Le droit d’accès aux soins : un droit fondamental ?
p. 37-71
Texte intégral
1Selon un sondage Ipsos1 pour le Secours populaire français de 2009, près de quatre Français sur dix (39 %) ont déjà renoncé à un soin, ou l’ont retardé, en raison de son coût. L’achat de prothèses dentaires est le soin le plus souvent sacrifié ou retardé (par 31 % des personnes interrogées), suivi de l’achat de lunettes ou de lentilles de contact (29 %), une consultation chez un spécialiste (24 %), un dentiste (23 %), un ophtalmologiste (19 %), l’achat de médicaments (18 %), des radios ou analyses en laboratoire (16 %), une consultation chez un généraliste (14 %), chez un psychiatre ou psychologue (11 %).
2Le rapport présenté par M. Bernier au nom de la Mission d’information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, en 2009, a relevé que les principales difficultés d’accès aux soins tiennent à l’apparition de véritables déserts médicaux, à la défaillance du dispositif de permanence de soin et, parfois, à l’absence de soins à tarif opposable2.
3Les menaces pesant sur le droit d’accès aux soins devraient s’alourdir encore dans les années à venir dans la mesure où le développement de la médecine prédictive et les intérêts des assureurs pourraient amener à conditionner l’accès aux prestations sociales et assurancielles, au respect de normes médicales ou comportementales, passant “de l’ère de la fatalité à l’ère de la causalité”3. Paradoxalement, la proclamation juridique d’un droit général et illimité à l’accès aux soins pourrait devenir un facteur de déséquilibre dans le cadre d’une ressource coûteuse. Comment, en effet, maintenir l’accès aux soins quand, “tout individu, sans discrimination, notamment sans référence à des niveaux de revenus, peut le faire librement (en choisissant son médecin, son établissement...)4”.
4La question de l’accès aux soins réside au coeur des contradictions contemporaines qui animent le système sanitaire français, pris entre, d’une part, l’extrême développement des politiques de santé publique, hésitant entre accès aux soins et maîtrise des dépenses de santé, et d’autre part l’indépendance reconnue aux médecins, le caractère libéral de l’exercice de la médecine et la liberté du choix du praticien. Comme l’indique le Code de la sécurité sociale : “dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d’exercice de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d’installation du médecin,...” (art. L. 162-2).
5L’accès aux soins présente l’aspect le plus tangible, le plus exigible même, du droit “générique” à la santé. Comme l’écrit M. Bélanger : “c’est l’accès à la santé qui est véritablement un droit. Le droit à la santé est alors “un programme, un objectif”5. Car bien sûr n’existe nul droit à être en bonne santé et “droit à la santé” signifie pouvoir être soigné de manière adaptée. Comme partie la plus subjective du droit à la santé, l’accès aux soins impliquerait une obligation de résultat6 en dépit d’une faible cohérence conceptuelle. Sachant qu’on ne trouvera pas “un” malade, ni un profil de soins, si l’affichage évoque bien un accès aux soins, il se traduira par des niveaux d’exigibilité divers. Ainsi, l’article L. 1411-11 CSP peine-t-il à définir les contours des soins de “premiers recours”, plus nécessaires semble-t-il que les autres, et s’en remet aux schémas définis par l’ARS...
6La notion de “soins” mérite donc d’être circonscrite ici pour en retenir une conception étroite. En effet, peuvent être qualifiés de soins tous les actes médicaux, même non thérapeutiques comme l’assistance médicale à la procréation, la chirurgie esthétique non réparatrice, l’interruption volontaire de grossesse et plus généralement les “soins de support” ou de confort. On se souvient que l’article 70 du 27 juillet 1999 modifiait l’article 16-3 du Code civil en vue de remplacer le mot “thérapeutique” par le mont “médical”. Cela permet d’élargir la notion d’acte médical ou de soin, elle-même liée à l’intégrité physique. L’article 36 de la loi 2009-879 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires définit très largement les soins. L’art. L. 6112-2 CSP visait les soins curatifs (ceux qui traitent une pathologie physique ou mentale), mais aussi les soins préventifs et palliatifs, par exemple, pour l’accès aux soins de premiers recours (art L1411-11) qui comprennent la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ; la dispensation et l’administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ; l’orientation dans le système de soins et le secteur médico social ; l’éducation pour la santé. L’accès à chacun de ces types de soins n’est pas pour autant garanti par des sources supra-législatives qui n’entrent pas dans ce luxe de détails. Certains se voit donc accorder une priorité et d’autre doivent être écartés dans leur spécificité. On pourra développer à leur sujet la distinction, parfois posée, entre droit et liberté. En effet, l’accès à ces soins consiste le plus souvent en une liberté, qui prend parfois la forme d’un droit créance lorsque leur remboursement par l’assurance-maladie ou la pénalisation de comportements d’entrave à l’accès à ces soins font de l’état de débiteur identifié de l’accès à ces soins. Cet aspect pourrait être longuement développé, la matière des soins thérapeutiques suffira d’ores et déjà à nourrir cette contribution. On ne développera pas non plus des hypothèses de soins certes éventuels ou hypothétiques mais dont la liberté personnelle pourrait tendre à reconnaître le droit à ne pas s’en fermer l’accès7. On pense ici, notamment, aux greffes autologues de sang de cordon ombilical qui exigeraient l’ouverture de banques de sang privées pour l’instant non-autorisées en France8.
7On ne développera ainsi pas les problèmes liés à l’organisation de l’offre de soins dans le domaine de la procréation assistée et du diagnostic prénatal. Selon le rapport parlementaire préalable à la révision des lois de bioéthique9, le bilan de la mise en application de la loi du 6 août 2004 fait apparaître des difficultés liées à la complexité du dispositif d’agrément des praticiens. Le régime d’autorisation des établissements est partagé entre l’Agence de la biomédecine et les Agences régionales de santé.
8On écartera également les nombreuses questions touchant à la qualité des soins ainsi que celle de l’information relative au choix de recourir à ces soins. Le droit d’accéder aux soins les plus appropriés à l’état de la personne implique la recherche systématique du meilleur traitement dont l’efficacité est reconnue par rapport aux risques encourus, tout en rappelant l’obligation de sécurité qui s’impose à tout fournisseur de produit. Le droit de la responsabilité dessine en creux la réalité des obligations mais d’autres intervenants pourront exposer ces aspects.
9La vaste question du consentement médical, intrinsèquement liée à celle de l’accès aux soins, doit au demeurant être aussi mise de côté. Dans le prolongement, il en va de même de la redoutable question du refus de soins opéré par le patient10. S’il va de soi que le droit d’accès aux soins dispose d’un volet négatif dans ce refus, on ne peut ici le développer11.
10Une autre façon d’aborder le sujet consisterait à examiner la question de l’accès aux services de secours, en montagne, en spéléologie, en mer... Quelques exemples récents ont alerté sur le coût exorbitant constitué par la pratique de certains loisirs impliquant éventuellement, après imprudence, l’action des secours. La fin de leur gratuité convoquerait le problème de l’accès aux soins.
11L’accès aux soins se présente parfois plus comme liberté que comme créance alors même qu’il est un droit “social”. Il se présente avant tout comme un droit pluriel, comportant plusieurs titulaires et plusieurs débiteurs. Le titulaire de ce droit, en principe la personne humaine, inclut également, dans certains pays, l’enfant à naître. A Madagascar, par exemple, la Constitution de 1992, en son article 19, dispose que “l’Etat reconnaît à tout individu le droit à la protection de sa santé dès la conception”. De fait, l’accès à la médecine prénatale, soulève un certain nombre de problèmes spécifiques, que l’on ne peut traiter ici. Ajoutons que la Cour allemande considère aussi que la protection du foetus implique pour l’État d’autres formes d’obligations positives telles que l’accès aux soins de proximité pour la femme enceinte12.
12Pour revenir au droit français, on sera vite surpris de voir que les titulaires réels du droit à l’accès aux soins relèvent davantage de catégories établies par les textes. Il s’agira très souvent de protéger une situation (le salarié, l’étranger, le vieux travailleur, le détenu, la personne handicapée…) ou une catégorie de population (l’enfant, la femme,…), en définitive, toutes sortes de “figures de la vulnérabilité sociale”. Le choix d’un droit fondamental le plus large possible se concrétise ainsi par des privilèges consacrés par l’Etat.
13L’Etat se trouve bien sûr en première ligne des débiteurs, sous les traits d’un service public constitutionnel. Pour autant, la démocratisation du système sanitaire apporte sa pierre au développement des droits fondamentaux des malades : “Même si elle n’apparaît pas déterminante, la participation accrue des usagers sous toutes ses formes, semble aujourd’hui devoir alors s’analyser comme la mise en œuvre d’une véritable démocratie en matière sanitaire” écrit en ce sens Isabel Soto-Loiseau13. La formulation même retenue par l’article L. 1110-1 du code de la santé publique crée un effet horizontal du droit constitutionnel et international à l’accès aux soins. Désormais, ce sont les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d’assurance-maladie, et tous autres organismes participant à la prévention et aux soins ainsi qu’aux autorités sanitaires qu’il incombe de garantir l’accès au système sanitaire. N’oublions pas en outre les entreprises, les employeurs, les parents et l’individu lui-même devant parfois se soumettre à des soins dans son intérêt et celui de tous14. Cette multiplicité de débiteurs fait du droit à l’accès aux soins l’objet d’une multiplicité de supports juridiques : contrat de travail, droit statutaire de la famille, obligation du système éducatif, etc. L’individu, appelé à la responsabilisation, devient aussi le débiteur des conditions de la pérennité de l’accès aux soins.
14Pour clarifier un peu les choses on peut exposer que le droit d’accès aux soins présente deux faces : la première, de droit commun, est celle d’un droit objectif, consacré pour tous et dépendant des politiques publiques d’offre de soins, mais non “subjectivisé” car aucune procédure juridictionnelle efficace, encore moins spécifique, n’existe. En attestent l’absence de contentieux ou le refus d’ouvrir la procédure de référé-sauvegarde. La seconde face serait celle d’un droit subjectif, reconnu comme tel grâce à ses formes de juridicisation, notamment la judiciarisation. Mais le droit à l’accès aux soins se révèle alors plutôt catégoriel, garanti à certaines catégories ou situations seulement : les victimes de conflits armés, les enfants, les étrangers, les personnes handicapées, les malades en fin de vie, les gens du voyage… Toutes situations de vulnérabilité dans lesquelles des procédures plus ou moins spécifiques existent, faisant du droit d’accès aux soins un droit de l’homme partiellement opposable.
