profession libérale réglementée
60L’adhésion à la coopération suppose une soumission aux principes coopératifs qui, arrêtés par l’Alliance coopérative internationale, ont été consacrés, pour les principaux d’entre eux, par le droit français. Selon l’article 1er de la loi précité de 1947 en effet, la coopérative est caractérisée par « une adhésion volontaire et ouverte à tous, une gouvernance démocratique, la participation économique de ses membres, la formation desdits membres et la coopération avec les autres coopératives.118 » Le plus populaire sans doute impose un fonctionnement démocratique dans la mesure où, comme dans les sociétés civiles, parce que les coopératives sont toutes des sociétés de personnes, un homme égale une voix119.
61L’implication économique de l’associé dans l’activité sociale est en outre à même de conférer aux intéressés une véritable stabilité. Ainsi l’associé interdit de ses fonctions n’est pas toujours, de ce seul fait, privé de sa qualité d’associé120. Même si le lien est bien plus étroit dans une société coopérative et participative, des aménagements de ce type peuvent tout à fait être envisagés dans d’autres formes de la coopération.
62Une autre affinité est figurée par l’intuitu personae dont sont empreints les rapports entre membres des professions réglementées réunis en structures d’exercice de leur activité121, d’une part, entre coopérateurs, d’autre part122. Or, nombreuses en sont, de part et d’autre, les témoignages. Indépendamment des conditions d’accès à la qualité d’associé, déjà envisagées123, ou du caractère nominatif des parts (coopératives empruntant le moule des sociétés de capitaux) ou actions des associés, solution aujourd’hui classique, contentons-nous de souligner l’existence, sauf pour les véritables formes classiques, d’un droit de retrait d’ordre public en faveur de l’associé (s’il est coopérateur, ce droit est garanti par la variabilité du capital). Tout professionnel y sera sensible, tant les divergences de vue, conflits ou dégradations de toutes sortes sont prévisibles lorsqu’il s’agit d’exercer ensemble…
63Envisageons, pour finir, l’hypothèse tout à fait réaliste de la dissolution de notre structure d’exercice d’une profession libérale réglementée ou dont le titre est protégé à forme coopérative. Longtemps, la disposition alors applicable jouait le rôle de repoussoir pour cette forme, les sommes restant après désintéressement des créanciers échappant à quelque titre que ce soit aux associés. Cette règle « épouvantail » a fort judicieusement été expressément écartée par la loi de 1966 elle-même, qui, juste après avoir déclaré allégeance au droit coopératif, admet une répartition du boni de liquidation entre associés124, dans le respect des dispositions réglementaires prévues à cet effet pour chacune des professions concernées125.
64Si les sociétés civiles, de droit commun et spécifiques (SCP) d’une part, les SEL, les SPE et les structures commerciales de droit commun d’autre part, poursuivent des objectifs clairement distincts et obéissent à des règles bien différentes, l’on est tenté de relever la duplicité de la coopérative dans sa nouvelle version issue de la loi de 2014. Protectrice des intérêts bien compris des associés et de la, ou des, professions représentées, elle offre aussi de belles opportunités en termes de financement et de préservation des intérêts des membres « exerçant » en son sein. Voilà qui conduit à penser qu’elle peut sans rougir rivaliser avec ses consœurs.
65Quant au droit des professions libérales, il reste à construire. Au terme de cette évolution législative et réglementaire, à présent réalisée pour toutes les familles de professionnels impliqués, l’heure est en effet venue d’abandonner la méthode des petits pas pour aborder la question des structures d’exercice de professions libérales réglementées de front sous l’angle de leur problématique commune : celle de la préservation de l’indépendance des associés et du respect des règles déontologiques propres à chacune. Tel serait l’objet de leur droit commun. La diversité, elle, découlera de la large palette des formules sociales offertes, sans tabous ni restrictions.
Notes de bas de page
1 Même pas prise en compte dans les statistiques effectuées, la forme ne séduit qu’un nombre infime de professionnels.
2 F. Maury, Vis Sociétés civiles professionnelles, Rép. Dz sociétés, janv. 2009 (actu. oct. 2016), n° 151 (à propos des sociétés civiles professionnelles à forme coopérative).
3 V. le Titre III de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
4 « La loi du 31 juillet 2014 la réforme [La loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut général de la coopération] pour transformer le statut coopératif général en un statut à part entière, permettant d’accueillir de nouveaux entrepreneurs ne trouvant pas dans les statuts spéciaux une réponse satisfaisante à leurs besoins (comme par exemple les professions libérales). » S. Grandvuillemin, La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et le droit coopératif, JCP, E, 2014, Étude 1478. Certes, l’auteur ne se réfère qu’aux professions libérales, sans restriction. Mais la mention de statuts spéciaux incline à penser que sa remarque visait les professions étudiées.
