Le cultuel et le culturel au regard de la loi de 1905
p. 83-126
Texte intégral
1Qu’il s’agisse des crèches de Noël, de statues comme celle de Jean-Paul II, ou de celle d’une Vierge dans un parc municipal de Haute-Savoie, ou encore de ports de charlottes ou de barbe au sein de services publics, il semble parfois qu’entre cultuel et culturel, une seule lettre suffise à faire vaciller la laïcité, et par là même, la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
2Cela relève d’ailleurs d’une question sociologique1, car il est difficile de définir, a priori, l’un et l’autre termes, qui d’un point de vue étymologique ont la même origine : le verbe latin colo, « cultiver, soigner »2. Cultus, a pris le sens d’« action de pratiquer une chose » ; cultura au figuré a signifié « culture de l’esprit », mais les deux mots sont intrinsèquement imbriqués3. D’évidence, le patrimoine culturel s’est nourri du patrimoine religieux4 : de la statue de Zeus à Olympie à la chapelle Sixtine, le sacré a inspiré l’art, et les deux ont longtemps et souvent été étroitement associés.
3Néanmoins, en France en tout cas, depuis la loi de Séparation, il convient de distinguer clairement le sacré et le profane, le spirituel et le temporel, le cultuel et le culturel, et de déterminer leurs périmètres respectifs.
4Le terme culturel peut s’entendre dans un sens large comme tout ce qui relève d’une langue, d’une œuvre d’art, etc. Mais il est aussi possible d’entendre par culture l’ensemble des réponses institutionnalisées qu’un groupe se crée, afin de faire face aux grandes questions de l’existence. Ces réponses se traduisent alors par des attitudes et des gestes de la vie quotidienne5. La culture peut donc inclure l’ensemble des structures ou manifestations sociales, intellectuelles, artistiques, qui caractérisent une société.
5Quant au culte, dans une acception large, il se rapporte à tout ce qui relève du religieux. Mais le culte peut aussi se rattacher à ce qui concerne les rites, la pratique d’une croyance. Duguit a d’ailleurs essayé d’en donner une définition juridique, et pour lui, une religion est un fait individuel et un fait social ; elle est composée de deux éléments indissociables : d’abord « la croyance à une force surnaturelle et invisible, à une âme des choses (…), à une force mystérieuse qui exerce une action sur la vie de l’Homme, sur le monde visible » ; ensuite le rite ou le culte, qui va reposer sur cette croyance, et codifier certaines pratiques, permettant à l’Homme d’entrer « en communication avec la force invisible », et « d’établir une relation entre lui et la puissance surnaturelle à laquelle il croit »6. Pour être en présence d’une religion, selon Duguit, il faut un élément subjectif, la foi, la croyance, et un élément objectif, l’existence de fidèles, d’une communauté de croyants liés par des rites. Seul le culte bénéficie alors d’un statut juridique et surtout bénéficie de la liberté afférente ; c’est cet élément objectif seul qui permet de trancher. Cette définition de la religion est directement inspirée de celle donnée par Durkheim dans Les formes élémentaires de la vie religieuse, pour qui » on procède comme si la religion formait une sorte d’entité indivisible, alors qu’elle est un tout formé de parties ; c’est un système plus ou moins complexe de mythes, de dogmes, de rites, de cérémonies ». Or, disait-il, « un tout ne peut être défini que par rapport aux parties qui le forment. Il est donc plus méthodique de chercher à caractériser les phénomènes élémentaires dont toute religion résulte, avant le système produit par leur union »7. Les notions de « mythes » et de « dogmes » renvoient clairement à celles, subjectives selon Duguit, de la foi et de la croyance. Les « rites » et les « cérémonies » renvoient quant à eux à une notion plus objective, celle des manifestations de la foi, donc à une pratique donnée. Aussi, Durkheim proposait-il la définition suivante de la religion : « Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent. Le second élément qui prend ainsi place dans notre définition n’est pas moins essentiel que le premier ; car, en montrant que l’idée de religion est inséparable de l’idée d’Église, il fait pressentir que la religion doit être une chose éminemment collective »8.
6Dès lors, on constate rapidement que les deux notions ont non seulement des répercussions juridiques, mais sont aussi, en quelque sorte, au cœur des libertés de religion, mais aussi de la séparation entre le spirituel et le temporel9.
7Pour autant, se pose immédiatement la question de savoir si le cultuel n’est qu’une composante du culturel. Faut-il alors les dissocier ou les associer ? Le cultuel peut-il basculer dans le culturel et inversement ? Quand J. Duffar demandait : « Le cultuel ne serait-il donc qu’une catégorie du culturel ?»10, il posait la question fondamentale de la préséance, celle de savoir qui du culturel ou du cultuel inclut l’autre.
8Sur le plan international, on remarque que les deux sont mêlés : ainsi, l’article IV-5 de la Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale de l’UNESCO, du 4 novembre 1966, confie comme mission à la Coopération culturelle internationale le soin « d’améliorer, dans toutes les parties du monde, les conditions de la vie spirituelle de l’homme et de son existence matérielle ». De même, la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle du 2 novembre 2001« réaffirm[e] que la culture doit être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu’elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Dès lors, les croyances religieuses, ou en tout cas spirituelles, seraient des éléments culturels.
9De même, le droit de l’Union européenne, et l’article 3 du Traité sur l’Union européenne, parle de « patrimoine culturel européen ». Le titre XIII du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est quant à lui relatif à la culture, et précise que « l’Union contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun ». L’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union mentionne enfin que « l’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique ».
10Pour autant en France, avec la loi de Séparation, la répartition entre les deux notions est censée se faire clairement, et sans doute de façon rigide : la distinction est importante car en dépend une certaine idée de la société, et la place que doit y occuper le fait religieux. S’il ne s’agit que d’un fait social parmi d’autres, alors son régime juridique devrait en principe être identique aux diverses activités culturelles, sportives, etc., notamment en termes de financements, de manifestations, d’extériorisations. Or, un certain nombre de biens, d’activités, peuvent revêtir à la fois une dimension cultuelle et culturelle. C’est lorsqu’il y a imbrication que les difficultés ressurgissent.
11Le problème est donc double : ainsi que le relevait L. de Naurois, au titre de l’affectation cultuelle des églises, il s’agit de « conserver à l’église son caractère d’édifice du culte, et au ministre du culte l’autorité exclusive qui lui est nécessaire à l’intérieur de “son” église et qui lui est, de droit commun, reconnue par le droit ». C’est bien une question de liberté de religion et de libre exercice des cultes qui se pose. Mais, soulignait l’auteur, l’affectation culturelle a également des exigences spécifiques : « Il s’agit de la sauvegarde et de la mise en valeur d’un patrimoine artistique ; pour les assurer, il faut laisser les mains libres à la commune, propriétaire et responsable de ce patrimoine, avec les charges financières que cela comporte »11. Comment alors concilier les deux alors même qu’il faut pour cela d’abord les dissocier ?
12Il peut être tentant de tempérer la dimension religieuse de certains signes, symboles, ou de manifestations religieuses, en les connotant culturellement, voire en les laïcisant. Cela aurait pour conséquence de leur donner davantage de visibilité, mais aussi de considération, voire à leur conférer une reconnaissance institutionnelle.
13Néanmoins, cette tendance peut également avoir un effet pervers, car en laïcisant, en « dé-cultualisant » un signe, un bien, une activité, cela a pour effet de lui faire perdre de sa dimension religieuse. Dit autrement, cela conduit à changer le sens d’un signe, d’un symbole, ou d’une manifestation, sens auquel sont normalement attachés les croyants.
14A l’inverse, il peut être délicat de dissocier totalement le cultuel du culturel : une certaine répétition de rites, de traditions religieuses, font partie d’une culture, et les renier définitivement pourrait conduire à un certain appauvrissement, voire à une dénaturation de la réalité.
15En somme, les deux postures ne sont pas neutres, et sont surtout lourdes de conséquences sur le plan juridique, puisque l’une et l’autre vont correspondre à un régime distinct, entraînant des financements ou non, une reconnaissance ou non, etc. Pour autant, les solutions se trouvent sans doute, en tout cas en partie, dans la loi de 1905 et dans son esprit. On constate alors que le législateur avait prévu une distinction claire entre le cultuel et le culturel, notamment afin de protéger le premier (I). Il apparaît également que bon nombre d’interrogations actuelles en la matière trouvent des réponses dans la loi. Cependant, la frontière entre les deux notions est extrêmement ténue, et de plus en plus de confusions sont parfois faites, entraînant des artifices juridiques (II).
I. Une distinction initialement pensée comme protectrice
16Lors des débats sur la loi de 1905, le législateur s’était efforcé de distinguer clairement le culturel et le cultuel, afin de respecter et de préserver l’un et l’autre, mais aussi de les soumettre à des règles bien différentes. En somme, il s’agissait d’appliquer le principe de séparation : de même que le temporel n’a plus à interférer dans le spirituel, inversement, le cultuel ne peut plus se confondre avec le culturel (A). Il n’est alors, en principe, pas envisageable de déclasser le cultuel, en le faisant basculer dans le culturel, chaque ordre est finalement défini et protégé (B).
A. Une distinction nette dans l’esprit de la loi de 1905
17Le principe de laïcité prescrit, à travers la séparation, l’absence de distinction entre les différentes croyances, entre les différents cultes, ainsi qu’entre sectes et religions, dans la mesure où il implique l’égalité devant la loi sans considération de religion, et le respect de toutes les croyances (qu’il s’agisse de religions traditionnelles, des nouveaux cultes, de l’agnosticisme, de l’athéisme, etc.). Pourtant, il n’est pas rare que le juge finisse par vouloir définir implicitement ce qu’on entend par culte, par religion, donc également ce qui relève ou non du cultuel. Aussi, selon qu’un signe par exemple, un bâtiment, une activité ou une association seront considérés ou non comme étant cultuels, le régime juridique applicable sera différent. De cela dépendra, pour le signe, son apposition éventuelle par les personnes publiques (1) ; pour les activités des associations, cela conditionnera un statut, et la possibilité ou non de bénéficier de financements publics (2).
1) Une distinction cruciale pour les signes religieux
18On trouve tout d’abord la distinction au sujet des signes et des emblèmes religieux apposés sur les bâtiments publics : en principe, et selon la loi, que ceux-ci soient affectés aux divers services publics ou à d’autres usages - ils sont interdits12.
19De façon plus générale, la loi du 9 décembre 1905, en son article 28, « interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ».
20Dans son Rapport, Briand précisait que l’interdiction a le même but que les autres articles de la loi, c’est-à-dire réaliser la neutralité stricte de la part ou à l’égard des associations cultuelles. Il précisait d’ailleurs, et cette précision est de taille : « Les emblèmes religieux déjà élevés ou apposés demeurent et sont régis par la législation actuelle. L’article ne dispose que pour l’avenir »13.
21La loi souhaitait respecter le passé, et l’interdiction ne pouvait valoir que pour la postérité. Donc le législateur entendait clairement préserver ce qui relevait du culturel, ou comme le précisait Briand, avait « quelque souci des choses de l’art ». Aussi, les emblèmes existants étaient laissés, ce qui impliquait également le « droit de les réparer pour les tenir en bon état »14. Pour l’avenir, il ne pouvait en aller qu’autrement, il n’était pas question d’exposer au regard des citoyens, qui « peuvent ne pas partager [les croyances catholiques], des objets exaltant » une foi et symbolisant une religion. L’esprit de la loi démontrait alors un fort libéralisme et un souci de protéger à la fois le cultuel, le culturel, et les droits des citoyens, qu’ils soient croyants ou non.
22Trois remarques peuvent alors être formulées : tout d’abord la loi de 1905 ne se prétendait pas rétroactive et c’est une question de logique juridique évidente qu’il est utile de rappeler, toujours. Ensuite, en préservant les « emblèmes religieux déjà élevés ou apposés », Briand, incidemment, signifie qu’il les intègre dans le patrimoine national, ce qui revient à inclure le cultuel dans le culturel15. Mais, enfin, la réponse de Briand précise que le cultuel, s’il est bien « une catégorie du culturel » n’en est plus désormais, à compter de la loi de Séparation, qu’un des composants parmi d’autres car la culture laïque peut s’ouvrir à d’autres catégories. La question est toutefois que la loi formulait une interdiction qui ne pouvait - mais devait- valoir pour la postérité (ce que négligent parfois les tenants de la laïcité ouverte qui voient dans la culture un élargissement à plusieurs cultes).
23Briand précisait d’ailleurs que « s’il est bon que soient sauvegardés des objets d’art qui constituent un embellissement de notre pays, qui ont aux yeux de ses habitants une valeur de sentiment ou marquent, comme les calvaires en Bretagne, le pittoresque d’une région », il serait en revanche dangereux pour la paix publique de « permettre aux conseils municipaux de se servir des places et des rues de nos villes et de nos villages pour affirmer leurs convictions religieuses sous l’aspect d’emblèmes ou de signes symboliques ». Il ajoutait : « Dans notre société moderne l’art peut heureusement se manifester sous d’autres formes que la forme religieuse (…). Les artistes du passé qui ont marqué des statues ou des objets d’art quelconques de l’empreinte religieuse méritent d’être respectés dans leurs œuvres ». Mais à l’avenir, si quelqu’un souhaite élever un édifice « ayant un caractère artistique avec tous ces symboles religieux », il peut le faire chez lui, ou sur sa maison16.
