Rappel des cadres normatifs : quel(s) droit(s) en santé à l’heure du numérique ?
p. 23-57
Texte intégral
1Anecdotiques il y a quelques années, les outils et services numériques sont désormais indissociables du présent et de l’avenir de nos sociétés, singulièrement dans les rapports individuels et communs que nous entretenons à la santé. Plus aucun secteur de la médecine, curative ou préventive, ne semble pouvoir s’en dispenser et leur nombre augmente de façon exponentielle. A s’en tenir au seul marché de la santé mobile, il est estimé à près de 80 milliards d'objets connectés dans le monde d’ici 2020, alors que d’ores et déjà, 160.000 applications mobiles de santé ont été recensées en 2016.
2Alors que cette prolifération est appréhendée avec méfiance voire réticence en certains domaines, le recours au numérique fait globalement consensus en santé, les promesses qu’il porte contrebalançant avantageusement les risques qu’il recèle potentiellement pour la vie privée ou les libertés individuelles. Ainsi, selon une étude réalisée Orange-BVA en décembre 2017 réalisée auprès d’un échantillon de mille personnes, trois quarts des Français consultent des sites, rubriques ou forums internet spécialisés sur la santé, principalement pour s’informer sur une maladie ou ses symptômes et, pour presque un tiers, ils le font pour avoir des conseils de bonne hygiène de vie au quotidien. Plus de 50% possèdent au moins un objet de santé connecté ou digital (en premier lieu pour 12% un tensiomètre, et pour 9%, un bracelet ou une balance connectés) et trois sur dix l’utilisent régulièrement. Une majorité de professionnels de santé mais aussi les organismes de protection sociale (Assurance maladie et mutuelles) ou les établissements de santé reconnaissent que les outils et services du numérique facilitent les relations avec les patients. Ces derniers sont aussi très généralement favorables au maintien à domicile grâce au suivi et à l’accompagnement à distance que permettent les objets connectés, et 40% au développement des consultations par Internet, ce que confirme une autre étude réalisée en mars 20181. 78% des personnes interrogées estiment aussi que les objets et services numériques sont utiles pour la prévention et qu’ils ont et auront un impact positif sur la recherche médicale (76%), la qualité des soins -en rendant plus efficaces les suivis et les traitements (68%)- et l’amélioration de la santé (63%) par un accès facilité à l’information ou l’analyse par chacun de ses paramètres personnels via les objets connectés et les applications. Si le doute est plus grand s’agissant de l’incidence sur les déficits du système de soins, en revanche le numérique est très généralement perçu comme une « bonne chose » notamment pour les personnes fragiles ou souffrant d’une maladie chronique.
3L’optimisme est donc de rigueur au regard de ces chiffres quant à l’acceptation du numérique en santé et son développement à venir, d’autant que les avis sur le partage des données témoignent d’une certaine connaissance des enjeux. Ainsi, les Français sont prêts à partager leurs données de santé dès lors qu’elles sont anonymisées, sécurisées et si on leur explique l’usage qui en sera fait. Leur position à cet égard est toutefois modulée en fonction des acteurs concernés : si 80% sont prêts à les partager avec les professionnels de santé et les hôpitaux, et 60% avec des chercheurs ou des universitaires, ils ne sont plus que 40% à accepter de le faire avec les mutuelles, 27% avec des start ups spécialisées en santé et 13% avec les GAFAM… Il reste aussi à convaincre les professionnels de santé eux-mêmes à l’heure du déploiement de la télémédecine et des objets de santé connectés. Ainsi les médecins sont 55% à penser que le numérique va altérer leur relation avec les patients « en limitant encore les contacts humains », même s’ils en reconnaissent par ailleurs l’utilité technique pour le transfert d’informations2.
4Cette déferlante du numérique en santé suscite de nombreux questionnements non seulement politiques, sociétaux et économiques mais aussi éthiques et juridiques, qui en suivent bien d’autres, ailleurs. Ainsi déjà, la génomique, la biologie de synthèse, la robotique, les nanotechnologies, les neurosciences, aujourd’hui l’intelligence artificielle, toutes ces technologies bouleversent notre rapport au corps, à la santé, à l’humanité et au monde. Elles transforment les modes traditionnels d’accès aux soins et les pratiques professionnelles des soignants et plus généralement les services liés au corps humain. Elles interrogent les métiers et les organisations, modifient les termes de la relation médicale, les processus de décision, les conditions de prise en charge des patients, confrontent aussi le tout curatif aux nouvelles techniques de prévention/prédiction développées à partir de l’analyse des données et de la construction d’algorithmes.
5Elles obligent aussi à repenser non tant les grands principes du droit et de l’éthique mais les cadres juridiques dans lesquels s’inscrivent les droits et les dispositifs propres aux soins et à la santé.
6Si les tensions sur le système juridique sont vives, elles n’en sont pas pour autant nouvelles. Cela fait en effet quelque temps que les innovations bousculent les juristes obligeant à interroger les cadres de réflexion et les encadrements textuels.
7Pour prendre la mesure des défis actuels, il faut garder à l’esprit le décalage existant entre le temps de la recherche et de l’innovation et ceux du débat politique, de l’action publique et de la construction du droit. Respecter chacun dans son temps oblige à la conciliation. Il importe certes de réglementer ou réguler les pratiques en santé, mais en réfléchissant systématiquement au degré de normativité et de contrainte qu’il est le plus judicieux de retenir face à l’innovation, ses promesses et ses risques.
8Les enjeux imposent également d’associer à la réflexion tous les acteurs de la santé (autorités sanitaires, professionnels et établissements de santé, industriels, laboratoires, associations de patients, …) et d’y d’intégrer le point de vue d’autres chercheurs (médecine, philosophie, sociologie, psychologie, etc …) afin d’appréhender, en concertation, les adaptations ou évolutions des cadres juridiques existants, les limites à ne pas franchir, les verrous épistémologiques à faire céder.
I – L’enjeu premier des définitions et des qualifications juridiques
9L’un des constats les plus immédiats que l’on puisse faire face au développement de la e-médecine est celui de la difficulté à en saisir certains objets (A) qui interrogent les taxinomies classiques et éprouvent les réglementations (B).
A – La reconstruction des objets du numérique par le droit
10Toute règle juridique suppose qu’en soit bien défini l’objet et à cet égard, rappelons comme le fait Marie-Angèle Hermitte, que le Droit est un « autre monde »3 dans lequel les juristes retravaillent le réel pour construire un univers parallèle : « Je vois le droit comme un monde propre, écrit-elle, construit par le langage humain en miroir du monde concret dans lequel les hommes vivent. Même si le droit traite des réalités du vrai monde et produit sur elles des conséquences concrètes, c’est un monde purement abstrait »4. Les choses et les êtres sont alors transformés en objets ou sujets de droit, afin de leur appliquer des règles juridiques générales et finalisées, sans autre contrainte, toute pragmatique, que celle d’en respecter les caractéristiques physiques.
11Si le contenu de la plupart des réglementations juridiques se résume à poser des normes impératives, prohibitives, permissives, certaines ne contiennent ni injonction ni autorisation mais se bornent à poser des énoncés, de nature à définir les objets des règles, à préciser les termes des dispositions textuelles, ou à ouvrir catégories et classifications, clefs vers l’application d’un régime juridique. Ainsi, lorsqu’il est nécessaire de saisir un objet en lui-même, par exemple à des fins d’organisation d’un marché ou de traçabilité via une procédure de déclaration ou d’enregistrement, le droit pose une définition. Mais celle-ci ne vaut qu’en droit, et au regard de l’objectif visé par la norme. Celle-ci s’inspire alors du réel en s’attachant à certaines des caractéristiques qui ont du sens au vu du but poursuivi ou de la fonction que remplit l’objet (ainsi, des définitions du meuble, du contrat ou, plus singulièrement, du médicament, des nano substances ou de la donnée de santé5).
12Le domaine du numérique a vu à cet égard se multiplier les notions sans que l’on identifie toujours celles ayant une réelle existence en droit. Dans la nébuleuse de termes et d’expressions, la priorité est de distinguer ceux qui résultent de textes et sont partagés dans l’Union européenne. L’un cas des cas les plus topiques est celui de la télémédecine. Définie par la loi (article L.6316-1 du Code de la Santé Publique), elle se distingue de la télésanté qui va bien au-delà puisqu’elle « couvre, outre le domaine médical, le secteur médico-social6 », comme elle se distingue de la e-santé, elle-même plus large encore dès lors que, selon par la Commissaire européenne à la santé, Androulla Vassiliou, elle renvoie à l’ensemble des « différentes applications des technologies de l’information et de la communication aux soins de santé »7. Quant à la m-santé ou Mobile Health, elle est définie par l’OMS (2009) comme recouvrant « les pratiques médicales et de santé publique reposant sur des dispositifs mobiles tels que téléphones portables, systèmes de surveillance des patients, assistants numériques personnels et autres appareils sans fil ». Dans cet ensemble, seule la télémédecine fait ainsi l’objet d’une définition juridique qui en détermine, nous le verrons, le régime.
13Mais le plus souvent, il ne s’agit pas tant de définir que de faire entrer l’objet du réel dans une catégorie juridique existante, à laquelle correspond un ensemble de règles précises. Il s’agit alors de qualifier afin de déclencher l’application d’un régime juridique, dimension essentielle de la pratique du juriste quel qu’il soit : traduire des faits en droit, subsumer des objets, actes, situations « sous des concepts (en particulier des concepts spécifiquement juridiques) », en vue de la production d'effets de droit8. Le « producteur de droit » ou le juge saisi d’un litige, en fonction de la finalité qu’il poursuit, identifie des régimes juridiques et y soumet objets, comportements, situations, au terme de son opération de qualification.