5 V. spéc. : Structures d’exercice : les dangers d’une réforme, Dossier, Dr. & patrim. 2015, n° 248 ; ou encore cette remarque, postée sur le site de la Chambre Nationale des Commissaires-priseurs Judiciaire (in page de présentation de la profession, rubrique « interprofessionnalité ») : « Les textes sur le sujet sont récents et n’ont pas encore été mis en œuvre par la profession. En conséquence il est difficile de formuler une opinion sur ce sujet sachant que d’autres professions judiciaires réglementées peuvent effectuer nos missions à titre accessoire, sans réciprocité et sans formation spécifique. » Adde, C. Delzano, La loi Macron en dates et en actes, Dr. & Patrim. 2015, n° 250, p. 12 (faisant état des protestations suscitées par la réforme) ; Entr avec Urvoas, Dr. & patrim. 2016, n° 259, p. 10 (« Il a fallu restaurer les échanges avec les professionnels du droit »).
6 V. par ex., Ch. Jamin, Professions juridiques réglementées : les enjeux d’une réforme, D., 2012, éditorial. M. Bourgeois-Bertrel et J.‑P. Bertrel, Les sociétés utilisées par les professionnels du droit après la loi « Macron », Droit et Patrim. 2015, n° 250, p. 18, spéc. p. 32 ; D. Piau, L’interprofessionnalité est morte, vive la pluri-professionnalité, et salut à toi !, Gaz. Pal. 2016, n° 14 ; M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 29è éd., Éd. LexisNexis Litec, coll. « Manuels », 2016, 867 p., spéc. n° 1645 ; M.‑H. Monsèrié-Bon, L’entrée des sociétés de droit commun dans le secteur des professions juridiques et judiciaires : une véritable avancée ?, Dr. Sociétés 2016, n° 11, alerte 53.
7 Op. et loc. cit.
8 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF du 7 août.
9 J.-J. Daigre, Les sociétés d’exercice libéral - Commentaire du titre premier de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, BJS 1991, n° 3, p. 243 et s., § 83, n° 1.
10 J.-J. Daigre, Modernisation du régime des sociétés de professions libérales. Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, Rev. sociétés 2011, p. 543, n° 1.
11 E. Lamaze et A. Bricard, Avocats, experts-comptables : enfin, les mêmes armes pour un meilleur service aux clients, Gaz. Pal. 2016, n° 33, p. 14. « Si la nécessité de regroupement, avec la réunion de capitaux, une organisation interne rigoureuse, la spécialisation des tâches, apparaît évidente pour des entreprises importantes, il en va de même pour des unités de plus faible dimension. » relevait déjà maître Mazan en 2009 (Cf. C. Slobodansky, « L’activité libérale est devenue un objet de droit » Entretien avec Me J.‑Y. Mazan, président de la 3è commission, et Me R. Samson, rapporteur de la 3è commission, LPA, 2009, n° 86, p. 38).
12 J.-J. Daigre, op. et loc. cit.
13 « Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant. » (art. 29, I, de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JORF du 23 mars).
14 Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, JOUE, n° L 255/22, 30 sept., art. 3, par. 1, a). L’on notera que, dans certains pays anglo-saxons, une profession exercée par les membres d’une association ou d’une organisation remplissant certaines conditions peut être assimilée à une profession réglementée (cf. art. 3, par. 2, dir. préc.).
15 Cette classification, qui ne repose sur aucune véritable source du droit, est attribuée à la défunte Délégation interministérielle des professions libérales (Cf. L. Dejoie, Projet de loi relatif à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, Rapport fait au Sénat, n° 65, session 1990-1991, p. 29 et s., spéc. p. 32). Observons que cet organisme a été remplacé en 2003 par la Commission Nationale de Concertation des Professions Libérales, qui a elle-même laissé la place en 2011 à la Commission Nationale des Professions Libérales.
D’apparence anodine, la composition des familles n’est pas dépourvue de portée pratique puisque la détermination des professionnels susceptibles d’entrer dans le capital de certaines formes sociales dédiées en dépend (v. B. Brignon, Les sociétés d’exercice libéral, Éditions LexisNexis, coll. Droit & professionnels, févr. 2016, 305 pages, n° 85 et s.).
16 Pour une liste des professions visées, v., par ex., Projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, Étude d’impact, mars 2010, p. 10 et s. Adde, pour la liste des professions juridiques réglementées, l’art. 50 de la loi du 6 août 2015.
17 Les commissaires aux comptes ne sont pas inclus dans l’étude. Difficiles à classer (v. B. Brignon, op. cit., n° 3), ils bénéficient en outre d’une réglementation libérale au regard de leurs modes d’exercice (la SNC peut-être choisie) et ne sont, de surcroît, pas visés dans les textes récents, du fait de leurs, missions immanquablement génératrices de conflits d’intérêts.
18 Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, JORF du 29 mars ; JCP, E, 2011, act. 180.
19 L’article 65 par exemple, relatif aux « sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable ».
20 Les figures contractuelles sont diverses et comprennent, cela mérite d’être souligné, un modèle ad hoc introduit et régi par les articles 22 et 23 la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, préc. : la société en participation des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
21 Pour un exemple de coopérative particulière, qu’il faut analyser en une structure de moyens, v. les articles R4131‑10 du Code de la santé publique, relatifs à la société coopérative de médecins.
