Les évolutions de la responsabilité pénale des personnes morales en droit de l’entreprise
p. 291-304
Texte intégral
1Les personnes morales, ces êtres abstraits, ces entités juridiques dénuées d’émotivité, d’affectivité, de réalité parfois ; ces êtres impalpables ne sont plus en droit pénal des êtres intouchables. L’introduction de la responsabilité pénale des personnes morales dans le code pénal réformé qui est entré en vigueur le 1er mars 1994, a marqué un changement majeur dans l’esprit de la matière pénale. Historiquement, la conception classique du droit pénal -celle du code pénal de 1810- réservait la sanction pénale aux personnes physiques, seuls êtres capables d’assumer la responsabilité de leurs actes. Seules les personnes physiques pouvaient commettre une infraction car la consommation de l’acte matériel de toutes infractions suppose qu’un individu agisse. Et les sanctions pénales que fulminait le code pénal de 1810 étaient adaptées aux seuls êtres humains, puisque la sanction principale du droit français était la peine d’emprisonnement qui par nature ne peut être appliquée qu’à des personnes physiques. L’idée que le droit pénal ne pouvait concerner que les personnes physiques perdura longtemps en doctrine. Les divers projets de réforme qui ont précédé celle de 1994, ont parfois envisagé la possibilité d’intégrer dans notre droit la responsabilité pénale des personnes morales, mais aucun de ces projets n’ayant abouti, le droit pénal fidèle à sa conception d’origine, ne connaissait qu’un responsable pénal : l’auteur personne physique de l’infraction.
2Cette situation change dans le code pénal lors de la réforme de 1994 : le législateur introduit le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, consacrant ainsi un responsable pénal nouveau au côté des personnes physiques. Toutes les personnes morales de droit privé et de droit public à l’exception de l’Etat, peuvent être pénalement responsables et poursuivies. Des sanctions spécifiques sont prévues par la loi pour pallier l’impossibilité d’appliquer la peine d’emprisonnement prévue pour les personnes physiques pour les mêmes infractions.
3Lorsque le législateur a choisi de consacrer cette responsabilité pénale nouvelle, deux possibilités s’offraient à lui : soit il choisissait d’assimiler les personnes morales aux personnes physiques et dans ce cas, le régime de la responsabilité devait être appliqué sans distinction quant aux infractions commises par des personnes physiques ou par des personnes morales – sous réserve des sanctions ; soit il faisait des personnes morales des responsables pénaux particuliers, à qui on ne pourrait imputer que certaines infractions parmi toutes celles que notre droit incrimine.
4Le législateur a choisi de distinguer le régime de la responsabilité pénale des personnes physiques de celui des personnes morales. Alors que la responsabilité pénale des personnes physiques est générale -toutes les infractions pénales prévues par le code pénal et les lois pénales annexes peuvent leur être imputées-, la responsabilité pénale des personnes morales a été conçue à l’origine par le code pénal de 1994, comme une responsabilité spéciale.
5En 1994 la responsabilité des personnes morales était doublement spéciale : en premier lieu, parce que les personnes morales ne pouvaient être poursuivies que dans les cas particuliers expressément incriminés par la loi. Pour chaque infraction, un texte spécifique prévoyait que les personnes morales pouvaient être déclarées responsables sur le fondement de cette infraction. Cette méthode d’imputation spécifique-appelée principe de spécialité-découlait de la formulation de l’article 121-2 du code pénal, qui disposait que les personnes morales sont responsables pénalement “dans les cas prévus par la loi ou le règlement”.
6En second lieu, la responsabilité pénale des personnes morales est également une responsabilité spéciale, car elle est conçue comme une responsabilité par représentation. Elle ne pourra être engagée que lorsque l’infraction aura été commise pour le compte de la personne morale par une personne physique, et pas n’importe quelle personne physique : la loi vise exclusivement un organe ou un représentant. La volonté du législateur dans le code pénal de 1994 était donc claire : les personnes morales devenaient des responsables pénaux, mais compte tenu de leur nature spécifique, des responsables différents des personnes physiques.
7Les évolutions législatives et jurisprudentielles qui se sont produites depuis 1994, tendent à estomper cette différence de régime de responsabilité entre les personnes physiques et les personnes morales. Une tendance générale de ces évolutions apparait clairement : tant les lois successives que l’interprétation jurisprudentielle de l’article 121-2 du code pénal ont conduit à un élargissement de la responsabilité pénale des personnes morales (I). Dépassant parfois les prévisions de la loi, ces évolutions ont conduit à une autonomisation de la responsabilité pénale des personnes morales qui a parfois été poussée très loin ; il est vrai que certains arrêts récents laissent présager un “retour à l’orthodoxie”1 (II).
I – L’ELARGISSEMENT DE LA RESPONSABILITE PENALE DE LA PERSONNE MORALE
8La première modification d’importance de l’article 121-2 du code pénal est d’origine législative, puisque dix ans après son entrée en vigueur la conception même de cette responsabilité particulière est remise en cause par la suppression du principe de spécialité (A). Cette remise en cause de la philosophie du texte est loin d’être la seule car les juridictions répressives par une interprétation compréhensive des conditions d’engagement de cette responsabilité lui donnent un champ d’application très large (B).