24Les débats furent vifs sur la question, notamment lorsque plusieurs députés, dont E. Aynard et J. Auffray17 demandèrent s’il serait alors possible d’ériger des statues de religieux, comme Monseigneur Affre18. Jules Auffray interrogeait également s’il serait possible « d’élever une statue à Jeanne d’Arc sans la saluer dans ce qu’elle a été et sans reconnaître par un signe ou un emblème quelconque que Jeanne d’Arc a été, le temps le voulait, une chrétienne et une catholique »19. Il soulignait en effet qu’il est « impossible de faire une statue de Jeanne d’Arc sans y mettre des signes ou des emblèmes religieux ».
25A. Briand précisa alors que par les termes emblèmes et signes religieux, il s’agit de désigner des « objets qui ont un caractère nettement symbolique, qui ont été érigés moins pour rappeler des actions d’éclat accomplis par les personnes qu’ils représentent que dans un but de manifestation religieuse. On peut honorer un grand homme, même s’il est devenu un saint, sans glorifier spécialement la partie de son existence qui l’a désigné à la béatification de l’Église (…) Une commune pourra toujours honorer la mémoire d’un de ses enfants en lui érigeant une statue sans donner à ce monument le caractère marqué d’une manifestation religieuse »20. Dès lors, il indiquait que l’interdiction porte sur des emblèmes et signes « extérieurs ayant un caractère spécial, c’est-à-dire destinés à symboliser, à mettre en valeur une religion », en somme, « des objets qui ont un caractère nettement symbolique, qui ont été érigés moins pour rappeler des actions d’éclat accomplies par les personnages qu’ils représentent que dans un but de manifestation religieuse »21.
26On le voit, dans l’esprit du législateur, il était clairement distingué entre le culturel et le cultuel, et rien n’empêchait de commémorer un homme pour ses œuvres politiques, sociales, culturelles ou locales, quand bien même il aurait été un religieux. Même si cela est délicat, il semble alors nécessaire de dissocier les différentes actions d’un même personnage, sans pour autant nier ce qu’il a été dans l’ensemble de sa vie22.
27Ainsi, la question s’était posée au sujet d’une commune qui avait pu placer dans un lieu public un buste représentant un cardinal archevêque de la ville, au motif qu’il avait été une personnalité locale23.
28Dans le même sens, fin 2006, la commune de Ploërmel avait provoqué la controverse en érigeant une statue de 7,5 mètres de haut de Jean-Paul II, entre un collège et une école, qui était surmontée d’une croix monumentale. Le Conseil d’État estima que si l’arche surplombant la statue ne pouvait, en elle-même, être regardée comme un signe ou un emblème religieux, il en allait différemment de la croix, « eu égard à ses caractéristiques ». En clair, le juge demanda à la commune de retirer la croix, en revanche, la statue du pape seul pouvait être maintenue24.
29Inversement, pendant les débats, il fut avancé que certains signes connotés religieusement pourraient être maintenus en raison de leur caractère culturel. En somme, il fut tenté de déconnoter, de dé‑cultualiser notamment les croix.
30Ainsi, certains députés, comme A. Lefas25, voulurent justifier leur place dans les cimetières, en avançant qu’elles se rattachaient moins à un ou plusieurs cultes déterminés qu’au « symbole dans notre civilisation, du culte des morts », donc qu’à « l’expression du sentiment religieux en général ». En somme, il était avancé que la croix pouvait perdre sa signification religieuse pour représenter plus largement la mort, et donc commémorer les morts.
31Il fut alors reproché, par P. Constans26, la volonté de nier le caractère religieux de la croix, ce dernier argumentant d’ailleurs que cela revenait à être « en opposition absolue avec les sentiments religieux eux-mêmes ; personne ne croira que la croix n’est pas un symbole religieux »27.
32Ce point sera revu ultérieurement, notamment au sujet des crèches : certes il peut être délicat de dissocier par moments le cultuel et le culturel, et il revient alors nécessairement au juge d’interpréter le signe dont il est question, et de préciser si celui-ci est religieux ou non28. En effet, il est tout à fait possible de déterminer la signification d’un signe ou d’un symbole, notamment par une analyse sémiotique29. Il ne s’agirait alors en aucun cas de porter une appréciation sur le contenu de la croyance, sa véracité, ou de juger si le rite est bien respecté.
33Mais il importe de déjouer la tentative, parfois fallacieuse, de dénaturer un signe, de changer sa signification pour en permettre le maintien ou l’extériorisation.
34On le voit, la distinction entre cultuel et culturel n’est pas aisée au sujet des signes et emblèmes : au-delà du symbolique, elle a des conséquences juridiques. Il en est de même pour les bâtiments ou activités : selon la qualification retenue, ils pourront, ou non, bénéficier de financements publics. Surtout, elle est fondamentale pour les associations cultuelles.
2) Une distinction fondamentale pour les activités des associations cultuelles
35La notion de ce qui est cultuel se définit notamment par les activités exercées. En effet, les associations cultuelles, chargées de subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice du culte, doivent, pour bénéficier de ce statut prévu par la loi de 1905, avoir « exclusivement pour objet l’exercice d’un culte »30. Dès lors, il revient à l’Administration de vérifier la réalité du caractère cultuel, et le rapport entre l’association et les autorités officielles du culte dont elle se réclame31.
36L’objet social de l’association, qui est pris en considération, est déterminé par l’article 19 de la loi de 1905, mais aussi par les statuts de l’association. L’idée était évidemment d’empêcher quelques militants parmi les fidèles de vouloir exercer des rôles politiques ou sociaux sous couvert de communautés religieuses ; de nombreuses précautions avaient ainsi été prises en 1905 pour séparer clairement le spirituel du temporel. Les juges ont alors estimé que l’adverbe « exclusivement » ne faisait pas obstacle à ce que l’association assume aussi des fonctions de bienfaisance et d’assistance pour des fidèles dans le besoin32.
37En revanche, la participation éventuelle à des exercices cultuels n’est pas suffisante pour justifier la reconnaissance de l’association qui aurait une activité principale totalement différente. Ce fut notamment le cas pour de nombreuses associations qui avaient des fonctions d’édition, de publication, ou qui cherchaient encore à « guérir en soutenant la vérité »33.
38C’est ainsi par exemple que l’Association internationale pour la conscience de Krisna fut considérée comme un culte34, mais tel ne fut pas le cas de l’Union des athées, qui regroupe « ceux qui considèrent Dieu comme un mythe », dans la mesure où l’association n’entend pas subvenir aux frais et à l’entretien ou à l’exercice public d’un culte, ni rendre hommage à une divinité selon certains rites35.
39Très souvent, la jurisprudence a concerné des associations qui se confondent avec des sectes, comme par exemple les Témoins de Jéhovah36 (bien que la ligne de démarcation entre secte et religion ne soit pas chose aisée), et il apparaît finalement qu’en la matière, se dégage une certaine ligne jurisprudentielle. Il est clair que la loi de 1905 ne s’applique pas qu’aux seuls cultes « couramment pratiqués » ou qui étaient anciennement reconnus ; comme le soulignait le commissaire du gouvernement Delon, elle a un « caractère permanent et s’applique (…) aux nouveaux cultes introduits en France, fussent-ils de création récente ». Il ne peut alors y avoir de prédisposition favorable ou non selon l’ancienneté ou la réputation du candidat au statut d’association cultuelle. Il n’est guère contesté non plus le fait que les Témoins de Jéhovah pratiquent un culte : ils se réunissent sous la présidence d’un ancien ou d’un prédicateur, prient, célèbrent mariages et baptêmes, et commémorent la mort du Christ. Il s’agit bien d’un culte, mais le but de leur association est-il exclusivement cultuel ? Certes, il ne faut pas se limiter à observer la forme que prend l’association, et en l’occurrence dans l’affaire de 1985 il fut d’abord relevé que les Témoins de Jéhovah procédaient à la diffusion de deux brochures bimensuelles dont le tirage atteignait les 100 000 exemplaires chacune, ainsi que de tracts et divers ouvrages. Par ailleurs, les statuts précisaient que l’association contribuait à la diffusion publique de croyances bibliques, par tous moyens, tels que des cercles d’études, des séminaires, conférences, etc. Ces statuts furent ensuite modifiés, et la mention des activités d’édition et de diffusion de publications fut ôtée. Selon le texte, elle se consacrait uniquement à l’exercice du culte37.
40Néanmoins, le Conseil d’État estima que les activités menées par l’association chrétienne « Les Témoins de Jéhovah de France », sur la base des stipulations de ses statuts en vigueur à la date du décret attaqué, « ne confèrent pas dans leur ensemble, à l’Association, en raison de l’objet ou de la nature de certaines d’entre elles, le caractère d’une association cultuelle au sens de la loi du 9 décembre 1905 ». Il s’agissait alors ici d’une interprétation stricte de l’article 19 de la loi de 1905 (sans pour autant préciser quelles étaient les activités en cause), mais des auteurs se demandèrent s’il s’agissait bien de l’esprit de la loi. L’arrêt fut vivement critiqué, J. Robert le qualifiant même d’« inquiétant », notamment par le fait qu’il dissociait l’activité cultuelle des activités sportives, culturelles ou artistiques. Néanmoins, si le prosélytisme ou la construction d’édifices peuvent évidemment constituer des éléments composant l’exercice du culte, ou son accessoire, il en est différemment des activités sportives ou sociales.
41Par le terme « exclusivement », le législateur souhaitait se protéger contre les débordements des associations dans le domaine des convictions autres que religieuses et surtout politiques. Il s’agissait en réalité de bien dissocier le spirituel et le temporel pour faire en sorte qu’une association cultuelle se préoccupe effectivement de garantir un culte, et s’y tienne strictement.
42Le Conseil d’État a ensuite pu préciser les conditions devant être remplies afin de bénéficier du statut d’association cultuelle. Ainsi, dans un avis de 198938, le Conseil eut à se prononcer sur la question de savoir si la qualification d’association cultuelle était conditionnée à une activité principale cultuelle à l’exception de toute autre, par exemple de caractère social ou culturel. Il fut considéré qu’« aucun groupement, quel que soit son objet, ne dispose du droit de choisir arbitrairement le régime juridique qui lui est applicable, alors même que le statut dont il revendique l’application relève d’une simple déclaration à l’autorité administrative ».
43Dès lors, si un groupement religieux constitué sous forme d’association revendique le statut d’association cultuelle, il doit nécessairement, et c’est la lettre de l’article 19 de la loi de 1905, mener des activités ayant « exclusivement pour objet l’exercice d’un culte », telles l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte. C’était d’ailleurs bien là l’esprit des républicains en 1905, pour qui les mots « exercice d’un culte » comprenaient implicitement tous ces éléments39.
44Il faut ainsi qu’existe un culte, et que l’objet de l’association soit exclusivement constitué d’activités cultuelles (comme exemples de refus, on trouve la publication et la diffusion doctrinales40 ; ailleurs, telle association s’occupait de la promotion de la vie spirituelle, de l’éducation, de la vie sociale et culturelle de la communauté41 ; ou encore telle autre avait des activités culturelles et artistiques42).
45Un avis de 1997 fit écho au précédent de 1989, estimant qu’au regard des articles 18 et 19 de la loi de 1905, les associations revendiquant le statut cultuel doivent avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte, c’est-à-dire « la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou certaines pratiques ». Il était aussi précisé que ces associations ne peuvent mener « que des activités en relation avec cet objet telles que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte ».
46Les juges posaient comme principe que « la reconnaissance du caractère cultuel d’une association est donc subordonnée à la constatation de l’existence d’un culte et à la condition que l’exercice de celui-ci soit l’objet exclusif de l’association ». La poursuite d’activités autres serait alors de nature à l’exclure du bénéfice du statut d’association cultuelle, « sauf si ces activités se rattachent directement à l’exercice du culte et présentent un caractère strictement accessoire »43. De la même façon, les activités de l’association ne pourraient porter atteinte à l’ordre public44.
47Ce qui ressort de l’avis de 1997 est que la reconnaissance de la qualité d’association cultuelle est conditionnée par un enjeu social et politique : elle ne doit pas être une secte, ni interférer dans le politique, ce qui permet de donner une définition de ce qu’est le cultuel.
48En tout cas, initialement, si on s’en tient à la lettre de la loi, une distinction nette doit être opérée entre les activités cultuelles, dont l’objet doit être exclusivement consacré au culte, et qui sont les seules à pouvoir bénéficier du statut prévu par la loi, et les associations 1901, qui peuvent seules recevoir des financements publics, à condition de ne pas avoir d’activité cultuelle. Cette séparation est majeure, surtout elle permet de soumettre les biens et les activités à des régimes protecteurs.
B. Une protection du cultuel face au culturel
49La distinction qui s’opère entre les deux notions a pour conséquence de les soumettre à des régimes bien distincts. Dans l’idée de la loi de 1905, il s’agit alors non seulement de respecter le cultuel, mais aussi de le protéger. Aussi, la dissociation doit parfois demeurer stricte, afin de préserver les biens du culte (1), mais aussi leur utilisation (2). De plus, cela permet un certain nombre de financements, au départ déterminés de façon claire.
1) La préservation des biens du culte
50Lors de la Séparation, le législateur s’est trouvé confronté à des biens cultuels d’origines et de situations juridiques différentes, soulevant bon nombre de questions. Il fallait en effet déterminer précisément qui serait propriétaire des édifices cultuels, mais aussi quelles seraient les règles d’usage de ces biens. Tout le problème étant que l’État et les juges, bien que ne devant pas interférer dans les affaires internes de chaque Église, ou dans leur organisation, doivent cependant régler les litiges opposant les fidèles aux desservants, ou les ministres du culte entre eux. Là encore, le législateur, et les juges, judiciaires et administratifs, pacifièrent les situations.
