La notion de droit apparent
p. 185-203
Texte intégral
11. - L’introuvable notion de “droit apparent”1. - J’avoue qu’après avoir accepté de parler aujourd’hui de “la notion de droit apparent”, je fus rapidement saisi d’un doute quant à son existence. Voulant me rassurer je pris un ordinateur et, mauvaise habitude, me connecta aux bases de données pour vérifier si la notion de “droit apparent” était ou non une chimère. Et là, ce ne sont plus des doutes qui m’assaillirent mais un profond désarroi, faute de trouver, ou presque, la plus petite référence à cette notion. La notion de droit apparent, si séduisante soit-elle, serait donc imaginaire ! Tel le contractant croyant dans les pouvoirs du mandataire, j’étais donc victime d’une croyance erronée en une réalité qui n’en était pas une. A la différence près, tout de même, que le contractant, trompé par l’examen des faits, lui, sera sauvé par l’apparence.
22. - Théorie de l’apparence ? - Si la notion de droit apparent n’apparaît guère2, les références à la “théorie de l’apparence” sont, en revanche, innombrables. Cela paraît bien naturel puisque l’apparence, dit-on, “peut faire naître directement des droits au profit des tiers”3. Encore faut-il se garder d’en faire une théorie4, même s’il est parfois avancé qu’il s’agit de l’une des “règles majeures de notre droit”5, une des “vérités juridiques éternelles”6 dont le “domaine est sans limite”7. D’origine prétorienne8 et, semble-t-il, théorisée à partir du cas de l’héritier apparent9 au début du XXe siècle10, l’apparence est davantage un simple tempérament à l’application du droit positif, un “pis-aller, profondément injuste”11 disent même certains. Quoi qu’il en soit, loin de l’idée selon laquelle la “croyance crée le droit”12, le mécanisme de l’apparence est avant tout une technique correctrice, “un palliatif à la rigidité des règles de droit”13 permettant au juge de conférer des droits à des tiers là où le jeu normal du droit positif ne leur permettrait pas d’en acquérir. Ceci explique pourquoi si le domaine est a priori sans borne, l’apparence est parfois écartée pour des raisons que l’on a pu qualifier d’“arbitraires”14 mais qui sont souvent motivées par le caractère d’ordre public de protection (du titulaire réel du droit) des dispositions en cause15. La théorie de l’apparence est ainsi, notamment, exclue de champs aussi divers que les régimes matrimoniaux16 et les incapacités17 mais aussi le mandat de l’agent immobilier18, les nullités des actes de la période suspecte19 et plus généralement, semble-t-il, les actes à titre gratuit, au motif que “l’ayant cause à titre gratuit n’ayant rien payé ne mérite pas qu’on lui sacrifie les droits de l’héritier véritable car il n’a fourni aucune contrepartie et, de ce fait, ne mérite pas de protection”20. Faut-il déduire de ces limites un recul de la théorie de l’apparence21 ? Sans doute pas. Elles témoignent surtout que l’apparence n’est que l’une des manifestation du pouvoir modérateur du juge22 dont les décisions oscillent, il est vrai, entre rigueur23 et bienveillance à l’égard du tiers.
33. - Le support de l’apparence. Mais, si l’apparence est à l’origine de la création d’un droit, encore faut-il qu’elle ait un objet, un support, une base. L’apparence, seule ne peut, en effet, rien engendrer. Or, la création de droits est rendue possible lorsque l’apparence porte soit sur une situation de fait, soit sur une situation juridique, c’est-à-dire un droit. Or, ces deux hypothèses doivent être distinguées. L’apparence n’y revêt, en effet, pas le même sens. Dans le premier cas, l’apparence est la manière dont une chose ou une situation apparaît, se manifeste24, par opposition à ce qui est occulte, clandestin, caché. L’apparence est alors confondue avec la réalité ou tout du moins la “vraisemblance”. Dans le second cas, l’apparence est l’aspect “trompeur d’une chose, par opposition à sa réalité”25. Elle s’applique alors aux droits.
44. - Les situations de faits apparentes. - Qu’une situation de fait apparente engendre des effets de droit, il n’y a rien qui puisse surprendre. Le caractère manifeste, ostensible, évident d’un état de fait est une donnée dont il est normal qu’il en résulte des effets juridiques : la possession en est, peut-être, l’exemple type. Est possesseur celui qui se comporte à l’égard des autres comme le propriétaire. Or, la possession, situation de fait apparente, produit des effets juridiques par elle-même. Mais, d’autres illustrations dans lesquelles des effets de droit sont attachés à une situation de fait peuvent être citées : vices apparents, servitudes apparentes, etc.
55. - Les droits apparents. - En revanche, il est plus surprenant que l’apparence puisse avoir pour objet un droit. Accolée au mot droit, l’apparence révèle alors une situation juridique trompeuse. Le droit apparent désigne ainsi un droit trompe-l’œil que toute analyse dément et qu’une simple application des règles de droit existantes suffirait à rendre inefficace26. Par exemple, lorsque l’héritier apparent vend les biens qu’il a reçus en héritage, la conséquence logique devrait être la nullité de la transaction puisqu’il n’avait pas le pouvoir de les vendre. Du néant rien ne peut sortir. Et pourtant, cette apparence trompeuse de droit engendre de véritables conséquences juridiques en consolidant les droits des acquéreurs. C’est donc sur la base d’un droit imaginaire n’existant, semble-t-il, que dans l’esprit de celui qui y croit que l’apparence crée de manière subversive du droit. Autrement dit, “l’ombre d’une proie à saisir se transforme, par une heureuse métamorphose, en un droit véritable”27. Au moins à l’égard du tiers, l’illusion devient droit ; la réalité visible l’emporte sur la vérité juridique. L’apparence fait le droit.
66. - L’objet du mécanisme de l’apparence. - Le mécanisme de l’apparence a pour objet de résoudre un conflit d’intérêts. En effet, le jeu de l’apparence suppose un rapport entre trois personnes (le titulaire réel droit, le titulaire du droit apparent et le tiers) et un conflit entre les deux extrêmes : d’un côté, le tiers contractant qui a cru dans l’existence d’un droit chimérique, de l’autre le titulaire du droit qui n’entend pas être lié. Or, le jeu de l’apparence protège le tiers en consolidant le droit qu’il a acquis a non domino. Par exemple, le contrat de vente conclu par le mandataire apparent produit des effets, alors même que le véritable propriétaire n’était pas vendeur. L’apparence vient donc régler ce conflit en protégeant le tiers qui a cru à l’apparence de droit et en sacrifiant le véritable titulaire du droit qui pouvait pourtant légitimement croire dans l’absence d’un droit dont toutes les règles nient l’existence.
