Les rapports publics annuels du Conseil d’État, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes
p. 275-291
Texte intégral
1“Sois juge et tais toi”. Cette formule est le sous-titre d’un article de Jean DÉPREZ paru en 1976 dans le cadre d’une controverse sur les rapports publics de la Cour de cassation1. Si Jean DÉPREZ considère que la Cour de cassation a mieux à faire que de se taire, l’on peut en dire autant du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes. Les rapports publics annuels de ces trois juridictions présentent en effet un véritable intérêt. Le rapport du Conseil d’Etat comporte notamment un bilan de l’activité de l’année écoulée pour les formations administratives et pour la section du contentieux, et des considérations générales sur un thème choisi. Celles-ci sont consacrées en 2009 au sujet “Droit au logement, droit du logement”. Le rapport de la Cour de cassation inclut, pour l’essentiel, des suggestions de modifications de textes, une sélection de sa jurisprudence, un bilan de son activité et depuis quelques années une étude sur un thème unique à partir de la jurisprudence de la Cour. En 2009, cette étude porte sur les discriminations2. Quant au rapport de la Cour des comptes, il contient les observations des juridictions financières, c’est-à-dire les insertions résultant de l’activité de contrôle de gestion, et les remarques sur les suites données à ces observations présentées dans des rapports de suivi. Ces contrôles ont porté en 2008 notamment sur l’Etat et les fédérations sportives, la Documentation française et les Journaux officiels ou encore la fin de l’exploitation charbonnière.
2Ces rapports constituent un objet d’étude doublement hétérogène. Apparus à des époques distinctes, ils sont les reflets de juridictions elles-mêmes fort différentes les unes des autres. Le Conseil d’Etat est doté d’une fonction consultative importante3, dont la Cour de cassation ne dispose pas ; la Cour des comptes quant à elle a une fonction extra-juridictionnelle d’importance croissante. En outre, ces rapports n’ont pas tous le même écho dans les médias. Très médiatisé, celui de la Cour des comptes est également le seul à voir son existence consacrée par la Constitution puisque l’article 47-2 dispose que la Cour par ses rapports publics “contribue à l’information des citoyens”4. De plus, il existe une hétérogénéité au sein des rapports d’une même juridiction. Chaque rapport a connu des évolutions et s’est développé sans doute au-delà des attentes évoquées dans le texte qui le régit5. Ces facteurs d’évolution intéressent notamment le passage de la confidentialité à la publicité, les relations du rapport avec d’autres publications de la juridiction, la présentation formelle du document, la personnalité de ses rédacteurs ou sa procédure d’élaboration.
3Malgré leurs différences, les rapports publics annuels de ces trois juridictions révèlent des enjeux communs. Ils restent d’abord des objets mal identifiés : leur contenu n’est pas aisé à qualifier juridiquement et leur étude mériterait une démarche interdisciplinaire mêlant droit, sociologie et analyse rhétorique. Une étude croisée permet néanmoins de mieux cerner ce qu’est un rapport public et quelles fonctions il remplit. Ces documents constituent un révélateur du discours des juridictions sur le droit ou sur l’Etat, de la conception qu’elles se font de leur rôle et de la manière dont elles s’expriment. Si le rapport public du Conseil d’Etat a fait l’objet d’un colloque en 20096, l’analyse conjointe de ces publications confirme le sentiment de Jacques CAILLOSSE7 qu’il y a là “un angle mort de la recherche académique”8. Le contenu des rapports publics des juridictions a pu susciter un regain d’intérêt en faisant face récemment à un enjeu contentieux. Depuis l’arrêt Labor Métal du Conseil d’Etat9, l’on sait en effet que les rapports publics sont placés sous haute surveillance contentieuse. La mention d’une affaire dans un rapport de la Cour des comptes puis le jugement de celle-ci pouvant heurter le principe d’impartialité, la rédaction des rapports du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes intègre aujourd’hui ce risque contentieux de la dualité fonctionnelle. D’un point de vue théorique, les rapports publics soulèvent bien entendu des interrogations sur le rôle du juge dans la cité. Leur contenu peut prêter à discussion à l’extérieur comme à l’intérieur10 de ces juridictions et illustre de manière particulière le débat sur le “gouvernement des juges” et la séparation des pouvoirs.
4Les rapports publics soulèvent également un enjeu d’ordre pédagogique. Ces trois juridictions, qui ne manquent pas de critiquer le défaut de lisibilité de la loi, savent-elles rendre leurs propos clairs et accessibles ? Ces rapports leur permettent sans doute de faire la leçon aux autorités publiques, aux juridictions du fond, à la doctrine, mais quels enseignements en tire-t-on ? Plus généralement, il s’agit ici de déterminer dans quelle mesure les rapports publics annuels de ces trois juridictions constituent des outils pédagogiques au service du droit. Dans cette perspective, ils méritent un examen à partir d’une proposition commune : l’art du rapport11 consiste à mêler passages obligés, thèmes choisis et qualités formelles. La dimension pédagogique des rapports publics peut donc être évaluée à travers les figures imposées (I), les figures libres (II) et les figures de style (III) qu’ils comportent12.
I – FIGURES IMPOSÉES
5Trois figures imposées apparaissent à la lecture des rapports : ceux-ci visent à informer (A), expliquer (B) et proposer (C).