51D’abord les biens antérieurs à la Constitution civile du clergé avaient été déclarés propriété publique : ils le resteront. En effet, le décret du 2 novembre 1789 disposait que « tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation, à la charge de pourvoir, d’une manière convenable, aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres »45.
52Ensuite, le premier alinéa de l’article 12 de la loi de 1905 précise : « Les édifices qui ont été mis à la disposition de la Nation, et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l’exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l’État, des départements et des communes »46.
53La règle est simple : ces édifices ont toujours été la propriété de l’État, aussi, selon la formule de Briand qui sera souvent reprise lors des débats, « le droit de propriété de l’État ou des communes n’est pas créé, il est simplement confirmé »47. Ils seront par conséquent laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations qui les remplaceront. Afin de préciser les règles, il était fait implicitement un renvoi à un avis du Conseil d’État du 2 pluviôse an XIII (22 janvier 1805) par lequel il était décidé que les églises paroissiales sont propriétés des communes48 ; a contrario, les cathédrales sont propriétés de l’État.
54Enfin, se posait la question des biens construits ou acquis par les collectivités publiques entre l’an X et 1905. Ils étaient aussi propriétés publiques49, et le demeurent, ainsi que le précise le second alinéa de l’article 12 de la loi : « Pour ces édifices, comme pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X, dont l’État, les départements et les communes seraient propriétaires, y compris les facultés de théologie protestante, il sera procédé conformément aux dispositions des articles suivants ».
55Par conséquent, tous les édifices antérieurs à la loi de l’an X qui servaient à l’exercice public d’un culte en vertu de cette loi, sont propriétés de l’État, des départements et des communes. Il en est de même pour ceux acquis ou construits par ces mêmes personnes publiques, entre l’an X et 1905.
56Cependant, à l’origine, les associations cultuelles devaient prendre en charge les réparations de toute nature, les frais d’assurance ainsi que les autres charges afférentes aux édifices et aux meubles garnissant. Comme l’Église catholique refusa de se soumettre à la loi, le législateur dut en tirer les conséquences et prévoir que les personnes publiques pourraient prendre en charge ces travaux50.
57Dès lors, les édifices du culte qui appartenaient, à la date de la loi de 1905, à une personne publique, furent grevés d’une affectation cultuelle gratuite, exclusive, et surtout perpétuelle. Enfin, à défaut d’association cultuelle déclarée par les fidèles catholiques et leurs ministres, une loi de 1908 a attribué les édifices non réclamés, et les meubles les garnissant, aux communes sur le territoire desquelles ils étaient situés, avec maintien de l’affectation cultuelle51.
58Or, ce régime d’affectation cultuelle est très protecteur. En effet, l’affectation est gratuite, tant pour la libre disposition de l’église, que pour l’usage des meubles et meublants. L’usage de l’édifice est par conséquent strictement encadré, et doit être conforme aux exigences du culte, qui sont déterminées par le desservant et par la hiérarchie religieuse.
59Le maire a en charge de veiller à la conservation du mobilier et des objets disposés dans les églises, qu’il s’agisse de l’entretien ou de la protection contre les dégradations et les vols. Toutes ces mesures doivent d’abord, et cela est primordial, être compatibles avec l’affectation au culte, mais aussi avec les règles d’organisation du culte, donc finalement elles doivent se faire en accord entre les autorités civiles et religieuses.
60Comme le soulignait d’ailleurs le commissaire du gouvernement Corneille, « il est certain que les églises appartiennent aux communes. Mais si les communes sont propriétaires des églises c’est à la condition expresse que ces édifices resteront consacrés à la célébration du culte catholique »52.
61Le desservant sera lui aussi chargé de protéger les biens affectés au culte, si bien qu’il peut, par exemple, s’opposer à la vente de mobilier cultuel par le maire, ou encore s’opposer aux destructions et aliénations voulues par la commune propriétaire.
62Ainsi, dans l’arrêt Commune de Barran, un maire avait vendu à un antiquaire des stalles du XVème siècle, qui garnissaient une église, et cela afin de trouver les ressources nécessaires à la réparation de l’église. Se référant à la loi de 1907, le Conseil d’État estima que les stalles figuraient parmi les meubles garnissant l’église, et il les déclara grevées d’une affectation qui subsistait tant qu’une désaffectation n’était pas intervenue, si bien que leur maintien dans l’église à la disposition des fidèles et du ministre du culte s’imposait53.
63De la même façon, le Tribunal des conflits eut à régler une affaire dans laquelle un maire avait fait enlever la grille en fer forgé entourant une église, afin d’installer un urinoir public contre l’édifice. S’il s’agissait bien d’un travail public effectué en vertu d’une délibération du conseil municipal, en l’absence de désaffectation, on était en présence d’une voie de fait54.
64Il apparaît donc que les propriétaires (publics) des biens non réclamés se voient soumis à un certain nombre d’obligations, pour ne pas porter atteinte au cultuel. Plus précisément, afin de protéger les biens, ces derniers peuvent même bénéficier de certains financements publics.
65Il ressort en effet de l’article 13 de la loi de 1905, que « l’État, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi ».
66La prise en charge des travaux par la personne publique reste une faculté, et en aucun cas ce n’est une obligation, et le champ des travaux est limité : les dépenses engagées devront être strictement « nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte ». Sont alors interdits tout embellissement, agrandissement, achat de meubles, de linges ou d’ornements d’église55 : l’acquisition d’objets exclusivement destinés à la célébration du culte ne rentre pas dans les attributions légales. Seront en revanche possibles des réfections partielles de l’édifice dans la mesure où les dégradations présentent un danger pour la sécurité publique56, sa reconstruction ou encore la construction d’un nouveau bâtiment en remplacement de l’ancien, si les dépenses n’excèdent pas les frais nécessités par l’état de l’édifice comme pour sa consolidation ou sa réfection57.
67De même, l’installation de l’électricité, les dépenses de chauffage, ne peuvent être prises en charge que si elles sont strictement nécessaires à la conservation de l’immeuble58, et fut par exemple jugée illégale la prise en charge par une commune de dépenses d’électricité qui correspondaient en réalité à l’exercice du culte59. Si des travaux sont entrepris par la personne publique dans un but d’utilité générale, ils sont considérés comme des travaux publics60, si bien que toutes les dispositions relatives à cette catégorie de travaux s’appliquent, et le juge administratif est naturellement compétent en la matière. La carence ou le défaut d’entretien normal est susceptible d’engager la responsabilité de la personne publique61.
68De même, des financements publics sont possibles pour les réparations. Dans sa rédaction initiale, l’article 19 de la loi se terminait ainsi : « Elles [les associations cultuelles] ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État, des départements ou des communes. Ne sont pas considérées comme subventions des sommes allouées pour réparations aux monuments classés ». Dans l’esprit de Briand, cette disposition ne devait en aucun cas être considérée comme une exception au principe de l’article 2, dans la mesure où les subventions accordées par les pouvoirs publics aux « grosses réparations »62 ne seraient en aucun cas accordées « dans l’intérêt des associations cultuelles, mais dans celui des propriétaires, pour la conservation des biens dont ils recouvreront la libre disposition »63. Plus exactement, les crédits affectés à ces réparations n’auraient pas le caractère de subvention puisqu’ils ne seraient alloués encore une fois que « pour assurer la conservation de ces édifices dans l’intérêt des propriétaires »64 ; ils ne seraient pas alloués aux associations, mais bien aux monuments65. Surtout, il fallait que les associations cultuelles gardent leur caractère purement privé.
69Pourtant, une exception importante a été introduite par la loi du 25 décembre 194266 : son article 2 modifie l’article 19 de la loi de 1905, et précise que les associations cultuelles ne peuvent, « sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques ». La question reste par conséquent vivace, et trouve même à se renouveler dans la mesure où elle concerne tous les cultes, et non le seul culte catholique comme c’était le cas au début de la mise en œuvre de la loi.
70Aussi, en tout cas au départ, les subventions publiques étaient envisagées non pas au titre du cultuel, mais soit en raison de la propriété publique de l’édifice (auquel cas le propriétaire peut procéder à des entretiens), soit en raison de son intérêt historique, donc culturel.
En tout état de cause, l’affectation exclusive au culte est protectrice, et il n’est pas possible d’utiliser des biens du culte pour un objet autre, en tout cas pas sans l’accord du desservant.
2) La protection contre les utilisation extra‑cultuelles
71Tout d’abord, il convient de noter que le droit d’occupation par les fidèles et le desservant ne concerne pas uniquement les églises et chapelles, il s’étend aussi aux enclos entourant l’édifice, et aux monuments extérieurs, car le domaine public des communes s’étend à tous les meubles ou immeubles nécessaires à l’exercice du culte, comme par exemple les calvaires, les ossuaires, ou encore les sacristies.
72Ainsi, dans ce dernier exemple, le Conseil d’État a pu estimer qu’au même titre que les autres parties de l’église, la sacristie édifiée sur une parcelle léguée à une commune, et accolée à la façade de l’église, était bien une dépendance du domaine public communal67. De même, le clocher avait par exemple de longue date été considéré comme étant affecté au culte68. En somme, le droit d’occupation s’étend à tout ce qui se rattache à un culte traditionnel, et ce droit concerne également les objets mobiliers.
73Dès lors, toute occupation extra-cultuelle des biens ou des édifices du culte ne peut se faire sans l’autorisation du desservant. Seul le ministre du culte dispose par conséquent de la possession et de l’usage des clés du lieu de culte, nul autre, pas même le maire, ne serait en mesure d’exiger un second trousseau69.
74Les desservants sont protégés, et il n’est pas possible de passer outre à leur accord. Ainsi, un cas concernait la décision d’un maire autorisant l’utilisation d’une chapelle en vue d’une manifestation publique afin de commémorer le 60ème anniversaire de la libération des camps de concentration nazis. Il fut jugé que la liberté du culte, qui est une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative70, « ne se limite pas au droit de tout individu d’exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l’ordre public », elle inclut nécessairement « la libre disposition des biens nécessaires à l’exercice d’un culte ». Dès lors, le maire avait commis « une illégalité manifeste en autorisant une manifestation dans un édifice affecté à l’exercice du culte sans l’accord du ministre du culte chargé d’en régler l’usage »71.
75De même, s’était posée la question du desservant de l’abbaye de Baume-les Messieurs, qui s’opposait à une décision du conseil municipal (l’édifice étant propriété de la commune) d’organiser des visites payantes des objets d’art exposés dans l’église. Il fut décidé que les objets mobiliers étaient susceptibles de faire l’objet d’un droit de visite, ce qui constituait alors une dérogation au principe de gratuité posé par l’article 17 de la loi de 1905, mais que la commune ne pouvait en revanche instituer ce droit de visite qu’avec l’accord du prêtre desservant, ou des fidèles. Dans le cas contraire, ce droit porterait atteinte aux droits qui leur sont reconnus par les lois de 1905 et 190772. Cette dérogation ne s’applique cependant qu’aux objets mobiliers classés, et non aux édifices du culte dépourvus de tels objets, et elle ne s’applique qu’aux départements et communes.
76Si ces décisions s’inscrivent clairement dans l’esprit de la loi de 1905 et garantissent la compétence du desservant, et donc la liberté de culte dans sa totalité, il n’en reste pas moins qu’elles démontrent que ce dernier dispose d’un pouvoir éminent, et qu’il peut interdire, ou entraver, des manifestations culturelles dont le but d’intérêt général ne fait pourtant pas l’ombre d’un doute. Seules les réunions politiques sont interdites dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte selon l’article 26 de la loi de 1905, or ce n’était évidemment pas le cas ici. La notion d’infraction aux lois de 1905 et 1907 s’étend donc même à ce qui n’est pas nécessairement une atteinte à la liberté de culte, ce qui conduit assurément à une protection renforcée.
77Toute utilisation dans un but autre que l’exercice du culte doit se faire non seulement avec l’accord du desservant, mais aussi en conformité avec le cultuel. Il s’agit assurément d’une garantie de la liberté de religion.
Néanmoins, si ces distinctions et les régimes afférents semblaient clairs dans l’esprit du législateur de 1905, il apparaît que certaines positions, à la fois politiques et juridiques, tendent à des confusions, ce qui conduit à certains artifices.
II. Une frontière tenue conduisant à des artifices
78La qualification de cultuel ou de culturel n’est pas sans conséquences juridiques, notamment du point de vue des financements publics que les édifices ou les activités notamment pourront, ou non, recevoir. Aussi, on constate que les juges, voire les pouvoirs publics, encouragent une certaine confusion entre les deux notions. Parfois, il s’agit de les dissocier, de façon injustifiée, afin de nier à un signe, à une activité ou à un édifice, son caractère cultuel (A). Parfois, il est question d’intensifier l’entrelacement entre le cultuel et le culturel, ce qui conduit à un certain flou, voire à un certain détournement de la loi de 1905 (B).
A. Des dissociations visant à nier des caractères cultuels
79La frontière entre le cultuel et le culturel semble parfois ténue, du moins est-elle délibérément brouillée par les cultes eux-mêmes ou par des collectivités.
Les comportements spécieux peuvent en effet d’abord venir des associations, qui, par exemple, mettront en avant leurs activités culturelles alors qu’elles exercent aussi (voire surtout) des activités cultuelles. Mais il peut aussi s’agir d’actions des collectivités, qui soit vont entraver les droits et libertés des cultes, soit, au contraire, vont manifester une certaine complaisance à leur égard.
Les détournements de la loi de Séparation se traduisent essentiellement, dans la pratique, par des recours à des artifices juridiques, permettant aux cultes d’avoir plus de visibilité, ce qui relève surtout du symbolique bien que les implications juridiques soient aussi nombreuses (1), mais aussi de bénéficier de subventions publiques (2).