77. - Les fondements de la technique de l’apparence. - Divers fondements ont été attribués à la technique de l’apparence28 ; pêle-mêle le jeu de l’apparence a pu être justifié tour à tour par la nécessité d’assurer une sécurité “dynamique”29 des transactions, par la généralisation des textes existants30, par la bonne foi31, par la responsabilité civile32, par une insuffisance d’information33, par l’existence d’un quasi-contrat34, etc. Bref, avec Jérôme Huet, il est possible de conclure que le mécanisme de l’apparence “s’avère (…) difficile à justifier”35, si bien qu’il semble possible, à défaut de fondement, d’estimer que ce sont des considérations “de sens commun et d’équité”36 qui permettent le jeu de l’apparence au profit de celui qui a cru à tort en la réalité d’un droit37. L’apparence, manifestation de l’équité, n’est alors qu’une “soupape de sécurité”38, un “régulateur de la vie juridique”39. A l’instar d’autres notions tel l’abus de droit, elle doit donc demeurer subsidiaire.
88. - Plan. - Il faut donc, pour conclure à l’existence d’un droit apparent, qu’un tiers ait cru dans sa réalité. Alors, il produira des effets juridiques au profit de ce tiers dont les droits acquis seront consolidés. Mais, précisément, le droit n’étant qu’apparent, il n’existe pas et n’a donc pas vocation à engendrer des effets de droits au-delà de cette relation entre le titulaire réel et le tiers. Dans les rapports entre le véritable titulaire du droit et le titulaire apparent, le voile se lève : le prétendu droit n’existe pas.
9Dès lors, si dans les rapports entre le titulaire apparent et les tiers le droit est apparent (I), il n’a jamais existé, ce dont témoignent les rapports entre le titulaire réel du droit et le titulaire apparent (II). Ce sont ces deux points de vue que je vais évoquer.
I – UN DROIT APPARENT DANS LES RAPPORTS ENTRE LE TITULAIRE APPARENT ET LES TIERS
109. - Conditions du jeu de l’apparence. - Le droit apparent a vocation à développer ses effets dans les rapports entre le titulaire du droit apparent et les tiers. En effet, par hypothèse, un tiers a cru de manière erronée à l’existence d’un droit. Le droit apparent et donc irrégulier a existé dans son esprit. Par exemple, une personne a toutes les apparences du titulaire d’un droit de propriété de sorte que les tiers ont traité avec elle. Ces tiers ayant contracté avec le titulaire du droit apparent se sont donc fondés sur une fausse représentation ou, du moins, une représentation subjective de la réalité en laquelle ils ont cru : la vraisemblance du droit doit-elle l’emporter sur son inexistence et valider les actes passés par un tiers avec un cocontractant sans droit ou, au contraire, l’acte doit-il être nul ?
11Pour qu’une situation juridique apparente devienne créatrice de droits encore faut-il qu’il existe une réalité visible (élément matériel) et une croyance légitime en cette apparence (élément psychologique)40, les deux éléments étant toutefois intimement liés, ainsi que la Cour de cassation le rappelle avec constance, notamment, à propos de l’hypothèse du mandat apparent41. C’est à ces deux conditions que “l’apparence a alors raison de la réalité juridique, ou, si l’on veut, elle devient elle-même cette réalité”42.
A – Une réalité visible
1210. - Notion d’apparence. - Il faut une apparence, c’est-à-dire une situation, souvent constituée d’un faisceau de circonstances, laissant croire en l’existence d’un droit. Cette situation doit s’être spontanément imposée à l’esprit du tiers avec “la force de l’évidence”43. C’est à cette première condition, nécessaire mais insuffisante, que les droits des tiers seront consolidés. Au contraire, si la situation est équivoque ou douteuse, l’apparence ne saurait pas jouer. Du moins tel est ce qui ressort de certaines dispositions législatives qui ne sont que l’illustration d’un principe général maintes fois illustré en jurisprudence.
1311. - Illustrations légales. - Le législateur a très nettement et à plusieurs reprises conféré à un droit apparent des effets juridiques. Par exemple, l’article 1240 du Code civil prévoit que “le paiement fait (…) à celui qui est en possession de la créance est valable”. Pourquoi ce paiement libérerait-il le débiteur, alors que celui qui est en possession de la créance n’est pas nécessairement le créancier ? Parce qu’en détenant le titre constatant la créance, il avait toutes les apparences du créancier aux yeux des tiers.
14De même, les articles 2005 et suivants du même Code prévoient que la révocation du mandat par lequel une personne était chargée d’agir pour autrui laisse subsister l’efficacité des actes du mandataire à l’égard des tiers qui ont ignoré la disparition de ses pouvoirs. Pourquoi ? À nouveau parce que le mandataire avait au moment de la conclusion des contrats, une apparence de pouvoir. Il ne s’agissait alors que d’un droit apparent, mais il engendre malgré tout des conséquences juridiques : les tiers seront admis à se prévaloir des contrats conclus avec le donneur d’ordre qui avait pourtant révoqué le mandat. Le mirage de pouvoir engagera donc le pseudo-mandant.
1512. - Illustrations jurisprudentielles. - Mais ces consécrations légales n’épuisent pas le jeu de la technique de l’apparence. Les juges ont, en effet, développé une jurisprudence accueillant les actions des personnes qui, s’étant faussement représentées une réalité, croient en l’existence d’un droit. Lorsqu’il existe un ou, plus souvent, plusieurs éléments matériels visibles laissant croire en l’existence d’un droit, les juges admettent qu’ils puissent engendrer des effets de droit. Pour l’essentiel, mais ces exemples sont loin d’épuiser la jurisprudence en la matière, l’apparence de droit a rencontré un terrain propice en matière de propriété immobilière et de mandat.
