La particularité de l’Alsace-Moselle
p. 167-179
Texte intégral
1L’histoire de l’Alsace-Moselle, que l’évocation de trois dates pourrait suffire à résumer (1870, 1914, 1940), est celle de la souffrance et de l’espoir. La souffrance des déchirures entre deux grandes nations ; l’espoir qu’a matérialisé et que personnifie la construction européenne. Cette “reformation de l’après”, est abordée dans un très beau texte de Giraudoux dans Électre :
“LA FEMME NARSES :
[...] Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?
ÉLECTRE
Demande au mendiant. Il le sait.
LE MENDIANT
Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore”.
2Dans les débris des destructions et reconstructions, on trouve parfois de la matière première utile. La législation allemande du “Kaiserliche Reich” (que l’on se gardera de confondre avec le IIIe !) comportait de nombreuses dispositions qui, techniquement, présentaient une supériorité sur celles qui constituaient alors le droit positif français.
3Certaines de ces dispositions ont été conservées lors du retour des trois départements à la France et constituent dans l’ordre national, un droit local dont la vivacité explique la présentation sous une division du colloque consacré à la spécialisation du juge, intitulée “L’éclairage du droit comparé” ; d’autres de ces dispositions ont pu inspirer le droit français général (on songe à l’injonction de payer1, ou encore, s’agissant des modalités de saisine des tribunaux, à la procédure de déclaration au secrétariat-greffe qui a été étendue en droit général par le décret no 88-209 du 4 mars 1988 relatif aux petits litiges devant les tribunaux d’instance2) ; d’autres enfin de ces dispositions sont régulièrement présentées en modèle à suivre. L’échevinage, dont le fonctionnement a localement donné satisfaction, est de ces mécanismes. Dans cette perspective, c’est sur la chambre commerciale des tribunaux de grande instance des trois départements de l’Est, mais aussi sur le tribunal d’instance (dans sa compétence commerciale), que sera mis l’accent3.
4Si les tribunaux de commerce ont pu exister en Alsace-Moselle avant la première annexion4, ce n’est plus le cas depuis une loi d’Empire du 27 janvier 1877 qui avait confié les affaires commerciales à une chambre du tribunal régional, composée d’un président (juge de carrière) et de deux “juges commerciaux” (Handelsrichter)5. Il est cocasse de remarquer qu’en Allemagne, l’introduction de juridictions particulières en matière commerciale (mais présidée par un juge de carrière) a trouvé sa source aux réflexions françaises animées par un souci de spécialisation des juridictions6.
5Cette spécificité a été maintenue “provisoirement” par la loi du 25 juillet 1923 puis étendue, d’abord à Sarreguemines et Thionville en 19787, ensuite à Saverne en 19898. C’est donc aujourd’hui9 une chambre du tribunal de grande instance qui connaît de la matière commerciale. Cette chambre est composée d’un magistrat de carrière qui fait office de président et de deux juges consulaires, élus dès la loi du 1er juin 1924 selon les modalités qui sont celles des juges consulaires en “Vieille France” ou “France de l’intérieur” selon les appellations consacrées au-delà de la ligne bleue des Vosges ! Mais puisqu’il est question des limites territoriales de notre pays, il faut ajouter que l’Alsace-Moselle n’est pas le seul endroit en France où la matière commerciale relève de juridictions mixtes, alliant juges de carrière et juges consulaires, puisque les tribunaux mixtes de commerce d’Outre-mer optent pour un même schéma10. Par ailleurs, il est d’autres juridictions qui conduisent à faire siéger côte à côte juges de carrière et citoyens, que ces derniers soient élus, nommés ou tirés au sort11.
6Cette diversité conduit à ne pas suspecter la validité de cette composition particulière qu’est la juridiction échevinale alsacienne-mosellane ; il convient néanmoins de s’en assurer (I), avant de pouvoir entrer dans une analyse critique de la structure actuelle de la chambre commerciale des trois départements de l’Est (II).