A – Informer
6Le rapport public annuel d’une juridiction est d’abord un rapport d’activité. Il livre donc les informations relatives à l’activité de la juridiction durant l’année précédente. Chaque rapport contient à ce titre des statistiques présentées dans de nombreux tableaux et graphiques. Ces données peuvent sembler anodines ; les choix qu’elles supposent offrent néanmoins un reflet de la juridiction. Le Conseil d’Etat et la Cour des comptes livrent dans leurs rapports les statistiques intéressant, le premier, l’ensemble des juridictions administratives (de compétence générale et spécialisées)13 et la seconde, les juridictions financières14. Au-delà des statistiques, les insertions dans le rapport de la Cour des comptes reflètent plus largement l’activité de contrôle de gestion de l’ensemble des juridictions financières. Le rapport de la Cour de cassation en revanche ne concerne que la Cour et non l’ensemble des juridictions judiciaires. Une autre différence peut être notée. Les rapports de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat sélectionnent les décisions significatives de l’année écoulée. En revanche, le rapport de la Cour des comptes ne livre que des données chiffrées sur l’activité contentieuse des juridictions financières mais n’évoque pas les décisions juridictionnelles rendues. Sa partie rédactionnelle n’inclut que les insertions des contrôles de gestion effectués. Le rapport de la Cour des comptes insiste donc sur la fonction extra-juridictionnelle de la Cour. Le rapport du Conseil d’Etat présente non seulement son activité contentieuse mais aussi celle de ses formations administratives, qui ne serait pas connue sans ce document.
7En tant que rapport d’activité, le rapport public est aussi un outil de communication institutionnelle. En livrant des informations sur son activité, une juridiction vise à être davantage connue et reconnue, à renforcer sa légitimité. L’apparition récente d’un rapport annuel du Tribunal des Conflits en témoigne. Comme l’indique M.-F. Mazars, vice-président du Tribunal des conflits, en introduction au premier rapport de cette juridiction pour 2005, celui-ci est destiné à “faire connaître plus largement le fonctionnement et la jurisprudence du Tribunal des conflits et [à] rendre compte de son activité”. Elle précise par ailleurs que cette juridiction, n’étant pas dotée d’un budget propre, ne peut disposer d’un site internet autonome et regrette que “le Tribunal des conflits, juridiction indépendante, ne soit pas doté de moyens matériels lui permettant de prendre en charge ses frais de fonctionnement”15. Aussitôt né, la rapport remplit une fonction de communication ; à long terme, il est sans aucun doute un instrument de bilan et de mémoire de l’institution. Même du point de vue pédagogique, le rapport ne se limite pas à une fonction informative, il présente aussi une dimension explicative.
B – Expliquer
8Le pédagogue est sans doute celui qui ne se contente pas de livrer des informations à autrui mais qui maîtrise également l’art d’expliquer. Cette fonction explicative tient une place majeure dans les rapports du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation : non seulement les décisions les plus importantes sont expliquées dans la sélection annuelle mais la jurisprudence est aussi mise en valeur dans les études ou considérations générales thématiques. Depuis quelques années, la Cour de cassation consacre en effet un développement à l’étude d’un thème, comme le fait le Conseil d’Etat. Tandis que la juridiction administrative utilise sa jurisprudence sans la mettre explicitement en valeur dans l’intitulé de l’étude, la Cour de cassation prend sa propre jurisprudence pour objet d’étude. Ainsi, les études les plus récentes ont porté sur la Cour de cassation et la construction juridique européenne, la santé ou les discriminations dans la jurisprudence de la Cour de cassation16. La jurisprudence du Conseil d’Etat est également mise en valeur dans la sélection d’arrêts et dans les Considérations générales : toutefois, il ne s’agit pas là, comme on le verra, de l’objet principal de ces Considérations. Dans le rapport de la Cour de cassation, les études, puis l’étude thématique unique, permettent incidemment d’éviter ou de corriger surinterprétations ou contresens, de définir certaines notions. Une étude du doyen MÉTIVET publiée dans le rapport pour 1998 propose ainsi une définition de la faute séparable des fonctions du dirigeant. Or, en 2003, dans l’arrêt Seusse, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’inspire de cette définition17. Dans le rapport de la Cour des comptes, en l’absence de sélection de jurisprudences, la fonction explicative ne relève pas de l’évidence. Au mieux peut-on noter qu’elle apparaît lorsque la Cour explicite ses méthodes de contrôle18.
9Le rapport public annuel n’a pas le monopole de la fonction explicative. Il subit au contraire une concurrence sérieuse : sites internet, bulletins d’information, fiches19, colloques, conférences de presse20, rencontres avec des universitaires et discours sont autant de moyens pédagogiques que chaque juridiction développe à sa manière. De parution annuelle, le rapport public intervient de plus tardivement, bien après que d’autres sources d’information ont permis de présenter et d’éclaircir la jurisprudence. Si la fonction explicative des rapports est indéniable, il n’est pas sûr en revanche qu’elle suffise à justifier leur pérennité face à d’autres publications présentant une quasi-immédiateté ou une fréquence plus avantageuse. Elle côtoie la fonction de proposition qui caractérise également les trois rapports.
