Précarisation du bénéfice de l’aide médicale d’État et difficultés d’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière
p. 153-183
Texte intégral
1Les populations migrantes sont particulièrement vulnérables en raison des motifs de leurs exils (fuite d’un conflit, tortures, traumatismes, etc.) et des conditions de migration (conditions de vie difficile, famine, pauvreté, etc.) : leur santé est alors souvent touchée. Comme le montre l’association Comité médical pour les exilés (COMEDE), les étrangers sont particulièrement exposés aux maladies (affection grave : psycho-traumatismes, maladies infectieuses, maladies chroniques, etc.) et sont sous dépistés dans la pratique. Les étrangers attendent souvent les manifestations cliniques de la maladie sans avoir parfois pu bénéficier de la prise en charge médicale destinée à ralentir l’évolution et prévenir les complications1. Par ailleurs, s’agissant des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français, ils connaissent, en raison de leur situation de précarité, “la culture de la survie : les démarches pour “les papiers” (préfecture) ou l’hébergement sont naturellement prioritaires par rapport aux besoins, également ressentis, de prévention médicale”2.
2Ainsi, l’accès aux soins dans le pays d’accueil des exilés se révèle être un enjeu crucial de politique de santé publique. Le droit à la santé des étrangers est-il à la hauteur de cet enjeu ? Les législations sur les migrations et la santé connaissent, ces dernières années, des évolutions significatives guidées respectivement par les réformes justifiées par la rationalisation des flux migratoires et les économies budgétaires de santé publique. Aussi qu’en est-il de ce droit à la santé des étrangers et particulièrement de celui qui garantit son effectivité : l’accès aux soins, la protection maladie des étrangers ?
3Notre contribution a pour objet de montrer comment la lutte contre l’immigration clandestine et l’augmentation des contrôles migratoires imprègnent le statut social des étrangers et en particulier leur accès aux soins. Parmi les droits à la santé des étrangers, le plus élémentaire est celui de l’accès aux soins garanti notamment par la prise en charge des dépenses de soins. Or tous les étrangers n’en bénéficient pas de la même façon. Il s’agira de s’intéresser plus spécifiquement à l’évolution du dispositif de l’aide médicale d’État (AME) qui permet justement l’accès gratuit3 aux soins des ressortissants étrangers en situation irrégulière. L’AME est une prestation d’aide sociale, elle permet le remboursement des consultations et examens médicaux, des soins d’odontologie, infirmiers, et hospitaliers. Ce système est financé par l’État4, au nom de la solidarité nationale. Si l’AME est essentielle pour garantir l’accès aux soins, force est de constater que depuis quelques années les bénéficiaires de l’AME connaissent des refus de soins de certains professionnels de santé. Qu’en est-il de ce dispositif, remplit-il son objectif ? Est-il efficace auprès des populations concernées ?
4L’aide médicale est offerte-conformément à la logique universelle du bénéfice de l’assurance maladie-à toute personne présente sur le territoire français. Pourtant, en 1993 avec la loi “Pasqua”5, une nouvelle condition a apporté une rupture fondamentale dans l’accès aux soins des étrangers. En effet, la condition de régularité du séjour a créé une différence de traitement. Les étrangers en situation régulière sous réserve de remplir des conditions de présence en France et de faibles ressources relèvent depuis 2000 de la couverture maladie universelle (CMU) ; l’AME est réservée aux étrangers sans papiers. Les étrangers en situation irrégulière ne bénéficient donc pas de la même prise en charge de leurs soins que les autres étrangers.
5Depuis presque dix ans, l’AME connaît d’importantes restrictions par l’effet conjugué des politiques migratoires et des économies budgétaires de santé publique. Le “risque migratoire” plane au-dessus de cette procédure, poussant les gouvernements successifs à encadrer plus strictement la procédure. Ces réformes de l’AME ont suscité beaucoup d’interrogations juridiques : plusieurs juges (constitutionnel, européen et administratif) ont été amenés à apprécier la portée des conditions du bénéfice de l’AME notamment celles relatives aux mineurs de ressortissants étrangers en situation irrégulière. De même, par exemple, les étrangers sans papiers et sans résidence ininterrompue pendant trois mois ne peuvent plus bénéficier de l’AME. La complexification du dispositif sera démontrée en accentuant nos analyses tant sur la précarisation du mécanisme d’aide que sur les limites de l’accès effectif aux soins des étrangers en situation irrégulière (I).
6A côté de l’accès aux soins de “droit commun” du dispositif de l’AME, on constate un accès aux soins particuliers sur certains territoires de l’État d’accueil (II). Dès lors, on montrera la spécificité de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière dans les “lieux de confinement” des étrangers tels que dans les zones d’attente et les centres de rétention, mais également à Mayotte, territoire sur lequel le droit des étrangers et le droit de la protection sociale sont appliqués selon des règles bien différentes de celles de la Métropole.
I – LA LENTE DÉGRADATION DE L’ACCÈS À L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT POUR LES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
7L’évolution progressive du dispositif de l’AME sera retracée en insistant sur la mise en place d’une différence de traitement dans l’accès aux soins entre les étrangers (A). Les étrangers en situation irrégulière bénéficient d’un dispositif propre (AME) qui au fil des réformes s’est précarisé et est devenu complexe pour des populations vulnérables (B). Ces évolutions ne sont pas sans poser des interrogations au regard notamment de leur compatibilité au droit international ; plusieurs juges se sont d’ailleurs prononcés à ce sujet (C).
A – Remise en cause de l’égal accès aux soins de tous les étrangers : le système de l’aide médicale d’État pour les étrangers en situation irrégulière
8L’accès aux soins est un droit fondamental qui découle du droit à la santé, garanti par la Constitution et par de grands principes universalistes6 d’après guerre, confirmés par de multiples engagements internationaux7. L’accès aux soins fait partie intégrante des droits sociaux, droit de la deuxième génération, nés après la seconde guerre mondiale, les droit dits “de créance”, les “droits collectifs”.
9L’accès aux soins pour les plus démunis a été consacré conformément à la logique universelle du bénéfice de la sécurité sociale pour toute personne présente sur le territoire français. L’idée même de l’assurance maladie, garantie d’une protection effective de la santé, a été très tôt reconnue pour les ressortissants nationaux et étrangers, ce qui n’est le cas de tous les droits sociaux8. Les étrangers bénéficient de l’assurance maladie dès l’ordonnance du 19 octobre 1945 sur la sécurité sociale et le décret du 29 novembre 1953 portant réforme de l’assistance de l’aide médicale.
10Pourtant, un changement important dans les années quatre-vingt-dix est venu remettre en cause l’esprit même de cet acquis d’après-guerre. Dans un contexte de lutte contre l’immigration clandestine, la loi du 24 avril 1993, “la loi Pasqua” a modifié la logique universelle des droits sociaux, née de la libération. Cette loi a généralisé la condition de régularité qui existait déjà pour certaines prestations sociales9. Des exceptions à la condition de régularité existent toutefois d’abord selon l’article L 471-1 du Code de sécurité sociale, les étrangers en situation irrégulière continuent d’avoir droit aux prestations de la branche accident de travail. Pour eux l’employeur rembourse à l’organisme de sécurité sociale la totalité des dépenses supportées par l’accidenté. Puis, les étrangers incarcérés quelle que soit leur régularité du séjour continuent d’être affiliés à une assurance maladie et maternité ouvrant droit aux prestations en nature pour les membres de sa famille (article L 381-30 et 31 du Code de sécurité sociale).
11Cette condition de régularité est justifiée par le désir de l’État de mieux surveiller les personnes admissibles au séjour sur leur territoire et de sélectionner les étrangers pour qui offrir “l’hospitalité sanitaire”. La loi de 1993 constitue la première entaille dans l’attribution de certains droits sociaux et dans l’accès aux soins gratuits de tous les étrangers. La brèche faite à la logique universelle de la couverture maladie a été justifiée par le “fantasme de l’appel d’air”, du “tourisme sanitaire”, du risque d’explosion des dépenses sanitaires, oubliant au passage les enjeux et exigences de santé publique et d’égalité des droits. Cette “discrimination légale” basée sur la régularité se retrouve dans la loi du 27 juillet de 199910 portant création de la couverture universelle maladie (CMU) qui exclut de son bénéfice les étrangers en situation irrégulière et l’accorde aux étrangers en situation régulière et stable11 (L 380-1 du Code de sécurité sociale). Les étrangers en situation irrégulière bénéficient du système de l’AME (251-1 du Code de l’action sociale et des familles12). Cette loi de 1999 remplace l’ancien dispositif d’aide médicale gratuite (AMG) créé en 1953 et transféré en 1984 aux départements dans le cadre de la décentralisation. L’AMG prenait en charge les dépenses liées aux soins délivrés aux personnes non affiliées automatiquement à l’assurance maladie, qu’elles soient en situation régulière ou non.