1) Les détournements du sens des signes
80Dans la pratique, certains détournements ont pu être constatés au sujet de l’interprétation des signes. Ainsi, le juge a été conduit à apprécier le symbole du département de la Vendée, deux cœurs entrelacés surmontés d’une couronne portant une croix. La cour administrative de Nantes estima que le logotype ne correspondait pas « en lui-même, à la transposition directe et immédiate d’une scène ou d’un objet du rituel d’une quelconque religion ».
Pour les juges, même s’il est clair que chaque élément de l’emblème, pris séparément, peut représenter un motif religieux, ce dernier n’a néanmoins pas été réalisé « dans un but de manifestation religieuse, ni n’a eu pour objet de promouvoir une religion » ; il ne s’agit que de l’élément identitaire d’un département et il ne peut être considéré comme un « emblème religieux ». Ni les principes d’égalité devant la loi, de neutralité et de laïcité ne sont alors violés73.
81Ici, les différents éléments des signes avaient fait l’objet d’une interprétation, mais en l’occurrence, le commissaire du gouvernement avait refusé de voir dans la croix - dont les quatre branches sont égales - un symbole de la religion chrétienne, ce qui lui permit d’avancer le paradoxe que « l’emblème ne correspond (…) à aucun emblème représentatif d’une religion quelconque »…74
82La même difficulté dans l’interprétation se pose évidemment pour les signes et tenues à l’école75, mais la question a été identique au sujet des crucifix : dans l’affaire Lautsi, la Cour européenne des droits de l’Homme avait reconnu, ce qu’avaient déjà fait les premiers juges, que le crucifix est « avant tout » un symbole religieux, qui renvoie « indubitablement », et indéniablement au christianisme. Mais elle écartait d’emblée le problème de savoir si ce signe n’a que cette signification, ou si elle a en d’autres. Pour les juges, le symbole était « essentiellement passif », et un élément de l’identité italienne...
83On retrouve rigoureusement les mêmes hésitations voire incohérences dans les interprétations qui sont données aux crèches de Noël. Certains juges avaient pu estimer que la crèche constituait « un emblème religieux de la religion chrétienne »76, ou que, par son contenu qui illustre la naissance de Jésus Christ, et sa concomitance avec les préparatifs de la fête chrétienne de la Nativité, l’emblème religieux était doté d’une symbolique qui dépassait la simple représentation familiale et populaire de cette période de fête77.
84Or c’est bien sur ce dernier point que les juges furent en désaccord : le tribunal de Melun estima par exemple que la fête de Noël a longtemps été confondue avec la fête chrétienne de la Nativité, mais que dans une société sécularisée, elle a perdu son caractère religieux, pour devenir une fête familiale78. De plus, pour les juges, la crèche est dépourvue de toute signification religieuse, puisqu’elle est installée temporairement ; elle peut dès lors être assimilée aux guirlandes ou au sapin.
85Saisi des affaires tranchées par les Cour administratives d’appel de Paris et de Nantes, le Conseil d’État a rendu deux arrêts le 9 novembre 2016, mais sans véritablement régler la question ni clarifier la situation79. En effet, le juge autorise, sous conditions, l’installation de crèches de Noël : relevant que la crèche est « une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations » et qui présente un caractère religieux, le Conseil d’État estime également qu’il s’agit d’un élément « faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement, sans signification religieuse particulière » les fêtes de fin d’année. En somme, est à la fois reconnue aux crèches une dimension religieuse et une dimension non religieuse, donc culturelle. Dès lors, les arrêts considèrent que si la crèche est culturelle, en raison notamment du contexte, elle sera autorisée ; si en revanche elle est accompagnée « d’élément de prosélytisme », ou s’il n’y a pas d’usages locaux, elle sera interdite. De même, le Conseil d’État distingue selon les lieux : dans l’enceinte des bâtiments publics, sauf circonstances particulières, le caractère culturel sera difficilement admis. En revanche, dans d’autres emplacements publics, « eu égard au caractère festif », la crèche peut être autorisée.
86Plusieurs remarques s’imposent alors : certes, des signes peuvent changer de signification, selon le temps, selon les lieux. Ainsi, un symbole religieux par exemple, peut se « séculariser », ou perdre sa connotation première : tel est le cas de la main de Fatima, qui est désormais considérée comme un porte-bonheur exorcisant le mauvais œil80. De même, le repos dominical (Dies dominicus, jour du Seigneur) a sans doute perdu sa dimension religieuse : il s’agit bien davantage d’un droit social.
87Il est donc parfois délicat de déterminer le sens d’un signe, mais les détournements ne peuvent être faits, ni dans un sens, ni dans l’autre.
88Ainsi, il est arrivé que les juges connotent religieusement un élément qui est dépourvu de toute signification religieuse. Il a par exemple pu être considéré que le port d’une charlotte en dehors du bloc opératoire par une étudiante sage-femme était devenu un signe religieux « par destination », et que la signification religieuse de ce bonnet avait été confirmée par l’attitude de la requérante81.
89Dans le même sens, il fut jugé que le port d’une barbe longue et imposante par un stagiaire hospitalier ne pouvait « à lui seul constituer un signe d’appartenance religieuse », mais qu’en l’occurrence, son comportement était « de nature à manifester ostensiblement un engagement religieux »82.
90Néanmoins, en ce qui concerne la crèche, la signification religieuse serait, de bonne foi, difficilement contestable : n’est-elle pas identifiée comme telle, y compris par ses promoteurs ? Ne représente-t-elle pas, d’évidence, la fête chrétienne de la Nativité83 ? Dès lors, et très logiquement, sa place dans un service public devrait être strictement interdite, en application simple de l’article 28 de la loi de 1905.
91Les décisions de novembre 2016 ajoutent sans doute à la confusion, en créant d’abord des exceptions là où le texte de 1905 n’en mentionne pas, notamment quant au contexte et au lieu de l’installation du signe religieux. Ensuite, en faisant de la crèche un objet mixte, qui peut être tantôt cultuel tantôt culturel, la solution retenue manque de clarté et de prévisibilité : comment savoir à l’avance si la crèche est cultuelle ou culturelle, donc si elle est autorisée ou non ? Telles sont les interrogations qui restent en suspens, et l’application de cette jurisprudence du Conseil d’État montre que les problèmes demeurent plus nombreux que les solutions qui se trouvaient, sans doute, dans le texte initial84.
92On le voit, dissocier le cultuel et le culturel a souvent pour but de retirer fictivement la dimension religieuse, ce qui aboutit à des détournements de la loi de 1905. Cela concerne les signes, à travers bon nombre d’affaires médiatiques mais sans doute plus symboliques. Cependant, on retrouve la même logique au sujet de l’utilisation de biens, ou des édifices, souvent afin de bénéficier de financements publics.
2) Les détournements en vue d’obtenir des financements
93La dissociation entre le cultuel et le culturel peut avoir des incidences sur l’utilisation des biens, mais aussi sur les financements publics, notamment pour des manifestations ou des édifices, ce qui conduit à des détournements certains de la loi de 1905.
94Ainsi, le Conseil d’État avait pu juger légale une subvention de l’État par voie d’offre de concours pour la construction et l’entretien d’un pavillon cultuel destiné aux cultes catholique, protestant et juif, à l’intérieur d’une cité scolaire85. De même il avait pu reconnaître le caractère d’équipement public à un centre culturel islamique qui comprenait une partie conçue comme un lieu de culte et de prière, et un pavillon destiné à l’enseignement religieux86. Dans cette affaire, le maire de Rennes avait accordé un permis de construire qui fut attaqué, au motif que le centre culturel n’était pas un équipement public, et que de toute façon il ne s’agissait pas d’une extension d’équipement public. Selon le commissaire du gouvernement, il était alors possible d’affirmer que depuis 1905, « les adjectifs publics et religieux ou cultuels sont incompatibles », aussi le principe de laïcité interdit aux collectivités d’intervenir dans la sphère confessionnelle « qui relève de l’initiative et de l’intérêt privé. Elles ne peuvent davantage prendre en compte dans leur action le critère religieux ». Dès lors, « tout choix public fondé sur un critère religieux serait une discrimination illégale » ; il était clair selon lui qu’un équipement conçu pour les adeptes d’un culte ne saurait être qualifié de public.
95Surtout, il précisait que « l’équipement public n’est pas un caméléon auquel on peut faire prendre toutes les teintes du spectre selon le fond où on le pose. La prise en charge d’un ouvrage ayant même pour partie un caractère cultuel est interdite depuis 1905. Comment dès lors pourrait-on qualifier un tel équipement de public ? Ou alors la laïcité n’a plus qu’un sens décoratif ». Mais un tel centre avait-il une vocation cultuelle ? Aux yeux du commissaire du gouvernement, assurément, et cela semblait d’une évidence éclatante.
96En réalité, un élément permettant de distinguer l’équipement public de celui qui ne l’est pas consiste à déterminer à qui il s’adresse : selon que le bâtiment s’adresse à un public large, ou à un groupe défini par un seul critère religieux. Aussi, des équipements culturels ne sont pas initialement conçus pour recevoir un culte particulier.
97Le Conseil d’État reconnut pourtant dans cette affaire le caractère d’équipement public, mais annula l’arrêté du maire car on n’était pas en présence d’une extension d’un tel équipement. Ainsi que le souligne le Professeur Morand‑Deviller, le juge a semblé ici « se satisfaire de la description faite par la ville dans sa demande de permis, sans pousser plus avant ses investigations, comme l’avait fait, le commissaire du gouvernement ».
98Entre cultuel et culturel, une seule lettre suffirait parfois à faire vaciller la loi de 1905…
Par conséquent, et comme l’État avait pu le faire pour la cathédrale d’Evry87, une collectivité peut financer une association n’ayant pas d’activité cultuelle, mais une activité culturelle, qui aurait d’une manière ou d’une autre un lien avec un culte (comme par exemple un musée). Une absence de contrôle d’utilisation des fonds suffit pour qu’une partie soit ensuite concédée à une autre association ayant une activité cultuelle. Cette pratique illégale est bien révélatrice des savants artifices qu’associations comme municipalités parviennent à trouver afin de contourner les principes de la loi de 1905.
99En vérité, les dissociations, et les exceptions, sont parfois encouragées par les juges eux-mêmes. C’est d’ailleurs ce qui ressort de cinq arrêts du Conseil d’État de 201188, par lesquels il s’est repositionné sur ces questions de non-financement, et a jugé que le principe constitutionnel de laïcité n’interdit pas, par lui-même, l’octroi de subventions ou de certaines aides à des organismes ayant des activités cultuelles, ou à des équipements dépendant des cultes, s’il existe un intérêt public local, et si l’opération se fait dans le respect de la neutralité et de l’égalité entre les cultes. Dit autrement, le juge a ajouté des exceptions non prévues par le texte initial, en permettant certains financements publics, notamment à des activités, ou des édifices cultuels…
Ainsi, plusieurs tribunaux administratifs ont pu juger d’affaires révélatrices de cette confusion entre le cultuel et le culturel, et surtout de la subtilité de certaines aides aux cultes.
100Par exemple, la question s’était posée de la prise en charge de la célébration de messes à l’occasion de la visite du pape89. En l’occurrence, cette affaire, qui s’inscrivait dans le cadre de la commémoration du quinzième centenaire du baptême de Clovis à Reims par l’évêque Rémi90, fit grand bruit, notamment parce que le conseil municipal de Reims avait voté une délibération ayant pour objet d’autoriser le « lancement de l’appel d’offres nécessaire au bon déroulement » de la messe papale et d’autoriser le maire à signer « les marchés devant en résulter sur les conclusions de la commission d’appel d’offres ».
101Le Tribunal administratif fut alors saisi, et ce recours eut un large écho si bien que le maire renonça à lancer l’appel d’offres, au vu des grands risques d’annulation de la délibération. Cette renonciation à l’exécution de la délibération n’avait cependant pas fait disparaître la délibération elle-même, et celle-ci fut annulée, au motif qu’elle mettait « à la charge du budget communal une dépense directement liée à la célébration du culte et [accordait] ainsi une subvention à un culte prohibé par les dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ».
102Était donc rappelé un principe constant : l’interdiction de la mise à la charge d’un budget communal d’une dépense directement liée à la célébration d’un culte. Le fait que la messe devait être organisée sur une base aérienne n’avait d’ailleurs en l’espèce aucune importance, puisque, comme le rappelait le commissaire du gouvernement, au regard de la jurisprudence administrative, il n’a jamais été question de « s’opposer au principe même d’une manifestation du culte sur cette dépendance essentielle du domaine public qu’est la voie publique ». Pourtant, un tel emplacement n’est pas une place publique, la présence du public n’y est normalement pas admise.
103En tout état de cause, il est notable d’abord, dans cette affaire, que le maire ait finalement fait voter une délibération qu’il savait être manifestement illégale ; ensuite, elle révèle toute l’ambigüité du statut du pape qui est à la fois chef spirituel et temporel. Cette confusion complique largement la tâche d’un État laïque, et chacun du reste en a conscience, s’efforçant de distinguer ce qui relève de la visite d’un chef d’État, et ce qui relève du chef de l’Église. Les conséquences sont importantes, car seul le volet politique et donc temporel pourrait faire l’objet d’un encadrement de la part de l’État français, et éventuellement de subventions.
104La question s’était aussi posée pour l’octroi d’une subvention par la région des Pays de Loire à l’évêché de Nantes, au sujet d’une visite papale à Sainte-Anne-D’auray et à Saint-Laurent-sur-Sèvre91. Si la première commune est située en région Bretagne et non dans les pays de Loire, ce qui justifiait l’annulation de la délibération, la seconde s’y trouve, mais il n’était pas démontré en quoi la visite avait un objet autre que religieux si bien que la loi de 1905 était violée.
