Pratique du procès équitable dans le contentieux des étrangers : le point de vue d’une avocate
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Texte intégral
I – PRÉCISIONS CRITIQUES SUR L’APPLICABILITÉ DE L’ARTICLE 6§1 DE LA CESDH
1Domaine vaste, le droit des étrangers englobe plusieurs types de droit : droit pénal (séjour irrégulier), droit social (droit limité aux prestations familiales), droit civil (mariage, nationalité, filiation, divorce), et bien sûr le droit administratif (entrée, séjour, éloignement et asile). La qualité d’étranger d’un justiciable entraîne une discrimination automatique en tant que sujet de droit : on vérifiera la réalité de l’intention matrimoniale lorsqu’il envisage de se marier avec un Français, on exigera de lui une autorisation de séjour pour lui accorder l’accès à l’aide juridictionnelle en matière civile, etc.
2Pourtant, lorsqu’il s’agit des droits de la défense, et du procès équitable en particulier, on pourrait imaginer que l’étranger est l’égal du Français, et même de l’Européen, et même du justiciable dans les pays appartenant au Conseil de l’Europe. Si tel est le cas en matière civile et pénale, il est nécessaire de nuancer en matière administrative. En effet, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme restreint le respect du droit à un procès équitable en ce qui concerne les étrangers aux procédures civiles et pénales : “les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur des droits ou obligations de caractère civil ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale, au sens de l’article 6 § 1” (Cour EDH, G.C. 5 octobre 2000, Maaouia c. France, Req. No 39652/98). Pour une toute dernière application du refus d’appliquer l’article 6§1 aux procédures administratives relatives à l’étranger, voyez l’arrêt Dalea c. France du 2 février 2010 qui rejette, par une décision sur la recevabilité, l’allégation de violation du droit à un procès équitable formulée par le requérant qui n’a pu obtenir les motifs de son inscription au SIS (Système d’Information Schengen).
3Cette interprétation est critiquable tant au regard des libertés et droits fondamentaux, qu’au regard de la jurisprudence que la Cour fait elle-même du champ d’application de l’article 6 § 1 de la CEsDH.
A – Des limites du droit au procès équitable pour les étrangers : critique de la jurisprudence de la CEDH
4D’une part, au regard des principes, il est incontestable que l’impact d’une décision administrative relative à l’asile, l’entrée, le séjour ou l’éloignement est sinon exorbitant par rapport à l’objectif de protection de l’ordre public, du moins très important sur la vie d’un être humain. En particulier, ces décisions portent atteinte à la liberté d’aller et de venir des individus, liberté restreinte par les Etats au nom de leur souveraineté, sur le seul critère de l’extranéité d’un être humain. Les importants excès des politiques européennes de maîtrise de l’immigration que nous constatons depuis le tournant du XXIème siècle doivent nous forcer à nous poser la question de la légitimité et de la pertinence de cette discrimination systématique. Si cette question n’est pas l’objet de notre débat, le (ir)respect du droit à un procès équitable pour l’étranger est un étalon qui mesure les atteintes aux droits fondamentaux d’un être humain que notre société accepte au nom d’un prétendu objectif de protection de l’ordre public.
5D’autre part, l’écart de l’article 6§1 par la Cour est critiquable au regard de sa propre jurisprudence. En effet, la Cour a jugé que le caractère principal de l’application de l’article 6 est que l’issue de la procédure soit déterminante pour des droits et obligations à caractère privé (arrêt H c. France § 47 du 24 octobre 1989). Plus particulièrement, en ce qui concerne le droit régissant les relations entre un Etat et un individu, la CEDH reconnaît le caractère civil de certains d’entre eux. Le droit de propriété, par exemple : la garantie d’un procès équitable couvre les phases d’expropriation, de reclassement et de planification, ainsi que les procédures d’octroi de permis de construire et autres autorisations (cf. arrêts Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982 ; Poiss c. Autriche, 23 avril 1987 ; Bodén c. Suède, 27 octobre 1987 ; Håkansson et Sturesson c. Suède, 21 février 1990 ; Mats Jacobsson c. Suède, 28 juin 1990 et Ruiz-Mateos c. Espagne, 12 septembre 1993. Pour une analyse de l’article 6, voir “Le droit à un procès équitable” de Nuala Mole et Catharina Harby, http://www.coe.int/T/E/Human_rights/hrhb3_fr.pdf). Plus emblématique, alors que la CEDH a longtemps estimé que les procédures relatives aux allocations d’aide sociale n’étaient pas régies par l’article 6, aujourd’hui il est établi que cette disposition s’applique aux procédures pour la détermination d’un droit, dans le cadre d’un régime de sécurité sociale, à percevoir des allocations d’assurance-maladie, des allocations d’invalidité ou une pension de fonctionnaire. Dans l’affaire Shuler-Zgraggen c. Suisse, qui concernait des pensions d’invalidité, la Cour a estimé que “l’évolution juridique et le principe d’égalité de traitement permettent d’estimer que l’applicabilité de l’article 6§1 constitue aujourd’hui la règle dans le domaine de l’assurance sociale, y compris même l’aide sociale”. L’article 6 s’applique en outre aux procédures permettant de décider de l’obligation d’acquitter des cotisations dans le cadre d’un régime de sécurité sociale. (cf. arrêts Salesi c. Italie du 26 février 1993, Lombardo c. Italie du 26 novembre 1992, Schuler-Zgraggen c. Suisse du 24 juin 1993 et Shouten et Meldrum c. Pays-Bas du 9 décembre 1994). Pourquoi pas le droit au séjour sur un territoire puisqu’il implique nécessairement le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit d’aller et de venir qui sont par essence des droits de nature privée ?