12Aujourd’hui, l’accès aux soins des étrangers varie selon trois caractéristiques : la durée, la régularité et la stabilité du séjour. Le contrôle migratoire est, en conséquence, pleinement entré dans les conditions de délivrance des droits sociaux13 de l’étranger et en particulier dans celles de l’accès aux soins. En effet, est consacré le principe selon lequel le bénéfice de certaines prestations et donc l’offre de santé aux étrangers procèdent souvent de son statut administratif (possession d’un titre de séjour, demande d’asile, mineurs ou majeurs sans titre de séjour, résidence habituelle, résidence stable, résidence ininterrompue pendant plus de trois mois, etc.). Une quatrième caractéristique apparaît à propos de l’accès aux soins des nouveaux ressortissants communautaires : les Roms14 venant d’Europe de l’Est (Bulgarie et Roumanie). Des récentes pratiques des CPAM montrent des sérieux obstacles à l’accès à l’AME. Comme l’explique Antoine Math dans son étude sur l’accès aux soins des ressortissants communautaires15, “dans certaines caisses, pour bénéficier de l’AME16, il leur est également demandé de prouver qu’ils ne bénéficient pas d’une couverture médicale dans leur pays, ce qu’on ne leur demandait pas, s’agissant des Roumains et des Bulgares, avant que leur pays n’entre dans l’UE en 2007, et ce qu’on ne demande pas aux ressortissants non communautaires (…). Ces demandes à des Roms roumains sont d’autant plus abusives qu’ils ne sont quasiment jamais couverts dans leur propre pays où leurs difficultés d’accès aux soins sont par ailleurs bien connues, et surtout que des caisses refusent de façon contestable des attestations sur l’honneur de non affiliation. De longues vérifications systématiques de la non affiliation des personnes en Roumanie doivent alors être engagées, ce qui prend parfois 5 ou 6 mois. Pour les Roms qui sont partis avec l’ANAEM dans le cadre d’une procédure de retour prétendument volontaire, puis qui sont revenus, les caisses refusent également l’AME sur le seul fondement qu’ils ont reçu une aide de l’ANAEM. Cette exclusion de l’AME, non fondée en droit, est particulièrement contestable, surtout s’agissant de mineurs”. Antoine Math rappelle également que le rapport sur la France du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, a consacré une partie sur les Roms et a invité les autorités françaises “à garantir un meilleur accès des populations Roms aux soins et aux aides médicales”17.
13Ce traitement différencié des étrangers selon leur condition de résidence dans le pays d’accueil apparaît aujourd’hui comme une tendance générale dans les pays européens. Une étude de législation comparée18, réalisée en 2006 par le Sénat et deux rapports de 2009 de Médecins du Monde19 montrent que l’accès aux soins dans les pays membres est hétérogène et de plus en plus précarisé. Tandis que l’Allemagne et le Danemark accordent des droits limités20 aux étrangers en situation irrégulière ; l’Angleterre, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal “concilient le droit aux soins et l’absence d’assurance sociale des étrangers en situation irrégulière”. Mais surtout, le rapport constate une tendance au durcissement des dispositifs en place conduisant à une réduction des bénéficiaires par de nouveaux contrôles des étrangers malades et des fichiers de données confidentielles. La France suit cette tendance : les gouvernements successifs depuis 2000 ont modifié le dispositif de l’AME en prétextant les abus de procédure et son coût considérable21 pour la société.
B – Successives réformes de l’aide médicale d’État : précarisation et complexification de l’accès effectif au dispositif
14Le nombre de bénéficiaires de l’AME a atteint 192 000 en 200622 pourtant on peut s’interroger sur le nombre de personnes vulnérables qui ont du mal à accéder au dispositif rendu plus sélectif. En effet, très vite après 2000, les pouvoirs publics ont encadré strictement les conditions d’accès à l’AME jugée trop généreuse.
15D’abord, en 2002, l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 200223 instaure un ticket modérateur à la charge du bénéficiaire de l’AME et supprime l’accès “privilégié” à la CMU des enfants mineurs isolés ou à la charge de sans-papiers. Cette loi a toutefois mis fin à l’exigence (contestable) de la durée minimum de trois ans pour accéder aux soins de ville pour les étrangers dépourvus de titre de séjour. Néanmoins, elle a précarisé des populations déjà vulnérables par leur absence de titre de séjour en les obligeant à contribuer aux paiements d’une partie de leurs soins. Toutefois, le ticket modérateur n’a finalement pas été mis en application, le décret d’application n’est pas paru en raison des vives oppositions des associations de défenses des étrangers et des professionnels de la santé. De même, en sortant les mineurs étrangers à la charge de sans-papiers de la CMU, la loi met fin au principe de l’égalité de traitement entre les mineurs français et étrangers.
16Ensuite en 2003, c’est au tour de la loi de finances rectificative pour 200324 de réformer l’AME. Deux mesures réduisent concrètement l’accès à l’AME. D’une part, l’article 97 de la loi subordonne le bénéfice de l’AME à une condition de résidence ininterrompue d’au moins trois mois en France. D’autre part, l’article 97 n’organise pour les étrangers irréguliers non bénéficiaires de l’AME-faute de résidence ininterrompue pendant trois mois-qu’une prise en charge des seuls soins urgents25 “dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître et qui sont dispensés par les établissements de santé”26. Ces modifications ont de lourdes conséquences : certains étrangers en situation irrégulière sont donc exclus de l’AME et bénéficient que des seuls soins urgents vitaux prodigués à l’hôpital. Cette réforme marginalise et aggrave la situation des étrangers en situation irrégulière sans résidence habituelle de moins de trois mois, population déjà fragilisée. Certes, rappelons que les Permanences d’accès aux soins de Santé (PASS) permettent d’accueillir certains étrangers en situation irrégulière en situation de grande vulnérabilité. Elles constituent “des cellules de prise en charge médico-sociale qui doivent faciliter l’accès des personnes démunies non seulement au système hospitalier, mais aussi aux réseaux institutionnels ou associatifs de soins, d’accueil et d’accompagnement social. Elles ont aussi pour fonction de les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits, notamment en matière de couverture sociale (régime de base ou régime complémentaire d’assurance maladie, accès rapide à l’aide médicale)”27. Par ailleurs, signalons qu’il existe également, “l’aide médicale humanitaire” : l’AME sur décision du Ministre. Ce système exceptionnel permet aux pouvoirs publics de prendre en charge, au titre de l’AME, les frais de santé d’une personne présente sur le territoire français sans y résider28. Cette disposition concerne donc les personnes qui ne remplissent pas la condition de résidence en France et notamment les personnes venues se faire soigner en France. Comme le souligne très justement l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), les compétences de l’administration sont discrétionnaires puisque le Code de l’action sociale et des familles mentionne la simple “possibilité” si l’état de santé le justifie. En définitive, on a abouti à une multitude d’offres de soins gratuits avec des “packs” de prestations différentes pour : les étrangers réguliers-CMU ; les étrangers irréguliers prouvant leur résidence ininterrompue de plus de trois mois-AME ; les étrangers irréguliers ne prouvant pas de résidence ininterrompue de plus de trois mois-accès aux seuls soins urgents et vitaux et les étrangers bénéficiaires de l’aide médicale humanitaire. A ce panel d’accès différencié aux soins, s’ajoute une spécificité prévue par le Code d’action sociale et des familles : les personnes gardées à vue sur le territoire français, qu’elles résident ou non en France, peuvent, si leur état de santé le justifie, bénéficier de l’AME.
17Les modifications de l’AME se sont poursuivies en 2005. Deux décrets d’application du 28 juillet 200529 ont mis fin au système déclaratif de la preuve de la résidence sur le territoire. Comme le souligne le GISTI, ce principe de base de l’aide sociale, datant de plus d’un demi-siècle, permettait à des personnes en situation de besoin de justifier par déclaration écrite de leur identité ou de leurs ressources et ainsi que d’accéder à des droits fondamentaux même s’ils n’ont pas ou n’ont plus avec eux de papiers. Désormais, les étrangers doivent désormais produire un ensemble de pièces justifiant leur présence ininterrompue ce qui s’avère parfois très complexe en pratique30.
18En 2007, pour mieux encadrer le dispositif de l’AME, les députés Mariani et Goasguen ont déposé en vain une proposition de loi visant à simplifier les possibilités de dépôts au profit du Maire qui centraliserait les demandes sur le territoire et permettrait selon la proposition de “juguler l’accroissement considérable des demandes parfois infondées”31. Rappelons qu’actuellement, la demande de bénéfice de l’AME se fait auprès de quatre organismes différents : l’organisme d’assurance maladie, les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, les services sanitaires et sociaux du département de résidence, et les associations ou organismes à but non lucratif agréés. Cette proposition de révision de l’AME n’a pas été bien accueillie par les associations spécialisées dans l’aide aux étrangers. Ces dernières redoutent que sous couvert de l’unification du dépôt et de la lutte contre les demandes infondées, “une remise en cause de l’accès effectif à l’AME en risquant d’entrainer un traitement différencié des demandes selon les communes”32. Cette proposition n’a pas été retenue devant l’Assemblée nationale.
19En revanche, la proposition de loi de finances pour 200833 a modifié une nouvelle fois le dispositif de l’AME en conditionnant la prise en charge complète des médicaments, et non la simple dispense d’avance de frais, à l’acceptation par le patient de la spécialité générique, lorsqu’elle existe. Là encore, les associations estiment qu’il s’agit d’une nouvelle entaille dans le dispositif qui risque de précariser davantage les bénéficiaires qui rencontrent des “refus de servir” des pharmaciens. Ces derniers pourront alors prétexter que c’est le bénéficiaire qui a refusé les médicaments génériques proposés34. Par ailleurs, cette loi institue un contrôle du dispositif en créant un contrôle médical35 aux bénéficiaires de l’AME ainsi que de la prise en charge des soins d’urgence. Une étape supplémentaire dans la lutte contre les détournements a donc été franchie. Notons enfin que l’arrêté du 10 juillet 200936 crée une carte d’admission pour le bénéficiaire de l’AME ; ce document sécurisé mis en place à partir du 1er janvier 2010 poursuit la démarche entreprise par les pouvoirs publics de lutte contre les détournements de procédure de l’admission de l’AME.
