Accès aux soins dans les hôpitaux de Toulouse
p. 25-35
Texte intégral
1 Pendant plus de dix siècles, l’accès aux soins hospitaliers a été presque exclusivement réservé aux malades indigents et accessoirement aux pèlerins. Ce n’est qu’à partir du milieu du XX e siècle, avec le développement de la Sécurité Sociale et la loi du 21 décembre 1941 que les hôpitaux ont été “ouverts” à toutes les classes sociales. Raconter l’histoire toulousaine de l’accès aux soins hospitaliers implique obligatoirement la description de l’évolution des lieux hospitaliers et de leur fonctionnement.
Des “maisons de charité” pour les pèlerins et les malades indigents…
2Au XIIe siècle il y avait déjà dans la ville, qui comptait environ vingt mille habitants, une dizaine de petits hôpitaux désignés souvent sous le terme de « maisons » de charité et quatre maladreries. Ces dernières étaient réservées aux lépreux alors que les “hôpitaux” ne recevaient que des malades pauvres et sans ressources. L’hôpital Sainte-Marie de la Daurade fut édifié, vers 1130, en aval de l’actuelle arche restante de l’ancien pont de la Daurade. Quelques années plus tard (1153), un pont reliait les deux berges et débouchait devant l’hôpital pour rejoindre la route de l’Isle Jourdain, par la rue de l’herbe et la rue Saint-Nicolas. En aval, bâti sur les graviers de la Garonne, était situé l’hôpital de la Grave, signalé déjà sur une charte de Raymond IV en 1197. En 1257, la petite fondation de Sainte-Marie de la Daurade vit s’installer tout à côté l’hôpital Novel, confié aux bayles de la confrérie de Saint-Jacques pour accueillir les pèlerins qui prenaient la route d’Auch, pour aller sur les chemins de Gallice. Il prit, en 1313, le nom d’hôpital Saint-Jacques du bout du pont (del cap del pount).
Les soins hospitaliers au temps de la peste
3Les deux hôpitaux des bords de Garonne, l’hôpital Saint-Jacques du bout du pont et l’hôpital Sainte-Marie de la Daurade, séparés primitivement par la sortie du pont, furent ensuite réunis administrativement en 1313, puis matériellement par un tunnel, passant sous la dernière portion du pont, pour former, en 1554, l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques, qui était encore bien loin d’avoir son aspect actuel. La construction de ces bâtiments, représente pour l’époque un travail gigantesque car elle se fit en très grande partie sur l’eau avec la mise en place de « pilots » (gros piliers de bois) et de “platelages” (plateforme en bois) sur lesquels était ensuite édifiée la maçonnerie.
4Malheureusement la “peste noire” fit son apparition en France en 1348. Ce fléau terrifiant allait frapper en moyenne tous les huit ans pendant plus de deux siècles, puis se raréfier mais rester tout aussi meurtrier au cours des dernières grandes épidémies de 1628-1632 et 1652-1653. Dans le but d’isoler les pestiférés, la Grave devint en 1508 l’hôpital Saint-Sébastien, dénommé aussi hôpital de la Peste ou de la Contagion ou encore par les Toulousains “las infirmerias”. Ce fut une époque dramatique où chaque épidémie enlevait au moins 10 à 30 % de la population. Quand La Grave était saturée, les pestiférés, ou supposés tels, étaient mis en quarantaine, d’abord dans les tours des remparts puis dans le pré des Sept deniers, ou encore dans les prés de Bourrassol et de Terre Cabade. Aucun traitement efficace n’existait mis à part l’hypocrite “électuaire des trois adverbes” : cito, longe, tarde et le mythique vinaigre des quatre voleurs ! Le siècle du pastel (1463-1562), qui suivit l’établissement du Parlement royal en 1444 par Charles VII, apporta heureusement à Toulouse une splendeur économique et un rayonnement régional sans précédent.