16En matière de propriété immobilière tout d’abord, l’apparence n’a pas été totalement chassée par l’instauration de la publicité foncière44. En dépit du fait que nul ne peut transférer à autrui des droits qu’il n’a pas (“Nemo plus juris…”), la technique de l’apparence peut consolider les droits que les tiers ont acquis d’un auteur sans titre. Ainsi, les droits des acquéreurs qui ont cru en la propriété apparente d’un héritier s’imposent au successeur véritable dont l’existence était ignorée au moment où l’héritier apparent leur a vendu les biens héréditaires45. Ce dernier présentait donc toutes les apparences du véritable propriétaire. De même ont été déclarés opposables au véritable propriétaire des actes de vente accomplis par le propriétaire apparent dont le titre avait pourtant été annulé46, les actes de vente accomplis par un mari mentionné sur plusieurs titres comme seul propriétaire des biens, alors qu’il n’en était que le copropriétaire ou encore l’hypothèque consentie par un propriétaire apparent, dès lors que la nullité de son titre était ignorée de tous au moment de l’acte47. Les exemples sont donc multiples. Dans toutes ces situations, le droit apparent du propriétaire était rendu vraisemblable par les circonstances. Celles-ci tiennent en effet tantôt au comportement ou à la qualité du titulaire du droit apparent (indication volontaire ou non d’une fausse qualité, utilisation mensongère d’une qualité, etc.), tantôt à un élément matériel, comme un titre, l’application d’une plaque professionnelle, etc.
17C’est un raisonnement identique qui prévaut en matière de mandat apparent. Ici, le mandataire paraît avoir reçu mandat si bien qu’il en résultera des obligations à la charge de celui qui ne lui avait pourtant pas confié de pouvoir. Là encore, l’apparence découlera tantôt du comportement du mandataire apparent48, tantôt de sa qualité (ainsi d’un agent immobilier49, de l’autorité et l’honorabilité du notaire50, et plus surprenant d’un ecclésiastique51), tantôt du contrat qu’il excipera52, des relations d’affaires antérieures53, voire des usages54, etc.
18Dans toutes ces hypothèses, une réalité s’est imposée à un tiers. Sans doute ne correspondait-elle pas à la vérité juridique, mais les circonstances étaient trompeuses et ont emporté sa croyance. Précisément, pour que le droit apparent puisse déployer ses effets, encore faut-il que le tiers ait pu légitimement y croire.
B – Une croyance légitime
1913. - Bonne foi. - La théorie de l’apparence a pour objet de protéger les tiers qui se sont fiés à ce qu’ils ont vu de bonne foi. A défaut, ainsi que la Cour de cassation l’a rappelé le 24 septembre 2003 aux juges du fond qui n’avaient pas constaté cette croyance légitime, le droit ne saurait être considéré comme apparent55. Néanmoins, la bonne foi, notion au contenu variable, doit s’entendre ici largement : non seulement le tiers ne devait pas connaître la vérité, mais encore, il devait légitimement pouvoir y croire.
2014. - L’ignorance de la vérité juridique. - La notion de bonne foi, signifie a minima que celui qui connaît la vérité ne peut pas invoquer l’apparence d’un droit pour en solliciter des effets à son égard56. Même s’il existe une apparence suffisante, celui qui “sait” ne peut invoquer le droit apparent à son profit. La théorie ne saurait ainsi profiter à celui qui connaissait la situation réelle. Faut-il le rappeler, le droit n’est qu’apparent. Ainsi des preneurs à bail ne peuvent invoquer l’existence d’un droit apparent, alors qu’ils savaient que la signataire du bail n’était pas seule propriétaire ainsi qu’en décidé la Cour de cassation le 5 avril 199557. De même, la Cour de cassation a rappelé le 24 mars 1981 que l’acquéreur d’un bien immobilier ne pouvait se prévaloir que la qualité de propriétaire apparent d’une personne dont il ne pouvait ignorer qu’elle était mariée58. Néanmoins, la bonne foi se présumant, ce sera au titulaire réel du droit qui désire éviter le jeu de la théorie de l’apparence de rapporter la preuve que le tiers connaissait la vérité et n’a donc pas été une simple victime d’une apparence trompeuse. Autant dire que, s’il ne s’agit sans doute pas d’une probatia diabolica, cela y ressemble.
2115. - La croyance légitime dans le droit apparent. - Mais, la croyance erronée ne se limite pas à la simple ignorance de l’inexistence du droit apparent. Pour que ce droit apparent puisse développer ses effets, encore faut-il que le tiers ait pu légitimement croire en son existence. Encore que des précisions doivent être apportées tant les critères utilisés par la jurisprudence varient au gré des espèces. Les notions d’erreur ou de croyance légitime, commune ou invincible, sont tour à tour visées par les juridictions à l’appui du mécanisme de l’apparence, sans que l’on puisse déterminer avec précision laquelle d’entre elles est suffisante.
2216. - Erreur ou croyance ?. - Certaines décisions se réfèrent à l’erreur du tiers tandis que d’autres s’appuient sur sa croyance en la réalité du droit. D’emblée, il est possible de préférer l’emploi de la notion de croyance pour deux raisons. De deux choses l’une. Soit l’on considère que les notions de croyance et d’erreur sont distinctes, alors il y a semble-t-il une erreur de raisonnement. En effet, ainsi que Jean-Louis Sourioux l’a montré, il convient, pour apprécier l’apparence, de se placer au moment de “l’acte de croire” et non postérieurement, seul moment où l’erreur apparaît59. Soit l’on admet, et cela est probable, que dans l’esprit des juges, les deux notions sont équivalentes, alors il faut préférer la notion de croyance dont l’utilisation évite alors toute confusion avec les vices du consentement60.
2317. - Croyance légitime ou erreur commune ? - En jurisprudence, il semble qu’un glissement puisse être relevé de l’erreur commune à la croyance ou l’erreur légitime61, et donc d’une appréciation objective à une appréciation plus subjective du comportement du tiers62. Néanmoins, et même s’il est possible d’avancer que la jurisprudence se montre de plus en plus accueillante à l’égard de la technique de l’apparence63, l’analyse des décisions rendues laisse planer un doux parfum d’empirisme.
24Traditionnellement, et bien que les décisions rendues soient souvent délicates à interpréter, il semblait admis que l’erreur commune64, c’est-à-dire, mais avec des nuances, quasiment invincible65, concernait l’hypothèse de la propriété apparente, tandis que la croyance légitime concernait celle du mandat apparent. En d’autres termes, selon une importante doctrine, la jurisprudence appréciait plus sévèrement la croyance du tiers sur le terrain de la propriété apparente que sur celui du mandat apparent. Cette différence d’appréciation66 se justifiait apparemment par la nature des situations en cause. Alors que dans les domaines où la nécessaire “sécurité dynamique” des transactions, selon l’expression de Demogue67, dispense les partenaires de se livrer à des investigations sur la réalité de leurs droits réciproques, les juges se contentaient de la croyance légitime du tiers, ils exigeaient la commission d’une erreur commune dans les cas où les relations patrimoniales demeuraient imprégnées de sécurité statique68.