22 J.-J. Daigre, Les sociétés d’exercice libéral - Commentaire du titre premier de la loi n° 90‑1258 du 31 décembre 1990 […], préc., n° 2.
23 M. Brault, Avertissement, in Vademecum exercice en groupe, Le Bulletin du barreau de Paris, Spécial structures, Ordre des avocats de Paris, avril 2013, p. 4.
24 Rappr. la remarque des rapporteurs, lors des débats qui ont présidé à la création d’une structure d’exercice à l’attention des médecins hospitaliers : « De telles dispositions ne devraient guère générer d’objection de la part du corps médical, car il s’agit d’une nouveauté qui est offerte, et qui ne lésera en rien ceux, individus et structures hospitalières, qui ne seront pas intéressés. » (Fr. Giraud, G. Dériot et J.‑L. Lorrain, Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales, n° 174 (2001-2002), déposé le 16 janvier 2002).
25 Cette variété a été mise en évidence dans une étude de l’Observatoire des métiers et entreprises libérales : Entreprises en chiffres 2015, in Baromètre Entreprises, Secteur Juridique, p. 15 (ce document peut être consulté sur le site de l’observatoire (http://www.observatoire-metiers-entreprises-liberales.fr)). Adde, Inspection générale des Finances, Les professions réglementées, Rapport n° 2012 M 057 03, mars 2013, tome 3, passim. ; Rapp. R. Ferrand, Professions réglementées, Pour une nouvelle jeunesse, rapport public, oct. 2014, 93 pages, spéc. p. 37 et 38.
26 Dans cet ordre d’idées et parce que cet autre champ d'investigations, l'approche européenne, a déjà été exploré, il sera lui aussi délaissé ici, v. C. Nourissat, Les professions juridiques réglementées : l’avenir est aux entreprises du droit, Mél. P. Serlooten, Éditions Dalloz, 2015, p. 433.
27 V. notamment, S. Nonorgue, La constitution des SEL et SPFPL de professions juridiques et judiciaires. Du desserrement à la libération des entraves, JCP, E, 2015, 1521, passim, spéc. n° 29.
28 Ces objectifs animaient déjà le législateur de 1990, comme celui de 2011, ce dont témoigne la présentation, par le Garde des sceaux de l’époque, du projet de loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires réglementées : « renforcer les professions du droit et [...] les inciter à travailler ensemble, pour mieux répondre aux besoins des usagers et relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit. » (Extrait du compte-rendu du Conseil des Ministres du 17 mars 2010).
29 V. par ex., S. Olivier, Retour(s) sur les particularités de la société civile professionnelle, LPA, 2014, n° 69, p. 22.
30 R. Saint-Alary et P. Le Berre (actualisé par), « Sociétés coopératives. Généralités », Fasc. 168‑10, JurisClasseur Sociétés Traité, 15 juin 2015, n° 3.
31 Sur ce principe, v., Mas‑Bellissent et M. Rakotovahiny, Droit coopératif, coll. Mise au point, Éditions Ellipses, 2016, 223 p., p. 55.
32 Certaines réglementations professionnelles spéciales l’autorisent expressément, comme par exemple l’ordonnance du 19 décembre 1945 (relative aux experts-comptables). Hors de notre champ d’étude, l’on peut également citer le cas des architectes, des géomètres experts... Sur ces hypothèses, v. Guide juridique : Les SCOP - Sociétés coopératives et participatives, Scop Edit, 03/2013, 772 pages, n° 1269 et s. Adde, Rapport Dejoie, op. cit., p. 33 et s.
33 Les règles applicables à la SCOP sont contenues dans la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production.
34 Article 1er, alinéa 1er, de la loi préc. du 19 juillet 1978.
35 V. P. Jacquot, Profession : libérale Esprit : coopératif, Participer 603, janv. févr. 2004, p. 26.
36 Sur l’utilisation de la SCOP en général, v. M. Bertrel, La SCOP, d’un idéal social à un modèle entrepreneurial, Entreprendre & Innover, 2013/1 n° 17, p. 57.
37 Il s’agit du Titre II ter de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, composé des articles 19 quinquies, à 19 sexdecies A.
38 Art. 19 quinquies, al. 2, loi préc. du 10 septembre 1947.
39 Art. 19 septies, al. 1 et 2, loi préc.
40 V., sur cette préoccupation, R. Ferrand, Professions réglementées. Pour une nouvelle jeunesse, préc., p. 4 et s.
41 Pour quelques éléments d’appréciation, v. Direction générale des entreprises, Chiffres clés des professions libérales, Études économiques, Édition 2016, 5 pages.
42 Art. L6163-1 et s. du Code de la santé publique (« Les sociétés coopératives hospitalières de médecins sont des sociétés d’exercice professionnel qui ont pour objet d’exercer en commun la médecine en qualité d’établissements de santé tels que définis par les articles L. 6111-1 et suivants, et ce, par la mise en commun de l’activité médicale de ses associés. »(art. 6163‑1 CSP)).
