L’accès aux règles de droit ou la vengeance de Joseph K
p. 31-45
Texte intégral
1Tous ceux qui, le temps d’une lecture, ont partagé le sort angoissant de Joseph K., héros malheureux du Procès de Kafka, savent combien il est oppressant de se trouver confronté au Droit lorsqu’il n’assure pas l’une de ses fonctions essentielles : fournir la sécurité nécessaire pour déployer son activité quotidienne. Rappelons en effet que Monsieur K. est arrêté un matin au réveil sans savoir pourquoi et passe ensuite toute sa vie de liberté provisoire à tenter de défendre sa cause, alors même qu’il l’ignore, en suivant une procédure inconnue face à un juge qu’il ne peut rencontrer. Le héros voit sa tragique aventure se terminer dans une carrière, où il est égorgé par ses bourreaux. Sans qu’elles aboutissent toujours à une aussi terrible issue, il est bien d’autres illustrations qui attestent des risques dont sont porteuses de telles situations d’absence d’information juridique.
2Le péril est d’ailleurs si bien identifié qu’il justifie l’existence de l’adage nul n’est censé ignorer la loi, qui, au-delà d’une impossible application littérale, vise principalement à interdire d’alléguer un défaut de connaissance de la règle1, en imposant à tout acteur social une sorte d’obligation d’information juridique préalable à toute action2. Encore faut-il préciser qu’une telle exigence de connaissance juridique n’est légitime que dans un contexte où les règles de droit restent assez facilement accessibles et compréhensibles3, ce qui n’est pas forcément le cas dans la période contemporaine, plutôt caractérisée par une inflation normative galopante4.
3Ainsi, alors même que la conscience de la nécessité d’information juridique est vive, sa concrétisation en obligation juridique a tardé et s’est d’abord traduite par des mécanismes d’accès à la justice5, voire aux services publics6. Ceux-ci sont effectivement longtemps apparus plus indispensables que des dispositifs d’accès au droit lui-même, comme si sa positivité, ou si l’on préfère son applicabilité, dispensait de réfléchir à son appropriation par ses destinataires : tout s’organisait comme s’il n’était pas nécessaire de justifier l’accès – étymologiquement l’approche, l’arrivée - à une règle qui, de toute façon, s’applique et vaut7 ?
4Néanmoins, les pouvoirs publics ne sont pas restés totalement inertes sur la question et ont progressivement admis d’intervenir en vue d’améliorer l’accès aux règles de droit, de manière à permettre aux citoyens de mieux comprendre l’action administrative. Le législateur a posé les premiers jalons avec une série de textes très connus relatifs à l’accès aux documents administratifs8, à la motivation des actes administratifs9, aux fichiers informatiques10 ou encore aux archives11. Le Conseil constitutionnel est ensuite venu donner une dimension qualitative à cette démarche, en considérant que la « garantie des droits » requise par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 implique que les individus doivent disposer d’une « connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables », ce qui a justifié l’émergence d’un objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi12. C’est dans ce contexte de sensibilisation accrue à la question de l’accès au droit qu’est intervenue la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrés (DCRA).
5Cette loi, dont le présent ouvrage célèbre les dix ans, n’est donc pas promulguée sur un terrain vierge et ses premiers articles, consacrés à la promotion de l’accès au droit, ne constituent dès lors pas une complète innovation. A l’heure d’un premier bilan, il s’avère cependant nécessaire de mesurer sa valeur ajoutée dans ce domaine spécifique, d’essayer de déterminer dans quelle mesure elle a permis une amélioration de l’accès des individus aux règles de droit ? Pour le dire de manière délibérément plus provocatrice, il s’agit de voir si ce texte rend bien définitivement impossible une mésaventure semblable à celle de Joseph K.
6Pour procéder à cette évaluation, il s’avère nécessaire de dissocier deux aspects complémentaires de l’accès au droit, à savoir d’une part l’accès direct, physique aux règles (I), c’est-à-dire le repérage de la norme applicable à une situation donnée et, d’autre part, l’accès intellectuel, ou l’aptitude à comprendre et s’approprier l’interprétation des règles (II),
§ 1 – L’accès physique aux règles de droit
7La création des maisons de services publics peut évidemment apparaître comme l’un des moyens prioritaires pour faciliter l’accès aux règles de droit des citoyens, en leur permettant de disposer d’un guichet unique susceptible d’accueillir leurs démarches administratives. En un tel lieu, il semble évident qu’ils doivent trouver l’information qu’ils recherchent sur les normes applicables à une situation donnée. Toutefois, l’accès au droit ne constitue pas l’enjeu prioritaire de leur institutionnalisation, plus axée autour des objectifs d’aménagement du territoire et de rationalisation administrative13. Aussi faut-il plutôt se focaliser sur les deux articles de la loi consacrés à l’accès au droit, d’autant que la raison plus prosaïque de l’existence d’une intervention qui leur est spécifiquement consacrée milite en ce sens14. C’est pourquoi il faut analyser les résultats de la création d’un service public de diffusion du droit (A) avant d’évaluer les effets de la relance de la codification (B).