B – Reconnaissance par le Conseil d’état de l’existence d’un principe général du droit fondé sur l’article 6-1 de la CEsDH
6Malgré les limites du droit au procès équitable dans les procédures d’éloignement pour les étrangers, la jurisprudence du Conseil d’Etat reconnaît toutefois l’existence du respect du procès équitable en tant que principe général de droit lorsqu’une disposition législative ou règlementaire interne n’impose pas expressément le respect du procès équitable en droit administratif. Plus particulièrement, en ce qui concerne la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, par une décision du 4 décembre 2009 (CE, SSJS, 4 décembre 2009, Mohamed A., no 304386), le Conseil d’Etat a imposé le respect de la notion du procès équitable, tel que défini par l’article 6§1 de la CEsDH, en invoquant des principes généraux du droit et non la Convention elle même. Est ainsi cassée une décision de la Commission des recours des réfugiés (devenue la Cour nationale du droit d’asile) qui n’a ni pris en compte ni visé une note en délibéré produite par le requérant en violation de la règle générale de procédure, inspirée de l’article 6§1 de la CEDH. Visant la convention européenne des droits de l’homme “ notamment son article 6”, sans l’appliquer directement en l’espèce, le Conseil d’Etat estime que la Commission (ou aujourd’hui la Cour nationale) “est tenue de faire application, comme toute juridiction administrative, des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l’instruction ; qu’il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance des notes en délibéré et de les viser”. Ainsi, sans modifier sa jurisprudence selon laquelle “la commission ne statuant pas sur des contestations de caractère civil, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant elle aurait méconnu les stipulations du premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne (…) est, en tout état de cause, inopérant et doit être écarté” (récemment CE, SSJS, 10 avril 2009, no 290405 ou contra CE, 28 juillet 1999, no 181068), le Conseil d’Etat poursuit sa construction jurisprudentielle qui conduit à soumettre la CNDA à “toutes les règles générales de procédure dont l’application n’a pas été écartée par une disposition législative expresse ou n’est pas inconciliable avec son organisation” (CE, 31 mars 1995, no 148668 ; CE, 10 août 2007, no 288904).
7En tout état de cause, lorsque les procédures ont pour effet d’aboutir à des sanctions (pénales ou disciplinaires), elles doivent en principe respecter les principes du procès équitable. Dans la mesure où le projet de loi Besson introduit l’interdiction du territoire comme mesure administrative accompagnant quasisystématiquement l’éloignement de l’étranger, et dans la mesure où cette interdiction revêt le caractère d’une sanction, il semble que l’application de l’article 6 § 1 aux procédures de refus de séjour assorties de l’éloignement et de l’interdiction du territoire devra être rendu effectif, sinon par la Cour européenne (cf. arrêt 5 octobre 2000, Maaouia c./ France, req. no 39652/98), du moins par le Conseil d’Etat.
C – Construction jurisprudentielle du juge gardien des libertés et procès équitable
8En matière judiciaire, en ce qui concerne le contentieux relatif aux atteintes à la liberté des étrangers placés en rétention administrative, il est difficile d’imaginer que l’on puisse écarter d’un trait législatif la construction jurisprudentielle fondée sur la Constitution et la Convention européenne qui érige le juge judiciaire en garant des libertés. Pour exposer cette construction, j’emprunte la plume d’Antoine Berthe, éminent confrère du Barreau de Lille :
9Aux termes de l’article 66 de la Constitution du 4 Octobre 1958 : “Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la Loi”. Aux termes de l’article 136 du Code de procédure pénale “Dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l’autorité administrative et les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents.” Le législateur est soumis à l’obligation constitutionnelle de prévoir l’intervention de l’autorité judiciaire pour contrôler toute mesure mettant en cause la liberté individuelle, y compris lorsqu’il s’agit d’une mesure administrative. Peu importe que la mesure de rétention ne soit pas une “sanction”, elle n’en demeure pas moins une mesure portant atteinte à une liberté individuelle placée en tant que telle sous la sauvegarde de l’autorité judiciaire, autorité exclusivement compétente.