25Il semble toutefois, ainsi que cela a été relevé69, que la jurisprudence tende à s’assouplir pour ne plus exiger dans toutes les situations que la croyance légitime du tiers qui, toutefois, est plus ou moins strictement appréciée70. Il est vrai, ainsi que l’a relevé Jean Calais-Auloy, qu’il “n’existe aucune raison vraiment déterminante d’exiger l’erreur commune lorsqu’une personne vend un immeuble dont elle paraît propriétaire et de se contenter de l’erreur légitime quand un mandataire vend un immeuble en vertu de pouvoirs apparents”71.
2618. - De l’erreur commune à la croyance légitime du tiers dans les droits du propriétaire apparent. - En matière de propriété immobilière apparente, l’évolution est assez nette. Longtemps, la Cour de cassation est demeurée attachée à la nécessité de constater une erreur commune du tiers, c’est-à-dire susceptible d’être commise par tout autre que lui, conformément à l’adage Error communis facit jus72 qu’elle ne cite toutefois pas73. Par exemple, à propos d’une hypothèque consentie par un propriétaire apparent, la Cour de cassation a décidé de manière générale le 3 avril 1963 “que la nullité du titre du propriétaire apparent, serait-elle d’ordre public, est sans incidence sur la validité des aliénations ou constitutions d’hypothèque par lui consenties, dès lors que la cause de la nullité est demeurée, et devait nécessairement être ignorée de tous”74. De même, les actes passés par l’hériter apparent ne semblent pouvoir être consolidés que lorsque le tiers a commis une erreur commune75, dont les juges exigent l’existence de manière constante76. Depuis lors, la Cour de cassation a toutefois paru hésiter77 au point que dans ses dernières décisions l’erreur commune semble avoir laissé place à la croyance légitime dont la réalité est toutefois contrôlée par la Cour de cassation78 et l’appréciation sans doute plus sévère qu’ailleurs. Mais, qui peut le plus peut le moins. La constatation d’une erreur commune emporte donc le jeu de l’apparence79.
2719. - La croyance légitime dans les pouvoirs du mandataire. - En matière de mandat apparent, la référence à la seule croyance légitime semble avoir toujours été largement dominante, même s’il convient de ne pas négliger quelques décisions en sens contraire80. Ainsi depuis un arrêt rendu par l’Assemblée plénière, le 13 décembre 196281, la Cour de cassation décide avec une certaine constance que “le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs”82. Cela signifie qu’il doit avoir légitimement cru à l’existence du droit apparent. Il en résulte qu’en principe le tiers ne pourra se prévaloir du droit apparent si son ignorance est imputable à sa propre négligence. N’oublions pas qu’il existe en effet une obligation de se renseigner de nature à restreindre le jeu de l’apparence83. Ainsi que l’écrivait Pierre Voirin, “la théorie de l’apparence n’est pas un planche de salut à l’usage des négligents et des étourdis”84. Ainsi, la situation apparente est nécessaire. Encore faut-il que celle-ci ait eu un impact sur le tiers, qu’elle l’ait convaincu de la véracité du droit apparent. S’articulent donc ici l’élément matériel (la situation apparente) et l’élément psychologique (la croyance légitime), ce qui se traduit par la prise en compte par les juges de nombres d’éléments très divers.
28Négativement, le droit ne saurait être apparent lorsqu’il suffisait par exemple de quelques précautions élémentaires pour dissiper l’erreur ou lorsque la situation apparente présentait quelques anomalies devant éveiller la suspicion du tiers. Par exemple, la Cour d’appel de Montpellier, le 7 mai 2002 a pu rejeter l’existence d’un droit apparent au motif que l’acte d’échange conclu entre le mari et un groupement foncier agricole faisait état d’un mandat exprès de l’épouse à son mari dont ce dernier s’engageait à apporter la justification85. Encore, la Cour de cassation a écarté la croyance légitime dans les pouvoirs d’un notaire, en présence d’un document laissant clairement apparaître le défaut de consentement du vendeur86. Surtout, pour apprécier la croyance légitime du tiers, va être prise en considération la qualité du titulaire du droit apparent mais aussi du tiers. S’agissant de la première, il est certain que les juges du fond seront plus enclins à retenir l’existence d’un droit apparent lorsque celui-ci présente toutes les qualités apparentes de ce qu’il prétend être. Ainsi, de nombreuses décisions font produire effet aux actes passés par les agents d’affaires parce qu’ils sont a priori investis du pouvoir de représenter un donneur d’ordre. S’agissant de la qualité du tiers, la jurisprudence admettra d’autant plus facilement son erreur qu’il était profane87. Au contraire, un arrêt rendu le 29 avril 1969 par la Cour de cassation a décidé que le droit ne saurait être apparent pour des tiers qui exerçaient la profession de marchands de biens88. Et la Cour a décidé de la même manière pour un gérant de société89 ou un banquier90.
29Positivement, parmi les circonstances autorisant le tiers à ne pas vérifier les pouvoirs de son cocontractant, l’on retrouve en jurisprudence la faible valeur du contrat ainsi qu’en a décidé la Cour de cassation le 8 juillet 198191, l’autorité et l’honorabilité s’attachant aux fonctions de notaire92, les rapports de parenté93, les usages constants94, l’utilisation par un associé du papier à en-tête de la société95 ou le fait de se prévaloir d’une procuration en bonne et due forme96.
30Finalement, les conséquences d’un acte pourtant irrégulier sont maintenues par les juges parce qu’un tiers a légitimement cru en l’existence d’un droit. Aussi, le droit apparent peut se définir comme le droit qui a été exercé dans des circonstances de nature à faire légitimement croire au tiers à sa réalité, même si la croyance légitime, qui prend parfois encore les habits de l’erreur commune, peut être plus ou moins strictement appréciée. Mais, lorsqu’il n’existe plus de raison d’y croire, l’apparence cède le pas au droit ou plutôt à l’absence de droit puisqu’il n’a jamais existé, si ce n’est dans l’esprit du tiers.
