Les juges de la Cour suprême des États-Unis et le darwinisme. Darwinisme social contre darwinisme réformiste
p. 131-150
Texte intégral
1« Après Darwin, presque tout intellectuel était un évolutionniste… »1 : Cette phrase résume parfaitement l’ambiance intellectuelle Outre-Atlantique à la fin du XIXe et à l’aube du XXe siècle.
2Par darwinisme ou évolutionnisme, il faut entendre la théorie scientifique de la sélection naturelle relative à l’évolution des espèces qui a été développée par Charles Darwin et qui repose, pour l’essentiel, sur trois éléments : rareté, variation et hérédité2. En sciences sociales et humaines, le droit y inclus, comme le sera expliqué par la suite, le darwinisme social constitue le penchant conservateur du darwinisme, alors que le darwinisme réformiste le penchant progressiste.
3Il est vrai qu’il existait des théories évolutionnistes du droit longtemps avant la naissance de la théorie darwinienne en 1858 – en 1859 parut l’ouvrage monumental L’origine des espèces – et, du moins, avant sa consolidation dans les décennies qui ont suivi3. Pour n’en citer que quelques-unes, il suffirait de se référer à la théorie de Sir Henry Sumner Maine ou à celle de Friedrich Carl von Savigny. Pourtant, la spécificité de la théorie darwinienne consistait en sa simplicité qui la rendait aisément transposable dans d’autres domaines de la connaissance humaine. Et cela fut notamment le cas aux États-Unis où la théorie darwinienne connut un succès immense, dès la fin du XIXe et jusqu’au début du XXe siècle, imprégnant toutes les autres disciplines, qui se trouvaient, malgré tout, dans un état embryonnaire à l’époque.
4De cette brève description historique l’on peut s’apercevoir que la théorie darwinienne, à savoir une théorie biologique, a pu se transposer, sans difficulté considérable, dans les sciences humaines et sociales et notamment dans le droit. La question qui aurait pu se poser d’emblée serait de savoir s’il s’agit d’une « transplantation » réussite, voire véritable, qui ne déforme pas, en d’autres mots, la théorie scientifique originale. Pourtant, cela ne sera pas notre point central de préoccupation. En effet, la théorie de Darwin a été choisie par des sociologues et surtout des juristes américains parce que, exactement, elle était une théorie scientifique en germe qui se prêtait, en conséquence, à des interprétations diverses ; l’on pourrait même prétendre qu’elle était vérifiable, au moment de son adoption, plutôt dans le domaine des sciences humaines que dans celui des sciences dures. La question principale qui sera donc effectivement posée est par quels moyens et quelles chaînes intellectuelles une théorie biologique a pu s’adapter si aisément au droit, pour influer à un tel point sur la jurisprudence constitutionnelle des États-Unis et la philosophie judiciaire de certains des membres de la Cour suprême les plus éminents.
5Pour répondre à cette question, il faudra, dans un premier temps, situer le débat entre darwinistes sociaux et darwinistes réformistes dans le contexte américain et voir ainsi pour quelle raison la jurisprudence de la Cour suprême y a trouvé un fort appui. Dans un second temps, il s’agira de percer la philosophie judiciaire de deux grands juges du début du XXe siècle, à savoir Oliver Wendell Holmes Jr. et Louis Dembitz Brandeis, afin de comprendre de quelle façon l’empreinte darwinienne marque leurs philosophies judiciaires respectives et contribue à expliquer leurs divergences. L’hypothèse que nous tenterons de vérifier sera que le clivage entre darwinisme social et réformiste constitue un point de référence, une sorte de langage commun dans laquelle baignent et sont traduits toutes les controverses idéologiques majeures préoccupant la pensée juridique et surtout constitutionnelle américaine de l’époque. Dans ce contexte, une analyse centrée sur ce clivage serait non seulement la clé pour comprendre l’évolution de la jurisprudence constitutionnelle de la Cour suprême mais aussi pour approfondir la philosophie judiciaire de deux juges qui ont réussi à forger, par le truchement de leurs opinions, le droit constitutionnel américain.
I – Le clivage entre darwinisme social et darwinisme réformiste, clé de compréhension de l’évolution de la jurisprudence de la Cour suprême
6Tout d’abord, il convient d’examiner les idées des représentants les plus éminents de deux courants du darwinisme qui inspirent la jurisprudence de la Cour suprême. En premier, sera analysé le darwinisme social et la doctrine correspondante du laisser-faire constitutionnel ; par la suite, sera évoquée la révolution constitutionnelle du New Deal et la formation de la doctrine de la constitution vivante en tant que triomphe intellectuel du darwinisme réformiste.
A – Le darwinisme social, matrice du laisser-faire constitutionnel
7La réception des idées darwiniennes par le canal du sociologue anglais Herbert Spencer, qui s’est efforcé de transposer la théorie de l’évolution dans le domaine des sciences sociales, a été considérable aux États-Unis, pendant les trois dernières décennies du XIXe et au début du XXe siècle. Globalement, le paradigme darwinien s’est vite répandu et s’est substitué au modèle newtonien, pour ce qui concernait la conception de la nature et de la société. Cela a eu pour effet que, à partir des trois décennies qui ont suivi la Guerre civile, la théorie de Spencer a influencé largement, et quasiment surplombé, tous les domaines de la pensée américaine, dont notamment la philosophie et la sociologie4.