La première “restructuration” des hôpitaux toulousains
5À partir du début du XVIe siècle, commença la première grande “restructuration” de la trentaine des hôpitaux disséminés dans toutes les paroisses de la ville. Cette réduction du nombre des maisons hospitalières se fit sous le prétexte que les infirmiers s’y rendant pouvaient apporter la contagion dans les quartiers très peuplés mais aussi en raison de leur mauvais gouvernement... Plusieurs dates (1504-1515-1523-1540) sont relevées sur les édits concernant cette mesure. En 1540, il n’y avait plus que cinq établissements : l’hôpital Saint-Jacques du Bourg, l’hôpital du Taur pour les enfants trouvés, l’hôpital Saint-Esprit de la Cité, l’hôpital Sainte-Catherine pour les roigneux, l’hôpital Saint-Sébastien et l’hôpital Saint-Jacques del cap del pount qui devint en 1554 l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques. Dès lors, les hôpitaux du bord de la Garonne, l’Hôtel-Dieu et la Grave, allaient représenter pendant les siècles suivants les éléments essentiels des établissements hospitaliers toulousains. Le pont couvert de la Daurade fragilisé par plusieurs crues puis détruit définitivement en 1635 fut remplacé par le Pont-Neuf, commencé en 1554 et achevé en 1632.
Accès aux soins à l’Hôtel-Dieu sous l’Ancien Régime
6Au cours de cette époque, l’Hôtel-Dieu passa très lentement du règne de la Natura médicatrix à l’introduction d’une médecine qui resta longtemps balbutiante... Les moyens thérapeutiques très limités, sinon inexistants, se réduisaient au début à une alimentation riche, indispensable pour compenser les carences nutritionnelles qui représentaient alors la pathologie dominante. Dans les salles communes, les malades étaient couchés à plusieurs dans le même lit, fébricitants, hydropiques, pneumoniques, mélangés aux galeux, teigneux et aux mourants. La présence médicale, réduite au minimum, était surtout représentée par des chirurgiens gagnant-maîtrise. La faculté de médecine de Toulouse n’échappait pas à la règle générale de la scolastique du Moyen-Âge.
7Les revenus des hôpitaux reposaient essentiellement sur la charité publique : donations et rentes afférentes, quêtes et même revenus du Château vert, maison de tolérance gérée par une abadesse sous les bons hospices de la municipalité… L’administration hospitalière était partagée entre les notables de la cité, les membres du parlement et les gens d’Eglise. Sous leurs ordres, des directeurs semainiers avaient pour obligations quotidiennes de surveiller la discipline de la maison, de vérifier la présence des médecins et de goûter la soupe, alors que le trésorier répondait sur sa cassette personnelle de l’équilibre des finances…
L’hôpital “prison” : le “Grand Renfermement” à Saint-Joseph de la Grave
8Au XVIIe siècle, s’installa à Toulouse la misère la plus désolante jamais connue, expliquée par les épidémies, les conséquences des guerres mais aussi les catastrophes naturelles, les inondations et les incendies qui ravageaient périodiquement les hôpitaux et la cité. Ce fut le temps du “Grand Renfermement”. La prolifération des mendiants et des gueux, l’envahissement de la ville et de ses églises par ces pauvres misérables, allait en effet justifier deux types d’actions parallèles. D’abord, l’esprit de charité conduisit les émules toulousains de Saint-Vincent de Paul, à fonder de nouvelles maisons et orphelinats ainsi que des bouillons pour nourrir les pauvres, puis à souhaiter leur regroupement à la Grave pour faciliter ces actions caritatives. Afin d’assurer le maintien de l’ordre public et la sécurité des citoyens, la Grave fut transformé en un véritable centre de renfermement pour plusieurs centaines de gueux et de mendiants amenés par les archers de l’écuelle ou la compagnie des chasse-coquins. Mais c’est aussi dans ce même lieu que furent accueillis les pauvres dits volontaires, et que furent enfermés les filles publiques, les maquerelles, les enfants trouvés et les déments et les malheureux frappés du mal caduc (épilepsie). Ce Grand Renfermement, terme officiel utilisé à l’époque, financé par la municipalité était donc tributaire de l’économie urbaine qui devait assurer la subsistance élémentaire certes (pain, soupe et eau) mais coûteuse de un à deux milles “renfermés”… Abandonné puis repris en fonction de l’état des finances et de l’importance de la mendicité, il était associé à la création d’ateliers dans les hôpitaux, de quartiers de force, puis des dépôts de sécurité, véritables prisons qui furent maintenues au-delà du premier Empire.