A – La suppression du principe de spécialité
9Le principe de spécialité prévu à l’origine par l’article 121-2 du code pénal, restreignait considérablement le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales, subordonnant celle-ci à l’existence d’un texte d’incrimination spécial permettant les poursuites pénales. En 1994, ces textes spéciaux étaient assez peu nombreux ce qui résultait d’un choix législatif arbitraire qui retenait ou non la responsabilité pénale des personnes morales. La conséquence de ce nombre restreint de textes d’incrimination spécifiques aux personnes morales est que des pans entiers de notre droit n’étaient pas concernés, laissant les personnes physiques seules face à la responsabilité pénale : le droit des sociétés, le droit du travail, le droit de la consommation, le droit de l’environnement, le droit de l’urbanisme, le droit fiscal. Le droit pénal de l’entreprise pour l’essentiel de ses infractions restait curieusement imperméable à la responsabilité pénale des personnes morales, alors que c’est dans ce domaine particulier que le nombre des personnes morales susceptibles de commettre une infraction, est le plus important.
10Le législateur prenant progressivement conscience des imperfections du code, diverses lois ont comblé les lacunes de la répression, prévoyant plus largement la responsabilité pénale des personnes morales. Le résultat de ces lois multiples était un ensemble sans cohérence, ce qui était inévitable en l’absence d’une véritable réflexion de politique criminelle sur la place et la nature de la responsabilité pénale des personnes morales. En outre, des vides subsistaient encore -le délit d’abus de biens sociaux en était une illustration, il ne pouvait pas être imputé à des personnes morales- à défaut de texte.
11La multiplication des textes d’incrimination affaiblissant la portée du principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales, à terme une réforme devenait inévitable2. La généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales a donc été introduite dans la loi du 9 mars 2004, par une réforme des termes de l’article 121-2 du code pénal3. La formule de l’article 121-2 du code pénal, qui prévoyait que les personnes morales sont responsables pénalement “dans les cas prévus par la loi ou le règlement” a été supprimée. Depuis le 31 décembre 2005, les personnes morales comme les personnes physiques, peuvent être poursuivies sur le fondement de toutes les infractions incriminées par notre droit4, il n’est plus nécessaire qu’un texte spécifique le prévoit. Le régime de la responsabilité pénale des personnes morales n’est pas modifié, seul le champ d’application est élargi par l’alignement de la responsabilité des personnes morales sur celle des personnes physiques5, ce qui accroît le poids du risque pénal pour les personnes morales puisque désormais toutes les infractions pénales leur sont imputables, sous réserve que celles-ci aient été commises pour le compte de la personne morale par un organe ou un représentant.
12La suppression du principe de spécialité a deux avantages : d’une part, il rétablit le principe d’égalité devant la loi entre toutes les personnes physiques ou morales, dont la responsabilité pénale peut être engagée ; d’autre part, il garantit la prévisibilité juridique qui est une exigence découlant du principe de la légalité des délits et des peines, en permettant aux personnes morales, comme aux personnes physiques, de connaître avec précision le risque pénal qu’elles encourent du fait de leurs agissements.
13Désormais, comme pour les personnes physiques, la seule existence d’un texte d’incrimination érigeant un comportement en infraction suffit pour fonder la responsabilité, si les conditions de l’infraction sont réunies. Les poursuites seront engagées dans les mêmes conditions à l’encontre des auteurs, coauteurs et complices, que l’infraction soit imputée à une personne physique ou à une personne morale. Le régime de responsabilité est unifié, y compris pour les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de responsabilité6 qui bénéficient tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales.
14Désormais, toutes les infractions sont imputables aux personnes morales. Les infractions d’affaires commises par des sociétés qui échappaient à la sanction pénale -l’abus de biens sociaux, le délit d’initié…-sont entrées dans le champ pénal. Une exception subsiste toutefois : les infractions de presse qui ont été exclues par la loi de la prévention pour ne pas porter atteinte aux entreprises de presse. Dans ce cas uniquement, les poursuites et les sanctions ne peuvent concerner que de nombreuses personnes physiques : directeurs de publication, éditeurs, auteurs, diffuseurs.
15L’unification du régime de la responsabilité pénale des personnes physiques et morales, peut conduire a priori à des situations curieuses, puisque l’assassinat comme l’agression sexuelle entre autres, sont imputables aux personnes morales. Mais cela n’est pas incohérent. On peut imaginer que ces infractions soient commises par un organe ou un représentant, pour le compte d’une personne morale pratiquant par exemple, le trafic de stupéfiants ou le proxénétisme. La loi a d’ailleurs visé ces situations dans le cadre de la prévention et de la répression des pratiques sectaires7. Il appartiendra seulement aux juges répressifs de vérifier que ces infractions ont bien été commises pour le compte de la personne morale par une personne présentant les qualités requises au sens de la loi : organe ou représentant.