8Ce succès était fondamentalement dû aux efforts des penseurs conservateurs, qui les premiers se sont appropriés le darwinisme et y ont eu recours afin de défendre l’idéologie du laisser-faire5. William Graham Sumner, un des fondateurs de la science sociologique américaine, a été le darwiniste social le plus vigoureux et influent aux États-Unis. C’est ce professeur de Yale qui a su le mieux synthétiser trois grandes traditions occidentales, à savoir l’éthique protestante du calvinisme, les doctrines économiques classiques de Ricardo et de Malthus et finalement la sélection naturelle darwinienne, en une pensée uniforme, qui reposait sur le pessimisme philosophique, le déterminisme économique et le scientisme respectivement6. S’inspirant de la vision spencérienne, Sumner a fondé sa critique de tout projet de réforme sociale sur un déterminisme embrassant le rejet, d’une part, du volontarisme et, de l’autre, de la foi en le progrès7.
9En effet, le darwinisme spencérien a fourni deux points d’appui aux théories conservatrices. D’une part, l’adoption des leitmotivs darwiniens, tels que notamment la « lutte pour l’existence » et la « survie du plus apte », et leur application au domaine économique, ont contribué à ériger l’idée d’une lutte compétitive en loi naturelle et lui ont prêté un fondement scientifique. D’autre part, l’idée d’un développement lent et non précipité servait à la théorie politique conservatrice comme une justification de tout refus de réforme sociale8. De telle manière, la théorie spencérienne offrait au conservatisme économique la légitimité et l’autorité scientifique, voire biologique, requise. Sommairement, son immense succès dérivait du fait qu’elle parvenait à justifier de manière convaincante et solide l’écart entre l’égalité politique et les inégalités économiques9.
10D’où le darwinisme social s’est confirmé comme la philosophie sous-tendant le développement, au sein de la jurisprudence de la Cour suprême de la fin du XIXe siècle, de la doctrine de substantive due process10, ainsi que de celle de la liberté contractuelle (liberty of contracts). Il ne s’agit pas d’une coïncidence, par ailleurs, que le concept de liberté contractuelle entendu comme un droit naturel fondamental, a été développé pour la première fois, comme le remarque Roscoe Pound, par Herbert Spencer, dans son œuvre Justice, publiée en 189111.
11La première tentative de substantialisation de la clause de due process of law du XIVe amendement12, qui a marqué le surgissement de la doctrine constitutionnelle du laisser-faire, a été opérée par l’opinion dissidente du juge Field dans l’affaire Slaughterhouse (1873)13 et, par la suite, par l’arrêt Allgeyer c. Louisiane (1897)14, premier arrêt à invalider une loi d’un État fédéré pour violation du droit à la propriété15. Surtout dans la période entre les présidences d’Ulysses Grant et de Théodore Roosevelt (1877-1909), la doctrine du laisser-faire a été inscrite dans la Constitution en tant que principe sous-jacent et s’est érigée en doctrine constitutionnelle dominante. Sur un plan plus concret, la conception conservatrice de la liberté entendue comme obligation de non immixtion du pouvoir étatique dans l’activité économique se trouvait à l’origine de l’hostilité déclarée de la majorité des membres de la Cour suprême envers la réglementation des heures du travail par les États fédérés et, en général, envers toute forme de législation sociale16.
12C’est précisément cette tendance de la part des juges d’inscrire leurs propres convictions économiques dans la Constitution que le juge Holmes dénonce ouvertement dans l’affaire Lochner, portant sur une loi de l’État de New York qui réglementait les heures de travail dans les boulangeries. Rappelons que, dans son opinion dissidente devenue classique, il a affirmé, avec un ton emphatique, que « le Quatorzième amendement ne donne pas force de loi à la théorie des équilibres sociaux de M. Herbert Spencer »17.
13Néanmoins, une vague de réaction rigoureuse n’a pas tardé à se former contre ces idées. Aussitôt, l’essentiel de l’activité intellectuelle des esprits progressistes visait la remise en question et, enfin, le dépassement des doctrines spencériennes. De la même manière, l’énergie de certains des juristes américains les plus influents du XXe siècle s’est consommée sur le projet de suggérer une approche alternative de l’État et de la Constitution.
B – Le darwinisme réformiste, fondement intellectuel du New Deal et de la notion de constitution vivante
14Le sociologue Lester Ward a été le pionnier dans l’effort de réfuter les thèses du darwinisme social18. La principale innovation de Ward consistait en la séparation proposée entre la société humaine et le monde biologique. Postulant son « artificialisme » et adoptant un dualisme méthodologique, qui distinguait les principes sociaux des analogies biologiques, Ward a attaqué les suppositions unitaires du darwinisme social et du laisser-faire individualiste. Tandis que le principe gouvernant le monde biologique serait celui de la sélection naturelle, à savoir celui de la survie du plus fort et de la destruction des plus faibles, Ward s’est efforcé de démontrer que le principe gouvernant le monde social était celui de la sélection artificielle, à savoir de la protection des faibles19. De plus, il a refusé d’appliquer au domaine social-historique la théorie de la sélection naturelle, une théorie bien entendu essentiellement économique, centrée sur le concept de « rareté des ressources » (« scarcity of ressources ») d’origine d’ailleurs malthusienne20. De telle manière, il a éliminé l’inévitabilité de la lutte compétitive entre les classes pour la possession des biens produits. Pour conclure, par l’inversement de la sélection naturelle et la reconnaissance de la particularité de la société humaine, le déterminisme passif de l’évolutionnisme a commencé à céder graduellement sa place à une théorie sociale ouverte à la réforme21.
15A son tour, le pragmatisme a repris, sur un niveau philosophique plus sophistiqué et élevé, la critique déclenchée par Ward contre la sociologie biologique22. Tout en conservant la conception organique de la société, ce courant spécifiquement américain valorisait davantage une approche dynamique de la relation de la société humaine avec son milieu entourant. En d’autres termes, les pragmatistes ont soutenu l’idée selon laquelle l’évolution de la société s’effectuait par le biais d’une adaptation constante de l’activité humaine à son milieu et que donc la manipulation de celui-ci était toujours possible. Les pragmatistes ont donné ainsi une direction radicalement différenciée aux idées darwiniennes, substituant au déterminisme et au fatalisme spencériens la foi en le contrôle exercé par l’homme sur son destin23. Schématiquement, comme le remarque l’historien Hofstadter, « le spencérisme avait été la philosophie de l’inévitabilité ; le pragmatisme était la philosophie de la possibilité »24.