A – La création d’un service public de diffusion du droit
8De manière symbolique, le chapitre Ier de la loi s’ouvre sur l’affirmation du « droit de toute personne à l’information (…) en ce qui concerne la liberté d’accès aux règles de droit applicables aux citoyens ». Bien que la formulation puisse étonner, notamment du fait du choix du vecteur indirect du droit d’information, elle se veut le socle du renforcement de la liberté d’accès au droit, le point d’appui d’un véritable droit créance doté de réelles conséquences.
9L’article 2 la concrétise du reste très rapidement en énonçant que « les autorités administratives sont tenues d’organiser un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent » et en consacrant en tant que service public « la mise à disposition et la diffusion des textes juridiques ». Ces précisions, initialement apportées pour éviter que l’affirmation première ne soit dépourvue d’effet normatif comme le craignaient les sénateurs15, montrent que l’accès aux normes juridiques passe effectivement par des initiatives des pouvoirs publics et pas seulement par une mobilisation des individus. L’affirmation d’une mission de service public s’appuie pour sa part sur un précédent jurisprudentiel, le Conseil d’État ayant préalablement admis l’existence d’une telle obligation à la charge de l’État16. L’un des éléments les plus tangibles de cette consécration résulte certainement de la création, non explicitement envisagée par la loi, du site internet Légifrance17 (www.legifrance.gouv.fr) qui assure une diffusion gratuite des données juridiques publiques sur Internet. L’usage de plus en plus quotidien et partagé de cet instrument témoigne du succès – malgré des critiques qualitatives parfois vives18 – que constitue cette initiative, qui ne va cependant pas sans susciter de multiples questionnements. En effet, au-delà du paradoxe amusant d’un accès physique assuré par la voie virtuelle, la fracture numérique qui demeure – qu’elle tienne à des motifs financiers et/ou géographiques – est susceptible d’altérer les effets de l’innovation et pose problème en termes d’égalité d’accès au réseau. Le phénomène pourrait s’amplifier du fait de la tentation d’exclusivité numérique de certaines publications ou démarches qui existe parfois au sein des pouvoirs publics et il convient d’être très vigilant sur ce point pour s’assurer de ne pas sombrer dans un culte des nouvelles technologies qui oublie une part de la population. Certaines expériences étrangères de dématérialisation totale des publications juridiques attestent des difficultés et doivent être prises en compte pour établir des compensations – mise en place parallèle d’un service téléphonique permettant d’obtenir une aide à la recherche et une copie du document désiré en Belgique, aide aux personnes handicapées pour accéder aux services de communication publique en ligne19 – ou maintenir des versions papier20. Enfin, quelques problèmes spécifiques émergent, tenant par exemple à la valeur juridique à accorder aux publications électroniques, notamment en cas de divergences entre les versions virtuelle et papier ou encore lorsque la publication électronique est la condition de pérennité juridique de la version papier21.
10A l’heure du bilan, cet aspect de la loi DCRA semble bien avoir permis une amplification des obligations de publicité traditionnelles, susceptibles de faciliter l’accès aux normes juridiques. Encore faut-il préciser que si cette amélioration ne fait aucun doute pour les professionnels du Droit, elle s’opère de manière moins certaine et conditionnée par des considérations techniques pour l’ensemble des citoyens.
11L’évolution n’est d’ailleurs certainement pas achevée, tant au plan des progrès techniques, qui permettent d’accéder à des bases de données toujours plus complètes et performantes, qu’au plan des prestations recherchées. La meilleure illustration du phénomène est fournie par un arrêté du 18 juin 2009, qui enclenche un processus de personnalisation en prévoyant la création d’un téléservice dénommé « mon. service-public.fr » afin de fournir une information administrative sur mesure aux administrés qui s’y inscriront et de leur permettre de stocker leurs documents administratifs22. Un glissement subjectiviste semble donc s’opérer, qui offre un nouvel écho au droit subjectif à l’information sur l’accès au droit initialement proclamé.
12Pris dans son ensemble, ce mouvement vient dès lors nourrir et encourager le droit à la transparence23 et à la compréhension de l’administration24 et s’inscrit plus largement dans le cadre du développement d’une véritable citoyenneté administrative25 promue dans le titre même de la loi DCRA. Ainsi, même si les innovations liées à l’usage des nouvelles technologies génèrent leur lot de surprises et d’effets pervers, la promotion au rang de service public de la mise à disposition et de la diffusion des textes juridiques se révèle globalement bénéfique. De fait, elle se traduit par un accès facilité aux règles juridiques et s’avère donc parfaitement cohérente avec l’esprit général de la loi et des textes avec lesquels elle fait corps, sans pour autant avoir été codifiée, et ce alors même qu’elle envisage une relance de la codification.
