La confiance, pierre angulaire de la démocratie libérale ?
p. 19-35
Texte intégral
1L’invitation qui m’a été faite par Aurore GAILLET d’intervenir dans le cadre d’une manifestation consacrée au thème de la confiance m’a déconcertée, car je ne voyais pas, dans un premier temps, ce qui avait pu lui donner l’impression que j’avais quelque chose à dire sur le sujet. En relisant certains de mes textes publiés, je me suis aperçue que j’avais beaucoup plus souvent parlé de la confiance que je ne le pensais. J’ai donc rassemblé ces éléments dispersés en m’efforçant de dégager leur cohérence. Comme il apparaîtra dans mon exposé, je suis encline à me « méfier » des théories qui mettent cette notion (la confiance), et par conséquent la disposition d’esprit que le terme désigne ordinairement, au cœur de leur interprétation de la démocratie moderne. C’est le cas par exemple de Lucien JAUME, dans un ouvrage intitulé La liberté et la loi1. Si j’évoque dans la suite cet ouvrage pour illustrer une thèse partagée par de nombreux défenseurs des institutions des démocraties libérales, c’est tout d’abord parce qu’il a le mérite d’argumenter solidement cette thèse. Mais c’est aussi et surtout parce qu’il appuie cette argumentation, pour partie, sur une lecture de KANT2 assez classique, et même largement majoritaire chez les interprètes de la philosophie politique kantienne, dont ma propre lecture prend le contre-pied.
2Dans un premier temps, j’exposerai donc à grands traits ma lecture de KANT – assez hétérodoxe par rapport aux interprétations les plus courantes de sa philosophie juridique et politique –, sur le fond de laquelle j’ai défendu, dans un livre paru en 20113, une interprétation de ce qui fait, à mon sens, le caractère démocratique des démocraties libérales modernes. Mon interprétation de la démocratie est, elle aussi, peu orthodoxe, et elle m’a valu des critiques venant de représentants des diverses variantes de la démocratie « radicale ». Bien que je m’attaque à certaines thèses caractéristiques du libéralisme politique, je reconnais que ma position peut être qualifiée de « libérale », à la fois parce que j’invite à penser la démocratie en relativisant la signification de la « souveraineté du peuple » (je n’insisterai pas ici sur cet aspect de ma thèse), et en raison de l’importance que j’accorde au droit, et plus précisément aux « droits subjectifs » dans mon interprétation de la démocratie. Ce que j’ai trouvé dans la théorie du droit de KANT, à laquelle je me suis intéressée précisément en raison de la place qu’elle fait aux droits « subjectifs », c’est une réflexion extrêmement profonde et originale sur les fondements du droit, inspirée par les Lumières et par la Révolution française, laquelle incite à revenir sur l’opposition convenue entre individualisme libéral et démocratie ou, pour le dire dans les termes de Jürgen HABERMAS, entre autonomie privée et autonomie publique. Je me concentrerai ici sur les implications de ma position quant à la place qu’il convient d’accorder à la confiance dans le fonctionnement des démocraties modernes.
3Dans une seconde partie, je m’appuierai sur un texte de DURKHEIM4 pour illustrer une interprétation de la démocratie qui fait une place centrale à la confiance des gouvernés à l’égard des gouvernants. Il s’agit des Leçons de sociologie5, dont la première parution date de 1950 : le texte, qui comporte plusieurs chapitres consacrés à la démocratie, n’a donc pas été publié par DURKHEIM lui-même. La continuité d’inspiration entre ces « leçons » et les thèses majeures de la sociologie de DURKHEIM est cependant manifeste. Il me paraît important de souligner le caractère très curieux de la conception que DURKHEIM se faisait de la démocratie, dans la mesure où cet auteur sert aujourd’hui de référence théorique à des propositions politiques qui tentent de fonder sur la notion de solidarité (généralement en soumettant au passage les « droits subjectifs » à une critique sévère) une conception rénovée du républicanisme démocratique ou, comme certains préfèrent le dire, du « socialisme »6.
I. Une interprétation hétérodoxe de KANT
4En très bref, voici la thèse centrale que je développe dans La Démocratie sans « Demos » : j’y propose, au fil conducteur du concept des « droits subjectifs », une interprétation de la démocratie moderne qui souligne les vertus émancipatrices de l’individualisation du sujet de droit. J’oppose l’interprétation kantienne des droits subjectifs, qui lie ceux-ci à l’autonomie du sujet (juridique, mais aussi politique), à l’interprétation « statutaire » de ces droits (exemplifiée notamment dans mon texte par Hans KELSEN). Selon l’interprétation statutaire, les droits subjectifs ne sont que l’effet du droit objectif (de fait étatique), c’est-à-dire qu’ils sont octroyés par un ordre juridique positif, quel qu’il soit. À l’inverse, l’interprétation kantienne laisse ouverte la possibilité d’user de la forme des droits subjectifs pour revendiquer des droits nouveaux, au nom de l’égale liberté de tous les êtres humains. Je proposais de lire le procès de « démocratisation des démocraties » au cours des xixe et xxe siècles (extension des droits des citoyens des États démocratiques modernes : droits civils, politiques, sociaux, écologiques, etc.) à la lumière de cette interprétation.
