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    Plan détaillé Texte intégral I – UNE VOLONTÉ D’ÉRADIQUER L’APPARENCE NORMATIVE II – UNE IDENTIFICATION AMBIGUË DE L’APPARENCE NORMATIVE CONCLUSION Notes de bas de page Auteur

    Juge et Apparence(s)

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    L’apparence normative dans la jurisprudence constitutionnelle

    Olivier Le Bot

    p. 55-75

    Texte intégral I – UNE VOLONTÉ D’ÉRADIQUER L’APPARENCE NORMATIVE A – Une réduction de la réalité législative à la normativité B – Une réduction discutable II – UNE IDENTIFICATION AMBIGUË DE L’APPARENCE NORMATIVE A – Le flou des critères B – Le caractère abstrait et a priori du contrôle CONCLUSION Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    11. A l’origine de la jurisprudence sur l’apparence normative, il y a un constat et une réaction.

    22. Le constat, c’est celui d’une dégradation de la qualité de la loi et, plus spécialement, un affaiblissement de sa propension à prescrire. La loi ne se contente plus d’interdire, de permettre ou d’ordonner (selon un modèle déontique cher à Portalis). Il lui arrive également, et semble-t-il, de plus en plus fréquemment, de décrire, de définir, d’annoncer, de souhaiter ou encore de formuler des objectifs. Cette tendance du législateur à inclure dans le texte même des lois – en pratique à leur article 1er – des “morceaux d’exposés des motifs”1 est bien connue2.

    33. Plusieurs exemples, issus de la législation des trois dernières décennies, peuvent être cités pour rendre le propos plus concret.

    4La loi fixe des objectifs : 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat3.

    5La loi définit : “la politique de la ville est un des éléments de la politique d’aménagement du territoire”4.

    6La loi décrit : “L’architecture est une expression de la culture”5.

    7La loi reconnaît : “La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915”6.

    8La loi, enfin, consacre généreusement des droits subjectifs sans consistance : le droit à l’habitat7, le droit au logement (quand il n’était pas encore opposable)8, le “droit” pour chacun de pratiquer des activités physiques et sportives9.

    9La liste est relativement longue10. Elle l’est d’autant plus que, contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’adoption d’énoncés dépourvus de force normative n’est pas entièrement nouvelle. Le code civil lui-même, volontiers présenté comme un modèle indépassable de perfection rédactionnelle, comporte un certain nombre d’énoncés adoptés par souci de clarté et non pas à des fins prescriptives. C’est le cas, en particulier, des annonces de plan que l’on retrouve aux articles 543, 1370 et 1384.

    10Le phénomène n’est donc pas inédit. Toutefois, il atteint aujourd’hui des proportions nettement plus importantes que par le passé.

    114. Par le biais de ces énoncés, il peut s’agir pour le législateur, de coucher son intention dans le texte même qu’il propose à la nation, de symboliser son action par une formule, d’officialiser sa position sur un sujet ou encore de faire progresser une idée ou un principe que le droit n’est pas encore prêt à intégrer sous une forme normative. Il est alors prévu, dans l’esprit des rédacteurs, que l’idée ou le principe sera précisé et concrétisé à la faveur d’interventions futures (ce fut le cas, par exemple, pour le droit au logement ou encore sur la question du service minimum).

    12Mais ces énoncés sont potentiellement porteurs d’inconvénients : ils encombreraient les textes et l’ordre du jour parlementaire, seraient générateurs de vaines espérances et de contentieux à l’issue improbables, ils affaibliraient les dispositions nécessaires et, pour toutes ces raisons, contribueraient à la crise de confiance à l’égard des institutions11.

    135. Aussi le développement de ce type de disposition a t-il entraîné une réaction. Les auteurs, d’abord ont signalé ou regretté, selon leur tempérament, l’avènement d’un droit “mou”, d’un droit faible en teneur normative12.

    14Puis le Conseil d’Etat, dans un rapport détonnant de 1991, a fustigé la “dégradation de la norme” et la multiplication de dispositions dépourvues “de tout contenu normatif”13. Il dénonçait “le droit mou, le droit flou, le droit à l’état gazeux”14 et soulignait que ses formations consultatives avaient vu passer, comme chaque année, “un nombre non négligeable de lois (…) dont l’article 1er est dépourvu de tout contenu normatif”15.