20Enfin dernièrement, lors de l’élaboration de la loi des finances pour 2011, de nouvelles restrictions au dispositif de l’AME ont été proposées et sont actuellement en cours de discussions devant le parlement. En effet, les députés souhaitent exclure des soins pris en charge à 100 % certains actes et prestations au “faible service médical rendu” ou qui ne résultent pas directement du traitement d’une maladie comme les cures thermales. Ils ont également préconisé une participation forfaitaire annuelle des bénéficiaires de l’AME (30 € sous forme de timbre fiscal). Ces dernières propositions montrent une fois encore les “attaques” du dispositif AME, et ce, alors que l’on sait que les bénéficiaires de l’AME font partie des populations les plus pauvres. Si de telles restrictions venaient à être adoptées, les bénéficiaires de l’AME retarderont leur accès aux soins.
21En tout état de cause, ces modifications législatives ont des conséquences sanitaires : aggravation des pathologies en raison du retard de prise en charge aboutissant à des hospitalisations en urgence sans possibilité de poursuite de soins, absence de toute politique de prévention au niveau de cette population déjà fragilisée par ses conditions de vie. Au-delà de ces considérations sanitaires et sociales, force est de reconnaître qu’en raison des craintes de risques migratoires et d’économies budgétaires, le dispositif de l’AME a été rendu complexe donc sélectif. Il écarte de ce fait, les étrangers les plus précaires en situation irrégulière ne pouvant justifier de résidence habituelle de plus de trois mois. On ne peut partager que l’idée selon laquelle “l’invention régulière de dispositifs “spécialisés” (pour les pauvres, les exclus, les étrangers…) et le recours parfois inutile aux dispositifs de soins gratuits entretiennent les mécanismes d’une exclusion “douce””37. Une lutte contentieuse bien argumentée par des collectifs d’associations a toutefois essayé de contester avec un certain succès ces récentes évolutions du dispositif AME.
C – Un accès aux soins limité, partiellement condamné par les juges
22La loi de finances pour 2003 a fait l’objet d’une saisine devant le Conseil constitutionnel, les requérants estimant que la condition de la résidence ininterrompue de moins de trois mois portait atteinte au principe d’égalité et aux exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Mais le Conseil constitutionnel n’a pas censuré ce nouveau dispositif en ne relevant aucune contrariété puisque ce dernier juge, conformément à sa jurisprudence, que le principe d’égalité n’exclut pas des différences de traitement en raison de la régularité du séjour des étrangers. Il valide donc cette “discrimination légale”.
23La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) a saisi le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe qui a dû répondre d’une réclamation déposée en 200338. Selon la FIDH, l’exigence de la résidence ininterrompue et la suppression de l’admission immédiate des nonbénéficiaires de l’AME créent une discrimination entre les étrangers en situation irrégulière (les lois de finances de 2002 et 2003 qui restreignait l’AME). La FIDH invoquait le non-respect des articles 13 §139 et 17 §140. Le Comité a conclu à la violation de l’article 17 de la Charte sociale européenne. Il a transmis son rapport contenant sa décision sur le bien-fondé de la réclamation au gouvernement français et à la FIDH. Il s’est alors prononcé sur l’ensemble du dispositif AME français et a souligné très généralement que l’assistance médicale en France des étrangers en situation irrégulière existe et que par conséquent il n’y a pas violation de l’article 13 de la Charte. Sur le deuxième aspect de la requête de la FIDH qui portait plus spécifiquement sur l’atteinte au droit à l’assistance médicale des mineurs étrangers isolés ou ayant droit d’un étranger sans papiers, il a estimé que le dispositif des lois 2002 et 2003 violait le droit d’accès aux soins des mineurs étrangers, garanti par l’article 17. Il a rappelé à cet égard que cet article de la Charte est directement inspiré de l’article 3 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant (CIDE) que la France a signé. En effet, les étrangers mineurs (isolés ou ayant droit d’étrangers irréguliers) pouvaient se voir exclure de l’AME et ne bénéficiaient gratuitement que des seuls soins urgents mettant en jeu leur pronostic vital, ce qui constituait, aux yeux du Comité, une atteinte à la Charte.
24Face à cette condamnation “supranationale”, le gouvernement français réagit, avec une circulaire du Ministre de la santé en mars 200541. Il y précise le caractère urgent de la délivrance des soins et des traitements offerts à l’hôpital aux mineurs étrangers non bénéficiaires de l’AME. “Comme pour se rattraper” après la condamnation du CEDS, il souligne alors la vulnérabilité particulière des étrangers mineurs, en leur précisant les prestations auxquelles ils ont droit (prise en charge des examens de prévention réalisés durant et après la grossesse, des soins liés à la grossesse et de l’IVG). Malgré cela, l’affaire ne s’est pas arrêtée pas là. En juillet 2005, le gouvernement sort enfin les deux décrets d’application du système de l’AME. Aussitôt, les associations de défense des étrangers intentent un recours pour excès de pouvoir contre ces derniers en contestant leur conventionnalité au regard d’une série de traités internationaux42 devant le Conseil d’Etat. Les associations invoquaient une série de points : les discriminations nées - de la condition de régularité pour bénéficier du dispositif CMU (discrimination entre étrangers en situation régulière et irrégulière), - de la condition de résidence ininterrompue de plus trois mois pour bénéficier de l’AME (discrimination entre étrangers en situation irrégulière), - de la restriction de l’accès aux soins (soins urgents et vitaux) des étrangers non bénéficiaires de l’AME et - de l’atteinte au droit aux soins élémentaires des mineurs étrangers. Le 7 juin 200643, le Conseil d’État se prononce alors sur les décrets mettant en œuvre la réforme de l’AME. Il a estimé que le dispositif CMU-AME mettait en place une différence de traitement tout à fait fondée entre les étrangers en situation régulière et non régulière (“critère objectif fondé avec les buts de la loi”). Il valide et cautionne44 ainsi la différence de traitement dans l’accès aux soins entre les étrangers réguliers et irréguliers. La logique d’universalité des droits sociaux est neutralisée une fois de plus avec la condition de régularité de séjour. En revanche, le Conseil d’État relève que le nouveau dispositif de l’AME est incompatible avec les exigences posées par l’article 3 de la CIDE. Cette décision consacre un droit d’accès aux soins aux mineurs étrangers indépendamment de la régularité de leur situation ou de celle des personnes qui en ont la charge. Elle s’inscrit pleinement dans la lignée des observations générales rendues par le Comité des droits de l’enfant, organe chargé de mettre en œuvre la CIDE. Sans ambiguïté, le Commissaire du gouvernement qui a rendu ses conclusions sous la décision du Conseil d’État a souligné que la “circulaire de rattrapage” du 16 mars 2005 sur les droits aux soins des mineurs ne pouvait compenser la sévérité de la loi de finances pour 2003. Rappelons que le Conseil constitutionnel n’avait ni censuré le dispositif ni souligné de lacunes à l’égard de l’offre de soins aux mineurs. Cette décision a aussi le mérite de mettre en exergue les conflits entre la jurisprudence constitutionnelle et administrative mais aussi les dialogues nécessaires entre le Comité et les juges européen et administratif. Ce n’est pas la première fois que le droit des étrangers est au cœur d’une interaction45 de normes internationales, constitutionnelles et nationales (cf. dernièrement les pensions des “indigènes”).
25Concrètement cette décision du Conseil d’État laisse en place le dispositif de l’AME tel quel pour les majeurs étrangers en situation irrégulière et censure le dispositif à l’égard des mineurs. Si l’effort du Conseil d’État est louable pour les enfants mineurs, il demeure selon nous incomplet au regard des prétentions universalistes des droits sociaux pour les majeurs étrangers non-bénéficiaires de l’AME. La décision du Conseil d’État a néanmoins obligé les pouvoirs publics à créer un nouveau dispositif spécifique d’aide médicale pour les mineurs, sans la condition de trois mois de résidence ininterrompue. C’est par une circulaire ministérielle du 7 janvier 200846 que, conformément à la décision du Conseil d’État, le Ministère a pris en compte ces exigences. Dans cette circulaire, il précise que les “enfants mineurs des personnes étrangères en situation irrégulière qui ne remplissent pas la condition de trois mois de résidence en France sont inscrits sans délai au dispositif de l’AME pour la prise en charge de leurs soins pendant les trois premiers mois de leur présence en France. À cet effet, un dossier de demande d’admission à l’AME doit être constitué, dès que possible, par leurs parents. À partir de l’admission des parents à l’AME au premier jour du quatrième mois de résidence, les enfants bénéficient du dispositif en qualité d’ayants droit de leurs parents. Les soins dont bénéficient ces enfants mineurs ne doivent plus être imputés sur le dispositif des soins urgents”. Dès lors une nouvelle procédure est prévue dans le dispositif AME. Le découpage47 des bénéficiaires et les nombreuses conditions pour en bénéficier ne facilitent pas la compréhension du système d’aide et encore moins son accès effectif par les populations étrangères déjà fragilisées.
II – UN ACCÈS AUX SOINS SPÉCIFIQUE ET PARFOIS PRÉCARISÉ SUR CERTAINS TERRITOIRES
26Après avoir vu que l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière n’ayant pas de ressources est garanti par le système de l’AME, nous montrerons que ce “droit commun” n’est pas applicable dans toutes les situations. L’accès aux soins est régi par des règles spécifiques lorsque l’étranger est maintenu en zone d’attente (A) et retenu en centre de rétention administrative (B). En vertu du respect des droits de l’Homme, dans ces lieux de privation de liberté, il a été indispensable d’assurer et de faciliter l’accès effectif aux soins des étrangers en instance d’éloignement ou de refoulement. Si les textes juridiques évoquent l’accès aux soins, leur mise en œuvre est souvent plus délicate dans ces lieux fermés.