I – UN DROIT LARGEMENT PROCLAMÉ COMME DROIT FONDAMENTAL
15Pour reprendre les termes de Mme Feuillet : “il apparaît comme l’un des droits fondamentaux de la personne en ce qu’il serait inhumain de ne pas soigner une personne malade alors que des moyens de le faire existent, mais il constitue aussi le plus fondamental des droits des malades en ce qu’il est à la base de l’acte médical. En fait, l’expression d’accès aux soins revient à reconnaître un droit d’accéder aux soins, expression rarement utilisée”15.
16Le droit d’accès aux soins trouve sa formulation solennelle au niveau législatif, à l’article L1110-1 CSP comme composante du “droit fondamental à la protection de la santé”. Les différents niveaux du système de santé (les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d’assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires) “contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible”.
17La consécration du droit à l’accès aux soins apparaît sous deux formes différentes, soit directement, explicitement soit par d’autres droits, par “ricochet”.
A – En tant que tel
18Le premier droit de la personne malade est de pouvoir accéder aux soins que son état nécessite, quels que soient ses revenus ; ce sont les principes d’égal accès aux soins et de libre accès aux soins garantis aux usagers par le système de protection sociale mis en place en 1945 et fondé sur la solidarité. Le droit à l’accès aux soins peut être explicitement consacré mais on peut aussi considérer qu’il l’est comme composante d’un droit général à la santé qui l’implique nécessairement.
1) Les formulations explicites
19Le droit à l’accès aux soins a reçu plusieurs formulations législatives explicites. La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l’exclusion, avait déjà garanti “l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé (…). L’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies constituent un objectif prioritaire de la politique de santé”. Viennent ensuite la loi relative à la couverture maladie universelle puis la loi sur les droits des malades de 2002. La loi de 2009 relative à la réforme de l’hôpital a entendu redéfinir les missions des centres hospitaliers et plus généralement des établissements de santé. Désormais, la permanence des soins, la prise en charge des soins palliatifs font partie des priorités des missions de service public sans distinction selon la nature privée ou publique de l’établissement. Dans le cadre de ces missions, l’égal accès à des soins de qualité et la permanence de l’accueil et de la prise en charge doivent être garantis. Le Conseil constitutionnel a pu ainsi formuler une réserve d’interprétation faisant porter le poids de la réalisation de cet exercice continu des missions de service public par l’Agence Régionale de Santé qui doit se charger de la coordination de l’ensemble16. Pour autant, la recherche des éléments d’un droit fondamental nécessite de consulter les sources supralégislatives.
20En droit constitutionnel, la France ne dispose pas d’une consécration autonome du droit à l’accès aux soins. Ce faisant, nous sous situons dans une bonne moyenne. La plupart des quatre-vingt Etats qui ont constitutionnalisé la santé ne mettent pas en avant cet aspect. Seule environ une quinzaine de constitutions formule un droit subjectif à la santé et un droit individuel d’accès aux soins. Les autres se partagent entre une formulation très objective où l’Etat s’engage, sans effet direct, à protéger la santé de ses sujets17 (souvent des Etats héritiers du socialisme ou des Etats islamistes) et une formulation subjective reconnaissant un droit à la santé mais s’en remettant le plus souvent à la loi pour en forger les instruments (la plupart en fait). Même dans ce cas d’effet direct du droit à la santé, les textes constitutionnels le combinent avec l’institution objective du système de santé et de l’assurance maladie : au Brésil (Constitution de 1998, art. 196 et 198) “la santé est un droit de toutes les personnes et un devoir de l’État ; elle est garantie au moyen des politiques économiques et sociales tendant à la réduction du risque de maladie (…) et à l’accès universel et égal à toutes les actions et services pour la promotion, la protection et la récupération de santé”. Toutes ces formulations s’en remettent in fine à la loi. L’exemple de la Roumanie est typique de ce choix presque commun18. Parfois même, le droit subjectif à la santé s’accompagne des devoirs envers la collectivité ou envers soi-même. En Espagne, par exemple, “le droit à la protection de la santé est reconnu. Il incombe aux pouvoirs publics d’organiser et de protéger la santé publique par des mesures préventives et les prestations et services nécessaires. La loi établira les droits et les devoirs de tous à cet égard.”19.
21Retenons tout de même quelques formulations de ce droit constitutionnel à l’accès aux soins : la plus éclatante reste celle de la Croatie où “chaque citoyen a droit aux soins médicaux”. Le Belarus pose ainsi qu’“on garantira en République de Bélarus le droit des citoyens à la santé publique, en incluant l’accès libre aux établissements de soins médicaux publics”20 ; le Bénin prévoit que “l’Etat a l’obligation absolue de respecter la personne humaine et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il assure à ses citoyens l’égal accès à la santé”21 ; la Géorgie garantit que “chacun a le droit à l’assurance maladie comme un moyen d’accéder à l’assistance médicale”22. Mais parfois, l’accès aux soins peut être disjoint d’un droit subjectif et se voir garanti par la collectivité, par les politiques publiques : au Chili (1981, art. 19) : “l’État protège l’accès libre et égalitaire aux actions de promotion, de protection et de récupération de la santé et la réhabilitation de l’individu. Chaque personne aura le droit de choisir le système de santé auquel il souhaite recourir, public ou privé sous contrôle”.
22Il ne faut pour autant pas surestimer les effets de ces rédactions sur les modes de protection de l’effet direct du droit d’accès aux soins, lequel dépend des mécanismes de contrôle de constitutionnalité. Le jeu des normes constitutionnelles se trouve évidemment configuré par l’office du juge constitutionnel et par sa capacité à imposer des obligations positives à l’Etat23. Les juges constitutionnels ont tous tendance à ne pas accorder à l’accès aux soins une valeur subjective contraignante pour l’Etat. Le juge bulgare par exemple considère, alors même qu’est proclamé un droit aux prestations sociales24, que l’accès aux soins “fait partie d’une catégorie de droits sociaux qui ne sont pas universels et ne s’appliquent pas à tous les citoyens mais, le cas échéant, seulement à ceux qui ont besoin d’une aide médicale. Ces droits ne bénéficient pas d’une protection juridictionnelle directe”25. On comprendra mieux ainsi tout à l’heure la position française d’un accès aux soins simple composante législative de l’objectif constitutionnel de santé.
23En droit international humanitaire, le Comité International de La Croix Rouge dispose de la logistique de soins dits “primaires” en faveur des victimes de conflits armés. De la Convention de Genève du 22 août 1864 pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne, jusqu’aux quatre conventions de 194926 et leurs protocoles, l’accès aux soins se trouve garanti pour les différentes catégories de personnes qui cessent d’être “hostiles” : militaires, civils, prisonniers, etc. Les articles 3 de ces conventions règlent le sort des blessés et malades qui seront recueillis et soignés.
24Plus généralement, en droit international, les choses commencent avec la Déclaration universelle des droits de l’homme dont l’article 25-1 pose que “toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, (…) notamment les soins médicaux”. La formulation du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels, adopte une tournure subjective qui ne précise le droit d’accès aux soins27, toute comme le fait le Préambule de la Constitution de l’OMS. Dans le cadre du Conseil de l’Europe, la Charte sociale européenne de 1961 présente un article 11 qui ouvre à toute personne “le droit de bénéficier de toutes mesures lui permettant de jouir du meilleur état de santé qu’il puisse atteindre”, ce qui implique en premier lieu l’accès aux soins appropriés. Les modalités de mise en œuvre de cette Charte et l’absence de recours subjectif réel alimentent le caractère encore peu subjectif de cette exigence. On verra que parfois la Cour européenne accepte néanmoins d’alimenter le droit d’accès aux soins par d’autres droits.
25 En droit communautaire, au-delà de la valeur programmatoire de la Charte communautaire des droits sociaux du travailleur qui ne mentionne pas l’accès aux soins, si ce n’est sous l’aspect de la libre circulation, on ne saurait trop attendre de la Charte des droits fondamentaux de l’Union qui proclame pourtant un droit subjectif en son article 35 car elle se rabat sur les droits nationaux : “Toute personne a le droit d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales”.
2) Comme composante du droit à la santé
26Le droit à l’accès aux soins se présente, du point de vue français, plus comme une composante législative du droit à la protection de la santé reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946 et à ce titre toujours constitutionnellement protégé. Le projet de constitution du 19 avril 1946 déjà comportait un article 23 qui disposait que “la protection de la santé, dès la conception, le bénéfice de toutes les mesures d’hygiène et de tous les soins que permet la science sont garantis à tous et assurés par la nation”. Si le Conseil constitutionnel, à près de quarante reprises, a conforté la valeur constitutionnelle de la protection de la santé28, les formules retenues conservent une tournure objective ou “catégorielle”29. L’État a ainsi l’obligation de protéger la santé des enfants, des personnes âgées, des salariés, de la femme... Mais il le fait au nom du “principe constitutionnel de la protection de la santé publique” qui prend la forme d’un objectif à valeur constitutionnelle dont la fonction demeure, pour l’essentiel, de permettre des limitations à d’autres droits et libertés plutôt que de fournir des prérogatives individuelles nouvelles. Dans la sphère constitutionnelle, la santé se tourne d’abord vers les politiques publiques de prévention et moins vers la liberté d’accéder aux soins. Le Conseil constitutionnel ne s’est d’ailleurs jamais prononcé explicitement sur la valeur constitutionnelle ou non du libre choix du médecin30.
27La jurisprudence constitutionnelle laisse au législateur le soin de graduer l’accès aux soins par la politique de prise en charge par l’assurance maladie. Seuls les soins considérés comme vitaux forment le noyau dur impliquant éventuellement la gratuité pour les catégories les plus économiquement faibles (étrangers en situation irrégulière ne bénéficiant pas de l’Aide Médicale d’Etat)31. Au-delà, le législateur peut établir des différences de traitement ne garantissant pas nécessairement l’accès de fait à tous les soins (cela étant soumis aux niveaux de prise en charge par l’assurance maladie et les protections complémentaires) mais assurant un simple accès au système sanitaire32, notamment aux urgences.
28Une comparaison peut être faite avec de nombreuses autres jurisprudences constitutionnelles concordantes. La Cour suprême d’Israël a ainsi été amenée à refuser de considérer comme une exigence constitutionnelle le financement de médicaments expérimentaux. Elle établit que le législateur fait des choix en fonction des ressources financières disponibles. Seuls les “services médicaux de base indispensables à la vie humaine” trouvent leur exigence dans la Constitution33.