II – UN DROIT INEXISTANT DANS LES RAPPORTS DU TITULAIRE RÉEL ET DU TITULAIRE APPARENT
3120. - Le voile de l’apparence levé. - Les conséquences attachées à la croyance erronée dans l’existence d’un droit n’ont pour d’autre objet que de protéger celui qui a cru en la réalité de ce droit au détriment du véritable titulaire afin de promouvoir une sécurité dynamique des transactions. Il peut paraître en effet légitime de protéger le tiers qui a cru à la réalité de ce droit qui n’existe pourtant pas. Aussi, il est a priori naturel que le droit apparent ne puisse pas être opposé à son véritable titulaire par le titulaire apparent, ce dont il résulte alors que le premier peut exercer des recours à l’encontre de celui-ci. Néanmoins, avant d’en venir aux recours, il convient de tenter de justifier le fait que le titulaire du droit apparent ne soit pas protégé par l’apparence.
A – L’inexistence du droit apparent
3221. - Le titulaire apparent, bénéficiaire du droit ? - Il est de jurisprudence constante que le titulaire d’un droit apparent ne saurait se prévaloir de la théorie de l’apparence pour conserver ce qu’il a acquis en exerçant ce droit apparent97. Pour nombre d’auteurs, cela relève même d’une évidence98. Le mandataire apparent n’a pas de droit contre le mandant et le propriétaire apparent n’a pas de droit contre le propriétaire véritable. Pourtant, s’il est certain que le titulaire apparent ne pourrait conserver ses droits lorsqu’il a connu la situation véritable en va-t-il de même lorsqu’il l’a ignorée ? En effet, le titulaire apparent ne connaissait pas nécessairement la situation véritable99. Ainsi, l’héritier apparent, au moment où il cède ses droits à un tiers ne connaît pas l’existence d’un testament ou d’autres héritiers. Dès lors, pourquoi en pareil cas, refuser au titulaire du droit apparent la protection accordée au tiers ? Ne pourrait-on pas concevoir que l’apparence puisse développer ses effets dans les rapports entre le véritable titulaire du droit et le titulaire apparent ?
3322. - Le titulaire réel, protégé par le Droit. - La raison tient dans le fait, me semble-t-il, que, précisément, le droit dont le titulaire apparent s’est prévalu à l’égard des tiers n’a jamais existé100. Il n’est qu’imaginaire et la théorie de l’apparence n’est qu’un pis-aller au profit du tiers. Or, si l’on admettait le jeu de l’apparence dans les rapports entre le véritable titulaire et le titulaire apparent du droit, ainsi que cela a pu être suggéré à l’aube du XXe siècle101, cela reviendrait à admettre que le droit dont s’est prévalu ce dernier existait. Il en résulterait alors une atteinte considérable à l’ordre juridique, l’apparence, simple mécanisme correcteur devenant une source générale d’obligation, ce qui ne serait être admissible, sauf à spolier les titulaires réels des droits dont l’indemnisation devrait être assurée d’une manière ou d’une autre.
34Le droit en cause n’ayant jamais existé, le titulaire du droit peut exercer les recours que lui offre le droit à l’encontre du titulaire apparent. La théorie de l’apparence n’a aucun effet entre le titulaire apparent et le titulaire véritable102.
B – Les actions du titulaire réel à l’encontre du titulaire apparent
35Seulement apparent, le droit n’a jamais existé. Le véritable propriétaire, le véritable créancier, le véritable mandant disposent donc d’un recours à l’encontre du titulaire du droit apparent. Ce recours variera en fonction des circonstances dans lesquelles l’apparence de droit a joué. Il n’est pas exclusif de la réparation par le titulaire apparent des préjudices subis par le titulaire réel.
3623. - Les actions en restitution. - A l’égard du tiers acquéreur a non domino, les effets de l’action en pétition d’hérédité, tout comme ceux de l’action en revendication, sont, en effet, paralysés par le mécanisme de l’apparence. La restitution ne pourra donc pas avoir lieu en nature par le tiers dont les droits sont consolidés par l’apparence. Mais, il est admis que le titulaire apparent du droit doive restituer les biens dont il n’est que le propriétaire apparent. Cette restitution sera plus ou moins étendue en fonction de sa bonne ou mauvaise foi103. Dans le premier cas, le titulaire apparent devra restituer les biens dans l’état où ils se trouvent actuellement sans être responsable des dégradations survenues sauf de celles imputables à sa faute. S’il a aliéné les biens, ce qui est par hypothèse le cas, il n’en doit que le prix qu’il a perçu104. Quant aux fruits, il garde ceux qu’il a perçus (cf. C. civ., art. 549 et 550). En revanche, dans le second cas, s’il est de mauvaise foi, il doit restituer ces biens en l’état dans lequel il les a reçus. Il est donc responsable non seulement des dégradations qui lui sont imputables mais aussi de celles provenant de cas fortuits. S’il les a aliénés, il doit restituer leur valeur actuelle et cela même si, en cas de vente, le prix qu’il a touché était inférieur à leur valeur. Enfin, il doit restituer tous les fruits qu’il a perçus et ceux qu’il a négligés de percevoir105.
3724. - L’action en responsabilité civile. - En second lieu, si le titulaire apparent a commis une faute (a négligé de vérifier sa qualité, a toujours su qu’il n’avait pas cette qualité, n’a pas respecté ses obligations à l’égard du titulaire réel, etc…), il pourra être tenu de réparer le dommage que le titulaire réel du droit a subi. Cette situation sera fréquente en matière de mandat apparent puisque, par hypothèse, le mandant n’avait pas voulu s’engager.
3825. - Conclusion. - Il est donc possible de conclure à l’existence de la notion de droit apparent. Ainsi que je l’ai dit plus haut, il peut être défini comme le droit qui a été exercé dans des circonstances de nature à faire légitimement croire au tiers à sa réalité. Toutefois, si le droit apparent a, pour le tiers, la couleur du droit, le goût du droit, ce n’est pas du droit. Il en résulte donc que son inexistence reprend naturellement le dessus, une fois ces intérêts préservés.
Notes de bas de page
1 La forme orale a été conservée.
2 V., toutefois, J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil, Introduction générale, LGDJ, 1994, no 846.
3 D. ALLAND et S. RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Vo Apparence
4 A cet égard, il n’est pas indifférent de constater que les avant-projets de réforme du droit des obligations ou des biens ne proposent pas de légiférer la théorie de l’apparence.
5 Ph. MALAURIE, Droit romain des obligations. Droit français contemporain des contrats et l’Europe d’aujourd’hui, JCP 2000, I, 246.