5L’interprétation kantienne des droits subjectifs permet de considérer les revendications de droits (the claiming) comme un aspect essentiel de leur concept moderne : ces revendications s’adressent à des pouvoirs (généralement l’État) dont il est attendu qu’ils reconnaissent et garantissent ces droits. Mais – ce point est essentiel –, ce n’est pas la garantie qui fonde les droits en raison. Il en va à l’opposé dans l’interprétation « statutaire » (KELSEN), qui exprime, disais-je, « le point de vue des gouvernants » : elle est liée à une conception gestionnaire de la démocratie dont la gouvernance technocratique contemporaine est l’un des avatars. Le présupposé de ce mode de gouvernance est que les responsables politiques, s’appuyant sur des savoirs d’experts (en matière économique particulièrement), savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui. Le peuple n’est donc consulté que pour la forme, c’est-à-dire pour entériner des projets de lois élaborés sans qu’il ait pris part à leur élaboration. On trouve de multiples exemples de ces consultations en trompe l’œil dans notre histoire récente, parmi lesquels les référendums sur la Constitution européenne en 2005. L’échec de ces référendums (du point de vue de ceux qui les avaient initiés) a rappelé aux gouvernants que la logique des droits modernes a créé un sujet politique dont le rapport au pouvoir ne peut se réduire à la confiance.
6C’est certes un paradoxe que de se réclamer de KANT (référence majeure du libéralisme politique), pour justifier une conception de la démocratie qui légitime la contestation des pouvoirs établis. Il faut bien sûr distinguer entre libéralisme économique et libéralisme politique (ils ne sont pas sans lien, mais ils ne se confondent pas), mais aussi, à l’intérieur du libéralisme politique, entre les théories qui insistent sur l’indépendance de l’individu par rapport à l’État, et celles qui valorisent l’autonomie du sujet, laquelle passe par l’adhésion de celui-ci à la loi rationnelle. KANT exemplifie la seconde variante, et c’est bien en ce sens que Lucien JAUME l’interprète et l’utilise, pour aboutir, s’agissant de la place qui doit être faite à la confiance dans un État bien constitué, à une thèse opposée à celle que je défends pour ma part.
7L’objectif explicite de JAUME est de montrer que seul « le courant rationaliste du libéralisme », à la différence du libéralisme empirique (HUME, Adam SMITH), permet de « considérer la pensée libérale dans toute son ampleur : celle d’une société faisant appel, de façon fondamentale, à la confiance » 7. Je n’ai mentionné son ouvrage qu’en note dans le livre cité ci-dessus (La démocratie sans « Demos »), et je l’ai un peu rapidement expédié en le prenant comme exemple d’une « lecture convenue et lénifiante » de la philosophie kantienne « qui en retient essentiellement l’obligation de l’obéissance à la loi, ainsi que son corrélat : la condamnation du droit de résistance8 ». Avant de passer à ma propre lecture, je dois rappeler ce qui, chez KANT, justifie l’interprétation qu’en donne Lucien JAUME. C’est précisément parce que cette interprétation repose sur une excellente connaissance des textes kantiens que sa discussion est intéressante. Je le cite :
8« S’il se confirme que la notion de confiance est capitale dans la société convenant au libéralisme, il s’ensuit que le premier courant, de type rationaliste, est le seul à même de fonder cette notion – c’est-à-dire de la fonder proprement en raison. La confiance désigne ce rapport aux dirigeants (mais aussi à autrui) qui forme l’envers de l’obligation, voire sa précondition. En effet, la confiance est ce qui fait que, en investissant telles personnes de la fonction de législateur, on engage d’avance un certain crédit envers les lois à venir et que par-là se prépare l’obligation future9 ».
9La différence faite entre l’obligation rationnelle et l’obligation mécanique est essentielle à l’argument de L. JAUME. Réclamer du sujet une obéissance mécanique est le propre du despotisme. C’est au contraire parce que « la politique kantienne combat l’obéissance mécanique et affirme le devoir de traiter le citoyen en personne libre » [qu’] « elle ouvre à la problématique de la confiance »10 .
10En bref : ce que nous dit L. JAUME est que la théorie rationnelle du droit, telle que défendue par KANT, ne cautionne pas toute forme de droit positif, et que KANT ne peut par conséquent pas être invoqué pour justifier une confiance aveugle des gouvernés à l’égard des gouvernants. Dont acte. Il est bien connu par ailleurs que, selon KANT, le citoyen ne peut mettre en question la légitimité du pouvoir (interdiction du droit de résistance). KANT n’est pas un révolutionnaire : il défend au contraire une position prudemment réformiste qui parie sur la sagesse de princes éclairés, dont il espère cependant qu’ils sauront prêter attention aux critiques formulées dans ce que, en termes modernes, on appellerait la sphère publique. On peut considérer en effet qu’il y a chez KANT l’amorce d’une théorie de la sphère publique entendue comme un élément nécessaire au bon fonctionnement d’une république. Cette sphère publique – un lieu d’expression pour la critique – est clairement présentée par KANT comme la compensation de l’interdiction du droit de résistance. Le sujet qui n’est pas rebelle – et il ne doit pas l’être – « doit pouvoir admettre que son souverain ne veut pas lui faire d’injustice » 11. Si ce sujet constate une injustice, il devra l’attribuer à une erreur ou à une ignorance du souverain concernant les effets d’une loi. Comme ce sujet-citoyen est supposé de son côté posséder la faculté de juger en raison, on doit bien lui accorder aussi le droit de s’exprimer sur la chose publique. D’où un plaidoyer pour la liberté d’écrire, « l’unique palladium des droits du peuple »12. Cette sphère publique critique est toutefois doublement limitée : par son mode d’exercice, l’écrit, réservé aux intellectuels de l’époque13, et par son objectif : informer les dirigeants politiques, dont la bonne volonté doit être présumée.