29Il s’agit donc d’abord d’une liberté formelle comprenant le libre choix du médecin et ensuite d’un objectif social dont le législateur gradue la réalisation à partir d’un minimum formant le noyau indérogeable : la protection de la vie. Cela indique que ce droit peut aussi relever d’autres droits fondamentaux que la santé.
B – Par d’autres : indirectement
30Cette protection indirecte ou par ricochet demeure le fait marquant de la Cour européenne des droits de l’homme qui, faute de proclamation directe dans le texte de la Convention a su développer une protection sur d’autres fondements. Mais certaines cours constitutionnelles étrangères ont su faire de même.
1) Droit à la vie
31L’accès au soins peut souvent croiser le champ du droit à la vie. Si le contexte français, peu favorable à une telle rencontre, n’a pas connu de jurisprudence en ce sens, ce n’est pas impossible. L’incrimination de non assistance à personne en péril et l’homicide involontaire, même mal aisées à mettre en œuvre, font peser sur les médecins une obligation accrue.
32 En droit comparé, plusieurs exemples en témoignent, à commencer par la récente constitution de Serbie qui contraint l’Etat à assurer “la protection de la vie humaine et de la santé contre les maladies contagieuses qui menacent la population” (art. 77) ; ou de l’Ukraine où “chaque personne a le droit inaliénable à la vie. (…) Chacun a le droit de protéger sa vie et sa santé, les vies et santé d’autres personnes contre les empiètements illicites34”. Au Venezuela, la Constitution de 1990 indique que “la santé est un droit social fondamental et une obligation de l’Etat qui le garantit comme partie du droit à la vie.” En jurisprudence aussi : celle de la Cour constitutionnelle fédérale allemande qui, le 30 juillet 2008, a été amenée à examiner la loi relative à la lutte contre le tabagisme qui aurait pu interdire purement et simplement toute consommation de tabac dans les lieux publics sur le fondement du droit à la vie35.
33La Cour constitutionnelle argentine36 a eu à trancher une affaire sur ce point très intéressante. Un groupe d’associations qui assure la lutte contre le sida a formé un recours en amparo pour que l’État soit contraint d’assurer le traitement des malades du sida et tout particulièrement de leur fournir des médicaments. L’État argentin, condamné à s’exécuter en première instance, se voit confronté au droit à la vie des individus et à sa protection comme “un bien intrinsèquement indispensable à l’exercice de l’autonomie personnelle”. Dans le cadre d’un État fédéral, les deux niveaux étatiques sont coresponsables de l’accès aux soins. La même juridiction a encore déclaré inconstitutionnelle la condition de résidence de vingt ans requise pour que les étrangers en situation irrégulière bénéficient d’une assurance sociale. La requérante, atteinte d’une incapacité totale et congénitale, voyait sa vie en péril faute d’un minimum social. La Cour conclut à une méconnaissance absolue du droit à la sécurité sociale, tel que prescrit par les textes internationaux ayant une valeur constitutionnelle, au point de compromettre le droit à la vie, premier droit de la personne humaine, reconnu et assuré par la Constitution et dont la garantie par des “actions positives” constitue une “obligation incontournable” incombant aux autorités publiques37. Dans le même esprit, en 2006, la Cour constitutionnelle tchèque38 a posé qu’il appartient aussi à l’État de décider du moyen le plus efficace de réglementer et de contrôler les services de santé qui dispensent des soins médicaux. Le fondement de ce raisonnement se trouve dans le droit à la vie et le droit à la santé tels qu’énoncés dans la Charte des libertés et des droits fondamentaux.
34La jurisprudence constitutionnelle espagnole veille à ce que l’État, lorsqu’il a la charge de personnes vulnérables, prévienne tout risque vital. Dans un arrêt de 199639, il était question d’un détenu atteint d’une maladie coronarienne mais dont le service pénitentiaire avait écarté la libération conditionnelle. Le Tribunal constitutionnel a au contraire estimé que la liberté conditionnelle de personnes atteintes de maladies très graves et incurables présentant un risque vital relève d’une exigence constitutionnelle. La même décision relève d’ailleurs que l’État ne saurait imposer une intervention chirurgicale pourtant nécessaire et permettant le maintien en détention.
35 La Cour Européenne des Droits de l’Homme a également mobilisé la ressource du droit à la vie pour protéger l’accès aux soins au titre des obligations positives de prévention40. Avant même l’accès aux soins, l’article 2 implique, comme obligation positive, d’éviter le risque de maladie41. Dans l’affaire L. C. B. c. RU, même si finalement les prétentions de la requérante ont été rejetées, la Cour a admis que l’article 2 puisse être appliqué au cas de la fille leucémique d’un militaire exposé longtemps aux radiations nucléaires et non informé des conséquences prévisibles donc privant sa fille d’un accès précoce aux soins42. L’Etat doit également établir les causes du décès d’un patient et mettre en œuvre les procédures sanctionnant la responsabilité des acteurs de santé comme le retard dans l’administration des soins43. La protection la plus affirmée demeure celle des détenus44, particulièrement lorsqu’il est question de l’accès à des soins psychiatriques dont la carence a entraîné le suicide du détenu45.
1) La dignité : l’absence d’accès aux soins comme traitements inhumains et dégradants
36Du point de vue de la Convention européenne, l’article 2 et l’article 3 se trouvent parfois mobilisés en même temps, mais en cas de décès, la Cour n’examine pas l’article 346. Si le droit à être soigné correctement appartient à tous, la Cour européenne l’a développé sur le fondement de l’article 3 en faveur des personnes vulnérables, particulièrement celles qui se trouvent privées de liberté. L’article 3 convoque également les modalités de l’accès aux soins qui peuvent (pour les détenus particulièrement) constituer un traitement dégradant (confidentialité, pudeur, rapidité de l’accès). Dans l’affaire İlhan c. Turquie47, en raison de l’important laps de temps s’étant écoulé avant que des soins médicaux appropriés ne fussent prodigués à l’intéressé, la Cour estime qu’Abdüllatif İlhan a été soumis à des souffrances très graves et cruelles méritant la qualification de torture. Dans une autre affaire48, au vu de son constat que l’intéressé, diabétique, n’a pas bénéficié des soins médicaux adaptés à son état de santé (absence de régime alimentaire adapté et administration de médicaments périmés), la Cour estime que l’intéressé a été soumis à des traitements contraires à l’article 349.
37La garantie constitutionnelle semble d’ailleurs dessiner un droit à deux degrés : l’accès à un système permettant la prise en charge des soins vitaux (“soins nécessités par son état de santé”50) et l’accès aux soins moins primordiaux. Le premier, ouvert à tous, le second dépendant de la capacité économique de l’intéressé. Du point de vue constitutionnel, le principe de dignité peut engendrer la protection de prérogatives de type “créances” comme l’objectif à valeur constitutionnelle de l’accès à un logement décent51. Mais aucune jurisprudence n’a pour autant établi un tel lien pourtant souvent mis à jour en doctrine52 concernant les soins.
38L’art. L. 1110-2 CSP prévoit que “la personne malade a droit au respect de sa dignité”. Cette protection s’ouvre au “candidat” aux soins et non seulement au patient. La dignité peut également, jurisprudentiellement, fonder des raisonnements de l’administration et de son juge pour fonder des pouvoirs de police pour contraindre des personnes sans domicile fixe dont la santé est gravement mise en péril à se mettre à l’abris53. Pour autant, tous les refus d’accès aux soins n’entreraient pas nécessairement en conflit avec la dignité. L’exigence de soins se limite sans doute à une certaine gravité, toujours relative, et au soulagement de la douleur54. Il s’agit des soins curatifs et palliatifs.
2) La non discrimination
39“Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins” (Article L1110-3). En tant que ressource potentiellement rare, les soins entraînent des mécanismes de sélection à l’accès. Le caractère urgent ou innovant des soins peut ainsi légitimer des priorités médicalement fondées, lesquelles ne doivent pas négliger tout à la fois le principe de non discrimination et le principe d’égalité devant les services publics55.
40Il va de soi que l’accès aux soins, en tant que droit fondamental, implique une application stricte du principe de non discrimination. Tant dans le cadre du service public, que dans celui de l’exercice libéral, les médecins ne doivent faire aucune distinction entre leurs patients56. En atteste la récente mise au point législative opérée en 2009 face à la polémique engagée par les médias accusant certains médecins de refuser les patients disposant de la couverture maladie universelle. Ce refus de soins émanant des soignants, a fait l’objet de la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients qui reprend l’interdiction faite par le code de déontologie de toute discrimination (en raison de l’origine, du sexe, de la situation familiale, etc.). L’article L. 1110-3 CSP traite des refus de délivrance de soins en clamant qu’un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne au motif qu’elle est bénéficiaire de la protection complémentaire ou du droit à l’aide médicale d’Etat. Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du Conseil de l’ordre professionnel territorialement compétent concerné par les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Cette saisine vaut dépôt de plainte.
41Le lien entre accès aux soins et égalité devant le service public se trouve également formalisé par l’article L. 6112-2 CSP : le service public hospitalier est assuré, par les établissements publics de santé ; par les établissements de santé privés (etc.), “ces établissements garantissent l’égal accès de tous aux soins qu’ils dispensent. Ils sont ouverts à toutes les personnes dont l’état requiert leurs services. Ils doivent être en mesure de les accueillir de jour et de nuit, éventuellement en urgence, ou d’assurer leur admission dans un autre établissement (…).”
42Le droit communautaire a également aménagé un vaste dispositif tendant a assurer l’égal accès des ressortissants communautaires aux soins sans distinction de nationalité57.