14Cette opération, en fonction du degré de précision de la définition, est plus ou moins contrainte, laissant des marges d’appréciation variable à celui qui est appelé à appliquer les réglementations ou au juge en cas de contentieux. Pour prendre un exemple, le code de la santé publique donne deux définitions du médicament par présentation ou par fonction. Dès qu’un produit est ainsi identifié, qualifié comme tel, il est soumis au régime juridique drastique du médicament, de l’autorisation de mise sur le marché aux restrictions de commercialisation via le monopole pharmaceutique. Et l’on sait la guerre que se livrent ici pharmaciens et grandes surfaces à propos de la qualification d’un certain nombre de produits type vitamine C9, tantôt identifiés comme compléments alimentaires tantôt reconnus comme médicaments.
15Cette opération est cruciale en santé alors que se multiplient de nouveaux objets et de nouvelles pratiques que l’on peine à ranger dans une catégorie précise, ce qui rend complexe la détermination des règles applicables et tend aussi à en remettre en cause la pertinence ou l’adéquation au réel.
B – Les taxinomies du droit à l’épreuve
16Cette démarche de qualification apparemment simple s’avère désormais en santé souvent plus délicate du fait à la fois de l’apparition de produits frontières ou de produits hybrides, de la transformation des pratiques et de l’évolution des cadres d’exercice sous la pression des nouvelles technologies.
Quelques cas sont ici exemplaires
171. Une prothèse et plus généralement tout dispositif de nature à pallier des défaillances organiques, de la simple béquille à l’implant bionique, sont au regard du code de la santé publique qualifiés de dispositifs médicaux, implantables ou non, dès lors qu’ils répondent à la définition donnée par l’article L. 5211-1. Mais c’est sous une autre qualification que ces mêmes objets sont saisis par le code civil, notamment quand il faut trancher une question de responsabilité. Leur sophistication croissante, leur degré d’invasivité, leur pérennité dans le corps humain font d’eux tantôt des choses, tantôt des prolongements de la personne, le tout évidement entrainant l’application de règles différentes. Mais du fait de leur adjonction au corps, certains affectent en droit la frontière chose-personne, et ce d’autant plus certainement que commencent à apparaître les interfaces homme-machine. Le droit s’appuie alors sur l’intensité du lien intrinsèque avec la personne, lequel place à des degrés divers les prothèses sous le régime spécifique du corps-personne, hors du statut des simples choses, du moins aussi longtemps que l’intégration corporelle persiste. En deçà comme au-delà, l’instrument, fût-il bionique, n’est qu’une chose comme une autre pour le code civil, un dispositif médical pour le CSP, et il en suit le régime10.
182. Ce n’est pas la seule summa divisio qu’éprouvent les nouveaux dispositifs. Certains sont désormais conçus en synergie avec des médicaments ou des produits d’origine humaine, suscitant des questionnements sur la singularité des catégories au sein des produits de santé et sur la porosité des frontières fixées par le Code de la santé publique. Ces frontières sont toutefois toujours tenues, en l’espèce par la prise en considération de l’action accessoire du ou des dispositifs au regard de celle, essentielle, de la substance médicamenteus11 ou des éléments cellulaires ou tissulaires. Ainsi, par exemple, les produits issus de l’ingénierie tissulaire sont analysés dans leurs caractéristiques et qualifiés, parfois au prix de la création d’une nouvelle sous-catégorie12, de médicaments. Des interrogations renouvelées surgissent avec les solutions multi-technologiques de santé (SMT) qui combinent un médicament et/ou un dispositif médical et/ou une solution d'information et de communication comme un logiciel d'accompagnement thérapeutique13. En particulier la mise sur le marché de « pilules numériques »14 , non seulement oblige à repenser le principe de l’autorisation de mise sur le marché pour un ensemble hybride, mais confronte le milieu pharmaceutique à un vide juridique total, à la fois sur les risques et effets indésirables à long terme et leur date de validité. Quant à l’évaluation de ces SMT, les industriels appellent à un « changement de méthode », dénonçant un système d'évaluation « en silo », qui freine leur développement. C'est l'un des chantiers ouverts par la HAS pour lequel a été tracée la feuille de route en avril 2018.15
19Bien plus, l’identité même des DM en tant que « produit de santé » est aujourd’hui interrogée par la multiplication de « produits de la santé », du bracelet connecté à l’application pour smartphone. La qualification des objets connectés est devenue un enjeu juridique premier, dès lorsqu’elle emporte avec elle des règlementations plus ou plus contraignantes en termes de mise sur le marché comme de remboursement, et impacte donc les stratégies politiques et économiques d’intégration de l’innovation.
20Or la position récente de la CJUE sur la définition même d’un dispositif médical conduit à envisager une application du régime de celui-ci à bon nombre d’objets et applications de la e-santé. Saisi d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat relativement à un logiciel d’aide à la prescription, la Cour a considéré qu’un logiciel « dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins, notamment, de détecter les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens de ces dispositions, et ce même si un tel logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain ». Elle rappelle ainsi très clairement les conditions cumulatives posées par les textes, la finalité spécifiquement médicale du dispositif16 et son mode d’action. C’est ce mode d’action qu’elle précise en soulignant que si la directive « prévoit que l’action principale du dispositif médical « dans ou sur le corps humain » ne peut être obtenue exclusivement ni par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, elle n’exige pas qu’un tel dispositif agisse directement dans ou sur le corps humain »17 pour le considérer comme tel. Rappelons par ailleurs que les fabricants de logiciels peuvent s'appuyer, pour déterminer si leurs produits sont des dispositifs médicaux, sur les lignes directrices publiées par la Commission européenne sur la qualification et la classification des logiciels utilisés dans les soins de santé (Meddev 2.1/6)18.
213. Autre point d’attention, la définition et le régime juridique de la télémédecine et des actes et prestations qu’elle recouvre. Définie par la loi comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication »19, précisée dans ses manifestations20, la télémédecine est exercée par des professionnels de santé qui sont autorisés à faire des actes médicaux, au sens d’actes enseignés en Faculté de médecine et réalisés par des médecins21. Mais le recours aux robots comme le développement du numérique ouvrent la voie de tels actes aux professionnels non médicaux comme le permet l’article 51 de la loi HPST22 ou la reconnaissance par la loi du 26 janvier 2016 de la « pratique avancée »23. Resurgit alors en droit la question de la définition de l’« acte médical »24 d’une part s’agissant du régime de responsabilité au regard des « actes de diagnostic, de prévention ou de soins », ou de l’acte de soins courants25, et d’autre part comme élément constitutif de la profession de médecin.
22En effet, à partir du point d’ancrage que constitue le monopole des médecins, institué officiellement par la loi Chevandier du 30 novembre1892 (article 1er), les textes déclinent, par degrés, les cadres légaux d’exercice des divers professionnels de santé, en matière médicale, pharmaceutique et paramédicale. Leurs périmètres d’exercice sont ainsi définis en dérogation à ce monopole, le plus souvent, s’agissant des auxiliaires médicaux, dans le cadre de décrets de compétence qui autorisent l’accomplissement de certains actes et en précisent le champ de responsabilité. La pertinence de ce schéma de répartition a été progressivement altérée par les avancées scientifiques, et certains actes réservés aux médecins du fait de leur technicité sont devenus anodins, chronophages et peu gratifiants. La solution serait de redéfinir comme d’aucuns l’ont justement proposé l’acte médical afin de le mettre en phase avec la réalité des pratiques26. Le législateur n’a pas encore remis à plat ces distinctions, se contentant de solutions qui n’affectent les cadres d’exercice qu’à la marge sans remise en cause des modèles de base, en transférant quelques actes traditionnellement réservés aux médecins vers d’autres professionnels de santé. Jusqu’à quand ?
234. Si les données personnelles sont appréhendées par les textes depuis longtemps, la donnée de santé ne l’était pas dans sa singularité, exception faite de son caractère de donnée sensible. Question au cœur de la révision des textes européens, la définition de la donnée de santé à caractère personnel a été finalement été posée par le Règlement 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, qui prévoit dans le même temps de nouvelles obligations concernant leur traitement27, comme nous le verrons ultérieurement.
24Pouvoir qualifier est de fait crucial, ce qui suppose d’une part que des taxinomies soient en place et que des régimes particuliers leur correspondent.
25Or à cet égard aussi l’intrusion du numérique en santé bouscule les réglementations ou éprouve leur efficacité.
II – Le défi des usages du numérique en santé : les points d’attention du droit
26Le développement de l’usage du numérique, l’appréhension de ses avantages comme l’identification de ses risques conduisent à mobiliser les règles juridiques qui encadrent les actes et les activités comme celles qui organisent les régimes de responsabilité en vigueur. Les questions posées peuvent être relatives à la légalité de certaines décisions ou pratiques pouvant conduire à une annulation contentieuse, ou plus souvent aux responsabilités susceptibles d’être engagées en cas de dommages ou d’atteintes aux droits et libertés. Plusieurs questionnements surgissent qui appellent soit une vigilance accrue face aux évolutions en cours (A) soit un effort d’anticipation pour intégrer les transformations inéluctables du secteur de la santé (B).
A – Vigilance et information
1) Sécurité et qualité des objets et des pratiques
27Il s’agit de la première préoccupation qui détermine les conditions de mise sur le marché des produits et leur suivi comme l’évaluation des pratiques professionnelles. L’un des sujets les plus actuels est celui de la garantie de la sécurité et de la performance des logiciels, objets connectés et autres applications, qu’ils soient ou non dispositifs médicaux. Lorsqu’ils sont reconnus dispositifs médicaux, le marquage CE permet d’en assurer la qualité et la sécurité, sans autre vérification ni procédure de certification supplémentaire. C’est ainsi que désormais les logiciels d’aide à la prescription (et certainement les logiciels d’aide à la dispensation), en a décidé la Cour de justice de l'Union européenne, constituent des dispositifs médicaux au sens du droit de l'UE28, suscitant des questions sur la pérennité de la procédure française de certification des logiciels médicaux organisée sous l'égide de la Haute autorité de santé.