16La pensée de John Dewey est, selon Hofstadter, illustrative de cette conception progressiste du darwinisme. Prêchant, à l’instar de William James, l’efficacité de l’intelligence en tant que moyen de modification du monde, Dewey a transposé davantage sa vision instrumentaliste dans le domaine social25. Pour lui, la notion de « sélection » ne faisait pas allusion à une bataille impitoyable, au sein de la société, laissant partout des victimes et des triomphateurs. Au contraire, selon la vision du philosophe, l’évolution sociale et l’éthique pouvaient être conciliées ; car le sens véritable de la « sélection » n’était saisi que lorsqu’on la concevait dans sa dimension collective, notamment comme un effort global de l’humanité ou des sociétés particulières de s’adapter, de manière efficace, au passé, au présent et au futur, par le moyen de leur intelligence. Selon lui, l’existence contenait toujours un certain potentiel de bien et de mal et il dépendait, dès lors, des hommes d’en déterminer l’usage26.
17Le groupe des réformateurs l’a finalement emporté sur le plan des idées. En définitive, il ne s’agissait plus d’une hérésie de soutenir que les hommes sont conscients de leur évolution et que seul le genre humain, parmi tous les organismes vivants, est capable d’engendrer des changements permanents et substantiels au milieu environnant27. La légitimation politique du darwinisme réformiste a été achevée par le New Deal28. Grâce aux efforts obstinés des juristes et juges réformistes, dont notamment Louis Brandeis, Roscoe Pound, Thomas Reed Powell, Felix Frankfurter, Thurman Arnold et Edward Corwin, la Constitution a été émancipée, lors de la révolution constitutionnelle effectuée pendant le New Deal, du joug du dogme de la liberté contractuelle. Les législateurs fédérés jouissaient d’ores et déjà d’un pouvoir large de passer des mesures en vue du bien-être général, puisque, en matière socio-économique, les juges s’autolimitaient en exerçant désormais un contrôle minimum de la constitutionnalité des lois.
18L’arrêt qui, à cause de sa grande importance symbolique, marque l’abandon définitif de l’ère Lochner et de l’ancienne jurisprudence inspirée du darwinisme social est l’arrêt Parrish29. Cet arrêt a conduit au revirement, en raison des « conditions économiques qui sont survenues »30, d’une jurisprudence établie, qui jugeait inconstitutionnelles des lois fixant des salaires minima. En ce sens, le revirement effectué par Parrish signifie le dépassement de ladite ère Lochner et consolide la nouvelle orientation interventionniste du gouvernement fédéral américain en matière socio-économique.
19Dans ce contexte, ce qui différencie concrètement le New Deal des mouvements prédécesseurs est la transformation radicale du rôle de l’État. Plus précisément, selon la nouvelle approche, l’État ne se bornait plus à accomplir une fonction négative et préventive, mais devrait assumer davantage un rôle positif en vue de la réalisation du bien-être général31. Cela est largement dû à l’introduction du darwinisme réformiste dans la pensée américaine et sa victoire finale contre le darwinisme social alors dominant. Étant donné que l’on ne croyait plus, à l’instar de la génération des Fondateurs, à l’existence de principes fixes ou intangibles gouvernant le régime américain, il était dès lors évident que l’État et ses parties composantes n’existaient que dans l’Histoire. Or, cette conception organiciste et historiciste de l’État était, dorénavant, libérée des limitations provenant de la théorie du laisser-faire. Elle impliquait donc ouvertement une croissance sans cesse conditionnée uniquement par le progrès démocratique et l’expérimentalisme législatif32.
20Sur la base de cette lutte, émerge, par ailleurs, la notion de constitution vivante dont le caractère militant et polémique se laisse ouvertement voir. En effet, la naissance et le développement de cette notion cardinale de la doctrine constitutionnelle américaine correspondent à la campagne réformatrice menée de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle33.
21Si l’on veut tracer la généalogie et les traits idéologiques du concept, on constate déjà, en ce début du XXe siècle, une jonction entre l’idée de constitution vivante et le mouvement progressiste. Sur le plan philosophique, le progressivism entendu comme un mouvement intellectuel, mobilisait comme sources l’évolution, l’expérimentation, le pragmatisme et la raison instrumentale en tant que clés pour la compréhension et la conduite des processus du développement social34. De même, sur le plan politique et constitutionnel, le progressivism a été amené, par le biais du darwinisme réformiste, à une nouvelle compréhension de la nature du constitutionnalisme américain.
22Concrètement, la théorie politique progressiste a associé, dans le sillage de l’évolutionnisme darwinien, l’idée de la constitution vivante à l’idée du progrès social. Selon Wilson, la vie politique est un processus adaptif, par lequel le peuple redéfinit continuellement ses intérêts collectifs afin de mieux garantir les conditions de sa liberté35. Or, d’après la vision des théoriciens progressistes36, l’idée de la constitution vivante, plus d’offrir une nouvelle théorie d’interprétation constitutionnelle, était un vecteur de la réforme sociale37. Inspirés par la maxime célèbre de Holmes soutenant que « la vie du droit ne relève pas de la logique mais de l’expérience »38, les progressistes plaidaient pour une constitution organique, dont les principes ne pouvaient être déduits exclusivement du texte, mais étaient davantage soumis au changement produit par la coutume et les expériences vécues en commun39.