16Le risque pénal qui pèse sur les personnes morales se trouve donc très largement accru par l’évolution des textes. Cependant, ce risque de par la clarté et la prévisibilité de la loi pénale est conforme aux principes fondamentaux du droit pénal, ce qui n’est pas le cas lorsque l’alourdissement de la responsabilité résulte de l’interprétation extensive par la jurisprudence des conditions d’engagement de cette responsabilité.
B – L’acceptation compréhensive des conditions de la responsabilité pénale des personnes morales
17Dès l’origine la jurisprudence s’est employée à permettre une application large de la responsabilité des personnes morales en consacrant une interprétation souple de ses conditions. Très tôt elle a ainsi affirmé le particularisme de la notion de “représentant” au sens de l’article 121-2 du code pénal afin d’y inclure le salarié délégataire de pouvoirs. (1) Elle a également conféré un sens particulièrement large à l’expression “pour le compte” de la personne morale en n’exigeant pas la caractérisation d’un avantage, ni même d’une économie, à son profit. (2)
1) La spécificité de la notion de représentant au sens de l’article 121-3 du code pénal
18Pour que la responsabilité pénale de la personne morale soit engagée, l’infraction doit avoir été commise par l’un de ses organes ou représentants. En l’absence de définition précise de ces notions, la doctrine s’accorde à considérer que la notion d’organe renvoie à la structure de gestion dont le groupement est doté en vertu de ses statuts ou de la loi8. Quant au représentant, il s’agit en principe d’une personne physique titulaire d’un pouvoir de direction, tel un administrateur ou toute autre personne dotée d’un mandat de représentation de la personne morale en vue de l’accomplissement d’actes juridiques mais, selon la jurisprudence, il peut aussi s’agir d’un salarié titulaire d’une délégation de pouvoirs9.
19Pourtant, en principe, un salarié ne peut pas être un représentant de la personne morale qui l’emploie et ce, même si l’infraction qu’il commet profite à cette dernière. Sa situation de subordonné est incompatible avec la qualité de représentant au sens du droit civil, laquelle suppose une indépendance incompatible avec le contrat de travail. Cette exclusion des infractions commises par les salariés du champ de la responsabilité pénale des personnes morales aurait pu cependant poser problème en cas de délégation de pouvoirs. Elle aurait abouti à accorder aux grandes entreprises une certaine immunité pénale dans la mesure où les délégations de pouvoirs y sont nécessaires, singulièrement en matière de sécurité au travail. Voilà pourquoi, dès 1998, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé que si le salarié ne peut, par ses actes ou ses omissions, engager la responsabilité de l’entreprise, il en va différemment en cas de délégation de pouvoirs10. Ainsi, le salarié titulaire d’une délégation de pouvoirs émanant de son employeur ou, le cas échéant, d’une autre personne morale11, engage la responsabilité pénale de ce dernier ou cette dernière. La solution est aujourd’hui bien établie que la délégation de pouvoirs ait été donnée de manière formelle ou qu’elle résulte de la réalité des pouvoirs détenus par le salarié12. Elle vaut également en cas de subdélégation13.
20Cette approche autonome de la notion de représentant de la personne morale, qui étend le champ de la responsabilité de cette dernière, se justifie pleinement par l’esprit des textes qui ont présidé à la consécration de la responsabilité pénale des personnes morales en droit français. En effet, il est clair que législateur n’a jamais souhaité permettre aux entreprises -et en pratique aux plus grandes d’entre elles- de se soustraire, grâce à la délégation de pouvoirs, au poids de leur responsabilité.
21L’interprétation parfois très extensive de la seconde condition posée à l’article 121-2 du code pénal facilite bien plus encore la répression à l’égard des personnes morales.
2) L’interprétation extensive de l’expression “infraction commise pour le compte” de la personne morale
22La question de la signification de cette formule a dès l’adoption de l’article 121-2 du code pénal suscité des interrogations doctrinales14. Spontanément, certains auteurs ont pu considérer que la condition posée revenait à limiter le champ de la responsabilité des personnes morales aux seules infractions susceptibles de leur procurer un avantage ou de permettre la réalisation d’une économie. La responsabilité du groupement supposerait la caractérisation d’une “faute lucrative”15. Cependant, s’en tenir à cette approche reviendrait à exclure du champ de la responsabilité des personnes morales les infractions qui ne procurent pas, ou rarement, un avantage matériel aux personnes morales, comme la plupart des infractions intentionnelles (par exemple, la discriminations en raison de l’appartenance à une ethnie, une nation ou une race ou encore les infractions de nature sexuelle). Voilà pourquoi certains auteurs ont proposé de retenir une approche mixte en fonction de la nature de l’infraction : caractérisation du profit ou de l’économie réalisée pour les infractions “lucratives” et du dysfonctionnement de la personne morale ayant permis la réalisation de l’infraction dans les autres cas16. Pour d’autres17 enfin, l’expression n’implique ni gain pour l’entreprise, ni dysfonctionnement. La responsabilité pénale des personnes morales étant conçue comme une responsabilité par reflet ou par représentation, l’élément moral de l’infraction -tout comme son élément matériel- doit être emprunté à la personne physique qui a commis l’infraction dans l’exercice de ses fonctions de représentation.