11La position kantienne repose sur une interprétation particulière du « contrat social » supposé fonder, selon les théories du xviie et xviiie siècles, la légitimité des pouvoirs politiques. KANT en fait une « Idée de la Raison », c’est-à-dire une norme sur laquelle les gouvernants doivent régler leur action. Cette Idée « oblige tout législateur à édicter ses lois comme pouvant avoir émané de la volonté collective de tout un peuple, et à considérer tout sujet, en tant qu’il veut être citoyen, comme s’il avait concouru à former par son suffrage une volonté de ce genre. Car telle est la pierre de touche de la légitimité de toute loi publique »14. On peut comprendre cette Idée comme une variante du principe de la souveraineté du peuple : l’autolégislation, sans doute, mais ce n’est pas la démocratie, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. KANT s’empresse en effet de préciser que, si une loi est telle qu’il est inimaginable que tout un peuple puisse lui donner son assentiment, elle n’est pas « juste » ; mais aussi que, si il est seulement possible qu’elle reçoive cet assentiment, elle doit être considérée comme juste, même si le peuple, dans ses dispositions actuelles, la refuserait probablement si on le consultait15. La « pierre de touche de la légitimité de toute loi publique » n’implique aucunement ce que nous considérons aujourd’hui être le mode d’expression principal de la volonté du peuple, à savoir le vote majoritaire. La clause du « comme si » indique que le discours de KANT s’adresse avant tout aux dirigeants politiques, c’est-à-dire aux princes éclairés de son époque, à la sagesse et à la bonne volonté desquels il semble s’en remettre, alors même que, dans différents textes, il stigmatise la propension des tenants du pouvoir politique à user de ce pouvoir pour servir des intérêts particuliers.
12Les textes cités jusqu’à présent (essentiellement Théorie et Pratique) étayent l’interprétation de L. JAUME. D’autres textes suggèrent cependant une interprétation sensiblement différente. Il s’agit notamment du texte intitulé « Qu’est-ce que les Lumières ? » 16 (1784), et des « Conjectures sur les débuts de l’histoire humaine »17 (1786). Il ressort de ces textes que, loin de se réduire à l’obéissance à la loi (supposée) rationnelle, la théorie kantienne de la politique fait aussi une place à la désobéissance, en tant qu’elle est un moment essentiel de la constitution du sujet libre. C’est cet aspect de la pensée politique de KANT qui explique son jugement apparemment contradictoire concernant la révolution. L’acte révolutionnaire lui-même (incontestablement une rébellion) est condamné, car il n’est pas possible de justifier juridiquement la résistance des sujets au pouvoir. Mais la Révolution française est justifiée post facto, au plan de l’histoire du progrès moral de l’espèce humaine (qui est l’histoire de la liberté).
13Dans le texte de 1784, KANT propose de définir les Lumières par « la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable » 18. Il attribue à la paresse et à la lâcheté des hommes le fait qu’ils supportent d’obéir sans résistance au commandement d’autrui : obéissance à l’officier qui crie : « Ne raisonnez pas mais exécutez ! », au percepteur qui dit : « Ne raisonnez pas mais payez ! », au prêtre qui enjoint : « Ne raisonnez pas mais croyez ! »19. À l’obéissance aveugle exigée par ces différentes figures du pouvoir (militaire, politique, religieux), il oppose la devise des Lumières : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! »20. Les enjeux profonds de ce texte ressortent de sa mise en relation avec les Conjectures sur les débuts de l’histoire humaine, de deux ans plus tardif (1786). Ces « conjectures » se présentent comme une interprétation libre de la Genèse. Avant la chute, glose KANT, l’homme agissait comme tous les animaux en se laissant conduire par l’instinct, l’« appel de la nature »21, identifié à la « voix de Dieu »22, et il s’en trouvait bien. Tout a changé avec l’émergence de la raison, qui a permis à l’homme de « chicaner avec la voix de la nature »23. L’objet de cette chicane était d’importance négligeable (la consommation du fruit interdit), mais, à cette occasion, l’homme a découvert qu’il avait le pouvoir de « franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus les animaux », découverte qui a constitué un événement « capital et décisif pour sa conduite de vie »24. Ce qu’il a découvert, en effet, c’est la liberté, c’est-dire le « pouvoir de choisir à lui-même sa propre conduite, et de ne pas être lié, comme les autres animaux, à une conduite unique »25. À partir de ce moment, il lui est devenu impossible « de retomber dans la servitude, de se remettre sous la coupe de l’instinct » 26. La chute, c’est bien sûr la fin de l’existence d’innocence infantile dans l’Eden, mais aussi l’entrée dans l’humanité, le passage « de la tutelle de la nature à l’état de liberté »27 (aus der Vormundschaft der Natur in den Stand der Freiheit).