Aussi, parfois, la dissociation effectuée par les communes ou par les associations elles-mêmes n’est pas retenue par les juges, ces derniers refusant « dé‑cultualiser » un évènement, ou une activité.
Dans d’autres hypothèses, en revanche, l’imbrication est telle que le montage est flou, et le juge accepte des financements.
105Tel fut le cas pour la municipalité de Lyon qui avait accordé une subvention à une association publique de fidèles de l’Église catholique, afin d’organiser des rencontres interconfessionnelles et des « prières pour la paix ». Les bénéficiaires furent d’abord considérés comme association cultuelle, et par conséquent, la délibération accordant la subvention était en contradiction avec l’article 19 de la loi de 190592. Néanmoins, le Conseil d’État refusa de qualifier l’association de cultuelle, cette dernière se définissant par un critère de « plénitude de la vie spirituelle religieuse ». Dès lors, les subventions allouées par la ville de Lyon furent jugées légales93.
On est donc assurément en présence de litiges qui sont la marque non seulement des revendications nouvelles et de plus en plus nombreuses de la part d’associations cultuelles, mais aussi des difficultés que peuvent rencontrer les communes face à un droit qui leur semble flou, ou facile à contourner, dans un sens comme dans l’autre.
106Il est significatif que lorsque le juge veille à la protection et au respect de la laïcité, du principe de non subvention, donc quand le juge applique la loi de 1905 et en respecte l’esprit, il fasse l’objet de critiques : un auteur a pu déplorer la tendance « à absolutiser » ce principe, et que le juge prenne finalement des « initiatives hasardeuses »94… Il semble pourtant logique, et cohérent, que le juge prenne soin de s’adapter aux nouvelles revendications des cultes, et décèle les nouvelles techniques mises en œuvre afin de déjouer et de dénaturer le principe de l’article 2 de la loi de 1905. Le paysage religieux a certes changé, mais cela doit-il conduire les pouvoirs publics à céder face aux exigences ou sollicitations de certains cultes ? La loi de 1905 leur a permis, par l’interdiction de subvention publique, une totale liberté, or il serait paradoxal qu’ils en abdiquent pour des raisons matérielles et financières.
Pourtant, la loi de 1905 est claire à ce sujet : l’article 2 pose la règle de non-financement, elle la rappelle à l’article 19 en ce qui concerne les associations cultuelles : est censé être prohibé alors tout financement, « sous quelque forme que ce soit »… Contrairement à ce qui est souvent affirmé95.
107Les arrêts de 2011, confirmés par la suite, opèrent un glissement dans l’interprétation de l’article 2 de la loi de 1905. Avec l’arrêt de 1992 Commune de Saint-Louis de la Réunion c./ Association « Siva Soupramanien de Saint-Louis, un critère organique était retenu : la loi interdit par principe tout financement, « sous quelque forme que ce soit », donc quel qu’il soit (à but économique, social, écologique, culturel), dès lors que le bénéficiaire a des activités cultuelles, et peu importe la dose de ces dernières96.
108Depuis 2011, cette approche a été abandonnée, un critère matériel étant depuis préféré. Les subventions peuvent désormais s’opérer dans les conditions posées notamment dans l’arrêt de 2012, Fédération nationale de la libre pensée du Rhône, c’est-à-dire uniquement en vue de la réalisation d’un projet, d’une manifestation, d’une activité qui ne présente pas un caractère cultuel, et qui n’est pas destiné au culte, et à la condition, d’abord que le soutien consenti s’inscrive dans le cadre de missions d’intérêt général, et ensuite que soit garanti, éventuellement par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement dudit projet, et en aucun cas utilisée pour financer des activités cultuelles.
109Il convient alors de se pencher sur la nature du dessein, son but, si bien que la subvention est admise si elle n’est destinée ni au culte, ni à quelque activité ou visée cultuelles. Dit autrement, on a substitué à un critère objectif (l’existence ou non d’activités cultuelles) un critère subjectif (l’intention, le but du projet en cause). Les difficultés d’une telle approche apparaissent rapidement : comment s’assurer, lorsque le bénéficiaire a une activité cultuelle, que la subvention sera bien affectée à un projet non cultuel ? De plus, comment déterminer où commence et où finit le caractère cultuel de l’évènement ?
110Certes, il est exigé qu’une convention mentionne que la subvention n’est pas versée à une association cultuelle97, et qu’elle est affectée au seul projet, mais il convient néanmoins de souligner que cette exception à la loi et au principe de non financement n’a jamais été prévue au départ. Surtout, ces positionnements du Conseil d’État conduisent assurément à des artifices juridiques, brouillant totalement les règles, notamment en termes de prévisibilité.
111La question s’est par exemple posée au sujet de délibérations de collectivités territoriales accordant des subventions afin d’organiser des « Ostensions limousines » : étaient-elles légales ou non ? En effet, bien que les manifestations de ces traditions locales, consistant en diverses cérémonies dont la reconnaissance de reliques, associent autorités civiles, militaires, et religieuses, elles n’avaient pas pour autant perdu « leur caractère de cérémonies du culte de la religion catholique ». Dès lors, les subventions étaient contraires à l’article 2 de la loi de 190598.
112En l’occurrence, le caractère cultuel de la manifestation avait été reconnu, et peu importe alors qu’elle ait acquis, avec le temps, une dimension traditionnelle ou populaire, et qu’elle ait également une portée économique, culturelle et touristique99. Par conséquent, les activités annexes, ou davantage profanes (concerts, expositions, conférences ou visites de musée), n’enlevaient pas à la cérémonie principale son caractère cultuel. Ici, les subventions se rattachaient aux ostensions, cultuelles donc, mais le Conseil d’État rappelle tout de même que la loi de 1905 ne s’oppose pas à ce que des financements publics soient attribués à des manifestations culturelles, alors même que les organisateurs auraient également des activités cultuelles ou que ces manifestations se dérouleraient pendant des célébrations religieuses. Le raisonnement du juge manque ici de clarté : les ostensions sont considérées comme cultuelles, mais les activités annexes non. Or, il reconnaît la possibilité de financer des activités non cultuelles même si des activités annexes le sont. Il faudrait donc déterminer systématiquement quelles sont les activités principales et si elles sont cultuelles ou non : dans le premier cas, la subvention est refusée, dans le second, elle est accordée. En revanche, si les activités cultuelles sont annexes, l’autorisation est donnée.
Enfin, une dernière illustration de dissociation peut se trouver avec les édifices eux-mêmes, où le juge a pu opérer une distinction selon les parties qui les composent.
113Ainsi, il a pu admettre une répartition des fonds publics en proportion des activités qu’abriterait le bâtiment, dans un arrêt du 3 octobre 2011, Communauté d’agglomération de Saint-Etienne100. Il a en effet été jugé qu’une communauté d’agglomération pouvait financer des travaux sur un édifice à usage partiellement cultuel dès lors que sa participation n’excédait pas les crédits nécessaires aux travaux afférents à la partie culturelle. En l’occurrence, l’église de Firminy-Vert dont le Corbusier avait élaboré les plans, comprenait une partie consistant en un musée d’art moderne et un centre dédié à Le Corbusier, en plus de la partie consacrée au culte. On est ici encore dans des constructions à caractère mixte, pouvant bénéficier de financements publics…
114Une distinction a pu même être opérée entre les parties de l’édifice qui sont affectées au culte, et dont l’utilisation nécessite en principe l’accord du ministre du culte, et les parties qui ne le sont pas, ce qui permet de passer outre à ce consentement. Ainsi, dans une affaire, était en cause la visite du toit-terrasse de l’église paroissiale fortifiée des Saintes-Maries-de-la-Mer, entouré d’un chemin de ronde et qui donne une vue imprenable sur les environs. Depuis des années, la visite de ce toit était ouverte aux touristes, mais en 2004 l’abbé desservant de l’église et l’association diocésaine de l’archidiocèse d’Aix-en-Provence en contestèrent la conformité avec les principes régissant l’utilisation des édifices cultuels. Le Tribunal administratif de Marseille estima que ces principes « ne trouvent à s’appliquer que pour les parties de l’église effectivement affectées au culte », or, en l’espèce, l’accès au toit se faisait par une « tour extérieure au moyen d’un escalier indépendant dépourvu de toute communication avec les parties de l’église effectivement affectées au culte ». Cette partie de l’édifice était donc soustraite aux principes qui règlent l’affectation cultuelle101. Le Conseil d’État procéda également à une dissociation fonctionnelle des différentes parties de l’édifice102. Il distingua la toiture, qui est utile à l’édifice cultuel et qui en fait donc partie, du toit-terrasse, donc au-dessus, qui lui n’est pas indispensable à l’exercice du culte. Autrement dit, tout comme un parvis, le chemin de ronde ou la terrasse ne sont pas soumis à l’affectation cultuelle103. Par conséquent, il n’y avait pas besoin de l’accord du desservant afin d’accéder au toit. On le voit, procéder à de telles distinctions conduit à des ratiocinations et à des interrogations importantes. J. Morange se demandait avec une certaine inquiétude s’il s’agit d’un arrêt de principe ou d’un arrêt d’espèce ; en tout état de cause, la question reste entière quant au maintien de l’équilibre créé par la loi de 1905. Cette dernière n’a jamais entendu créer de distinction entre les différentes parties d’un même édifice. Pourquoi alors le juge en ferait‑il ?
115Enfin, les dernières confusions tiennent cette fois à des incitations, notamment de la part des pouvoirs publics, à développer les activités ou les utilisations mixtes. Or celles-ci portent parfois non seulement atteinte aux affectataires, qui sont censés être protégés, mais aussi au principe de non financement, et donc à la laïcité.
B. Les difficultés liées aux activités mixtes
116Assurément, un édifice peut avoir une double vocation, cultuelle et culturelle ; tel est forcément le cas des œuvres d’art, des édifices historiques et classés, comme les cathédrales104. Pour P.‑L. Frier d’ailleurs, « l’État, ici, n’est plus seulement propriétaire, il est aussi responsable de l’application de la loi sur les monuments historiques ». Par conséquent, et de façon générale, le desservant voit nécessairement ses prérogatives restreintes, il ne peut faire de travaux sur les immeubles par nature inclus dans l’édifice sans autorisation, il ne peut notamment, pour raisons liturgiques, enlever un vitrail, déplacer un pilier, percer une voûte105. Toute modification même légère pourrait détruire ou affecter l’intérêt artistique d’un monument.
117Un autre cas apparaît lorsque l’église contient des objets classés : le propriétaire ou l’affectataire doit en assurer la garde et la conservation, en vertu de l’article 25 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques106. Se pose alors la question de droits d’entrée éventuels pour l’accès à certaines parties des édifices, tels des tours, des cloîtres, des cryptes ou autres. Dans le cas où l’édifice est propriété de l’État, d’un département ou d’une commune, l’article 17 de la loi de 1905, en son dernier alinéa dispose que « la visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques ; elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance ». En principe donc, la perception d’un droit d’entrée dans les édifices affectés au culte appartenant à une personne publique, est illégale.
118Une exception est néanmoins prévue : le même article 25 de la loi de 1913 permet aux départements et aux communes, en contrepartie de leur obligation de conservation et de garde des objets classés, de percevoir un « droit de visite » dont le montant est fixé par le préfet « après approbation du ministre des Beaux-Arts » (ou des affaires culturelles)107. Cette disposition vise tous les objets mobiliers classés, dont ceux déposés dans les églises : l’article 26 de la même loi permet en effet au ministre, pour assurer la conservation ou la sécurité de ces objets, s’ils sont affectés au culte, de les transférer dans un trésor de cathédrale. Ces dispositions sont cependant applicables aux seuls objets mobiliers classés, et non pas aux immeubles par destination108.
119En tout état de cause, le principe est celui de l’accord préalable du curé pour tout usage culturel d’un édifice légalement affecté au culte ; néanmoins l’article L. 2124-31 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose désormais : « Lorsque la visite de parties d’édifices affectés au culte, notamment de celles où sont exposés des objets mobiliers classés ou inscrits, justifie des modalités particulières d’organisation, leur accès est subordonné à l’accord de l’affectataire. Il en va de même en cas d’utilisation de ces édifices pour des activités compatibles avec l’affectation cultuelle. L’accord précise les conditions et les modalités de cet accès ou de cette utilisation. Cet accès ou cette utilisation donne lieu, le cas échéant, au versement d’une redevance domaniale dont le produit peut être partagé entre la collectivité propriétaire et l’affectataire »109. L’article introduit par conséquent la possibilité d’activités autres que cultuelles dans les édifices affectés au culte, ce qui porte atteinte à l’exclusivité traditionnelle de l’affectation cultuelle, pourtant garantie par la loi de 1905.
120Enfin, une difficulté concerne assurément les activités mixtes, ou les associations à double visage, prohibées en principe par la loi de 1905 mais souvent encouragées par les pouvoirs publics.
121Ainsi, on l’a vu, des objets mixtes ont pu recevoir des financements publics, dès lors qu’ils abritaient, en plus de salles de prières, un musée, un centre éducatif etc. Dès lors, est souvent évoqué le souci de savoir si des édifices du culte, notamment des mosquées, pourraient voire devraient bénéficier de financements publics110. Notamment, face à des montées de mouvements intégristes, il est parfois préconisé de financer les constructions de lieux de culte, afin de mieux pouvoir les encadrer, en somme, les contrôler. La réponse qui avait d’ailleurs été faite en 1984 par le ministre de l’Intérieur, et qui illustre une idée souvent défendue par les pouvoirs publics, consiste à dire que les lieux de culte, en tout cas les mosquées, sont « en même temps des centres culturels et qu’à ce dernier titre ils peuvent recevoir des subventions »111.