L’abandon et l’anarchie dans les hôpitaux sous la Révolution
9Le siècle des lumières se termina par la période révolutionnaire, ce fut le temps du grand changement de tout ! En 1793, l’hôtel-Dieu à Toulouse devint l’hospice de l’Humanité et la Grave celui de la Bienfaisance. Ce fut le temps des utopies généreuses : Tout homme dans l’état d’enfance, impuissance, caducité, infirmité, a droit à des secours gratuits de la part des autres hommes. Réduire les inégalités sociales source de maladies, hospitaliser le moins possible, diminuer les dépenses des hôpitaux en réduisant le nombre des lits. Plus d’aumône, plus d’hôpitaux, tel est le but vers lequel la Convention doit marcher sans cesse. Malheureusement, les “Maladies” résistèrent à ces slogans révolutionnaires et malgré la Liberté acquise les malades continuèrent à subir leurs infirmités. Ce fut aussi le grand désordre de l’enseignement avec la suppression de la faculté de médecine en 1793 et parallèlement la liberté d’exercice donnée au tout-venant. Ce fut ensuite la désorganisation des hôpitaux avec l’éloignement ou l’emprisonnement des sœurs. Ce fut enfin la faillite avec la “nationalisation” des biens hospitaliers et par conséquent la disparition des rentes inhérentes. Les choses allèrent alors de mal en pis par manque d’argent, de médicaments, de bois, de nourriture et par absence de discipline. Des grèves chez les nourrices mirent en danger la vie des nourrissons, alors que le fossoyeur et le pompeur d’eau demandaient régulièrement des augmentations de salaires. Pour survivre, l’Hôtel-Dieu dut alors vendre les draps et la charpie, les vaches et les chèvres, et louer la grande cour à des commerçants qui y dressèrent des échoppes. Parallèlement on fit des quêtes publiques, on augmenta le droit sur les spectacles au bénéfices des hospices, on renforça le monopole hospitalier sur la fabrication des cercueils, on voulut même utiliser le cimetière de l’Hôtel-Dieu pour y cultiver des plantes médicinales mais le fossoyeur pour son usage personnel y avait déjà semé des raves et du blé ! Les malades hospitalisés furent alors encouragés “à aller chercher les existences ailleurs”. C’était de fait la disparition de l’accès aux soins ! Un dramatique constat de faillite ! L’incompétence, l’immoralité, et la malhonnêteté des « commères bonnes patriotes » firent rapidement regretter les soeurs de Saint-Vincent de Paul.
10À partir de 1796, les soeurs réintégrèrent progressivement les hospices, le décret de nationalisation des biens hospitaliers fut annulé mais la restitution des biens, déjà vendus, fut difficile sinon impossible ! Il fallut beaucoup de temps pour remonter la pente. Les finances étant toujours catastrophiques, l’assemblée constituante décida en 1798 de mettre à la charge du budget municipal le service et l’entretien des hôpitaux. Les choses allaient rester ainsi jusqu’en 1945 quand, avec la création de la sécurité sociale, l’Etat enleva aux municipalités la lourde charge du financement hospitalier !
Remise en ordre de l’accès aux soins sous l’Empire
11Le Directoire, puis le Premier Empire, rétablirent une réglementation très centralisée qui allait faire intervenir pour des affaires locales non seulement le Conseil de préfecture mais aussi le ministère de l’Intérieur. Napoléon, par un décret du 2 germinal an XIII, nomma Madame, mère de l’Empereur, protectrice des “soeurs dites de la Charité et des soeurs hospitalières” dans toute l’étendue de l’Empire français. Le grand règne des “sœurs hospitalière” revint alors et allait durer près de deux siècles. Les congréganistes allaient avoir la haute mains sur les soins hospitaliers, s’occupant à la fois de la gestion générale, du fonctionnement des salles et de la pharmacie, du recrutement du personnel et… de la religion Chateaubriand soulignait cette sainte mission dans le Génie du Christianisme en écrivant : “Ce qui est d’un prix inestimable, c’est que la soeur grise ne manquait pas de dire un mot de Dieu à l’oreille du nourricier de la patrie, et que jamais la morale ne trouva de formes plus divines pour se glisser dans le coeur humain”.