43La discrimination revient lorsque la ressource thérapeutique se raréfie. Le cas des soins innovants ou avancés, donc rares, pose à son tour des questions spécifiques de régulation juridique. Si les textes en affirment la nécessité58, le réalisme conduit à une mise en œuvre de sélections qui se libèrent des exigences d’un droit fondamental. On distingue trois types de thérapies innovantes : génique, cellulaire et tissulaire qui visent le traitement de maladies génétiques spécifiques, de cancers rares et d’autres maladies neuro-dégénératives. Un projet de règlement européen, à l’étude fin 2009, créera un cadre pour soutenir le progrès et assurer la sécurité des malades ainsi que leur accès à ces thérapies (création d’une procédure centrale d’autorisation de mise sur le marché, création du Comité pour les thérapies innovantes (CAT) au sein de l’Agence européenne du médicament). De même, l’accès à des protocoles de recherche se partage entre la finalité de la recherche appréciée par le promoteur, éventuellement, par les autorités sanitaires ou les Comités de protection des personnes, et l’intérêt propre de la personne qui s’y prête et peut espérer un bénéfice personnel. Autrefois, la loi utilisait même cette différence d’intérêt. La modification de la loi en 2004, qui demeure non applicable à l’évaluation des soins courants, ne permet pas d’apprécier un quelconque droit à participer aux recherches qui pourraient apporter des thérapies innovantes. Si la loi prohibe l’accès aux personnes vulnérables et organise le consentement des personnes sollicitées par le promoteur, rien n’apparaît sur le droit qu’aurait un patient à participer. L’article L. 1121-2 dispose simplement que “l’intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale prime toujours sur les seuls intérêts de la science et de la société.” En revanche, les populations spécifiquement protégées, comme les femmes enceintes ou les personnes privées de libertés, les mineurs, ne peuvent être sollicitées pour se prêter à des recherches biomédicales que si l’importance du bénéfice escompté pour elles-mêmes ou pour l’enfant est de nature à justifier le risque prévisible encouru.
44Ce droit, si fortement ancré, peine pourtant à trouver les procédures permettant son opposabilité.
II – UN DROIT FAIBLEMENT PROTÉGÉ COMME DROIT SUBJECTIF
45Dans un premier mouvement de l’esprit, le droit d’accès aux soins semble s’intégrer comme une partie, dans le tout qu’est le droit à la santé. Il y trouverait son fondement et ses principales garanties. Mais, dans un second temps, il semble réservé à quelques-uns. Ainsi que le note Sophie Juan : “le droit à la santé recèle une dimension individuelle. La protection de la santé ne s’applique en effet pas à “tous” sans aucune distinction, mais bien à certains individus, dont la situation répond à quelques critères d’identification, simples, précis”. Cet aspect catégoriel renvoie par exemple à la figure de l’enfant, de la mère, des jeunes, des victimes de conflits, des personnes privées de liberté59.
46On peut en fait mettre en parallèle le fait que la jurisprudence relative aux patients “standards” est inexistante. Le droit à la santé en général ne donne pas lieu à contentieux. Le droit à l’accès aux soins semble devenu un droit catégoriel. Il est révélateur que la quasi-totalité du contentieux administratif faisant référence à l’accès au soin ne concerne que les étrangers : reconduites à la frontière, expulsions et leur compatibilité avec l’article 3 CESDH.
A – Un droit d’accès aux soins faiblement opposable
47Malgré sa tournure “subjectiviste”, l’accès aux soins demeure, pour le plus grand nombre de patients un “droit objectif” découlant de la mise en œuvre des normes générales de santé publique. La protection juridictionnelle demeure donc à la mercie de “recours objectifs” en excès de pouvoir (dont les conditions spécifiques ne permettent pas une protection toujours adéquate) ou de recours en responsabilité une fois le préjudice réalisé.
1) Un droit lié à sa mise en œuvre par les catégories des politiques publiques de santé
48En tant que service public constitutionnel, la santé publique implique l’action positive du gouvernement60. Au chapitre Ier du CSP : “Politique de santé publique”, l’accès aux soins reste un objectif dont la poursuite incombe aux pouvoirs publics. Selon l’article L1411-1 : “La politique de santé publique concerne : 7 ° La réduction des inégalités de santé, par la promotion de la santé, par le développement de l’accès aux soins et aux diagnostics sur l’ensemble du territoire”. Deux dimensions se présentent dans cette dimension objective de l’accès aux soins : d’abord les principes de permanence et de continuité des soins, ensuite le fait que ces obligations s’imposent aussi au secteur privé.
49Les réseaux de soin poursuivent le même objectif d’accès aux soins à travers la permanence et la continuité des soins61. La permanence et la continuité des soins, ne sont pas en elles-mêmes des droits subjectifs mais des pans de politique publique. Ces principes se voient à leur tour garantis par l’insertion des établissements privés dans les missions de service public. Saisi de cet aspect lors de l’examen de la loi HPST, le Conseil constitutionnel a rejeté le grief dirigé contre la participation des établissements de santé privés à l’accomplissement de missions de service public mais il a rappelé qu’il appartiendra à l’agence régionale de santé de veiller à ce que soit assuré l’exercice continu des missions du service public hospitalier pris dans son ensemble62. L’obligation de continuité des soins n’est pas nouvelle. Elle correspond aux articles 47 et 48 du code de déontologie médicale (article R 4127-47 et R 4127-48 du code de la santé publique) intitulés “Continuité des soins” et “Continuité des soins en cas de danger public”. Ces textes imposent que, quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades soit assurée et que le médecin ne puisse pas abandonner ses malades en cas de danger public. Au nom de cette continuité des soins, un couple de médecins a pu, par exemple, être mis en demeure de ne pas partir en vacances ensemble par le maire d’une commune rurale. Or, il devient de plus en plus difficile d’assurer cette continuité.
50La permanence et la continuité des soins63, devenues fers de lance dans la loi HPST, entendent créer les conditions du droit à l’accès aux soins. Un chapitre du code leur est consacré tandis que leur mise en place ne dépend plus des seuls médecins. Selon l’article L6112-2, les établissements de santé “dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état et veillent à la continuité de ces soins, en s’assurant qu’à l’issue de leur admission ou de leur hébergement, tous les patients disposent des conditions d’existence nécessaires à la poursuite de leur traitement. A cette fin, ils orientent les patients sortants ne disposant pas de telles conditions d’existence vers des structures prenant en compte la précarité de leur situation.”
51Ainsi que le note Isabelle Soto : “quoi qu’il en soit, la réalité de l’accès de tous aux soins, qui apparaît comme une conséquence inévitable de l’exigence de l’alinéa 11 du Préambule de la constitution de 1946, importe que puisse être légitimement porté atteinte à certains intérêts pécuniaires des praticiens”64. Afin de faciliter l’accès à des soins à tarifs opposables, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le pouvoir du gouvernement, de prendre un arrêté modifiant les tarifs et rémunérations de médecins relevant de certaines spécialités autorisées à pratiquer des dépassements, lorsque aucun dépassement n’est facturé, pour les rendre égaux aux tarifs applicables aux médecins qui ne sont pas autorisés à en pratiquer. Le juge constitutionnel le justifie, considérant que les dispositions précitées ont pour objet d’enrayer la tendance des praticiens, constatée au cours des dernières années dans certaines disciplines médicales, à délaisser le secteur à tarifs opposables et ne remettent pas en cause la prise en charge des dépenses de santé des personnes bénéficiant, en raison de leurs faibles ressources, d’une protection particulière65.
52L’accès aux soins se combine avec le principe du libre choix du praticien, lequel n’accepte que peu de limites66. Saisi de la question de sa compatibilité avec le système du médecin généraliste référent, le Conseil d’Etat estime que “les bénéficiaires de l’assurance maladie, qui décident d’adhérer à l’option conventionnelle, choisissent librement leur médecin référent ; que leur engagement, souscrit en principe pour une durée d’un an renouvelable, n’a pas de caractère irrévocable ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les stipulations du chapitre V de la convention porteraient atteinte au principe de libre choix du médecin par le malade manque en fait”67. L’accès aux soins doit encore se combiner avec la liberté d’établissement des médecins qui génère le fameux “désert médical” contre lequel le législateur ne peut lutter que par des mesures incitatives, donc onéreuses68.
53Un actuel projet de décret mettrait à la charge du médecin libéral la continuité : “À défaut de remplaçant, pour remplir son obligation de continuité de soins, tout médecin avertit, au moins deux mois à l’avance, le conseil départemental de l’ordre des médecins de ses absences programmées de plus de six jours ou d’une durée inférieure, mais incluant un jour suivant ou précédent un jour férié. Il communique le nom du confrère susceptible de prendre en charge ses patients”. Le Conseil d’Etat ne s’oppose d’ailleurs pas, dans le but de la limitation des dépenses de santé, à ce que l’activité du médecin remplaçant s’impute sur l’activité du médecin remplacé en ce qui concerne la gestion de l’objectif prévisionnel d’évolution des dépenses médicales fixé chaque année69.
54Ces éléments incitent donc à relativiser la subjectivité du droit à l’accès aux soins qui connaît de nombreuses contraintes et doit se concilier avec nombres de principes de santé publique.
2) Le rôle de l’assurance maladie
55Comme l’écrit parfaitement Mme Feuillet : “le droit d’accéder aux soins est en partie un droit-liberté qui permet au malade de recourir ou non à l’acte médical et, dans la première hypothèse, de le faire librement, notamment quant à la fréquence des consultations chez le médecin. Mais le patient doit alors assumer les conséquences de cette liberté (son coût pour la société) et, à ce titre, ne devrait pas pouvoir se plaindre de l’augmentation du poids de la solidarité nationale. L’idée de démocratie sanitaire, en vertu de laquelle le malade est, à la fois, une personne titulaire de droits fondamentaux et un citoyen conscient de ses devoirs vis-à-vis de la collectivité et du système de soins justifie également l’idée que le malade peut être créancier et débiteur du droit d’accéder aux soins70.”
56La reconnaissance du droit à la sécurité sociale au profit de certaines catégories a pu également être le fait du Conseil constitutionnel comme l’a montré la décision “maîtrise de l’immigration” du 13 août 1993 dans laquelle le Conseil précise que “les étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu’ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français”. L’égalité des prestations sociales sert aussi l’accès aux soins de tous. L’égalité de principe entre nationaux et étrangers en situation régulière demeure le principe. Elle trouve sa limite dans la clandestinité des personnes en situation irrégulière qui ne peuvent prétendre qu’à l’aide médicale de l’Etat, laquelle exige les preuves d’une résidence de trois mois, sans que l’on puisse y voir une discrimination au sens de l’article 14 CEDH71.
57C’est encore à partir de l’alinéa 11 du préambule de 1946 que le Conseil constitutionnel a consacré, tout à la fois le droit à des prestations sociales et l’objectif de la maîtrise des dépenses de santé72. Cela soulève l’ambiguïté qui frappe l’accès aux soins, droit bien onéreux pour la collectivité. Bien sûr, concrètement, le remboursement des frais de santé constitue la face positive du droit à l’accès aux soins. “Le droit à la santé, dont on fait nécessairement découler le droit à des prestations sociales, suppose que chaque membre de la collectivité soit à même de supporter le coût de l’accès aux soins” écrit en ce sens Yves Dauchy73. Le système français garantit aux assurés une grande liberté de choix dans le recours aux soins en raison de taux de remboursement donnant libre accès l’ensemble des professionnels. La loi de 2004 a ravivé le débat sur l’implication du patient dans la maîtrise des dépenses de santé et les mécanismes de limitation de l’accès aux soins74. C’est ainsi, à l’aune de ces remboursements, que l’on peut apprécier la réalité du droit à l’accès aux soins. Le Parlement examine par exemple la création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie versée aux personnes qui ont suspendu leur activité professionnelle pour accompagner à domicile une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable75.