27Par ailleurs, le droit applicable à Mayotte en matière de protection maladie pour les étrangers en situation irrégulière constitue une autre exception au “droit commun” (C). La spécificité du territoire, la présence d’une forte immigration clandestine et la rationalisation des contrôles ont poussé l’État français à instaurer un système d’accès aux soins gratuit minimal. Ce dispositif dérogatoire n’est pas sans poser des questions juridiques portant notamment sur des discriminations au regard du droit applicable en France.
A – L’accès aux soins des étrangers maintenus en zone d’attente
28L’accès aux soins dans les lieux de confinement des étrangers est au cœur d’un ouvrage de Philippe Taugourdeau paru en 2007 intitulé “Défense de soigner pendant les expulsions”48. Ce livre est le témoignage d’un docteur exerçant dans la zone d’attente des personnes en instance de Roissy qui montre combien l’exercice de la médecine auprès des étrangers est rendu difficile : l’absence de traitements adéquats, d’examens médicaux et consignes censées accélérer les procédures administratives qui privent les étrangers retenus de soins élémentaires, etc.
29L’article L. 1110-1 du Code de la santé publique modifié par la loi du 4 mars 2002 défini les droits du malade, il dispose que “le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d’assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible”. La privation de liberté n’entraîne pas la suppression des droits du malade et les lieux d’enfermement doivent permettre la mise en œuvre de soins que ce soit en prison, en garde à vue dans les locaux de police et de gendarmerie, en centre de rétention ou en zone d’attente pour les étrangers en situation irrégulière.
30Concrètement lors d’une privation de liberté d’un étranger, l’accès aux soins consiste à un droit à l’assistance d’un médecin. Ce droit élémentaire est prévu le CESEDA : comme le droit à un interprète ou à un avocat. Le droit à un médecin est organisé à l’article L. 221-449 pour le maintien en zone d’attente et à l’article L. 551-2 du CESEDA pour le centre de rétention. L’accès aux soins permet surtout de vérifier l’état de santé des personnes en instance de refoulement ou d’éloignement, afin qu’elles ne soient pas renvoyées malades vers un pays qui ne pourrait pas les soigner. Les renvois d’étrangers dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire sont selon la jurisprudence administrative et européenne, prohibés. Ils portent atteinte à l’article 3 de la CEDH relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants.
31La question dans les lieux de privation de liberté et de l’accès effectif aux soins a récemment suscité des interrogations. En ce sens, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a, à nombreuses reprises, été saisie. Elle a d’ailleurs aux vues des différentes saisines, rappelé quelques principes, les textes applicables ainsi que les manquements constatés50.
32L’accès aux soins en zone d’attente n’a pas toujours existé, rappelons qu’avant 1992, les “zones internationales” ou “zones de transit” ont longtemps été un espace de non-droit, sans existence juridique. Les étrangers y étaient retenus sans protection et dans des conditions inhumaines51. A la fois sous l’impulsion de la Cour européenne (cf. décision Amuur52) et des exigences constitutionnelles53 et depuis la loi du 6 juillet 199254, les étrangers ont progressivement reçu des garanties juridiques en zone d’attente parmi lesquelles l’accès aux soins. Reste l’effectivité de ces droits. M. Alvaro Gil-Robles, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe dans son rapport55 sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, suite à sa visite du 5 au 21 septembre 2005, estime au regard des deux lieux qu’il a visité (zone d’attente du port autonome de Marseille à Arenc et dans celle de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle) que l’accès aux soins semble garanti. “Une infirmière est présente dans la journée à Arenc et un médecin y intervient plusieurs heures par jour. A Roissy, le dispositif est beaucoup plus complet ; il compte trois infirmières, présentes 7 jours sur 7 de 8h à 20h, et trois médecins qui se relaient dans la journée. Certains maintenus se sont toutefois plaints de leurs difficultés à se faire soigner quand le personnel médical est absent. Dans ce cas, seules les urgences sont traitées et on fait appel soit au SAMU, soit aux services d’urgence de l’aéroport. Or, il s’avère que le caractère d’urgence est laissé à la seule appréciation des officiers de garde de la PAF”. Notons également qu’avec la construction de ZAPI 3, la prise en charge médicale est intégrée à l’intérieur du centre, ce qui améliore le dispositif d’accès aux soins. L’équipe médicale est composée de quatre médecins de garde et trois infirmières. Concrètement, l’équipe “établit des certificats médicaux qui font “preuve” pour les demandes d’asile ou certifient les “témoignages” de violences policières, et recommande une hospitalisation lorsqu’elle le juge nécessaire56. S’agissant de la ZAPI 4, les médecins de la ZAPI 3 de l’hôpital Ballanger s’y rendent une fois par jour et se voient communiquer la liste des personnes présentes. Les personnes malades doivent se signaler aux agents et sont amenées en ZAPI 3 pour y être examinées. Le transfert est assuré par la PAF, sur demande du médecin. Néanmoins, selon les observations de l’ANAFE, le médecin responsable de la cellule Roissy à l’hôpital Ballanger, a fait part de ses préoccupations sur l’hygiène et la santé des maintenus. A ce titre, l’hôpital et la DDASS sont en train d’établir un rapport de doléances57.
33En somme, si l’accès aux soins est globalement garanti dans l’ensemble des zones d’attente, l’aspect important de la continuité et du suivi des soins dans ce lieu d’enfermement reste difficile.
B – L’accès aux soins des étrangers “confinés” en centre de rétention
34L’enfermement des étrangers à des fins d’éloignement génère sur les populations concernées des situations de grand stress entrainant des réactions somatiques, physiques ou psychiques en chaîne, parfois violentes. Par exemple, les conditions d’arrivée en centre de rétention (arrestation, contrôle d’identité, garde à vue, prison, séparation de la famille, problème de drogues58, etc.) et le risque de renvoi vers le pays d’origine peuvent susciter des troubles de comportement59 et des actes désespérés60 chez les étrangers en instance d’éloignement. L’incendie au centre de rétention de Vincennes en est une triste illustration. Rappelons le contexte : le 21 juin 2008, un étranger retenu mourrait alors qu’il avait en vain demandé ses médicaments aux personnels du centre de rétention. Le lendemain, suite à une marche silencieuse, une révolte a éclaté provoquant un immense incendie.
35L’accès aux soins dans ces moments d’enfermement est crucial et ce d’autant plus que le délai de rétention a été allongé à 32 jours par la loi dite “Sarkozy” du 26 novembre 2003, et le sera encore avec la prochaine loi sur l’immigration en cours d’adoption. Ainsi, la politique des objectifs chiffrés des reconduites à la frontière cumulée avec l’allongement de la procédure génère aujourd’hui des conditions parfois très difficiles de rétention puisque le nombre d’étrangers retenus a augmenté (plus de 35 000 pour l’année 2007). Rappelons, en guise d’illustration sur les effets pervers de cette politique, qu’en octobre 2007, le placement d’un nourrisson moldave de trois semaines en rétention avait suscité beaucoup d’émoi, avant d’être condamné pour traitements inhumains et dégradants par la Cour d’appel de Rennes61 sans pour autant que la pratique ne disparaisse rapidement62.
36Rappelons brièvement l’instauration de ce lieu d’enfermement et surtout les droits des étrangers retenus. Cinq ans après que les médias dénoncèrent la prison “clandestine” du hangar d’Arenc à Marseille pour les étrangers en situation irrégulière, c’est la loi Bonnet et Peyrefitte de 1980 qui autorisa et donc “légitima” au nom du respect de la souveraineté territoriale la privation de liberté d’un étranger sous le coup d’une expulsion ou d’une reconduite à la frontière sur décision administrative. Puis la loi du 29 octobre 1981 légalisa la rétention administrative pour une durée maximale de 7 jours. A cette époque, les lieux de détention étaient très aléatoires ; il faudra attendre 1984 pour que les centres de rétention soient créés (aujourd’hui 24 centres et 11 locaux de rétention). Depuis de cette date jusqu’à la récente ouverture des marchés de centre de rétention à d’autres associations, l’association la Cimade a eu un rôle d’accompagnement social et juridique auprès des étrangers retenus. Les centres de rétention ont tout d’abord été dotés d’un statut administratif officiel par un décret du 19 mars 200163 au prix de longs combats juridictionnels et associatifs. L’article 4 du décret rappelle que “les centres de rétention administrative doivent disposer de locaux et d’espaces aménagés ainsi que d’équipements adaptés de façon à assurer l’hébergement, la restauration et la détente des étrangers, à leur permettre de bénéficier des soins qui leur sont nécessaires et à exercer effectivement leurs droits”. Ce n’est donc que progressivement que les droits garantis en centre de rétention vont être définis (accès aux soins, accès à un conseil, à un téléphone, actions d’accueil, d’information, de soutien moral et psychologique et d’aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ, etc.), souvent “en réaction” aux jurisprudences nationales et européennes64 sur les garanties minimales à octroyer lors de l’enfermement des étrangers (cf. un récent arrêt de la CEDH sur les centres de rétention en Grèce rendu le 22 juillet 2010, A. A. c./Grèce, req. no 12186/08)65.
