Un aperçu des politiques de l’Union Européenne en matières de culture et de création
p. 97-108
Texte intégral
Les opinions exprimées dans ce texte sont celles de l'auteur et n'engagent pas la Commission européenne
INTRODUCTION
1L’Union européenne (l’Union) ne peut agir, d’une façon ou d’une autre, que dans les domaines pour lesquels les États membres ont partagé démocratiquement tout ou une partie de leur souveraineté. C’est la règle d’airain qui préside à la construction européenne… Il ne saurait y avoir d’autre alternative sinon à renoncer à une construction européenne démocratique à laquelle nous sommes tous attachés, sinon par le cœur du moins par la raison. Le choix fondamental qui a été fait dans les années d’après-guerre par les six pays fondateurs est sans ambiguïté le choix de la démocratie. Cela était vrai six ans après la fin de la guerre quand la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) fut créée, ça l’est tout autant de nos jours. La démocratie représentative est partout la règle en Europe et la construction européenne reflète très largement à l’échelle du continent le système représentatif. La volonté de certains de revenir sur cet acquis qui est devenu au fil du temps le patrimoine de chaque européen ne remet pas en cause le caractère démocratique des décisions et choix passés et actuels. La complexité du processus décisionnel est d’ailleurs un des témoignages du caractère éminemment démocratique de la construction européenne. Il est à la mesure du défi que représente la recherche permanente du consensus, du compromis ou du point d’équilibre au sein d’un ensemble de 28 pays.
2Les arts, ou la culture au sens large, ne faisait pas partie des domaines de compétence que les États membres fondateurs désiraient partager. En tout cas, ce n’était pas l’intention des pères fondateurs. On prête à Jean Monnet un regret qu’il aurait exprimé ainsi « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture ». Fameuse phrase apocryphe d’un des pères de l’Europe. À la lumière de son parcours de vie et de ses intérêts connus, on peut en effet douter qu’il ait prononcé de tels propos. Pourtant, il est vrai que l’Europe de la culture, si elle n’existe pas à proprement parler de façon harmonisée au niveau européen et si l’action qui a pu être menée sur base des compétences qui ont été acquises par la suite par l'Union peut paraître modeste, permet quand-même d’intensifier et de faire perdurer les échanges culturels entre les européens. Ces échanges culturels entre européens existaient avant 1957 ou 1992 et il serait présomptueux de faire croire le contraire car ce serait nier l’intensité des échanges en Europe à travers les siècles. Il fut un temps des monarchies absolues où les élites culturelles européennes échangeaient intensément. Nos pays en gardent les traces indélébiles.
3La généralisation des régimes démocratiques en Europe fait de la démocratisation de la culturelle un défi permanent. Or, la construction européenne n’a pas été en mesure jusqu’à nos jours de créer un espace public proprement européen, autonome et additionnel aux espaces nationaux. Un espace public, une culture commune, ne se proclament pas, ne se décrètent pas. Ils sont le fruit d’une histoire commune, de traditions, de médias communs et d’une congruence entre un peuple conscient de son autonomie et une identité culturelle. Nous en sommes loin au niveau européen malgré quelques rares signes de l’existence d’un sentiment d’appartenance et de l’idée d’une communauté de destin. L’absence d’un espace public culturel purement européen n’interdit pas en revanche qu’une ouverture des européens aux cultures européennes autres que la leur existe déjà.
4C’est avec le Traité de Maastricht en 1992 que la culture rejoint le champ des compétences de l’Union. Or, la culture relève du domaine de compétences complémentaires de l’Union, qui s’inscrivent en appui des politiques nationales et excluent toute harmonisation des dispositions législatives et règlementaires des états membres, conformément à l’actuel article 6 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). La politique culturelle est ainsi encadrée au niveau européen. Il est dès lors très difficile pour les institutions européennes d'œuvrer pour plus d'identité culturelle européenne. Au mieux il s'agira de venir en appui des programmes nationaux, régionaux et locaux.