43 X. Badin, Les sociétés coopératives hospitalières de médecins, RDSS, 2002, p. 765, citant les travaux préparatoires de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits de malades et à la qualité du système de santé (JORF du 5 mars).
44 Art. 26-41, loi préc. du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. V., par ex., S. Grandvuillemin, La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et le droit coopératif, JCP, E, 2014, Étude 1478, n° 16 et s.
45 Art. 19 quinquies, al. 2, loi préc. du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.
46 L’article 26‑41 de la loi de 1947, créé par les art. 47 et 48 de la loi n° 2014-856 du 31 juill. 2014, préc., est en effet complété par les articles L7331‑1 et R7331‑1 et suivants du Code du travail, applicables à l’entrepreneur dit salarié. Cf. sur ce point, l’article 29 de la loi du 22 mars 2012, préc.
47 V. Cass. 2e civ., 10 avr. 2014, n° 13-10.272, JCP, E, 2015, n° 50, chr. Droit coopératif, 1607, § 6, note D. Hiez. La Cour suprême casse en effet le jugement, dans lequel le caractère indépendant de l’activité avait été déduit des éléments relevés dans le contrat de travail, l’absence d’indépendance découlant de l’existence du contrat de travail (Cass. 2e civ., 10 avr. 2014, préc.). Cf. sur ce point, l’article 29 de la loi du 22 mars 2012, préc.
48 V. notamment, P.‑H. Antonmattéi et J.‑Ch. Sciberras, Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ?, Rapport à X. Bertrand Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, nov. 2008, 44 p. ; P. Lokiec, Le droit du travail à l’épreuve de l’emploi, Dr. social 2016, 319.
49 V. ainsi, D. Hiez, note sous Cass. 2e civ., 10 avr. 2014, préc. ; J. Mestre, D. Velardocchio et I. D. Mpindi, Le Lamy sociétés commerciales, Éditions Wolters Kluver, 2017, 2600 pages, spéc. n° 5458.
50 Le phénomène est récent puisque la première structure d’exercice réservée a vu le jour à la suite d’une loi de novembre 1966, instituant la société civile professionnelle.
51 V. sur ce point : Projet de loi pour la croissance et l’activité, étude d’impact, tome 1, 10 déc. 2014, p. 121 et s. Observons qu’inversement, certaines professions réglementées (comme celle des experts-comptables) n’avaient pas accès à la forme SCP, faute de décrets d’application...
52 Pour une application, celle des « SCP d’avocats à forme de société coopérative », v. J.‑J. Daigre, Les sociétés civiles professionnelles d’avocats, BJS 1992, § 342, p. 1047.
53 V. l’article 37 lui-même de la loi de 1966, selon lequel : « En ce cas, les dispositions de cette loi ne leur sont applicables que dans la mesure où elles ne sont pas contraires à celles de la loi n° 1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. » Par contre, si le conflit oppose le droit coopératif et les règles spécifiques qui régissent l’activité libérale, ce sont ces dernières qui devront l’emporter. Il apparaît néanmoins, sous un angle plus global, que la question des croisements de législations particulières, comme d’ailleurs celle de l’articulation des sources législatives et réglementaires, mériteraient un examen approfondi.
54 Une liste des professions concernées a été établie dans le cadre des travaux préparatoires de la loi préc. de 1990 par le sénateur Luc Dejoie (L. Dejoie, op. cit., p. 33). Citons comme exemple celui du conseil en propriété industrielle, à qui l’article 38 de la loi n° 90-1052 du 26 novembre 1990 offre tous types de sociétés. Pour une récente présentation de ces exceptions, v. IGF, Les professions réglementées, Rapp. préc., tome 2, Annexe V, p. 5.
55 L’expert-comptable peut, depuis 1945 en vertu de l’article 7 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable, constituer, pour l’exercice de sa profession des sociétés par actions ou des sociétés à responsabilité limité (la SAS, disponible bien plus tard par la force des choses étant aujourd’hui la forme la plus utilisée en pratique).
56 L’expert-comptable a bénéficié de cette liberté à la suite de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 (suivie du décret n° 2012‑432 du 30 mars 2012), dont l’art. 22 a modifié l’art. 7 de l’ord. préc. de 1945.
57 M. Bourgeois-Bertrel, L’introduction de la SCOP en milieu comptable : analyse d’une transformation juridique, Dr. sociétés 2015, n° 3, étude 6.
58 Pour une analyse de ces dispositions, v. spéc. M. Bourgeois-Bertrel et J.-P. Bertrel, Les sociétés utilisées par les professionnels du droit après la loi « Macron », op. cit., p. 23 et s. V. par ex., pour la profession d’avocat, le décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat sous forme d’entité dotée de la personnalité morale autre qu’une société civile professionnelle ou qu’une société d’exercice libéral ou de groupement d’exercice régi par le droit d’un autre Etat membre de l’Union européenne.
59 Cette évolution, précédée par l’introduction en droit français des professions libérales de l’interprofessionnalité financière (Loi n° 2001‑1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, JORF du 12 déc.) a notamment été influencée par la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, JOUE, n° L 376/36, 27 déc.