23Plusieurs juristes progressistes soutenaient en effet à l’époque que la Constitution était mal adaptée pour faire face aux besoins d’une société industrielle, qui s’était substituée à la société agricole et rurale de l’ère des Fondateurs. Les critiques adressées à la Cour Lochner opposaient l’économie et la société en 1789 – toutes deux étant localisées et décentralisées - avec la société et surtout l’économie des années 1890 et 1900, beaucoup plus centralisée, impersonnelle et interdépendante. La Constitution était simplement incapable de fournir des solutions aux problèmes d’une société et d’une époque complètement différentes. Dans ce contexte, le thème de la constitution vivante est devenu un des éléments centraux de l’historiographie constitutionnelle progressiste40.
24De 1880 à 1930, les axiomes de la pensée constitutionnelle progressiste se sont construits sous l’égide du courant du « constitutionnalisme vivant », dont les apologistes se déclaraient ouvertement pour une interprétation évolutive de la Constitution41. D’ailleurs, sur cette idée s’est fondé le bloc progressiste qui plaidait pour la constitutionnalité du New Deal42. Pour tous ces juristes, l’évolution du droit constitutionnel était considérée, dans le cadre de la métaphore organique, comme un antidote contre le vieillissement et la mort, et non plus comme un symptôme de dégénérescence43. Par conséquent, cette vision s’opposait fondamentalement à la vision classique de l’ordre constitutionnel conçu, à l’aune de la métaphore mécanique, comme immuable et inaltérable, à l’instar des lois naturelles qu’il était censé incorporer.
25Le professeur Gillman remarque que le système institutionnel alors en place, conforme dans ses grands traits à la vision des constituants, était jugé par les progressistes et les New Dealers insuffisant et incapable de concilier les structures novatrices et les responsabilités de l’État moderne. La preuve irréfutable de cette thèse était le fait qu’aucun d’entre eux n’ait su fonder ses arguments sur une interprétation tentant de découvrir le sens originaire des dispositions du texte. Afin de faciliter le développement politique de la nation, centré sur l’expansion de l’autorité législative fédérale et l’établissement d’un pouvoir exécutif réglementaire, ils ont développé une théorie juridique qui correspondait à leur vision politique. Des juges et des universitaires, inspirés par une vision mêlant le darwinisme, l’historicisme et le pragmatisme, ont défendu l’idée selon laquelle les dispositions constitutionnelles étaient conçues afin de s’adapter au changement des besoins sociaux.
26La théorie novatrice de la constitution vivante est le corollaire de cette nouvelle approche du rôle de l’État et, en vertu de son succès jurisprudentiel, il a été possible de construire le « nouvel État américain » sans révision formelle d’une Constitution datant pourtant du XVIIIe siècle44. Pendant la lutte du New Deal et malgré la résistance violente des juges conservateurs, défendant la tradition de la permanence du sens constitutionnel et des lois naturelles réglant l’activité humaine, la poussée réformatrice de la constitution vivante a triomphé. Le Président Roosevelt lui-même a adhéré à ces idées et à cette rhétorique45 marquant du « sceau présidentiel » aussi bien l’idée d’une constitution vivante que le soubassement philosophique de celle-ci, à savoir le darwinisme réformiste.
II – Le clivage entre darwinisme social et darwinisme réformiste, clé de compréhension de la philosophie judiciaire des juges de la Cour suprême
27Après avoir parcouru la confrontation de deux courants du darwinisme sur le plan sociologique, politico-économique, mais aussi constitutionnel, le thème de la philosophie judiciaire sera abordé. Seront analysées, plus précisément quelques éléments de la philosophie judiciaire de deux juges très influents, à savoir Holmes et Brandeis, afin de montrer que leurs divergences constatées sont attribuables à leur différente conception du darwinisme.
A – Le passage du darwinisme social au darwinisme réformiste en tant que changement du paradigme de la décision judiciaire
28A l’aube du XXe siècle, l’image que les juristes se faisaient du droit et de l’activité judiciaire s’est aussi modifiée pour se tenir au courant avec les nouvelles tendances sociologiques et philosophiques. Dans la conception du droit au cours du XIXe siècle, l’idéal qui prévalait était celui de la « neutralité ». Concrètement, selon l’analyse devenue classique de Roscoe Pound, cette conception avait conduit à un « pessimisme juridique » inéluctable. Se ralliant intégralement à la théorie économique du laisser-faire, la science juridique avait effectivement attribué au droit une fonction majoritairement négative. Sous ce prisme, le droit n’était censé qu’enlever les obstacles contre le libre déploiement de l’activité des individus, au lieu de diriger énergiquement le progrès social46.
29C’est donc au sein de l’ambiance des idées théoriques associées au darwinisme réformiste qu’est née l’école de sociological jurisprudence. Il est à remarquer que son fondateur, Roscoe Pound, avait une formation de botaniste et connaissait bien, par conséquent, la théorie darwinienne47. En effet, Pound, inspiré du pragmatisme et adoptant l’artificialisme de Ward et l’approche du sociologue Alfred Ross, a tenté de formuler les postulats d’une science juridique progressiste48. Ce qui constituait l’accomplissement le plus important de la théorie de Pound était l’idée d’une réforme par le biais de la législation49. Il n’est pas sans valeur de noter en plus que les prémisses de l’école de sociological jurisprudence formaient l’idéologie juridique qui animait le mouvement progressiste et par la suite le New Deal50.
30Cette révolution de la science juridique Outre-Atlantique a été reflétée de façon encore plus visible dans l’adaptation du paradigme de la décision judiciaire aux nouvelles orientations scientifiques. Ayant son commencent dans la critique entamée par Holmes contre le paradigme alors dominant, cette réaction initiale a pris vite la forme d’une avalanche. Le paradigme qui a supplanté l’ancien modèle (langdellien) était celui issu de la pensée de nouveaux théoriciens du droit américains, membres de l’école de la sociological jurisprudence.