I – PRINCIPE DE VALIDITÉ DE L’ÉCHEVINAGE
7La légalité (et au-delà) du procédé de l’échevinage impose de vérifier sa validité tant au regard des normes du droit constitutionnel français, qu’au regard des règles de droit processuel européen.
8 A – Au regard du droit constitutionnel, l’apparition dans notre système juridique d’une exception de constitutionnalité a pu susciter quelques craintes en Alsace-Moselle12. En effet, ce dispositif nouveau peut conduire des citoyens à tenter de remettre en cause, par principe, les règles du droit local. Or, celles-ci demeurent nombreuses tant le droit local est un droit vivant. On évoquera des droits aussi divers que celui du Concordat, des associations, de la vente immobilière et de l’exécution forcée immobilière, de la publicité foncière, de la sécurité sociale ou encore des jours fériés particuliers…13
9La jurisprudence du Conseil d’État14 comme celle du Conseil constitutionnel doit “contribuer à rassurer les alsaciens mosellans très majoritairement attachés au maintien de ce modèle de droit local. En effet, au-delà des questions juridiques, il y a de forts enjeux politiques et symboliques”15. Ceci étant, on sait que “le principe constitutionnel d’égalité ne s’oppose [pas] à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes”. L’égalité n’est pas celle de Procruste. Dans sa décision du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel admet qu’il soit possible d’“arrêter des modalités spécifiques [qui, ici, concernait la Corse] de refonte des listes électorales [et ceci], sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi”16. La différence de situation de l’Alsace-Moselle justifie le maintien du droit local dans les trois départements17. Ce qui ne signifie évidemment pas que ce droit particulier soit figé et ne puisse être modifié, adapté ou amélioré18.
10 B – Au regard du droit processuel européen, l’interrogation posée est directement tournée vers la recherche du droit à un “bon juge”. Ce raccourci terminologique renferme une règle plus profonde que le simple énoncé de “bon juge” ne l’indique, un principe institutionnel du droit processuel qui est une émanation du droit générique d’accès à un juge. Ce droit d’accès à un juge doit évidemment s’accompagner de garanties institutionnelles, qui visent à assurer la qualité de la justice rendue. Et ce sont ces garanties qui “font” le “bon juge”. La question essentielle est ici celle de la légitimité de ce dernier. Or celle-ci s’appuie en premier chef, non sur son mode de désignation, que l’on sait variable, mais sur la qualité d’indépendance et d’impartialité de celui qui juge.
11Le système de l’élection, préféré en matière commerciale au recrutement par concours en raison du lien qui existe entre l’activité de ces juges et celle des parties, ou en raison de l’objet du litige, se justifie pour des considérations essentiellement liées à l’aptitude que ces personnes ont à résoudre les problèmes techniques qui se posent dans des matières professionnelles19. Mais d’autres réflexions, moins positives, sont aussi connues : c’est la crainte du manque de connaissances juridiques suffisantes de la part de ces juges élus qui, pourtant, sont amenés à appliquer la règle de droit ; c’est la question de leur impartialité, dans la mesure où il sont appelés à juger leurs confrères et/ou concurrents, en tout cas, des justiciable avec lesquels ils peuvent être en relations. On signalera qu’en cas de récusation, l’article 349 CPC prévoit que lorsque l’assesseur d’une juridiction échevinale est visé par la demande et qu’il s’y oppose ou n’y répond pas, c’est le président de la juridiction – et non la juridiction hiérarchiquement supérieure-qui se prononce et ceci, sans appel.