I – Les fondements de la politique européenne de la culture
5Si les États membres conservent l’essentiel de l’exercice de la souveraineté sur la politique culturelle de leur nation respective, il convient de rappeler que les bases juridiques existent qui autorisent l’Union à intervenir en matière de culture ou d’arts. En premier lieu, dans son article 3 paragraphe 3, le Traité sur l’Union européenne confirme l’objectif culturel de la construction européenne, en élevant la diversité culturelle et linguistique au rang des principes de l’Union. En outre, la sauvegarde et le développement du patrimoine culturel figurent aussi explicitement parmi les objectifs de l’Union1. En deuxième lieu, en vertu de l’article 167 du TFUE, l’Union doit tenir compte de la diversité culturelle dans ses actions et contribuer à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence le patrimoine culturel commun. C’est-à-dire, outre que cet article constitue la base juridique de la mise en œuvre de politiques spécifiques financés sur fonds européens, il oblige la Commission à tenir compte de la culture dans chacune de ses propositions législatives. Le paragraphe 4 de l’article 167 crée en effet l’obligation pour l'Union de tenir compte des aspects culturels, y inclus la diversité culturelle, dans son action au titre d'autres dispositions des traités. Cette disposition est fondamentale car elle place la question culturelle, comme par ailleurs la protection des droits fondamentaux, sinon au cœur de l’action de l’Union du moins comme une quasi condition d’ordre général.
6C’est dans ce cadre institutionnel que sont élaborées les politiques en matière culturelle et que sont mis en place les instruments de la coopération. C’est principalement par le Plan de travail en faveur de la culture décidé au sein du Conseil que sont élaborées les priorités de la politique culturelle de l'Union. Le Plan pour la période 2015-2018 a été adopté en novembre 2014 par le Conseil2 et compte 4 priorités : (i) le caractère accessible et inclusif de la culture, (ii) le patrimoine culturel, (iii) les secteurs de la culture et de la création: économie et innovation et enfin (iv) la promotion de la diversité culturelle, la culture dans les relations extérieures de l'UE et la mobilité. Cette liste de priorités est assortie de 20 actions concrètes.
7Il s’agit d’un cadre coopératif, impliquant États membres et sociétés civiles, qui doit encourager les échanges de bonnes pratiques. En terme de relation avec les États membres, la méthode ouverte de coordination (Open Method of Coordination (OMC)) tient lieu de cadre général afin d’encourager ces échanges entre eux en vue d'améliorer l'action politique et de structurer la coopération autour de priorités préalablement identifiées d’un commun accord. Cette méthode ouverte de coordination peut être décrite comme une forme de « droit souple ». Il s'agit d'une forme d'élaboration de politiques intergouvernementales qui ne débouche pas sur des mesures législatives contraignantes européennes et qui n'exige pas que les pays de l'Union introduisent de nouvelles lois ou modifient leurs lois. La participation des États membres est volontaire et ils doivent dans ce cas remettre des rapports d’activités à la Commission. Cette coopération n’est soumise à aucun seuil d'évaluation ni d'indicateur.
8Par ailleurs, la Commission entretient un dialogue régulier avec la société civile à travers un Dialogue Structuré.
9L’objectif est de renforcer les capacités d’intervention du secteur de la culture lors des débats publics au niveau européen tout en encourageant ce secteur à développer en son sein des méthodes de travail plus collaboratives3.
II – La culture pour favoriser la croissance et l'emploi
10En dépit d’un contexte économique et financier difficile pour l’Europe, la capacité de résistance à la crise des secteurs européens de la culture et de la création est surprenante. De nombreuses raisons peuvent expliquer un tel résultat qui pourrait sembler contre intuitif. Deux d’entre elles nous paraissent toutefois émerger. D’une part il peut s’agir pour une part de la conséquence paradoxale et inattendue de la contraction du pouvoir d’achat qui oblige les ménages à procéder à des arbitrages redistribuant les dépenses dédiée à l’acquisition de biens ou services culturels au même niveau que celui d’avant la crise ou même en les augmentant. D’autre part, la crise politique ou morale qui parfois accompagne la crise économique dans certains États membres provoque un engouement supplémentaire pour la consommation de biens culturels perçue comme une valeur refuge dans un monde instable.