60 « Il peut être constitué une société ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable. Une telle société est dénommée “société pluriprofessionnelle d’exercice” » (art. 31-3 de la loi du 31 décembre 1990).
61 Justifiée par la spécificité de sa mission, la mise à l’écart du commissaire aux comptes est problématique pour la profession dans la mesure où elle peut conduire à l’éviction de 80 % des experts-comptables des SPE... V. F. Hastings (propos rec. par), Entr. avec Charles-René Tandé, président du CSOEC, Dr. & patrim. 2017, n° 269, p. 10.
62 Ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, prise en application de l’article 65 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, préc. Sur la méthode législative utilisée, v. M. Bourgeois‑Bertrel et J.‑P. Bertrel, Les sociétés utilisées par les professionnels du droit après la loi « Macron », Dr. & patrim. 2015, n° 250, p. 18, spéc. p. 9.
63 S. Nonorgue, La constitution des SEL et SPFPL de professions juridiques et judiciaires. Du desserrement à la libération des entraves, JCP, E, 2015, n° 45, 1521.
64 Observons que ni les commissaires aux comptes, ni les greffiers des tribunaux de commerce ne figurent dans la liste des professions énumérées (cf. art. 1er, 31-2 et 31-3 de la loi préc. du 31 décembre 1990). Et aussi, par ailleurs, que la pluri-professionnalité existait déjà pour certains, mais avec d’autres professions (v. par ex. l’article R. 422‑7 du Code de la propriété intellectuelle, applicable aux Conseils en propriété industrielle).
65 G. Parléani, À propos de l’ordonnance relative aux sociétés pluri-professionnelles d’exercice, D., 2016, p. 1248.
66 Ibid. Sur ce point, v. spéc. G. Parléani, L’exercice en société des professions libérales - essentiellement juridiques - dans la loi Macron, Rev. sociétés 2015, n° 11, dossier « Réflexions collectives sur la loi Macron », p. 638, n° 1. Dans le cadre de la SPE, les professionnels libéraux du droit et les experts-comptables ont la possibilité d’y exercer en commun leurs professions, ce qui « [...] permet aux entreprises et aux particuliers d’accéder, au travers d’un guichet unique, à une gamme complète de prestations juridiques ou financières, à des prix que la mutualisation des charges rendra plus attractifs » (B. Cazeneuve, projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé déposé le 27 avril 2017, exposé des motifs).
67 B. Cazeneuve, projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé déposé le 27 avril 2017, exposé des motifs.
68 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 [...], préc.
69 V., par ex., Mas‑Bellissent et M. Rakotovahiny, op. cit., p. 18 et s.
70 C’est, encore une fois, sur la base d’une disposition similaire dont ils ont bénéficié plus tôt (v. supra, note 41) que les experts-comptables de la SA Syndex ont dès 2010 transformé leur entreprise en SCOP SA (v. M. Bourgeois‑Bertrel, op. cit., n° 6). Ajoutons qu’il aurait été simple d’éviter toute discussion sur ce point : il suffisait de renvoyer, avec la réserve appliquée, aux formes commerciales type qu’énumère l’article L. 210‑1, alinéa 2, du Code de commerce...
71 V., par ex., B. Brignon, Quelques grains de poivre dans les SEL d’avocats, Dr. Sociétés 2015, n° 11, étude 19, spéc. n° 37 ; D. Piau, L’inter-professionnalité est morte, vive la pluri-professionnalité, et salut à toi !, Gaz. Pal. 2016, n° 14. Comp. par ex. P. Le Vey, Sociétés coopératives ouvrières de production, Fasc. 170‑10, Juris-classeur sociétés, 16 févr. 2015, màj 17 nov. 15, n° 13 (« Toutes les activités à qui la forme de SA ou de SARL (seules formes autorisées pour les SCOP) n’est pas interdite doivent pouvoir opter pour le statut SCOP. La coopérative n’est pas un type de société autonome. Il s’agit d’une option possible offerte aux associés, qui n’a qu’un caractère secondaire par rapport à la forme principale choisie. Il n’est donc pas obligatoire que la loi autorise expressément l’utilisation du statut SCOP pour que cette option soit retenue » ; « certaines lois visant des professions réglementées autorisent expressément la forme SCOP pour l’exercice en commun de la profession (géomètres experts, architectes, L. n° 94-529, 28 juin 1994 modifiant L. n° 46-942, 7 mai 1946, art. 6, § 2). Il s’agit plus, semble-t-il, d’un excès de précision apporté par le législateur que d’une nécessité »).
72 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, JORF du 1er avr.
73 V. supra.
74 Il suffit, parmi les associés, « d’une personne exerçant la profession constituant l’objet social de la société » (art. 6, al. 5, L90 sur les SEL) ; « d’au moins un membre de chacune des professions qu’elle exerce » (art. 31-6, al. 5, L90 à propos de la SPE).
75 V. par ex., pour les SEL de notaires, l’art. 38 du décret n° 93‑78 du 13 janvier 1993 pris pour l’application à la profession de notaire de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
76 Ce point a été récemment rappelé par le Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés à propos d’une SELARL d’avocats, la règle devant recevoir application même en cas de différé du début d’activité effective (CCRCS, avis n° 2016-013 du 26 décembre 2016).