C – Proposer
10Les dispositions qui régissent les rapports des trois juridictions font référence aux propositions, améliorations ou observations qu’elles formulent. Le Code de justice administrative précise que la Section du rapport et des études “prépare le rapport d’activité que le Conseil d’Etat établit chaque année. Il mentionne les réformes d’ordre législatif, réglementaire ou administratif sur lesquelles le Conseil d’Etat a appelé l’attention du Gouvernement ; il peut contenir des propositions nouvelles et signale en outre, s’il y a lieu, les difficultés rencontrées dans l’exécution des décisions du Conseil d’Etat statuant au contentieux et des juridictions administratives”. L’article R. 431-10 du Code de l’organisation judiciaire indique, que “le premier président et le procureur général peuvent appeler l’attention du garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constatations faites par la Cour à l’occasion de l’examen des pourvois et lui faire part des améliorations qui leur paraissent de nature à remédier aux difficultés constatées”. L’article L. 136-1 du Code des juridictions financières dispose : “La Cour des comptes adresse au Président de la République et présente au Parlement un rapport public annuel et des rapports publics thématiques, dans lesquels elle expose ses observations et dégage les enseignements qui peuvent en être tirés”.
11La fonction de proposition est donc l’objectif initial des rapports. Chaque juridiction la remplit à sa façon et selon ses missions. La Cour de cassation propose ainsi des modifications législatives ou réglementaires placées en début de rapport. Le Conseil d’Etat suggère des améliorations du fonctionnement de l’administration et de la qualité du travail gouvernemental et fait des propositions de fond. Ces suggestions sont dispersées tout au long du rapport, parmi les remarques des formations administratives ou dans les Considérations générales21. Quant à la Cour des comptes, elle recommande non seulement des adaptations techniques mais également des changements d’orientation des politiques publiques. Ces juridictions peuvent toutefois influencer le législateur et le pouvoir réglementaire en suggérant des réformes dans d’autres cadres que leur rapport annuel. Des commissions ou groupes de travail composés de membres de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat sont ainsi à l’initiative de réformes. De plus, les études du Conseil d’Etat et les rapports particuliers de la Cour des comptes développent d’autres suggestions. La concurrence que subit le rapport public annuel s’étend donc à sa fonction de proposition.
12Si ces figures imposées font déjà apparaître des différences entre les trois rapports, celles-ci sont confirmées a fortiori par les figures libres qu’ils contiennent.
II – FIGURES LIBRES
13Les figures libres résultent des considérations générales, études et insertions développées dans les rapports. Elles méritent que l’on s’attarde sur les sujets choisis, la méthode d’analyse retenue et leur portée.
A – Quels sujets ?
14Le rapport public annuel de la Cour des comptes constitue à nouveau un cas particulier. Les sujets abordés dépendent a priori des contrôles réalisés durant l’année écoulée. En réalité, la logique est à présent inversée : “l’insertion au rapport public, après avoir été le débouché imprévu d’un contrôle, est de plus en plus souvent envisagée dès le lancement d’un contrôle et surtout d’une enquête”22. Ce contrôle de gestion réalisé par la Cour est par ailleurs mené soit de manière organique, soit de manière thématique : il concerne une entité ou une politique donnée. Les insertions contenues dans le premier volume du rapport sont donc particulièrement diversifiées et forment des inventaires d’un Prévert financier. De plus, la Cour des comptes n’hésite pas à aborder des politiques sociales et des sujets sensibles23. L’intégralité du rapport de la Cour semble donc constituer de figures libres tant les sujets sont variés, parfois audacieux, la Cour utilisant pleinement sa liberté d’action.
15En revanche, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat réalisent ces figures libres en exploitant un thème unique. Les “études et documents” sont apparus dans le rapport de la Cour de cassation pour la première fois en 1984 : chaque étude traitait un sujet en relation avec la jurisprudence d’une chambre. A partir du rapport pour l’année 2000, afin de marquer l’unité de la Cour, un thème commun donne lieu à plusieurs études24. Cette évolution est parachevée dans le rapport 2005 avec une seule étude collective sur “l’innovation technologique”. Le rapport de la Cour de cassation connaît donc la même évolution que celui du Conseil d’Etat, passé d’études diverses et dispersées à l’étude d’un thème développé dans des Considérations générales qui éclipsent aujourd’hui le rapport d’activité.
16Quant au choix du sujet, les deux juridictions évitent les questions polémiques. Ce choix est l’objet de bien des précautions au Conseil d’Etat, conduisant à favoriser l’actualité mais pas les sujets brûlants25. Se considérant comme un conseiller et non comme un contrepouvoir, le Conseil d’Etat adopte chaque année un sujet sur lequel il s’estime légitime à s’exprimer, pouvant par son actualité intéresser un public assez large et qui “ne soit pas trop au cœur de l’agenda gouvernemental pour ne pas courir le risque de gêner le gouvernement, d’entrer en conflit avec lui, ou d’avoir l’air de lui tenir l’étole”26. Ces premières réserves sont bien le signe d’une autolimitation que l’on peut regretter. Par ailleurs, le Conseil d’Etat privilégie certains thèmes, notamment la fabrication de la loi, la sécurité juridique ou l’Europe. Les Considérations générales offrent tantôt des analyses organiques, tantôt des thématiques relatives au Droit en général et célèbrent parfois l’anniversaire d’un texte27. La Cour de cassation quant à elle a mis l’accent, pour les premiers sujets communs aux études, sur les problématiques liées aux libertés28, afin de réaffirmer son rôle de juge des libertés et de souligner sa contribution à la promotion des droits. Par ailleurs, les rapports de la Cour étudient des notions générales du droit ou des problématiques transversales (la responsabilité, la vérité, l’innovation technologique29). S’il existe quelques sujets communs retenus à la fois par la Cour de cassation et par le Conseil d’Etat30, les méthodes d’analyse adoptées diffèrent.