12En ce sens, l’échevinage tel qu’instauré en Alsace-Moselle forme un compromis satisfaisant, qui “assure une justice conforme au droit et aux usages commerciaux”20. Certes, les décisions des juges consulaires sont souvent pleines de bon sens, surtout dans les grandes villes avec des juges qui ont de solides connaissances juridiques (reçues à la Faculté-ils sont parfois maître en droit- ou à l’Ecole nationale de la magistrature-dans le cadre de la formation qui leur est ouverte-, voire acquises par leur pratique-ils sont chefs d’entreprise-) ; mais l’échevinage constitue la garantie d’une justice qui n’est pas purement civile et qui n’est pas exclusivement commerciale. Le droit est encadré ; les réalités économiques sont connues. De la mixité telle que pratiquée localement, ressort une fructueuse confrontation des expériences des uns et des autres. A chacun son métier ; à chacun son apport à l’œuvre de justice ! Quant à l’exigence d’impartialité, on se souviendra que dans la jurisprudence européenne, elle s’apprécie dans l’œil du justiciable21 ; de ce point de vue, la chambre commerciale est à l’abri de toute suspicion, puisqu’elle se présente “structurellement” impartiale, son président étant à l’évidence un tiers absolu aux parties.
13Au total, “lorsque vous posez la question [aux] magistrats consulaires d’Alsace-Moselle, ils vous disent qu’ils ne veulent pas changer pour le système consulaire. Ils préfèrent leur système dans lequel le président est un magistrat professionnel et où ils sont eux-mêmes les assesseurs d’un magistrat professionnel”22. Et de la même manière, lorsque l’on interroge les magistrats qui pratiquent l’échevinage, l’un d’entre eux, à une question ouverte, s’est spontanément déclaré “chaud partisan de l’échevinage”23 & 24... sachant toutefois que ceux qui n’en veulent pas en refuseront toujours l’idée. On sait l’hostilité manifestée par les juges consulaires à l’échevinage prévalant en Alsace-Moselle. Les annonces de réforme de 1983 (M. Badinter) et 1998 (Mme Guigou) qui n’ont pas abouti en sont un rappel évident. Mais l’argument parfois entendu selon lequel l’échevinage équivaudrait à décharger les assesseurs de leur responsabilité et les conduire à s’en remettre aux décisions des magistrats de carrière semble faire bien peu de cas de la conception qu’un juge, qui s’est porté candidat et a prêté serment, peut se faire tant de sa fonction que de sa haute mission. La question du choix de l’échevinage par rapport à une composition exclusivement élective des juges relève certes d’un choix politique ; mais juridiquement et concrètement... le mécanisme tient25 !
14Ledit mécanisme repose, en Alsace-Moselle, sur une structuration de la juridiction dans le détail de laquelle il faut désormais entrer.
II – LA STRUCTURE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE D’ALSACE-MOSELLE
15La structure d’une juridiction s’apprécie par l’étude de son organisation et celle de la compétence qui lui est dévolue. C’est par là que nous commencerons, car cette présentation peut révéler les éventuelles faiblesses subsistantes, ce qui fera l’objet d’un second point du présent développement.
A – Organisation et compétence de la chambre commerciale
16Selon l’article L. 731-2 du Code de commerce, la compétence des chambres commerciales d’Alsace-Moselle est, par principe, celle des tribunaux de commerce. Mais, par exception, des affaires entrent dans la compétence du tribunal d’instance. Il s’agit des “petits litiges” commerciaux (étant rappelé qu’il n’est pas de “petit” litige pour celui qui le vit).
17Ainsi, le contentieux commercial, hors les procédures collectives, est partagé entre la chambre commerciale et le tribunal d’instance. C’est d’ailleurs une compétence exclusive que les textes donnent au tribunal d’instance en matière commerciale pour tout litige dont la valeur n’excède pas 10 000 euros (art. L. 223-1, al. 3 COJ26). Le tribunal d’instance statue, en la matière, en dernier ressort jusqu’à 4 000 euros et à charge d’appel au-delà de ce montant (art. R. 223-1, al. 3 COJ).