31Or, à l’origine de la rupture totale avec l’image classique de l’automate et du juge arbitre, se trouve le surgissement de deux figures légendaires du judiciaire américain, qui sont celles du juge Holmes et du juge Brandeis. A cet égard, la canonisation de ces deux juges prééminents constitue un moment singulier dans l’historiographie judiciaire américaine. Concrètement, les commentateurs de l’époque ne se sont pas confinés à étudier simplement leurs diverses opinions, mais ont essayé de mettre en valeur davantage la vision du droit et la philosophie judiciaire que ces juges partageaient, les regardant comme des hommes d’État, voire des prophètes51.
32Dans une large mesure, les divergences entre les deux juges restent inexplicables ou sont traitées comme des différences d’ordre psychologique entre les deux hommes. Pourtant, elles pourraient être suffisamment expliquées si l’on tenait compte du fait que pour Holmes, le passage du darwinisme social au darwinisme réformiste ayant cours à l’époque reste, en grande partie, inachevé ; alors que pour Brandeis la défense de l’idée de la réforme sociale et la lutte contre les idées propagées par le darwinisme social ont toujours été évidentes.
B – La scission du darwinisme, source des divergences entre les juges Holmes et Brandeis
33La comparaison entre les deux alliés fidèles lors des grandes batailles au sein de la Cour suprême, à savoir Louis Dembitz Brandeis et Oliver Wendell Holmes Jr., a été entreprise de manière extensive par les auteurs américains, qui semblent pour autant ne pas tomber d’accord sur leurs points de divergence – leurs points de convergence étant très connus et ne manquant pas de jaillir lors de la plupart des affaires importantes de l’époque présentées devant la Cour. Selon le point de vue d’Alexander Bickel, ancien greffier (law clerk) de Brandeis, les différences entre celui-ci et Holmes s’avèrent en réalité assez substantielles. Tandis que les deux juges arrivaient, dans la plupart des cas aux mêmes conclusions, le chemin qu’ils suivaient n’était pas du tout le même52.
34En effet, la différence majeure entre les deux grands hommes se traduit, en premier lieu, par une confrontation philosophique entre l’optimisme, incarné par le darwinisme réformiste, et le pessimisme, incarné par le darwinisme social. Holmes apparaît effectivement sur ce point comme une figure contradictoire : alors que ses convictions personnelles ne s’éloignent pas autant du darwinisme social et que, au fond, il demeure un partisan de ce courant de pensée, il dénonce dans Lochner le spencérisme et ses implications politico-économiques, dès que l’on tente de les inscrire dans la Constitution en tant que dogme53. Au contraire, comme le note Melvin Urofsky dans sa récente biographie, Brandeis est, de manière ferme, tout au long de sa vie, aussi bien en tant qu’avocat militant que comme juge, un ennemi acharné du darwinisme social54 et se classe, par contrecoup, dans le camp de darwinistes réformistes.
35D’un côté, évoquant l’évolutionnisme darwinien et spencérien, Holmes constate que l’activité sociale prend la forme d’une bataille. Subissant une mutation permanente, la société est régie par la loi de la survie du plus fort55, tandis que chacun disposant du pouvoir s’efforce de promouvoir ses intérêts au détriment des autres56. Par conséquent, ce manque de solidarité et l’absence de la notion d’intérêt général transforme la vie sociale en un pur rapport de forces où des intérêts divers entrent en conflit. L’intérêt qui va enfin prévaloir, ou, autrement dit, va « survivre » à la suite de la « bataille », mérite d’être transformé en loi. Dans ce cadre, le rôle du juge constitutionnel consiste à arbitrer les différends, voire les intérêts opposés, de façon neutre et impartiale, faisant notamment respecter les règles du jeu.
36En revanche, l’optimisme philosophique et le réformisme darwinien se trouvent à l’origine de l’activité sociale de Brandeis entre 1896 et 1916, année de sa nomination par le Président Wilson à la Cour suprême. Pendant cette période, il n’a pas hésité à lutter contre des intérêts puissants et participer activement en tant qu’avocat à la défense des revendications sociales. D’où vient sa fameuse plaidoirie (Brandeis brief) dans l’affaire Muller c. Oregon57, portant sur la détermination d’un horaire maximum de travail pour les femmes58. Brandeis adopte également une attitude active une fois devenu membre de la Cour suprême. Alors que le pessimisme à l’égard de la capacité du pouvoir étatique d’agir au profit des citoyens, au moyen d’une intervention régulatrice, caractérise l’approche holmésienne, l’optimisme et la foi en l’intervention étatique dans la vie sociale, sans que le pouvoir devienne totalitaire ou autoritaire, inspire l’approche brandésienne59. Illustrative de ce point est une maxime de Bacon que Brandeis aimait évoquer : « Dans ce théâtre de la vie humaine, il ne convient qu’à Dieu et aux anges d’être spectateurs. »60.
37En l’occurrence, pour comprendre la différente approche de la tâche judiciaire chez les deux juges, il serait intéressant de comparer les phrases que chacun aimait utiliser pour décrire celle-ci. Holmes rapporte à son ami intellectuel intime Harold Laski, que Brandeis disait à ce propos : « Je reformule le droit tous les jours. C’est mon travail »61. A quoi Holmes réplique indirectement à son tour, avec un ton étonnamment cynique : « Si mes concitoyens veulent aller à l’enfer, je les aiderai. C’est mon travail »62.