12À La Grave, après l’annexion en 1797 de l’ancien couvent des Dames de la porte, transformé à la Révolution en hôpital militaire Christophe Colomb, les grandes cours intérieures furent enfin terminées, après plus d’un siècle d’attente. Toute la première moitié du XIXe siècle fut consacrée à l’achèvement des grandes cours, entourées de bâtiments aux superbes façades en briques roses et dont la création remonte au XVIIe siècle. Elles forment le “quadrilatère historique” dont la majestueuse ordonnance apparaît sur tous les plans Ce fut aussi le moment de la modernisation de l’hospice des fous, qui renfermait plus de 300 aliénés, grâce à la création de meilleures conditions d’hospitalisations avec les cabanons d’Esquirol. En 1858, les malades psychiatriques allaient être transférés à l’asile de Braqueville, futur hôpital Marchand. Deux grands noms de la psychiatrie restent attachés à Toulouse, Philippe Pinel (1745-1826) qui y commença ses études médicales et Jean-Etienne Esquirol, né à Toulouse (1772-1840) lui aussi ancien élève de la Faculté de Médecine et dont le père était un administrateur de La Grave. Tous deux furent les fondateurs de la psychiatrie moderne qui libéra les malades de leurs chaînes et donna aux maladies mentales un véritable statut médical. La nouvelle chapelle dédiée à Saint-Joseph de la Bonne Mort, avec son superbe dôme, émergeant fier et majestueux sur le panorama des rives de la Garonne et dominant les grandes cours, était terminée en 1845.
De l’amélioration “hygiénique” des soins aux débuts d’une médecine “moderne”
13La fin du XIXe et le début du XXe siècle, furent consacrés au grand projet d’assainissement des hospices toulousains (1876-1901) en raison de l’importance des infections nosocomiales, dramatiquement dévastatrices à la maternité de l’Hôtel-Dieu. Cela allait motiver en 1889, le transfert de ce service à la Grave, qui accueillait aussi la clinique obstétricale et un an plus tard la clinique des maladies mentales (dite la mentale), et dans un autre quartier fermé le service des “filles publiques” (1891). Malgré ces nouveautés, la Grave restait toujours le lieu de la misère récalcitrante et l’essentiel de l’hospice Saint-Joseph était toujours occupé par les quartiers des vieillards et des incurables. Même si les années du Grand renfermement étaient finies depuis longtemps, le souvenir lourd et pesant de l’hospice général restait présent en permanence. Quelques années plus tard, la Grave poursuivait sa “médicalisation” avec l’ouverture en 1924 du premier centre anticancéreux provincial, puis en 1934 celle du premier centre de transfusion sanguine.
14À quelques centaines de mètres, l’Hôtel-Dieu faisait figure d’hôpital plus moderne, avec une capacité de 470 lits, dont près de la moitié était occupée par des tuberculeux répartis en salles communes de 20 à 30 lits. Les services d’hospitalisation (sept services cliniques de la faculté et deux services dits municipaux) se répartissaient autour des deux cours. La première anesthésie eut lieu à l’hôtel-Dieu en 1847 ; cette nouvelle technique, au début très décriée par certains chirurgiens conservateurs, allait permettre, avec l’invention de l’antisepsie par Lister puis de l’asepsie par Pasteur, l’épanouissement de la chirurgie moderne.