18Cette autre particularité du régime alsacien-mosellan fait échapper à l’échevinage, mais plus encore, à la collégialité27, un important nombre de dossiers commerciaux, puisque le juge d’instance, en droit local comme en droit général, est un juge unique. Un président d’un tribunal d’instance alsacien contacté très récemment considère que le pourcentage de la masse contentieuse relevant de la matière commerciale représenterait de l’ordre d’au moins 20 % d’affaires et au plus 25 % du total dont connaît sa juridiction. Il faut cependant nuancer la proportion indiquée dans la mesure où, en Alsace-Moselle, le tribunal d’instance détient une compétence exclusive en matière d’injonction de payer28, ce qui constitue une part non négligeable du volume annoncé.
19En revanche, pour ce qui est de la chambre commerciale, elle répond à la définition de l’échevinage, puisqu’elle est composée d’un membre du tribunal de grande instance qui fait office de président, de deux assesseurs élus et d’un greffier, étant rappelé que les assesseurs sont élus dans les conditions fixées aux articles L. 723-1 à L. 723-14 (art. L. 731-3 C. com.), c’est-à-dire selon les modalités qui sont celles du droit général. Certes, un demandeur peut toujours envisager de ne pas saisir la chambre commerciale et de se diriger vers le tribunal de grande instance en qualité de juge de droit commun, mais si l’adversaire soulevait l’incompétence, elle serait nécessairement acquise.
20Sous les réserves qui ont été exprimées, les autres dispositions générales relatives aux tribunaux de commerce sont normalement applicables à la chambre commerciale29 et l’on retrouvera, par conséquent et par exemple, dès le second degré, une exclusivité de magistrats de carrière devant la cour.
21On remarquera cependant pour finir sur ce point, qu’il est possible en Alsace-Moselle, “par dérogation aux dispositions de l’article L. 722-14” du Code de commerce, de confier la fonction de juge-commissaire à un juge du siège du tribunal de grande instance ou du tribunal d’instance du domicile du débiteur (art. L. 731-4 C. com.). L’usage est toutefois de désigner des assesseurs des chambres commerciales.
22Quant à la présidence de la juridiction, on sait combien son rôle est important30. Désigné par ordonnance du président du tribunal de grande instance prise avant le début de l’année judiciaire, le président de la chambre commerciale est, en pratique, un magistrat expérimenté ayant le plus souvent rang de vice-président ; mais contrairement à la règle que fixe l’article L. 722-3 du Code de commerce, le président en Alsace-Moselle ne peut se faire substituer par un juge consulaire : le juge de carrière préside obligatoirement la formation de jugement (art. L. 731-4 C. com.).
23Il arrive en revanche audit président de déléguer spécialement un juge du siège pour tenir l’audience des référés commerciaux31.
24S’agissant précisément de ses attributions propres, sous réserve des injonctions de payer32, le président de la chambre commerciale exerce les mêmes attributions que celles dévolues au président du tribunal de commerce en droit général.
25On remarquera qu’en l’absence de disposition spécifique, l’article L. 731-3 du Code de commerce prévoit une composition à trois juge, ce qui signifie que le renvoi à juge unique, que l’article 801 CPC permet pour le tribunal de grande instance, ne devrait pas être envisageable pour la chambre commerciale de droit local33. Ceci rejoint, pour le droit général, le texte de l’article L. 722-1 du Code de commerce. Le juge unique pourra cependant réapparaître, mais au provisoire, en procédure sur requête ou en référé34, et aussi lorsque la compétence commerciale relève de la compétence du tribunal d’instance, ainsi que cela a déjà été indiqué.
26Quant au service du greffe, il n’est pas en Alsace-Moselle une charge privée tenue par un officier ministériel hors de la juridiction civile, mais au contraire géré en son sein, étant relevé que c’est le greffe du tribunal d’instance qui assure la tenue du registre du commerce et des sociétés35 et le service des injonctions de payer. On remarque alors une forme de “morcellement des greffes”, qui évoque de possibles failles dans le système de droit local. Ce que nous allons aborder désormais.