77 Cf. art. 31‑4, 2°, L 31 déc. 90 préc.
78 Au point que dans certaines coopératives, la clause de variabilité est imposée par le législateur. Tel est précisément le cas des sociétés coopératives hospitalières de médecins (cf. art. L. 6163‑3 CSP).
79 Fr. Giraud, G. Dériot et J.‑L. Lorrain, Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales, n° 174 (2001-2002), déposé le 16 janvier 2002.
80 Sur ces restrictions, v. IGF, Les professions réglementées, Rapp. préc., tome 2, Annexe V, spéc. p. 9 et s.
81 La remarque qui vaut pour la participation directe, est encore plus vraie lorsque les droits sociaux émis par la SEL sont détenus par l’intermédiaire d’une société de participations financières de professions libérales (SPFPL) ! V., par ex., P. Mendak, Les opportunités de développement avec la « boîte à outils Macron », Lexbase La lettre juridique n° 682 du 5 janvier 2017 (n° N5953BWE).
82 V. art. 3bis de la loi du 10 septembre 1947, préc.
83 Fr. Giraud, G. Dériot et J.‑L. Lorrain, Rapport n° 174, préc.
84 Art. 1er, I, de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF du 1er août.
85 Y. Guyon, L’exercice en société des professions libérales réglementées (Commentaire de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990), D., 1991, p. 75, n° 13.
86 Loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, art. 1er, al. 1er. Sur ce point, v. C. Mas‑Bellissent et M. Rakotovahiny, op. cit., p. 67 et s.
87 La coopérative est d’ailleurs souvent cantonnée à ce rôle de groupement dont l’objet se limite à faciliter ou développer l’activité de ses membres (ainsi de cet auteur qui, à propos des SCP, considère que « Cet objet social spécifique permettra ainsi de combiner, si l’exercice en commun de la profession le requiert et dans cette limite, la SCP avec une société coopérative. » (S. Olivier, Retour(s) sur les particularités de la société civile professionnelle, LPA, 2014, n° 69, p. 22, n° 8)).
88 Les professions de santé permettent d’illustrer cette dernière application, avec les coopératives hospitalières de médecins à forme commerciale créées par la loi du 2 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dont l’objet est « d’exercer en commun la médecine en qualité d’établissements de santé [...], et ce, par la mise en commun de l’activité médicale de ses associés » (art. L. 6163-1, al. 1er, du code de la santé publique (ci-après CSP)). V. art. L. 6163-1 et s. CSP ; adde, X. Badin, Les sociétés coopératives hospitalières de médecins, RDSS, 2002, p. 765.
89 V., par ex., S. Olivier, op. cit., spéc. n° 6 et s.
90 C. Callet, note sous TGI Carpentras, 23 mai 2016, n° 16/00115, LPA, 2016, n° 205, p. 9, spéc. n° 7.
91 V. spéc. H. Hovasse, La réforme des sociétés d’exercice des professions juridiques et judiciaires, BJS 2015, p. 535, passim.
92 La pertinence de la coopérative, au regard de sa vocation, est au demeurant bien supérieure à celle de la forme associative, pourtant plébiscitée par certaines professions comme celle d’avocat et dont l’extension aux autres professions libérales réglementées était appelée des vœux de certains (en ce sens, v. par ex. : A. Lecourt, Éclairage. La modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées : aspects de droit des sociétés, BJS 2010, p. 806 ; E. Lamaze et A. Bricard, op. cit., p. 14).
93 Cf. C. Slobodansky, op. cit.
94 La remarque peut d’ailleurs être étendue à toutes les composantes du droit spécial des sociétés.
95 F. Maury, L’exercice sous la forme d’une société d’une profession libérale réglementée, thèse droit, dir. B. Saintourens, 2000, PUAM, 618 pages, n° 50.
96 V., par ex., D. Bert, Essai sur le droit de l’activité professionnelle indépendante, Éditions Institut Universitaire Varenne et LGDJ, 2011, 478 pages, n° 73 et s.
97 Ceci du fait de leur appartenance à la catégorie des professions libérales (cf. art. 29 de la loi du 22 mars 2012, préc.). Telle déontologie est évidemment perceptible à la lecture du droit spécial des structures consacrées à l’exercice d’une profession libérale, qui inclut les stipulations contractuelles (dispositions relatives à l’élusion ou au traitement des conflits d’intérêts, au secret professionnel ou à la responsabilité professionnelle).
98 V. J. Savatier, Étude juridique de la profession libérale, Éditions LGDJ, 1947, spéc. p. 34 et s. Cf., par ex., le code de déontologie élaboré en 2014 par l’association française des juristes d’entreprise, http://www.afje.org/ (dern. consultation le 25 juin 2017).
99 Sur ces dérogations, v. J.-J. Daigre, Les sociétés d’exercice libéral - Commentaire du titre premier de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 [...], préc., n° 5.