10Au regard de la jurisprudence constitutionnelle, un certain nombre de mesures composant les procédures de rétention administrative des étrangers ont pour conséquence d’affecter leur liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution. La mesure la plus emblématique étant celle de la garde à vue (CC 93-326 DC 11 août 1993, considérant 3).
11Dans un arrêt de principe, Bechta, en date du 28 juin 1995, la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation, au visa des articles 66 de la Constitution et 136 du Code de procédure pénale, a affirmé qu’il appartient au juge, saisi par le Préfet d’une demande de prolongation de rétention, de se prononcer comme gardien de la liberté individuelle sur les irrégularités attentatoires à cette liberté invoquées par l’étranger qui est maintenu en rétention. Cette jurisprudence a depuis été largement confirmée.
12Ainsi, le juge saisi d’une demande de prolongation de rétention connaît des contestations relatives à la légalité tant interne qu’externe (régularité de sa saisine, compétence du signataire, etc.) de la procédure de maintien en rétention. Le contrôle interne de la procédure conduit l’autorité judiciaire à examiner “les actes antérieurs à la rétention dont celle-ci n’est que la conséquence” (J. SAINTE-ROSE, P. MUCCHIELLI, Le contrôle du juge judiciaire sur la rétention administrative, Rapport annuel de la Cour de cassation, 1995), actes qui ont pour dénominateur commun leur nature judiciaire et d’affecter la liberté individuelle de l’étranger au sens de l’article 66 de la Constitution. La compétence judiciaire est donc reconnue pour statuer sur :
- La régularité du contrôle d’identité (Cass. 2e civ. 28/06/1995 Bechta)
- La régularité de la garde à vue (Cass. 2e civ. 28/06/1995 Mpinga Mesu)
- La détention précédant le placement en rétention (Cass 2e civ. 28/06/1995 Abed Bahtsou)
13Dans toutes les hypothèses où une irrégularité de procédure est effectivement relevée, la mise en rétention de l’étranger (et non la procédure pénale) doit être déclarée nulle par le Juge et l’étranger remis en liberté (Cass. 2e civ. 28/06/1995 Xiao, Cass. 2e civ. 12/11/1997 Brito). Le juge des libertés et de la rétention saisi en application des articles L 552-1 et suivant du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’a “pas le pouvoir d’annuler des actes de procédure pénales” mais l’obligation de contrôler la régularité de la chaîne de privation de liberté aboutissant au placement en rétention.
14L’irrespect des droits reconnus à tout individu interpellé et privé de liberté par la police, constitue une irrégularité peu important qu’il y ait eu des poursuites ou non, peu important la démonstration d’un grief. Le fait que l’étranger ait ou non participé à son incrimination et donc qu’il démontre un grief n’a pas d’incidence sur le constat de cette irrégularité. La Cour, à de nombreuses reprises, a jugé que les irrégularités liées au droits fondamentaux du gardé à vue portaient nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée : est cassée l’ordonnance qui avait rejeté la nullité évoquée et tirée de ce que l’avocat désigné n’avait été avisé que 58 minutes après le placement en garde à vue, en estimant qu’il n’y avait pas de grief et qu’aucune audition sur le fond n’avait eu lieu avant la venue de l’avocat. La Cour suprême rappelle qu’en l’absence de toute circonstance particulière, tout retard en la matière porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée et vicie la procédure (Cass. 1re civ., 28 juin 2005, no 03-50109 ; Cass. 1re civ., 28 juin 2005, no 04-50050)
15En ce qui concerne l’applicabilité de la CEsDH, l’assemblée plénière de la Cour de cassation l’a admis dans un arrêt de principe le 2 mars 2001 (no 00-81388, bull. no 56), écartant en l’espèce une disposition du Code de procédure pénale contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’inconventionnalité des dispositions législatives actuelles relatives à la garde à vue, au regard des prescriptions de l’article 6 de la CEsDH, a été constatée sans ambiguïté par la chambre criminelle de la Cour de Cassation dans ses arrêts du 19 octobre 2010 (Cass, crim no 5699, 5700, 5701 du 19 octobre 2010 (10-82.902 ; 10-82.306 ; 10-82.051). Même si de façon très critiquable, la chambre criminelle a décidé également de suspendre les effets de la CEsDH jusqu’à la date limite fixée par le Conseil Constitutionnel pour permettre les modifications législatives nécessaires à la mise en conformité de la garde à vue française avec les dispositions de l’article 6-3, cette jurisprudence réaffirme le principe de l’application directe de la CEsDH. Certes, cette jurisprudence n’est pas relative au procès équitable à proprement parler, mais elle lui est sans aucun doute transposable en ce sens que le principe du procès équitable doit être respecté devant le Juge de la liberté et de la détention lors des procédures relatives à la rétention administrative.