B – Quelle méthode ?
17Considérée encore par certains auteurs comme la “bouche de la loi” et dépourvue de fonction consultative, la Cour de cassation s’en tient dans son rapport à une analyse strictement juridique. Les thèmes choisis et leur traitement sont étroitement liés à sa jurisprudence. Juridictions administrative et financière ont en revanche une approche liée aux besoins de l’action publique. Les insertions de la Cour des comptes dépassent l’analyse juridique et de gestion comptable et financière pour adopter une démarche d’évaluation. Le Conseil d’Etat développe quant à lui une analyse juridique, à partir notamment de sa jurisprudence, mais utilise également d’autres champs de connaissance : ceux de la science administrative31, de la sociologie ou de l’économie. Ainsi, dans les considérations sur le droit au logement, le Conseil d’Etat rassemble des données à la fois économiques, historiques et juridiques.
18La méthode adoptée est évidemment fonction des destinataires des rapports publics. Certains éléments explicatifs du rapport sont clairement destinés aux juridictions du fond dans une perspective de régulation des ordres juridictionnels administratif et judiciaire. D’autres s’adressent aux autorités publiques, législateur et organe exécutif, mais également sans doute à un public plus large : citoyens dans leur ensemble, décideurs publics, praticiens du droit, universitaires peuvent être les lecteurs attendus de ces documents32. Les destinataires des rapports publics ne sont donc pas seulement les autorités désignées par les textes les régissant. Pour autant, la question de l’identification du public d’un rapport n’est “jamais vraiment élucidée”33. Reste également en suspens la question de la portée réelle de ces rapports.
C – Quelle portée ?
19La fonction de proposition des rapports publics conduit à se demander s’il s’agit de rapports pédagogiques ou… purement platoniques. Or, le suivi des propositions existe à la Cour des comptes et à la Cour de cassation, mais pas au Conseil d’Etat. Après chaque insertion, la Cour récapitule ses conclusions et recommandations et annexe la lettre en réponse de l’autorité concernée. La présentation de ces échanges renforce l’impression d’une portée pédagogique accrue. Le suivi prend une dimension particulière dans le rapport de la Cour des comptes car il fait l’objet à l’heure actuelle d’un volume distinct qui indique les suites données aux recommandations antérieures. A ces insertions de suivi s’ajoutent de nouvelles recommandations avec de nouvelles réponses des autorités compétentes34. Quant au rapport de la Cour de cassation, il permet de recenser les réformes qui ont fait suite aux suggestions de cette juridiction. La première partie du rapport inclut en effet les remarques sur le suivi des suggestions de l’année précédente avant de formuler de nouvelles propositions35. En raison de l’absence de suivi des effets de ses rapports publics, le Conseil d’Etat est des trois institutions celle dont la portée des travaux est la plus difficile à évaluer. Alors qu’il est le conseiller du gouvernement, son rapport semble davantage apporter des remarques d’ordre général que des préconisations précises sur des réformes particulières. L’influence du Conseil d’Etat, si elle est profonde, est également diffuse et donc plus difficile à cerner. Contrairement aux Etudes du Conseil d’Etat dont l’objet est ciblé et dont l’utilité peut être précisément analysée, les Considérations générales du rapport public annuel “cherchent avant tout à agir sur les cadres de pensée des décideurs”36.
20La prise en compte des rapports publics est sans doute tributaire de l’écho qu’ils reçoivent dans les medias37. L’attention de la presse est attirée lors de la remise du rapport. La communication de la Cour des comptes sur ses rapports a été particulièrement renforcée sous la présidence de Philippe SÉGUIN. La publicité du rapport est relativement discrète pour le Conseil d’Etat, qui développe cependant des efforts de communication, et plus encore pour la Cour de cassation. Cependant, la faible publicité donnée aux rapports n’est pas uniquement liée aux stratégies des juridictions : le contenu des travaux des deux dernières juridictions est moins attractif pour les medias, peu enclins à diffuser un discours complexe s’il n’est pas ouvertement critique ou s’il n’intéresse pas directement les deniers publics.
21Quelle que soit la juridiction, les remarques itératives restées sans effet ne manquent pas dans les rapports publics : que l’on songe aux indications des formations administratives sur le travail gouvernemental d’élaboration des textes réglementaires, aux demandes de modifications textuelles restées lettre morte de la Cour de cassation38, ou aux recommandations de la Cour des comptes non suivies d’effets, par exemple à propos du budget de l’Etat39. Or, si la répétition est une technique pédagogique éprouvée en matière d’enseignement elle est en l’occurrence un indice de l’échec des propositions des juridictions.