100 Cf. les deux alinéas de l’art. 31-8 L90 (réd. ord. du 31 mars 2016). Aussi peut-on considérer que, malgré les risques redoutés, qu’ainsi confiée aux membres eux-mêmes des professions, la citadelle sera bien gardée. Rappr. Les propos rassurants du Ministre de la justice, in C. Delzano, Du nouveau pour les sociétés pluri-professionnelles d’exercice, Dr. & patrim. 2017, n° 265, p. 14. C’est autre chose de dire que l’exercice sera délicat, tant les modalités d’exercice des professions juridiques et judiciaires ont été libéralisées, qui plus est avec leur nouvelle dimension européenne. V. spéc. G. Parléani, À propos de l’ordonnance relative aux sociétés pluri-professionnelles d’exercice, préc. L’avertissement du professeur Guyon en 1990 est plus que jamais d’actualité : « Le danger existe car les apporteurs de capitaux recherchent la rentabilité alors que les membres de la profession et les officiers ministériels devraient faire prévaloir l’intérêt du client. Des sociétés commerciales seraient ainsi conduites soit à refuser des affaires trop minimes pour être rentables, soit à imposer à leurs clients des prestations qui ne sont pas absolument nécessaires. » (Y. Guyon, L’exercice en société des professions libérales réglementées (Commentaire de la loi n° 90‑1258 du 31 décembre 1990), D., 1991, p. 75, n° 4).
101 Après la possibilité offerte aux sociétés commerciales de droit commun de solliciter la délivrance de l’agrément Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (innovation de la loi du 31 juillet 2014 préc., aux résultats sont décevants : v. la récente note de l’Observatoire national de l’ESS (CNCRESS), Les Entreprises agréées ESUS : quelle réalité aujourd’hui ?, 11 janvier 2018), la tendance est à la généralisation à toutes les sociétés de cette élévation d’âme, au moyen notamment d’une modification des dispositions de l’article 1833 du code civil (v. spéc. D. Potier et al., Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances, proposition de loi n° 476 déposée en décembre 2017 ; N. Notat et J.‑D. Senard, L’entreprise, objet d’intérêt collectif, Rapport aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances, du travail, 9 mars 2018 ; P. Francoual, Rapport Notat-Senard : ce que repenser l’entreprise veut dire, http://www.editions-legislatives.fr). Même s’il est encore tôt pour se prononcer, le moins que l’on puisse dire est que l’ouvrage ainsi remis sur le métier est ambitieux et les moyens à cet instant proposés peu convaincants, s’agissant d’une réflexion initialement consacrée à l’entreprise. Adde, F.-G. Trébulle, Stakeholders Theory et droit des sociétés, BJS 2006, n° 122, p. 1337 et BJS 2007, n° 1, p. 7 ; L. Casaux‑Labrunée et P. Francoual, L’entreprise sociale, Mél. P. Serlooten, Éditions Dalloz 2015, p. 99).
102 Cf. cette remarque faite il y a déjà quelques années par le président de l’observatoire des professions libérales : « Les cabinets libéraux ont en commun le défi de devoir passer de l’ère du professionnel libéral à celle de l’entrepreneur qui définit une stratégie d’entreprise ; ceci suppose de passer d’une position d’expert dans sa spécialité à celle de dirigeant en capacité de mobiliser ses équipes autour d’un projet commun et partagé ». (P. Guebels (entr. avec), Professions libérales « Les cabinets libéraux ont en commun le défi de devoir passer à l’ère de l’entrepreneur », propos rec. par C. Delzano, Dr. & patrim. 2014, n° 236, p. 14).
103 V., pour les SEL, la liste élaborée par le professeur Daigre dans son commentaire de la loi les instaurant : J.‑J. Daigre, Les sociétés d’exercice libéral - Commentaire du titre premier de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 [...], préc., n° 5.
104 En ce sens, pour le secteur de l’ESS, v. spéc. l’analyse de S. Grandvuillemin, « Être ou ne pas être une entreprise de l’économie sociale et solidaire ? - Une qualification entre unité et diversité », JCP, E, 2015, 1542. V. déjà, pour le secteur libéral, J. Demaison, Étude comparative des différentes formes sociétaires à la disposition des avocats et des notaires– aspects de droit français –, in « Techniques sociétaires et de rapprochement pour les professions juridiques », Dr. & patrim. 2010, n° 198.
105 « Si les dérogations sont inspirées par le même souci, elles ne sont pas toujours identiques, mais on retrouve presque dans tous les cas l’obligation de la forme nominative des actions, une réglementation de la détention du capital social, la réservation des postes de dirigeants aux professionnels et la nécessité de l’agrément desdits professionnels pour l’admission d’un nouvel associé, encore que, pour ces trois dernières règles, les majorités requises puissent différer selon les professions. » (Rapport Dejoie, op. cit., p. 17). Rappr. J.‑J. Daigre, Les sociétés d’exercice libéral - Commentaire du titre premier de la loi n° 90‑1258 du 31 décembre 1990 [...], préc., n° 5. La remarque, faite dans le cadre des travaux préparatoires de la loi de décembre 1990, n’est pas sans rappeler les dispositions du nouvel article 31‑4, alinéa 2, de la loi de 1990, selon lequel : « Quelle que soit la forme sociale choisie par la société pluri-professionnelle d’exercice, et y compris lorsqu’elle n’a pas été constituée sous forme de société d’exercice libéral », un certain nombre de règles, exposées au titre Ier de ladite loi, lui sont applicables. Ces dernières, ainsi étendues à toutes les SPE et déjà applicables aux SEL, concernent également, mutatis mutandis, les SCP.