58Le principe de liberté de choix du praticien peut également tolérer des adaptations de la politique de remboursement tendant à dissuader de recourir aux médecins non conventionnés : “il peut, dans l’intérêt général, comporter une différence importante avec les tarifs conventionnels en vue de rendre plus attractif le secteur conventionnel, dans lequel les praticiens s’engagent au respect des obligations fixées par la convention médicale en vue de garantir un meilleur accès aux soins”76. Plus généralement, les négociations menées par l’assurance maladie pour associer les médecins libéraux à la maîtrise des dépenses de santé n’entrent pas en conflit77 avec “la santé publique ou l’égal accès aux soins”. Didier Tabuteau estime néanmoins que “le développement du droit permanent à un dépassement jusqu’en 1980, puis la création du secteur 2, permettant à des médecins conventionnés de pratiquer des honoraires libres, ont redonné à la liberté tarifaire une place qui, aujourd’hui encore, se traduit par de graves inégalités dans l’accès aux soins”78. Les juges judiciaires du fond ont ainsi parfois quelques velléités de développer la prise en charge de prestations sanitaires pourtant écartées des nomenclatures. Faute de disposer d’un contrôle de légalité ces tentatives échouent devant la Cour de cassation79.
3) Le rôle de la structure du contentieux
59L’accès aux soins a beau être un droit fondamental, l’assurance de le concrétiser dépend très largement de la façon dont les recours peuvent être intentés. En droit privé, les actions en responsabilité demeurent la façon presque exclusive de saisir le juge. En ce sens l’obligation déontologique d’assurer l’accès aux soins a pu être perçue par la Cour de Cassation comme le meilleur moyen de garantir le droit aux soins. En 199780 elle a pu ainsi considérer que : “la méconnaissance des dispositions du code de déontologie médicale peut être invoquée par une partie à l’appui d’une action en dommages-intérêts dirigée contre un médecin”. Encore faut-il avoir subi un préjudice car le déclenchement des procédures proprement disciplinaires n’est pas ouvert aux patients qui ne peuvent que dénoncer les agissements des médecins, même si l’article L. 4123-2 donne à ces plaintes un avenir certain.
60Face au système hospitalier, les choses devraient être plus simples en raison des exigences liées au service public et des voies de recours ouvertes au candidat usager. Pourtant il n’en est rien. Alors que l’urgence est souvent de mise, les procédures de référé restent inefficaces et les requêtes au fond peinent à individualiser le problème de l’accès aux soins. Le refus par le juge administratif de voir dans le droit à la santé une liberté invocable dans le cadre du référé-sauvegarde alimente encore l’idée d’un droit faiblement opposable. Dans son ordonnance du 8 septembre 200581, le Conseil d’Etat pose, contrairement au premier juge, “que si en raison du renvoi fait par le Préambule de la Constitution de 1958 au Préambule de la Constitution de 1946, la protection de la santé publique constitue un principe de valeur constitutionnelle, il n’en résulte pas que le droit à la santé soit au nombre des libertés fondamentales auxquelles s’applique l’article L. 521-2 du code de justice administrative.” Au demeurant, la même ordonnance a protégé la santé par la liberté personnelle. Dans l’espace laissé vacant par la mise à l’écart du droit à la santé et de l’intégrité physique, la liberté personnelle offre l’intérêt de poser la question en termes d’autonomie de l’individu tout en demeurant sur le terrain de la personnalité, des sacrifices qu’une personne doit consentir étant données les contraintes inhérentes à son milieu. Il ne s’agit pas de la liberté d’agir, mais de la liberté de déterminer le seuil de tolérance aux agressions. Sans doute de manière un peu paradoxale, le refus de soins peut en revanche faire l’objet d’une mise en œuvre de l’article L. 521-282. On mesure que le cadre du référé-sauvegarde se prête mieux à la protection de l’autonomie individuelle qu’à la prise en compte des obligations positives de l’Etat aux effets aléatoires. Les requérants n’ont guère plus de chance avec le référé suspension en raison même de l’office du juge des référés qui n’examine pas les sources internationales et peine à reconnaître un caractère sérieux à la demande d’accès aux soins, notamment dans le cas d’étrangers83. Les effets du droit communautaire ne se feront guère sentir malgré le récent arrêt Perreux84 ayant ouvert la recevabilité des recours contre des actes individuels lorsqu’ils sont fondés sur la méconnaissance d’une directive claire et précise.
61On doit sans doute comprendre que la protection de la santé, quelles que soient ses sources, ne correspond pas aux finalités propres de la procédure du référé. Les trois conditions à réunir posent problème. La question de l’urgence en premier lieu, toujours difficile à apprécier, renverrait soit à estimer que toute atteinte à la santé doit immédiatement cesser soit à déterminer des degrés dans l’acceptabilité selon la probable rapidité d’apparition ou l’évolution d’une pathologie. Il en serait de même de la gravité de l’atteinte, conditionnée par les caractères réversible et admissible des effets de la nuisance. Mais c’est surtout sur l’idée de liberté qu’achoppe la reconnaissance de la santé.
62On s’en remet donc parfois aux autorités administratives indépendantes et instances de médiations. Depuis la loi du 4 mars 2002 le même type de secours peut être attendu des Commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge. Ces commissions doivent en effet veiller au respect des droits des usagers et contribuer à l’amélioration de la qualité de l’accueil des personnes malades et de leurs proches85. Les pouvoirs de ces commissions n’en restent pas moins limités : elles remettent un rapport transmis aux agences régionales de santé sur la base desquels les conseils d’administration des établissements doivent travailler au renforcement de la qualité de l’accueil et de la prise en charge des patients. De même, les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, peuvent, de façon certes très marginale, être saisies du contentieux de l’accès aux soins. Dans le même sens, la loi du 21 juillet 2009 a intégré les représentants des usagers au sein des commissions chargées de veiller au bon déroulement de l’activité libérale à l’hôpital86. Depuis 2009, le Médiateur de la République est compétent à l’égard des réclamations mettant en cause “le non respect du droit des malades, la qualité du système de santé, la sécurité des soins et l ´ accès aux soins” tant dans le milieu public, privé et libéral de la santé (hôpitaux, cliniques, cabinet). Lui a été adjointe la Mission pour le développement de la médiation, de l ´ information et du dialogue pour la sécurité des soins (Midiss) qui pourra, entre autres, lorsqu’une difficulté apparaît, obliger toute structure de santé à délivrer auprès du patient son dossier médical.
B – Un droit d’accès aux soins devenu droit catégoriel renforcé pour les personnes les plus vulnérables
63Le droit d’accès aux soins apparaît désormais plus comme un droit catégoriel que comme un droit générique ou général. Il s’exprime en effet davantage dans des situations spécifiques d’urgence ou de fin de vie ou en faveur de personnes plus vulnérables.
1) Des situations
64Le droit des personnes malades d’accéder à des soins est un véritable droit de la personne ayant recours au service public hospitalier. Les soins urgents ou palliatifs se trouvent plus spécifiquement pris en charge.
65Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) sont des cellules de prise en charge médico-sociale, créées dans les établissements de santé participant au service public hospitalier en application de l’article L. 6112-6 du code de la santé publique (CSP). À ce jour, près de quatre cent permanences d’accès aux soins de santé sont implantées en France, pour la plupart dans les centres hospitaliers disposant d’un service d’urgences. Le 23 mai 2006, deux décrets relatifs à la médecine d’urgence et aux conditions techniques de fonctionnement des structures d’urgences, aboutissement d’une réflexion approfondie menée depuis 2002 avec les professionnels de l’urgence, rénovent l’organisation des urgences dans un cadre territorial plus cohérent, de façon à renforcer les liens et permettre l’accès aux soins de tous en permanence et en proximité, tout en garantissant la qualité des prises en charge. Ils s’inscrivent dans la continuité des principes portés par la circulaire du 16 avril 2003, et par les mesures du plan “urgences”. Depuis la loi du 9 août 2004, les plans d’urgence accordent en effet aux préfets des pouvoirs accrus pour organiser par réquisition les services d’urgence en vue de l’accueil massif de patients (Art. L. 3110-8.)87.
66Aux termes du Code de la santé publique, les établissements de santé assurant le service public hospitalier “dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs et palliatifs que requiert leur état (...)”. De même, la charte du patient hospitalisé, en son titre II, prévoit que “lorsque des personnes sont parvenues au terme de leur existence, elles reçoivent des soins d’accompagnement qui répondent à leurs besoins spécifiques”. Enfin, la loi no 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs dispose que “toute personne malade dont l’état le requiert a droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement” ; “les soins palliatifs sont des soins actifs et continus, pratiqués par une équipe interdisciplinaire, en établissement ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage”88.
2) Personnes en situation sociale vulnérable : Les personnes victimes d’un conflit armé, enfants, détenus, étrangers, gens du voyage
67Le Code de la santé renforce l’accès aux soins dans le cas des personnes les plus vulnérables. Les acteurs publics et privés y sont alors associés89.