23C’est cette dernière approche que consacre la Cour de cassation qui rejette la théorie de la faute et n’exige pas que soit établie l’existence d’un avantage au profit du groupement pour que soit reconnue sa culpabilité18. Pour les juges, la responsabilité pénale de la personne morale découle automatiquement de celle de l’organe ou du représentant, dès lors que ce dernier a commis l’infraction dans l’exercice de ses fonctions de représentation.
24Il en résulte que l’exigence légale d’une infraction commise pour le compte de la personne morale est aisément admise par le juge et ne constitue pas une limite sérieuse à l’engagement de sa responsabilité pénale.
25Mais si ces solutions prétoriennes ont accentué sensiblement le poids de la responsabilité pénale sur les personnes morales, ce poids a été encore accru du fait de l’autonomisation de cette dernière par rapport à la responsabilité de l’auteur physique de l’infraction que consacrent certains arrêts récents que d’autres pourraient cependant démentir.
II – L’AUTONOMISATION DE LA RESPONSABILITE PENALE DE LA PERSONNE MORALE : FLUX ET REFLUX DE LA JURISPRUDENCE
26Aux termes de l’article 121-2 du code pénal, l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale par ses organes ou représentants. L’identification du ou des auteurs personnes physiques constitue donc un préalable nécessaire à l’engagement de la responsabilité de la personne morale. Bien plus, la théorie de la responsabilité par représentation -qui constitue, rappelons-le, le fondement de la responsabilité pénale des personnes morales en droit français- implique non seulement l’identification de la personne physique afin de vérifier sa qualité d’organe ou de représentant, mais en outre que l’infraction soit caractérisée à son encontre dans tous ses éléments.
27Dans un premier temps, la Chambre criminelle de la Cour de cassation. s’en est apparemment tenue à cette approche19, mais assez vite certains arrêts s’en sont écartés et ont témoigné d’une prise de distance, tout d’abord limitée, puis plus radicale. Ainsi, certaines décisions ont admis la condamnation de la personne morale, d’une part, en cas de relaxe de la personne physique organe ou représentant-et donc en l’absence d’infraction imputable à cette dernière (A), d’autre part, en dépit de l’absence d’identification de la personne physique ayant agi pour son compte (B). Cependant, même s’il est sans doute encore trop tôt pour en apprécier la portée exacte, il semble que la Cour de cassation ait depuis lors opéré un revirement et manifeste le souhait de renouer avec une interprétation plus conforme aux exigences de l’articles 121-2 du code pénal (C).
A – La responsabilité de la personne morale en cas de relaxe de son représentant
28Plusieurs arrêts ont admis en effet la responsabilité de la personne morale alors que son représentant avait été pour sa part relaxé. Il faut dire que c’est le législateur qui a ouvert la voie et qui, le premier, a infléchi la théorie de la responsabilité par représentation.
29Rappelons que, pour les infractions involontaires occasionnant un dommage, la loi dite Fauchon du 10 juillet 2000 a ouvert une brèche en dissociant la faute requise pour l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale de celle nécessaire à la condamnation de l’auteur indirect, personne physique. En effet, le régime moins strict applicable à l’auteur indirect d’une telle infraction ne vaut pas pour la personne morale qu’il représente. Autrement dit, cette dernière peut être condamnée lorsqu’une faute pénale simple peut être constatée à l’encontre de son représentant, alors que celui-ci, en tant qu’auteur indirect, ne peut être condamné qu’en cas de faute qualifiée. Ainsi, dans l’hypothèse d’une causalité indirecte, la responsabilité de la personne morale est indépendante de celle de la personne physique. Comme en témoignent de nombreux arrêts, la jurisprudence a naturellement pris acte de cette réforme aboutissant à dissocier les responsabilités pénales de la personne morale et de son dirigeant dans le domaine des atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité physique des personnes20.
30Cependant, déjà en 200421, un arrêt avait admis la dissociation des responsabilités de la personne morale et du dirigeant en dehors du champ de la loi “Fauchon”. Dans cette affaire, le représentant de la personne morale avait été poursuivi pour recel d’une somme obtenue par escroquerie par son prédécesseur. Il avait été relaxé au motif qu’à aucun moment il n’avait à titre personnel dissimulé, détenu, transmis, fait office d’intermédiaire pour la transmission ou bénéficié de tout ou partie de cette somme. En conséquence, l’infraction de recel n’était pas constituée à son égard. La Cour d’appel avait donc relaxé la société en raison de la relaxe de son dirigeant, décision qu’avait ensuite censurée la Cour de cassation au motif qu’il appartenait aux juges du fond de vérifier, avant de prononcer la relaxe de la société, si le dirigeant ne lui avait pas permis, en connaissance de cause, de conserver les fonds délictueux sans pour autant que l’infraction de recel soit caractérisée à son égard. Pour la Cour de cassation, bien que la responsabilité pénale des personnes morales soit en principe une responsabilité personnelle par représentation, celle de la société en cause pouvait néanmoins être admise indépendamment de celle de son dirigeant.