16Est-ce que le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation accepteront d’écarter le principe du respect du procès équitable comme le souhaiterait le gouvernement aux termes du projet de loi Besson qui après avoir été approuvé par l’Assemblée nationale est actuellement en discussion devant le Sénat ? Cela est peu vraisemblable, bien que le juge, qui se trouve à la croisée des politiques de plus en plus répressives de contrôle de l’immigration et des garanties que notre démocratie doit à tout être humain, subisse une pression politique considérable.
17Enfin, reste le dernier rempart : l’invocabilité directe devant les juridictions nationales de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, charte qui est devenue d’application directe depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Certes, la Cour de justice de l’Union européenne n’est pas directement accessible au justiciable, mais le caractère protecteur de sa jurisprudence peut laisser présager de l’imposition du respect d’un des principes fondamentaux garantissant la dignité même des justiciables.
II – RÉPERTOIRE NON EXHAUSTIF DES TRANSGRESSIONS AU PROCÈS ÉQUITABLE CONSTATÉES DANS LA PRATIQUE DU CONTENTIEUX DE L’ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS ET DU DROIT D’ASILE
18Faire un inventaire exhaustif des transgressions au procès équitable pour les étrangers en France mériterait faire l’objet d’une thèse. Je me contenterai de vous transmettre mon expérience de celles qui dans mon parcours professionnel m’ont semblé les plus violentes.
A – L’envers du décor de la délocalisation des audiences du JLD
19Période sinistre qui s’est déroulée de juillet 2006 à avril 2008 date à laquelle la Cour de cassation a enfin remis les pendules à l’heure. Pour reprendre les termes de l’ouvrage “Cette France-là” (http://www.cettefrancela.net/volume-1/descriptions/article/le-controle-des-juges?artpage=6-8) : en 2008, après deux ans de procédure, la Cour de cassation (Cass., 1re ch. civ. 16 avril 2008 ; Moraru, Boulzazane, Abbas) a mis un terme à la pratique des délocalisations des salles d’audience en donnant raison à la requête de trois sans-papiers qui avaient été retenus au Centre de rétention administrative (CRA) du Canet.
20Pendant toute la période où les audiences ont été délocalisées au CRA de Cornebarrieu, allant à l’encontre du vote en assemblée générale des juges du Tribunal de grande instance de Toulouse qui ont refusé de se rendre complices d’une mascarade de justice, un seul magistrat a accepté d’être l’unique Juge des libertés et de la détention à siéger en bout des pistes de l’aéroport de Toulouse, dans l’enceinte du CRA de Cornebarrieu, secondé par certains magistrats des plus répressifs de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel chargés de juger en appel ses décisions. Une machine implacable d’éloignement s’est alors mise en œuvre.
21Les conséquences néfastes de la délocalisation n’ont pas manqué de se produire : lorsque la justice a été rendue en dehors du regard de la société civile, loin de la cité, ce magistrat n’a eu aucun scrupule a juger collectivement le sort de centaines de personnes en sacrifiant leur dignité à l’autel de l’éloignement devenu priorité absolue. Ainsi, lors de chaque audience, le juge appelait l’ensemble des dossiers et demandait aux interprètes de se placer au milieu des groupes d’étrangers en fonction de leur langue. S’ensuivait ensuite une farce judiciaire aux termes de laquelle le juge “informait” tous les justiciables de la raison pour laquelle ils comparaissaient devant lui. Simultanément, les interprètes essayaient dans un capharnaüm total de traduire les propos du juge. A la suite de quoi, pour sauver les apparences et affirmer qu’il avait statué individuellement, le juge appelait chaque étranger pour vérifier son identité. Une fois la formalité achevée, il demandait aux avocats s’ils avaient des observations, puis après avoir brièvement délibéré (une trentaine de minutes tout au plus pour une quinzaine de justiciables à chaque audience) et sans jamais avoir sollicité des précisions d’un seul étranger sur les conditions de son interpellation, le juge accordait la prolongation sollicitée par l’administration qui n’a jamais assisté à une seule de ces “audiences”. Pourquoi l’aurait-elle fait ? Elle a obtenu satisfaction à hauteur de 97,6 % pendant cette période, alors qu’en “temps normal” le taux était de 93,75 % (taux de prolongation ou de maintien en assignation à résidence par le Juge des libertés et de la détention).