28Au-delà de la lourdeur de la procédure et de son caractère chronophage pesant particulièrement sur les startups, les concepteurs d’objets connectés ont tout intérêt à obtenir un marquage CE, qui a l’avantage d’avoir une valeur scientifique reconnue et de donner au dispositif une crédibilité auprès du grand public. Il est aussi indispensable pour pouvoir être prescrit par un professionnel de santé avec une prise en charge par l’Assurance maladie29.
29Quant aux Ocs et applications mobile n’ayant pas de finalité médicale avérée mais qui peuvent avoir un effet sur la santé, la HAS a élaboré un référentiel de bonnes pratiques à destination des industriels et des évaluateurs (institutions d’évaluation, sociétés savantes médicales, associations de consommateurs) qui « vise à guider, à promouvoir l’usage et à renforcer la confiance dans les applications et les objets connectés »30.
30A partir de ce référentiel, a été envisagée non tant une certification31, du moins un « dispositif de mise en conformité volontaire » des objets connectés et applications mobiles de santé « prenant la forme d'une labellisation », et ce, sur les trois axes de la fiabilité médicale, de la protection des données et de la cybersécurité32. Du rapport remis en janvier 201733 par le Groupe de travail 28 du CSF Santé destiné à définir « les conditions d'un développement vertueux des objets connectés et des applications mobiles de santé » ne relevant pas du champ des dispositifs médicaux, l’on retiendra, entre autres, deux préconisations. D’abord l’invocation à n’agir que par la voie d’une « régulation souple », afin de « ne pas freiner l'innovation » sur un marché caractérisé par un rythme exponentiel de croissance et des produits aux cycles de vie plus rapides. Le Groupe propose ainsi une labellisation à base de volontariat et le principe d’une co-construction du référentiel de labellisation avec la puissance publique, les industriels et les usagers patients et professionnels de santé. Ensuite, la nécessité dans le cas de ces objets connectés et applications d’élargir l’appréciation de leurs bénéfices à la prise en compte de leur valeur d’usage au-delà même de leurs bénéfices médicaux et économiques. Il s’agit ainsi de bien appréhender leur « bénéfice avéré », en y intégrant l'amélioration de la qualité de vie et du confort des patients comme celle des aidants, et en tenant compte aussi sans doute des données de vie réelle34, ce qui doit conduire à la construction d’une méthode d’évaluation adaptée35.
31Autre sujet d’interrogation s’agissant de la sécurité et de la qualité des objets et des pratiques, celles des données et des algorithmes qui les déterminent36, qui doivent être en permanence interrogés et actualisés. Il a été abordé par le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) et la CNIL récemment37, il sera analysé par divers contributeurs comme la clé d’une confiance acquise à la e‑santé.
32Enfin, et sans prétendre ici à l’exhaustivité, de nouveaux risques surgissent avec les produits et utilisations du numérique, renouvelant (?) l’épineuse question de la responsabilité. En effet, au-delà des menaces de piratage ou des contraintes dans la gestion des données, l’algorithmisation du monde conduit à repenser la pertinence du régime de la responsabilité civile sur lequel repose notre régulation du risque et notre système de réparation des dommages. Sans bouleversement profond (les grands mécanismes demeurent en s’adaptant à la diversité des situations comme en témoigne la proposition d’ « une responsabilité en cascade »38), elle suscite toutefois des questionnements fondamentaux sur le degré de liberté laissée aux professionnels de santé dans la prise de décision à partir de logiciels omniscients et, désormais, alors que certains leur revendiquent l’octroi d’une personnalité juridique, sur l’« autonomie » des robots et des systèmes apprenants39.
2) Protection de la vie privée : la question des données
33Le problème de la collecte, de l’utilisation, de l’hébergement et de la conservation des données de santé en toute sécurité et dans le respect de la vie privée, aujourd’hui et demain, voici sans conteste l’un des sujets les plus débattus du secteur de la santé ayant suscité des vagues successives de normes. Largement évoqué ailleurs dans cet ouvrage, il ne souffrira pas ici de n’être que mentionné, au cœur de toutes les vigilances européennes et nationales, et au centre d’enjeux économiques et politiques ardus, qui voient s’opposer Etats et géants du net, et de fait deux modèles de gouvernance.
3) Droit de la relation de soin : droits et obligations des patients et les praticiens
34L’une des modifications les plus évidentes est certainement la prise de rendez-vous en ligne sur des plateformes dédiées. Parfois laborieuse, tributaire de la disponibilité des praticiens demandés, elle se fait désormais d’un simple clic. Elle libère aussi les professionnels à la fois d’une charge financière appréciable40 et d’une tâche chronophage (30 à 40 % du temps de travail des praticiens est consacré à l'administratif). Elle n’est que le signe avant-coureur d’une transformation profonde de la relation médicale et de la prise en charge des patients via les outils et services numériques, qui marque tant les pratiques professionnelles que la place du patient.
a) Sur les pratiques
35L’exercice de l’art médical et au-delà de toute fonction de santé est aujourd’hui en partie porté par le recours par les professionnels aux logiciels d’aide au diagnostic, à la décision, à la prescription ou à la dispensation de DM (et sans doute bientôt de médicaments connectés), sans omettre les instruments connectés, du robot chirurgical au portable. Nul ne conteste aujourd'hui le développement de l'usage de Smartphones et de tablettes personnels dans l'exercice professionnel, par exemple pour prendre des photos de lésions cutanées (mélanomes, ulcérations, plaies) afin d’obtenir l'avis d'un médecin spécialiste41. Par ailleurs le diagnostic et la prescription s’appuient désormais sur le recueil et le traitement des milliers de données issues à la fois de la littérature médicale mais aussi de l’ADN, sans oublier la compilation du dossier médical du patient avec son histoire clinique, les découvertes et remarques des praticiens, les comptes rendus, les antécédents familiaux... Grâce à la technique, le médecin est ainsi plus efficace sans pour autant s’effacer. En effet, si ces nouveaux vecteurs facilitent la prise de décision, ils ne sauraient la déterminer systématiquement, le médecin gardant la possibilité, et à condition de le justifier, de s’écarter des préconisations, comme il en est depuis toujours au regard des recommandations de bonne pratique. A cet égard, la structure de la responsabilité, construite sur la faute, ne devrait guère évoluer pour les praticiens, sauf à conduire le cas échéant à interroger en même temps celles du fabricant ou d’un tiers technologique, ce qui n’est pas en soi inédit42.
36Au-delà du diagnostic, les avancées en matière d’imagerie médicale et de radiologie, « transition de l’imagerie médicale à la médecine computationnelle » pour reprendre la formule de Nicolas Ayache, ont considérablement amélioré la prise en charge des malades qui voit émerger, notamment en chirurgie, un patient numérique et modélisé. Les modèles ainsi définis permettent de simuler l’évolution d’une pathologie pour affiner un pronostic ou de planifier et reproduire une intervention afin d’en optimiser la réalisation. Sur un terrain proche, la thérapie numérique avance qui voit notamment l’utilisation des serious games entrer dans l’arsenal thérapeutique des déficits cognitifs légers ou de la rééducation au-delà des programmes d’ETP43. A titre d’illustration, des jeux vidéo thérapeutiques sont des Dispositifs Médicaux de Classe I, marqués CE et comme tels font l’objet d’évaluations scientifiques rigoureuses afin d’en prouver la faisabilité, l’acceptabilité et l’efficacité clinique44.
37Bon nombre des outils numériques facilitent aussi le suivi et la surveillance des patients, alliés à la généralisation des mobiles et l’émergence du cloud. Ces technologies permettent d’envisager de nouveaux modèles de suivi pour les malades chroniques, les grossesses ou les traitements lourds comme les chimiothérapies et ouvrent de nouvelles perspectives pour les personnes en perte d’autonomie, notamment à travers la télémédecine mais aussi les objets connectés45. Le patient est aussi mieux suivi puisqu’il transmet ses données physiologiques plus régulièrement, plus fréquemment et de manière plus fiable, aux praticiens, évitant par retards, complications et hospitalisations dont le coût est important. La télésurveillance via des dispositifs connectés est aussi devenue l’un des moyens de s’assurer de la bonne observance - ainsi pour les patients atteints d'un syndrome d'apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS)- et partant, tout à la fois de mieux traiter les malades et de réaliser des économies financières importantes. On sait que depuis le décret n° 2017-809 du 5 mai 2017 pris pour l'application de l'article 92 de la LFSS pour 2017, dans le cadre de la mise en œuvre de certains traitements d'affections chroniques, les prestataires de dispositifs médicaux peuvent recueillir, avec l'accord du patient, les données issues d'un dispositif mis à la disposition du patient et nécessaire à son traitement, qui peuvent, avec l'accord de celui-ci, être télétransmises au médecin prescripteur, au prestataire et au service du contrôle médical. Le texte pose aussi les conditions d'une modulation tarifaire éventuelle en fonction du niveau d'utilisation constaté du dispositif médical, qui, si elle se fait sans augmentation de la participation de l'assuré en cas de moindre observance, ouvre de fait la voie à une responsabilisation du patient.