31Certes, la solution ne heurte pas frontalement l’article 121-2 du code pénal qui ne soumet pas précisément la responsabilité des personnes morales à celle de leurs organes ou représentants. Elle s’en détache cependant dans la mesure où la commission d’une infraction suppose qu’elle soit caractérisée dans tous ses éléments à l’égard de l’auteur. Mais certaines décisions apparaissent plus audacieuses encore dans la mesure où elles ont admis la condamnation de la personne morale sans même que soit identifiée la personne physique ayant commis l’infraction.
B – La responsabilité de la personne morale sans identification de l’auteur matériel de l’infraction
32Dans certains arrêts, ce n’est plus seulement la responsabilité de l’organe ou du représentant qui n’est pas requise, mais l’identification même de l’auteur des faits. N’encourent pas la cassation les décisions du fond qui ne vérifient pas que l’auteur physique des faits est bien un organe ou un représentant de la personne morale sanctionnée, dès lors qu’il apparaît que l’infraction en cause “n’a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou représentants”22. Dans cette hypothèse, la responsabilité de la personne morale est apparemment présumée, à charge pour elle d’établir que l’infraction a été commise par une personne n’ayant pas la qualité de représentant. Cette jurisprudence alourdit considérablement la responsabilité des personnes morales, les juges allant parfois jusqu’à occulter totalement les conditions de l’article 121-2 du code pénal qui dans certains arrêts ne sont pas même évoquées23.
33Plusieurs de ces décisions, il est vrai, concernent la sécurité au travail, domaine que caractérise un grand particularisme en raison de l’objectif primordial de prévention des risques. Or, en la matière, la présomption de commission de l’infraction par un organe ou un représentant qui résulte de la jurisprudence et qui aboutit à une présomption de responsabilité de la personne morale, correspond à la réalité. En effet, les obligations légales et réglementaires de sécurité sont des obligations dédiées qui pèsent spécifiquement sur le chef d’entreprise ou son délégataire de pouvoirs, donc forcément un représentant de la personne morale au sens de l’article 121-3 du code pénal24.
34Mais, il n’y a pas qu’en matière de santé au travail que la jurisprudence ne requiert pas toujours l’identification de la personne physique pour retenir la responsabilité de la personne morale. La Cour de cassation a, en ce sens, écarté les moyens formés contre un arrêt déclarant des sociétés responsables pour faux et complicité de faux dans la mesure où il pouvait être déduit des constatations des juges du fond “que les infractions retenues s’inscrivent dans le cadre de la politique commerciale des sociétés en cause et ne peuvent dès lors avoir été commises pour le compte des sociétés que par leurs organes ou représentants”25. Comme l’ont relevé plusieurs auteurs, cet arrêt soulève plusieurs questions. D’abord, que faut-il entendre par politique commerciale, notion peu juridique, et quelles sont les infractions qui s’y rattachent ? Ensuite, cette présomption d’action pour le compte de la personne morale pourrait-elle être étendue à d’autres secteurs que celui de la politique commerciale ? Il semble que la réponse soit positive. En effet, dans un arrêt du 1er décembre 200926, la Cour de cassation a admis la présomption de responsabilité d’une société en matière de tromperie sur la quantité de marchandise vendue (poids des maquereaux en boîte), sans se référer à la politique commerciale –était plutôt en cause le contrôle qualité- : “Attendu qu’en cet état la Cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit de tromperie, a justifié sa décision, dès lors que, si l’arrêt ne précise pas son identité, l’auteur du manquement à l’obligation de vérifier la conformité du produit mis en vente ne peut être qu’un organe ou un représentant de la société”.
35Cette jurisprudence qui facilite considérablement la sanction des personnes morales et s’écarte du caractère restrictif de la conception initiale de leur responsabilité a suscité deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), toutes deux rejetées par la Cour de cassation.
36La première émanait d’une société poursuivie pour délit d’homicide involontaire et tendait “à faire constater que l’article 121-2, alinéa 1 du code pénal, qui pose le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, est contraire à l’exigence de précision suffisante de la loi pénale résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, en ce qu’il permet de retenir la responsabilité pénale d’une personne morale sans même qu’un fait précis soit imputé à ses organes ou représentants, ni même que ceux-ci soient identifiés.” Pour la Cour de cassation “la question posée, sous le couvert de la prétendue imprécision des dispositions critiquées, tend (ait) en réalité à contester l’application qu’en fait la Cour de cassation”27 et son renvoi au Conseil constitutionnel ne se justifiait pas.