    15Dans la même veine et de façon particulièrement remarqué, l’ancien président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, a stigmatisé en 2005 la “dégénérescence de la loi en instrument de politique-spectacle” : “La loi n’est pas faite pour affirmer des évidences, émettre des voeux ou dessiner l’état idéal du monde” a-t-il tonné. “La loi ne doit pas être un rite incantatoire. Elle est faite pour fixer des obligations et ouvrir des droits”. Il réduisait les dispositions non normatives à des dispositions “d’affichage” et avait prévenu que le Conseil était prêt désormais à les censurer16.

    16Il annonçait ainsi la mise à exécution d’une jurisprudence initiée six mois plus tôt, dans laquelle il affirmait que “la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative”17.

    17Et effectivement, la première sanction interviendra rapidement : le 21 avril 2005, dans la décision 512 DC, le Conseil déclare contraire à la Constitution une disposition qu’il juge “manifestement dépourvue de toute portée normative”18. Désormais, il censure les énoncés législatifs dont la charge normative n’est qu’apparente.

    186. Par apparence de normativité, on entend ce que le CC conçoit comme un semblant de normativité. Ce qui, de prime abord, en apparence, se présente comme un énoncé normatif (du fait de sa présence dans un texte de loi). Mais qui, à l’analyse (en réalité), n’est doté d’aucune charge normative19.

    19L’énoncé a la couleur de la norme (son auteur n’est autre que le Parlement), il a l’odeur de la norme (son support – textuel – est une loi) mais ce n’est pas une norme.

    20Le Conseil établit ainsi une dichotomie entre apparence et réalité. La loi “portalisienne” serait la vrai loi ; la loi non normative une “vraie fausse loi”, pour reprendre l’expression utilisée par Christophe Jamin et Thierry Revêt il y a plus de dix ans20, les deux auteurs évoquant également, au sujet de ces dispositions non normatives, un “hiatus entre l’apparence et la réalité”21.

    21Le dictionnaire de la culture juridique (sous la plume de Mme Jobard-Bachelier), nous enseigne que “L’apparence est ce qui apparaît d’une personne, d’une chose, de faits matériels, la manière dont ils se présentent à nos yeux”22.

    22L’objet de notre analyse porte ici, non pas sur une personne, une chose ou des faits matériels mais sur un énoncé, un énoncé législatif, un énoncé figurant dans une loi. Comment se présente-t-il à nos yeux (pour reprendre la démarche du dictionnaire de la culture juridique) ? Comme un énoncé législatif, comme un énoncé formulant une règle de droit, comme un énoncé normatif. Pourquoi ?

    23Tout simplement parce que la disposition a été votée régulièrement, selon les procédures constitutionnelles établies, par les organes constitutionnels compétents. En somme, l’énoncé se présente à nos yeux comme normatif du fait de son adoption par le Parlement et de sa présence dans un texte de loi auquel le système normatif reconnaît habituellement cette qualité.

    24Mais cette apparence est trompeuse. Elle est contraire à la réalité ; elle correspond à la troisième forme d’apparence qu’envisage le dictionnaire de la culture juridique. Dans le tryptique esquissé par Mme Jobar-Bachelier, ce qui apparaît peut être tout d’abord conforme à la réalité juridique23. Ensuite (et on est alors un cran en deça dans l’adéquation à la réalité), l’apparence peut rendre seulement vraisemblable la conformité à la réalité juridique24. Enfin (au dernier niveau), ce qui apparaît peut être contraire à la réalité juridique. On parle alors d’apparence trompeuse. Cette troisième forme est la plus singulière car, bien qu’elle soit contraire à la réalité, elle peut néanmoins produire des effets. La justification est la suivante : une personne s’est fiée aux apparences (à ce qu’elle voyait) dans l’accomplissement d’une opération juridique. Par équité, il arrive que l’on fasse prévaloir l’apparence sur la réalité et que l’on applique en conséquence les règles juridiques que pensait de bonne foi voir appliquées cette personne. La réalité juridique est alors infirmée et remplacée par les apparences, “par la force d’une représentation individuelle erronée”, selon les termes de Mme Jobard-Bachelier25.

    25Pour l’hypothèse qui nous intéresse ici, l’apparence est également trompeuse (puisque l’énoncé litigieux est en réalité non normatif) mais, à la différence des exemples précédents, il n’est nullement question de faire produire des effets à l’apparence. Bien au contraire, l’objectif est de démasquer l’apparence, de mettre à nu l’absence de normativité et d’empêcher la disposition d’apparence normative d’entrer en vigueur. Le Conseil veut, par ce biais, éradiquer l’apparence normative.

    26Toutefois, pour chasser ces énoncés de notre ordre juridique, il faut au préalable les détecter, les identifier. Cette opération est délicate et, dans la jurisprudence constitutionnelle, obéit à une démarche ambiguë.