15La deuxième moitié du XIXe siècle fut marquée par un évènement dramatique : la grande crue de la Garonne qui, en 1875, fit plus de deux cents morts dans le quartier Saint-Cyprien et toucha particulièrement les hôpitaux. La prévention des inondations suscita par la suite de nombreux projets, dont l’un se proposait tout simplement de raser l’Hôtel-Dieu et une partie de la Grave afin d’élargir le lit de la Garonne ! À côté de cette perspective ahurissante, heureusement combattue et repoussée, un autre grand débat, plus politique, allait s’installer à la fin du XIXe siècle avec les premières tentatives de laïcisation qui de fait se réduisirent à celle des services généraux (1904) et de quelques très rares services de soins. Dans une France républicaine mais encore très catholique, la laïcisation du personnel soignant hospitalier représentait pour la majorité radicale-socialiste de la municipalité toulousaine, une impérieuse nécessité sinon une ardente obligation malgré la réticence de la commission administrative. Pour cela une Ecole des infirmiers, infirmières et panseurs fut ouverte, en octobre 1901, afin de former des infirmières laïques. L’échec fut évident puisque sur les 20 élèves acceptées 19 furent des congréganistes ! De fait, la grande réforme de la laïcisation ne se fit que très lentement, pendant le siècle suivant. Les dernières soeurs de la Charité ont quitté définitivement l’hôpital de Purpan en 1964 et la Grave en 1983.
L’ouverture de l’hôpital de Purpan (1946) et la création du CHU (1958)
16Il fallut 44 ans entre la première idée du projet et l’ouverture aux malades civils… Terminé en 1939, le grand hôpital suburbain était un superbe ensemble pavillonnaire, s’étendant sur plus de 20 hectares et comprenant près de 1000 lits, répartis sur plus de dix bâtiments, reliés par un réseau de souterrains. Il fut immédiatement réquisitionné par les militaires français, puis en 1942 occupé par l’armée allemande pour être rendu à l’armée française en 1945… Le 2 février 1946, le premier malade civil était enfin transféré de l’Hôtel-Dieu et admis dans le service des tuberculeux. La direction générale, s’installait rapidement dans le grand bâtiment administratif, face à l’entrée, où elle allait rester pendant plus de trente six ans.
17Ces années historiques furent aussi celles de la loi du 21 décembre 1941 complétée par le règlement d’administration publique du 17 avril 1943, portant sur la réorganisation hospitalière avec l’hôpital toutes classes et la création du poste de directeur général et de la sécurité sociale en 1945.
18En 1958 la naissance des C.H.R.U. représenta une nouvelle révolution, heureusement plus positive que celle de 1789 ! Dès lors, dans les hôpitaux toulousains comme ailleurs en France, la possibilité du plein-temps pour les médecins hospitaliers, la fusion hospitalo-universitaire allaient amener des progrès majeurs malgré de nouvelles difficultés : manque des lits et absence de locaux pour l’enseignement et la recherche. Des constructions dites provisoires furent alors programmées. Purpan dut faire face à une demande d’hospitalisation qui dépassait largement ses capacités initiales, il fallut alors créer des lits en urgence, ce fut le temps des “pseudopodes” (1958-1975) mais aussi celui de la création du SAMU et du BRR en 1968.
19La décennie 1950-1960 fut aussi l’époque du grand chantier de restauration de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques. Sans ces travaux gigantesques, l’hôtel-Dieu aujourd’hui n’existerait probablement plus, tout au moins dans sa partie Garonne. Les premiers travaux portèrent logiquement sur la consolidation des fondations par l’adjonction de piliers en béton dès 1952. Cette sauvegarde faite, la réfection totale fut entreprise de la base jusqu’aux toits, ne laissant debout que les murs porteurs. La façade donnant sur la cour Saint-Jacques, fut embellie par l’ouverture de nouvelles de fenêtres. Le réaménagement intérieur permit le dédoublement des étages. Ensuite, progressivement les services d’hospitalisation furent transférés vers Purpan, le dernier service quittant l’Hôtel-Dieu en 1987, tandis que la direction générale s’y installait dès 1981, rejointe par la majorité des directions fonctionnelles pour en faire le grand centre administratif des hôpitaux de Toulouse.