37Selon la seconde QPC, l’article 121-2 du code pénal “instituant un régime de responsabilité des personnes morales par représentation” violait les principes constitutionnels garantissant “l’égalité de tous devant la loi, le principe de la légalité des délits et des peines, celui de leur personnalité et celui de la présomption d’innocence”. Ici encore la Cour de cassation refuse le renvoi au Conseil constitutionnel, la question posée n’étant, selon elle, ni nouvelle ni sérieuse, cette responsabilité ne pouvant “être engagées que du seul fait d’infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants”28.
38On pouvait légitimement considérer que ces décisions témoignaient de la détermination de la Chambre criminelle, peu disposée à revenir sur l’autonomisation de la responsabilité pénale des personnes morales résultant de sa jurisprudence. Pourtant, elles semblent avoir été le point de départ d’une évolution dont on peut penser qu’elle consacre le renouveau judiciaire de la responsabilité par emprunt.
C – Le retour en jurisprudence de la responsabilité par emprunt ?
39C’est un arrêt du 11 octobre 201129 -publié au Bulletin- qui a tout d’abord suscité des interrogations. Dans cette affaire, une Cour d’appel était censurée pour avoir retenu la responsabilité de l’entreprise EDF “sans mieux s’expliquer sur l’existence effective d’une délégation de pouvoirs ni sur le statut et les attributions des agents mis en cause propres à en faire des représentants de la personne morale”. Fallait-il voir dans cette décision de cassation l’amorce d’un revirement annonciateur d’un “retour à l’orthodoxie”30 ou s’agissait-il d’un simple affinage des solutions antérieures31 qui n’allait pas changer fondamentalement le positionnement de la jurisprudence et qui pouvait s’expliquer par la particularité des circonstances ? Les commentaires étaient nuancés mais la plupart ne pensait pas que cet arrêt puisse mettre totalement fin à la responsabilité des personnes morales sans identification de l’auteur physique de l’infraction lorsque, de toute évidence, celle-ci n’a pu être commise pour son compte que par ses organes ou représentants. M. Mayaud estimait ainsi que l’arrêt venait simplement, mais fort opportunément, rappeler que, quelle que soit la nature de l’infraction, il n’existe pas de présomption d’imputation de responsabilité à la personne morale mais simplement l’autorisation pour les juges du fond de “faire l’économie de l’identification des dirigeants ou représentants de la personne morale (…) si les faits se prêtent à l’assurance de leur participation à l’infraction pour s’inscrire, par exemple, dans le cadre de la politique commerciale des sociétés mises en cause, ou encore relever d’un pouvoir de décision inhérent à leur direction”32. Dans le cas contraire, pas question pour eux de se dispenser d’identifier la personne physique ayant commis les faits pour en vérifier la qualité. Et cet auteur de souligner que “l’identification des personnes physiques en tant que relais de la responsabilité de la personne morale, n’est plus à regarder comme une dénaturation du droit, mais comme une simple question de preuve”33.
40Cependant, bien que l’on puisse s’étonner de ce qu’il n’ait pas été soumis à une plus large publicité, l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 avril 201234 incite à penser que c’est bien un revirement qui a été opéré le 11 octobre 2011. Les faits concernaient une société qui avait été condamnée, à la suite d’un accident du travail survenu sur un chantier, pour délits de blessures involontaires et emploi d’un salarié sans organisation d’une formation pratique spécifique en matière de sécurité (comme le prescrivent les articles L4141-1 et suivants du code du travail). La configuration de ce chantier nécessitait en effet que soient adressées aux salariés des consignes de sécurité particulières et organisée une formation adaptée, ce qui n’avait pas été le cas de la victime. Les juges du fond en avaient déduit la responsabilité de la société au motif qu’en ne dispensant pas cette formation, elle avait créé “la situation ayant permis la réalisation du dommage ou n’a(vait) pas pris les mesures permettant de l’éviter”. Ce faisant, ils s’inscrivaient pleinement dans le mouvement jurisprudentiel désormais bien établi tendant à l’autonomisation de la responsabilité des personnes morales. Le pourvoi relevait néanmoins “qu’en s’abstenant de rechercher si le manquement incriminé sur le chantier litigieux avait été commis par des organes ou des représentants de la société, jouissant d’une délégation, la Cour de Chambéry a(vait) privé sa décision de toute base légale” au regard de l’article 121-2 du code pénal. La Cour de cassation accueille le moyen au motif “qu’en se prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la société G., et s’ils avaient été commis pour le compte de cette dernière” la Cour n’avait pas justifié sa décision.
41Ainsi, alors même qu’en matière de sécurité au travail les obligations d’information et de formation incombent nécessairement au chef d’entreprise ou à son délégataire de pouvoir -et qu’en conséquence l’infraction est nécessairement commise par un organe ou représentant de la personne morale-, la Cour reproche aux juges du fond d’avoir retenu la responsabilité pénale de la personne morale sans prendre le soin d’identifier la personne physique responsable. Elle en revient ainsi à une interprétation plus respectueuse des conditions posées par l’article 121-2 du code pénal qui devrait se traduire, en toute hypothèse, par l’obligation pour les juges du fond d’identifier la personne physique responsable de l’infraction et la vérification de sa qualité d’organe ou représentant.