38Ces diverses manifestations de recours au numérique suscitent toutefois des interrogations en lien avec la circulation et le partage des données qu’elles supposent. Beaucoup de dispositifs issus des technologies innovantes sont connectés et leur usage conduit à s’interroger sur la multiplication exponentielle des données de santé, avec les problématiques associées d’exploitation, de fiabilité, de sécurité et de confidentialité. Or le secret est une règle fondamentale et structurante de la relation de soins et la protection des données en est consubstantielle. Si le patient exige une information complète, il veut aussi, à juste titre, être rassuré sur la sécurité de la conservation, de l’accès et de la circulation de ces données. La CNIL attire régulièrement l’attention des hébergeurs de données de santé et des établissements hospitaliers sur le respect de la confidentialité des données médicales.
39Sans entrer dans le détail d’une thématique que beaucoup reprendront dans cet ouvrage, nous retiendrons un point d’analyse, important juridiquement, celui de l’utilisation des messageries par les médecins46. Tout professionnel est tenu de respecter le cadre juridique de l’échange des données personnelles de santé (L.1110-4 CSP) et de leur hébergement (L.1111-8). Bon nombre de praticiens utilisent au quotidien leur smartphone personnel, qu’il s’agisse d’échanges de mails avec des confrères ou avec leurs patients, ou de prise de photographies pour demander des téléavis, du type "téléexpertise". Le transfert de tels mails qui contiennent des données de santé à caractère personnel doit être protégé et leur conservation ne doit pas être négligée. A cet égard, la CNIL a rappelé que la messagerie électronique, voire le fax, ne « constituent pas a priori un moyen de communication sûr pour transmettre des données médicales nominatives. Une simple erreur de manipulation (adresse de messagerie erronée, erreur de numérotation du fax destinataire…) peut conduire à divulguer à des destinataires non habilités des informations couvertes par le secret médical et à porter ainsi gravement atteinte à l’intimité de la vie privée des personnes »47. Pour garantir la confidentialité des échanges et l'interopérabilité des messageries des professionnels de santé, ont été mis en place des services de messageries sécurisées de santé, que doivent utiliser les praticiens, que l'initiative en soit publique (MSS‑Santé)48 ou privée.
40En deçà, la responsabilité du médecin reste entière au titre de la violation du secret, qu’il ait permis à ses patients de lui adresser des mails (ou des SMS) sans que ces données soient protégées pendant leur transfert, ou qu’il néglige d’utiliser les messageries sécurisées.
41Or, alors même que « ces dispositifs de messagerie de santé sécurisée constituent l'environnement indispensable au développement des parcours de soins coordonnés et, au-delà, à l'essor de la télémédecine » comme le rappelle la Cour des comptes49, l’objectif de généralisation de leur usage initialement proposé pour 2017 est loin d’être atteint50. Bon nombre de praticiens butent en effet sur des difficultés d'ordre techniques, d'interopérabilité ou de déploiement qui tendent à en décourager l’utilisation systématique51 .
b) Sur la place du patient
42Le numérique transforme la relation médicale en en modifiant les données.
43En matière d’information d’abord. Les patients disposent via les TIC de moyens d’information divers et diversifiés. Le praticien, plus qu’auparavant, se doit être plus précis d’abord pour aider les patients à mieux appréhender la masse d’informations à laquelle ils sont confrontés, ensuite s’agissant de patients techniquement impliqués dans la gestion de leur affection, pour les accompagner dans le suivi de leur maladie chronique.
44Dans la prise en charge ensuite. La loi en fait l’un de ses axes prioritaires et la Stratégie e-santé 2020 l’annonce : le développement de la e-santé passe forcément par le patient, son implication dans les usages et donc sa confiance dans les outils et services, préalable à son adhésion. Ce rôle du patient joue à divers niveaux.
45La responsabilisation des individus dans la gestion de leur santé ou de leur pathologie est désormais l’un des piliers des politiques de santé, à laquelle contribue le développement des objets connectés. La promotion de la santé accompagne désormais les invocations à la prévention et l’investissement de chacun est appelé au soutien de la pérennité du système comme l’y invite le CSP52. Reste à réfléchir sur ce degré d’implication, sur ses répercussions et sanctions et sa signification profonde dans un contexte d’inégalités sociales et sanitaires persistantes.
46« Engagé ou expert », il est aussi « un acteur à part entière », par sa contribution active au diagnostic comme au traitement (les patient reported outcomes -PROs- sont devenus des critères d’appréciation indispensables). Il doit le devenir dans les choix faits en matière de développement de la e-médecine comme dans l’élaboration des produits de santé, notamment les objets connectés. L’association des patients doit dépasser ses formes actuelles (représentation dans les institutions ou participation à des débats publics) et intégrer les processus de recherche et de conception des objets afin de parvenir notamment au plan technique, à la définition de solutions sécurisées et respectueuses de la vie privée (privacy by design et security by design). Il est en ce sens préconisé de tenir compte dans l’évaluation des Ocs qui ne sont pas des dispositifs médicaux, au titre de leurs bénéfices avérés et aux côtés des aspects médico-économiques, de leur « valeur d’usage », celle-ci devant être appréhendée différemment selon que l'utilisateur est un patient, un aidant ou un professionnel de santé, et en fonction de l'organisation adoptée pour les soins ou le diagnostic53.
B – Réflexion et concertation
1) Transformations et réorientation des missions et des métiers
47On assiste d’ores et déjà à une mutation sous-jacente des métiers de la santé qui joue tout à la fois sur le contenu même des missions ou leurs outils, comme sur les modes de collaboration. La place du médecin en particulier est désormais clairement interrogée, que certains prédisent leur fin54 ou d’autres annoncent un changement profond dans leur rôle auprès des patients. Cette place du médecin est appelée à évoluer à trois niveaux : dans son rapport à la technologie qu’il sera appelé à utiliser de plus en plus, dans sa relation aux autres intervenants autour du patient, dans sa relation au patient.
48Le rapport aux outils numériques de plus en plus performants, issus de technologies brassant des milliards de données, types LAD et LAP, laisse à penser que bientôt le diagnostic comme le traitement ou le dépistage se feront mécaniquement sans intervention humaine. Nous ne reprendrons pas ici ces annonces pré apocalyptiques pour les professionnels comme pour notre liberté face aux mastodontes du web détenteurs des données. Elles sont évidemment le mérite de susciter une saine et réaliste analyse sur l’alliance (toujours ou encore ?) nécessaire entre l’homme et la machine55. S’étant penché fort justement sur la problématique, le Conseil national de l'ordre des médecins relève que pour l’instant, s’agissant d’un exercice d’analyse des symptômes, l’écart des performances entre les médecins et l’IA n’est pas si évident ni forcément systématique. La voie la plus probable semble devoir être, loin d’une confrontation d’élimination, celle de l’utilisation de l’outil par l’homme, comme cela s’est toujours fait depuis la nuit des temps : les professionnels deviennent et deviendront plus efficaces en s’adjoignant les services des algorithmes, l’avenir donc serait celui, à l’instar de l’homme augmenté, de l’« auctus medicus ». Toutefois, si de nombreux projets d’instruments d’aide à la décision médicale sont dans les laboratoires, peu sont en usage de routine dans les établissements et encore moins dans la pratique quotidienne et il est difficile de prédire quand ils le seront56. Par ailleurs, relève le Conseil national de l'ordre des médecins, la myriade de données à collecter et à traiter pour créer une interface IA pertinente dans une consultation patient constitue une pierre d’achoppement qui devrait permettre aux médecins d’être encore indispensables dans ces processus de diagnostic. Certains obstacles matériels sont identifiés : « la disponibilité des données nécessaires pour nourrir des algorithme de deep learning », « la collecte du volume indispensable d’images validées par les spécialistes de chaque pathologie spécifique » et « la mise en œuvre d’essais cliniques afin d’évaluer l’efficacité diagnostique de ces algorithmes d’apprentissage », avec une condition sine qua non si l’on veut que ces outils intègrent la pratique : former les nouveaux professionnels aux bases du machine learning. Enfin, l’IA reste pour l’instant affectée d’un handicap de taille : « elle ne fournit aucune capacité d’explication des causes de ce qu’elle observe »57.
49Evolution annoncée aussi avec les autres intervenants auprès du patient. La circulation facilitée de l’information comme le recours à la télémédecine permettent de constituer une communauté mobile autour de chaque malade, associant tous les professionnels qui en ont la charge et rationnalisant le parcours de soins. Le médecin devient l’un des acteurs de l’espace fluide ainsi créé. Au-delà, le contenu même de l’art de la médecine devrait évoluer. Les tâches susceptibles d’être automatisées et modélisées seront à terme remplies par l’IA, notamment par des chatbots collaborant avec les médecins pour se charger des premières questions à poser lors d’un rendez-vous médical, voire aidant à poser les premiers diagnostics pour aiguiller tel ou tel patient vers un spécialiste ou hôpital ou service hospitalier58. Bien plus, comme le souligne un rapport de Terra Nova, les services numériques sont appelés à se développer car ils sont user friendly (diminution du besoin en formation, fonctionnalités à distance, entre autres), permettent de soigner à moindre coût (moins d’investissement), sont plus rapides à déployer, souvent utilisables par des personnels moins qualifiés. Ils sont ainsi le vecteur de délégations de tâches plus faciles, vers les auxiliaires médicaux. Car si la délégation « semblait encore complexe pour des questions de formation des personnels délégataires, les IA vont permettre de combler une partie de ce manque en suppléant à l’expertise technique rapidement »59. Ainsi relève à cet égard le HCAAM, « l’innovation appelle une concentration et un développement du rôle des médecins sur des activités d’expertise et de synthèse associée à la montée en charge d’interventions soit très techniques et standardisées, soit de l’ordre du care, assurées par des professions intermédiaires, techniciens ou professions paramédicales ou professions du secteur médicosocial et social. Ce chantier est un chantier majeur »60. On ne saurait toutefois, et nous y reviendrons, faire ici l’économie d’une réflexion sur la structuration des professions de santé.