22Un autre aspect de la portée des rapports consiste à envisager leur éventuel caractère doctrinal. Dans les Considérations générales, le rapport du Conseil d’Etat offre une “doctrine de la “bonne administration””40. Le rapport de la Cour de cassation fait référence à sa doctrine en tant qu’interprétation de sa propre jurisprudence41. Quant à la Cour des comptes, elle propose certes une vision particulière de l’action publique mais qui tient davantage à ses critères d’évaluation. La Cour met d’autant plus l’accent sur la portée pratique plutôt que théorique de ses rapports et donc sur le devenir de ses recommandations. Certains rapports du Conseil d’Etat constituent en outre des “grands rapports”, du fait tant de leur qualité intrinsèque que de leur reprise abondante par la doctrine universitaire. Le succès des rapports du Conseil d’Etat se mesure moins à leur portée pratique qu’à leur place centrale dans les débats de droit administratif. Citées, considérées comme des documents de référence, les Considérations générales sont abondamment exploitées par la doctrine qu’elles semblent concurrencer. Quant aux rapports de la Cour de cassation, ils suscitent aussi des débats en tant que sources d’auto-interprétation par la Cour. Les rapports publics risquent-ils (à l’instar des communiqués de presse ou des chroniques des membres des juridictions) de favoriser une pensée unique en matière jurisprudentielle ? Une chose est sûre : la doctrine universitaire n’a plus – l’a-t-elle jamais eu ? – le monopole de l’interprétation jurisprudentielle, de plus en plus précisée par les juridictions elles-mêmes42. Du moins, certains universitaires sont-ils invités à s’exprimer sur les thèmes étudiés dans le cadre du rapport du Conseil d’Etat et même à coordonner l’étude thématique figurant dans le rapport de la Cour de cassation.
23Figures imposées et figures libres permettent d’observer divergences et convergences des rapports quant au fond. Mais l’étude des qualités pédagogiques de ces publications ne peut faire l’économie d’une analyse de style relevant de la forme.
III – FIGURES DE STYLE
24Du point de vue pédagogique, les rapports essuient collectivement une critique : celle de leur longueur. L’épaisseur des rapports s’est globalement accrue avec le temps43. Au-delà de ce constat quantitatif, les qualités formelles des rapports peuvent être appréciées à travers leur lisibilité et leur ton.
A – Lisibilité
25Les trois juridictions font manifestement des efforts pour être lues. Ces efforts sont perceptibles au niveau rédactionnel, avec l’usage d’un style clair et synthétique, et dans la mise en forme progressivement améliorée des rapports. Pour aider le lecteur, la Cour des comptes propose parfois des encadrés explicatifs44. Cependant, avec 28 rapports de contrôle en 2009 et 32 de suivi pour la même année, le rapport de la Cour des comptes est non seulement difficilement maniable mais également peu clair sur l’institution elle-même. Il ne permet pas de distinguer clairement les fonctions de la Cour et constitue en réalité une immersion dans son activité extra-juridictionnelle sans la replacer dans un cadre d’ensemble. En outre, comme le rapport de la Cour de cassation, il livre des statistiques sur l’activité juridictionnelle sans commentaire, ce qui ne facilite pas leur étude. Il est vrai cependant que le rapport de la Cour des comptes consiste, historiquement, à rassembler les insertions, les informations relatives à l’activité des juridictions financières n’ont donc que progressivement trouvé place en son sein. A l’inverse, le rapport du Conseil d’Etat semble implicitement démontrer l’unité de l’institution dans ses différentes fonctions. A la lecture des trois rapports, il apparaît que le Conseil d’Etat est celui qui parvient le mieux à affirmer son identité institutionnelle. Les trois rapports ont en revanche une caractéristique négative commune : ils ne sont pas des documents de vulgarisation. Contrairement à certaines présentations sur les sites internet ou les plaquettes de communication des juridictions, les rapports publics ont une lisibilité encore très relative. Ils doivent être médiatisés pour atteindre un public plus large que celui des juristes45. La médiatisation variable des rapports n’est d’ailleurs pas sans lien avec le ton utilisé.
B – Ton
26Si aucune des juridictions n’échappe à l’autoglorification et à l’autopromotion46, les tonalités diffèrent néanmoins. Il est de bon ton, précisément, d’adopter dans le rapport du Conseil d’Etat un style neutre, modéré, presque ennuyeux47, pour mener une analyse objective. Cependant, cette neutralité mérite d’être nuancée car le Conseil d’Etat sait aussi dramatiser le propos, en particulier sur le thème de l’insécurité juridique, en utilisant style imagé et bons mots. Les formules telles que la “logorrhée législative”, “quand la loi bavarde, le citoyen lui porte une oreille distraite” ou les “régiments entiers” de cavaliers législatifs48 sont autant de véritables figures de style.
27Le ton de la Cour des comptes est considéré comme beaucoup plus acerbe, celle-ci n’hésitant pas à mettre au pilori telle ou telle institution. Le rapport 2008 comporte par exemple des intertitres aux connotations négatives évoquant “un dispositif peu lisible”, “le désengagement” de l’Etat, “la protection du consommateur mal assurée”. Le ton de la Cour des comptes n’est cependant pas aussi vif dans toutes ses insertions : les propos sont plus nuancés que ne le laissent penser les médias relevant uniquement les formules les plus sévères à l’égard des acteurs publics49.