42Difficile pour l’heure de se prononcer sur la portée des changements à l’œuvre. Des aménagements ne seront-ils pas nécessaires tant l’identification du détenteur du pouvoir peut s’avérer difficile dans certaines situations de co-activité ? Cependant, même si les arrêts du 11 octobre 2011 et du 11 avril 2012 marquent un revirement de la jurisprudence en matière de responsabilité pénale des personnes morales, il n’en demeure pas moins que l’interprétation souple de l’article 121-2 du code pénal, initiée alors que le champ matériel de la responsabilité des personnes morales se trouvait borné par le principe de spécialité, a été confirmée et même accentuée après sa disparition. Ainsi, sous l’action conjuguée du législateur et du juge, force est de constater que la responsabilité pénale des personnes morales s’est au fil du temps alourdie de manière significative.
Notes de bas de page
1 N. Rias, “Mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales : vers un retour à l’orthodoxie ?”, D. 2011, chron. p. 2841.
2 La disparition de ce principe a été proposée par un amendement du sénateur Pierre Fauchon, à l’occasion de la discussion de la loi Perben 2 “portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité”. Cet amendement a été adopté par les deux assemblées composant le Parlement sans aucune difficulté.
3 M.E. Cartier, “De la suppression du principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales, libres propos”, Mélanges B.Bouloc, Paris, Dalloz, 2006, p. 97 ; C. Mascala, “L’élargissement de la responsabilité pénale des personnes morales : la fin du principe de spécialité”, Bulletin Joly Sociétés 2006, p. 1.
4 B. Bouloc, “Coup d’œil sur la responsabilité pénale des personnes morales”, Revue Lamy Droit des affaires 2005, no 71, no 4426 ; “Les personnes responsables”, Revue Lamy Droit des affaires, 2005, no 85, p. 4 ; N. Stolowy, “La disparition du principe de spécialisation la mise en cause pénale des personnes morales”, JCP, E, 2004, 876 ; J. C. Planque, “Plaidoyer pour une suppression réfléchie de la spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales”, Les Petites affiches, 7 janv. 2004, p. 3
5 Les conditions d’engagement de cette responsabilité ne changent pas : toutes les personnes morales peuvent être poursuivies, à l’exclusion de l’État et de ses représentations, sauf lorsque l’infraction est commise par les collectivités territoriales et leurs groupements à l’occasion d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public. L’infraction doit avoir été commise par un organe ou un représentant de la personne morale et pour le compte de celle-ci. Le nouveau texte n’opère aucun changement sur ce point. Le cumul de responsabilité de la personne physique, organe ou représentant, et de la personne morale perdure dans les mêmes termes.
6 Les causes d’irresponsabilité et les faits justificatifs prévus par le code pénal peuvent bénéficier aux personnes morales : erreur de droit, contrainte, légitime défense, état de nécessité, ordre de la loi.
7 Loi no 2000-504 du 12 juin 2001 qui permet de sanctionner les personnes morales du chef d’atteintes volontaires à l’intégrité corporelle et d’agressions sexuelles.
8 Notamment, A. Coeuret et E. Fortis, Droit pénal du travail, Paris, Litec, 2008, no 333.
9 Préc.
10 Crim. 1er décembre 1998, no 97-80560, D. 2000, p. 34, note M. A. Houtmann ; RJS 2/99, no 216.
11 Notamment en cas de co-activité : Crim. 14 décembre 1999, no 99-80104, RJS 2000, no 350 ; Crim. 13 octobre 2009, no 09-80857 ; Crim. 23 novembre 2010 no 09-85115.
12 F. Duquesne, “L’imputation du délit de discrimination à la personne morale. A propos de l’indépendance des culpabilités”, Droit social 2009, p. 1171. Crim. 23 juin 2009, no 07-85109, JCP S 2009, no 1502, note Y. Pagnerre ; Jurisp. Soc. Lamy 2009, no 263-4, obs. J.-E. Tourreil.
13 Crim. 26 juin 2001, no 00-83466, Bull. crim. no 161, Dr. pén. janv. 2002, 18.
14 A. Coeuret et E. Fortis, préc. no 343 et s. Voir également, M. C. Amauger-Lattes, “Réflexions sur la responsabilité pénale de l’entreprise en droit du travail”, Mélanges dédiés au Président M.Despax, Toulouse, Presses de l’université des Sciences sociales de Toulouse, 2002, p. 159.
15 Préc. no 344.
16 En faveur de l’exigence d’une faute spécifique de la personne morale, J.H. Robert, Droit pénal général, Paris, Puf, Thémis, p. 350.
17 F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, Paris, Economica, 2007, no 600 et no 612.
18 Ainsi, dès 1997 : Crim. 2 décembre 1997, RJS 4 /98, no 558 ; Bull. Joly 1998, § 166, note J.F. Barbieri. Cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, préc., no 603.