6 L. JOSSERAND, Cours de droit civil français, t. III, Sirey, 2e éd., no 1025.
7 G. ANSALONI, “Sur l’opposabilité du gage sans dépossession de droit commun”, JCP E 2009, 1672.
8 V. sur ce point, A. DANIS-FATÔME, Apparence et contrat, thèse, LGDJ, 2004, no 17.
9 J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, PUF, 27e éd., 2002, no 163.
10 V. les références citées par M. BOUDOT, Rép. civ. Dalloz, vo Apparence, no 7 ; Pour une étude de l’apparence dans l’ancien droit français, v. D. DEROUSSIN, Le juste sujet de croire, éd. De Boccard, 2001.
11 D. VEAUX, “Transaction, Formation”, J.-Class. Civil Code, Art. 2044 à 2058, Fasc. 40, no 33.
12 E. LÉVY, La vision socialiste du droit, éd. M. GIARD, 1926, p. 166.
13 A. DANIS-FATÔME, op. cit., no 29.
14 A. BÉNABENT, op. cit. no 503-1.
15 Sur ces exclusions et leurs justifications, v. A. DANIS-FATÔME, no 274 s.
16 Par ex. Civ. 1re, 24 mars 1981, JCP 1982, II, 19746, note. R. LE GUIDEC. Mais la jurisprudence est aléatoire, de nombreuses décisions admettant le jeu de l’apparence (par ex. Civ. 1re, 11 mars 1986, Bull. civ. I, no 67).
17 Civ. 1re, 14 mai 1996, Bull. civ., no 216.
18 Alors que nombre de décisions ont admis le jeu de l’apparence en matière de mandat d’agent immobilier (Civ. 1re, 31 mai 1983, Bull. civ. III, no 161 ; Civ. 1re, 22 mai 1991, JCP N 1992, II, 372, note L. LEVENEUR ; Civ. 1re, 6 janv. 1994, Bull. civ. I, no 1 ; Civ. 3e, 12 mai 2004, AJDI 2004, p. 909, obs. M. THIOYE ; Civ. 3e, 25 mai 2005, RDC 2005, p. 1071, obs. F. COLLART-DUTILLEUL) de récentes décisions l’ont écartée lorsque le mandat est spécialement réglementé par la loi Hoguet au motif que “le mandat apparent ne peut tenir en échec ces règles impératives.” (Civ. 1re, 31 janv. 2008, pourvoi no 05-15774, Loyers et copr. 2008, no 72, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; Civ. 1re, 5 juin 2008, pourvoi no 04-16.368), ce qui constitue un revirement de jurisprudence.
19 Com., 3 févr. 1998, Bull. civ. IV, no 53, D. 1999, p. 185, note A. BÉNABENT ; Com., 30 juin 2004, Bull. civ. IV, no 137.
20 En ce sens M. DONNIER, “Option héréditaire, Pétition d'hérédité”, J. -Cl. Civil Code, Art. 774 à 814, no 147. Comp. J.-L. SOURIOUX, op. cit., no 94.
21 V. en ce sens J.-.J BARBIÉRI, note sous Civ. 3e, 13 mai 2009, JCP 2009, 212.
22 Il est notable que la jurisprudence refuse le plus souvent de considérer l’apparence comme une source de droit, préférant décider que “les tiers de bonne foi qui agissent sous l'empire de l'erreur commune ne tiennent leurs droits ni du propriétaire apparent, ni du propriétaire véritable ; qu'ils sont investis par l'effet de la loi” (Civ. 1re, 3 avr. 1963, JCP 1964, II, 13502, note J. MAZEAUD, D. 1964, jur. p. 306, note J. CALAIS-AULOY ; Civ. 1re, 22 juill. 1986, Bull. civ. I, no 204, D. 1987, somm. p. 13, obs. A. ROBERT).
23 Par ex. Com., 13 janv. 2009, Bull. Joly sociétés 2009, p. 465, § 91, note A. LECOURT.
24 Le trésor de la langue française, vo Apparence.
25 Idem.
26 J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, op. cit., no 839.
27 R. DEMOGUE, Les notions fondamentales du droit privé, A. Rousseau éd., 1911, p. 71.
28 Sur lesquels, v. M. BOUDOT, Rép. civ. Dalloz, vo Apparence, no 23.
29 R. DEMOGUE, op. cit., p. 72.
30 Ch. LARROUMET, Droit civil, t. III, Les obligations, Le contrat, Economica, 5e éd. 2003, no 175.
31 A. BRETON, “Des effets civils de la bonne foi”, Rev. crit. 1926, p. 86, sp. p. 98.
32 R. SAVATIER, Traité de la responsabilité civile, 1951, no 480.
33 A. DANIS-FATÔME, op. cit., no 636 s.
34 Ph. LE TOURNEAU, Rép. civ. Dalloz, vo Quasi-contrat, 2009, no 59 ; A. BÉNABENT, op. cit., no 342. Comp. A. DANIS-FATÔME, Quasi-engagement et apparence : proximité ou identité ? (Dialogue entre deux œuvres de jeunesse), RDC 2009, p. 32.
35 J. HUET, Traité de droit civil, Les principaux contrats spéciaux, LGDJ, 2e éd., 2001, no 31217.
36 Paris, 12 juill. 1905, DP 1907, II, p. 140.
37 Pour une justification de la théorie de l’apparence par l’équité, v. L. JOSSERAND, Cours de droit positif français, t. 1, Sirey, 1938, no 1550 ; adde F. ZENATI et T. REVET, Droit des biens, PUF, 3e éd. 2008, no 187 ; comp. C. GRIMALDI, “Quasi-engagement et engagement en droit privé, Recherches sur les sources de l’obligation”, Defrénois 2007, no 213 : S’agissant de la propriété apparente (...), ce sont davantage des impératifs légaux que des impératifs d’équité qui sont en cause : sécurité juridique et dynamisme des conventions”.
38 G. ANSALONI, op. cit.
39 A. ROBERT obs. sous Civ. 1re, 22 juill. 1986, D. 1987, somm. p. 13.
40 V.J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, op. cit., no 861 ; P. VOIRIN, note sous Bordeaux 10 déc. 1928, DP 1929, II, p. 81.
41 V. par ex. récemment encore Com., 23 janv. 2007, CCC 2007, no 115, obs. L. LEVENEUR : “Attendu qu'une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs”.