38Leurs philosophies judiciaires prennent une voie subtilement différente à l’égard de la théorie d’autolimitation judicaire (judicial self-restraint) qu’ils ont développée et soutenue tout au long de leur carrière, par le truchement de leurs opinions. Quoique tous les deux aient été des grands partisans du droit à l’expérimentation législative et se penchaient pour une attitude judiciaire de modestie, leurs idées ne dérivaient pas des mêmes justifications. De son côté, le juge Holmes affirmait, certes, le droit à l’expérimentation mais cela en tant que corollaire de son attitude sceptique et de sa conviction que le juge ne devrait pas s’immiscer au déroulement de la bataille sociale entre les divers intérêts. C’est pour cette raison qu’il se contentait de démontrer qu’une loi n’était pas clairement inconstitutionnelle, voire qu’elle était « raisonnable ». Cela signifiait pour lui qu’une telle loi ne violait pas les principes constitutionnels fondamentaux ou traditionnels, voire les règles du jeu social. A l’inverse, une loi clairement injuste, inopportune ou économiquement inefficace demeurait pourtant toujours une loi qui l’avait emporté sur le plan social et politique ; elle devrait donc être jugée constitutionnelle. Ce n’est que par l’application de ce principe de « non-ingérence » que le juge garantissait effectivement l’évolution sociale.
39De l’autre côté, le juge Brandeis mettait en valeur l’importance propre de l’expérimentation, ce qui l’amenait à prouver la nécessité et la constitutionnalité d’une mesure législative63. Pour lui, avant de se prononcer sur le caractère raisonnable d’une telle mesure, un juge devait procéder à un examen minutieux des faits. C’est dans ce contexte que son opinion dissidente dans New State Ice Co.64, qui lui a accordé une postérité triomphale, offrait une défense solide de l’expérimentation législative au niveau fédéré entendue comme le moyen approprié afin de constater quelle était la solution la « plus apte à survivre » au niveau fédéral. En bref, le concept d’expérimentation combinait deux éléments indissolubles de la philosophie judiciaire de Brandeis, issus du pragmatisme et du darwinisme réformiste : d’une part, la valorisation de la recherche empirique, et, de l’autre, la foi en le pouvoir des hommes de contrôler leur destin, au lieu de le subir passivement65.
40Par ailleurs, une différenciation semblable est identifiable à propos de leur conception respective de la liberté d’expression. Pour Holmes, le vrai pilier de la Constitution est la liberté d’expression, étant donné qu’elle permet le libre échange des opinions au sein de la société et contribue ainsi à l’évolution des idées. Elle constitue la force motrice du progrès social gérant le processus de succession des nouvelles idées à celles qui étaient auparavant dominantes. De plus, elle rend possible l’ajustement du droit aux forces sociales actuelles, puisqu’elle empêche le rattachement aux convictions obsolètes et dépassées. Dans son opinion dissidente lors de l’affaire Abrams, il déclare que « le meilleur test de la vérité est la capacité de la pensée de se faire accepter dans le cadre de la concurrence du marché »66. De là surgit la célèbre métaphore du « libre marché des idées », si chère encore toujours à la jurisprudence constitutionnelle américaine.
41Brandeis, de son côté, construit une doctrine de la liberté d’expression dépassant le modèle individualiste de Holmes. Celle-ci est le mieux reflétée dans son opinion concurrente à propos de l’affaire Whitney67. Là il propose un modèle délibératif qui regarde la liberté d’expression plutôt comme une obligation politique que comme un privilège individuel. Dans ce cadre, celle-ci devient partie intrinsèque d’une théorie républicaine visant le bien-être social et l’intégration de l’individu dans la société. La liberté d’expression ne referme pas, selon lui, l’individu dans des « zones distinctes de combat »68, mais constitue un projet collectif qui offre, par la confrontation des diverses opinions, « l’opportunité d’exposer, à travers la discussion, les affirmations erronées et fallacieuses »69. Schématiquement, là où Holmes voit encore la loi impersonnelle de la sélection naturelle en œuvre, Brandeis y oppose la puissance de l’action collective.
42Pour récapituler, il est alors évident que le darwinisme a profondément marqué la pensée américaine. Pourtant, l’acceptation de la théorie évolutionniste darwinienne n’pas produit, à tout instant, les mêmes effets ni n’a donné naissance à une théorie sociale et juridique uniforme. Tout au contraire, on peut évoquer deux penchants du darwinisme aux États-Unis, totalement opposés l’un à l’autre : le darwinisme social et le darwinisme réformiste. Toutes ces deux « interprétations » de la théorie darwinienne ont revendiqué l’orthodoxie scientifique darwinienne et ont largement influencé et « coloré » idéologiquement la jurisprudence constitutionnelle de la Cour suprême américaine. Parallèlement, le clivage entre les deux courants du darwinisme se manifeste aussi chez les philosophies judiciaires de Holmes et de Brandeis montrant à quel point deux figures prépondérantes de la Cour suprême à l’aube du XXe siècle n’échappent pas à et s’alignent sur la démarcation idéologique dominante de l’époque entre darwinisme social et réformiste. En somme, l’évolutionnisme darwinien, notamment une théorie biologique à l’origine, est effectivement devenu la clé de voûte pour appréhender les controverses politico-constitutionnelles qui ont eu lieu à la fin du XIXe et au début du XXe siècle aux États-Unis.
Notes de bas de page
1 Herbert Hovenkamp, «Evolutionary Models in Jurisprudence », Texas Law Review, Vol. 64, 1985, p. 647 : « After Darwin, almost every intellectual was an evolutionist… ».
2 Ibid., p. 651.
3 Ibid, p. 645.
4 Richard Hofstadter, Social Darwinism in American Thought, Beacon Press, Boston, 1992 (1re éd. : University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 1945), p. 33.
5 Ibid., p. 4-5.
6 Ibid., p. 51.
7 Ibid., p. 60-1.
8 Ibid., p. 6-7.
9 Ibid., p. 46-7.
10 Selon cette doctrine, la clause de due process of law contenue dans le XIVe amendement ne doit pas être entendue que dans le sens procédural, car elle posséderait, de plus, un contenu bien matériel. D’après cette interprétation, d’ores et déjà établie, le juge doit exercer un contrôle de fond pour décider si le contenu de la loi en question porte atteinte à la vie, la liberté ou la propriété de l’individu concerné (voir Jack Balkin, Living Originalism, Harvard University Press, Cambrige-London, 2011, p. 245).