B – La relance de la codification
13La deuxième grande mesure prévue par la loi DCRA au titre du perfectionnement de l’accès au droit est une nouvelle relance de la codification. Cette technique est traditionnellement perçue, avec une force toute particulière en France du fait de l’héritage des grandes codifications napoléoniennes26, comme la seule réellement susceptible de contribuer à l’unification des règles juridiques. Il est vrai qu’en tant qu’elle permet de « rassembler en un livre unique le droit d’une nation, décliner en quelques centaines d’articles, rédigés dans une langue claire et accessible, les solutions juridiques autrefois dispersées dans un maquis de coutumes et d’arrêts »27, elle correspond à la volonté d’« accéder d’un même mouvement aux vœux d’unification, de simplification et de stabilisation du droit »28, tous porteurs de sécurité juridique. De fait, la plupart des propriétés pratiques et symboliques attribuées à la codification permettent d’améliorer l’accès aux normes juridiques de leurs destinataires, à commencer par l’unité fondamentale par laquelle « le Code clôt l’espace du Droit », dans la mesure où il « est ce qui, contenant le Droit en un lieu unique, l’empêche pour ainsi dire d’exploser »29. De plus, représentant normalement la totalité du corpus juridique, le Code rassure les acteurs juridiques en leur évitant l’oubli fatal d’une disposition régissant leur action et constitue de la sorte un outil efficace de prévision30. Il semble enfin bénéficier d’une certaine « transcendance » qui en fait tout à la fois « une figure de légalité parfaite » et « une figure de démocratie parfaite »31 puisque la codification met le Droit en ordre et le rend plus clair, plus accessible. L’ensemble de ces qualités inhérentes à la codification se conjuguent donc pour contribuer à l’unification du Droit, et ainsi permettre un accès simplifié aux normes juridiques.
14Il n’est dès lors guère surprenant de constater de régulières périodes d’engouement pour la technique32, y compris en matière administrative33. Dans la période contemporaine, le processus a été relancé en France avec le décret du 12 septembre 1989, lequel institue une « Commission supérieure de la codification »34 présidée par le Premier ministre. Les travaux engagés ne furent aucunement perturbés par l’alternance politique. Au contraire, dans le cadre de sa politique de réforme de l’État, le gouvernement Juppé se fixa comme objectif la codification globale du droit français en l’an 200035. L’ambition était d’envergure mais fut vite déçue, principalement en raison de l’engorgement du calendrier législatif. Ce constat finit d’ailleurs par conduire le gouvernement suivant à solliciter une habilitation du Parlement afin de codifier par ordonnances, autorisation accordée par la loi no 99-1071 du 16 décembre 1999 pour neuf codes. C’est dans ce contexte qu’intervint l’article 3 de la loi DCRA, en vue de réaffirmer l’importance accordée à cette démarche. Le texte reste toutefois assez succinct, se contentant de poser une définition au terme de laquelle « la codification législative rassemble et classe dans des codes thématiques l’ensemble des lois en vigueur à la date d’adoption de ces codes ». Loin d’offrir une innovation d’importance, la loi se contente donc simplement de situer le processus, d’en rappeler le cadre général et de l’ancrer au regard de l’objectif d’accès au droit des citoyens, sans permettre un réel développement qualitatif.
15Le constat est d’autant plus net qu’il est également précisé que « cette codification se fait à droit constant, sous réserve des modifications nécessaires pour améliorer la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés, assurer le respect de la hiérarchie des normes et harmoniser l’état du droit ». Cette restriction de l’ambition codificatrice ne va d’ailleurs pas sans susciter des critiques dans la mesure où, dans un contexte d’inflation législative, il s’agit finalement d’« une codification sans cesse remise en chantier, et porteuse de codes de plus en plus parcellaires et spécialisés »36. Généralement opérée dans le relatif anonymat des ordonnances, ces codifications se voient reprocher un certain manque d’ambition. Il en résulte principalement de nouveaux codes au caractère technique très marqué, ce qui trahit alors certainement une perception nouvelle de la codification qui « relève tantôt du corporatisme, tantôt de la bureaucratie. Renforçant le cloisonnement du droit, cette codification disjoint plutôt qu’elle unifie »37. Dans ces conditions, les principes juridiques transversaux que la codification est censée faire émerger sont introuvables et ne peuvent donc offrir une structuration globale de l’espace juridique. À l’inverse, la multiplication et la spécialisation croissante des codes scindent cet espace en domaines techniques dont il est beaucoup plus difficile d’appréhender les règles et qui peuvent en outre être difficiles à articuler entre eux. Cet effet pervers de la codification à droit constant rappelle certains avertissements sur les dangers dont elle est porteuse38 et incite à une certaine méfiance39. Il convient donc de se préserver d’une éventuelle utopie codificatrice : l’unification simplificatrice du Droit reste certes un objectif de cette technique, mais elle n’en est pas pour autant toujours le résultat effectif40. Le plus beau de tous les codes reste en effet logiquement formulé en termes juridiques et ne remédie donc pas aux inégalités socio-culturelles d’accès à l’information juridique, sachant que la faculté à l’utiliser reste bien entendu très inégalement partagée41. Les dix années écoulées l’attestent d’ailleurs assez clairement dans la mesure où elles ont abouti à une multiplication assez peu contrôlée des codes, 70 étant actuellement référencés sur Légifrance, sans nécessairement que l’on puisse percevoir une nette amélioration de l’accès au droit ! Certaines de ces critiques semblent aujourd’hui prises en compte, puisque l’article 34 de la loi no 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit a autorisé quelques codifications à droit inconstant, dont certaines se sont depuis concrétisées42. Il n’est pas pour autant acquis que la codification telle qu’elle est actuellement menée en France puisse véritablement contribuer à démocratiser l’accès aux règles de droit.