11Les secteurs européens de la culture et de la création représentent chaque année 4,2 % du PIB de l’Union4 et une part non négligeable de sa main-d'œuvre. Les secteurs de la culture et de la création emploient 2,5 fois plus de personnes dans l'Union que les fabricants automobiles et cinq fois plus que l'industrie chimique5. Le chiffre d’affaire global est difficile à consolider au niveau de l’Union mais les estimations les plus pessimistes annoncent, si l’on considère les secteurs culturels et créatifs dans les termes de l'acquis communautaire (c’est-à-dire tous les secteurs dont les activités sont fondées sur des valeurs culturelles et/ou sur des expressions artistiques et autres expressions créatrices, qu'elles soient à visée commerciale ou non, quel que soit le type de structure qui les réalise et quelles que soient les modalités de financement de ladite structure6), un chiffre d’affaire de plusieurs centaines de milliards d’euros par an. C’est dire l’importance de ces secteurs pour l’économie de l’Union. Ils contribuent parfois plus au PIB que des secteurs traditionnels tels que l’automobile en Allemagne ou l’industrie chimique en France. Outre que ces secteurs occupent une place importante dans l'économie et qu’ils sont plus résistants que d’autres aux crises conjoncturelles ou systémiques, l’expérience acquise tant au niveau de l’Union que dans les États membres montre que les investissements dans des initiatives du secteur de la culture donnent fréquemment de très bons résultats. Ces secteurs génèrent de plus en plus d'emplois, souvent plus qualifiés qu’ailleurs et contribuent à l'innovation dans d'autres secteurs, tels que celui des technologies de l'information et de la communication.
12Pourtant, ces secteurs européens de la culture et de la création souffrent de façon chronique d’un manque de soutien stratégique et d'investissements. Ils ont besoin de ces soutiens, tant nationaux qu’européens, pour se structurer, ainsi que de réseaux internationaux et intersectoriels et de moyens pour être représentés efficacement dans les instances internationales. Dans ce contexte économique et dans le cadre juridique et institutionnel actuel, l’action de l’Union consiste à promouvoir et renforcer la contribution de ces secteurs à l'économie européenne.
13Le rôle de la Commission européenne est d’agir à plusieurs niveaux. Outre l’élaboration des politiques culturelles fondées sur des données concrètes (études, rapports et statistiques) en collaboration avec les États membres et les sociétés civiles qui contribuent ainsi à définir et à isoler les bonnes pratiques et à proposer des mesures efficaces, la Commission gère des initiatives et des programmes de soutien au secteur visant à promouvoir le développement de la culture (soutiens financiers directs, assistance technique et conseil, soutien au développement de plateformes et de réseaux). Elle l'a fait notamment dans le cadre des programmes Culture et MEDIA. A ces programmes a succédé « Europe créative », un programme-cadre doté de 1,46 milliard d'euros (9 % de plus que les budgets précédents) visant à soutenir les secteurs de la culture et de la création. Ce programme se décline en deux sous-programmes, Culture (soutien aux initiatives dans le secteur culturel, en particulier la coopération, les plateformes et les réseaux transfrontaliers, ainsi que la traduction littéraire) et Media (soutien aux initiatives dans le secteur audiovisuel, notamment celles qui encouragent la conception et la distribution des œuvres audiovisuelles, ainsi que l'accès à celles-ci) ainsi qu'un volet transversal (ce volet comprend un mécanisme de garantie et promeut la coopération politique transnationale). Par ailleurs, outre la création d'une plateforme d'apprentissage en matière de politiques culturelles grâce à l'initiative European Creative Industries Alliance, l'aide de la Commission repose également sur les fonds de la politique de cohésion (le Fonds social européen, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et le Fonds européen de développement régional), le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (l'initiative Destinations européennes d'excellence), le programme COSME, le programme Horizon 2020 et le programme ACP Cultures+. À la suite de l'adoption de la stratégie Europe 2020 et de l'Agenda européen de la culture, la Commission a récemment et significativement accru le soutien à ces secteurs.