11 Roscoe Pound, « Liberty of Contract », Yale Law Journal, Vol. 18, 1908, p. 455-56.
12 « Aucun État ne fera ou n’appliquera de loi qui restreindrait les privilèges ou immunités des citoyens des États-Unis, ni ne privera aucune personne de vie, de liberté ou de propriété sans garantie juridique convenable [without due process of law]… » (traduction de Stéphane Rials et Julien Boudon, Textes constitutionnels étrangers, 13e éd. mise à jour, PUF, coll. « Que sais-je », Paris, 2010, p. 48-9).
13 « La question qui est ici posée est donc des plus graves ; elle n’intéresse pas que les parties, elle intéresse le pays tout entier. Il s’agit rien de moins que de savoir si les récents amendements apportés à la Constitution fédérale protègent les citoyens des États-Unis contre une législation d’État qui les prive de leurs droits communs. Selon moi, le Quatorzième amendement les protège bel et bien et il a été compris tant par le Congrès qui l’a rédigé que par les États qui l’ont adopté pour servir cette fin… » [Slaughterhouse Case, 83 U.S. 36, 89 (1873), traduit par Élisabeth Zoller, Les grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis, Ire édition, Dalloz, coll. « Grands arrêts », Paris, 2010, p. 109].
14 165 U.S. 578 (1897).
15 Herbert Hovenkamp, « Evolutionary Models in Jurisprudence », op. cit., p. 654. Cette thèse a été initialement élaborée par le constitutionnaliste Charles Beard, qui a, le premier, identifié, dans l’opinion dissidente du juge Field lors de l’affaire Slaughterhouse, la consécration de la doctrine du laisser-faire par la Cour Suprême [Morton White, Social Thought in America. The Revolt against Formalism, Oxford University Press, London – Oxford - New York, 1976 (1re éd. : 1949), p. 38].
16 Pour une analyse détaillée de cette jurisprudence voir Felix Frankfurter, « Hours of Labor and Realism » [Harvard Law Review, Vol. 29, 1916, in Philip Kurland (éd.), Felix Frankfurter on the Supreme Court. Extrajudicial Essays on the Court and the Constitution, Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts), 1970, p. 10-11].
17 « The Fourteenth Amendment does not enact Mr. Herbert Spencer’s Social Statics. » [Lochner c. New York, 198 U.S. 45 (1905) (opinion dissidente), traduit par Élisabeth Zoller, Les grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis, op. cit., p. 146-7].
18 Cet effort a été entrepris surtout dans ses livres Dynamic Sociology (D. Appleton & Co., Vol. I et II, New York, 1883) et The Psychic Factors of Civilization (Ginn & Co., Boston, 1893).
19 Richard Hofstadter, Social Darwinism in American Thought, op. cit., p. 79.
20 Herbert Hovenkamp, « Evolutionary Models in Jurisprudence », op. cit., p. 653.
21 Richard Hofstadter, Social Darwinism in American Thought, op. cit., p. 68.
22 Ibid., p. 84.
23 Ibid., p. 123-25.
24 « Spencerism had been the philosophy of inevitability ; pragmatism became the philosophy of possibility. » (ibid., p. 123).
25 Ibid., p. 135-36.
26 Ibid., p. 140.
27 Herbert Hovenkamp, «Evolutionary Models in Jurisprudence », op. cit., p. 671.
28 Ibid., p. 674.
29 West Coast Hotel Co. c. Parrish, 300 U.S. 379 (1937).
30 Ibid, 390.
31 Richard Hofstadter, The Age of Reform. From Bryan to F.D.R., Vintage Books, New York, 1955, p. 306.
32 Bradley Watson, Living Constitution, Dying Faith : Progressivism and the New Science of Jurisprudence, ISI Books, Wilmington, 2009, p. 57-8.
33 Pour une analyse plus approfondie de la trajectoire historique et des implications politico-juridiques de la notion, qu’il nous soit permis de se référer à notre livre La Living Constitution. Les juges de la Cour suprême des États-Unis et la Constitution, préface d’Olivier Beaud, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque de la pensée juridique » n° 4, Paris, 2014, surtout p. 43 et suiv.
34 Bradley Watson, Living Constitution, Dying Faith : Progressivism and the New Science of Jurisprudence, op. cit., p. 15.
35 Woodrow Wilson, Constitutional Government in the United States, Transaction Publishers, New Brunswick, 2002 (éd. originale: Columbia University Press, New York, 1908), p. 2.
36 Parmi eux figurent les noms de Woodrow Wilson, futur président des États-Unis (auteur du livre Constitutional Government in the United States), de Herbert Croly, fondateur de la revue New Republic et conseiller du Président Theodore Roosevelt (auteur du livre The Promise of American Life) et de Frank Goodnow (auteur du livre Social Reform and the Constitution).
37 Eric Claeys, « The Living Commerce Clause : Federalism in Progressive Political Theory and the Commerce Clause after Lopez and Morrison », William and Mary Bill of Rights Journal, Vol. 11, 2002-2003, p. 413-15.
38 « The life of the law has not been logic : it has been experience » [The Common Law, in Sheldon Novick (éd.), The collected works of Justice Holmes, Vol. 3, The University of Chicago Press, Chicago – London, 1995, p. 115].
39 Morton Horwitz, « Transformation of Constitutional Law », in Leonard Levy - Kenneth Karst (éd.), Encyclopedia of the American Constitution, Vol. 6, McMillan Co. (2e éd.), New York, 2000, p. 2712.