68 Les personnes victimes d’un conflit armé : elles se voient protégées par le deuxième chapitre de la première Convention de Genève. Il contient l’idée essentielle qui commande toute la Convention : le soldat qu’une blessure ou une maladie met hors de combat est, dès cet instant, inviolable et sacré ; il doit être secouru, qu’il soit ami ou ennemi, avec la même sollicitude90. Il ne suffit pas de respecter les blessés, il faut encore les soigner. Seules des raisons d’urgence médicale autoriseront une priorité dans l’ordre des soins. Si une partie au conflit est en droit de voir ses blessés soignés par l’ennemi, elle conserve néanmoins l’obligation de concourir à ces soins, d’où le devoir pour elle de laisser avec ceux qu’elle doit abandonner à l’adversaire, une partie de son personnel et de son matériel sanitaires, pour autant que les circonstances militaires le permettront. L’article 18 en appelle encore aux soins des populations civiles. L’autorité militaire pourra faire appel au “zèle charitable des habitants pour recueillir et soigner bénévolement, sous son contrôle, des blessés et des malades”, en accordant aux personnes ayant répondu à cet appel la protection et les facilités nécessaires. Nul ne devra jamais être inquiété ou condamné pour le fait d’avoir donné des soins à des blessés ou à des malades. De même (article 19), les services de soins ne pourront en aucune circonstance être l’objet d’attaques, mais seront en tout temps respectés et protégés. S’ils tombent aux mains de la partie adverse, ils pourront continuer à fonctionner tant que la puissance captrice n’aura pas elle-même assuré les soins nécessaires aux blessés et malades se trouvant dans ces établissements et formations. La deuxième Convention prévoit que les soldats qui se trouveront en mer et qui seront blessés, malades ou naufragés, seront traités et soignés avec humanité et, comme dans les autres textes, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur le sexe, la race, la nationalité, la religion, les opinions politiques ou tout autre critère analogue. Pour les prisonniers (Convention III, art 15), la puissance détentrice des prisonniers de guerre sera tenue de pourvoir gratuitement à leur entretien et de leur accorder gratuitement les soins médicaux que nécessite leur état de santé. Les prisonniers de guerre atteints d’une maladie grave ou dont l’état nécessite un traitement spécial, une intervention chirurgicale ou l’hospitalisation, devront être admis dans toute formation militaire ou civile qualifiée pour les traiter, même si leur rapatriement est envisagé dans un proche avenir. Des facilités spéciales seront accordées pour les soins à donner aux invalides. Les prisonniers de guerre qui sont victimes d’accidents de travail ou qui contractent une maladie au cours ou à cause de leur travail recevront tous les soins que nécessite leur état.
69Enfin, la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, aménage l’accès aux soins des personnes internées. Chaque lieu d’internement possédera une infirmerie adéquate, placée sous l’autorité d’un médecin qualifié, où les internés recevront les soins dont ils pourront avoir besoin (art. 91).
70 Les étrangers se voient aussi spécifiquement protégés. En premier lieu, les étrangers communautaires font l’objet d’une attention particulière du juge communautaire qui aménage les conditions d’un tourisme médical en partie à la charge de l’Etat comme en témoigne les affaires Müller-Faur, Kohll, Watts91. Pour eux, les régimes d’autorisation de l’Etat d’origine est une entrave à la libre circulation qui ne doit pas excéder un certain seuil en termes de délais notamment. Aux termes de l’article 16 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 si l’Etat peut limiter ou retirer le bénéfice des conditions d’accueil (lorsque le demandeur d’asile ne respecte pas l’obligation de se présenter aux autorités ou ne répond pas aux demandes d’information) mais il doit assurer en toutes circonstances l’accès aux soins médicaux d’urgence. Dans ce cadre, le référé-liberté peut fonctionner lorsqu’il s’agit d’une procédure de renvoi dans un pays où les soins nécessaires ne seraient pas accessibles. Certes, le niveau de nécessité s’apprécie très strictement et la jurisprudence de la Cour européenne des droits n’aide plus vraiment à sa prise en compte plus large. Ainsi, lors d’une extradition, les autorités géorgiennes ont molesté les requérants. En l’absence d’examen et de soins médicaux appropriés en temps voulu, la Cour estime que les requérants détenus ont été soumis à des souffrances physiques et morales d’une nature telle qu’elles s’analysent en un traitement inhumain92. Mais, par son arrêt de Grande Chambre dans l’affaire N. c. Royaume-Uni93 la Cour conclut, qu’il n’y a pas violation de l’article 3 dans le cas d’une ressortissante ougandaise atteinte du sida à un stade extrêmement avancé et de deux maladies opportunistes liées au sida et que son infection par le VIH avait atteint un stade extrêmement avancé. Il était établi qu’elle n’avait “aucune chance de bénéficier de soins adaptés” dans son pays. Le Royaume-Uni estimait que l’on pouvait se procurer la plupart des traitements à bas prix grâce à des projets financés par l’ONU et à des programmes bilatéraux sur le sida. La Cour rappelle que la décision d’expulser un étranger atteint d’une maladie physique ou mentale grave vers un pays où les moyens de traiter cette maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l’Etat contractant est susceptible de soulever une question sous l’angle de l’article 3, mais seulement dans des cas très exceptionnels, lorsque les considérations humanitaires militant contre l’expulsion sont impérieuses, comme dans l’affaire D. c. Royaume-Uni94, où des “circonstances très exceptionnelles” et des “considérations humanitaires impérieuses” étaient en jeu. La Cour admet que la qualité et l’espérance de vie de la requérante auraient à pâtir de son expulsion mais, selon elle, la requérante n’est pas dans un état critique.
71Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, déclaré contraire à la constitution l’article L. 815-5 qui excluait les étrangers de ses prestations sociales95. La loi de finances rectificative du 30 décembre 2003 a ensuite prévu la prise en charge par l’Etat des soins urgents “dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître”, administrés par les établissements de santé aux étrangers résidant en France même s’ils ne remplissent, ni la condition de régularité de séjour permettant de leur ouvrir droit à la couverture maladie universelle, ni la condition de séjour ininterrompu d’une durée de trois mois exigée pour l’accès à l’A. M. E s’ils sont en situation irrégulière. On assiste ainsi à une gradation complexe de l’accès aux soins des étrangers. Ceux qui se trouvent en situation régulière et cotisent connaissent les mêmes conditions d’accès que les nationaux, les autres peuvent recourir à la CMU ; les étrangers en situation irrégulières sur le territoire depuis plus de trois mois disposent de l’AME tandis que les autres ne peuvent accéder qu’aux soins urgents “dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître” (art. L. 254-1 du Code de l’action sociale et des familles).
72En second lieu, concernant les enfants, les nationaux bénéficient d’un accès aux soins non spécifique car normal. Les enfants étrangers, au contraire, risqueraient de souffrir outre mesure, de la situation de leurs parents. L’AME est Journées des 19 et 20 novembre 2009 - TACIP 69 ouverte à tous les mineurs étrangers en situation irrégulière. Plus généralement, le juge administratif inclut, dès lors, l’accès aux soins dans la notion d’intérêt supérieur de l’enfant au sens de la Convention de New-York96. L’arrêt GISTI et AIDES de 2006 a ainsi été l’occasion de déclarer l’inconventionnalité, au regard des stipulations de l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990, d’une disposition de la loi du 30 décembre 2003 en tant qu’elle subordonnait l’accès à l’aide médicale de l’Etat à une condition de résidence ininterrompue d’au moins trois mois en France, sans prévoir de dispositions spécifiques en vue de garantir les droits des mineurs étrangers et qu’il renvoie ceux-ci, lorsque cette condition de durée de résidence n’est pas remplie, aux seuls soins vitaux. Le Conseil d’État s’est en l’occurence montré beaucoup plus sourcilleux que le Conseil constitutionnel face à ce même texte97. L’AME est encore ouverte aux femmes enceintes et aux cas d’interruption médicale de grossesse.
73Ensuite, la loi tient compte également de la spécificité du mode de vie des “gens du voyage”. Aux termes de l’article 1er de la loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil en fonction des possibilités de scolarisation des enfants, d’accès aux soins et d’exercice des activités économiques. La Cour Administrative d’appel de Versailles a été amenée à appliquer ces dispositions, estimant que la forte densité urbaine d’un département comme le Val d’Oise ne dispense pas le Préfet de vérifier les éléments tenant aux risques d’exclusion des gens du voyage98.
74Enfin, concernant les détenus, tant la jurisprudence européenne qu’administrative aménagent une protection spécifique et attentive. Dans l’affaire Vincent99 la Cour européenne estime que l’Etat qui maintient un détenu dans un établissement pénitentiaire inadapté pour les soins nécessaires est fautif faute de prouver que son maintien dans cet établissement était indispensable alors que d’autres existent. Plus récemment, l’arrêt Alexanian reconnaît dans le cas d’un détenu atteint du SIDA, la responsabilité de l’Etat qui ne fournit pas des soins appropriés 100. Le Conseil d’Etat, au risque d’une confusion de la recevabilité et de la légalité, fait surgir de la catégorie des mesures d’ordre intérieur les décisions affectant significativement l’accès aux soins comme le changement d’affectation d’une maison d’arrêt à un Centre de détention101. La Cour européenne des droits veille à ce que les détenus bénéficient de soins compatibles avec la gravité de leur état de santé102. Encore convient-il de ne pas surestimer l’impact de la vulnérabilité. Une rapide recherche dans la base de données de la Cour européenne des droits de l’homme semble ne protéger l’accès aux soins que des seuls détenus. Ces derniers se trouvent en effet en situation de suffisante précarité pour qu’il soit question de traitements dégradants.
75On remarquera pour finir que le droit à l’accès aux soins dépend étroitement du droit à la protection sociale sur lequel il ouvre immanquablement. Pourtant, le droit aux prestations sociales s’attache à des situations de travail ou de famille qui ne connaissent pas la généralité ou l’universalité de l’accès aux soins.
Notes de bas de page
1 http://www.secourspopulaire.fr/actualite.0.html?id_actu=1973
2 Déposé par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, oct. 2008, Documents de l’Assemblée Nationale, 2008-2009.
3 Didier TABUTEAU, “Santé et liberté”, Pouvoirs, no 130, 2009, p. 109.
4 Brigitte FEUILLET, “L’accès aux soins, entre promesse et réalité”, Revue de droit sanitaire et social 2008 p. 713
5 Michel BELANGER, “Origine et histoire du concept de santé en tant que droit de la personne”, Journal international de bioéthique, 1998, vol. 9, numéro 3, p. 59.
6 C’est l’opinion de Félix François LISSOUCK, “L’accès aux soins médicaux et à la protection de la santé en France – Recherches sur l’effectivité des droits de deuxième génération”, RTDH 2007, no 73, p. 51. L’accès aux soins médicaux a un champ d’application propre et autonome. Il signifie pour un patient de pouvoir se rendre auprès d’un praticien médical et de recevoir, un traitement adapté au mieux, c’est-à-dire en l’état des connaissances et des thérapies en vigueur, à la maladie dont il souffre.”, p. 56.
7 Voir not. Xavier BIOY, “Le sang de cordon et ses banques”, Cahiers de droit de la santé du Sud-est, 2010 ; Florence BELLIVIER et Christine NOIVILLE, Les biobanques, Que sais-je ?, PUF, 2009 ; des mêmes auteurs “Les biobanques, miroir de la société”, Cahiers Droit, Sciences et Technologies, CNRS éditions, no 2, 2009, p. 235.