42 L. JOSSERAND, op. cit.
43 P. VOIRIN, op. cit.
44 De manière plus générale, il semble admis que lorsque le bien est soumis à une publicité légale, les tiers ont le devoir de consulter le registre (en ce sens, Civ. 3e, 29 janv. 1992, Bull. civ. III, no 31 : refusant de faire bénéficier un locataire de la théorie de l’apparence au motif que la qualité de propriétaire du bailleur était aisément vérifiable à la conservation des hypothèques où le bail emphytéotique était publiée ; dans le même sens, décidant que la publication de la révocation d’un dirigeant de société (C. com. L. 210-9) empêche le tiers de se prévaloir de la théorie du mandat apparent (Com., 4 mai 1993, Bull. civ. IV, no 174, Rev. soc. 1993, p. 567, obs. B. SAINTOURENS) ; sur ce point, v. les nuances apportées par A. DANIS-FATÔME, op. cit., no 650.
45 Civ. 1re, 9 janv. 1996, Bull. civ. I, no 15 ; v. également Req. 20 mai 1935, DP 1935, I, p. 97, rapp. PILON, note CAPITANT.
46 Civ. 1re, 22 juill. 1986, Bull. civ. I, no 204, D. 1987, somm. p. 13, obs. A. ROBERT.
47 Civ. 1re, 3 avr. 1963, D. 1964, p. 306, note J. CALAIS-AULOY, JCP 1964, II, 13502, note J. MAZEAUD ; comp. Civ. 3e, 24 sept. 2003, Bull. civ. III, no 162, JCP 2004, II, 10113, note J.-G. MAHINGA (pas d’erreur légitime).
48 Com., 5 déc. 1989, Bull. civ. IV, no 309 relève que le mandataire apparent s’est présenté comme le représentant d’un transporteur.
49 Civ. 1re, 6 janv. 1994, Bull. civ. I, no 1 : relève que le contractant avait fait paraître une annonce de mise en vente du bien et signé le compromis de vente en qualité de mandataire
50 Civ. 3e, 2 oct. 1974, JCP 1976, II, 18247, note Thuillier ; Civ. 1re, 11 mars 1986, Bull. civ. I, no 67 ; Civ. 1re, 22 mai 1991, JCP N 1992, II, 372, note L. LEVENEUR
51 Civ. 3e, 20 avr. 1988, JCP 1988, II, 21229, note J. MONÉGER.
52 Com., 17 oct. 1996, JCP 1996, I, 3929, no 14.
53 Com., 15 mars 1984, Bull. civ. IV, no 106
54 Civ. 1re, 6 janv. 1994, Bull. civ. 1994, I, no 1 : décidant qu’“il n’est pas d’usage qu’en pareilles circonstances des acquéreurs tels que M. SALGADO, chaudronnier, et son épouse, sans profession, exigent de la part d’un agent immobilier connu, dont le numéro de la carte professionnelle figurait de surcroît dans le compromis, la présentation du mandat l’autorisant à vendre l’immeuble pour le compte de son propriétaire” ; adde Com., 29 avr. 1970, Bull. civ. IV, no 137 ; Civ. 3e, 20 avr. 1982, Bull. civ. III, no 133
55 Civ. 3e, 24 sept. 2003, préc.
56 Com. 27 juin 1973, Bull. civ. IV, no 227 ; en revanche, peu importe la bonne ou mauvaise foi du titulaire apparent du droit (v. par ex Civ. 1re, 22 juill. 1986, Bull. civ. I, no 204, D. 1987, somm. p. 13, obs. A. ROBERT).
57 Civ. 3e, 5 avr. 1995, Bull. civ. III, no 99, Defrénois 1995, 1457, obs. C. ATIAS.
58 Civ. 1re, 24 mars 1981, JCP 1982, II, 19746, note Le Guidec, RTD civ. 1982, p. 407 et 413, obs. R. NERSON et J. RUBELLIN-DEVICHI ; Civ. 1re, 28 nov. 2006, Dr. fam. 2007, no 16, note B. BEIGNIER, RTD civ. 2007, p. 379, obs. B. VAREILLE.
59 J.-L. SOURIOUX, “La croyance légitime”, JCP 1982, I, 3052.
60 V. A. DANIS-FATÔME, op. cit., no 883.
61 En ce sens J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, op. cit., no 850.
62 Comp. néanmoins, C. LARROUMET, op. cit., no 175, note 2 : pour l’auteur, “il ne semble pas qu’il y ait de différence entre l’erreur commune et l’erreur légitime. l’erreur commune suppose qu’elle aurait pu être commise par n’importe quelle personne se trouvant dans la même situation que le cocontractant du mandataire. Ce n’est qu’à cette condition qu’elle peut apparaître comme légitime”.
63 Encore qu’il est des situations où l’apparence est refoulée (v. supra, no 2).
64 V. en matière d’hypothèque : Civ. 1re, 3 avr. 1963 : Bull. civ. 1963, I, no 204.
65 Il semble qu’il faille assimiler en cette matière l’erreur commune à l’erreur invincible (en ce sens définissant l’erreur commune “invinciblement produite par [un] état des choses, et contre laquelle aucune prudence humaine ne pourrait prémunir” (Cass. 3 juill. 1877, DP 1877.1.429), encore que certaines décisions fassent la différence entre les deux notions
66 Encore faut-il déterminer s’il y a là une réelle différence de nature ou simplement de degré (v. A. DANIS-FATÔME, op. cit. no 894 s.).
67 R. DEMOGUE, op. cit.
68 F. BOUSSOUGOU-BOU-MBINE, “Hypothèques, Hypothèques conventionnelles, Conditions requises pour pouvoir constituer hypothèque”, J.-Class. Civil Code, Art. 2124 à 2126, no 24. Juris classeur
69 J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, op. cit., no 850 s.
70 Telle est la démonstration de A. DANIS-FÂTOME, op. cit., no 894.
71 Telle est la démonstration de A. DANIS-FÂTOME, op. cit., no 894.
72 H. MAZEAUD, La maxime "error communis facit jus" : RTD civ. 1924, p. 929 s.
73 Seules quelques anciennes décisions ont visé cet adage (v. les références citées par A. DANIS-FATÔME, op. cit., no 602).
74 Civ. 1re, 3 avr. 1963, JCP 1964, II, 13502, note J. MAZEAUD, D. 1964, p. 306, note J. Calais-Auloy
75 En ce sens Marc DONNIER, “Option héréditaire, Pétition d’hérédité”, J.-Class Civil Code, Art. 774 à 814, no 138.
76 Req., 4 août 1875, DP 1876, I, p. 123 ; Civ., 26 janv. 1897, DP 1900, I, p. 33, note SARRUT ; Req., 20 mai 1935, DP 1935, I, p. 97, rapp. PILON, note H. CAPITANT ; Soc., 21 oct. 1955, Bull. civ. IV, no 754 ; Civ. 1re, 26 févr. 1963, Bull. civ. I, no 127 ; Civ. 1re, 22 juill. 1986, Bull. civ. I, no 214.