III – Cadre réglementaire du secteur de la culture : l’exemple du droit d’auteur
14L’environnement juridique complexe qui régit la vie des entreprises dans tous les États membres est largement identique à celui dans lequel les entreprises des secteurs de la culture et de la création exercent leurs propres activités. La Commission agit, selon les traités, dans des domaines règlementaires divers tels que le régime de la TVA, la politique en faveur des PME dans le cadre du « Small Business Act » ou la concurrence. En outre, le caractère sans frontière d’internet place l’Union européenne au cœur de l’élaboration de règles encadrant le commerce en ligne, notamment en termes de fiscalité, de création et de fonctionnement des entreprises. Pour tout domaine d’intervention qui pourrait affecter les secteurs de la culture et de la création, l’objectif déclaré de l’Union est clairement de faciliter la création artistique, la diversité culturelle ainsi que les activités des entreprises dans ces secteurs.
15Pour l’industrie culturelle européenne, le régime du droit d’auteur occupe une place essentielle dans le cadre règlementaire européen. Même si l’harmonisation du droit d’auteur dans l’Union ne date pas de la révolution numérique, la diffusion massive des technologies numériques qui entraîne la dématérialisation des échanges de biens ou services culturels obligent le législateur à constamment repenser le périmètre et la pertinence du droit d’auteur afin que les auteurs, les artistes et les ayant droits en général, puissent voir leurs œuvres être continument protégées dans l’environnement numérique tout en garantissant un accès à ces œuvres par le public dans des proportions tout à fait inédites à ce jour.
16Un cadre juridique au niveau de l’Union existe depuis longtemps à travers une série de textes, jusqu’à présent uniquement sous forme de directives, ce qui laisse une marge de manœuvre plus ample aux États membres quant à la transposition de ces règles dans la loi nationale. Le degré d’harmonisation du régime du droit d’auteur est variable selon les sujets car il est en toute hypothèse le fruit de consensus et de compromis et le témoignage de la défense de traditions juridiques et culturelles. Aujourd’hui, c’est la dématérialisation des contenus par l’utilisation des nouvelles technologies qui commande la nécessité de moderniser ce régime du droit d’auteur en Europe.
17C’est dans ce contexte de profonds changements technologiques que la Commission a présenté en mai 2015 sa stratégie pour le marché unique numérique7. La Commission y souligne entre autres, la nécessité de réduire les différences entre les régimes des États membres en matière de droit d'auteur pour faciliter l’accès transfrontière des utilisateurs européens aux services et contenus protégés par le droit d’auteur. A la fin de la même année et dans le droit fil de cette stratégie, la Commission a également publié une Communication dédiée exclusivement au droit d’auteur8 qui annonçait de futures actions bien identifiées mais également une vision à plus long terme de la modernisation des règles de l'Union. La révision que la Commission propose est orientée vers le fonctionnement des règles de l'Union en matière de droit d'auteur dans l'environnement numérique et en ligne et s’attache à régler les problèmes à forte dimension transfrontière.
18Parallèlement à la publication de cette Communication, une première étape importante a été franchie avec l’adoption par la Commission d’une proposition de règlement visant à assurer la portabilité transfrontière des services de contenu en ligne dans le marché intérieur. C’est la première fois qu’un règlement est proposé en matière de droit d’auteur. Le règlement a été adopté le 14 juin 20179. Il s’agit de mettre en œuvre une « fiction juridique » qui permet aux utilisateurs d’avoir accès partout dans l’Union aux services en ligne qu’ils auront légalement acquis. Chaque utilisateur « transporte » avec lui, lors d’un déplacement au sein de l'Union européenne, le régime de droit d’auteur du pays de sa résidence habituelle.
19En septembre 2016, la Commission a adopté une proposition de directive10 et une proposition de règlement11 qui consistent à modifier les règles existantes ou d'en instaurer de nouvelles dans trois domaines précisément identifiés dont le but est d’atteindre les objectifs suivants : (i) permettre un plus large accès en ligne aux contenus protégés dans l'ensemble de l'Union, l'accent étant mis sur les émissions de télévision et de radio, les œuvres audiovisuelles européennes et le patrimoine culturel ; (ii) faciliter les utilisations numériques de contenu protégé pour l'enseignement, la recherche et la préservation du patrimoine culturel dans le marché unique ; et (iii) faire en sorte que le marché du droit d'auteur en ligne fonctionne efficacement pour tous les acteurs et envoie les signaux propres à favoriser l'investissement dans le contenu créatif et la diffusion de celui-ci12.