122La logique conduit alors à encourager l’implantation de « nouveaux cultes »112, qui ne disposent pas du patrimoine immobilier des « anciens » ; dès lors, les financements d’objets mixtes, c’est-à-dire cultuels et culturels, pallieraient cette rupture d’égalité. Or cela induit nécessairement des artifices juridiques et des montages douteux113. Assurément, il n’est pas possible de se fier au nom donné à un projet, ou à un bâtiment, seules comptent sa nature et les activités qui y seront effectivement menées.
123Pourtant, il convient de souligner que les contournements de la loi, et donc la confusion du cultuel et culturel, sont souvent encouragés, sinon vantés. Certes le texte de 1905 n’est pas immuable, aucun ne l’est, et il a subi de nombreuses modifications114 ; mais sont souvent reprochées les lourdeurs ou les incohérences de certaines dispositions, les inégalités voire injustices à l’égard de certains cultes, une inadaptation du régime face aux exigences nouvelles et aux évolutions des cultes, donc un certain archaïsme, qui irait parfois à l’encontre des libertés publiques.
124Certes, l’implantation de certains lieux de culte est parfois difficile, et c’est le cas notamment pour les mosquées115, mais rien ne justifie des violations flagrantes et délibérées de la loi de 1905 et du principe de laïcité, car eux seuls sont les garants de la paix et de la liberté religieuses. Le texte reste fondamental, et il apparaît que les modifications envisagées sont le plus souvent injustifiées, voire inutiles.
125Pourtant, la question se pose fréquemment de la modification ou de l’assouplissement du texte de la Séparation, et on l’a vu, la pratique tend vers des contournements et des confusions entre cultuel et culturel, entre spirituel et temporel. Or non seulement ces comportements conduisent à brouiller complètement les règles, mais de plus elles affaiblissent le principe de laïcité, et celui de non subvention perd aujourd’hui toute sa substance.
126Ainsi, en 2006, la Commission Machelon préconisait, par exemple, une facilitation des édifications de lieux de culte, afin de supprimer des traitements dits discriminatoires entre les édifices anciens et récents116. Il était proposé d’élargir les possibilités de financement en recourant davantage aux baux emphytéotiques administratifs ; que ce procédé puisse bénéficier à toute association à vocation cultuelle, et pas seulement aux associations de la loi de 1905. Il regrettait aussi que les associations dites « à double visage » c’est-à-dire mêlant des activités rituelles et d’autres activités étroitement liées à l’exercice du culte (comme les publications, des activités sociales ou autres), soient « doublement pénalisées »117.
127Dès lors, le rapport encourageait à passer par des procédés qui soit constituent des détournements ou des contournements de la loi, soit sont extrêmement complexes et visent à brouiller les frontières entre le cultuel et le culturel. En mêlant les deux, le rapport expliquait qu’il serait alors possible de bénéficier indirectement de subventions publiques. Ce que préconisait la Commission n’était-il pas en réalité de multiplier (puisqu’elle déplorait leur rareté) les montages artificiels et donc d’inciter clairement à contourner la loi ?
128On le voit, à travers de nombreux exemples, il reste assurément délicat de distinguer clairement le cultuel et le culturel. Le cultuel est, en partie, constitutif du culturel. Des pans entiers de l’art (que ce soit la musique, la sculpture, l’architecture) ont pour vocation première de célébrer le sacré, et l’État laïque ne peut ni ne veut l’ignorer ou le nier118. Un enseignement du fait religieux est alors nécessaire, afin de mieux le connaître. En effet, comment faire comprendre à un enfant le tableau Œdipe d’Ingres, La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne de Léonard De Vinci, ou le poème « La Conscience » de Victor Hugo, si aucune connaissance du fait religieux ne lui est apportée119 ?
129Néanmoins, il est aussi indispensable de distinguer les deux sphères : il est des éléments que l’on ne peut laïciser, ou « dé‑cultualiser ». On ne peut non plus dissocier fictivement certaines activités ou certains édifices, ou leur nier un caractère religieux. Il en va de la protection de la liberté de cultes, et donc aussi de la garantie de la Séparation.
Notes de bas de page
1 Voir par exemple J. Séguy, « Du cultuel au culturel », Annales. Economies, sociétés, civilisations, n° 5, 1974, pp. 1280-1290, qui s’intéressait d’ailleurs aux pratiques notamment dominicales.
2 Dictionnaire Le Grand Gaffiot.
3 Dictionnaire Le Grand Robert.
4 Pour les aspects notamment historiques du patrimoine religieux en France, voir G. Couray-Bapsolle, Du cultuel au cultuel ?, L’Harmattan, 2006, p.230.
5 L. Voyé, Sociologie du geste religieux. De l’analyse de la pratique dominicale en Belgique à une interprétation théorique, Bruxelles, Editions Vie ouvrière, 1973, p. 314.
6 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Tome V, éd. De Boccard, Paris, 2ème édition, 1925, p. 455 sqq. Lors d’une leçon d’ouverture d’un cours public à la faculté de droit de Bordeaux, pendant l’année 1919‑1920, Duguitavait abordé la question de la liberté religieuse et du régime légal du culte catholique, « Qu’est-ce que la liberté religieuse », Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, novembre-décembre 1919, pp. 193‑203.
7 E. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, 1912, PUF, coll. Quadrige, Paris, 4ème édition, 1998, p. 49.
8 Idem, p. 65.
9 Voir E. Forey, « Du “cultuel” au “culturel” : vers une remise en cause du principe de séparation de 1905 ?, in J. Baudouin et P. Portier (dir.), La laïcité, une valeur d’aujourd’hui ? Contestations et renégociations du modèle français, Rennes, PUR, 2001, pp. 285‑296. Voir aussi A. Fornerod, Le régime juridique du patrimoine religieux, L’Harmattan, coll. Droit du patrimoine culturel et naturel, 2013, p. 512.
10 J. Duffar, « Problématique de la loi du 9 décembre 1905 », in Faut-il modifier la loi de 1905 ?, Colloque du centre d’étude des phénomènes de société, Assemblée nationale, 24 novembre 1995, LPA, 1er mai 1996, n° 53, pp. 10‑14.
11 L. de Naurois, « Affectation cultuelle et affectation culturelle des églises “classées” propriété de la commune », LPA, 26 août 1994, n° 102, pp. 6-10.
12 En réalité, bien avant 1905, les républicains avaient imposé un devoir de neutralité aux locaux abritant des services publics, lesquels ne pouvaient servir à aucune cérémonie cultuelle. Telle est notamment l’idée qui ressort d’une circulaire de J. Chaumié, ministre en 1903, au sujet de l’école. Rappelant que « la pensée constante de [ses] prédécesseurs a été d’assurer la neutralité de l’école, de la dégager des liens confessionnels qui ont pendant des siècles pesé sur elle, de séparer nettement le domaine de l’église et celui de l’enseignement de l’État », il soulignait que l’instituteur n’a « ni qualité ni compétence pour donner à la place du curé ou de son préposé l’enseignement du catéchisme ». Par conséquent, « les emblèmes religieux, de quelque nature qu’ils soient (crucifix, images, statues), ne doivent pas figurer dans les locaux scolaires », Circulaire relative à la neutralité de l’école en matière religieuse du 9 avril 1903, Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, n° 1568 du 2 mai 1903, pp. 636-639. Nous remercions le service de communication du ministère de l’Éducation nationale de nous avoir communiqué ce document.
Le texte reprend en grande partie une circulaire de J. Duvaux relative à l’application de la loi du 28 mars 1882, en ce qui concerne la neutralité de l’école au point de vue confessionnel du 2 novembre 1882, n° 3011, Circulaires et instructions officielles relatives à l’instruction publique, Tome IX, 29 mars 1882-26 octobre 1886, pp. 136-139. Nous remercions le service de communication du ministère de l’Éducation nationale de nous avoir communiqué ce document.
Ces textes reflétaient bien la volonté des républicains de laïciser l’ensemble des services publics, et surtout l’école, mais aussi de changer les mentalités, les mœurs, et l’esprit laïque qui les animait transparaît parfaitement. Il était indispensable d’inculquer la laïcité à tous, instituteurs, élèves, et parents, de faire comprendre la loi, et la volonté du législateur ; seule une loi expliquée pouvait permettre sa compréhension et son acceptation.
D’ailleurs, ainsi que le relève L. Capéran au sujet de la circulaire Duvaux, « son affectation d’une inviolable intransigeance de principes, ses tolérances astucieuses, une remarquable aisance de mouvement dans la conciliation des contradictoires trahissaient la main experte et la dialectique de Ferdinand Buisson », L. Capéran, Histoire contemporaine de la laïcité française. Tome II : la révolution scolaire, Librairie Marcel Rivière et Cie, Bibliothèque des sciences politiques et sociales, Paris, 1960, p. 244.
13 A. Briand, La séparation des Églises et de l’État, rapport fait le 4 mars 1905 au nom de la commission relative à la séparation des Églises et de l’État et de la dénonciation du Concordat chargée d’examiner le projet de loi et les diverses propositions de loi concernant la séparation des Églises et de l’État, n° 2302, Chambre des députés, annexe au procès-verbal de la deuxième séance du 4 mars 1905, Paris, E. Cornély éd., p. 334.
14 De même, c’est pourquoi ne fut pas instauré de calendrier républicain, que les fêtes religieuses sont restées des fêtes publiques, et que les calvaires n’ont pas été détruits.
15 Ce qui répond en somme à la question de J. Duffar, voir supra.
16 Chambre des députés, 2ème séance du 27 juin 1905, JO, 28 juin 1905, pp. 2526-2527.
17 Respectivement députés du groupe Républicain progressiste et du groupe Républicain nationaliste.
18 Archevêque de Paris, il fut tué par une balle perdue lors des insurrections de 1848, alors qu’il tentait de s’interposer entre les insurgés et l’armée. L’Assemblée nationale, comme plusieurs communes, lui rendront hommage.
19 Chambre des députés, 2ème séance du 28 juin 1905, JO, 29 juin 1905, p. 2560.
20 Chambre des députés, 2ème séance du 27 juin 1905, JO, 28 juin 1905, p. 2528.
21 Chambre des députés, 2ème séance du 27 juin 1905, JO, 28 juin 1905, p. 2527.
Par ailleurs, le législateur avait pris soin de définir ce qu’il entendait par l’expression « emplacement public » : celui-ci concerne les rues, les places publiques ou les édifices publics, autres que les musées ou les églises, donc tout ce qui relève de la propriété de l’État, du département ou de la commune, car « ce domaine est à tous, aux catholiques comme aux libres penseurs ». Ces derniers doivent être protégés contre toute forme de manifestation religieuse par le biais de signes ou de symboles. Il n’est donc nullement question « d’empêcher un particulier, si c’est son goût, de faire décorer sa maison de la manière qui lui plaira, même si cette maison a sa façade sur une place ou une rue ». Dès lors, et dans l’esprit du législateur de 1905, l’obligation de neutralité dans les emplacements publics ne s’imposait qu’aux seules personnes publiques, et en aucun cas aux particuliers, ce qui limite singulièrement l’extension de l’obligation de neutralité dans la sphère privée. C’est une des raisons d’ailleurs pour laquelle la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ne peut en aucun cas, et contrairement à ce qui est souvent soutenu, trouver son fondement dans la laïcité, en tout cas pas dans celle issue de 1905. On le voit également, les « affaires » du burkini pendant l’été 2016, si on s’en tient au texte et à l’esprit de la loi de 1905, n’avaient aucun lieu d’être…
22 Il s’agit plus exactement de considérer que l’ensemble de cette vie forme moins un tout qu’une agrégation de convictions et d’actions qu’il est possible de différencier, à l’inverse du symbole qui synthétise (le « symbole » en effet « jette ensemble » sym + bole).
23 CE, 25 novembre 1988, Dubois, Rec., p. 422 ; AJDA, 1989, p. 172, note J.‑M. Pontier ; RFDA, 1989, p. 162 ; D.A., 1989, n° 34 ; JCPG, 1988, IV, p. 412.
24 CE, 25 octobre 2017, Fédération morbihannaise de la libre pensée et autres, JCPA, 20 novembre 2017, 2277, note H. Pauliat ; D., 2018, p. 56, note C. Alonso.
25 Député du groupe Action libérale.
26 Député socialiste.
27 Chambre des députés, 2ème séance du 28 juin 1905, JO, 29 juin 1905, p. 2556.
28 Ainsi, il n’est pas possible d’apposer un crucifix dans la salle d’un conseil municipal ou dans la salle des mariages, y compris lorsque l’installation du crucifix intervient à la suite du transfert de la mairie dans de nouveaux locaux : CAA Nantes, 4 février 1999, Association civique Joué Langueurs, Rec., p. 498 ; et du même jour, CAA Nantes, Guillorel, n° 98NT00337. Néanmoins, si le crucifix a été retiré du mur suite à une décision de justice, il peut ensuite être placé dans une vitrine d’exposition au titre du patrimoine historique, donc culturel, de la commune : CAA Nantes, 12 avril 2001, Guillorel, n° 00NT01993.