28Quant au rapport de la Cour de cassation, la facilité conduirait à noter que “la Cour de cassation s’exprime comme la Cour de cassation” mais, plus précisément, il faut souligner que la tonalité de celle-ci n’est pas prescriptive dans les études. Les propositions de réformes textuelles étant regroupées en début de rapport, les études s’apparentent davantage à des travaux de synthèse et d’analyse juridique.
29Au total, on considèrera donc que les rapports publics constituent des outils pédagogiques résultant d’un exercice informatif, de clarification de la jurisprudence et de formulation de recommandations. Ces dernières en particulier sont “au service du droit” et plus précisément de la sécurité juridique ou de la réforme de l’Etat. Destinés aux décideurs publics et aux juridictions du fond, leurs développements profitent également à la doctrine universitaire et sans doute aux praticiens du droit. Il n’est pas sûr en revanche qu’ils soient accessibles aux citoyens non juristes, surtout s’ils ne sont pas relayés par les médias. Quant aux enseignements qui en sont tirés, les rapports publics ont une portée pratique variable. Si elle révèle certaines évolutions ou caractéristiques communes, l’étude comparée des rapports de ces trois juridictions, qui mériterait d’être approfondie, confirme également leurs différences culturelles. Le croisement des qualités pédagogiques de ces rapports permet enfin de proposer la recette d’un rapport public idéal à partir de trois ingrédients : l’analyse interdisciplinaire du Conseil d’Etat, les propositions ciblées de réformes de la Cour de cassation et l’audace de la Cour des comptes.
Notes de bas de page
1 J. DEPREZ, “A propos du rapport annuel de la Cour de cassation. “Sois juge et tais-toi” (Réflexions sur le rôle du juge dans la cité)”, Rev. Dr. Civ., 1976, p. 33 s. Dans le rapport de la Cour de cassation pour l’année 1975 est mentionnée une suggestion de réforme législative en matière de droit de la filiation. H. MAZEAUD réagit alors dans une chronique et affirme : “il est permis (…) de se demander si le rôle des magistrats ne devrait pas se borner à appliquer la loi sans en discuter les mérites” (H. MAZEAUD, “L’enfant adultérin et la super-rétroactivité” des lois”, D., 1977, chron. p. 5). En réponse à cette chronique, J. DEPREZ défend au contraire l’idée d’une contribution des juges par leurs remarques et critiques à l’évolution du droit.
2 Les rapports du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes font référence à leur année de parution (ainsi, le rapport 2009 de chacune de ces juridictions concerne l’activité de l’année 2008) ; en revanche, le rapport de la Cour de cassation mentionne l’année concernée : en 2009 est donc publié le rapport 2008.
3 Le Conseil d’Etat est, de plus, doté de la Section du rapport et des études.
4 Il est d’ailleurs le seul perçu comme issu d’un contrepouvoir, v. “Contre-pouvoir”, Le Monde, 18 décembre 2009.
5 Sur le rapport de la Cour de cassation, v. les articles R. 431-9 et R. 431-10 du Code de l’organisation judiciaire. Sur celui du Conseil d’Etat, v. les articles L. 112-3 et R. 123-5 du Code de justice administrative et les articles L. 136-1 à L. 136-5 du Code des juridictions financières sur le rapport de la Cour des comptes.
6 P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), Le Rapport public annuel du Conseil d’Etat. Entre science du droit et discours institutionnel, Paris, Editions Cujas, 2010, 185 p.
7 J. CAILLOSSE, “Le discours de la réforme administrative” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 129.
8 Ce constat est sans doute valable autant pour ces juridictions que pour d’autres tels le Tribunal des conflits et la Cour de Justice de l’Union européenne qui sont également dotés d’un rapport annuel (celui du Tribunal des conflits est disponible en ligne pour 2005 et 2006).
9 Sur le rapport de la Cour des comptes, v. CE, Ass., 23 février 2000, Société Labor Métal, Rec. p. 83, concl. A. SEBAN, RFDA 2000, p. 435, concl. A. SEBAN ; AJDA 2000, p. 464, chron. M. GUYOMAR et P. COLLIN ; RDP 2000, p. 323, note X. PRETOT ; RA, 2001, p. 30, note A. HAUDRY ; CE, Ass., 4 juillet 2003, Dubreuil, Rec. p. 313, concl. M. GUYOMAR ; RFDA 2003, p. 713, concl. M. GUYOMAR ; AJDA 2003, p. 1596, chr. F. DONNAT et D. CASAS ; RDP, 2004, p. 369, comm. C. GUETTIER. Quant aux rapports du Conseil d’Etat 2008 et 2009, ils comportent, en tête des développements sur l’activité consultative, l’avertissement suivant : “Les avis rendus par le Conseil d’État dans le cadre de sa fonction consultative le sont sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions compétentes. Ils ne préjugent pas les solutions qui pourraient être retenues par le juge administratif. Les textes qui suivent se bornent à les reproduire ou à en retracer le contenu” (p. 51).