37La prise en compte de la santé en centre de rétention est une préoccupation relativement récente qui a été systématisée dans la circulaire du 7 décembre 1999 relative au dispositif sanitaire mis en place dans les centres de rétention administrative66. Ainsi est-il recommandé au personnel soignant d’être attentif aux conditions non seulement sanitaires mais aussi psychologiques et/ou psychiatriques de la rétention. “Il est donc de la responsabilité de l’État de mettre en place, au sein des centres de rétention, un dispositif sanitaire de nature à faire face à tout problème de santé, y compris pour des femmes accompagnées de leurs enfants”. Puis c’est la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui, en élargissant la définition du service public hospitalier, précise que doivent être dispensés des examens de diagnostic et des soins “aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier ainsi qu’aux personnes retenues (…)”67. Selon les dispositions du Code de la santé publique, les personnes retenues bénéficient également des services de pharmacie à usage interne des établissements de santé qui assurent les missions de service public68.
38Pendant la durée de leur rétention, les étrangers sont soignés gratuitement. C’est l’État qui prend en charge les dépenses exposées par les établissements de santé à l’occasion de leurs missions de service public69. Ces dépenses engagées par l’hôpital sont prises en charge sous la forme d’une dotation budgétaire spécifique, allouée par la direction de l’immigration au Ministère de l’immigration. Lorsque l’état de santé d’un étranger retenu requiert une hospitalisation, les frais relatifs à cette hospitalisation sont pris en charge selon les règles de droit commun susmentionnées : soit une prise en charge au titre de l’AME ; soit au titre des soins urgents, si la personne est présente sur le territoire national depuis moins de trois mois.
39La circulaire du 7 décembre 1999 précise les conditions dans lesquelles interviennent les établissements hospitaliers publics en centre de rétention. Ces derniers doivent notamment adopter une convention avec les centres de rétention (l’article R 553-9 du CESEDA). Par exemple, depuis le 1er janvier 2000, le service médical du centre de rétention de Vincennes et du dépôt est géré par l’hôpital de la Croix St Simon, suite à la signature d’une convention avec la Préfecture de police. C’est aussi le cas par exemple à Nanterre, où un tel document a été signé en décembre 2007 entre le centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre et le préfet des Hauts-de-Seine, notamment pour prévoir la mise à disposition d’un médecin trois demi-journées par semaine. Néanmoins, le rapport d’information du Sénat portant sur la gestion des centres de rétention administrative, précise que ces conventions ne se sont pas généralisées partout (par exemple il n’en existe pas au sein du local de rétention administrative à Poitiers, à Bastia ou à St Georges70). Puis plus concrètement, “le personnel de santé sera immédiatement informé des arrivées et des sorties des personnes retenues. Les consultations médicales auront lieu à la demande de la personne retenue elle-même ou de l’infirmière, mais éventuellement aussi d’une autre personne intervenant dans le centre, avec l’accord du patient ; elles peuvent être aussi systématiques lors de situations sanitaires le nécessitant. Elles se dérouleront toujours dans la pièce spécifique permettant de préserver le colloque singulier entre médecin et patient et de garantir ainsi la confidentialité”. Il n’y existe donc pas de contrôle médical systématique. Dans ses recommandations71 de novembre 2008 faisant suite à la visite au local de rétention administrative de Choisy le Roi, le contrôleur général des lieux de privation de liberté relève que dans près de 40 % des cas, les étrangers retenus ont recours à une consultation d’un médecin. Lors de la visite du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en octobre 2006 dans certains centres de rétention français, il a été souligné l’importance d’un examen médical systématique à l’admission. Sauf circonstances exceptionnelles, le rapport du CPT précise que “l’entretien/examen médical devrait être effectué le jour même de l’admission. Effectué correctement, un tel contrôle médical devrait notamment permettre d’identifier les retenus ayant des problèmes de santé potentiels (par exemple, toxicomanie, tendances suicidaires, etc.). L’identification de ces problèmes, à un stade suffisamment précoce, faciliterait l’adoption de mesures préventives efficaces. De même, un tel contrôle médical permettrait de consigner, le cas échéant, les lésions de violences préexistantes”72. Ces recommandations n’ont pas été retenues par le gouvernement qui n’a pas encore souhaité les mettre en place. En revanche, le temps de présence des médicaux et infirmiers dans les centres de rétention visités a été jugé globalement satisfaisant par le CPT. Seul le dispositif du centre de rétention de Marseille a soulevé des interrogations au niveau de l’organisation, notamment sur les délais raisonnables des escortes médicales. L’influence et l’interaction73 des droits européens des droits de l’Homme (jurisprudence européenne) et du “droit mou” paneuropéen sur le droit national ont permis dans une certaine mesure à l’État français de faire évoluer l’encadrement juridique des centres de rétention et par la même les droits et les garanties des étrangers dans ce lieu de privation de liberté. L’accès aux soins en fait partie. Notons également que le droit communautaire harmonise depuis peu les garanties procédurales lors de l’éloignement des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Ainsi, l’article 16 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier74 précise que les États doivent accorder une attention particulière “à la situation des personnes vulnérables. Les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés”. De même, l’article 14 insiste sur les garanties procédurales des ressortissants de pays tiers dans l’attente du retour et notamment sur l’octroi des “soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés”.
40Toujours est-il que l’effectivité réelle de l’accès aux soins fait toujours débat, dans les dernières observations75 de la Cimade, il reste des cas où l’accès à la santé en rétention reste difficile. En ce sens, la Mission d’information sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente assurée par les députés du groupe socialiste, radical et citoyen (SRC) de Paris Serge Blisko et George Pau-Langevin proposent des améliorations telles que l’identification des étrangers malades relevant de la psychiatrie afin qu’ils reçoivent un traitement adapté, la révision des « fiches pays » sur la base desquelles les étrangers malades sont renvoyés dans leur pays d’origine et la mise en place d’un protocole particulier pour les femmes enceintes76. Ces propositions vont dans le sens des Normes du CPT, notamment celle qui précise que “tous les lieux utilisés pour la rétention d’étrangers devraient assurer l’accès à des soins médicaux. Une attention particulière est à accorder à l’état physique et psychologique des demandeurs d’asile, dont certains ont pu avoir été torturés ou autrement maltraités dans les pays d’où ils viennent. Le droit à l’accès à un médecin devrait inclure le droit - si le retenu le souhaite - d’être examiné par un médecin de son choix (…)”77.
41Enfin, notons que l’accès aux soins du centre de rétention administrative de Pamandzi à Mayotte, semble difficile78. Selon la Cimade, il n’y a aucune présence médicale ; les étrangers retenus qui souhaitent être examinés par un médecin sont conduits au dispensaire de Petite-Terre. Néanmoins, le caractère nécessaire d’une consultation étant laissé à l’appréciation des policiers, force est de s’interroger sur la pertinence et l’efficacité du dispositif. La Direction départementale des affaires sanitaires et sociales DDASS a néanmoins initié des démarches en vue de mettre en place une présence médicale dans ce centre de rétention. Toutefois, dernièrement, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a de nouveau rappelé dans ses recommandations du 30 juin 2010 relatives au centre de rétention administrative de Pamandzi que “les demandes de consultations médicales sont sélectionnées sans critère objectif par les fonctionnaires préposés à la garde. L’absencede tout enregistrement consignant les demandes de soins ne permet pas de connaître les suites qui y sont apportées.”79
42L’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière hors du centre de rétention à Mayotte est également très contestable.
C – L’accès aux soins des étrangers sans papiers à Mayotte
43Mayotte80 est située à moins de 70 km de l’île d’Anjouan, une des trois autres îles de l’archipel des Comores (Grande Comore, Mohéli, Anjouan). Mayotte et les Comores étaient réunies dans un même protectorat français et ont, de ce fait, développé des liens étroits entre leurs territoires, leurs organisations administratives et leurs populations jusqu’à la scission dans les années 1970. Si les liens ont perduré un temps entre les deux territoires, aujourd’hui les relations se sont durcies en raison des écarts de développement et les flux migratoires que génèrent les Comores. La France a donc consolidé sa législation à l’égard des migrants clandestins comoriens. Le Secrétariat d’État à l’outre-mer81 estime que la population de Mayotte serait composée d’un peu moins d’un tiers d’immigrés clandestins, entre 50 000 et 55 000 (soit un flux annuel de 16 000 clandestins, à peu près l’équivalent au nombre annuel de personnes éloignées). L’accès aux soins de ces clandestins à Mayotte constitue donc un défi pour les politiques publiques en raison notamment du coût non négligeable que cela représente pour la collectivité. En effet, en juillet 2008, le Rapport d’information fait au nom de la Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’immigration clandestine à Mayotte estime que l’immigration clandestine génère au minimum 16 millions d’euros de coûts de fonctionnement pour le centre hospitalier de Mayotte82. Dès lors, la question de l’immigration clandestine et de l’accès à la santé des étrangers sans papiers est prise très au sérieux. Des récentes réformes ont modifié le droit en instaurant un système d’accès aux soins minimal très contestable.