8 Le 29 septembre 2009, le député Damien Meslot a déposé une proposition de loi tendant à permettre “la collecte, la préparation et la conservation du placenta, ses composants et notamment le sang du cordon ombilical dans des établissements et organismes, publics ou privés, en vue d’une éventuelle utilisation ultérieure au bénéfice de l’enfant ou d’un tiers, si la mère le souhaite”.
9 AN, 20 janvier 2010, no 2235, P. 60. Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique.
10 CEDH, 9 mars 2004, Glass c. Royaume-Uni (requête no 61827/00).
11 Dans l’affaire Codarcea c. Roumanie, no 31675/04, 2 juin 2009. La Cour européenne des droits de l’homme rappelle que les États ont l’obligation d’adopter des mesures réglementaires propres à assurer le respect de l’intégrité physique des patients en les préservant “autant que faire se peut, des conséquences graves que peuvent avoir à cet égard les interventions médicales.” Elle rappelle de plus que “l’imposition d’un traitement médical sans le consentement du patient s’il est adulte et sain d’esprit s’analyserait en une atteinte à l’intégrité physique de l’intéressé pouvant mettre en cause les droits protégés par l’article 8 § 1” selon l’arrêt Pretty. Si le médecin travaille dans un établissement public et qu’il ne se respecte pas son devoir d’information, l’État “peut être directement responsable sur le terrain de l’article 8 du fait de ce défaut d’information”.
12 Arrêt du 24 juillet 1997, 1 BvR 2306/96.
13 Isabel SOTO-LOISEAU, La démocratisation du système sanitaire, Thèse dactyl. Aix-en-Provence, 2009, p. 303.
14 Lise CASAUX-LABRUNEE, “Le droit à la santé”, in Libertés et droits fondamentaux, CABRILLAC, FRISON-ROCHE, REVET, Dalloz, 2009, p. 771.
15 Art. préc. p.
16 CC no 2009-584 DC, Loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
17 Cuba, 1976, art. 42 : “L’Etat consacre le droit, conquis par la Révolution, selon lequel les citoyens, sans distinction de race de couleur ou d’origine nationale reçoivent des soins médicaux dans toutes les institutions créées à cet effet dans le pays, depuis les écoles primaires jusqu’aux universités, qui sont les mêmes pour tous ; reçoivent des soins médicaux dans toutes les installations hospitalières ; Cambodge, 1993, art. 72 : “La santé de la population doit être garantie. L’Etat veille à la prévention des maladies et à leur traitement Les indigents bénéficient de consultations gratuites dans les hôpitaux, les infirmeries et les maternités publics. L’Etat crée des infirmeries et des maternités dans les régions les plus éloignées ”.
Notons l’exception de la République populaire démocratique de Corée, 1948, Art. 72 : “Les citoyens ont le droit d’accéder librement à des soins médicaux et toutes les personnes qui ne sont plus capables de travailler à cause de la vieillesse, la maladie ou une infirmité physique, le vieillard et les enfants qui n’ont aucuns moyens de soutien ont droit à l’assistance matérielle. Ce droit est garanti par les soins médicaux libres, un réseau se développant d’hôpitaux, sanatoriums et d’autres institutions médicales, sécurité sociale d’État et d’autres systèmes d’aide sociale.”
18 Roumanie, 1991, art. 33, “Le droit à la protection de la santé est garanti. L’organisation de l’assistance médicale et du système des assurances sociales pour maladie, accidents, maternité et convalescence, le contrôle de l’exercice des professions médicales et des activités paramédicales, ainsi que d’autres mesures de protection de la santé physique et mentale de la personne sont établis conformément à la loi.”
19 Constitution de 1978, art. 43. De même, au Portugal, 1976, art. 64, “Chacun a droit à la protection de sa santé et le devoir de la préserver et de l’améliorer.” ou au Pérou : “Chacun a le droit de la protection de sa santé et de l’environnement de famille et la communauté et un devoir de contribuer à l’amélioration et à la défense.”, 1993, art. 11.
20 Constitution de 1994, art. 45.
21 1990, art. 8.
22 1991, art. 37.
23 La Cour constitutionnelle arménienne a pu par exemple estimer que le Gouvernement de la République d’Arménie avait failli à prendre les mesures rendues nécessaires en application de l’article 34 de la Constitution dans la mesure où les programmes d’assistance sanitaire de l’État n’avaient été ni adoptés, ni publiés. (16-06-1998, DCC-114, Sur la conformité à la Constitution des obligations définies dans l’accord conclu entre le Gouvernement de la République d’Arménie et l’Organisation mondiale de la santé “sur l’établissement de relations dans le domaine de l’assistance technique”, 4/1998, CODICES ARM-1998-2-003)
24 Bulgarie, 1991, art. 52 : “Les citoyens ont droit à l’assurance maladie qui leur garantit une assistance médicale accessible, ainsi que les services médicaux gratuits dans les conditions et suivant les modalités fixées par la loi.”
25 Cour constitutionnelle, 22-02-2007, 12/06, Darzhaven vestnik, 20, 06.03.2007 ; BUL-2007-1-001.
26 Convention (I) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, Convention (II) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, 12 août 1949. et Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949. Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949. Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977.
27 Art. 12-1 : “Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle est capable d’atteindre”.
28 Déc. No 74 - 54 DC, 15 janvier 1975 ; Déc. no 80-117 DC, 22 juillet 1980 ; Déc. no 89-269 DC, 22 janvier 1990.
29 Stéphanie JUAN, “L’objectif à valeur constitutionnelle du droit à la protection de la santé : droit individuel ou collectif ?”, RDP 2006, no 2, p. 439 ; Virginie SAINT-JAMES, “Le droit à la santé dans la jurisprudence du conseil constitutionnel”, RDP 1997, p. 463 ; Bertrand MATHIEU, “La protection du droit à la santé par le juge constitutionnel. À propos et à partir de la décision de la Cour constitutionnelle italienne no 185 du 20 mai 1998”, Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 1999, no 6.
30 Not. CC 77-92 DC, 18 janvier 1978 ; CC 89-296 DC, 22 janvier 1990.
31 Notons une solution équivalente en Finlande, 2000, art. 19, “Toute personne qui ne parvient pas à se procurer les moyens nécessaires pour vivre dans le respect de la dignité humaine a le droit de recevoir les moyens de subsistance et les soins indispensables”.
32 Brigitte FEUILLET note ainsi que “le Conseil constitutionnel a instauré un système apparemment incohérent. En effet, il impose au législateur une frontière à respecter, la protection de la santé, alors que la protection de la santé constitue le fondement même de l’accès aux soins. Comment la protection de la santé peut-elle être, à la fois, le fondement de l’accès aux soins et la limite à ne pas dépasser par le législateur lorsqu’il adopte, pour maîtriser les dépenses de santé, des mesures restreignant l’accès aux soins ? Cette jurisprudence laisse penser que mission est donnée au législateur d’assurer un égal accès au droit d’être soigné plutôt qu’un égal accès aux soins proprement dit. Tout le monde doit pouvoir être soigné mais l’accès à certains soins (ou à un certaine médecine) pourrait donner lieu à une contribution financière pour le malade. La voie vers la limitation de l’accès aux soins semble bien tracée car le raisonnement du Conseil constitutionnel et du législateur est identique à l’égard du principe de la liberté d’accès.”, art. préc.
33 Israël, Haute Cour de justice (Cour suprême), 28-07-2008, HCJ 3071/05, Louzon et autres c. Gouvernement de l’État d’Israël et autres, CODICES ISR-2009-1-008
34 1996, art. 27.
35 Cette loi s’est en effet fondée sur le droit à la vie et le droit à la santé pour limiter la consommation de tabac dans les restaurants et les discothèques. Les requérants se plaignaient de discrimination dans le fait de ne pas autoriser les discothèques à ouvrir des espaces fumeurs alors que les restaurants le pouvaient. La cour a jugé la loi inconstitutionnelle sur ce motif de discrimination. 1 BvR 3262/07, 1 BvR 402/08, 1 BvR 906/08, Loi anti-tabac, Land/Neue Juristische Wochenschrift, 2008, 2409-2422 ; Deutsches Verwaltungsblatt, 2008, 1110-1116 ; www.bundesverfassungsgericht.de ; CODICES GER-2008-2-014
36 Cour suprême de justice de la Nation, 01-06-2000, A. 186. XXXIV, Asociación Benghalensis y otros c/Ministerio de Salud y Acción Social, Fallos de la Corte Suprema de Justicia de la Nación (Recueil officiel), 323, 1339, CODICES ARG-2000-3-008.
37 R. 350. XLI/R. A., D. c. Estado Nacional/Fallos de la Corte Suprema de Justicia de la Nation (Recueil officiel), 330/CODICES ARG-2008-1-001.
38 Cour plénière, 27-09-2006, Pl. US 51/06, Sbírka zákonu (Journal officiel), 483/2006, CODICES CZE-2006-3-009.
39 25-03-1996, 48/1996, Boletín oficial del Estado, 102, 27.04.1996, 13-16/CODICES ESP-1996-1-008.
40 Voir CEDH, Grde. Ch., Chypre c. Turquie, 10 mai 2001, requête no 25781/94, même si la Cour n’y voit pas de violation de l’article 2 à raison d’une pratique alléguée consistant à refuser aux Chypriotes grecs et maronites vivant dans le nord de Chypre l’accès aux soins médicaux. Voir aussi Nitecki c/Pologne, 21 mars 2002.
41 CEDH, Berktay c/Turquie, 1er mars 2001.
42 9 juin 1998.
43 CEDH, Gde. Ch., 9 avril 2009, Silih c/Slovénie.
44 CEDH, 16 novembre 2006, Huylu c. Turquie (requête no 52955/99) : les détenus malades nécessitant des soins médicaux particuliers doivent être transférés vers des établissements spécialisés ou vers des hôpitaux civils, lorsque ces soins ne sont pas dispensés en prison. La Cour relève que le requérant fut transféré à l’hôpital où, en dépit de la détérioration de son état de santé, il ne put consulter de médecin. En outre, l’absence d’examens approfondis par des spécialistes, et le fait que ses codétenus aient dû suppléer au manque de soins démontrent que la surveillance de son état de santé n’était pas satisfaisante.
45 CEDH, 3 avril 2001, Keenan c. Royaume-Uni (no 27229/95).
46 Ex : Saoud contre France en 2007.
47 [GC], 27 juin 2000, no 22277/93, § 94, CEDH 2000-VII.