29 F. de Saussure, Cours de linguistique générale, 1916, Paris, Grande bibliothèque Payot, Paris, p. 97‑113. Pour Saussure, le signe linguistique unit non pas une chose et un nom, mais bien un signifié et un signifiant. Il est alors impossible de dissocier les deux éléments constitutifs du signe : le signifié, c’est-à-dire l’élément non perçu du signe, sa signification, le concept ; et le signifiant, donc la forme qu’il revêt, sa forme visible, son support. Selon l’auteur, la première caractéristique du signe, quel qu’il soit, est son arbitraire : le signifiant aussi bien que le lien qui unit le signifiant au signifié sont de cette nature.
30 L’article 4 de la loi dispose : « Dans le délai d’un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l’article 19, pour l’exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements ».
L’article 18 précise : » Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre premier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi ».
L’article 19, pour sa part, prévoit que « ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte », et détermine ensuite les conditions relatives à leur composition. Il est aussi précisé que ces associations pourront recevoir « des cotisations prévues par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices ». Cependant, elles ne pourront, « sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État, des départements ou des communes ». En revanche, « ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés ».
L’idée était d’éviter des « associations fantômes », et donc d’obliger l’association à être « sérieuse », par son caractère et par sa composition, afin qu’elle puisse mener à bien son but. Rapport Briand, p. 313.
31 TA Paris, 27 mars 1998, Association Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, Rec., p. 626.
32 C. cass., 1ère civ., 1er juillet 1968 ; Bull., n° 189, au sujet de l’association orthodoxe russe Sainte-Anastasie qui apportait de l’aide aux vieillards et indigents.
33 CE, 6 juin 1986, n° 56497, Association cultuelle « Troisième église du Christ, scientiste Paris », inédit au Recueil Lebon, Gaz. Pal., 1986, 2 somm. 463.
34 CE, 14 mai 1982, Association internationale pour la conscience de Krisna, Rec., p. 179 ; D., 1982, J., p. 516, note P. Boinot et C. Debouy.
35 CE, 17 juin 1988, Union des athées, Rec., p. 580 ; AJDA, 1988, p. 612, AJDA, 1988, p. 582, chron. M. Azibert, M. de Boisdeffre.
36 Voir par exemple CE, Ass., 1er février 1985, Association chrétienne « les Témoins de Jéhovah de France », Rec., p. 22 ; RDP, 1985, p. 483, concl. F. Delon ; p. 497, note J. Robert ; AJDA, 1985, p. 232, obs. L. Richer ; RFDA, 1985, p. 566, note P. Soler-Couteaux.
37 Le mouvement est apparu en France sous la forme d’une association étrangère nommée « Association des Témoins de Jéhovah », en 1947 ; elle se transforma en 1981 pour adopter le droit commun lorsque furent supprimées les associations étrangères. Peu de temps auparavant s’était créée « L’association chrétienne des Témoins de Jéhovah de France », sous la forme cultuelle, mais qui s’était vu refuser de recevoir la donation globale des biens de la première association lorsque fusionnèrent les deux organisations. C’est donc pour en bénéficier que la française décida de modifier ses statuts pour se consacrer exclusivement à l’exercice du culte ; c’était l’ancienne association étrangère (modifiée pour entrer dans le cadre de la loi de 1901) qui se consacrait alors aux tâches autres que cultuelles.
38 CE, Avis, n° 346.040, 14 novembre 1989, Les grands avis du Conseil d’État, Dalloz, 2ème édition, 2002, n° 21.
39 Sur ce point, Annales de la Chambre des députés, séance du 19 juin 1905, p. 746.
40 CE, 21 janvier 1983, Association Fraternité des Serviteurs du Nouveau Monde.
41 CE, 29 octobre 1990, Association cultuelle de l’Église apostolique arménienne de Paris, Rec., p. 297 ; JCPG, 1991, IV, p. 8.
42 CE, Sect. 9 octobre 1992, Commune de Saint-Louis de la Réunion c./ Association « Siva Soupramanien de Saint-Louis », Rec., p. 358 ; AJDA, 1992, p. 817, concl. F. Scanvic ; JCPG, 1993, II, 22068, note A. Ashworth.
Dans cette affaire particulièrement significative était en cause une subvention municipale accordée à l’association « Siva Soupramanien de Saint-Louis », représentative de la population hindoue de la Réunion. Plusieurs questions se posaient, notamment celle de savoir si l’association exerçait ou non des activités cultuelles au sens de la loi de 1905, ensuite si elle était bien une association cultuelle, et enfin si elle pouvait recevoir des subventions publiques. Le commissaire du gouvernement fit remarquer qu’il ne faisait « aucun doute que les adeptes de l’hindouisme se livrent à la pratique d’un culte », mais que l’association ne pouvait être qualifiée de cultuelle, dans la mesure où elle n’avait pas pour but exclusif l’exercice d’un culte, car elle contribuait au développement d’activités artistiques, à l’organisation de conférences, de pèlerinages, etc.
43 CE, Ass., Avis, 24 octobre 1997, Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom, Rec., p. 372 ; D., 1997, I.R, p. 256 ; RFDA, 1998, p. 61, concl. J. Arrighi de Casanova ; p. 69, note G. Gonzalez.
44 CE, 23 juin 2000, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie c./ Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Clamecy ; du même jour ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie c./ Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom, Rec., p. 242 ; RDP, 2000, p. 1825, note A. Garay et P. Goni ; p. 1839, concl. G. Bachelier ; AJDA, 2000, p. 597, chron. M. Guyomar et P. Collin. Voir aussi : CE, 28 avril 2004, Association cultuelle du Vajra triomphant, Rec., Tab., p. 591 et 685 ; AJDA, 2004, p. 1367, concl. S. Boissard ; JCPA, 2004, 1402, note E. Tawil ; Droit et religions, Annuaire, PUAM, Vol.1, 2005, p. 129, note T. Daups.
45 Décret qui met les biens ecclésiastiques à la disposition de la Nation du 2 novembre 1789, S., Lois annotées, 1ère série, p. 6 ; Rec. Duvergier, Tome I, pp. 54-55.
46 La loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) relative à l’organisation des cultes disposait que le Concordat et les articles organiques seraient promulgués et exécutés comme lois de la République, S., Lois annotées, 1ère série, pp. 574-579 ; Rec. Duvergier, Tome XIII, pp. 89-10.
Cet alinéa fut complété par une loi de 1998 étendant la propriété à « des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris la compétence en matière d’édifices des cultes ».
47 Rapport Briand, p. 301.
48 Avis du Conseil d’État portant que les églises et presbytères abandonnés aux communes, en vertu de la loi du 18 germinal an X, doivent être considérés comme propriétés communales du 2 pluviôse an XIII, Rec. Duvergier, Tome XV, p. 126 ; S., Tome V (an XIII), 2, p. 330.
49 Conformément au principe selon lequel « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous » (article 552 du Code civil), les édifices construits pendant cette période aux frais des fidèles, et sur des terrains communaux, ont été intégrés dans le domaine public des communes.
50 La loi de 1905 prévoyait alors la dévolution des biens du culte à des associations cultuelles qui restaient à constituer, conformes à la loi de 1901, purement privées, et assujetties à un contrôle réduit. La loi leur transférait le patrimoine des établissements publics supprimés et la jouissance des édifices publics liés aux cultes, mais posait un délai pour que ces biens puissent être réclamés, auquel cas seulement se produisait le transfert de propriété. Seul le culte catholique romain refusa, et le législateur ne pouvait se désintéresser des biens non réclamés. Dès lors, le principe est que les biens du culte sont laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte, mais ils sont dévolus en propriété communale, alors qu’ils devaient devenir propriété des associations cultuelles, ce qui représente environ 4500 églises, dont 87 cathédrales. Les dispositions seront complétées par l’article 1er de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes (JO, 3 janvier 1907 ; D.P., 1907, IV, pp. 1-6 ; S., Lois annotées, 1907-1912, pp. 313-321).
51 Loi du 13 avril 1908 modifiant les titres II et III (articles 6, 7, 9, 10, 13 et 14) de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, JO, 14 avril 1908, p. 2609).
52 Conclusions sous CE, 20 juin 1913, Abbé Arnaud, Rec., p. 716.
53 CE, 17 février 1932, Commune de Barran, Rec., p. 189 ; D., 1933, 3, p. 49, note R. Capitant.
54 TC, 4 juillet 1934, Curé de Réalmont, Rec., p. 1247 ; S., 1935, 3, p. 97, note P. Laroque.
55 CE, 11 juillet 1913, Commune de Dury, Rec., p. 830, 1ère espèce.
56 CE, 24 décembre 1926, Sieur Empereur, Rec., p. 1138.
57 CE, Ass., 22 janvier 1937, Ville de Condé-sur-Noireau, Rec., p. 87.
58 CE, Sect., 7 mars 1947, Lapeyre, Rec., p. 104.
59 CAA Nancy, 5 juin 2003, Commune de Mautaulin, AJDA, 2003, p. 1431, note P. Rousselle.
60 CE, 10 juin 1921, Commune de Monségur, Rec., p. 573 ; S., 1921, 3, p. 49, concl. Corneille, note M. Hauriou ; D., 1922, 3, p. 26, concl. Corneille ; RDP, 1921, p. 361, concl. Corneille, note G. Jèze ; GAJA, n° 43, Sirey, Paris, 1ère édition, 1956.
61 Ainsi, dans l’arrêt Commune de Monségur était en cause un enfant blessé par la chute d’un bénitier. Aucune responsabilité de la commune ne fut ici reconnue pour défaut d’entretien, en raison d’une faute de la victime.
62 Le texte proposé dans le Rapport Briand employait ce terme, p. 312. Ce point sera discuté lors des débats, notamment lors de la séance du 23 mars 1905, par P. Deschanel, Annales de la Chambre des députés, pp. 1291-1296.
63 Rapport p. 270.
64 Idem, p. 317.
65 Annales de la Chambre des députés, séance du 15 juin 1905, p. 703.
66 Loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, JO de l’État français, 2 janvier 1943, n° 2, p. 17. Sur ce point voir C. Benelbaz et C. Froger, « Vichy et la laïcité : la continuité de la rupture », in C. Benelbaz, B. Berthier, C. Froger, S. Platon (dir.), L’œuvre législative de Vichy d’hier à aujourd’hui : rupture(s) et continuité(s), coll. Thèmes et commentaires, 2017, pp. 67‑102.
67 CE, 18 mars 1988, Maron, JCPG, 1988, II, 21152, note J.‑F. Davignon.
68 CE, 29 juillet 1923, Abbé Aulagnac, Rec., p. 746.
69 CE, 24 février 1912, abbé Sarralongue, Rec., p. 250.
70 L‘article dispose que « saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public […] aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale […] ». Le Conseil d’État a pu, dans une ordonnance du 16 février 2004, décider que la liberté de culte constitue une liberté fondamentale au sens de cet article, CE, ord., 16 février 2004, Benaissa, Rec., Tab., p. 826 ; AJDA, 2004, p. 822, note G. Guglielmi et G. Koubi ; JCPA, 2004, 1357, note E. Tawil.
71 CE, ord., 25 août 2005, Commune de Massat, Rec., p. 386 ; AJDA, 2006, p. 91, note P. Subra de Bieusses ; BJCL, n° 9/05, p. 643, obs. B.P. ; JCPG, 2006, II, 10024, note B. Quiriny. Voir aussi 1’ordonnance du Tribunal administratif de Toulouse, 3 août 2005, M. l’abbé Gautier Bruno c./ Commune de Massat, B.J.C.L., n° 9/05, p. 643, obs. B.P.
72 CE, 4 novembre 1994, abbé Chalumey, Rec., p. 491 ; RFDA, 1995, p. 986, concl. R. Schwartz ; LPA, 25 janvier 1995, n° 11, p. 21, note M.‑C. Rouault ; AJDA, 1995, p. 252, note P.‑L. M ; JCPG, 1995, II, 22415, note M. Viviano.
73 CAA Nantes, 11 mars 1999, Association « Une Vendée pour tous les Vendéens », Rec., Tables p. 668 ; p. 776 ; p. 935 ; RFDA, 2000, p. 1084, concl. C. Jacquier.
74 La question, mais sur le plan politique, s’était également posée, par exemple au sujet du drapeau d’un parti indépendantiste sur le fronton de la commune de Sainte-Anne, en Martinique, et qui fut jugé contraire au principe de neutralité : CE, 27 juillet 2005, Commune de Sainte-Anne, Rec., p. 347, RFDA, 2005, p. 1137, concl. F. Donnat ; BJCL, n° 10-05, p. 676, obs. J.‑C. B. ; JCPG, 2005, II, 10166, note L. Erstein ; AJDA, 2006, p. 196, note J.‑B. Darracq.
75 Sur l’interprétation du keshi sikh, voir CE, 5 décembre 2007, Ranjit S., Rec., p. 463 ; RFDA, 2008, p. 529, concl. R. Keller. Pour le bandana, sans doute plus délicat, la Cour européenne des droits de l’homme valida les interdictions en ce qui concerne ce signe : CEDH, 30 juin 2009, Ghazal c/ France, n° 29134/08.
76 TA Amiens, 30 novembre 2010, Debaye, AJDA, 2011, p. 471.
77 TA Nantes, 14 novembre 2014, Fédération de Vendée de la libre pensée, n° 1211647, Jurisdata n° 2014-033663.
78 TA Melun, 22 décembre 2014, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n° 1300483, Jurisdata n° 2014-033618.
79 CE,, 9 novembre 2016, n° 395122, Commune de Melun, et n° 395223, Fédération de la libre pensée de Vendée, AJDA, 2016, p. 2375, note L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; JCPA, n° 48, décembre 2016, 2309, note N. Chifflot.
80 Voir J. Chevalier et A. Gheerbrant (dir.), Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1982.
81 TA Cergy-Pontoise, 20 avril 2009, Bayoudh, n° 0710788. Nous remercions vivement Benoît Camguilhem de nous avoir communiqué cette décision.