44Certaines dispositions relatives à la protection et à l’action sociales à Mayotte sont distinctes de celles en vigueur en métropole en vertu de l’article LO6113-1 du Code général des collectivités territoriales. La spécificité de la protection maladie de Mayotte est régie par l’ordonnance du 12 juillet 200483, qui a modifié l’ordonnance du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique à Mayotte84. Entrée en vigueur le 1er avril 2005, la nouvelle organisation des soins à Mayotte a d’abord rattaché les dispensaires au centre hospitalier de Mayotte (CHM) afin de pallier l’absence de médecins libéraux et a fait basculer le financement des dispensaires de la collectivité départementale de Mayotte à l’assurance maladie. Mais surtout cette nouvelle législation a, selon nous, remis en cause le principe de la gratuité des soins donc l’accès effectif aux soins pour certaines populations vulnérables. Ainsi, seule la qualité d’assuré social et d’ayant droit de ressortissants français ou d’étrangers remplissant certaines conditions de résidence (régulière)85 permet l’affiliation à l’assurance maladie. Ce qui exclut les Français en attente de la révision de leur état-civil et les étrangers qui ne résident pas régulièrement à Mayotte. Or, pour ces derniers, il n’existe pas d’aide médicale d’État sur le territoire de Mayotte ; dès lors l’accès gratuit aux soins pour les étrangers en situation irrégulière n’est pas garanti à la différence du “droit de la Métropole”. Concrètement, les personnes non affiliées au régime de Mayotte doivent déposer une provision financière86 pour bénéficier des soins dans les établissements publics de santé. Deux exceptions sont néanmoins prévues pour les personnes souffrant des affections graves et dangereuses (AGD) et pour les soins urgents (les cas d’urgence vitale, les infections graves et durables ainsi que les maladies transmissibles, notamment, les cas d’épidémie de choléra). Ces personnes non affiliées, soit près d’un tiers de la population de Mayotte, sont généralement les étrangers sans titre de séjour (souvent les Comoriens) mais aussi une partie de la population mahoraise qui est dans l’incapacité de justifier son état civil87. Rappelons, que 21 % de la population de Mayotte vit sous le seuil de pauvreté ; cette donnée pose de véritables interrogations sur la pertinence de ce dispositif dérogatoire et ses conséquences en termes de santé publique. En effet, à l’instar de Marie-Laure Basilien-Gainche, force est de constater que “depuis le 1er avril 2005 et la suppression de l’accès libre et gratuit au système public de santé quel que soit le statut du malade, les migrants sans papiers éprouvent des difficultés à se faire soigner […]. On comprend que les difficultés d’accès aux praticiens rendent souvent illusoire à Mayotte la possibilité du droit au séjour pour raison de santé. L’interruption des soins faute de ressources pour pouvoir les payer entraîne l’absence du certificat médical de suivi régulier du traitement requis pour que la procédure de régularisation88 aboutisse”89.
45Ce dispositif dérogatoire d’accès aux soins sur le territoire de Mayotte est clairement discriminant au regard de ce qui a été développé précédemment (recommandations du Comité européen des droits sociaux européens et décision du Conseil d’État). Ce traitement d’exception a fait l’objet d’importants commentaires et analyses par les milieux scientifique90 et associatif. En 2008, un collectif d’associations a d’ailleurs saisi en ce sens la HALDE91 et la Défenseure des enfants. Il estimait que “le dispositif spécifique de prise en charge maladie à Mayotte est en effet discriminatoire par rapport à celui de l’ensemble des départements français y compris les départements d’outre mer par l’effet conjoint de deux facteurs : -inexistence de l’AME dont devraient bénéficier les étrangers pauvres exclus de l’assurance maladie (et inexistence de tout dispositif permettant une couverture maladie véritablement universelle) et interprétation des soins urgents plus restrictive, notamment en ce qui concerne les mineurs étrangers. La circulaire relative aux soins urgents (mars 2005) n’est pas applicable à Mayotte alors qu’elle garantit la prise en charge de l’accès aux soins des enfants et des adolescents présumés répondre à la condition d’urgence en raison de leur vulnérabilité particulière”92.
46C’est sans doute la question spécifique de l’accès aux soins des enfants qui soulève les plus vives polémiques. Rappelons que la circulaire du 7 janvier 2008 susmentionnée s’est conformée aux exigences posées par la décision du 7 juin 2006 Association Aides et autres rendue par le Conseil d’État. La circulaire prévoit désormais une inscription automatique de ces mineurs de sans papier à l’AME pour la prise en charge de leurs soins. Pourtant, la situation à Mayotte n’a pas changé de suite. En octobre 2008, la défenseure des enfants93 a alors alerté le gouvernement sur cette question après sa visite sur place. En effet, demeurait en application une note du Ministère réaffirmant le dispositif relatif à la gratuité des soins prévus par l’ordonnance du 12 juillet 2004 et refusant le principe d’une extension pour Mayotte de la définition des soins urgents. Aucune réponse du gouvernement n’a été donnée laissant encore une inconventionnalité du dispositif d’accès aux soins à Mayotte au regard de la Convention internationale des droits des enfants (cf. arrêt précité Conseil d’Etat du 7 juin 2006, Association Aides et autres). Le Collectif Migrants-Mayotte et le Collectif Mom Migrants Outre mer ont réitéré, en janvier 2009, leur réclamation94 concernant les carences et les discriminations en matière d’assurance maladie et d’accès aux soins à Mayotte, auprès de la HALDE et de la Défenseure des enfants. Ils ont obtenu gain de cause en juin 2009 pour l’instant sur le seul aspect de la prise en charge des soins des mineurs (les “évacués sanitaires”), transférés vers la Réunion ou la Métropole pour y être soignés95. Dans cette hypothèse, ils bénéficient de l’AME puisqu’ils résident en France même si c’est de manière irrégulière. Reste que le dispositif dérogatoire d’accès aux soins à Mayotte est maintenu. En mars 2010, la Halde96 a conclu à l’exitence de discrimination dans l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière et de leurs enfants ainsi que des mineurs étrangers en situation irrégulière résidant à Mayotte.
47L’ensemble de nos analyses montre que la rationalisation des flux migratoires, la lutte contre l’immigration clandestine et l’augmentation des contrôles migratoires imprègnent le statut social des étrangers. Les politiques migratoires ont progressivement laminé l’un des plus importants droits à la santé celui de l’accès gratuit aux soins. Pourtant, l’un des enjeux de la politique de santé publique est de lutter contre les inégalités sociales et notamment celles qui touchent l’accès aux soins. Une question reste posée : l’accès aux soins doit-il dépendre de la régularité du séjour, de la stabilité de la résidence ou d’une autre situation administrative de l’individu malade ? Rappelons que l’accès aux soins de santé est un préalable essentiel à la dignité humaine. L’accueil sanitaire et l’accès aux soins des étrangers sont le reflet de la solidarité sociale de notre État. Or, leurs restrictions successives soulignent avec éclat combien cette solidarité semble aujourd’hui bien mal menée.
Notes de bas de page
1 COMEDE, Guide pratique destiné aux professionnels sur la prise en charge médicopsycho-sociale des migrants/étrangers en situation précaire, 2008, 618 p. ; http://www.comede.org/IMG/pdf/guide-comede08.pdf.
2 Ibid., p. 171.
3 Plus exactement la prise en charge à 100 % des soins, des prescriptions médicales et forfait hospitalier dans la limite des tarifs conventionnels ou des tarifs forfaitaires de responsabilité.
4 Avant la réforme de 1999, l’aide médicale était financée par les départements.
5 Loi no 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, JORF 29 août 1993. DC no 325-DC du 13 août 1993, Recueil, p. 224. RJC, p. I-539. Publiée au JORF du 18 août 1993, p. 11722. Cette loi généralise la condition de régularité du séjour pour accéder aux prestations de sécurité sociale.
6 Alinéa 11 du Préambule de 1946 “Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence”.
7 La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), le Pacte international du 19 décembre 1966, relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte sociale européenne, la CEDH, Convention de l’OIT (no 118) sur l’égalité de traitement, et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et son article 28 “ les travailleurs migrants et les membres de leur famille ont le droit de recevoir tous les soins médicaux qui sont nécessaires d’urgence pour préserver la vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État en cause. De tels soins médicaux ne leur sont pas refusés en raison d’une quelconque irrégularité en matière de séjour ou d’emploi”. Cette Convention est entrée en vigueur en 2003, la France ne l’a toujours pas ratifiée.
8 Toutefois, tous les droits sociaux n’étaient pas offerts aux étrangers, discrimination justifiée par la non-appartenance à l’État français.
9 Par exemple en 1975 : la loi sur l’IVG fait dépendre la prise en charge et le droit de faire une IVG à la détention d’un titre de séjour de plus de 3 mois. En 1978, la mise en place de l’assurance personnelle prévoyait l’exigence d’un titre de séjour.
10 Instaurée depuis le 1er janvier 2000 par la loi du 27 juillet 1999 no 99-641 portant création d’une couverture maladie universelle.
11 Le Code de la sécurité sociale a prévu des exceptions à la condition de résidence stable et régulière dans l’article L 380-3 : les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France, les fonctionnaires d’un État étranger et personnes assimilées, ainsi que les membres de leur famille qui les accompagnent, les personnes qui sont venues en France pour suivre un traitement médical ou une cure, etc.
12 “Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861-1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens des articles L. 161-14 et L. 313-3 de ce code, à l’aide médicale de l’Etat. En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale de l’Etat dans les conditions prévues par l’article L. 252-1. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l’article L. 251-2 peut être partielle. De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu’elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l’aide médicale de l’Etat, dans des conditions définies par décret.”
13 Pour de plus amples informations cf. A. TOULLIER, “Aide médicale d’État : les sociaux fondamentaux bafoués”, Droit social, novembre 2005, p. 1013. Voir aussi sur cette question A. DEVERS, “La protection de la santé de l’étranger en situation irrégulière”, R. D. S. S., 2001, pp. 241-262. M. D’ORLOFF-KHATIMI, La protection sociale des étrangers en France, Quel droit à la santé pour les étrangers en situation irrégulière, Thèse de Droit, Université d’Aix-Marseille, 2000, pp. 257 et s.