20L'intensification de l’accès transfrontière au contenu en ligne est un défi lancé au fonctionnement du marché intérieur. La nature même de la transmission par internet abolit les frontières et légitime dès lors l’action au niveau de l’Union. Or, il existe différents régimes d'octroi de licences dans l’Union en fonction des droits ou des bénéficiaires ; gestion individuelle, gestion collective, gestion collective étendue, etc... Ces différents mécanismes doivent faciliter l'acquisition des droits et il n’existe à cet égard aucune harmonisation pour ce qui concerne la diffusion des œuvres protégés en ligne. La Commission propose dans son projet de règlement, à l’instar des dispositions de la directive de 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble13, l'application du principe du pays d'origine à l'acquisition des droits pour les programmes que les radiodiffuseurs transmettent en ligne en même temps que leur émission et des services de rattrapage qu'ils souhaitent mettre à disposition en ligne dans d'autres pays de l'Union. Dans cette même proposition, il est proposé d’appliquer la gestion collective obligatoire des droits aux services de retransmission numérique d'émissions de TV/radio fournis sur réseau de communications électroniques «fermé», ce qui devrait permettre aux opérateurs offrant des bouquets de chaînes provenant d'autres Etats membres d'obtenir plus facilement les licences dont ils ont besoin.
21Pour faciliter l'octroi de licences de droits de vidéo à la demande (VAD), la Commission propose dans le projet de directive la mise en place d'instances de négociation dans les Etats membres en vue de favoriser la conclusion d'accords entre les titulaires de droits audiovisuels et les plateformes de VAD. Un dialogue avec l'industrie audiovisuelle sur les questions de licence et le recours à des outils novateurs tels que les plateformes d'octroi de licences viennent compléter le dispositif. Tout ceci devrait faciliter la conclusion d'accords de licence d’exploitation en ligne d'œuvres audiovisuelles et contribuer à une plus large disponibilité d'« œuvres européennes » dans l'offre des services de VAD en ligne14. Enfin, l’accès transfrontière au contenu en ligne au sein de l’Union concerne aussi l'amélioration de l'accès au patrimoine culturel européen en aidant les musées et les autres institutions concernées à numériser et rendre accessibles par-delà les frontières les œuvres indisponibles (par exemple des livres ou films protégés par le droit d'auteur mais qui ne sont plus disponibles dans le commerce) pour lesquelles des difficultés d’accès ont vu le jour. L’option que propose la Commission permettrait aux États membres de mettre en place des mécanismes juridiques spécifiques encadrant la conclusion d'accords de licence collective (ce qui existe déjà en France et en Allemagne) en vue de l'utilisation d'œuvres indisponibles par les institutions du patrimoine culturel. Ces mécanismes devrait impérativement rendre possible l’utilisation transfrontière des œuvres indisponibles.
22Outre l’accès transfrontière au contenu en ligne, le deuxième objectif de la révision du régime du droit d’auteur au niveau européen est de faciliter les utilisations numériques des contenus protégés dans certains domaines clairement identifiés. Faciliter ces utilisations revient à étendre le champ des exceptions au droit d’auteur et à limiter en l’encadrant l’étendue des droits de propriétés. Dans le respect de la règle de proportionnalité qui préside à toute intervention de l’Union, les propositions législatives de la Commission visent à compléter les exceptions existantes en matière de préservation des œuvres et d'enseignement dans l’environnement numérique. Une exception obligatoire couvrant les utilisations en ligne effectuées à des fins d'illustration dans le cadre de l'enseignement a donc été proposée mais qui laisse aux États membres la possibilité de la conditionner à l'existence de licences couvrant les mêmes utilisations (numériques et transfrontières). De même, une nouvelle exception obligatoire aux fins de la préservation du patrimoine culturel par les institutions en charge de cette préservation est proposée. Enfin, une nouvelle exception obligatoire est envisagée pour l'exploration automatisée de textes et de données (Text and Data Mining).
