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Avant-propos

p. 5-7


Texte intégral

1Qu’y a-t-il de plus stimulant pour la doctrine contemporaine que de célébrer, de se pencher sur la doctrine d’un auteur du siècle précédent ? A l’image de la spécification comme mode d’acquisition en droit des biens, les idées des uns nourrissent les idées des autres. Si bien qu’au terme de cette alchimie il est difficile parfois de démêler l’apport des uns ou des autres, ou encore de déterminer l’influence concrète d’un auteur sur le droit positif.

2Un tel travail s’avère alors nécessaire, non seulement pour rendre hommage mais encore parce que c’est souvent en revenant à la source d’une idée que l’on en saisit la pureté mais aussi peut‑être les scories qu’elle véhicule. En somme surmonter certaines difficultés nécessite de relire les notions, les concepts sous la plume de ceux qui les ont sinon pensés, du moins interprétés et donc influencés.

3C’est dans cette perspective que cet ouvrage se propose d’aborder la doctrine de Pierre Hébraud en procédure civile et en droit processuel.

4Pierre Hébraud fut un grand civiliste et un grand processualiste. Pourtant, mais peut-être cela résulte-t-il de sa personnalité décrite comme discrète, son œuvre ne reste connue que des spécialistes, sans que jamais ne fût posée la question de déterminer s’il existe une doctrine propre à Pierre Hébraud, sans jamais que ne fût clamée une école de Pierre Hébraud. A l’occasion des 80 ans de sa nomination comme professeur à Toulouse (1937) et les 30 ans de l’inauguration de l’amphithéâtre à son nom à l’Université Toulouse Capitole (1987), il s’est agi, lors d’une journée d’études qui s’est tenue le 8 décembre 2017, de réunir une partie de la doctrine processualiste française pour répondre à cette question : la doctrine de Pierre Hébraud est-elle vivante ? Analyser les travaux de Hébraud en droit processuel et procédure civile nécessite évidemment de replacer ses écrits dans leur contexte. Mais il s’agit également et surtout de chercher s’ils sont marqués de modernité et sont aptes à décrire le droit contemporain et voire à même de régler certaines scories jusqu’ici irrésolues.

5Les contributeurs de cet ouvrage apportent un éclairage tout à fait lumineux et ce à deux titres. D’abord parce qu’ils permettent de mieux saisir la doctrine d’Hébraud. Juriste extrêmement ouvert, attiré par le droit comparé, il invente la notion de droit processuel en même temps que Motulsky mais en l’envisageant d’un autre angle se basant sur un critère proche de l’acte juridictionnel. L’étude souligne que cette différence d’approche est source de débats qui se prolongent jusqu’à nos jours sur la notion de droit processuel. L’autorité de l’acte juridictionnel fut analysée de façon approfondie par Hébraud tout comme, en amont, la distinction du droit substantiel et de l’action en justice. Il apparaît également que les idées de Pierre Hébraud étaient extrêmement fécondes dans des matières inattendues comme le droit international privé ou l’arbitrage.

6Ensuite, parce qu’ils permettent de démontrer que si Pierre Hébraud était un « homme de son temps », il a su à maints égards forger une doctrine à même de s’appliquer, d’expliquer, voire d’anticiper, des phénomènes contemporains aux contributeurs de cet ouvrage comme l’e‑justice, le phénomène de juridictionnalisation et de déjurictionnalisation, la corrélation entre la loi applicable à un litige et le juge compétent pour en connaître. Dans un autre domaine, celui de la juridiction du provisoire, dès 1938 il a su anticiper que celle-ci dans bien des cas finira en pratique par se substituer à la juridiction du fond. Une fois les ordonnances des présidents exécutées, les parties bien souvent hésitent à saisir le tribunal. Le provisoire devient alors très souvent du définitif. De la même façon, ses réflexions concernant les réformes de la Cour de cassation survenues à son époque font écho à celles d’aujourd’hui et aux transformations à venir de notre juridiction suprême dont l’activité renvoie à la notion de jurisprudence.

7Mieux faire connaître la doctrine de Pierre Hébraud pour mieux la faire exister et démontrer son caractère vivant, tels sont les objectifs de cet ouvrage auquel d’éminents auteurs, de Toulouse et d’ailleurs, ont bien voulu contribuer.

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