14Les parallélismes entre les deux textes cités sont évidents : on y retrouve le même thème central, l’opposition entre l’acceptation des tutelles, confortables parce qu’elles évitent aux individus d’avoir à décider de leur action, et le choix de la liberté. C’est au prisme de cette opposition encore que KANT a dit, une dizaine d’années plus tard, ce qui constituait à ses yeux le sens de la Révolution française. Dans le Conflit des Facultés28 (1798), à un moment où l’épisode de la Terreur avait déjà terni pour beaucoup l’aura de cette Révolution, il invitait à y voir (ou plutôt à voir dans l’enthousiasme qu’elle avait suscité chez ses spectateurs) le signe d’un progrès moral possible de l’humanité. La Révolution française, de même que la découverte de la liberté aux commencements (conjecturaux) de l’histoire de l’humanité, constituait à ses yeux un point de non-retour. « Un tel phénomène dans l’histoire de l’humanité, écrivait-il, ne s’oublie plus, parce qu’il a révélé dans la nature humaine une disposition, une faculté de progresser telle qu’aucune politique n’aurait pu, à force de subtilité, la dégager du cours antérieur des événements »29.
15Pour être complète, une interprétation de la philosophie politique de KANT doit prendre en compte la récurrence dans ses textes (ceux cités ici, et d’autres encore) du thème de l’arrachement aux tutelles, à la tutelle de la nature, mais aussi à celle des maîtres de tous ordres, prêtres ou dirigeants politiques, bien ou mal intentionnés, qui dictent aux hommes la règle de leur agir : arrachement à l’instinct, émancipation par rapport au directeur de conscience, au médecin30 (l’expert !) ou aux gouvernants, non pas seulement à ceux qui oppriment, mais aussi aux gouvernements bienveillants qui traitent leurs sujets comme des enfants. La critique kantienne des gouvernements paternalistes fait en effet écho au jugement qu’il porte sur la vie de l’homme dans l’Eden (imaginaire) des origines. « Un gouvernement qui serait fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple, lit-on dans Théorie et Pratique, tel celui du père envers ses enfants, c’est-à-dire un gouvernement paternel, où par conséquent les sujets, tels des enfants mineurs incapables de décider ce qui leur est vraiment utile ou nuisible, sont obligés de se comporter de manière uniquement passive, afin d’attendre du jugement du chef de l’État la façon dont ils doivent être heureux, et uniquement de sa bonté qu’il le veuille également, – un tel gouvernement, dis-je, est le plus grand despotisme que l’on puisse concevoir (constitution qui supprime toute liberté des sujets qui, dès lors, ne possèdent plus aucun droit) »31. Un gouvernement paternaliste peut assurer à ses sujets le bien-être, de même que (toutes proportions gardées) le gouvernement de Dieu dans l’Eden originaire. Si un tel gouvernement peut être qualifié de « despotisme », on peut soupçonner qu’il en va de même du gouvernement de Dieu.
16Du rapprochement entre ces différents textes, on conclura que le sujet libre kantien est un sujet qui se fait libre en rejetant les autorités protectrices, ce qui ne peut avoir lieu que dans le mouvement d’une histoire où la désobéissance, à l’interdit divin comme aux lois des pouvoirs despotiques (et donc aussi paternalistes), joue un rôle essentiel. L’obéissance à la loi de l’État est certes nécessaire pour que les hommes puissent coexister en paix, mais cette obéissance, pierre angulaire de la théorie juridique de l’État (celle qu’expose la Doctrine du Droit), ne peut être considérée comme le dernier mot de la théorie kantienne de la liberté politique. La Doctrine du Droit se constitue sur un négatif refoulé, qui porte à relativiser son légalisme. Ce négatif est le refus d’obéissance, le rejet des tutelles, y compris éventuellement celle de l’autorité de pouvoirs politiques constitués (exemple de la Révolution française), un refus nécessaire à la constitution du sujet dont la théorie du droit justifie par ailleurs le devoir d’obéissance.
17Ce refoulé fait retour dans les flottements de la définition du citoyen. On sait que KANT distingue entre citoyenneté passive et active (le citoyen passif jouit des droits civils, mais non des droits politiques). Mais il affirme aussi, et dans les mêmes textes, que « seule la capacité de voter définit la qualification qui fait le citoyen »32. Or cette capacité de voter est soumise par lui à une condition d’indépendance qui ne peut être conférée par une instance extérieure, mais doit être l’œuvre propre de l’individu. Celui-ci doit vouloir « ne pas être seulement une partie de la république », mais « aussi en être membre, c’est-à-dire se constituer en partie agissant par son propre arbitre en communauté avec d’autres »33. L’existence de ceux qui n’ont pas témoigné de cette volonté « n’est en quelque sorte qu’inhérence » : « ils doivent nécessairement recevoir des ordres ou être placés sous la tutelle d’autres individus »34. Du même coup, la liberté légale et l’égalité civile qui leur sont néanmoins reconnues ne peuvent être que des droits concédés. Les citoyens « passifs » jouissent de la protection des lois, ils ne sont pas, à strictement parler, des citoyens. Je ne m’attarde pas ici sur la position de KANT concernant les femmes et les domestiques, pour laquelle un éclairage historique est nécessaire. L’important est que la logique de l’argument de KANT laisse ouverte la possibilité que les domestiques (mais aussi les femmes) deviennent capables de droit, pourvu qu’ils se dressent contre les tutelles qui s’exercent sur eux. KANT n’a en vérité rien à objecter au geste émancipateur d’un être humain quel qu’il soit. Ce n’est pas sur les dispositions naturelles que peut se fonder la capacité ou l’incapacité politique, mais sur la volonté d’autonomie qui s’atteste dans le rejet des tutelles. Si l’accès à la citoyenneté pleine et entière doit rester ouvert au domestique (explicitement chez KANT, par le choix d’un métier qui lui permette d’échapper à sa condition), il n’est nulle raison de principe qui s’oppose à ce qu’il le soit aussi aux femmes (malgré KANT, dans ce cas), dès lors qu’elles manifesteront la volonté de « se choisir à elles-mêmes leur propre conduite ».