106 Sur la nécessité d’une telle identification, v. D. Gallois‑Cochet, D’un anniversaire l’autre, Dr. sociétés 2016, repère 9.
107 Sur ce point de vocabulaire, v. récemment J.‑P. Bertrel, La pluriprofessionnalité suite à l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, Dr. & patrim. 2016, nº 258, p. 20 ; adde, bien que l’étude concerne les médecins, M. Prévost, B. Fauquert et P. Drielsma, Pluri-, multi-, inter-, trans- ou in-disciplinarité ?, Santé conjuguée, mars 2016, n° 74, p. 35.
108 S. Nonorgue, La nouvelle société pluri-professionnelle d’exercice (SPE), JCP, E, 2016, 1441, spéc. n° 13 et 15.
109 Rappr., par ex., l’article 3, dern. al., de la loi de 1990 applicable à la SEL (« Une fois par an, la société adresse à l’ordre professionnel dont elle relève un état de la composition de son capital social. ») et l’art. 54, al. 1er, de la loi de 1978 qui concerne les SCOP (« Les sociétés coopératives de production sont tenues, indépendamment des obligations imposées à toutes les entreprises, et sous peine de la sanction prévue à l’article 23 de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, de fournir aux services de l’inspection du travail, toutes justifications utiles permettant de vérifier qu’elles fonctionnent conformément à la présente loi »).
110 V. par ex., J.‑M. Darrois (dir.), Rapport sur les professions du droit, remis au président de la République en avril 2009, p. 37. Ainsi et d’un point de vue interne, la patrimonialisation dessert les associés restants, le cédant étant susceptible d’entraîner avec lui une clientèle dont la valeur a été payée par ses coassociés... D’un tout autre point de vue, incorporer cette valeur dans le prix des parts conduit à restreindre l’accès à la société et, en définitive, à pénaliser les professionnels débutants.
111 V. article 10 de la loi du 29 novembre 1966, réd. loi 28 mars 2011. Observons que ces règles doivent être fixées à l’unanimité. À défaut, sauf disposition contraire du décret relatif à chaque profession, la valeur des parts sociales prend en considération une valeur représentative de la clientèle.
112 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 [...], préc.
113 V. art. 16 de la loi de 1990.
114 V. art. 31-4, al. 2 et 5°, de la loi de 1990.
115 Rappelons que, dans tous les cas de figure examinés (SCP et SEL, SEP et formes de droit commun) et dans l’intérêt du client, la société est solidairement responsable aux côtés de l’associé défaillant.
116 V. sur l’ensemble de la question, B. Brignon, Responsabilité des professionnels libéraux exerçant en société : où en est-on ?, Dr. sociétés n° 8-9, août 2016, alerte 42.
117 V. sur ce point, par ex., Cass. com., 23 mars 2010, n° 09-10791, BJS 2010, n° 5, p. 480, note Ph. Merle.
118 Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, art. 1er, al. 2.
119 Cf., pour une illustration concrète (propre d’ailleurs à indiquer aussi la possibilité de tels choix dans un cadre juridique classique), le communiqué de presse Syndex à la suite de sa transformation en SCOP (sur le site de l’entreprise).
120 V. en ce sens, par ex., l’article R. 814‑153 du Code de commerce, applicable aux SEL d’administrateurs et mandataires judiciaires.
121 Sur l’intuitus personae dans le droit des professions réglementées, à propos de sa prise en compte dans le projet de loi relatif aux SEL, v. L. Dejoie, Rapport fait au Sénat, n° 65, Projet de loi relatif à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, session 1990-1991, p. 23.
122 Caractère si marqué en droit coopératif que l’on parlerait plutôt de « personnalisme » (cf. Ch. Mas‑Bellissent et M. Rakotovahiny, op. cit., p. 54).
123 V. supra.
124 « Toutefois, en cas de dissolution d’une société ayant adopté le statut de coopérative et nonobstant l’article 19 de la loi précitée du 10 septembre 1947, l’actif net de la société subsistant après extinction du passif et remboursement du capital versé peut être réparti entre les associés dans les conditions fixées par le décret particulier à chaque profession. »
125 C’est ainsi par exemple que, dans les SCP de notaires, « l’actif net de la société subsistant après extinction du passif et remboursement du capital est réparti entre les associés au prorata des parts détenues par chacun d’eux, y compris les parts d’intérêt correspondant aux apports en industrie. » (art. 140 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l’application à la profession de notaire de la loi n° 66‑879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, JORF du 6 oct.).
Auteur
Maître de conférences à l’IUT de Rodez
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