B – Faiblesses et améliorations possibles de l’échevinage de droit local
27Le constat posé à l’instant d’un morcellement des greffes est de nature à priver de l’état d’alerte la chambre commerciale et, de manière plus générale, “la centralisation des informations nécessaires à l’information des partenaires des entreprises commerciales et industrielles”36. Ainsi, si des rafales d’injonction de payer devaient être prises à l’encontre d’un commerçant, ce fait pourrait constituer un élément d’alerte pour la juridiction commerciale qui, en vertu des articles L. 631-3 et suivants du Code de commerce, peut se saisir d’office lorsqu’elle estime que le débiteur est en cessation de paiement afin de statuer sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ; mais, en l’absence de transmission provenant du tribunal d’instance, l’information ne sera pas répercutée. Une centralisation des informations auprès du greffe de la chambre commerciale serait la bienvenue. Une telle modification pourrait en appeler une autre, qui serait de confier à la chambre commerciale, mais statuant alors à juge unique, les litiges commerciaux relevant actuellement du tribunal d’instance37.
28Un autre inconvénient éventuel peut être lié au contraintes de la procédure écrite, puisque l’article 38 de l’Annexe du Code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle prévoit que la procédure applicable tant devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, que devant le tribunal de grande instance statuant en matière commerciale, “est celle qui est suivie devant le tribunal de grande instance, sans préjudice des règles particulières à la représentation des parties”. La procédure est alors celle d’une instance civile ordinaire et la justice commerciale, traditionnellement présentée comme un gage de simplicité et de rapidité, fait place aux règles habituelles prévalant devant le tribunal de grande instance.
29Il semble toutefois que la pratique, contre une lecture littérale des textes, admet la possibilité de confier l’affaire à un “juge rapporteur”, chargé de préparer l’instruction du dossier et d’en rendre compte à la juridiction dans son délibéré à l’image de ce qui est réalisable devant le tribunal de commerce (par application des articles 862 et suivants du Code de procédure civile), voire de la confier à un juge unique, spécialement en matière d’assignation à jour fixe38, ce qui est plus douteux.
30On sait aussi et en outre, que c’est le président de la juridiction commerciale qui se charge de la prévention des difficultés des entreprises39. On peut alors se demander si le juge de carrière est véritablement le mieux placé pour percevoir l’état concret dans lequel se trouve une entreprise en difficulté40.
31Nous avions, en début de propos, signalé que la différence de situation de l’Alsace-Moselle était de nature à justifier le maintien du droit local dans les trois départements, mais que cela ne signifiait nullement un droit local figé à la fin du XIXe siècle. A l’heure d’un bref bilan, on constate qu’il s’agit en effet d’un droit vivant et évolutif, qui dispose encore d’une marge de progression dans le service qu’il rend aux justiciables qui en relèvent.
Notes de bas de page
1 Empruntée à la procédure allemande, via l’Alsace-Moselle, v. Y. Strickler, “Procédure civile”, Paradigme, 3e éd., 2010, no 349.
2 Une différence subsiste : en droit local, l’article 36 de l’Annexe au Code de procédure civile ne limite pas la compétence du tribunal d’instance par le montant de la demande.
3 Pour d’autres juridictions spécialisées, présentes en Alsace-Moselle, on signalera la présence de la Commission centrale pour la navigation du Rhin, issue du Congrès de Vienne de 1815.
4 A Colmar, Metz, Mulhouse et Strasbourg, cf. Ph. Hoonakker et D. D’Ambra, in Dalloz Action, “Droit et pratique de la procédure civile”, 6e éd., 2009, V° Règles locales d’organisation judiciaire et de compétence quant à certains tribunaux, no 711.11. On note cependant que la toute première juridiction commerciale française était échevinale : A. Roger, “Défense de l’échevinage : l’exemple des tribunaux mixtes de commerce”, JCP 1996. I. 3905, no 2 : “la “juridiction des marchands de la ville de Marseille”, instituée en 1455 par le Viguier de Marseille, approuvée par l’ordonnance du Comte de Provence en 1466 et confirmée par les lettres patentes de Charles VIII de 1484, était composée du viguier assisté de deux assesseurs commerciaux”.