18Le kantisme du libéralisme politique – et cela reste le cas chez Lucien JAUME – s’en tient à la lettre des textes de KANT relatifs à la politique : au règne de la loi, à l’obligation de l’obéissance au pouvoir, à une liberté de critique dont les lieux d’exercice sont soigneusement cantonnés, au choix du réformisme contre la subversion révolutionnaire, à quoi il faut ajouter l’utopie, reconvertie en idée régulatrice, d’une fédération des nations garantissant la paix mondiale. De la contribution de KANT à la compréhension de la subjectivité politique moderne, on retient généralement la discipline des passions et la subordination des désirs à la raison, c’est-à-dire ces éléments qui permettent une critique du libéralisme utilitariste (la liberté rationnelle n’est pas le libre arbitre). Une lecture un peu attentive des textes sur l’histoire et la culture invite cependant à réviser ce kantisme trop correct. Quoi que l’on pense des philosophies de l’histoire, il me paraît justifié d’assumer aussi cette part de l’héritage kantien plutôt que de se satisfaire de la représentation lénifiante d’une société pacifiée par le droit, déjà réalisée pour l’essentiel au cœur du monde civilisé, si bien qu’il n’y aurait plus qu’à convaincre ses citoyens des vertus du système politique dans lequel ils ont la chance de vivre, tout en s’appliquant à en étendre les bénéfices aux autres parties du monde.
II. La théorisation de la confiance chez DURKHEIM
19DURKHEIM avait reçu une formation philosophique dans laquelle le kantisme occupait une large place. La solide connaissance qu’il avait de KANT, et en particulier de sa Doctrine du droit, ressort notamment de sa discussion de la théorie kantienne de la propriété dans les Leçons de sociologie35. C’est sur cet ouvrage que je m’appuie dans la suite, non pas sur les chapitres consacrés à la propriété, mais sur ceux qui portent sur la démocratie (7e, 8e et 9e leçons, intitulées : « Morale civique (suite). Formes de l’État. La démocratie »). Une confrontation directe avec KANT sur ce point n’est cependant pas possible, pour des raisons qui tiennent à l’histoire du terme « démocratie ». À l’époque de KANT, ce terme n’était pas encore devenu le nom qualifiant le « bon » régime politique en général, à charge pour chaque théoricien de préciser ce qu’il entend par là. Il en allait différemment, déjà, à la fin du xixe siècle en France, et c’est bien sous le nom de « démocratie » que DURKHEIM expose l’idée qu’il se fait de ce que doivent être des institutions politiques rationnelles. Ce qui justifie la comparaison que je propose ici entre KANT et DURKHEIM est le contraste qu’elle fait apparaître entre leurs conceptions respectives du sujet politique.
20Un mot sur l’expression « morale civique » : pour DURKHEIM, « toute société est une société morale »36, en ce qu’elle fait obligation à l’individu de se considérer comme partie d’un tout. Dans la Division du travail social, DURKHEIM présente tout d’abord cette obligation comme une disposition que l’expérience de l’interdépendance produit naturellement chez les individus, mais il lui donne aussi une signification normative37. C’est à travers la notion de solidarité que s’effectue la réinscription d’une dimension éthique dans le discours de la sociologie empirique : les hommes ne sont pas seulement de facto solidaires, il faut aussi qu’ils veuillent l’être pour que la société fonctionne bien. C’est ce glissement du registre analytique au registre normatif, déjà explicite dans la Division, qui supporte les positions politiques défendues par DURKHEIM dans les Leçons de sociologie38.