Rangueil : un ensemble hospitalo-universitaire cohérent
20En décembre 1959, le doyen Guy Lazorthes présentait devant le Conseil de la faculté de Médecine et de Pharmacie, puis la Commission Administrative des hôpitaux, un rapport sur la création d’une nouvelle faculté de médecine et d’un quatrième hôpital, après l’Hôtel-Dieu, La Grave et Purpan. Cette demande était justifiée par la vétusté de certains établissements et l’insuffisance des lits d’hospitalisation devant l’expansion démographique de Toulouse. Elle s’inscrivait également dans le cadre de la récente loi Debré, concernant la création des Centres Hospitaliers Universitaires : les CHU.
21La maquette témoignait d’un projet ambitieux et innovant. Contrairement à Purpan, hôpital pavillonnaire des années 1930, Rangueil était un superbe monobloc de sept étages et trois sous-sols dont les façades, étaient recouvertes de briques de parement, tradition toulousaine oblige. De la route de Narbonne au sommet de la colline, l’ensemble faculté-hôpital s’étendait sur 28 hectares, dont 13 réservés à la faculté et 15 au centre hospitalier. Le ministère de l’Education Nationale allait rapidement adhérer au projet et la nouvelle faculté de médecine accueillait les premiers étudiants dès le mois d’octobre 1967. Par contre un retard considérable fut pris du côté Santé Publique, les autorités de tutelle soutenant qu’un hôpital de plus d’un millier de lits n’était vraiment pas nécessaire pour l’agglomération toulousaine. Après maintes discussions, la pose de la première pierre eut enfin lieu en 1970 ! Alors, commencèrent enfin sur la colline de véritables travaux d’Hercule, qui durèrent jusqu’en juillet 1974, sous la supervision de M. Roger Méau, directeur général du CHR (1966-1978). Le 12 mai 1975 l’hôpital de Rangueil accueillait enfin le premier malade, l’inauguration officielle par Madame Simone Veil, ministre de la Santé Publique ayant lieu quelques mois plus tard, le 15 octobre 1975.
Le temps des mutations : vers le CHU du XXIe siècle
22Avec l’ouverture de l’hôpital de Rangueil, se dessinait, aussi, la fin des trente glorieuses. L’impossibilité de maintenir à long terme deux hôpitaux avec des activités strictement en miroir allait devenir de plus en plus évidente. Ce fut alors pour les hôpitaux toulousains le début d’une longue période de mutations, économiques et structurelles débouchant sur des restructurations difficiles, mais inexorables car de nouvelles idées allaient changer totalement la façon d’exercer la médecine hospitalière. Parallèlement des efforts considérables étaient poursuivis pour la rénovation et la modernisation du CHU.
23Un superbe hôpital des Enfants a été ouvert sur le site de Purpan le 23 septembre 1998, la pose de la première pierre ayant eu lieu le 6 janvier 1995, par Philippe Douste-Blazy alors ministre de la Santé. Ce remarquable ensemble architectural de trois étages, regroupe les différentes spécialités de la pédiatrie (234 lits) au sein d’un département unique de pédiatrie médico-chirurgicale composé de plusieurs secteurs d’activités pluridisciplinaires de 27 lits chacun, chaque secteur étant placé sous la responsabilité d’un coordonnateur.
24Quelques années après, en 2004, l’ouverture, à quelques dizaines de mètres, de l’hôpital Paule de Viguier, permettait d’accueillir et de regrouper tous les services de maternité, gynécologie et obstétrique, situés depuis plus de 150 ans à La Grave. D’une capacité d’accueil de plus de 200 lits, d’une surface globale de 28 000 m², ce nouvel ensemble regroupe aujourd’hui des spécialités concernant la femme, le couple et la mère.
25Sur le site de Rangueil, l’acquisition de l’hôpital militaire Larrey en 2000, situé à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de l’hôpital civil, a permis de compléter l’offre de soins et de permettre plusieurs opérations tiroirs malgré quelques retards provoqués par la catastrophe d’AZF, le 21 septembre 2001. Aujourd’hui, dans ce superbe tripode, sont installées la clinique des voies respiratoires ainsi que l’unité de dialyse périodique. Actuellement le groupe hospitalier Rangueil-Larrey offre une capacité d’hospitalisation de plus de mille lits et de nombreux pôles d’activité. Un nouveau bâtiment a été ouvert en 2005 pour accueillir le service de médecine physique et de réadaptation.