    27La jurisprudence constitutionnelle sur l’apparence normative se caractérise ainsi par une volonté d’éradiquer l’apparence normative et par une identification ambiguë de l’apparence normative26.

    I – UNE VOLONTÉ D’ÉRADIQUER L’APPARENCE NORMATIVE

    28La volonté d’éradiquer l’apparence normative repose sur une réduction de la réalité législative à la stricte normativité. Une réduction, qui toutefois, est discutable.

    A – Une réduction de la réalité législative à la normativité

    297. Pour fonder l’interdiction de l’apparence normative, le Conseil réduit la loi à la norme. Il estime que la réalité législative consiste, selon les préceptes de Portalis, à interdire, permettre ou ordonner. Il établit une césure, une séparation nette et hermétique entre, d’une part, la réalité normative et, d’autre part, l’apparence normative. Les énoncés législatifs sont normatifs s’ils interdisent, permettent ou ordonnent. Le reste n’est apparence normative et, pour cette raison, n’a pas droit de cité dans notre ordre juridique.

    30Binaire, ce schéma repose sur l’exigence jurisprudentielle de normativité de la loi, exprimée en ces termes par le Conseil : “sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative”27.

    318. On relèvera d’emblée que, dans cette formule, le Conseil a pris soin de réserver les lois faisant l’objet “de dispositions particulières prévues par la Constitution” et qui, elles, ne sont pas soumises à l’exigence de normativité. C’est le cas des lois de programmation28, des lois de plan, des lois autorisant la ratification de traités internationaux29 ainsi que de certaines annexes des lois de finances et des rapports annexés aux lois de financement de la sécurité sociale30.

    329. L’exigence de normativité repose, selon le Conseil, sur deux fondements juridiques.

    33Le premier résulte de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, plus précisément de la formule selon laquelle “La loi est l’expression de la volonté générale”. Le Conseil constitutionnel déduit de cette formule que la volonté générale ne peut s’exprimer que sous une forme normative.

    34Le second fondement repose sur l’objet de la loi. Le Conseil constitutionnel évoque, au titre de ce second fondement, “l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi”(c’est-à-dire autres que l’article 6 précité de la Déclaration). A l’appui de ce fondement, il a produit un document qui recense, sur cinq pages, la centaine d’occurrences du mot loi figurant dans les textes constitutionnels français31 : la loi “détermine”(article 34), la loi “fixe”(article 38), elle ordonne, elle régit, réglemente, défend, exclut, etc. Une trentaine de verbes au total, définissent l’objet de la loi. Le Conseil, par la voie de son président, a déduit de cette liste que la loi est le sujet de verbes ayant tous un contenu “décisoire”, à l’exception de l’article 3 de la Constitution aux termes duquel (dans sa rédaction d’alors) la loi “favorise” l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives32. La loi ayant, selon la Constitution, une portée décisoire, elle ne saurait avoir un contenu non normatif.

    35De ces deux fondements résulte pour le Conseil une interdiction de l’apparence normative33.

    3610. Il s’ensuit que les énoncés dont la normativité n’est qu’apparente ne peuvent pénétrer l’ordre juridique. Le juge constitutionnel met à nu leur absence de normativité. Il renverse l’apparence et (r)établit la réalité. La disposition apparaît alors telle qu’elle est réellement, c’est-à-dire comme une coquille vide selon le juge constitutionnel. Elle se présente sous son vrai visage et doit, par suite, (à moins qu’elle n’entre dans une catégorie de textes pour lesquels la normativité ne s’impose pas) être supprimée34.

    37Une seule disposition a fait l’objet d’une annulation à ce jour : il s’agit de l’article 7 de la loi sur l’école, jugé “manifestement dépourvue de toute portée normative”35.

    38L’annulation de cette disposition soulève deux questions quant à la démarche du Conseil. D’une part, on ne sait pas si le Conseil emploie ici l’adverbe “manifestement” parce que l’absence de normativité lui a paru frappante ou bien parce que seule une absence évidente de normativité est susceptible d’être sanctionnée. D’autre part, le Conseil constitutionnel fait preuve de sélectivité dans le choix des dispositions à censurer. De l’aveu même du Secrétaire général, le Conseil constitutionnel aurait eu “l’embarras du choix” pour censurer d’autres énoncés non normatifs “s’il avait voulu être plus rigoureux”36. Il s’est limité au seul article 7 car le grief tiré de la non normativité n’était vraiment développé qu’à propos de cette disposition. Surtout, les énoncés litigieux venaient modifier des énoncés également non normatifs du code de l’éducation. Aussi, que le Conseil décide ou non de censurer ces dispositions, des énoncés non normatifs continuaient en tout état de cause à être présents dans le code de l’éducation.