48 Shishmanov c. Bulgarie 8 janvier 2009.
49 Pour une appréciation inverse, CEDH, 29 sept 2005, Mathew c/Pays-Bas.
50 Art. L. 1110-1 CSP.
51 Cons. const., déc. no 94-359 DC, 19 janv. 1995.
52 Brigitte FEUILLET, “L’accès aux soins, entre promesse et réalité”, préc. ; M. BORGETTO, R. LAFORE, Droit de l’aide et de l’action sociales, 6e éd., 2006, Domat Droit public, Montchrestien, p. 34 et s.
53 CAA Paris 21 décembre 2004, Association Droit au logement Paris et environs, no 03PA03824 : “qu’en subordonnant ainsi cette prise en charge d’autorité, par suite de l’échec des tentatives visant à obtenir le consentement des personnes en danger, à l’existence de températures fortement négatives et à celle d’un risque vital, résultant de la conjugaison de ces températures fortement négatives et de l’absence de protection adéquate, la note critiquée n’ordonne pas aux agents concernés d’accomplir un acte qui ne serait pas, dans le but ainsi défini de tenter de sauver les personnes sans abri par un accueil temporaire, indispensable à la survie de ces personnes et proportionné à leur état ; que, par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que ladite note porterait une atteinte excessive à la liberté d’aller et venir, au droit de toute personne de s’opposer à toute investigation ou thérapeutique ou constituerait un détournement de la procédure d’internement d’office”.
54 Article L1110-5 al. 4, “Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée.”
55 Gilles JOHANET, “L’égalité d’accès aux soins”, in Rapport public du Conseil d’Etat 1998, La Doc. française, 1999, p. 429 ; Didier FASSIN, Un traitement inégal. Les discriminations dans l’accès aux soins, Rapport 2001, CRESP ; C. ALLONIER, P. DOURGNON, T. ROCHEREAU, Enquête sur la santé et la protection sociale 2006, Rapport IRDES, no 1701, avr. 2008.
56 Selon le Code de déontologie médicale, “Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard (...)”.
57 CJCE 16 mai 2004, Watts, aff. C-372-04, RDSS 2006. 843, note Loïc AZOULAI ; Loi no 290-207 du 21 mars 2007 relative à l'immigration et à l'intégration (art. L. 121-1 CESEDA).
58 Plan Cancer 2009-2013 : mesures 16.
59 La décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier 1991 concernant la loi lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme justifiait les restrictions apportées par le législateur en raison de l’objectif de la protection de la santé des jeunes (Cons. const., déc. no 90-283 DC du 8 janv. 1991).
60 Le Conseil constitutionnel énonce que “la protection de la santé emporte (...) une obligation d’agir pour les ministres concernés”, Cons. const., déc. no 91-296 DC du 29 juill. 1991, Rec., p. 102.
61 Article L6321-1
Les réseaux de santé ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires.
62 Décision no 2009-584 DC du 16 juillet 2009.
63 “Au sens strict, la permanence des soins désigne le dispositif sanitaire qui permet aux citoyens de recourir à un praticien lorsque le cabinet du médecin de famille a fermé ses portes. Elle fonctionne donc la nuit de 20h00 à 8h00 ainsi que les dimanches, les samedi après-midi et les jours de pont, à un réseau de médecins de garde censée couvrir l’ensemble du territoire et dispenser les soins nécessaires aux patients. La permanence des soins n’est donc ni une médecine d’urgence, ni un lieu de consultation programmée”, Rapport d’information faite au nom de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire sur la permanence des soins par P. BOENNEC, Documents de l’Assemblé Nationale, no 1205, 2008 - 2009, p. 8.
64 Thèse préc., p. 364.
65 CC, 25 janvier 2007 - Décision No 2007-546 DC, Loi no 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant l’ordonnance no 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique, cons. 10 et s.
66 Article L1110-8 “Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire.
Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu’en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l’autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux.”
67 Conseil d'Etat, 14 avril 1999, Syndicat des médecins libéraux, No 202605 203623, Publié au recueil Lebon, préc.
68 Art. 108 de la loi no 2005-157 du 23 févr. 2005 relative au développement des territoires ruraux.
69 Conseil d’Etat, 14 avril 1999, Syndicat des médecins libéraux, No 202605 203623, Publié au recueil Lebon.
70 Brigitte FEUILLET, “L’accès aux soins, entre promesse et réalité”, préc., Elle poursuit fort justement “La plupart des personnes vont chez le médecin car elles savent que cette démarche ne leur coûtera rien ou peu. Dans ce cadre, le droit d’accéder aux soins n’existe pas pour tous les soins prodigués par un médecin. L’interruption de grossesse est remboursée par la sécurité sociale, l’assistance médicale à la procréation ou la stérilisation le sont à certaines conditions, la chirurgie esthétique ne l’est pas. Les règles de la sécurité sociale déterminent donc, en pratique, l’étendue de l’accès aux soins.”
71 CE, 7 juin 2006, GISTI, No 285576, Publié au recueil Lebon.
72 Pour le droit à obtenir des prestations sociales, V. Cons. const., déc. no 89-269 DC, 22 janv. 1990, Rec., p. 33 ; RDSS 1990. 637, note L. DUBOUIS.
73 “Les normes supérieures du droit de la sécurité sociale”, RDP 1996, p. 1003.
74 Dominique BERTRAND et Alain BERARD, “Dépenses de santé et économie de santé”, in TABUTEAU, BOURDILLON, BRUCKER, Traité de santé publique, Flammarion, 2007 ; Maryse BABEL, “Liberté et système de santé”, RDSS 2005, no 6, p. 28.
75 Il faut en outre être un ascendant, un descendant, un frère, une soeur ou partager le même domicile que la personne accompagnée.
76 Conseil d’État, 29 octobre 2007, Association pour l’ouverture du secteur 2 (APOS 2), no 301362.
77 Conseil d’Etat, 3 décembre 2001, Confédération des Syndicats Médicaux Français, no 229539, Mentionné dans les tables du recueil Lebon
78 “Santé et liberté”, Pouvoirs, no 130, 2009, p. 104.
79 Cour de cassation, chambre sociale, 11 juillet 2002, no de pourvoi : 00-21193 : “Attendu que pour condamner la Caisse à rembourser les frais exposés par l’assurée, le Tribunal énonce essentiellement que si le refus de prise en charge est justifié par le décret du 6 mai 1988, ce refus méconnaît l’égalité d’accès aux soins ; Qu’en statuant ainsi, alors que les déplacements litigieux n’entraient dans aucun des cas limitativement énumérés par les dispositions de l’article R. 322-10 du Code de la sécurité sociale, le Tribunal a violé les textes susvisés”
80 Civ. 1, 18 mars 1997, J. PENNEAU, D. 1997, somm. P. 315.
81 Xavier BIOY, “La tabagisme est un domaine propice au développement de nouveaux principes relatifs aux libertés – Note sous CE, 8 sept. 2005”, Dalloz, 12.01.2006, no 2, Jur. p. 124.
82 CE, Ord. Rèf., 16 août 2002, Feuillatey, JCP 2002, II, 10184.
83 Conseil d’État, Ord. Réf., 21 octobre 2005, GISTI, No 285577, Lebon : “Considérant que n’est pas davantage propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décrets contestés, lesquels se bornent à tirer les conséquences de la loi du 30 décembre 2003, le moyen tiré de la violation de l’article 19 de la loi du 30 décembre 2004 aux termes duquel “en matière de protection sociale, de santé... chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou non appartenance... à une ethnie ou une race...”.
84 CE, Ass. 30 octobre 2009, AJDA 2009, p. 2028.
85 L. 1112-3 CSP.
86 article L. 6 1154-5 du code de la santé publique.
87 Loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique : Prévention et gestion des menaces sanitaires graves et des situations d’urgence.
88 Les soins palliatifs se distinguent des soins curatifs, qui sont mis en œuvre dans le but de guérir le patient et des soins de confort ou de support qui visent à améliorer la qualité de vie du patient et qui peuvent être dispensés lors de la phase curative ou palliative.
89 Article L6112-6 CSP, “Dans le cadre des programmes régionaux pour l’accès à la prévention et aux soins prévus à l’article L. 1411-11, les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant au service public hospitalier mettent en place des permanences d’accès aux soins de santé, qui comprennent notamment des permanences d’orthogénie, adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé, et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. Ils concluent avec l’Etat des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes”.
90 Selon l’article 12, “les membres des forces armées qui seront blessés ou malades seront traités et soignés avec humanité par la Partie au conflit qui les aura en son pouvoir, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur le sexe, la race, la nationalité, la religion, les opinions politiques ou tout autre critère analogue. Est strictement interdite toute atteinte à leur vie et à leur personne et, entre autres, le fait de les achever ou de les exterminer, de les soumettre à la torture, d’effectuer sur eux des expériences biologiques, de les laisser de façon préméditée sans secours médical, ou sans soins, ou de les exposer à des risques de contagion ou d’infection créés à cet effet”. L’obligation s’adresse à tous les combattants d’une armée, quels qu’ils soient, ainsi qu’aux non combattants. Elle s’adresse également aux civils, à l’intention desquels elle est d’ailleurs spécialement répétée à l’article 18 : “La population civile doit respecter ces blessés et malades et notamment n’exercer contre eux aucun acte de violence”.
91 C. J. C. E., 13 mai 2003, aff. C-385/99, Müller-Faur c. van Riet ; C. J. C. E., 28 avril 1998, aff. C-158/96, Kohll ; C. J. C. E., 16 mai 2006, aff. C-372/04, Watts c/Bedfort Primary Care Trust.
92 Affaire Chamaïev et autre c/Georgie et Russie, du 12 avril 2005.
93 Requête no 26565/05.
94 Requête no 30240/96 du 21 avril 1997.
95 Déc. No 89 - 269 DC du 22 janvier 1990 considérant 32.
96 Par ex. : Cour administrative d’appel de Douai, 1ère chambre 29/03/2007, 06DA01203. Inédit au recueil Lebon. 86CC 2003-488 DC. 29 décembre 2003, Loi de finance rectificative pour 2003, Rec 480.
97 CC 2003-488 DC, 29 décembre 2003, Loi de finance rectificative pour 2003, Rec 480
98 Cour administrative d’appel de Versailles, No 04VE01586, 21 septembre 2006, Ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale.
99 24.10.2006.
100 22. 12. 2008 Alexanian c/Russie.
101 Conseil d’État, 9 avril 2008, no 308221, M. André A, Mentionné aux tables.
102 Pour une application récente, CEDH, Grde. Ch. 10 mars 2009, Paladi c/ Moldavie.
Auteur
Professeur à l’Université Toulouse 1 Capitole
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations…
Dix ans après
Sébastien Saunier (dir.)
2011