5 Loi d’organisation judiciaire, 27 janvier 1877, art. 100. Texte allemand in Reichsgesetzblatt 1877, p. 41 et texte français in Struss, “Les lois locales”, t. II, p. 109, éd. Alsatia-Colmar, 1954 ; v. J.-L. Vallens, Juris-Classeur Alsace-Moselle, Fasc. 505, V° Juridictions commerciales, 05, 2009 ; du même auteur, “L’échevinage de la justice commerciale”, LPA 1995, no 17, 22 décembre 1995, no 153, p. 11. V. aussi M. Créhange, “Les chambres commerciales d’Alsace-Moselle. Ombres et Lumières”, Rev. dr. local no 26 - janvier 1999 ; P. Koenig, “Une institution de droit local méconnue : la chambre commerciale du TGI”, Rev. dr. local no 25 - septembre 1998 ; J.-L. Vallens, “L’échevinage de la justice commerciale”, Rev dr. local no 17 - janvier 1996 ; “Les chambres commerciales, un modèle pour les tribunaux de commerce” ? Rev. dr. local no 25 - septembre 1998 ; “Déclaration de créance : le formalisme allégé du droit des procédures collectives s’applique en Alsace et en Moselle”, Rev. dr. local no 32 - avril 2001.
6 Sur cette justification liée à la recherche d’une spécialisation du juge, v. L. Cadiet, J. Normand, S. Amrani Mekki, “Théorie générale du procès”, PUF Thémis, 2010, no 112, spéc. p. 426... avec, immédiatement, la réserve tenant aux “nombreuses questions relatives à [l’]indépendance et [l’]impartialité” de ces juges.
7 Décret no 78-1147 du 30 novembre 1978.
8 Décret no 89-337 du 26 mai 1989.
9 Depuis l’Ord. no 2006-673 du 8 juin 2006, la matière figure dans le Code de commerce (art. L. 731-1 et s.)
10 Art. L. 732-1 et s. C. com.
11 On citera, entre autres, le conseil des prud’hommes dans sa formation de départage, le tribunal paritaire de baux ruraux, le tribunal des affaires de sécurité sociale, mais encore, le tribunal pour enfants et la cour d’assises.
12 Cf. Th. Rambaud, “Exception d’inconstitutionnalité et droit local alsacien mosellan”, 1er août 2008, Blog français de droit constitutionnel : http://www.bfdc.org/article-21658459.html
13 V. “Le guide du droit local – Le droit applicable en Alsace et en Moselle de A à Z”, publ. de l’IDL, Economica, 3e éd., 2002.
14 Par ex. : Cons. d’Etat, 6 avril 2001, Syndicat national des enseignants du second degré, AJDA 2002, p. 63 : “si le syndicat requérant soutient que le maintien en vigueur de la législation spéciale applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la... Moselle, en ce qu’elle prévoirait un “enseignement religieux obligatoire” dans les écoles publiques serait contraire aux stipulations de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, il ressort des pièces du dossier que l’obligation en cause est celle, pour les pouvoirs publics, d’organiser un enseignement de la religion, pour chacun des quatre cultes reconnus en Alsace-Moselle, et que celui-ci s’accompagne de la faculté ouverte aux élèves, sur demande de leurs représentants légaux, d’en être dispensés ; qu’ainsi, et en tout état de cause, le moyen doit être rejeté”.
15 Th. Rambaud, précité.
16 Décision no 91-290, 91-290 DC, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
17 Sur la conformité du droit local de la chasse au droit de la Convention de sauvegarde, v. Cass. 3e civ., 25 septembre 2002, Bull. civ. III, no 178.