14 ROMEUROPE (2008), Rapport 2007-2008, Collectif national droits de l’Homme Romeurope, septembre 2008, 172 pages (www.romeurope.org)
15 MATH Antoine, “Droit à la santé des ressortissants communautaires vivant en France : les difficultés d’accès à la protection maladie et aux soins”, Hommes et Migrations, no 1282, novembre-décembre 2009.
16 Il bénéficie de l’AME en effet, la circulaire ministérielle du 23 novembre 2007 relative à l’accès des ressortissants communautaires à la CMU refuse la CMU de base aux ressortissants communautaires inactifs.
17 Memorandum de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, faisant suite à sa visite en France du 21 au 23 mai 2008, 20 novembre 2008, Strasbourg, 67 pages (www.coe.int/t/commissioner).
18 Les documents de travail du Sénat, série Légalisation comparée, L’accès des étrangers en situation irrégulière au système de santé, no L. C. 160, mars 2006.
19 Observatoire européen de l’accès aux soins de Médecin du Monde, L’accès aux soins des personnes sans autorisation de séjour dans onze pays d’Europe, septembre 2009, 156 p. et L’accès aux soins en Europe, un droit non respecté, septembre 2009, 24 p.
20 La loi danoise limite l’accès aux soins aux seuls traitements urgents des étrangers irréguliers, Rapport du Sénat, op. cit., p. 6
21 Pour 2006, le financement de l’AME s’élève à un peu plus de 230 millions d’€. Pour une critique des coûts de l’AME annoncés par le gouvernement, voir l’article de CARDE Estelle, “Quinze ans de réforme de l’accès à une couverture maladie des sans papiers : de l’aide sociale aux politiques d’immigration”, Mouvements, no 59, juillet-septembre 2009, p. 153 et s. (Sous dotation systématique du budget voté pour l’AME au regard de son coût réel prévisible)
22 Voir en ce sens l’étude de l’I. G. A. S., Rapport sur la gestion de l’Aide médicale d’État, Mission d’audit de modernisation, no 2006-M-085-02 et RM2007-026P, mai 2007, 183 p.
23 Loi de finances rectificative pour 2002, no 2002-1576 du 30 décembre 2002, JORF no 304 du 31 décembre 2002 p. 22070.
24 Loi de finances rectificative pour 2003, no 2003-1312 du 30 décembre 2003, JORF no 302 du 31 décembre 2003, p. 22594.
25 Les soins urgents sont destinés à éviter la propagation d’une pathologie à l’entourage ou à la collectivité (pathologies infectieuses transmissibles telles que la tuberculose ou le sida). Cf. Circulaire DHOS/DSS/DGAS no 141 du 16 mars 2005.
26 Art. L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.
27 Circulaire no DH/AF1/DGS/SP2/DAS/RV3/98/736 du 17 décembre 1998 relative à la mission de lutte contre l'exclusion sociale des établissements de santé participant au service public hospitalier et à l'accès aux soins des personnes les plus démunies.
28 Article L 251-1 alinéa 2 du Code de l’action sociale et des familles. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l’article L. 251-2 peut être partielle.
29 Décret no 2005-860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d’admission des demandes d’aide médicale de l’Etat, JORF du 29 juillet 2005. Décret no 2005-859 du 28 juillet 2005 relatif à l’aide médicale de l’Etat et modifiant le décret no 54-883 du 2 septembre 1954 modifié pris pour l’application de l’ensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois d’assistance, JORF du 29 juillet 2005.
30 Cf. les difficultés pratiques pour établir la régularité de résidence (multiplicité de définition et de titres de séjour) ou encore pour prouver la résidence ininterrompue de plus de trois mois.
31 Proposition de loi visant à réformer l’aide médicale de l’État, no 454, présentée par Thierry MARIANI et Claude GOASGUEN, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2007, p. 5.
32 ODSE, Rapport sur La régularisation pour raison médicale, un bilan de santé alarmant 1998-2008 : dix ans d’application, du droit au séjour des étrangers malades, mai 2008, p. 42.
33 Loi no 2007-1822 du 24 décembre 2007 - art. 121. Nouvel article 252-2 du Code de l’action sociale et des familles : “La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne : 1° Les frais définis aux 1°, 2°, 4°, 6°, de l’article L. 321-1 et à l’article L. 331-2 du code de la sécurité sociale par application des tarifs servant de base au calcul des prestations de l’assurance maladie ; 2° Le forfait journalier, institué par l’article L. 174-4 du même code pour les mineurs et, pour les autres bénéficiaires, dans les conditions fixées au dernier alinéa du présent article. Sauf lorsque les frais sont engagés au profit d’un mineur ou dans l’un des cas mentionnés aux 1° à 4°, 10°, 11°, 15° et 16° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, une participation des bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat est fixée dans les conditions énoncées à l’article L. 322-2 et à la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code. Les dépenses restant à la charge du bénéficiaire en application du présent article sont limitées dans des conditions fixées par décret. La prise en charge mentionnée au premier alinéa est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l’acceptation par les personnes mentionnées à l’article L. 251-1 d’un médicament générique, sauf : 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ; 2° Lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ; 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique”.
34 ODSE, op. cit., mai 2008, p. 42.
35 Article L315-1 modifié par l’art 116 de la loi no 2007-1786 du 19 décembre 2007.
36 JORF no 0172 du 28 juillet 2009 p. 12539.
37 ODSE, op. cit., mai 2008, p. 180.
38 Réclamation no 14/2003 Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) c./France.
39 “Droit à l’assistance sociale et médicale, en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à l’assistance sociale et médicale, les Parties s’engagent : 1. à veiller à ce que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes et qui n’est pas en mesure de se procurer celles-ci par ses propres moyens ou de les recevoir d’une autre source, notamment par des prestations résultant d’un régime de sécurité sociale, puisse obtenir une assistance appropriée et, en cas de maladie, les soins nécessités par son état”.
40 “Droit des enfants et des adolescents à une protection sociale, juridique et économique. En vue d’assurer aux enfants et aux adolescents l’exercice effectif du droit de grandir dans un milieu favorable à l’épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes physiques et mentales, les Parties s’engagent à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques ou privées, toutes les mesures nécessaires et appropriées tendant : 1. à assurer aux enfants et aux adolescents, compte tenu des droits et des devoirs des parents, les soins, l’assistance, l’éducation et la formation dont ils ont besoin, notamment en prévoyant la création ou le maintien d’institutions ou de services adéquats et suffisants à cette fin”.
41 Circulaire DHOS/DSS/DGAS no 141 du 16 mars 2005.
42 La “déclaration de Philadelphie” du 10 mai 1944, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’article 13 et 17 de la Charte sociale européenne révisée, l’article 6 de la convention no 97 de l’OIT relative aux travailleurs migrants, l’article 3-1 de la convention de l’OIT no 118, l’article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1er de son 1er protocole additionnel et l’article 3 de la CIDE.
43 CE 7 juin 2006, Association aides et autres, req. no 285576, AJDA, p. 1189. Conclusion de Christophe Devys, “La réforme de l’aide médicale d’État censurée par le Conseil d’État, CE 7 juin 2006 association Aides et autres”, Droit social, no 11 novembre 2006, p. 1037-1042.
44 Cf. aussi CE 18 juillet 2006, GISTI, req. no 274664 et CE 18 juillet 2006, Ka, req. no 286122
45 Cf. notre thèse : COURNIL Christel, Le statut interne de l’étranger et les normes supranationales, édition L’Harmattan, collection Logiques Juridiques, 740 pp.
46 Circulaire ministérielle DSS/2A/DGAS/DHOS no 2008-04 du 7 janvier 2008 modifiant la circulaire DHOS/DSS/DGAS no 2005-141 du 16 mars 2005 relative à la prise en charge des soins urgents délivrés à des étrangers résidant en France de manière irrégulière et non bénéficiaires de l’aide médicale d’État.
47 La circulaire précise à cet égard que si “les ressortissants communautaires disposent bien d’une liberté de circulation dans l’Union européenne, ils ne disposent pas pour autant d’une totale liberté d’installation et de résidence en France et peuvent donc se trouver en situation irrégulière au regard des dispositions qui régissent l’entrée et le séjour sur notre territoire, notamment si, venant s’installer durablement en France, ils ne disposent pas d’une assurance maladie”.
48 Ph. TAUGOURDEAU, Défense de soigner pendant les expulsions, Flammarion, janvier 2007.
49 “L’étranger maintenu en zone d’attente est informé, dans les meilleurs délais, qu’il peut demander l’assistance d’un interprète et d’un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d’attente pour toute destination située hors de France. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu’il comprend. (…)”.
50 CNDS, Rapport 2007, Etudes sur l’accès aux soins des personnes privées de liberté, http://www.liddell.fm/ra_2007/etude_2007.pdf. Sur les 127 saisines de la Commission traitant de problèmes relatifs à l’accès aux soins, 17 révélaient des manquements à l’accès aux soins en zone d’attente et en centre de rétention administrative.
51 Rapport de Médecin du Monde, La zone d’attente de Roissy, une zone de non-droit, 2002, Violences policières en zone d’attente ; Rapport de l’ANAFÉ, 2002, Zone d’attente : 10 ans après, les difficultés persistent. Visites quotidiennes à Roissy en mai 2002.