82 CAA Versailles, 19 décembre 2017, Bekheit., n° 15VE03582.
83 Selon C. S. Peirce (Ecrits sur le signe, Editions du Seuil, 1978), il est possible de distinguer l’indice, l’icône et le symbole. L’indice tout d’abord est un signe immédiat, il ne représente pas une chose ou un phénomène mais les manifeste (une fumée désigne par exemple un feu). L’icône ensuite est un objet dynamique dont la qualité est reliée à son signe descriptif par une similarité qualitative ou une ressemblance. L’icône est donc pour Peirce le signe dont le signifiant a une relation de similarité avec ce qu’il représente, son référent. Par exemple, un tableau, une statue ou une photographie (pour Le Petit Robert, l’icône est un « signe qui ressemble à ce qu’il désigne, à son référent ». Il confond donc l’objet et sa représentation). Enfin, le symbole distingue l’objet et sa représentation. La relation du symbole avec l’objet qu’il représente est donc arbitraire, c’est-à-dire non causale (comme dans l’indice : par exemple la fumée est l’indice d’un feu, parce que celui-ci en est la cause), elle est aussi arbitraire parce que non analogique (comme dans l’icône) : en fait cette relation est d’ordre culturel.
Ainsi, chez les chrétiens, le symbole du Christ était l’agneau. Ils nomment le Christ comme « l’agneau de Dieu » (parole de saint Jean-Baptiste) et en plus de cela les douze apôtres se symbolisaient par douze agneaux. Mais en 692, un concile s’est réuni à Istanbul et a décidé d’utiliser la croix comme symbole chrétien à la place de l’agneau. Ainsi on voit que les symboles peuvent varier dans la même culture, au gré des choix arbitraires qui s’opèrent.
Dès lors, le crucifix est l’icône de la croix sur laquelle Jésus a été crucifié, une représentation en bois, en métal ou en ivoire etc. de la croix de la crucifixion sur laquelle est de surcroît représentée la victime crucifiée (« croix sur laquelle est figuré Jésus crucifié », selon Le Petit Robert).
Quant à la crèche, elle est également une icône quand on considère qu’il s’agit de figurines placées dans un décor servant de « représentation de l’étable de Bethléem et de la Nativité » (Le Petit Robert). Il y a là une relation d’analogie, créée du reste par une intention de ressemblance de la part de leurs auteurs ou de leurs utilisateurs.
Mais dans les deux cas, il est possible de parler de symboles, parce qu’arbitrairement, par une intention culturelle, on fait d’un élément particulier de la vie de Jésus le symbole de sa vie entière et de son enseignement. La relation entre le signe devenu symbolique et l’objet représenté qu’est le christianisme est ici un rapport d’inclusion : un fragment de la vie sert à désigner la vie entière (et plus encore, ce qu’elle implique religieusement). C’est ce qu’en rhétorique on appelle une synecdoque.
En somme, que l’on considère le crucifix et la crèche comme des icônes, ou comme des symboles, il paraît impossible de disjoindre ces deux signes de leur signifié religieux, ou pour le dire autrement de leur référent religieux. La sémiotique de Pierce est ici moins opérante que la définition de Saussure qui fait essentiellement du signe un rapport entre un signifiant et un signifié.
84 Ainsi, le tribunal administratif de Lille a estimé que la crèche installée dans la mairie d’Hénin-Beaumont était contraire au principe de neutralité… TA Lille, 30 novembre 2016, n° 1509979, AJDA, 2016, p. 2348 ; JCPA, n° 49, 12 décembre 2016, act. 948.
85 CE, Sect., 7 mars 1969, Ville de Lille, Rec., p. 141 ; D., 1969, J., p. 279, concl. G. Guillaume ; Gaz. Pal., 1962- 2, p. 162 ; RDP, 1969, p. 1170.
86 CE, Sect., 12 février 1988, Association des résidents des quartiers Portugal-Italie, Rec., p. 66 ; AJDA, 1988, p. 293, concl. E. Guillaume ; LPA, 20 mai 1988, n° 61, p. 4, note J. Morand-Deviller.
87 La cathédrale de la Résurrection Saint-Corbinien est la seule qui fut construite au XXème siècle. Sa construction provoqua de vives protestations, dans la mesure où l’État participa au financement du centre d’art, inclus dans le bâtiment.
88 CE, Ass., 19 juillet 2011, Commune de Trélazé, n° 308544 ; Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône et M. P., n° 308817 ; Communauté urbaine du Mans - Le Mans Métropole, n° 309161 ; Commune de Montpellier, n° 313518 ; Mme V., n° 320796.
89 TA plén., Châlons-en-Champagne, 18 juin 1996, Association « Agir » et M. Côme c./ Ville de Reims, RFDA, 1996, p. 1012, concl. D. Warin ; RDP, 1997, p. 879, note S. Pugeault.
90 Cet évènement aurait vraisemblablement eu lieu le 25 décembre 496.
91 TA Nantes, 16 décembre 1997, Mme Galesne et M. Manceau, La Quinzaine juridique, n° 137, 4 mai 1998, p. 9.
92 TA Lyon, 22 mars 2007, Picquier et Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône, AJDA, 2007, p. 665 ; JCPA, 2007, 2126, note E. Tawil.
93 CE, 4 mai 2012, Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône et Picquier c./ Communauté Sant’Egidio et commune de Lyon, Revue Lamy collectivités territoriales, n° 82, 1er septembre 2012, note O. Carton.
94 E. Tawil, note précitée.
95 Voir notamment J.-M. Pontier, note sous CE, 26 novembre 2012, Communauté des bénédictins de l’abbaye Saint-Joseph de Clairval c./ ADEME, AJDA, 2013, p. 245, pour qui la loi de 1905 prévoit l’exclusion du bénéfice des subventions des associations cultuelles, mais non celui d’associations non cultuelles qui, ayant de telles activités, peuvent recevoir ces financements, s’ils ne sont pas pour ces activités.
96 D’après cet arrêt, la règle doit bien être celle de l’interdiction totale de subventions aux cultes, posée par l’article 2 de la loi, et l’article 19 rappelle cette règle pour les associations cultuelles. Admettre la délibération de la commune équivalait alors à vider de son sens l’article 2, et selon le commissaire du gouvernement, « l’interdiction posée à l’article 2 est générale et s’applique à l’ensemble des pratiques cultuelles, qu’il s’agisse des associations cultuelles de la loi de 1905, des associations de la loi de 1907 ou de réunions organisées sur initiative individuelle ». Le Conseil d’État rejeta par conséquent la requête de la commune, en relevant que l’association ne pouvait bénéficier du régime de la loi de 1905 en faveur des associations cultuelles, mais qu’elle ne pouvait pas non plus, en raison de l’article 2, et du fait de ses activités cultuelles, recevoir des subventions publiques, qui auraient constitué des subventions à un culte.
97 La convention n’est obligatoire que si les financements sont supérieurs ou égaux à 23000 euros (article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et décret n° 2001-495 du 6 juin 2001).
98 TA Limoges, 24 décembre 2009, M. Geirnaert, AJDA, 2010, p. 738, concl. J. Charret, et CE, 15 février 2013, Association Grande confrérie de Saint Martial et autres, AJDA, 2013, p. 375 ; RFDA, 2013, p. 375, concl. E. Cortot-Boucher, note M. Comte-Perrier ; AJDA, 2013, p. 1529, note M. Le Roux. ; DA, n° 7, juillet 2013, comm. 53, note G. Eveillard.
99 Voir CE, 3 décembre 1954, Sieur Rastouil, évêque de Limoges, Rec., p. 639 ; D., 1955, J., p. 31, note, dans lequel le Conseil d’État admettait que des cérémonies, « consacrées par les habitudes et les traditions locales », ne perdaient pas pour autant leur caractère cultuel.
100 CE, 3 octobre 2011, Communauté d’agglomération Saint-Etienne Métropole, Revue Lamy collectivités territoriales, n° 75, 1er janvier 2012, note E. Glaser.
101 TA Marseille, 22 avril 2008, Association diocésaine de l’archidiocèse d’Aix-en-Provence, AJDA, 2008, p. 1378, note A. Fornerod. La partition de l’édifice cultuel en fonction des usages avait déjà été posée, notamment dans l’arrêt Carlier du Conseil d’État du 18 novembre 1949, qui parlait « des parties de la cathédrale de Chartres où n’est célébré aucun office du culte » (CE, Ass., 18 novembre 1949, Carlier, Rec., p. 490 ; RDP, 1950, p. 172, concl. Gazier, note M. Waline ; JCPG, 1950, II, 5335, note G. Vedel ; S., 1950, 3, p. 49, note R. Drago).
102 CE, 20 juin 2012, Commune des Saintes-Maries-de-la-Mer, RFDA, p. 821, concl. E. Cortot-Boucher ; note J. Morange ; RDP, 2012, p. 1573, note H. Pauliat.
103 CE, 25 novembre 1988, Dubois, précité. On le voit l’analogie présente ses limites : un édifice peut ne pas avoir besoin, ou ne pas avoir du tout de parvis. En revanche il a assurément besoin d’un toit…
104 Voir par exemple P.‑L. Frier, « Le cadre juridique de l’aménagement intérieur des cathédrales », LPA, 16 septembre 1994, n° 111, pp. 3-6.
105 CE, Sect., 26 décembre 1930, Abbé Tisseire, Rec., p. 1113. Voir aussi CE, 4 août 1916, abbé Prudhommeaux, Rec., p. 354.
106 Loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, JO, 4 janvier 1914, p. 132.
107 Cet article a été abrogé par l’Ordonnance n° 2004-178 du 20 février 2004 relative à la partie législative du code du patrimoine, JO, 24 février, qui a modifié l’article L. 622-9 du Code du patrimoine. Désormais, il est prévu que : « Les différents services de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics ou d’utilité publique sont tenus d’assurer la garde et la conservation des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques dont ils sont propriétaires, affectataires ou dépositaires et de prendre à cet effet les mesures nécessaires. Les dépenses nécessitées par ces mesures sont, à l’exception des frais de construction ou de reconstruction des locaux, obligatoires pour les collectivités territoriales (…) ».
108 Les articles 524 et 525 du Code civil qualifient d’immeubles par destination « tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure », tels les objets scellés ou rattachés à l’immeuble ou encore les statues « lorsqu’elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir, encore qu’elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration ».
109 Sur ce point, E. Untermaier, « Les églises et le Code général de la propriété publique. A propos de l’article L. 2124-31 », AJDA, 2006, pp. 2210-2213 ; C. Lavialle, « Les édifices affectés aux cultes », RFDA, 2006, pp. 949-956, Y. Gaudemet, « Le domaine public cultuel dans le Code général de la propriété des personnes publiques », in Le dialogue des juges : mélanges en l’honneur de B. Genevois, Dalloz, 2008, pp. 455-472, et du même auteur « Le régime juridique des œuvres d’art dans les édifices du culte », in Liber amicorum Darcy. Détours juridiques : le praticien, le théoricien et le rêveur, Bruylant, 2012, pp. 295-307.
110 Tel était notamment le contenu de la Question écrite n° 18938 de M. Jean Amelin (Marne‑RPR), JO, Sénat, 9 août 1984, p. 1244.
111 Réponse du ministre de l’Intérieur, JO, Sénat du 29 novembre 1984, p. 1902.
112 S. Pierre‑Caps, « Les nouveaux cultes et le droit public », RDP, 1992, p. 1073.
113 Voir notamment sur les risques, les conclusions d’E. Guillaume sous CE, Sect., 12 février 1988, Association des résidents des quartiers Portugal-Italie, Rec., p. 66 ; AJDA, 1988, p. 293, et la note de J. Morand-Deviller, LPA, 20 mai 1988, n° 61, p. 4.
114 Plus de quinze fois.
115 Voir, entre autres, sur cette question : M. Lonjou, Edifices et lieux de culte en droit français, Thèse, Bordeaux I, 1992, dactyl., 533 p. ; S. Papi, « L’insertion des mosquées dans le tissu religieux local en France : approche juridique et politique », RDP, 2004, pp. 1339-1353 ; du même auteur, « Les musulmans et le droit de l’urbanisme : vers une plus grande reconnaissance juridique des discriminations ? », AJDA, 2010, pp. 1350-1354 ; et C. Viard, « La construction des lieux de culte et l’évolution du droit de l’urbanisme », RRJ, 2002, pp. 451-462.
116 J.-P. Machelon, Les relations des cultes avec les pouvoirs publics, rapport de la Commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics, au ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, La Documentation française, Paris, 2006, p. 16 sqq.
117 Idem, p. 38.
118 Briand parlait bien du « souci des choses de l’art ».
119 C’est d’ailleurs ce que préconisait R. Debray dans son rapport à Monsieur le ministre de l’Éducation nationale, L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, La Documentation française, Paris, 2002, p. 35.
L’idée n’est pas neuve, et avait déjà été largement défendue par Ferdinand Buisson dès 1908, lorsqu’il plaidait pour un enseignement de « l’Histoire générale et comparée des religions », devant se faire avec la plus grande impartialité, et surtout à la condition d’être arrivé « à l’état de science positive, solide, sereine et pour ainsi dire indiscutable », F. Buisson, « Pour l’enseignement de l’histoire des religions », janvier 1908, in La foi laïque, extraits de discours et d’écrits, Librairie Hachette et Cie, Paris, 3ème édition, 1918, pp. 222‑226.
Auteur
Maître de conférences en droit public
Université Savoie Mont Blanc, C.D.P.P.O.C.
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