18 Entre autres exemples, v. la loi no 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, art. 99, à propos de “l’inscription des conjoints collaborateurs au registre du commerce et des sociétés prévue par l’article L. 121-4 [C. com.,] “substituée à l’immatriculation au répertoire des métiers ou au registre détenu par les chambres de métiers d’Alsace et de Moselle”.
19 L’édit de Charles IX (novembre 1563), que l’on doit au Chancelier Michel de l’Hospital, avance notamment la raison que “les marchands doivent négocier ensemble de bonne foi sans être astreints aux subtilités des lois et ordonnances”.
20 J.-L. Vallens, in “Le guide du droit local”, op. cit., V° “Chambre commerciale”, p. 71.
21 Suivant en cela les mots de Lord Hewart dans R. v Sussex Justices Ex p. Mc Carthy, [1924] 1 K. B. 256 : “Justice should not only be done but should manifestly and undoubtedly be seen to be done”.
22 P. Petitjean, procureur de Saint-Brieuc, ancien procureur-adjoint à Metz, in Rapport 1998, précité.
23 En droit général, v. notamment L. Cadiet, J. Normand, S. Amrani Mekki, op. cit., spéc. p. 625.
24 Adde M. Jean-Luc Vallens : “[...] j’ai présidé pendant plusieurs années et j’ai souvent été mis en minorité. J’avais, dans ce cas, un peu de mal à rédiger les jugements mais pour les motiver, je me faisais aider par le juge consulaire qui contestait ma position conformément aux règles du jeu qui veulent que, lorsque l’on statue à trois, celui qui se trouve en minorité se plie aux décisions des autres, ce qui, selon moi, ne constitue pas un inconvénient mais bien un avantage !”. Et : “Je porte un regard plutôt critique sur les tribunaux de commerce, ce qui ne vous étonnera pas, puisque ma pratique professionnelle m’a conduit à exercer au sein d’une juridiction échevinée dont j’ai apprécié au fil des années tous les avantages”.
25 Rappr., lorsqu’il avait été question de mettre en place, en 1928, les tribunaux mixtes de commerce Outre-mer : alors que la chambre de commerce de la Guadeloupe avait souhaité une juridiction consulaire, la loi a retenu une juridiction échevinale. M. Brunet, rapporteur de la loi, a justifié cette option en indiquant que la “présence dans les tribunaux de commerce coloniaux de juges de carrière à côté des juges élus du commerce concilie heureusement le souci d’assurer aux justiciables des garanties quant à l’interprétation des textes avec la préoccupation de faire toute sa part à la compétence acquise en matière de conventions abandonnées aux usages”.
26 “En matière commerciale, le tribunal d’instance connaît, de manière exclusive, de toutes actions jusqu’à la valeur de 10 000 euros”.
27 Art. L. 722-1 C. com. : “Sauf dispositions qui prévoient un juge unique, les jugements des tribunaux de commerce sont rendus par des juges statuant en formation collégiale” (il en est de même pour les chambres mixtes des départements d’outre-mer, v. par ex. art. L. 732-5 C. com.).
28 Comp. en droit général, art. 1406, al. 1er CPC. Adde en droit local et en matière de lettre de change, art. L. 223-7 COJ : “Le juge du tribunal d’instance connaît de la saisie conservatoire prévue à l’article L. 511-51 du code de commerce quel que soit le montant des causes de la saisie”.
29 A l’exception, dit l’article L. 731-4 C. com., des articles L. 721-1, L. 721-2, L. 722-3, [textes propres au tribunal de commerce, définissant pour le premier la structure du tribunal, pour le second la compétence du tribunal de grande instance en l’absence de tribunal de commerce et pour le troisième l’organisation de la présidence du tribunal] L. 722-11 à L. 722-13 et du second alinéa de l’article L. 723-7 [textes relatifs au mandat du président du tribunal].