19 Selon cette approche, il n’y a pas de responsabilité pénale de la personne morale sans responsabilité pénale d’une ou plusieurs personnes physiques, organe ou représentant et, a contrario, la responsabilité du représentant entraîne ipso facto la responsabilité de la personne morale, à condition cependant que l’infraction ait été commise pour son compte. Dans un premier temps, la Cour de cassation s’est montrée intransigeante à l’égard des juges du fond qui retenaient la culpabilité de la personne morale indépendamment de la responsabilité de la personne physique. La censure était automatique (Crim 2 décembre 1997, RJS 4/98 no 58 ; Crim. 26 juin 2001, Dr. pén. 2002, no 8, Bull. 161 ; Crim 29 avril 2003, D. 2004, no 3.jp 167 note C. Saint Pau ; Crim. 23 mai 2006, Dr. Pén. 2006, comm. 128 ; Crim. 1er avril 2008, no 07-84839, inédit).
20 Crim. 14 septembre 2004, Dr. Pén. 2005 p. 26 ; Crim. 14 septembre 2004, no 03-86159, inédit ; Crim. 3 janvier 2006, Sté Bouygues, JCP S 2006, no 1638 ; Crim. 28 avril 2009, no 08-83843 ; Crim. 16 mars 2010, 09-82041, inédit.
21 Crim. 8 sept. 2004, no 03-85826, inédit, Dr. Pén. 2005, no 11, 1° esp.
22 Crim. 20 juin 2006, no 05-85255, (P), RSC 2006, p. 885 obs. Y. Mayaud ; RJS 10/06 1141 ; AJ Pénal 2006 p. 774 ; Crim. 15 février 2011, no 10-85324, inédit, Droit pénal 2011, comm. 62 : dans cette affaire, la SNCF avait été condamnée par la Cour d’appel au paiement d’une amende de 6000 euros pour blessures involontaires ayant causé à l’un de ses agents une incapacité de travail supérieure à 3 mois. Lui était reproché d’avoir établi un plan de prévention des risques sans encadrement du chantier concerné et sans coordination des acteurs de terrains. L’un des moyens du pourvoi relevait que, “selon les dispositions des articles 121-2 et 222-21 du code pénal, les personnes morales sont pénalement responsables des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou leurs représentants ; que la responsabilité de la personne morale étant par ricochet, il est nécessaire de caractériser les éléments constitutifs de l’infraction, non à l’encontre de la personne morale, mais à l’encontre d’un de ses organes ou représentants ; que la responsabilité des personnes morales étant personnelle, elle ne peut être engagée par un préposé ; qu’en retenant que, en raison de l’absence de diligences d’un préposé de la SNCF, en l’espèce un agent de sécurité, la SNCF avait commis une faute engageant sa responsabilité, la cour d’appel a violé les textes susvisés”. La Cour de cassation rejette le moyen au motif que “la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments l’infraction dont elle a déclaré la prévenue coupable, dès lors que… les insuffisances du plan de prévention des risques étaient nécessairement imputables aux organes ou aux représentants de la personne morale en cause”.
23 Crim. 16 mars 2010, no 09-82041, inédit
24 En ce sens, cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, préc. no 601 ; ég. J.F. Cesaro, note sous Crim. 11 octobre 2011, JCP, S, 2011, no 1543
25 Crim. 25 juin 2008, no 07-80261, D. 2009, Som. Com., obs. C. Mascala ; Dr. Pén. 2008, comm. 140.
26 Crim. 1er décembre 2009, no 09-82140, inédit, Droit Pénal 2010, 35, obs. M. Véron.
27 QPC- Cass. Crim. 11 juin 2010, no 09-87884, arrêt no 12074.
28 QPC – Cass. Crim. 29 mars 2011, no 11-90007, arrêt no 2116.
29 Crim. 11 octobre 2011, no 10-87212 ; note J.-F. Cesaro, préc. ; Y. Mayaud, “Homicide involontaire à la charge dune personne morale : frein, mais non fin, de la jurisprudence relative à son imputation “présumée””, RSC 2012, p. 825 ; N. Rias, “Mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales : vers un retour à l’orthodoxie ?”, D. 2011, chron., p. 2841.
30 N. Rias, préc.
31 Y. Mayaud, préc.
32 Préc.
33 Préc.
34 Crim. 11 avril 2012, no 10-86974 ; A. Coeuret et F. Duquesne, “Responsabilité pénale des personnes morales : un tournant décisif ?”, RJS 2012, chronique 516-519 ; B. Bouloc, “Regard sur l’actualité de la responsabilité pénale des personnes morales”, Rev. Lamy Droit des affaires 2012, no 73, Actualités.
Auteurs
Agrégée des Facultés de Droit, Université Toulouse 1 Capitole, Centre de droit des affaires
Maître de Conférences en Droit, HDR, Université Toulouse 1 Capitole, Centre de droit des affaires
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