21Ce texte devrait être lu avec attention par ceux qui pensent aujourd’hui trouver chez DURKHEIM les moyens de refonder la démocratie républicaine. Les réticences que celui-ci exprime envers la notion kantienne de l’autonomie personnelle39 vont de pair avec une conception de l’État que KANT aurait certainement considérée comme paternaliste, conception qui s’annonçait déjà dans la Division du travail social quand DURKHEIM attribuait à l’État la mission de « nous rappeler au sentiment de la conscience commune »40 . Les Leçons explicitent la manière dont l’État doit être constitué pour satisfaire à cette tâche. L’État, que DURKHEIM identifie aux institutions de gouvernement, et plus précisément au groupe spécifique de fonctionnaires chargés de faire valoir l’autorité du collectif sur les individus41, « élabore » des représentations collectives qui n’existent qu’à l’état diffus (sous forme de mythes, de dogmes religieux, de traditions morales, etc.) dans le reste de la société. DURKHEIM se prononce explicitement contre l’idée, qu’il attribue à ROUSSEAU, selon laquelle « sous le régime démocratique, la pensée des gouvernants est identique et se confond avec la pensée et les volontés des gouvernés »42. À quoi il objecte que le rôle de l’État « n’est pas d’exprimer, de résumer la pensée irréfléchie de la foule, mais de surajouter à cette pensée irréfléchie une pensée plus méditée, et qui, par suite, ne peut pas ne pas être différente »43. Les représentations qui guident l’action des gouvernants (entendus en un sens large, incluant les fonctionnaires de l’État) se distinguent des autres représentations collectives par un degré supérieur de conscience et de réflexion. En termes plus concis : l’État pense le social, il est le « cerveau social »44, en vertu de quoi les fonctionnaires qui agissent en son nom sont habilités à diriger. Il s’agit bien de direction. Car l’opposition entre le caractère diffus qui est celui de la vie psychique collective dans l’ensemble de la société d’un côté, et la clarté et la précision qu’elle acquiert dans les organes de l’État de l’autre, pourrait laisser croire que l’État ne fait qu’exprimer les représentations latentes dans la société. Or DURKHEIM prend soin de préciser que ce n’est pas le cas. La société ne se pense pas à travers l’État, mais l’État pense pour elle. « Quand l’État pense et se décide, il ne faut pas dire que c’est la société qui pense et se décide par lui, mais qu’il pense et se décide pour elle. Il n’est pas un simple instrument de canalisations et de concentrations. Il est, dans un certain sens, le centre organisateur des sous-groupes eux-mêmes »45. Ou encore, plus brièvement : « pour savoir ce qui est le plus utile pour la société, [le gouvernement] est mieux placé que la foule ; il doit donc voir les choses autrement qu’elle »46.
22Une analyse détaillée du vocabulaire utilisé dans ces pages est instructive. À l’identification de l’État aux fonctionnaires de gouvernement fait pendant l’assimilation des gouvernés à « la foule ». En conséquence, ce que DURKHEIM justifie ici sur le plan théorique, ce n’est pas seulement la confiance nécessaire des gouvernés dans les institutions de la démocratie, mais leur confiance envers les individus qui les gouvernent. Cela ne veut pas dire que les institutions sont indifférentes. Mais ces institutions sont supposées telles qu’elles garantissent la compétence des gouvernants, hors de tout contrôle réel par les gouvernés, pas même ce contrôle minimum qu’assurent les mécanismes de la représentation politique. Car DURKHEIM est hostile non seulement à la démocratie directe et à ses substituts (le mandat impératif, par exemple), mais il l’est aussi à l’élection des députés au suffrage universel. Ce qui caractérise selon lui les institutions « démocratiques », c’est l’extension et l’intensité des communications entre les gouvernés (la foule, la masse) et les gouvernants. On pourrait penser que ce qu’il décrit sous le titre des « communications » est une anticipation (autre que celle de KANT) de ce que l’on appelle aujourd’hui, après HABERMAS, l’« espace public ». Ce n’est pourtant pas le cas. Certes, DURKHEIM affirme que la communication doit fonctionner dans les deux sens : les gouvernants doivent s’enquérir des besoins et sentiments du peuple (transparence de la société pour le pouvoir) et les gouvernés de leur côté doivent être informés des raisons des politiques gouvernementales (visibilité des délibérations et de l’action du gouvernement). À y regarder de près, cette communication apparaît néanmoins profondément déséquilibrée. Les gouvernants doivent bien veiller à s’informer de ce qui se passe dans le peuple, il est même recommandé qu’ils le consultent par intervalles, mais c’est à eux qu’il appartient de fixer les questions. En vertu des savoirs dont ces gouvernants disposent (DURKHEIM évoque les renseignements statistiques et les informations administratives) et des capacités de jugement supérieures qui leur sont imputées, il est admis qu’ils sont mieux à même de déterminer ce qui convient au peuple que ne l’est le peuple lui-même. Si l’on peut repérer chez KANT un analogon de la souveraineté du peuple, il ne reste rien de celle-ci dans la « démocratie » de DURKHEIM. Loin de découler de la volonté exprimée des gouvernés, l’autorité des lois repose uniquement sur la confiance que ceux-ci doivent avoir dans les compétences des gouvernants : « Ce n’est pas parce que nous l’avons faite, parce qu’elle a été voulue par tant de voix, que nous nous soumettons [à la loi] ; c’est parce qu’elle est bonne, conforme à la nature des faits, parce qu’elle est tout ce qu’elle doit être, parce que nous avons confiance en elle. Et cette confiance dépend également de celle que nous inspirent les organes chargés de l’élaborer. Ce qui importe par conséquent, c’est la manière dont elle est faite, c’est la compétence de ceux qui ont pour fonctions de la faire, c’est la nature de l’organisation spéciale destinée à rendre possible le jeu de cette fonction » 47.