50Enfin, déchargé des exercices les plus chronophages et les plus techniques, le médecin pourra en revenir à l’essence de sa mission : être un passeur de savoir avec son patient, l’informer et l’« aider à comprendre ce que peut apporter un outil tel que l’IA dans les prises de décision sur sa santé et sur les soins », le conseiller dans les choix proposés par la technique ; coordonner les soins autour de lui, le soutenir dans son parcours, mobiliser ses compétences humaines et relationnelles, ce que la machine ne fait pas encore. Alliée à l’expertise sur les usages, la dimension humaniste de la mission devrait être renforcée, l’IA permettant de libérer du temps pour l’« écoute, (la) confiance, (le) conseil, (l’) empathie, (la) prise en compte du contexte de vie global du patient, de ses valeurs, de sa « vision » de la vie. D’autant que nous sommes encore loin du moment où l’ensemble de la population acceptera de s'en remettre directement à des machines, si toutefois ce moment arrive jamais »61. Les certitudes ainsi formulées masquent les inquiétudes sur le devenir de la profession de médecin, non tant celle de généraliste, cheville ouvrière des soins primaires, mais de spécialiste. Doublé en compétences/connaissances par les logiciels, concurrencé dans le care par les paramédicaux notamment et autres professionnels de la psyché, il ne leur reste que peu de marges, ce qui appelle de la part de la profession une profonde réflexion sur l’avenir.
51Une chose est toutefois certaine, rien ne pourra se faire sans les professionnels de la santé. Mais encore faut-il pour cela qu’ils aient reçu une formation adaptée qui leur donne des clefs de compréhension et fasse du recours aux outils et services du numérique un réflexe consubstantiel à leur pratique. L’enjeu n’est pas le moindre dans le système de santé qui inéluctablement tend à se dessiner. Comme le souligne le Conseil national de l'ordre des médecins, « la formation des étudiants en médecine et des médecins représente un élément clé de l’acceptabilité des technologies et des pratiques qui vont se développer et s’étendre »62. D’ores et déjà, le numérique a commencé à investir les formations, qu’il s’agisse de soins ou de gestion des risques63, via notamment la simulation en santé64 et les centres dédiés65. Au-delà des pratiques professionnelles et gestes techniques, les réflexions sur les évolutions nécessaires des métiers eux-mêmes ont débuté et qui ont conduit la Conférence des doyens de médecine à formuler plusieurs propositions autour de la transformation non seulement des « modalités d’apprentissage dans une société connectée ou l’information est abondante » mais aussi des cursus et des formes d’évaluation. Le développement de la e-santé « est un défi pour les universités et les UFR de santé », qui « doit faire l’objet d’un développement universitaire majeur avec des formations et de la recherche dédiées »66. La formation de tous les professionnels de santé devrait dans sa confrontation au numérique et à l’informatique être appelée à intégrer trois exigences : d’une part, assurer un continuum véritable (plus qu’actuellement) entre la formation initiale et la formation continue, ce que promet la refonte du développement professionnel continu et que soutiendrait, selon Jacques Lucas, la mise en place d’un accompagnement du professionnel d’accompagnement « vers une certification périodique » reposant « sur une évaluation, voire une autoévaluation de ses compétences et permettant une valorisation de son parcours et de ses activités »67 ; d’autre part, favoriser un usage éthique et déontologique des nouveaux outils, crucial face à la technicisation croissante des actes et des gestes et face aux risques de déshumanisation de la relation médicale ; enfin, pour ce faire, garantir l’ouverture et la pluridisciplinarité des formations, non pas seulement vers les sciences dures, les biotechs et le data management68, mais aussi vers les sciences humaines et sociales et les humanités.
52Nul ne doute à cet égard que l’adaptation des professions de santé par la formation n’est pas qu’une question de technologie, et qu’elle est aussi un défi culturel et un enjeu de société. Si elle doit préparer les futurs praticiens à une interrogation permanente « sur le rôle que doit remplir l’homme face à des machines qui ont été développées et conçues pour le surpasser sur presque tous les plans »69, elle doit dans le même temps lui apprendre à travailler en synergie dans un univers « patient centré ». D’autant que dans cette transformation en profondeur du système de santé, les métiers eux-mêmes sont appelés à se diversifier, en un double mouvement : d’une part par les montées en compétences des professions paramédicales, portées par la télémédecine, la « pratique avancée » et le recours à des techniques facilitant certains actes autrefois fortement spécialisés et complexes (75% des pratiques médicales d’aujourd’hui pourraient être transférées en 2050 à des professions de santé non médicaux) ; et d’autre part, en raison de l’intégration nécessaire dans les processus de soins de plus en plus d’ingénieurs et techniciens de la santé, des bio informaticiens aux datascientits70. En particulier, le recueil et l’interprétation des données du séquençage global de l’ADN reposant sur des algorithmes de plus en plus complexes et puissants appellent le recrutement massif d’ingénieurs et d’informaticiens (professionnels de la santé). Ces nouveaux acteurs de première ligne, aux côtés des professionnels de la thérapeutique et de la clinique, se devront d’être associés très tôt aux formations, et systématiquement être partie prenante -et responsables juridiquement- des équipes médicales.
53Pour finir de tracer les grands traits d'un tableau sans doute incomplet, il faut également imaginer que bien des métiers de la santé sont en train d’émerger en lien notamment avec la télémédecine ou les plateformes à haut débit, dont nous n’anticipons qu’une partie. Pierre Simon cite ainsi comme exemples dans le champ de la santé, le coordonnateur de télémédecine, le chirurgien superviseur de robot en télé‑chirurgie ou l’ingénieur qualité en e‑santé et dans celui des sciences sociales et humaines, le métier de psychotechnicien(ne) en télémédecine et d’éthicien(ne) des algorithmes et des robots.
2) Les défis stratégiques et organisationnels
a) Ils sont d’abord ceux que pose le numérique aux politiques publiques, singulièrement celles de la santé publique et celles qui soutiennent la recherche et l’innovation.
54Le Big data génère des données cruciales pour la compréhension des atteintes à la santé (phénomènes épidémiques ou maladies chroniques) et des comorbidités, améliore la pharmacovigilance et la sécurité des patients, augmente l’efficacité et la qualité des traitements71. Partant, il est le vecteur par lequel il va être possible de construire des politiques publiques plus efficaces, et par lequel la prévention va pouvoir effectivement se déployer comme logique première de la gestion de la santé collective et plus généralement72. C’est en ce sens que la CNIL relève que « le rôle annoncé et parfois déjà effectif des algorithmes et de l’IA dans le domaine de la santé est indissociable de l’existence de bases de données de plus en plus massives, tant en termes d’individus concernés qu’en terme de quantité de données disponibles sur chacun d’eux. L’algorithme et l’IA permettent justement de tirer parti de cette quantité inédite de données disponibles aujourd’hui (données issues des grandes bases médico-administratives rassemblées dans le SNDS mais aussi des objets de santé connectée, des dossiers de patients, etc.) pour bâtir des modèles au sein desquels un profil très précis de chaque individu peut être dessiné, ce profil pouvant constituer le soubassement d’une prévision »73. De prime évidence, les OC et apps donnent en effet à chacun les moyens de devenir acteur impliqué dans sa santé et les comportements vertueux, dans une logique d’empowerment à promouvoir, sous réserve d’en établir la valeur ajoutée en tant qu’outil de prévention et d’en mesurer tout à la fois les limites au regard des inégalités sociale de santé et les risques, au vu des tendances plus ou moins latentes à moduler les prises en charge à partir d’une normalisation des attitudes74.
55Surtout, il faut insister ici sur l’intérêt considérable des données que génère le système de santé français ‒ établissements sanitaires et médico-sociaux, médecine de ville, assurance maladie75 ‒ pour la construction et le ciblage des politiques publiques de santé. La création du Système national des données de santé et de l’open data en la matière est l’étape première d’une mise à disposition de données essentielles au service de l’intérêt collectif, au sein du titre IV de la loi de 2016 « Renforcer l’efficacité des politiques publiques et la démocratie sanitaire ». En ce sens, l’objectif affiché est d’ouvrir l’accès aux données de santé collectées par les personnes publiques afin que « leurs potentialités soient utilisées au mieux dans l’intérêt de la collectivité ». Le SNDS répond à cet objectif en mettant à disposition des données de santé, afin de contribuer, notamment, « à l'information sur la santé ainsi que sur l'offre de soins, la prise en charge médico-sociale et leur qualité », « à la définition, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques de santé et de protection sociale », ou « à la surveillance, à la veille et à la sécurité sanitaires »76. A cet égard, l’IA et l’analyse des données sont des appuis précieux pour la détection des risques sanitaires et l’action des autorités, qu’il s’agisse de « repérer l’élévation de l’incidence de maladies ou de comportements à risque ou de pharmacovigilance », de contribuer plus ou moins explicitement à la rationalisation des dépenses de santé, d'assurance maladie et des dépenses médico-sociales, ou de soutenir stratégiquement la recherche et l'innovation dans les domaines de la santé et de la prise en charge médico-sociale. Cela suppose naturellement non seulement de pouvoir traiter ces masses de données et donc de disposer de compétences mathématiques à valoriser en France mais aussi d’en garantir la fiabilité et la protection77. Le recours aux blockchains en santé est l’une des pistes actuellement explorée78.
b) On ne peut éluder, pour finir, les bouleversements à l’œuvre dans l’organisation du système de santé comme du système hospitalier et dans les modalités structurelles de prise en charge/prise en compte des patients et usagers.