22Un rapport d’observation à l’initiative de la Cimade, du Syndicat des Avocats de France et de la Ligue des Droits de l’Homme a été publié le 28 mars 2007 qui décrit les conditions lamentables de cette “justice” délocalisée. Il est joint à mon intervention.
23Personnellement, j’avais conscience que mon intervention était inutile. Après une première période où les avocats ont refusé de cautionner cette mascarade, compte tenu de l’état de désolation dans lequel se trouvaient les étrangers placés au CRA de Cornebarrieu, plusieurs avocats ont décidé d’y revenir. Je faisais partie de ceux-là. Je n’ai jamais ressenti aussi vivement l’injustice judiciaire qu’à l’occasion de ces audiences qui ont miné la confiance que je pouvais avoir en la justice toulousaine. Je n’assistais mes clients que par souci d’humanité, pour essayer de leur faire comprendre les principes de cette justice qui m’échappaient à moi aussi. Que pouvaient-ils comprendre d’audiences qui se tenaient dans l’ancienne salle de repos des policiers, pour lesquelles on les sortait de leur cellule de rétention afin de passer un simple sas qui les conduisait à la “salle d’audience”, d’où ils revenaient une heure après munis d’une belle ordonnance de prolongation de leur rétention ? Mes plaidoiries étaient systématiquement des plaidoiries de rupture que j’essayais de prolonger le plus possible car je savais que le juge détestait “perdre son temps”. Le juge en est arrivé même à m’adouber d’un sobriquet insultant qui est devenu pour moi comme une médaille de guerre.
24Justice must be done, and must be seen to be done. La période sombre des délocalisations des audiences au sein du CRA de Cornebarrieu m’a fait comprendre avec l’acuité la plus forte la logique de ce principe intangible de justice. Aujourd’hui, le projet de loi Besson prévoit d’aggraver l’atteinte au principe d’une justice rendue en public et dans la cité par la systématisation des audiences par visioconférence, afin de réduire les coûts liés aux escortes. Il est même question de délocaliser les audiences du juge administratif. Toutefois, l’opposition des juges administratifs à cette délocalisation est massive : 550 magistrats sur les 900 magistrats administratifs en France ont signé une pétition pour s’opposer à l’instauration de cette justice d’exception. Néanmoins, l’amendement déposé par le député UMP Thierry Mariani (aujourd’hui récompensé par un secrétariat à l’Etat dans le 3ème gouvernement Fillon), a été adopté par l’Assemblée nationale.
25Rappelons donc le contexte dans lequel la Cour de cassation a mis un terme aux délocalisations des audiences tel que rappelé par “Cette France-là” : en septembre 2006, le premier président de la cour d’appel d’Aix avait débouté les étrangers requérants, au motif que la salle du CRA du Canet correspondait aux prescriptions de la loi. Pour la Cour de cassation, en revanche, “la proximité immédiate exigée par l’article L. 552-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est exclusive de l’aménagement spécial d’une salle d’audience dans l’enceinte d’un centre de rétention”. Pas plus qu’on ne se prononce sur des actes criminels dans un établissement pénitentiaire, on ne doit pouvoir statuer sur la liberté d’une personne dans le lieu même où elle est déjà retenue, sauf à se livrer à une parodie de justice : l’unité de lieu est un principe essentiel au fonctionnement de la justice dans un État démocratique, la délocalisation des audiences porte atteinte à ce principe en remettant en cause l’apparence d’impartialité et l’indépendance des magistrats. Le 19 avril 2008, le Syndicat des avocats de France (SAF) se félicitait ainsi de l’arrêt de la Cour de cassation en rappelant que “l’existence d’une salle d’audience du ministère de la Justice située à l’intérieur du centre de rétention du ministère de l’Intérieur portait atteinte aux principes fondant le droit à un procès équitable (publicité des débats, indépendance et impartialité de la juridiction) protégés par l’article 6 de la CEsDH”.
26Comme la loi Besson nous le rappelle tristement, ce principe reste fragile : le rapport remis par la commission Mazeaud en juin 2008 propose, au titre de l’amélioration du contentieux du droit des étrangers, de “vaincre les réticences des magistrats à tenir des audiences ailleurs que dans l’enceinte ordinaire du tribunal” (Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, rapport sous la direction de P. MAZEAUD, remis au ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, La Documentation française, Collection des rapports officiels, Paris, 2008, p. 92.) Regrettant que la décision de la Cour de cassation ait “tenu en échec” la volonté du législateur, la commission Mazeaud estime que, “dès lors que les salles d’audience sont conformes aux exigences légales, reconnues suffisantes par le Conseil constitutionnel, il est anormal qu’elles ne soient pas utilisées”. Elle prend à ce titre appui sur une photographie de la salle d’audience de la zone d’attente de Roissy pour affirmer que “les caractéristiques fonctionnelles et esthétiques des ces salles d’audience ne feraient nullement injure à l’idée de justice indépendante, impartiale et équitable. Serait ainsi mis fin à une singularité française qui tient aux mentalités et non au droit”.