23Le troisième objectif est relatif au fonctionnement du marché numérique intérieur et la proposition de directive vise à garantir une répartition équitable de la valeur dans l'environnement en ligne, notamment par l'instauration d'obligations spécifiques à certains types de plateformes en ligne qui donnent accès à des contenus créatifs protégés, en vue de renforcer la capacité des titulaires de droits à négocier et à être rémunérés pour l'exploitation en ligne de leurs contenus. Les créateurs sont bien au commencement de tout ce qui permet aux secteurs de la culture et de la création d’exister et de prospérer en Europe. C’est grâce à eux que les industries culturelles européennes contribuent largement au pouvoir d'influence et d’attraction qu’exerce l'Europe dans le monde. Dans ce contexte, le projet de directive oblige les éditeurs et producteurs à être « transparents » et à informer les créateurs des bénéfices qu'ils réalisent en exploitant leurs œuvres. Un mécanisme destiné à aider les créateurs à obtenir une rémunération juste lorsqu'ils négocient est aussi proposé.
24La confiance de tous les acteurs actifs dans la chaîne de valeur numérique devrait se trouver renforcée par le biais de cet ensemble de mesures. Dans sa Communication « Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance et l'emploi dans l'Union européenne »15, la Commission reconnaît ce rôle essentiel pour le développement social et économique de l'Union européenne et de ses États membres. Les secteurs de la culture et de la création pèsent un poids très lourd dans l’économique de l’Union. Or, c’est la protection des droits d’auteur et des droits voisins qui est au cœur des revenus de l’industrie culturelle européenne. Dans sa récente révision du régime du droit d’auteur en Europe, la Commission propose des solutions juridiques équilibrées et adaptées compte tenu de la nature transfrontalière de l'environnement numérique et des intérêts en présence souvent divergents.
Notes de bas de page
1 « Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. », Article 3 §3 du Traité sur L’Union européenne, JOUE C83 du 30.3.2010.
2 Conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, sur un programme de travail (2015-2018) en faveur de la culture du 26 novembre 2014.
3 Voir le lancement récent de VOIX DE LA CULTURE.
4 Industry-Level Analysis Report, (2013), Intellectual property rights intensive industries : contribution to economic performance and employment in the European Union, p. 8. https://euipo.europa.eu/ohimportal/documents/11370/80606/IP+Contribution+study
5 Résolution du Parlement européen du 13 décembre 2016 sur une politique communautaire cohérente pour les secteurs de la culture et de la création (2016/2072(INI)).
6 Cf. la définition visée à l'article 2 du Règlement (UE) n° 1295/2013 établissant le programme « Europe Créative ». Dans ce contexte, les secteurs culturels et créatifs comprennent entre autres l'architecture, les archives, les bibliothèques et les musées, l'artisanat d'art, l'audiovisuel (y compris le cinéma, la télévision, les jeux vidéo et le multimédia), le patrimoine culturel matériel et immatériel, le design, les festivals, la musique, la littérature, les arts du spectacle, l'édition, la radio et les arts visuels.
7 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe » (COM(2015) 192 final).
8 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur » (COM(2015) 626 final).
9 Règlement (UE) 2017/1128.
10 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique (COM(2016) 593 final) du 14.9.2016.
11 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines diffusions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmissions d'émissions de télévision et de radio (COM(2016) 594 final) du 14.9.2016.
12 Document de travail des services de la Commission : Résumé de l'analyse d'impact concernant la modernisation des règles de l'UE en matière de droit d'auteur (SWD(2016) 302 final).
13 JOCE L 248/15 du 6.10.93.
14 Les mesures en matière de licences de droits s'inscrivent ainsi dans un ensemble plus large d'initiatives initiées en parallèle et visant à améliorer la disponibilité des œuvres européennes, et par conséquent à promouvoir la diversité culturelle dans l'offre des services numériques. Parmi ces initiatives, figurent la révision de la directive sur les services de média audiovisuels (où il est notamment proposé d'introduire un quota européen obligatoire minimum pour les catalogues des services de VAD) et des financements plus importants dans le cadre du volet MEDIA du programme Europe créative pour soutenir la circulation de contenus créatifs au-delà des frontières, comme le soutien au doublage et sous-titrage ou le développement d'outils en ligne pour améliorer la distribution numérique d'œuvres audiovisuelles européennes.
15 Communication de la Commission du 26 septembre 2012 « Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance et l'emploi dans l'Union européenne » (COM(2012)0537).
Auteur
Fonctionnaire européen, Conseiller juridique et de politique générale, négociateur commercial, Direction Générale du Commerce, Commission européenne
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