30 Pour J.-L. Vallens, c’est le constat que la présidence d’un tribunal de commerce est une source d’informations et une source de pouvoir considérable qui explique que la présence d’un juge professionnel qu’imposerait le principe de l’échevinage est mal vue : propos in Rapport no 1038 fait au nom de la Commission d’enquête sur l’activité et le fonctionnement des tribunaux de commerce, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 1998. http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/tribunaux-decommerce/rap1p1.asp/
On rappellera que la Conférence générale des tribunaux de commerce, aussi bien en 1983 qu’en 1997, a brandi la menace de la démission collective, lorsqu’a été envisagé de réformer les tribunaux de commerce par l’introduction de l’échevinage.
31 Ph. Hoonakker et D. D’Ambra, in Dalloz Action, op. cit., no 711-23.
32 Qui en Alsace-Moselle relèvent de la compétence du juge d’instance, v. supra.
33 V. cep. infra.
34 Art. 39 de l’Annexe du Code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : “Le président de la chambre commerciale statue en référé et sur requête conformément aux articles 872, 873 et 875 du code de procédure civile”.
35 Art. L. 223-4 et R. 223-12 COJ. Le caractère privé et autonome des greffes des tribunaux de commerce leur a permis, en s’appuyant sur la forme des groupements d’intérêt économique, de mettre en place des systèmes de consultation télématique qui malheureusement, comme pour les autres greffes des tribunaux civils français, n’ont pas été introduits en Alsace-Moselle (cf. J.-L. Vallens, “L’échevinage de la justice commerciale”, précité).
36 J.-L. Vallens, “L'échevinage de la justice commerciale”, précité.
37 V. proposition de J.-L. Vallens, “L’échevinage de la justice commerciale”, précité, qui suggère, dans ce cas, que le recours exercé contre les décisions de ce juge serait porté vers la juridiction collégiale.
38 Lire CA Colmar, 13 mai 2008, no de RG : 07/04584, legifrance : “Attendu cependant que, en dépit du non respect évident des formalités prévues aux articles 801 et suivants du Code de Procédure Civile dans le cadre de la procédure à jour fixe introduite devant la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, et sans qu’il soit nécessaire de se référer à la pratique suivie devant cette juridiction, pourtant non contestée par l’appelante, selon laquelle les assignations à jour fixe seraient systématiquement évoquées en juge unique, il apparaît que la demande de renvoi devant la formation collégiale aurait dû intervenir, comme retenu à bon droit par le tribunal, au plus tard le jour de l’audience de plaidoirie, avant la clôture des débats ; Attendu en effet que, l’avocat de la défenderesse avait-il le moindre doute quant à la composition du tribunal, notamment sur le fait que la juridiction pouvait siéger en juge unique ou en juge rapporteur, il lui appartenait de le faire valoir lors des débats à l’audience [...]”. V. aussi J.-L. Vallens, Juris-Classeur Alsace-Moselle, Fasc. 505, V° Juridictions commerciales, 05, 2009 : “L’interprétation [qui ferait] prévaloir les règles applicables devant le tribunal de grande instance, pourrait s’appuyer sur les dispositions de l’annexe du Code de procédure civile [...] mais serait par trop contraire au caractère écheviné de la juridiction” ; du même auteur, “L’échevinage de la justice commerciale”, précité : “si le système du juge unique ou du “juge rapporteur” est aisément compatible avec une juridiction homogène (tribunal civil ou tribunal de commerce), il apparaît inconciliable avec une juridiction échevinée”.
39 Cf. art. L. 611-2, L. 611-3 C. com.
40 En 1998, la commission d'enquête a proposé dans son rapport que le président du tribunal de commerce reste un juge consulaire, dans la perspective d’assurer cette mission de prévention que la loi confie au président de la juridiction.
Auteur
Professeur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, Directeur du Centre d’Études et de Recherche en Droit Privé (EA 1201)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations…
Dix ans après
Sébastien Saunier (dir.)
2011