23Si l’on fait exception du vote majoritaire sur la base du suffrage universel, que DURKHEIM refusait, mais qui s’est imposé et demeure aujourd’hui encore dans les démocraties libérales le mode de sélection formel des législateurs et des dirigeants politiques, ce que DURKHEIM théorise ici sous le nom de démocratie présente de grandes similitudes avec la « gouvernance démocratique » contemporaine48. On pourrait faire des rapprochements avec les textes émanant de la Commission européenne, mais aussi avec les discours ordinaires de nos dirigeants politiques nationaux, qui attribuent les résistances que rencontrent leurs politiques à l’incompréhension des citoyens, résistances que les responsables politiques, européens ou nationaux, pensent pouvoir surmonter à force d’explications. Il est admis que la politique est une affaire d’experts et que le consentement des populations gouvernées, certes souhaitables pour l’efficacité des politiques gouvernementales, doit être conquis par des démarches éducatives et diverses techniques de persuasion. La conception de l’espace public qui correspond à cette interprétation de la démocratie est au moins aussi restrictive que l’était celle de KANT, mais pour d’autres raisons. Cette conception est marquée par une profonde défiance à l’égard des critiques émanant de la société civile. DURKHEIM écrit bien qu’« un peuple est d’autant plus démocratique que la délibération, la réflexion, que l’esprit critique jouent un rôle considérable dans la marche des affaires publiques » 49. Mais la réflexion, la délibération et l’exercice de l’esprit critique sont en définitive réservés aux gouvernants. S’agissant du développement de l’esprit critique dans la société elle-même, qui progresse avec l’individualisation, DURKHEIM y voit un facteur de chaos : dans les sociétés modernes, qui ne sont plus tenues par les liens de la tradition, « tout devient matière à controverse et à division, tout vacille. Le sol ferme manque à la société »50. L’idée d’un espace public conflictuel, où s’affrontent des intérêts et des conceptions différentes sur ce que nos sociétés doivent être, est parfaitement étrangère à DURKHEIM. Ce qui a pour conséquence une conception extrêmement limitée de l’activité politique du citoyen : l’autonomie du citoyen consiste à comprendre ce qui est objectivement nécessaire, à l’accepter et à s’y conformer, sa liberté, à faire siennes par la pensée les « lois des choses », étant entendu qu’il revient à des dirigeants éclairés de dire ce que sont ces lois. Se libérer par la pensée, est ce qui fait la « supériorité morale de la démocratie. Parce qu’elle est le régime de la réflexion, elle permet au citoyen d’accepter les lois de son pays avec plus d’intelligence, partant avec moins de passivité »51. La réflexion des citoyens se réduit ainsi à l’intelligence des bonnes raisons qui inspirent les politiques des gouvernants, et leur activité à une « moindre passivité ».
24Individualisme libéral ou solidarisme ? On comprend bien les raisons du renouveau d’intérêt pour le solidarisme français du début du xixe siècle, et pour l’œuvre de DURKHEIM en particulier. L’exigence de solidarité est une réplique au règne de la concurrence débridée, résultat des politiques de dérégulation menées par nos gouvernements depuis plusieurs décennies, et à l’érosion des dispositifs de l’État social qui en est la conséquence. Je persiste à penser cependant que la juste protestation que suscitent ces politiques ne devrait pas nous amener à faire le procès des « droits subjectifs » et de l’individualisme des droits en général. Dans son interprétation kantienne, l’individualisme juridique permet de fonder en raison l’autonomie politique du citoyen moderne, c’est-à-dire son droit à une activité politique qui soit tout autre chose qu’une « moindre passivité ». C’est cette activité qui a été le moteur de la démocratisation de nos sociétés : la plupart des droits, y compris les droits sociaux, ont été conquis et souvent arrachés par des luttes, menées au nom du principe de l’égalité. L’État social était certes un État protecteur, et on peut y voir une variante moderne de paternalisme. Mais c’est oublier qu’il n’a acquis ce caractère que sous la pression de mobilisations sociales et politiques. La démocratie moderne suppose certes la confiance des citoyens dans les institutions de la démocratie, mais, à la différence de ce qu’il en est dans les régimes autoritaires (qui peuvent parfois satisfaire les besoins matériels, voire spirituels, de la majorité de leurs ressortissants), cette confiance tient à ce que ces institutions permettent l’expression de la critique, c’est-à-dire des dissensus. Claude LEFORT l’a superbement dit, dans un texte datant de 1986 : dans une démocratie, « il y aura toujours mise en discussion possible de ce que devraient être la loi, le pouvoir et la société pour être vraiment ce qu’ils doivent être. […] la démocratie moderne affirme de façon irréversible la légitimité du débat portant sur la distinction du légitime et de l’illégitime »52. La confiance dans les institutions ne peut donc jamais être inconditionnelle ; ce n’est pas un hasard si l’histoire des démocraties modernes a été régulièrement accompagnée par des innovations institutionnelles, telles que celles que Pierre ROSANVALLON a passé en revue dans La Contre-démocratie53. Mais il serait bien entendu fatal pour la démocratie que la confiance dans des personnalités singulières (à l’extrême, le chef charismatique) remplace celle dans les institutions, quand ces institutions paraissent déficientes. La seule garantie véritable de la démocratie (moderne) réside dans l’activité politique des citoyens luttant pour l’égalité des droits. Or c’est précisément cette activité politique que la gouvernance technocratique, dans ses versions anciennes (DURKHEIM) ou contemporaines, tend à priver de sens et à affaiblir, à défaut de pouvoir l’interdire.
Notes de bas de page
1 L. Jaume, La liberté et la loi. Les origines philosophiques du libéralisme, Paris, Fayard, 2000.
2 Le chapitre VI, portant sur « le problème du fondement de la confiance », est essentiellement consacré à KANT.
3 C. Colliot‑Thélène, La démocratie sans « demos », Paris, PUF, 2011.
4 J’aurais pu tout aussi bien prendre Hegel, sans doute plus attendu après avoir traité de Kant. La conception que Durkheim se fait de la démocratie est étonnamment proche de la représentation hégélienne de l’État rationnel. Hegel ne passant cependant pas pour un théoricien de la démocratie, il m’a paru pour cette raison plus pédagogique de solliciter Durkheim.