10 V. J.-M. BELORGEY, “La conception intellectuelle du rapport” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 45.
11 V. M.-O. de BEZE, “Comment faire un rapport ?”, RA, 2005, p. 597 s.
12 L’expression “figure libre”, utilisée lors d’un entretien par F. TIBERGHIEN à propos des Considérations générales du rapport du Conseil d’Etat, est citée in L. MARCUS, “La publicité extérieure du Rapport” in MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 58.
13 De plus, le premier volume des rapports 2008 et 2009 comporte un éditorial du Vice-président du Conseil d’Etat qui présente les réformes de la juridiction administrative et insiste sur les objectifs des juridictions administratives en termes de délai de jugement et de gestion du stock. Le rapport de la Cour de cassation inclut également les discours prononcés lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire.
14 La couverture du rapport de la Cour des comptes mentionne d’ailleurs aussi les chambres régionales et territoriales des comptes. V. G. MILLER, A. LEYAT, “Les chambres régionales et territoriales des comptes et les rapports publics de la Cour des comptes”, AJDA 2008, p. 522 s. De plus, l’article L. 316-1 du code des juridictions financières dispose que la Cour de discipline budgétaire et financière présente chaque année au Président de la République un rapport qui est annexé au rapport public de la Cour des comptes et publié au Journal officiel de la République française.
15 M.-F. MAZARS, “Avant-propos” in TRIBUNAL DES CONFLITS, Rapport 2005, Paris, Ministère de la justice, 2006, p. 5.
16 V. les rapports 2006, 2007 et 2008.
17 Cass. Com. 23 mai 2003, v. notamment note A. LIENHARD, D., 2003, p. 1502. Dans un autre cas de figure, le rapport de la Cour dissipe un contresens développé en doctrine à propos de l’arrêt Leroux qui aurait admis une prétendue requalification des contrats habituels d’assurance-vie en contrats de capitalisation. V. J. GHESTIN, “Les données positives du droit”, RTD. Civ., 2002, p. 21.
18 V. S. TISSOT, Les rapports publics de la Cour des comptes, Mémoire réalisé dans le cadre du Master 2 Recherche “Droit public approfondi”, Université Grenoble II, 2006, p. 85.
19 La Cour de cassation livre aux juridictions du fond des notes et fiches pour éviter les cassations, issues des travaux des commissions de méthodologie et de la commission de liaison avec les cours d’appel. Le but pédagogique est affiché avec diplomatie en précisant qu’il ne s’agit pas de “contester le droit de “résistance” des juridictions du fond à l’égard de la doctrine de la Cour de cassation”. V. le rapport 2006, p. 548 s.
20 Par exemple, le Conseil d’Etat a organisé une conférence de presse pour présenter les évolutions jurisprudentielles en matière pénitentiaire : v. A. SALLES, “Pour le Conseil d’Etat, la loi doit garantir les droits des prisonniers”, Le Monde, 18 décembre 2008.
21 Dans le rapport 2009, v. par exemple les préconisations relatives aux procédures consultatives (volume 1, p. 56) et celles présentées en conclusion des considérations sur le droit du logement (volume 2, p. 323 s.).
22 Selon C. DESCHEEMAEKER, La Cour des comptes, Paris, La Documentation française, 2005, p. 130.
23 Elle le fait en particulier dans les rapports particuliers sur l’immigration (“L’accueil des immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration”, 2004) ou sur la gestion des prisons (“Garde et réinsertion, la gestion des prisons”, 2006) mais les rapports annuels abordent également une grande diversité de politiques publiques.
24 Auxquelles d’autres études variées sont ajoutées jusqu’au rapport 2004.
25 Ainsi, en 2009, les Considérations générales sont consacrées au thème “droit au logement, droit du logement” en raison notamment de l’actualité contentieuse, celle de l’ouverture des recours en matière de droit au logement opposable. Le Vice-Président du Conseil d’Etat souligne l’utilité pour les juridictions d’une analyse claire sur les faits et le droit relatifs au logement (p. 7).
26 J.-M. BELORGEY, “La conception intellectuelle du rapport” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 43.
27 V. respectivement les considérations générales sur “les autorités administratives indépendantes” (2001), “sécurité juridique et complexité du droit” (2006) ou encore “un siècle de laïcité” (2004).
28 Le rapport évoque “la protection de la personne” (2000), puis “les libertés” (2001), “l’égalité” (2003) ou encore “les discriminations” (2008).
29 Rapports 2002, 2004 et 2005.
30 Le Conseil d’Etat aborde en 1998 le droit de la santé et la Cour de cassation en 2008 la santé dans sa jurisprudence. La Cour évoque en 2004 l’égalité, que le rapport public du Conseil d’Etat évoquait en 1993. Les deux juridictions se sont intéressées à la construction européenne et à son impact (“Sur le droit communautaire” et “L’Administration française et l’Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?” (Rapports publics du Conseil d’Etat 1992 et 2007), “La Cour de cassation et la construction juridique européenne” (Rapport public 2006).
31 J. CAILLOSSE, “Le discours de la réforme administrative” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 123.
32 Ainsi, le rapport du Conseil d’Etat 2009 vise en quatrième de couverture “les élus locaux, professionnels du logement, praticiens du droit au logement et fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales compétents en matière d’urbanisme et de logement”. Quant au rapport de la Cour des comptes, la quatrième de couverture mentionne les citoyens auxquels il s’adresse. Sur l’information des citoyens, v. H. M. CRUCIS, “L’article 47-2 de la Constitution, la réforme de la Cour des comptes et la responsabilité des gestionnaires de fonds publics”, AJDA, 2009, p. 1407. Le public des rapports de la Cour de cassation est plus difficile à déterminer : autorités publiques, juridictions du fond, communauté des juristes sont sans doute principalement visées.