16Ainsi, chacune des deux perspectives développées par la loi DCRA dans le but d’améliorer l’accès physique à la règle de droit apporte indéniablement quelques améliorations. Mais il est loin d’être certain que celles-ci puissent bénéficier à l’ensemble des citoyens et nourrir significativement l’extension d’une citoyenneté administrative entendue comme une pratique effective partagée. Les progrès semblent en effet plutôt susceptibles de bénéficier prioritairement à ceux qui disposent déjà des moyens – et notamment d’un capital culturel ou de formation – d’accéder aux normes, à savoir prioritairement aux professionnels du Droit, et non aux profanes. Aussi faut-il chercher à déterminer dans un second temps si, au-delà de ses prescriptions, par des effets indirects, la loi DCRA peut améliorer l’accès intellectuel aux règles de droit.
§ 2 – L’accès intellectuel aux règles de droit
17Derrière le constat d’un progrès de l’accès physique aux normes juridiques, se trouve donc la frustration liée au fait que cette amélioration reste partielle et ne bénéficie pas à tous. De manière un peu paradoxale, les avancées observées soulignent avec force des limites traditionnelles de l’accès au Droit, ici mises au jour avec acuité. La conscience de ce décalage peut toutefois conduire à chercher à le compenser par la pratique, c’est-à-dire en jouant sur l’interprétation juridique pour faire émerger un sens nouveau permettant de combler le défaut d’accessibilité intellectuelle des normes (A), même si des obstacles récurrents demeurent (B) et empêchent une concrétisation absolue de cet objectif.
A – L’enrichissement de l’accessibilité et de l’intelligibilité des normes
18L’accès au Droit se présente généralement comme un préliminaire indispensable pour qui veut savoir si une situation ou une activité est régie par des textes et, dans l’affirmative, accéder à ceux-ci afin de pouvoir décider du comportement à adopter en pleine connaissance de cause. La première phase est alors évidemment d’identifier la « bonne » règle au milieu du maquis juridique, celle qui correspond effectivement au cas particulier du citoyen. Encore faut-il ensuite que la norme en question soit suffisamment compréhensible pour que l’acteur juridique se l’approprie sans trop de difficultés et qu’il puisse l’appliquer. Tel est le sens de la promotion au rang d’objectif à valeur constitutionnelle de l’exigence d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi43 par le Conseil constitutionnel. L’association des deux termes ne résulte en rien d’un hasard de langage mais traduit parfaitement l’évidente symbiose des deux exigences : l’accès aux normes n’a aucun sens en l’absence de compréhension de même que cette dernière impose évidemment une détermination préalable de la règle. Ainsi, antérieurement à la loi DCRA, le Conseil élabore un instrument pour remédier au constat de l’indispensable compréhension du droit. Néanmoins, alors même qu’il promeut l’accès au droit, ce texte reste totalement muet sur la question de l’accès intellectuel aux normes, ce qui peut a priori apparaître comme un oubli étonnant.
19Il n’est pas pour autant certain qu’il n’ait joué aucun rôle sur ce terrain, notamment au regard de deux évolutions jurisprudentielles. La première renvoie à la rapide promotion du droit d’accès aux documents administratifs au rang de garantie fondamentale pour l’exercice des libertés publiques44. La deuxième porte sur l’exigence d’intelligibilité du Droit. En effet, malgré les espoirs nés de la consécration puis de la diffusion au rang constitutionnel45 et en matière pénale46 des exigences de clarté et de précision des normes, celles-ci ont beaucoup tardé à se concrétiser en matière administrative. De fait, avant la loi DCRA, le juge administratif se refusait avec constance à accueillir le moyen de légalité externe tiré du manque de clarté d’un acte administratif. Aux requérants qui invoquaient le défaut de lisibilité du décret attaqué, le commissaire du gouvernement répondait, lapidaire, que « ce moyen ne saurait être accueilli. L’obscurité n’entache pas un texte d’illégalité »47. Le Conseil d’État, qui en formation consultative prônait l’information et vantait la mission pédagogique de l’administration, assumait alors une belle schizophrénie au contentieux, en opposant à cette requête un argument d’autorité fort peu satisfaisant48. Consciente du problème de cohérence ainsi posé, la Haute juridiction a finalement fait évoluer sa jurisprudence, en considérant comme opérant le moyen tiré de la violation par un règlement de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme49. Le juge administratif admet donc désormais d’utiliser l’instrument forgé par le Conseil constitutionnel pour censurer au contentieux un défaut de clarté. Il s’en sert même pour éviter qu’il ne résulte d’une notification de voies et délais de recours « des ambiguïtés de nature à induire en erreur les intéressés, dans des conditions telles qu’ils pourraient se trouver privés du droit à un recours contentieux effectif »50, ce qui témoigne d’une extension progressive du champ du principe d’intelligibilité. Il serait certes exagéré d’affirmer qu’il y a là un effet direct de la loi DCRA, mais il est probable, même si une détermination ou une quantification scientifique du phénomène reste fort délicate, que ce texte a constitué un des éléments attestant une évolution contextuelle qui facilite le revirement jurisprudentiel. Le juge a en effet trouvé en la loi DCRA un argument juridique qui relaye et concrétise l’objectif à valeur constitutionnelle, ce qui peut justifier d’en faire une application directe. Ainsi, même si elle n’est certainement pas le seul facteur explicatif de la montée en puissance jurisprudentielle de l’accessibilité et de l’intelligibilité des normes, cette loi y a très certainement contribué en édifiant un contexte juridique favorable. Aussi n’est-il pas incongru d’affirmer que l’accès intellectuel aux règles a connu quelques améliorations, certes timides et incertaines, du fait de la loi DCRA, mais que certains obstacles demeurent par ailleurs.