56Beaucoup évoqueront plus loin ces problématiques, ce qui va nous permettre d’être allusif. Il est souvent évoqué le rôle constitutif que jouent et joueront plus encore les services et les instruments numériques dans la cohérence et la fluidité du parcours de soins, dans la construction des soins primaires, dans les équipes structurées autour du patient (le dossier médical partagé ou la lettre de liaison en sont des manifestations appelées être suivies d’autres) comme dans les articulations nécessaires hôpital/ambulatoire/médecine de ville/secteur social et médicosocial79. A ce titre, la convergence des systèmes d’information des établissements-membres des GHT doit être réalisée au 1er janvier 2021, ce qui renforcera sinon le parcours de soins, à tout le moins la coordination entre professionnels de santé exerçant au sein du GHT. Dans ce mouvement, pour certains, le numérique peut être imaginé comme une voie de sortie de « l’hospitalocentrisme », c’est-à-dire un soin organisé autour des consultations hospitalières et décliné à partir de celles-ci, et a minima le vecteur d’évolutions organisationnelles. Constitutif de tous les dispositifs du soin à distance (télémédecine), non seulement il déleste l’hôpital de demandes peu justifiées et le recentre sur son cœur de métier mais il favorise le développement des collaborations et de nouvelles formes d’exercice de la santé en groupe, maisons de santé pluridisciplinaires et pôles de santé. En ce sens, la LFSS prévoit un financement pour les « expérimentations organisationnelles innovantes du système de santé », en dérogation aux règles actuelles de tarification, pour une durée « qui ne peut excéder cinq ans » (art.51). Il s'agit, selon le texte, de « favoriser l'innovation par l'émergence de nouvelles organisations dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l'amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, et de l'efficience du système de santé et de l'accès aux soins », et d'« améliorer la pertinence de la prise en charge par l'assurance maladie des médicaments ou des produits et prestations associées et la qualité des prescriptions »80. Les expérimentations pourront notamment viser à « optimiser par une meilleure coordination le parcours de santé, la pertinence et la qualité de la prise en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale » et à « organiser par une séquence de soins la prise en charge des patients ». Pourraient entrer dans ce schéma l'utilisation de dispositifs numériques de coordination des professionnels de santé dans le cadre des prises en charge, ou de télésuivi, après une hospitalisation par exemple. Il s'agit d'un premier pas vers le financement au parcours de soins et d'un signe de distance prise par rapport à la tarification à l'activité (T2A), qui doit permettre d'éviter des ré hospitalisations en assurant un suivi plus régulier du patient.
57En guise de conclusion, une ouverture sur un questionnement qui traverse toutes les thématiques évoquées précédemment : celui des cadres juridiques à poser ou plus justement, celui de l’intensité des règles et du degré de normativité le plus apte à concilier respect des droits et libertés des citoyens patients et soutien à l’innovation. Il est courant de relever que la technologie et ses avancées rapides s’accommodent mal des rigidités des règles juridiques, européennes ou nationales, et qu’il importe plutôt de promouvoir en la matière une régulation à base de soft law. La réponse réside dans la recherche de l’équilibre à trouver entre une régulation, privilégiée par les acteurs industriels, et une réglementation, garantie de la préservation des droits des partenaires de la relation de soins. Deux remarques à ce stade. D’une part, la médecine est familière de ces normes qui ne sont juridiquement ni obligatoires ni contraignantes mais qui influent quand même sur le comportement de leurs destinataires. Professionnels, établissements, industriels de la santé pratiquent usuellement des chartes éthiques, recommandations de bonne pratique, protocoles, guidelines, référentiels, labels ou autres formes de normalisation. D’autre part, le domaine du numérique en général et le domaine de la santé en particulier sont fortement structurés en France par du droit dur, qu’il s’agisse des règlements européens, des lois ou des règlementations nationales.
58Ce contexte étant précisé, il est commun de souligner que les normes de soft law ont tendance à se développer dans des domaines fortement évolutifs notamment sous la pression des avancées technologiques. Chacun s’accorde d’ailleurs à admettre qu’une telle souplesse est vitale à l’innovation qui ne saurait bridée par un garrot réglementaire. Cette réticence à l’égard des règles de droit est communément partagée, des cénacles industriels81 aux cercles parlementaires, comme en témoigne la proposition n° 1 de l’OPEST « Pour une IA maîtrisée, utile et démystifiée » : « se garder d’une contrainte juridique trop forte sur la recherche en intelligence artificielle », laquelle se doit d’être « européenne voire internationale plutôt que nationale »82.
59Or cette normativité « molle » présente des risques non négligeables. Celui d’abord de ne pas être respectée du fait de l’absence même de sanctions juridiques à la clé. Les interrogations demeurent ensuite sur sa portée : quelles obligations précises met-elle à la charge des personnes qui doivent l’appliquer ? Quels droits crée-t-elle pour ces dernières ? Et comment faire respecter l’une et les autres ? Quid, par exemple, des responsabilités afférentes aux comportements ainsi régulés ? Les réponses à ces questions ne sont pas encore totalement assurées. Le risque est aussi de voir les règles ainsi créées captées par tous ceux qui maîtrisent les instances professionnelles qui les produisent83. Cet assouplissement est utile, mais il pose le problème de la légitimité du cadre juridique : il importe de veiller à l’impartialité de fonctionnement des instances qui produisent ces normes, à la régularité et à la transparence des procédures, aux conflits d'intérêts comme à la publicité des instruments de droit souple. Dès lors que la soft law doit être élaborée en associant les divers acteurs concernés, elle exprime aussi une privatisation des normes qui s’accompagne d'un assouplissement des formes. Or celui-ci entraîne du même coup un affaiblissement de la prévisibilité et un risque pour la sécurité juridique, in fine un risque pour l'Etat de droit.
60Dans un tel contexte, il est nécessaire de trouver un point d’équilibre sans galvauder les principes fondamentaux ni transiger sur leur application. Il faut garantir aux industriels et aux opérateurs, dans une certaine mesure et sous un certain contrôle, des marges d’appréciation et de manœuvre grâce à des règles moins contraignantes, souvent élaborées par des experts ou en concertation avec les acteurs professionnels. Mais au-delà, il importe de maintenir les cadres législatifs et réglementaires de nature à préserver les droits et libertés et les valeurs fondamentales communément partagées. C’est dans cet esprit que le Conseil national de l'ordre des médecins, s’agissant de la médecine à l’heure du numérique, s’est prononcé en faveur d’un cadre général en droit dur, construit sur des interdictions majeures d’ordre public et des principes irréductibles, mais associé à des règles de droit souple qui permettraient une interprétation suffisamment agile pour évoluer au rythme des connaissances et de la réflexion éthique.
61En quelque sorte, l’innovation sous l’« ombre portée » du droit…
Notes de bas de page
1 Enquête OpinionWay du 6 mars 2018, « Les Français et la prévention en matière de santé à l’heure des objets connectés, de l’explosion de la data et du développement de l’Intelligence Artificielle ». Un tiers des sondés sont prêts à aller sur des plateformes web marchand, les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche pour réaliser une téléconsultation.
2 Odaxa, Baromètre Santé 360° : l’humain dans la santé, 22 janvier 2018. Dans le même sens, « Les professionnels de santé et les objets connectés », Etude MACSF-Withings Health Institute, février 2017.
3 M.-A. Hermitte, « Le droit est un autre monde », Enquête [En ligne], 7 | 1999, mis en ligne le 15 juillet 2013. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/enquete/1553
4 M.-A.Hermitte, « Le droit saisi au vif. Sciences, technologies, formes de vie », Entretiens avec François Chateauraynaud, Pragmatismes, 2013, p. 162.
5 M.-A. Hermitte : « Cela explique que les juristes passent leur temps, face à une situation nouvelle, à s'interroger sur la "nature juridique" de ceci ou de cela (...). Le droit est un monde foisonnant mais un monde rangé. Chaque opération doit pouvoir être mise dans un tiroir ou plusieurs tiroirs déterminés ; si c'est trop difficile, il faut créer un nouveau tiroir », ibid., p. 345.
6 Selon le rapport de P. Lasbordes, « la télésanté est l'utilisation des outils de production, de transmission, de gestion et de partage d'informations numérisées au bénéfice de pratiques tant médicales que médico-sociales », rapport, La télésanté : un nouvel atout au service de notre bien-être. Un plan quinquennal éco-responsable pour le déploiement de la télésanté en France, p. 37, 15 octobre 1999.
7 Dans le même sens la définition de l’OMS met en avant le recours aux TIC. Le rapport de la 58ème Assemble mondiale traduit e Health par cyber santé et en donne la définition suivante : l’utilisation des « TIC à l’appui de l’action de santé et dans des domaines connexes, dont les services de soins de santé, la surveillance sanitaire, la littérature sanitaire et l’éducation, le savoir et la recherche en matière de santé », Genève 16-25 mai 2005, p. 114 et s.
Cf pour un périmètre assez proche, voir, pour la position de la Commission européenne, dans un document européen sur « La e-santé en Europe », Gérard Comyn, chef d’unité « TIC pour la santé », « La e-santé : une solution pour les systèmes de santé Européens ? », mai-juin 2009, n° 17, p. 2.
8 P. Amselek, Cheminements philosophiques. Dans le monde du droit et des règles en général, Armand Colin, 2012, p. 445.
9 Cour de cassation, Crim., 30 janvier 2018, n° 17-80259 ; Crim., 18 juin 2013, n° 11-86921 ; Crim. 22 février 2011, n° 10-81.742, Bull. crim. 2011, n° 35 ; Crim., 19 mai 2009, n° 08-83.747, Bull. crim. 2009, n° 99.