27La loi Besson reprend à son compte les conclusions du rapport Mazeaud. Si la délocalisation des audiences administratives a été acceptée par l’Assemblée nationale, la loi qui peut encore être rejetée au Sénat, suscite l’indignation des magistrats administratifs compte tenu du caractère exorbitant de ses conséquences pratiques. La pétition qui a été lancée par le Syndicat de justice administrative (SJA) rappelle la nécessaire solennité des lieux de justice : “La justice doit être rendue dans un lieu dédié et solennel, seul à même d’assurer des débats sereins et pacifiés mais également l’autorité du juge. Il s’agit-là d’une garantie essentielle pour tout justiciable. Par ailleurs, le juge administratif siégeant en tenue civile, le lieu de justice revêt une dimension d’autant plus symbolique pour les parties.” Les magistrats sont également inquiets pour leur indépendance car : “Une telle mesure expose en outre le juge aux pressions administratives et porte gravement atteinte à son indépendance et au principe de publicité des audiences.” Enfin, les magistrats attirent l’attention sur les fausses économies de cette mesure : “L’application de cette mesure impliquerait la construction sur tout le territoire de locaux distincts susceptibles d’être investis par le juge administratif. Ces locaux devraient être entièrement équipés pour permettre au juge administratif de rendre sa décision (matériel informatique, connexion internet, documentation…). Plusieurs agents de greffe devraient y être affectés en permanence pour faciliter le traitement administratif des dossiers. Enfin, pour rendre possible le déplacement des magistrats, il faudrait doter les juridictions d’un parc automobile dont elles sont à l’heure actuelle dépourvues. Dans le contexte économique actuel, ce vaste programme d’investissement est inenvisageable et serait en tout état de cause plus onéreux que le système actuel. Enfin, le temps passé dans les déplacements empêchera les magistrats de traiter d’autres dossiers et les délais moyens de jugement dans les matières autres que le contentieux des étrangers seront nécessairement augmentés.”
28Que la sagesse des sénateurs l’emporte sur l’hystérie légale qui s’abat contre les étrangers. Autrement, les magistrats français devront avoir le courage d’exercer leur contre-pouvoir. A défaut, il faudra considérer que la France est démunie de protection judiciaire et nous devrons alors nous tourner vers les juridictions européennes dans l’espoir que la France respectera les décisions qui seront alors rendues. Ce qui est malheureusement douteux compte tenu des atermoiements abusifs que la Cour de cassation a imposés en ce qui concerne le régime de la garde à vue.
B – L’expérimentation de l’oralité absolue devant le juge de la reconduite et la flexibilisation du respect du débat contradictoire
29Le 31 décembre 2008, une circulaire du Ministre de l’immigration (NOR : IMIM0800050C) a mis en place un dispositif expérimental de “pôles interservices éloignement” dans quatre départements, dont celui de la Haute-Garonne et au bénéfice de toutes les préfectures plaçant en rétention un étranger en situation irrégulière dans quatre centres de rétention, dont celui de Cornebarrieu.
30Le but de cette expérimentation étant de permettre, entre autres, la représentation systématique de l’Etat devant le Tribunal administratif (cf. page 8 du Bulletin officiel du Ministère de l’immigration) à l’occasion des contestations des mesures d’éloignement et plus particulièrement des audiences organisées contre les APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) et les OQTF (obligation de quitter le territoire français) lorsqu’un étranger est placé en rétention, qui sont confiées à un juge délégué par le Président du Tribunal qui doit statuer dans les 72 heures de sa saisine. Il s’agit donc de procédures d’urgence. Effectivement, l’une des critiques du rapport Mazeaud sur l’inefficacité des mesures d’éloignement reposait sur l’absence quasi systématique de l’administration à l’occasion de ce type de procédures.
31Il est évident que l’initiative de ces audiences appartient exclusivement à l’étranger frappé par une mesure d’éloignement du territoire français (APRF ou OQTF). L’étranger, pour saisir le Tribunal, est tenu d’adresser une requête écrite, qui certes peut être sommaire, mais qui doit être en pratique suffisamment motivée pour que l’étranger ait une chance de convaincre le juge de l’illégalité de la mesure.