33 J.-M. BELORGEY, “La conception intellectuelle du rapport” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 43.
34 Si la portée des propositions formulée est difficile à quantifier, les remarques de la Cour des comptes, dans ces rapports publics annuels ou particuliers, ont été suivies d’effets en matière d’intercommunalité, de redressement de l’ARC, de réforme de la protection judiciaire de la jeunesse notamment. V. C. DESCHEEMAEKER, La Cour des comptes, Paris, La Documentation française, 2005, p. 137-138 et S. TISSOT, op. cit., p. 112.
35 Par exemple, le rapport annuel de la Cour de cassation pour 2004 formule une recommandation en matière de recours des caisses de sécurité sociale qui a été suivie d’effets à travers les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 du 21 décembre 2006 (v. rapport 2004, p. 12). Les recommandations de la Cour de cassation peuvent également inspirer certaines catégories de justiciables : ainsi, après avoir à plusieurs reprises souligné les ambiguïtés de rédaction des polices d’assurances, la Haute juridiction note la modification de plusieurs polices types évitant ainsi aux compagnies d’assurance de subir la rigueur des décisions de justice en la matière. C. CHOUCROY, “A propos du 20ème anniversaire du rapport annuel de la Cour de cassation : séparation et décloisonnement des pouvoirs”, Rapport 1989, p. 29. L’auteur souligne que la Cour de cassation élargit à cette occasion le cadre de sa mission pédagogique aux particuliers ; on peut cependant se demander s’il s’agit là d’un effet direct du rapport ou de l’effet indirect de la jurisprudence.
36 V. J. CHEVALLIER, “Synthèse” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 176.
37 Les rapports de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat n’ont pas toujours été publics. Le rapport adressé par la Cour des comptes à partir de 1807 à l’Empereur lui était destiné exclusivement et la distribution aux chambres n’intervient qu’en 1832, il faut en revanche attendre un décret-loi du 2 mai 1938 pour une publication au Journal officiel. V. C. DESCHEEMAEKER, op. cit., p. 126. Quant au rapport du Conseil d’Etat, créé par l’article 3 du décret du 30 juillet 1963 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, il n’est publié de manière intégrale qu’en 1989 au numéro 40 de la revue Etudes et documents (v. O. RENAUDIE “Dits, non-dits et clairs-obscurs de la création du Rapport” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 15 s.). Le rapport de la Cour de cassation est en revanche public depuis sa création en 1969.
38 V. par exemple le rapport 2002, p. 13.
39 V. le rapport 2008, p. 6.
40 J. CAILLOSSE, “Le discours de la réforme administrative” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 136. V. aussi O. HENRY, La fonction de proposition du Conseil d’Etat, Thèse, Université Montpellier I, 2000, p. 164 s.
41 V. supra note 19.
42 V. P. DELVOLVÉ, “Le Conseil d’État vu par la doctrine” in “Le Conseil d’État et la doctrine. Célébration du deuxième centenaire du Conseil d’État”, RA, 1997, no spécial, p. 52.
43 Le rapport du Conseil d’Etat est présenté en deux volumes depuis l’édition 2008 et celui de la Cour des comptes comporte également deux tomes depuis 2007.
44 V. par exemple le rapport 2009, p. 605.
45 A la question “Comment faire un rapport ?”, M.-O. de BEZE répond notamment qu’un rapport administratif doit être lisible pour les profanes et “compréhensible pour un garçon de 15 ans”, ce qui constitue un repère discutable. M.-O. de BEZE, op. cit., p. 600.
46 Pour le Conseil d’Etat, v. J. CHEVALLIER, “Synthèse” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 177.
47 Selon J.-M. BELORGEY, ““Le Conseil d’Etat s’exprime comme le Conseil d’Etat”, c’est-à-dire dans un style qui n’est pas celui des militants d’une cause, ni des journalistes, ni même de la doctrine, pas trop “pétillant” donc, ni ennuyeux non plus, mais tout de même assez” et le rapport doit contenir des conseils au gouvernement qui sans être péremptoires doivent être précis. J.-M. BELORGEY, “La conception intellectuelle du rapport” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 44. V. également le témoignage de R. JANOT qui avait participé à la rédaction du premier Rapport dont la première version avait “un style alerte, volontiers paradoxal et quelque peu pétillant” et qui relève qu’a été demandé aux rédacteurs que “les développements comportent des passages suffisamment austères et même légèrement ennuyeux pour que l’ensemble puisse être regardé comme une œuvre administrative décente”. R. JANOT, “Le rapport annuel du Conseil d’Etat a-t-il un sens ?”, EDCE, 1982-1983, p. 132.
48 V. VAUTROT-SCHWARTZ, “Le discours légistique” in P. MBONGO, O. RENAUDIE (dir.), op. cit., p. 77 s.
49 V. S. TISSOT, op. cit., p. 109 s.
Auteur
Professeure de Droit Public à la Faculté de Droit de Grenoble
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