40 Morton Horwitz, « The Meaning of the Bork Nomination in American Constitutional History », University of Pittsburgh Law Review, Vol. 50, 1988-1989, p. 658.
41 Herman Belz, « Written Constitutionalism as the American Project », in A Living Constitution or Fundamental Law ? American Constitutionalism in Historical Perspective, Rowman & Littlefield Publishers Inc, Lanham - Boulder - New York – Oxford, 1998, p. 8.
42 Michael Kammen, A Machine That Would Go of Itself. The Constitution in American Culture, Random House Inc., New York, 1986, p. 272-73.
43 Scott Dodson, « A Darwinist View of the Living Constitution », Vanderbilt Law Review, Vol. 61, 2008, p. 1326.
44 Howard Gillman, « The Collapse of Constitutional Originalism and the Rise of the Notion of the « Living Constitution » in the Course of American State-Building », Studies in American Political Development, Vol. 11, 1997, p. 193, 196.
45 Howard Gillman, « Living Constitution », in Leonard Levy - Kenneth Karst (éd.), Encyclopedia of the American Constitution, Vol. 4, op. cit., p. 1634.
46 Roscoe Pound, «The End of Law as developed in Juristic Thought. The Nineteenth Century », Harvard Law Review, Vol. 30, 1916, p. 203.
47 David Wigdor, Roscoe Pound: Philosopher of Law, Greenwood Press, Westport - Connecticut, 1974, p. 55-62, cité par Herbert Hovenkamp, «Evolutionary Models in Jurisprudence », op. cit., p. 650.
48 Pour les postulats fondamentaux de l’école, voir les deux articles de Roscoe Pound, «The Need of a Sociological Jurisprudence », Green Bag, Vol. 19, 1907, p. 607-15 et «The Scope and Purpose of Sociological Jurisprudence », Harvard Law Review, Vol. 24, 1911, p. 489-516. Pour une analyse détaillée de cette école, voir Françoise Michaut, La recherche d’un nouveau paradigme de la décision judiciaire à travers un siècle de doctrine américaine, L’Harmattan, Paris, 2001.
49 Herbert Hovenkamp, «Evolutionary Models in Jurisprudence », op. cit., p. 678-80.
50 Edward G. White, «From Sociological Jurisprudence to Realism : Jurisprudence and Social Change in early-twentieth Century America », Virginia Law Review, Vol. 58, 1972, p. 999.
51 Edward G. White, «The Canonization of Holmes and Brandeis Epistemology and Judicial Reputations », New York University Law Review, Vol. 70, 1995, p. 577.
52 Alexander Bickel (éd.), The Unpublished Opinions of Mr. Justice Brandeis, Harvard University Press, Cambridge - Massachusetts, 1957, p. 222-23.
53 Herbert Hovenkamp, « Evolutionary Models in Jurisprudence », op. cit., p. 660.
54 Melvin Urofksy, Louis D. Brandeis : A life, Pantheon Books, New York, 2009, p. 320 et 432.
55 Comme le note Patrick Tort, selon la philosophie évolutionniste de Spencer qui a transposé la théorie de Darwin sur le champ social : « [L]a société est un organisme et évolue comme un organisme. L’adaptation […] est la règle de survie au sein d’une concurrence interindividuelle généralisée : les moins adaptés doivent être éliminés sans recours et sans égards » (Patrick Tort, Darwin et Darwinisme, 4e édition, PUF, coll. « Que sais-je », Paris, 2011, p. 70). Cependant, cela relève d’un libéralisme extrême que Holmes n’a pas voulu adopter entièrement.
56 « Summary of events: Great Britain », American Law Review, Vol. 7, 1873, p. 852 in Sheldon Novick (éd.), The collected works of Justice Holmes, Vol. 1, The University of Chicago Press, Chicago – London, 1995, p. 325.
57 208 U.S. 412 (1908).
58 Sur cette plaidoirie voir Melvin Urofksy, Louis D. Brandeis : A life, op. cit., p. 212 et s.
59 Pnina Lahav, «Holmes and Brandeis: Libertarian and Republican Justifications of Free Speech », Journal of Law and Politics, Vol. 4, 1987-1988, p. 469, 471.
60 « In the theater of human life, it is only for God and angels to be spectators. »
61 « I am restating the law everyday. It’s my job. » [cité par Holmes dans sa lettre à Laski, le 1 mars 1923, in Mark De Wolfe Howe (éd.), Holmes – Laski Letters. The correspondence of Mr. Justice Holmes and Harold J. Laski 1916-1935, Vol. 1, Harvard University Press, Cambridge – Massachusetts, 1952, p. 486].
62 « If my fellow citizens want to go to Hell I will help them. It’s my job. » (Lettre de Holmes à Laski, le 4 mars 1920, in ibid., p. 249).
63 Samuel J. Konefsky, The Legacy of Holmes and Brandeis. A study in the Influence of Ideas, Da Capo Press (d’après la 1re éd. : Mcmillan Publishing Co., 1956), New York, 1974, p. 141.
64 New State Ice Co. c. Liebmann, 285 U.S. 262 (1932).
65 Edward G. White, « The Canonization of Holmes and Brandeis: Epistemology and Judicial Reputations », op. cit., p. 603.
66 « The best test of truth is the power of the thought to get itself accepted in the competition of the market » [Abrams c. United States, 250 U.S. 616, 630 (1919)].
67 Whitney c. California, 274 U.S. 357 (1927).
68 Pnina Lahav, «Holmes and Brandeis: Libertarian and Republican Justifications of Free Speech », op. cit., p. 460-61.
69 Whitney c. California, 274 U.S. 357, 377 (1927).
Auteur
Docteur en droit, Université Paris II
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations…
Dix ans après
Sébastien Saunier (dir.)
2011