32La circulaire indique que les préfectures externes à la Haute-Garonne sont tenues d’adresser un mémoire écrit en défense et l’ensemble du dossier, et qu’un agent de la préfecture de la Haute-Garonne aura la charge de soutenir le mémoire en défense à l’oral. Auparavant, la préfecture de la Haute-Garonne communiquait systématiquement un mémoire en défense accompagné des pièces à l’appui de celui-ci, et ne venait pas aux audiences. Depuis la mise en œuvre de l’expérimentation, des agents de la Préfecture font acte de présence pour soutenir les mémoires écrits que les préfectures “externes” à Toulouse adressent, mais le Préfet de la Haute-Garonne n’écrit plus aucun mémoire. Ses agents, alléguant la surcharge de travail que la circulaire du 30 décembre 2008 leur impose, se contentent de communiquer des pièces et développent leur argumentation à l’oral lors de l’audience, ce qui rend impossible la préparation d’une défense normale puisque l’avocat découvre à l’audience l’argumentation du Préfet.
33Les magistrats ont dû s’accommoder de cette expérimentation. Cette façon de procéder les contraint désormais à travailler plus puisqu’ils doivent prendre note de l’argumentation compte tenu de l’absence de support écrit.
34Nous avons excipé de la violation du principe du contradictoire et de l’absence d’égalité des armes. Toutefois, dans la mesure où l’article R.776-13 du Code de justice administrative dispose que les parties peuvent présenter des observations orales, notre argumentation a été systématiquement rejetée.
35Nous pourrions nous “amuser” nous aussi à n’adresser qu’une requête sommaire pour ensuite développer toute notre argumentation à l’oral. Mais nous savons que cela irait à l’encontre des intérêts de nos clients, puisque le taux d’annulation devant le TA des APRF est très faible. En effet, le droit administratif de l’éloignement est tellement compliqué, que sans une trace écrite de ce que nous avons soutenu, nous n’aurions aucune chance de réussir à faire juger illégales le peu de mesures qui le sont.
C – Petits arrangements avec le respect du procès équitable devant la Cour nationale du droit d’asile
36Si le sort du rapporteur public devant les Tribunaux administratifs et les Cours administratives d’appel a été réglé par la CEDH par ses arrêts Kress c. France du 7 juin 2001 et Martinie du 12 avril 2006 qui ont mis un coup d’arrêt à la présence des “commissaires du gouvernement” au délibéré dans les juridictions pour méconnaissance des exigences du procès équitable, le statut du rapporteur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est pour le moins ambigu.
37En effet, selon la jurisprudence de la CEDH :
38“85. De l’avis de la Cour, l’avantage pour la formation de jugement de cette assistance purement technique est à mettre en balance avec l’intérêt supérieur du justiciable, qui doit avoir la garantie que le commissaire du gouvernement ne puisse pas, par sa présence, exercer une certaine influence sur l’issue du délibéré. Tel n’est pas le cas dans le système français actuel.
3986. La Cour se trouve confortée dans cette approche par le fait qu’à la CJCE, l’avocat général, dont l’institution s’est étroitement inspirée de celle du commissaire du gouvernement, n’assiste pas aux délibérés, en vertu de l’article 27 du règlement de la CJCE.
4087. En conclusion, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention, du fait de la participation du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement”.
41Dans le point 81, la CEDH expose la théorie des apparences (justice must be seen to be done) de la façon suivante :
Enfin, la théorie des apparences doit aussi entrer en jeu : en s’exprimant publiquement sur le rejet ou l’acceptation des moyens présentés par l’une des parties, le commissaire du gouvernement pourrait être légitimement considéré par les parties comme prenant fait et cause pour l’une d’entre elles.
Pour la Cour, un justiciable non rompu aux arcanes de la justice administrative peut assez naturellement avoir tendance à considérer comme un adversaire un commissaire du gouvernement qui se prononce pour le rejet de son pourvoi. A l’inverse, il est vrai, un justiciable qui verrait sa thèse appuyée par le commissaire le percevrait comme son allié.
La Cour conçoit en outre qu’un plaideur puisse éprouver un sentiment d’inégalité si, après avoir entendu les conclusions du commissaire dans un sens défavorable à sa thèse à l’issue de l’audience publique, il le voit se retirer avec les juges de la formation de jugement afin d’assister au délibéré dans le secret de la chambre du conseil (voir, mutatis mutandis, arrêt Delcourt précité, pp. 16-17, § 30).