5 E. Durkheim, Leçons de sociologie, Paris, PUF, Quadrige, 2003.
6 Par exemple : J.‑F. Spitz, Le Moment républicain en France, Paris, Gallimard, 2005 ; A. Honneth, Le droit de la liberté. Esquisse d’une éthicité démocratique, Paris, Gallimard, 2015 ; du même : L’idée de socialisme : Un essai d’actualisation, Paris, Gallimard, 2017.
7 L. Jaume, op. cit., p. 257.
8 C. Colliot‑Thélène, La démocratie sans « demos », op. cit., p. 140.
9 L. Jaume, op. cit., p. 258.
10 Ibid., p. 260.
11 E. Kant, Théorie et Pratique, Paris, Vrin, 1977, p. 47.
12 Ibid., p. 39. – Le soulignement est de Kant.
13 Voir « Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? », in E. Kant, Vers la paix perpétuelle (et autres textes), Paris, GF Flammarion, 1991, p. 47, la définition de « l’usage public de sa raison » : c’est « celui qu’en fait quelqu’un, en tant que savant, devant l’ensemble du public qui lit. » - Le soulignement est de Kant.
14 Théorie et Pratique, op. cit., p. 39. – Le soulignement est de Kant.
15 Voir ibid. – Je souligne, CCT.
16 « Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? », in E. Kant, Vers la paix perpétuelle (et autres textes), op. cit., p. 41-51.
17 « Conjectures sur les débuts de l’histoire humaine », in Opuscules sur l’histoire, Paris, GF Flammarion, 1990, p. 145-164.
18 « Réponser à la question : qu’est-ce que les Lumières ? », op. cit., p. 43.
19 Ibid., p. 45.
20 Ibid., p. 43. Le soulignement est de Kant.
21 « Conjectures… », op. cit., p. 148.
22 Id.
23 Ibid., p. 149.
24 Id.
25 Id.
26 Ibid., p. 159-150.
27 Ibid., p. 153.
28 « Le conflit des facultés. Conflit de la faculté de philosophie avec la faculté de droit », in Opuscules sur l’histoire, op. cit., p. 203‑221.
29 Ibid., p. 214‑215. Le soulignement est de Kant.
30 Voir « Qu’est-ce que les Lumières ? », op. cit., p. 44.
31 Théorie et Pratique, op. cit., p. 31.
32 Doctrine du droit, §46 (Métaphysique des mœurs II, Paris, GF Flammarion, 1994, p. 129).
33 Ibid., p. 130.
34 Id.
35 Voir les Leçons de sociologie, op. cit.,11ème et 12ème leçons.
36 E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF (Quadrige), 1991, p. 207.
37 Voir Division…, op. cit., Préface à la première édition, p. XXXVII-XLIV.
38 La première édition de la Division du travail social date de 1893. Les Leçons de sociologie sont des cours professés par Durkheim dans les années 1890-1900 à Bordeaux, reprises ensuite à différentes reprises dans d’autres contextes, sous forme de cours ou de conférences. On peut admettre que les positions fondamentales de Durkheim sont identiques dans les deux ouvrages.
39 Cf. Leçons…, op. cit., p. 102 : « KANT déclare que la personne humaine doit être autonome. Mais une autonomie absolue est impossible. La personne fait partie du milieu physique et social, elle en est solidaire, elle ne peut être que relativement autonome. »
40 Division…, op. cit., p. 207.
41 Voir Leçons, op. cit., p. 86 : L’État « est un groupe de fonctionnaires sui generis, au sein desquels s’élaborent des représentations qui engagent la collectivité, quoiqu’elles ne soient pas l’œuvre de la collectivité ». - Ce « groupe de fonctionnaires » a un air de parenté marqué avec l’« état universel » chez Hegel.
42 Ibid., p. 125.
43 Id.
44 Ibid., p. 89.
45 Ibid., p. 86.
46 Ibid., p. 126.
47 Ibid., p. 140.
48 Ces similitudes doivent nous amener à réfléchir sur les limites des procédures électives en tant que modalités d’expression de la « volonté du peuple ». Cette réflexion engage une analyse de la notion de représentation en politique, que je ne puis naturellement aborder ici. Dans la littérature très abondante sur ce thème, citons, parmi les travaux récents en français : D. Mineur, Archéologie de la représentation politique. Structure et fondement d’une crise (Paris, Presses de Sciences Po, 2010) et M. Revault d’Allones, Le miroir et la scène. Ce que peut la représentation politique (Paris, Seuil, 2016).
49 Lecons…, op. cit., p. 123.
50 Ibid., p. 127.
51 Ibid., p. 125.
52 « La dissolution des repères et l’enjeu démocratique », in Le temps présent, Paris, Editions Belin, 2007, p. 563. – Souligné par l’auteur.
53 P. Rosanvallon, La contre-démocratie. La politique de la défiance, Paris, Seuil, 2006.
Auteur
Professeur émérite de philosophie, Université Rennes I, membre honoraire de l’IUF
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La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations…
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