77 Par ex. Civ. 1re, 12 janv. 1988, Bull. civ. 1988, I, no 7 ; Civ. 3e, 27 févr. 2002, pourvoi, no 99-16.521 : ces décisions visent “l’erreur commune et légitime”.
78 Civ. 3e, 19 févr. 1974, Bull. civ. 1974, III, no 83 (hypothèque), Civ. 1re, 18 sept. 1997, Bull. civ. I, no 316 ; Civ. 3e, 24 sept. 2003 (hypothèque).
79 Par ex. Civ. 1re, 22 juill. 1986, préc. (à propos des actes d’un héritier apparent).
80 Par ex. Civ. 1re, 30 nov. 1965, Bull. civ. I, no 664, D. 1966, p. 449, note J. CALAIS-AULOY ; Civ. 3e, 22 oct. 1970, Bull. civ. III, no 540.
81 Ass. plén., 13 déc. 1962, D. 1963, p. 277, note J. CALAIS-AULOY.
82 V. également Civ. 1re, 29 avr. 1969, JCP 1969, II, 15972, note R. LINDON, D. 1970, p. 23, note J. CALAIS-AULOY ; plus récemment, v. Com., 5 oct. 1993, Bull. civ. IV, no 319 ; Civ. 1re, 6 janv. 1994, Bull. civ. I, no 1, l’arrêt s’appuie seulement sur l’usage ; Com., 17 oct. 1995, Bull. civ. IV, no 246 à propos d’un franchisé considéré comme mandataire apparent du franchiseur ; com., 23 janv. 2007, CCC 2007, no 115, obs. L. LEVENEUR.
83 V. par ex. lorsqu’un bail commercial ou rural est consenti par un usufruitier : Civ. 3e, 5 avr. 1995, Bull. civ. III, no 99, RD imm. 1995, p. 603, obs. F. COLLART-DUTILLEUL et J. DERRUPPÉ ; Civ. 3e, 16 avr. 2008, JCP 2008, II, 10156, note A. ETIENNEY ; comp. Com., 24 févr. 1987, Bull. Joly sociétés 1987, p. 211, § 98, note P. LE CANNU.
84 P. VOIRIN, note ss CA Bordeaux, 10 déc. 1928 : D. 1929, p. 81.
85 CA Montpellier, 7 mai 2002, Juris-Data no 2002-191268.
86 Civ. 3e, 13 mai 2009, pourvoi no 08-16.720, JCP 2009, 212, note J.-J. BARBIÈRI.
87 V. pour un exemple topique : Civ. 1re, 6 janv. 1994 : Bull. civ. 1994, I, no 1 : La 1re chambre a rejeté un pourvoi contre un arrêt qui avait retenu que les propriétaires étaient engagés par l’agent immobilier qui avait fait paraître une annonce pour la vente d’un bien qu’il gérait et signé le compromis de vente en qualité de mandataire, bien que ces propriétaires n’aient pas donné un mandat conforme à la loi du 2 janvier 1970, au motif “qu’il n’est pas d’usage qu’en pareilles circonstances des acquéreurs tels que M. S., chaudronnier, et son épouse, sans profession, exigent de la part d’un agent immobilier connu, dont le numéro de la carte professionnelle figurait de surcroît dans le compromis, la présentation du mandat l’autorisant à vendre l’immeuble pour le compte de son propriétaire «
88 Civ. 1re, 29 avr. 1969, JCP 1969, II, 15972, note R. LINDON, D. 1970, p. 23, note J. CALAIS-AULOY.
89 Civ. 1re, 29 avr. 1969, préc.
90 CA Versailles, 24 juin 1988, D. 1988, IR p. 241.
91 Com. 8 juill. 1981, Bull. civ. IV, no 315
92 Civ. 3e, 2 oct. 1974, JCP 1976, II, 18247, note THUILLIER ; Civ. 1re, 22 mai 1991, JCP N 1992, II, 372, note L. LEVENEUR.
93 Civ. 3e, 4 mai 1982, Bull. civ. III, no 111.
94 Civ. 1re, 11 févr. 1997, Bull. civ. I, no 52
95 Civ. 1re, 3 juin 1998, Bull. civ. I, no 194; comp. Aix-en-Provence, 4 septembre 2008, Juris-Data, no 2008-001672 (salarié ayant utilisé un devis à l’en-tête de son employeur).
96 Civ. 1re, 11 mars 1986, Bull. civ. I, no 67, Defrénois 1987. 404, obs. J.-L. AUBERT.
97 V. J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, op. cit., no 869.
98 Par ex. A. BÉNABENT, op. cit., no 510, pour lequel “le titulaire réel dispose évidemment d’un recours contre le titulaire apparent”.
99 Etant rappelé que cette connaissance n’a de toute façon aucune incidence sur le jeu de l’apparence entre le titulaire apparent et le tiers.
100 Comp. J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, op. cit.
101 E. LÉVY, “Sur l’idée de transmission de droits (à propos de la preuve de la propriété immobilière”, 1896, no 3 : “On traite, on prête sur des immeubles dont les origines de propriété sont insignifiantes. Pour qui prend à bail un appartement, le maître, c’est celui qui se donne comme tel. On n’a pas le temps ni les moyens de douter : on croit. C’est l’intérêt de chacun, c’est l’intérêt de tous. Il y a comme une entente tacite en vue de considérer comme droit l’apparence du droit. Ne vivons pas en tout de croyance ?” ; et du même auteur, La vision socialiste du droit, éd. M. GIARD, 1926, p. 166.
102 F. TERRÉ et Ph. SIMLER, Droit des biens, Dalloz, 7e éd., 2006, no 73.
103 Mais non ceux que de toute façon, même de mauvaise foi, l'héritier apparent n'aurait pu percevoir dès lors que le bien a été aliéné (Chambéry, 14 mars 1990, préc.).
104 Quant aux fruits, l'héritier apparent de bonne foi n'en doit compte qu'à partir du jour auquel il a eu connaissance de l'irrégularité de son titre mais terme au jour de l’aliénation
105 Mais non ceux que de toute façon, même de mauvaise foi, l'héritier apparent n'aurait pu percevoir dès lors que le bien a été aliéné (Chambéry, 14 mars 1990, préc.).
Auteur
Professeur à l’Université Toulouse 1 Capitole
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