52 Une première requête concernant des Tamoules maintenus en 1991 dans la zone internationale dans l’Hôtel Arcade, avait été portée devant la Commission pour violation de l’article 5. (Décision 16 octobre 1992, req. no 18560/91, RUDH, 1993, p. 74) Celle-ci avait accepté la recevabilité de la demande. Mais cette affaire avait été finalement radiée en 1994. Requête no 18560/91 D.S., S.N. et B. T. c./France, rapport de la Commission adopté le 5 septembre 1994.
53 Décision no 92-307 du 25 février 1992, JORF 27 février 1992, Rec. p. 48
54 Loi no 92-625 du 6 juillet 1992 sur les zones d’attente des ports et aéroports portant modification de l’ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
55 Rapport de M. Alvaro GIL-ROBLES, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, suite à sa visite du 5 au 21 septembre 2005, 15 février 2006.
56 Voir sur ces questions Chowra MAKAREMI, « Prisonniers du passage ». Conditions de vie des étrangers qui attendent aux frontières des démocraties européennes. Le cas de la zone d’Attente pour Personnes en Instance de Roissy Charles de Gaulle, Mémoire Institut d’Études Politiques de Paris - Master 2 de Relations Internationales, septembre 2005, p. 64 et s.
57 ANAFE, compte rendu des visites en ZAPI 4, janvier 2008.
58 “Le personnel médical des CRA de Mesnil-Amelot et Marseille est confronté à un nombre croissant de retenus particulièrement agressifs, sortants d’incarcération ou drogués. Les infirmières ne reçoivent parfois les retenus qu’avec la porte ouverte et la présence d’un gendarme ou policier dans le couloir, ce qui pose le problème de la confidentialité que devrait nécessairement revêtir ce genre d’entretien” in Rapport d’information fait au nom de la commission des finances (1) sur l’enquête de la Cour des comptes relative à la gestion des centres de rétention administrative, par M. Pierre Bernard-Reymond, 3 juillet 2009, p. 50.
59 Voir en ce sens l’analyse de Nicolas FISHER sur l’utilisation du “corps” comme moyen de lutte juridique en centre de rétention : “Le corps comme champ de bataille. Politiques de l’humanitaire dans les centres de rétention français”, in Chowra MAKAREMI et Carolina KOBELINSKY, Le confinement des étrangers en Europe : perspectives de terrain, Paris, Éditions du Croquant, 2009.
60 Les récents faits divers l’ont montré même si ces derniers ne se passaient pas dans un centre de rétention : défenestration de Chulan Zhang Liu à Belleville en 2007, suicide par pendaison de John Maina en 2008, etc.
61 Cour d’appel de Rennes, ordonnance 23 octobre 2007.
62 242 enfants de tous âges pour l’année 2007, Rapport CIMADE 2007, Centre et locaux de rétention administrative, p. 4.
63 Décret no 2001-236 du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative.
64 Cf. nos analyses COURNIL Christel, op. cit, p. 425-464.
65 §64. Compte tenu de la suspicion de fracture exposée par le médecin du centre, de l’état général de la santé du requérant et aussi des conditions de vie dans le centre de détention de Samos, la Cour considère que les retards mis par les autorités à réagir aux demandes du médecin pour apporter des soins satisfaisants au requérant ont eu des conséquences atteignant le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention. §65. Il y a donc eu violation de cet article tant en raison des conditions de vie prévalant dans le centre de détention, ayant entraîné à l’encontre du requérant un traitement dégradant, qu’en raison du manque de diligence des autorités de lui apporter une assistance médicale appropriée.
66 Circulaire no 99-677 du 7 décembre 1999 relative au dispositif sanitaire mis en place dans les centres de rétention administrative DPM/CT/DH/DLPAJ/DEF/GEND.
67 Article L 6112-1 du Code de la santé publique récemment modifié par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
68 Article L5126-9 du Code de la santé publique.
69 Article L 6112-8 du Code de la santé publique.
70 Rapport d’information sur l’enquête de la Cour des comptes relative à la gestion des centres de rétention administrative, op. cit, p. 66.
71 http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2009/04/rapport-de-visite-lra-choisy.pdf (p. 5).
72 Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 27 septembre au 9 octobre 2006, Strasbourg, 10 décembre 2007, § 83 et 84.
73 COURNIL Christel, op. cit., p. 500-512 sur le rôle incitatif du travail du Conseil de l’Europe.
74 JOUE no L 348 du 24 décembre 2008.
75 CIMADE, Rapport 2007 sur les centres et locaux de rétention administrative, avril 2008, 296 p. et CIMADE, Rapport 2008 sur les centres et locaux de rétention administrative, novembre 2009, 418 p.
76 Mission d’information sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente, Serge BLISKO et George PAU-LANGEVIN, députés du groupe socialiste, radical et citoyen (SRC) de Paris, 2009, p. 11.
77 CPT, Les normes du CPT Chapitres des rapports généraux du CPT consacrés à des questions de fond, 2006, p. 42, point 31.
78 Voir la visite inopinée des quatre délégués du contrôleur général des lieux de privation de liberté en juin 2009, faisant sans doute suite aux critiques de décembre 2008 par la commission européenne relatives aux conditions de rétention du CRA de Mayotte.
79 Recommandations du 30 juin 2010, JORF du 25 juillet 2010, Texte 30 sur 57.
80 Jusqu’en 2011, Mayotte est une collectivité départementale d’outre mer, elle deviendra après cette date un département d’outre-mer suite au résultat du référendum de mars 2009.
81 Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’immigration clandestine à Mayotte, No 461, 10 juillet 2008, par M. Henri TORRE, p. 27.
82 Ibid.
83 Ordonnance no 2004-688 du 12 juillet 2004 relative à l’adaptation du droit de la santé publique et de la sécurité sociale à Mayotte, JORF no 161 du 13 juillet 2004, p. 12659.
84 Ordonnance no 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique à Mayotte.
85 L’article 19 de l’ordonnance no 96-1122 modifiée, 1° “Toute personne majeure de nationalité française résidant à Mayotte, (…) ; 2° Toute personne majeure de nationalité étrangère en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers applicable à Mayotte, autorisée à séjourner sur le territoire de cette collectivité territoriale pour une durée supérieure à trois mois ou y résidant effectivement depuis trois mois.”
86 La provision versée est, par exemple, de 10 euros pour une consultation en dispensaire (incluant la délivrance de médicaments et les consultations secondaires liées à la même affection), de 15 euros pour des soins dentaires, de 30 euros pour un accueil aux urgences, de 50 euros par jour pour une hospitalisation de jour en médecine ou encore de 300 euros pour le suivi d’une grossesse et l’accouchement.
87 “Il est difficile d’opérer une distinction entre Comoriens mahorais et Comoriens non mahorais, pour des raisons à la fois historiques (appartenance à une même communauté culturelle comorienne) et juridiques (absence d’un système d’état civil avant 2000)” in “Les clandestins de Mayotte et le droit à la santé : un droit dérogatoire versus les droits fondamentaux” par Marie-Laure BASILIEN-GAINCHE, à Paris à l’EHESS, du 18 au 20 septembre 2008. http://www.reseau-terra.eu/IMG/doc/mlbg_clandestins_mayotte.doc.
88 Article L-313-11 11° CESEDA.
89 Marie-Laure BASILIEN-GAINCHE, op. cit.
90 Pour plus de détails voir l’excellente analyse de Marie-Laure BASILIEN-GAINCHE, op. cit. ; INSERM (2008), Santé et migration à Mayotte, rapport de l’INSERM, 30 avril 2008 http://www.gisti.org/IMG/pdf/OM_Mayotte_rapport_2008-04-30.pdf. S. FLORENCE, J. LEBAS, I. PARIZOT, D. SISSOKO, V. PIERRE, C. PAQUET, S. LESIEUR, P. CHAUVIN (2008), “Migration, santé et recours aux soins à Mayotte en 2007 : enseignements d’une enquête représentative en population générale”, Congrès national des Observatoires régionaux de la santé 2008 – Les inégalités de santé, Marseille, 16-17 octobre 2008, http://www.congresors-inegalitesdesante.fr/communications/D2.pdf. Médecins du Monde (2007), Rapport d’évaluation sur l’accès aux soins à Mayotte du 15 janvier au 15 juin 2007, http://www.medecinsdumonde.org/fr/publications/les_rapports/rapport_d_evaluation_sur_l_acces_aux_soins_mission_mayotte_15_janvier_15_ juin_2007. SAKOYAN Juliette, “Les effets sanitaires d’une réforme administrative. La mise en place de la Sécurité sociale à Mayotte”, Les dossiers d’AMADES, dossier no 5, septembre 2006.
91 Saisine par AIDES, Cimade, Collectif Migrants-Mayotte, Gisti et Médecins du Monde relative à l’impossibilité d’accès aux soins pour les étrangers en situation précaire à Mayotte (22 février 2008), http://www.gisti.org/spip.php?article1090.
92 Ibid.
93 Regard de la Défenseure des enfants sur la situation des mineures à Mayotte, annexe au rapport 2008, octobre 2008, 25 p., http://www.defenseurdesenfants.fr/pdf/MAYOTTE_COMP.pdf. Voir p. 8-10.
94 Saisine de la Halde et de la Défenseure des enfants concernant les carences et discriminations en matière d’accès à une protection maladie et d’accès aux soins à Mayotte, janvier 2009.
95 CNAM, point CMU no 81.
96 Halde, Avis sur l’accès aux soins des étrangers et des mineurs isolés à Mayotte, Délibération no 2010-87 du 1er mars 2010.
Auteur
Maître de conférences en droit public à l’Université Paris 13, IRIS, Associée au CERAP
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