42Le commissaire du gouvernement ne prend donc plus part au délibéré devant les tribunaux et les cours depuis la publication d’un décret du 1er août 2006, et depuis un décret du 7 janvier 2009 (cf. article R.711-3 du Code de justice administrative), le sens des conclusions du rapporteur est mis en ligne avant l’audience, les avocats pouvant également, devant certaines juridictions dont celles de Toulouse et Bordeaux, répliquer aux conclusions du rapporteur lors de l’audience et avant que la juridiction ne délibère.
43Cette avancée dans le respect du débat contradictoire et de l’impartialité de la juridiction, est menacée par un amendement qui est en train d’être débattu devant le Sénat à l’occasion de l’examen de la loi dite de simplification et amélioration du droit (décidément…).
44Dans ce contexte de remise en question de l’intervention du rapporteur public devant les juridictions administratives, l’on peut s’interroger sur le respect du procès équitable par le rapporteur de l’OFPRA devant la CNDA, et ce compte tenu de son statut.
45En effet, le rapporteur n’est pas un magistrat, il fait normalement partie du personnel de la Cour bien qu’il puisse également faire l’objet d’un recrutement extérieur (cf. art. R.733-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) et aux termes de l’article R.733-17 du Code de l’entrée, du séjour et du droit d’asile, implicitement, il participe au délibéré bien qu’il n’ait pas de voix délibérative, comme c’était le cas du commissaire du gouvernement.
46Ce d’autant plus que systématiquement, et en violation de l’article 14.2 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative aux normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié aux termes duquel :
2. Les États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès en temps voulu au rapport sur l’entretien personnel. Lorsque cet accès n’est accordé qu’après la décision de l’autorité responsable de la détermination, les États membres veillent à ce que les demandeurs puissent avoir accès au rapport suffisamment tôt pour leur permettre de préparer et d’introduire un recours dans les délais.
47l’OFPRA omet de communiquer au demandeur d’asile débouté, l’intégralité du compte rendu de l’entretien qu’il a eu avec l’Officier de protection chargé d’évaluer sa demande d’asile et qui fonde le rejet de sa demande. L’OFPRA omet tout aussi systématiquement de communiquer les rapports de son centre de recherches lorsqu’elle se fonde sur ses conclusions pour rejeter une demande d’asile.
48Le demandeur d’asile est ainsi muni d’une décision de rejet qui est souvent stéréotypée et qui ne lui permet pas, à sa simple lecture, déterminer les raisons pour laquelle sa demande a été rejetée. Toutefois, il est tenu de formuler un recours qui doit être réceptionné par la CNDA dans le mois de la notification de la décision de rejet. Il doit ainsi imaginer quels sont les véritables raisons qui ont conduit l’OFPRA a rejeter sa demande et nécessairement la qualité de son recours s’en ressent. Or, environ 20 % des recours font l’objet de rejets par ordonnance de tri (cf. article L.733-2 du CESEDA) insusceptibles de recours puisque la CNDA statue en premier et dernier ressort. Se pose alors de façon aiguë le respect du procès équitable, et plus particulièrement du recours effectif, compte tenu de l’absence totale de second degré de juridiction pour des décisions qui sont lourdes de conséquences au regard du droit d’asile.
49Il n’est pas inutile de rappeler que la France a été condamnée par la CEDH au visa de l’article 6 dans un arrêt du 18 février 2010 (Affaire Baccichetti c. France – requête 22584/06) dans une procédure disciplinaire pour absence de communication d’une pièce défavorable au requérant dont le conseil national de l’ordre des médecins avait pris connaissance avant de rendre sa décision, de sorte que la Cour n’avait pas été assurée que ce document n’ait pas eu d’incidence sur l’issue du litige.
50Enfin, dire que la France assure aux demandeurs d’asile l’assistance d’un avocat devant la CNDA au titre de l’aide juridictionnelle est un abus de langage. En effet, les avocats ne sont indemnisés en tout et pour tout qu’à hauteur d’environ 180 euros, et ce malgré les heures d’instruction qu’un dossier d’asile requiert, malgré des audiences qui durent parfois plus d’une heure, du temps de déplacement des avocats qui assistent des demandeurs de province puisque la CNDA est la seule juridiction pour le droit d’asile. Qui plus est, le bénéfice de l’aide juridictionnelle est exclusif de tout honoraire. Personnellement, je ne peux accepter d’intervenir au titre de l’aide juridictionnelle, c’est indécent. Ce d’autant que le demandeur d’asile ne bénéficie pas de l’accès gratuit à l’expertise médicale ni à l’interprétariat préalable à l’audience devant la CNDA.
51Force est donc de constater que, du début à la fin de l’instruction de sa demande d’asile, le droit au procès équitable des demandeurs d’asile en France est piétiné.
Auteur
Avocate au Barreau de Toulouse
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