Le CHU toulousain du XXIe siècle : aujourd’hui et demain
26Les grands chantiers se poursuivent et l’ensemble du CHU va être totalement modifiés par l’ouverture de nouvelles structures permettant une meilleure offre de soins.
27A Purpan, parmi les réalisations récentes il faut citer l’Institut fédératif de Biologie et le nouveau SAMU avec la construction du bâtiment Louis-Lareng. Dans deux ans le bâtiment Pierre-Paul Riquet permettra de regrouper trois grands pôles cliniques : Neuro-sciences, Locomoteurs et Céphalique soit 574 lits et places avec un plateau technique multidisciplinaire, 24 blocs opératoires, 13 salles d’imagerie conventionnelle et interventionnelle, un parking clientèle de 300 places. La ligne E de tramway effectuant le circuit Arènes-Blagnac passera devant l’Hôpital Mère-Enfant et l’Hôpital Pierre-Paul-Riquet
28Ouvert en 2010, l’hôpital Garonne à Ancely est dédié aux services de gériatrie sur une surface de 138 000 m2 avec 140 lits de soins de longue durée et 40 lits de soins de suite.
29Sur le site de Langlade, en 2004 le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy, a lancé un grand projet européen de Cancéropole réunissant à la fois des investisseurs publics et privés et, bien sûr, le CHU et les facultés de médecine. La Clinique Universitaires du Cancer comprendra 312 lits et places, regroupant les activités de l’Institut Claudius-Regaud et certaines spécialités du CHU (hématologie clinique, oncologie médico-chirurgicale, médecine nucléaire). Des lits seront mutualisés entre partenaires publics et privés.
30Enfin à Rangueil la construction d’un plateau technique BOH3 permettra de regrouper dans les prochains mois 20 espaces opératoires, 26 lits de BRR, 30 places de soins interventionnels, 7 lits de brûlés etc.
31Le C. H. U. de Toulouse avec une capacité d’accueil de 2 800 lits reçoit annuellement plus de 500 000 patients. Il emploie aujourd’hui un personnel hospitalier de plus de 10 000 agents et un personnel médical de 2500 salariés et vacataires. C’est le quatrième CHU de France avec un taux d’occupation atteignant 87 %, progressant en cinq ans de plus de 10 %. Les 26 pôles cliniques, récemment créés, ont accueilli en hospitalisation plus de 171 000 patients, près de deux sur trois étant hospitalisés moins de 48 heures.
32Grâce à son dynamisme, grâce à la volonté des autorités de tutelle, de la direction générale, des administrateurs et de l’ensemble du corps médical et des personnels, le CHU de Toulouse figure, aujourd’hui, et cela depuis plus de sept ans, dans les toutes premières places du palmarès des hôpitaux Français.
Bibliographie
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L. ENJALBERT, L’Hôtel-Dieu Saint Jacques, Association des Amis de l’hôtel-Dieu et de l’hôpital de La Grave Toulouse. Imprimerie Fournié. 1989.
J. FREXINOS, Les Hôpitaux de Toulouse. Mille ans d’histoires. Privat 1999 J. FREXINOS, La laïcisation des hôpitaux de Toulouse. L’Auta, 2005. 4e série no 61 et 62.
J. FREXINOS, “La laïcisation des hôpitaux de Toulouse”. Revue de la Société Française d’Histoire des Hôpitaux. 2005 ; 119 : 14-15.
D. MOINARD, J. FREXINOS, “La reconversion de l’Hôtel-Dieu Saint Jacques”. Revue de la Société Française d’Histoire des Hôpitaux. 2006.
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H. PONS, “Cinquante ans d’hôpitaux. “Le Moyen Âge”, 1925-1945”. Rev. Méd. Toulouse. 1974, S. X., p. 1509-1532.
Auteur
Professeur à la Faculté de médecine de Toulouse
Président de la commission du patrimoine historique des Hôpitaux de Toulouse. Membre du Conseil d’Administration de la Société Française d’Histoire des Hôpitaux. Hôtel-Dieu, 2 rue Viguerie. 31059 Toulouse Cedex 9.
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Dix ans après
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2011