10 X. Labbée, « Respect et protection du corps humain. L'homme robotisé », JurisClasseur civil, Code articles 16 à 16-14, n° 7 ; Pascal Labbée, « L’homme augmenté à l’épreuve de la distinction des personnes et des choses », in X. Labbée (dir.), L’homme augmenté face au droit, 2015, p. 46 et s. ; C. Lazaro, La prothèse et le droit. Essai sur la fabrication juridique des corps hybrides, Paris : IRJS Éditions, coll. « Les voies du droit », 2016, 480 p.
11 R. 5211-2 du code de la santé publique.
12 Ainsi des médicaments « combinés de thérapie innovante ». Articles L. 4211-9-1 et R. 4211-32 et s. du code de la santé publique ; article L. 5121-5 alinéa 3 du code de la santé publique (Bonnes Pratiques).
13 Exemple du style injecteur intelligent connecté. Par ailleurs, le laboratoire Roche et l'éditeur Voluntis ont mis au point un « compagnon digital », Zemy, en cours d'essais, pour le suivi personnalisé et à distance des patientes traitées pour un cancer du sein. Il s'agit d'un dispositif médical logiciel thérapeutique, se présentant sous la forme d'une application mobile pour les patients et d'une plate-forme web pour les professionnels de santé. C'est un dispositif plus complexe que d'autres, car l'application embarque un montage d'algorithmes médicaux qui vont induire la prise de décisions thérapeutiques.
14 La FDA a récemment autorisé la mise sur le marché de l’Abilify MyCite, pilule numérique, produite par les sociétés Otsuka Pharmaceutical, au Japon, et Proteus Digital Health, aux Etats-Unis, qui est une nouvelle version d’un médicament utilisé depuis 2002 pour traiter la schizophrénie, les troubles bipolaires et la dépression. L’innovation tient au fait que cette pilule contient un capteur à base de silicone, cuivre et magnésium, qui une fois la pilule avalée est capable de transmettre un signal vers un patch collé sur la peau. L’information est ensuite transmise par Bluetooth sur une application pour smartphone, afin qu’elle soit visible pour le patient et les personnes y ayant accès.
15 HAS, « Travaux sur les spécificités méthodologiques d'évaluation clinique des dispositifs médicaux connectés », 23 avril 2018. Elle prépare aussi un guide à destination des patients et professionnels de santé sur les applications et objets connectés de santé.
Pourrait être envisagée à terme une évaluation plus dynamique, adaptée à la mutabilité des solutions technologies et de l'IA, qui porterait non sur les produits mais sur les opérateurs eux-mêmes. Cf en ce sens, aux Etats-Unis, le programme Digital Health Software Precertification (Pre-Cert).
16 Cf sur cette visée médicale CJUE 15 novembre 2012, Brain Prodducts GMBH, aff. C-219/11.
17 Point 28, CJUE, 7 décembre 2017, Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem), Philips France contre Premier ministre, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, n° C-329/16.
18 Guidelines on the qualification and classification of stand-alone software used in healthcare within the regulatory framework of medical devices, MEDDEV 2.1/6, January 2012.
19 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 (art. 78), article L.6316-1 CSP : « Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d'effectuer une surveillance de l'état des patients ».
20 Les actes de télémédecine, définis dans le décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010, sont des actes médicaux. Ils sont actuellement au nombre de cinq : téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance, téléassistance médicale et régulation médicale.
21 L.4161-1 code de la santé publique.
22 Réalisation de rétinographie par l’orthoptiste, reconnue et financée en CCAM depuis septembre 2014 ; modification de la dose d’insuline par l’infirmier dans le cadre de la télé-diabétologie (Cf. système Diabeo et l’étude clinique Télésage : des infirmières en région assurent le télésuivi de patients dans le cadre d’une délégation de tâches, conformément au protocole de coopération validé par la HAS sur le « Suivi de patients diabétiques traités par insuline munis d’un carnet glycémique électronique et surveillés par télémédecine avec prescriptions et soins par l’infirmier en lieu et place du médecin. » Il s'agit du premier protocole de coopération dans le diabète) ; conduite thérapeutique pour les plaies chroniques complexes par l’infirmier expert en plaies.
23 L. Art. L. 4301-1, Code de la santé publique.
24 Déjà en 1956, le doyen Savatier soulignait « le droit médical se centre autour de l’acte médical. Celui-ci, propre au médecin, doit être défini par le juriste », in Traité de droit médical, Librairie technique, 1956, n° 1, p. 11. Cf Brigitte Feuillet, « L’évolution de la notion d’acte médical » in F. Bellivier et C. Noiville, Nouvelles frontières de la santé, nouveaux rôles et responsabilités du médecin, Dalloz, 2006, p. 204.
25 Ainsi en matière de preuve, le juge administratif applique aux actes de soin courants un régime de présomption de faute. Le Conseil d’Etat considère en effet que « la circonstance qu’un acte de soins courant a entraîné une incapacité permanente révèle en principe une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier ». Il est ainsi amené à définir au cas par cas ce qu’est un acte de soins courants : c’est le cas de de la pose d’une voie veineuse provoquant une atteinte traumatique du nerf médian (Conseil d’État, 5ème et 4ème Chambres réunies, 10 mai 2017, n° 390082) mais non de l’intubation d’un patient en vue d’une anesthésie générale (Conseil d’Etat, 21 octobre 2009, n° 314759), ni de la radiothérapie qui « ne peut être regardée comme un acte de soins courants » (CAA Lyon, 18 mai 2010, n° 09LY01798).
26 Joël Moret-Bailly, « L’organisation juridique des professions : logiques et contraintes », adsp n° 70, mars 2010, p. 24-25.
27 JOUE, 2016, L 119, 4 mai. En l'absence de définition légale, il fallait jusqu'ici se reporter à la jurisprudence française et européenne pour déterminer ce qui relevait du champ des données de santé. Le nouveau règlement européen propose désormais une définition des données de santé à caractère personnel : « données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d'une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l'état de santé de cette personne ». Ces données comprennent « toute information concernant, par exemple, une maladie, un handicap, un risque de maladie, un dossier médical, un traitement clinique ou l'état physiologique ou biomédical de la personne concernée, indépendamment de sa source, qu'elle provienne par exemple d'un médecin ou d'un autre professionnel de la santé, d'un hôpital, d'un dispositif médical ou d'un test de diagnostic in vitro ». Le règlement définit aussi à l’échelle européenne les « données génétiques », « relatives aux caractéristiques génétiques héréditaires ou acquises d'une personne physique qui donnent des informations uniques sur la physiologie ou l'état de santé », et les données biométriques, « résultant d'un traitement technique spécifique, relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d'une personne physique ».
28 CJUE, 7 décembre 2017, C-329/16 : elle y précise que s’agissant de la finalité poursuivie, un logiciel en lui-même est un dispositif médical lorsqu’il est spécifiquement destiné par le fabricant à être utilisé dans un ou plusieurs des buts médicaux figurant dans la définition d’un dispositif médical, ce qui est le cas d’un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, en vue de détecter des contre-indications, des interactions médicamenteuses et des posologies excessives. Et ceci, peu importe qu’il n’agisse pas directement sur le corps ou dans le corps humain.
29 HAS, Guide pour le dépôt d’un dossier auprès de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et technologies de santé (CNEDiMTS). Dispositifs médicaux connectés, novembre 2017.
30 HAS, Référentiel de bonnes pratiques sur les applications et les objets connectés en santé, Mobile Heath ou mHealth, octobre 2016. Ce référentiel ne traite donc pas des applications ou objets connectés reconnus comme « dispositifs médicaux » (par exemple : relevant de la télémédecine tels que les défibrillateurs ou pompes à insuline connectés) qui font déjà l’objet de contrôles via un marquage CE réglementé au niveau européen.
31 T. Paljarvi « Health smart devices and applications for prevention - a cautionary note », European Journal of Public Health, vol. 27, 2017, n° 3, p. 391. L’auteur estime en particulier que le développement d’un système d’accréditation européen de qualité des produits couvrant le cycle de vie du produit pourrait être une option pour assurer la conformité des produits aux standards et recommandations.
32 Ce renforcement de la sécurité s’impose en premier lieu au fabricant qui doit respecter les divers cadres juridiques dans lesquels il s’inscrit (RGPD, règlements relatifs aux DM, normes, guides et recommandations). Mais cette recherche concerne tous les professionnels de santé et les établissements utilisateurs des DM connectés, qui doivent dans leurs pratiques et fonctionnement quotidiens, intégrer des mesures de sécurité nécessairement adaptés aux profils des usagers et patients. Ce contexte appelle la mise en place rapide d’actions coordonnées en matière de formation, d’information, de normalisation, d’élaboration de protocoles ou de contrôles.
33 GT28 CSF, Rapport « Créer les conditions d’un développement vertueux des objets connectés et des applications mobiles en santé », 16-1-2017.
34 Cf Pour les médicaments, B. Bégaud, D. Polton, F. von Lennep, Les données de vie réelle, un enjeu majeur pour la qualité des soins et la régulation du système de santé. L’exemple du médicament, décembre 2017.
35 Pour assurer la sécurité et la confidentialité des données personnelles, un amendement a été adopté au Sénat le 21 mars 2018 au cours de la discussion du projet de loi relatif à la protection des données personnelles, qui prévoit un dispositif de labellisation des objets connectés, qui serait mis en œuvre par la CNIL.
36 La fiabilité des données et des algorithmes notamment dans un contexte d’apprentissage est cardinale. C’est l’un des axes du référentiel de la HAS et au cœur des réflexions de la CNIL (Rapport de synthèse, Comment permettre à l'homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l'intelligence artificielle, décembre 2017).