B – Les obstacles récurrents à un accès au droit démocratisé
20Bien que la loi DCRA nourrisse de réels progrès dans la mise à disposition des règles de Droit à leurs destinataires et alimente de manière plus indirecte un effort pour rendre compréhensibles ces mêmes dispositions, il n’en demeure pas moins quelques difficultés structurelles, extrêmement difficiles à surmonter. La première tient certainement à la technicité du vocabulaire juridique, laquelle ne peut être éludée sous peine de ne pas disposer de textes suffisamment précis pour être adaptés aux situations complexes qu’ils doivent régir51. Or, si l’usage d’un langage compliqué et technique au point de constituer un véritable jargon professionnel pose toujours un peu problème, cette difficulté est décuplée lorsqu’il s’agit du Droit, lequel est censé n’être ignoré de personne52 … Les remèdes ne sont pas faciles à trouver et ne relèvent d’ailleurs pas nécessairement du registre purement normatif. Il semble en effet difficile de renoncer à la précision du vocabulaire juridique. En revanche, des efforts de légistique destinés à améliorer la rédaction des règles sont pour leur part parfaitement envisageables, en profitant notamment des codifications. L’abandon de la rédaction par simple référence et substitution/correction – par exemple « dans la seconde phrase de l’article L. 216-4 du code de l’éducation, les mots : « désigne la collectivité » sont remplacés par les mots : « désigne, en tenant compte du nombre d’élèves à la charge de chacune de ces collectivités, celle » »53 – pourrait ici constituer un louable premier pas, qui faciliterait la compréhension des réformes législatives !
21Le deuxième obstacle important à une large compréhension du Droit est lié aux inégalités socio-culturelles, lesquelles interdisent à une partie de la population d’accéder au contenu des normes juridiques, en dépit des efforts récurrents de simplification du droit et des démarches administratives54. Il va de soi que cette appréhension imparfaite des règles empêche ensuite de les mettre en œuvre d’une manière réellement appropriée55. Cette difficulté est vraisemblablement l’une des plus difficiles à lever, tant les ressorts de la maîtrise du langage sont multiples, variés et donc complexes à identifier. L’une des pistes qui mériterait d’être enfin sérieusement creusée serait d’offrir un réel enseignement du Droit dès l’enseignement secondaire, afin d’éviter de réserver la connaissance des institutions et règles juridiques à ceux qui ont la chance de poursuivre suffisamment leurs études. Offrir de telles perspectives à tout citoyen ne semblerait effectivement pas déplacé et pourrait peut-être garantir un socle minimal de culture juridique, susceptible de faciliter l’accès aux règles de droit.
22Ainsi, bien qu’elle ait directement contribué à améliorer l’accès physique aux normes juridiques et indirectement facilité l’accès intellectuel à ces dernières, la loi DCRA n’a pu garantir une pleine et entière connaissance du Droit applicable par les citoyens. Facteur de progrès, elle rend impossible un procès aussi inique que celui de Joseph K., mais révélateur des carences qui persistent, elle invite à poursuivre l’ambition démocratique consistant à nourrir toujours plus la citoyenneté administrative.
Notes de bas de page
1 Le développement de caractéristiques normatives qualitatives pourrait du reste renouveler la lecture de l’adage, comme le montre A. AKAM AKAM, « Libres propos sur l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » », RRJ 2007, p. 31 et s.
2 G. NICOLAU considère d’ailleurs que cet adage est au fondement d’un « mythe de la connaissance », in « Inaccessible droit ! », RRJ 1998, p. 18. Elle est rejointe par P. DEUMIER, « La publication de la loi et le mythe de sa connaissance » Les Petites Affiches 6 mars 2000, p. 6 et s.
3 Voir en ce sens R. GUILLIEN, « Nul n’est censé ignorer la loi », in Mélanges en l’honneur de Paul Roubier, Tome 1, Dalloz, Paris, 1961, p. 253.
4 Sur ce constat aujourd’hui commun, voir notamment J. CARBONNIER, Essais sur les lois, Répertoire du notariat Defrénois, Paris, 1995, pp. 307-313 ; N. NITSCH « L’inflation juridique et ses conséquences », APD 1982, p. 161 et s. ; R. SAVATIER, « L’inflation législative et l’indigestion du corps social », D. 1977, chr. p. 43 et s. ; J.-P. HENRY, « Vers la fin de l’État de droit ? », RDP 1977, p. 1207 et s. ; G. HISPALIS, « Pourquoi tant de loi(s) ? », Pouvoirs 2005, no 114, p. 101 et s. ; E. GRASS, « L’inflation législative a t-elle un sens ? », RDP 2003, p. 139 et s. Voir également le dossier sur « Le désordre normatif », RDP 2006, p. 43 et s. et le constat du CONSEIL D’ÉTAT, Sécurité juridique et complexité du droit, Rapport public 2006, Études et documents no 57, La Documentation française, 2006, p. 234 et s.
5 Mise en place dès 1851 de l’assistance judiciaire, fréquemment réformée, pour apparaître aujourd’hui sous la forme de l’aide juridictionnelle, organisée par la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
6 Encore faut-il préciser que l’accès au service public n’est pas uniquement un préalable de l’accès au droit et peut aussi se nourrir d’une meilleure accessibilité intellectuelle aux textes administratifs et au droit comme le montre bien V. DONNIER, « Les droits de l’usager et ceux du citoyen », RFDA 2008, p. 13 et s.
7 Voir en ce sens M.-A. FRISON-ROCHE, J.-M. COULON, « Le droit d’accès à la justice », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, T. REVET, Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 2003, p. 403.
8 Loi no 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public. Plus récemment, le droit d’accès aux documents administratifs a été élevé à la dignité de liberté fondamentale : CE, 29 avril 2002, Ullmann, Req. no 228830 ; RFDA 2003, p. 135, concl. Piveteau ; AJDA 2002, p. 691, note Raimbault ; TDP 2003, no 14, p. 163, note Delaunay.
9 Loi no 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.
10 Loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
11 Loi no 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives.
12 CC 99-421 DC, 16 décembre 1999, consid. 13, Rec. p. 136 ; D. 2000, p. 361, chr. Baranes et Frison-Roche, no 4, p. VII, note Mathieu ; RFDC 2000, p. 120, note Ribes ; AJDA 2000, p. 31, chr. Schoettl. L’affirmation de cet objectif est confirmée par la décision CC 2001-454 DC, 17 janvier 2002, consid. 27. Critiquant cette évolution : A. JENNEQUIN, « L’intelligibilité de la norme dans les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat. Plaidoyer pour une déjuridicisation de l’intelligibilité de la norme », RFDA 2009, p. 913 et s.
13 Voir les précisions apportées par P. FERRARI, « Les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : commentaire général de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 », AJDA 2000, p. 484.
14 Se reporter à la contribution de J.-Ph. CHABANNAUD dans le présent ouvrage.
15 Se référer à J. CHEVALLIER, « La transformation de la relation administrative : mythe ou réalité ? (à propos de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration », D. 2000, p. 576.
16 CE, 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris, AJDA 1998, p. 363, concl. Combrexelle, note Nouel ; D. 1998, jp, p. 591, note Jorion.
17 Arrêté du 6 juillet 1999 relatif à la création du site Internet Légifrance, JO 13 juillet 1999, p. 10406.
18 Voir notamment F. ROLIN, « Légifrance 2.0 : un symptôme de la mort du service public à la française », publié sur http://frederic-rolin.blogspirit.com/archive/2008/01/17/legifrance-2-0-un-symptome-de-la-mort-du-service-public-a-la.html
19 Instituée par le décret no 2009-546 du 14 mai 2009 pris en application de l’article 47 de la loi no 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et créant un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne.
20 Voir la riche présentation de P. SABLIERE, « Nul n’est-il censé ignorer internet ? », AJDA 2010, no 3, p. 127 et s.
21 Tel est le cas avec la création du site www.circulaires.gouv.fr telle qu’elle est prévue par le décret no 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires. Pour des commentaires de ce texte, voir D. VERGELY, « Accessibilité du droit : instructions et circulaires portées à la connaissance du citoyen. Portée et limite du décret no 2008-1281 du 8 décembre 2008 », JCP A 2009, 2088 ; P. COMBEAU et S. FORMERY, « Le décret du 8 décembre 2008 : un nouvel éclairage sur le droit souterrain ? », AJDA 2009, p. 809 et s.; R. NOGUELLOU, « Le statut des circulaires », DA 2009, no 6, p. 3 et s.
22 Se reporter sur cette question à la note très critique de G. KOUBI, « Quand le service public se « personnalise » », publiée sur son blog Droit cri-TIC : http://koubi.fr/spip.php ?article287.
23 Sur l’ensemble de cette recherche de transparence, se référer à D. MAILLARD DESGRÉES DU LOÛ, Droit des relations de l’administration avec ses usagers, PUF, Coll. Thémis droit public, Paris, 2000, pp. 319-459.
24 H. OBERDORFF, « L’émergence d’un droit de comprendre l’administration et le droit », Rapport public du Conseil d’État de 1991, EDCE no 43, p. 217 et s.