37 Médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle. Analyses et recommandations du CNOM, décembre 2017.
38 OPESCT, Rapport C. De Ganay et D. Gillot, « Pour une IA maîtrisée, utile et démystifiée » mars 2017, p. 155.
39 Ziad Obermeyer, Ezekiel J. Emanuel, « Predicting the Future - Big Data, Machine Learning, and Clinical Medicine », New England Journal of Medicine, 2016 ; 375:1216-1219. Voir notamment, N. Nevejans, Traité de droit et d’éthique de la robotique civile, LEH Edition, 2017, n° 1080.
40 Cf C. Vincent, « La bataille des docteurs Internet », Les Echos, 16 juin 2017 : « La gestion des appels revient entre 500 et 1000 euros par mois à un généraliste », rappelle ainsi Thibault Lanthier, le DG et cofondateur de MonDocteur. À l'AP-HP, on évalue à 17% la part des rendez-vous perdus par négligence ou faute d'avoir pu les annuler ou les modifier. « Or un rendez-vous non honoré coûte 53 euros à la collectivité », rappelle Étienne Grass. L'abonnement mensuel à MonDocteur, comme à Doctolib d'ailleurs, coûte seulement une centaine d'euros au médecin, sans engagement et le service est gratuit pour le patient. « Dans les hôpitaux nouvellement équipés, on a atteint 15% de prise de rendez-vous en à peine un mois, preuve qu'il existe une vraie demande », assure Étienne Grass.
41 Sur le recours au smartphone, Cf « Applis smartphone et santé : promesses et menaces », JDSAM, n° spécial, 2014, et notamment, J.-F. Thebaut, « Les applis mobiles smartphones au service de la pratique médicale et de la prise en charge des patients », p. 17.
42 P. Desmarais, « Responsabilité et smartphones », JDSAM, n° spécial, préc. p. 43 ; G. Loiseau, « Intelligence artificielle et santé. Responsabilité », JDSAM, n° 17, 2017, p. 21.
43 Sur le recours aux smartphones dans le cadre de l'éducation thérapeutique du patient, C. Rambaud, « La révolution numérique et l'éducation thérapeutique du patient », JDSAM, n° spécial, préc. p. 13.
44 Les jeux vidéo thérapeutiques de Curapy.com font l’objet d’études menées avec des partenaires scientifiques et cliniques. Par exemple, GENIOUS Healthcare a un laboratoire de recherches commun (LabCom) avec l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière (ICM).
45 De nombreuses solutions sont en cours de développement, par exemple dédiées au suivi en vie réelle et l'auto-évaluation de patients atteints d'hypertrophie bénigne de la prostate, pour assurer le suivi de l'évolution de la sclérose en plaques ou celui de patients diabétiques et autres objets connectés pour la surveillance du sommeil, le suivi des femmes enceintes ou de patients sous respirateur.
46 E. Lobel et F. Eon, « La messagerie sécurisée pour les professionnels de santé : enjeux et perspectives », JDSAM, préc. p. 20.
47 « Données de santé, messagerie électronique et fax », décembre 2015, https://www.cnil.fr/fr/donnees-de-sante-messagerie-electronique-et-fax
48 Une messagerie sécurisée comme MS Santé, Medimail, gratuites ou Apicrypt payante. Les messageries sécurisées ne sont toutefois pas faites pour héberger des données de santé...
49 Rapport 2018, « Les services publics numériques en santé : des avancées à amplifier, une cohérence à organiser », p. 218.
50 Fin novembre 2017, la Cour relève que 78% des médecins généralistes libéraux utilisaient une messagerie sécurisée contre seulement 42% des médecins spécialistes.
51 Couramment sont invoqués des dysfonctionnements récurrents et les bugs qui alourdissent le recours aux messageries par les professionnels via leurs logiciels médicaux : rechargement intempestif de fichiers pourtant supprimés, impossibilité d’émettre des messages, copier-coller de comptes rendus, qui deviennent illisibles à la réception, messages écrits sous Mac qui ne sont plus lus sous PC…
52 L.1111-1 du code de la santé publique.
53 GT28 CSF, Rapport préc. p. 26.
54 L. Alexandre, « La mort des médecins », Les Tribunes de la santé, 2017/1, n° 54, p. 43-47.
55 G. Vallancien, La médecine sans médecin ? Le numérique au service du malade, Gallimard, 2015 ; C. Lequillerier, « L’impact de l’intelligence artificielle sur la relation de soin », JDSAM, n° 17, p. 14.
56 Livre blanc, préc. p. 21.
57 Cf le Cnom, citant une étude d’Erice Topol publiée dans le Lancet,
www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2817%2931764/fulltext
58 La FDA a autorisé en avril 2018 le premier logiciel autonome intégrant l'IA pour le dépistage de la rétinopathie diabétique (IDx-DR). Le dispositif fournit un dépistage sans qu'un spécialiste examine le patient ou l'image. Il peut ainsi être utilisé par un professionnel de santé non habilité à dispenser des soins oculaires. Si le dépistage est positif, le patient est ré-orienté vers un spécialiste. Cela libère du temps médical sans un domaine, l'ophtalmologie, sous tension. Mais si l'algorithme se trompe (une fois sur dix), reste posée la question de la responsabilité.
59 L. Pierron, A. Evennou, La santé à l’heure de l’intelligence artificielle, rapport Terra Nova, 5 décembre 2017, p. 15-17.
60 HCAAM, Innovation et système de santé, Rapport, avril 2016, p. 61.
61 Ibid.
62 Livre blanc sur Médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l'IA, préc. p. 29.
63 Anne-Sophie Plichet, Simerror : un serious game sur la chambre des erreurs, thèse Université de Rouen, UFR de médecine et de pharmacie, 2017.
64 https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2807140/fr/simulation-en-sante
65 Sur les enjeux et difficultés, Cf Libre Blanc, p. 32-33.
66 Propositions de la Conférence des doyens aux candidats à l’élection présidentielle, 20 février 2017.
67 Livre Blanc, préc. p. 30.
68 C'est l'une des propositions du rapport Villani qui propose notamment de « transformer les voies d'accès aux études en médecine » afin de « diversifier les profils » et les ouvrir à des étudiants spécialisés dans le domaine de l'informatique et de l'IA. Cf C. Villani, Donner un sens à l'intelligence artificielle, 2018, p. 198.
69 Terra Nova, préc. p.24.
70 Ce besoin va s’exprimer particulièrement dans le domaine de la recherche, car les profils data permettent de construire des systèmes destinés à exploiter de larges volumes de données variées et de les analyser. Cas exemplaire : le partenariat noué entre l'école Polytechnique et la CNAM pour exploiter la gigantesque base de données du Sniiram, le système national inter-régimes de l'assurance maladie, et évaluer, entre autres, la dangerosité de certains médicaments.
71 Cf l’étude sur le Big Data dans le domaine de la santé publique, de la télémédecine et des soins médicaux, commandée par la Commission européenne et par l'Agence exécutive pour les consommateurs, la santé et l'alimentation (Consumers, Health and Food Exectucive Agency, CHAFEA), Study on Big Data in public health, telemedicine and haelthcare, final report, dec. 2016.
72 L. Cambon, « Health smart devices and applications… towards a new model of prevention ? », European Journal of Public Health, vol. 27, juin 2017, n° 3, p. 390) : l’auteur relève que les applications en santé favorisent la surveillance et la mesure du risque comme l’incitation à l’adoption d’un comportement bénéfique pour sa santé. Pour autant, on ne peut en conclure d’emblée à l’émergence d’un nouveau modèle de prévention. Les preuves relatives à leur efficacité manquent et elles présentent des risques en termes d’utilisation des données personnelles. Par ailleurs, il ne suffit pas de s’interroger seulement sur l’efficacité des applications en la matière mais aussi sur les objectifs et les conditions de leur utilisation en prévention.
73 Comment permettre à l’homme de garder la main…, préc. p. 62.
74 Voir sur cette question, notamment C. Erhel et L. de la Raudière, Les objets connectés, Rapport d’information, janvier 2017, p. 50 et s.
75 La France possède environ 260 bases de données publiques dans le domaine de la santé, et le portail épidémiologie-France recense jusqu'à 500 bases de données médico-économiques, cohortes, registres, et études en cours. Le SNIIRAM est la plus riche des bases de données médico-administratives et parmi les cohortes, on peut citer NutriNet-Santé qui récolte une multitude de données sur le mode de vie, la santé et les habitudes alimentaires de 500 000 français.
76 Article L1461-1 du code de la santé publique.
77 Voir CNIL, Comment permettre à l’homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle, décembre 2017, p. 39 et les recommandations formulées.
78 C. Théard-Jallu, « La blockchain au service de la santé ? L’exemple de la collecte du consentement du patient dans un essai clinique », Revue Droit des Affaires, septembre 2017, n° 129.
79 Voir entre autres, HCAAM, Le numérique, document 1, 2015, préc. p. 12 et s.
80 Article 51 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.
81 Renaissance numérique, Livre blanc 17 idées pour la e-santé en 2017, mars 2017.
82 Rapport Claude de Ganay et D. Gillot, mars 2017, p. 205.
83 S. Canselier, « L'intelligence artificielle au coeur d'un rapport de l'OPECST », Dictionnaire permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, juillet 2017, p. 6-7 : « il est difficile de comprendre cette faveur pour la régulation – c’est-à-dire pour le recours aux normes techniques et aux guides de bonnes pratiques – lorsque l’on mesure la part d’influence que les grands groupes industriels peuvent exercer dans les lieux où ces normes sont élaborées. La norme juridique a une légitimité démocratique dont ces dernières sont dépourvues. De ce point de vue, il peut paraître contradictoire de mettre en avant le débat public et le choix démocratique tout en dévalorisant le droit par rapport aux autres normativités. ».
Auteur
Professeur de droit public, Institut Maurice Hauriou, Université Toulouse 1 Capitole
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