25 Voir sur cette question G. DUMONT, La citoyenneté administrative, Thèse dactyl., Paris II, 2002 ; G. DARCY, « Une citoyenneté administrative ? », in E. DESMONS, Figures de la citoyenneté, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2006, p. 131 et s.
26 Il faut ici rappeler que le Code civil a pu être présenté comme la « véritable constitution » – au sens sociologique – du pays par J. CARBONNIER, « Le Code Civil », in P. NORA (dir.), Les lieux de mémoire II, la Nation, Paris, Gallimard, 1986, p. 309.
27 F. OST, Le temps du droit, éd. Odile Jacob, Paris, 1999, p. 226.
28 Ibid.
29 D. de BÉCHILLON, « L’imaginaire d’un code », Droits 1998, p. 175. L’ensemble de ce passage reprend très largement la superbe démonstration de l’auteur.
30 Selon G. BRAIBANT, « la codification est un instrument de sécurité parce qu’on a plus l’inquiétude de se demander toujours si on a pas oublié un texte qui ne serait pas abrogé et demeure ainsi en vigueur. En principe, le droit applicable est constitué par les textes qui sont dans les codes et rien d’autre », in « Utilité et difficultés de la codification », Droits 1996, p. 65. C’est notamment en s’appuyant sur cet énoncé que D. de BÉCHILLON fait de la « totalité » une propriété essentielle du Code, concourant à la maîtrise du droit positif, in « L’imaginaire d’un code », op. cit., p. 175.
31 Ibid., p. 179.
32 Pour quelques éclairages historiques, voir B. OPPETIT, Essai sur la codification, PUF, Paris, 1998, p. 8 et s. Sur cette problématique, consulter également les no 24, 26 et 27 la revue Droits, tous consacrés à la codification.
33 En la matière, trois références permettent de comprendre comment cette problématique a été successivement abordée : M. LE TOURNEUR, « Quelques réflexions sur la codification du droit administratif », in Études juridiques offertes à Léon Julliot de la Morandière, CNRS, Paris, 1964, p. 277 et s. ; G. VEDEL, « Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? », EDCE 1979, p. 31 et s ; Y. ROBINEAU, « Droit administratif et codification », AJDA 1995, no spécial du cinquantenaire, p. 110 et s.
34 Décret no 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission supérieure de codification. Ce regain d’intérêt pour la technique existe aussi au sein des instances communautaires. Sur ce mouvement, voir B. OPPETIT, « De la codification », D. 1996, chr. p. 36.
35 Circulaire du Premier Ministre A. JUPPÉ du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires. Annexé à cette circulaire, le programme général de codification adopté par la Commission supérieure le 4 décembre 1995 prévoyait pour la période 1996-2000 l’élaboration de 22 nouveaux codes et la refonte de 18 codes existants (JO du 5 juin 1996, p. 8263).
36 F. OST, Le temps du droit, op. cit. p. 237.
37 F. OST, « La codification, une technique juridique pour aujourd’hui ? », in C.-A. MORAND (dir.), L’État propulsif, Publisud, Paris, 1991, p. 247.
38 M. PRELLE, « Les codifications dangereuses », Gaz. Pal. 1990, chr., p. 622 et s. ; F. TERRÉ, A. OUTIN-ADAM, « Codifier est un art difficile », D. 1994, chr., p. 99 et s.
39 Passant de la méfiance à la défiance en montrant que la codification entreprise peut parfois s’apparenter à une véritable décodification : E. DOCKÈS, « La décodification du droit du travail », Droit social 2007, no 4, p. 388 et s. Pour des jugements plus positifs sur le même processus, voir le dossier « Le droit du travail recodifié », AJDA 2008, p. 842 et s.
40 La simplification n’est du reste qu’un objectif subsidiaire de la codification, comme le rappelle bien A. ZARADNY, « Codification et simplification du droit », LPA 24 mai 2007, no 104, p. 20 et s.
41 Voir en ce sens J. CHEVALLIER, « La transformation de la relation administrative : mythe ou réalité ?… », op. cit., p. 580.
42 A titre d’exemple, voir l’ordonnance no 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques.
43 Le Conseil constitutionnel énonce effectivement que la finalité d’intérêt général s’attachant à l’achèvement d’un programme de codification « répond au demeurant à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; qu’en effet l’égalité devant la loi énoncée par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et « la garantie des droits » requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables » : CC 99-421 DC, 16 décembre 1999, précité, consid. 13.
44 CE, 29 avril 2002, Ullmann, Req. no 228830 ; RFDA 2003, p. 135, concl. Piveteau ; AJDA 2002, p. 691, note Raimbault ; TDP 2003, no 14, p. 163, note Delaunay.
45 Initialement appliquée au principe de légalité des délits et des peines (CC 80-127 DC, 19 et 20 janvier 1981 Sécurité et liberté, consid. 7, Rec. p. 15 ; AJDA 1981, p. 275, notes Rivero et Gournay ; JCP 1981, II, no 19701, note Franck ; D. 1981, jp, p. 101, note Pradel ; D. 1982, I, p. 441, note Dekeuwer ; RDP 1981, p. 661, comm. Philip ; RA 1981, p. 266, comm. de Villiers), cette exigence s’est vue progressivement étendue par la jurisprudence constitutionnelle, jusqu’à sa généralisation à tout texte de loi : CC 98-401 DC, 10 juin 1998, consid. 10, Rec. p. 258 ; RFDC 1998, p. 640, note Favoreu ; AJDA 1998, p. 495, chr. Schoettl ; LPA 1998, no 144, p. 18, note Mathieu et Verpeaux. Pour une description complète de cette évolution, se reporter à Ph. RAIMBAULT, Recherche sur la sécurité juridique en droit administratif français, Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit public, Tome 256, 2009, pp. 150-152.
46 Le juge pénal s’appuie en effet pour sa part sur l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au principe de légalité pour écarter l’application d’incriminations qu’il estime trop imprécises : Cass. Crim. 20 février 2001, Req. no 98-84.846 ; D. 2001, IR, p. 907. Pour de plus amples développements, se reporter à D. MAYER, « Vers un contrôle du législateur par le juge pénal ? », D. 2001, chr. p. 1643 et s.
47 C. MAUGÜE, Conclusions sur CE Ass. 5 mars 1999 M. Rouquette, Mme Lipietz et autres », RFDA 1999, p. 358.
48 Le juge répond effectivement à ce moyen par une incidente finale énonçant que « les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret qu’ils attaquent, qui n’est entaché d’aucune illégalité externe » : CE Ass., 5 mars 1999, M. Rouquette, Mme Lipietz et autres, Req. no 194658 ; RFDA 1999, p. 370. Voir également CE, 18 février 2004, Commune de Savigny-le-Temple, Req. no 251016, où le juge rejette le moyen « en tout état de cause ». Deux exceptions jurisprudentielles sont toutefois à signaler, qui toutes deux reposent plus exactement sur l’absence de précision des dispositions en cause. Une première espèce est relative à une condition suspensive à l’entrée en vigueur d’une taxe municipale : CE, 27 juin 1990, Commune des Eaux-Bonnes c./ M. Berdoulat, RFDA 1991, p. 867, concl. Fouquet. Dans cette affaire, le juge énonce qu’en « l’absence de toute autre précision, les termes de cette réserve n’étaient pas de nature à permettre aux entreprises entrant dans le champ d’application de la taxe de déterminer si, et dans l’affirmative à compter de quelle date précise, la condition à laquelle le conseil municipal avait subordonné la perception de la taxe était remplie (…) pour ce motif, la délibération doit être regardée comme dépourvue de toute portée juridique ». La seconde affaire concerne un règlement trop imprécis pour permettre la mise en œuvre des dispositions législatives pour l’application desquelles il intervient : CE, 12 juin 1998, Fédération des aveugles et handicapés visuels de France, Req. no 188738.
49 CE, 8 juillet 2005, Fédération des syndicats généraux de l’Education nationale et de la recherche publique SGEN-CFDT et autres, Req. no 266900. Solution confirmée dans CE Ass., 24 mars 2006, Société KPMG et autres, Rec. p. 154 ; RFDA 2006, p. 463 et s., concl. Aguila, p. 483, note Moderne ; AJDA 2006, p. 841, trib. Mathieu, p. 897, trib. Melleray, p. 1028, chr. Landais et Lenica ; RDP 2006, p. 1169, note Camby ; D. 2006, p. 1190, chr. Cassia ; JCP A 2006, 1120, note Belorgey ; Europe mai 2006, p. 9, note Simon ; RMCUE 2006, p. 457, note Chaltiel ; JCP G 2006, I, 150, p. 1228, note Plexis ; GAJA no 117.
50 CE, 4 décembre 2009, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire c/Hammou, Req. no 324284 ; AJDA 2010, no 10, p. 555, note Caille.
51 Pour approfondir la réflexion sur ce sujet, se référer à G. CORNU, Linguistique juridique, Montchrestien, Domat droit privé, Paris, 2005, notamment p. 263 et s.
52 Pour une mise en relief de l’importance d’apprécier l’intelligibilité au regard des capacités de compréhension du destinataire, voir A. JENNEQUIN, « L’intelligibilité de la norme dans les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat… », op. cit., pp. 920-921.
53 Douce formule, qui ne constitue aucunement une illustration caricaturale, issue de l’article 13 de la loi 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation pour l’avenir de l’école, dite loi Fillon.
54 Voir les lois, souvent complexes, no 99-1071 du 16 décembre 1999, no 2003-591 du 2 juillet 2003, no 2004-1343 du 9 décembre 2004 et 2007-1787 du 20 décembre 2007, no 2008-1545 du 31 décembre 2008 et no 2009-526 du 12 mai 2009.
55 Montrant bien combien le capital culturel est important pour s’approprier les procédures écrites de participation aux enquêtes publiques : C. BLATRIX, « Vers une « démocratie participative » ? Le cas des enquêtes publiques », in C.U.R.A.P.P., La gouvernabilité, PUF, Paris, 1996, p. 299 et s.
Auteur
Professeur de Droit public. Directeur de l’Institut d’Études Politiques de Toulouse (LaSSP)
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La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations…
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Sébastien Saunier (dir.)
2011