    39Quoi qu’il en soit, l’article 7 de la loi sur l’école a été la première victime (et à ce jour la seule) de la réduction de la loi à la norme. Cette réduction, toutefois est discutable.

    B – Une réduction discutable

    40Elle est discutable aussi bien au niveau de la justesse de ses fondements juridiques qu’à celui de son opportunité.

    4111. Tout d’abord, les deux fondements mis en avant par le Conseil constitutionnel sont pour le moins fragiles.

    42Concernant l’article 6 de la Déclaration de 1789, on ne voit pas en quoi la formule “la loi est l’expression de la volonté générale” impliquerait de dénier au législateur la possibilité de s’exprimer sous une forme non normative. Comme l’a rappellé Guillaume Glénard, l’expression retenue par les révolutionnaires ne renvoie nullement à une quelconque normativité. Elle n’est qu’une référence à Jean-Jacques Rousseau37 et la manifestation de la volonté générale peut très bien être purement politique.

    43S’agissant du second fondement, qui s’appuie sur les verbes qui, dans la Constitution, définissent l’objet de la loi, force est de constater qu’ils ne démontrent rien. Le Conseil, on l’a vu, ne soumet pas à l’exigence de normativité les lois de programmation ou les lois de financement de la sécurité sociale. Or l’article 34 dispose que les lois de programmation “déterminent” les objectifs de l’Etat. Le même article indique que les lois de financement de la sécurité sociale “fixent” des objectifs de dépenses. “Pourquoi les verbes déterminer ou fixer en général imprimeraient nécessairement à la loi une portée normative, alors que le constituant a employé ces mêmes mots pour des catégories de lois qui en sont, a priori, dépourvues ?”38. De même, le verbe “favoriser”, pourtant mis à l’écart de la liste des verbes au contenu décisoire, n’exclut pas qu’une loi sur la parité hommes/femmes ait un contenu normatif.

    44Les fondements juridiques sur lesquels repose cette jurisprudence sont donc contestables. En outre, la mise au ban de l’apparence normative n’apparaît pas nécessairement opportune.

    4512. En effet, le droit, la réalité juridique ne se résume pas à la normativité. Le juridique ne se résume pas au normatif. Certes, la norme est au cœur de l’ordre juridique. Elle est au droit ce que la cellule est au vivant : l’unité de base du système. Mais elle n’est pas tout le droit. Comme l’indique Yann Aguilla dans ses conclusions sur l’arrêt Commune d’Annecy, “un système juridique a en réalité toutes sortes de composantes. Certaines d’entre elles sont des normes - des obligations ou des interdictions, explicites ou implicites, écrites ou non. Mais on trouve bien d’autres éléments que les normes : des définitions, des objectifs, des principes, des règles d’interprétation... Toutes ces composantes forment un tout indissociable, chacune d’elles ayant sa fonction propre au sein du système”39.

    46Pourquoi, dès lors, vouloir que chaque article de loi et chaque alinéa se présente comme porteur d’une norme spécifique, et ce “au nom d’une conception trop étroite, voire “intégriste”, d’une normativité évaluée à l’aune du seul dispositif instrumental que comportent les textes”40 ?

    47Même les traditionnels articles premier des lois, souvent jugés de manière sévère et volontiers tournés en ridicule, peuvent avoir d’utiles fonctions41 dans notre système juridique. Malgré leur absence de normativité, ils se révèlent extrêmement précieux pour interpréter, à leur lumière, le reste de la loi42.

    4813. Certaines matières, en outre, se prêtent moins que d’autres à un strict encadrement normatif. C’est le cas de l’éducation où, pour des raisons historiques, “le noyau dur législatif est par nature restreint”43. Ce droit est né d’une lutte de l’Etat contre l’Eglise pour la reprise de l’éducation. Il a été nourri de l’idéal des Lumières visant à l’avènement d’un citoyen éclairé. Ayant affirmé l’éducation comme valeur républicaine, ce droit “maintient depuis un partage flou entre politique publique et normativité”44.

    49Enfin, on peut se demander à qui ces énoncés causent véritablement un tort. Au citoyen ? Celui-ci n’en “aura probablement jamais connaissance”45. Au juriste ? Le risque est très hypothétique et, comme le relève Pascale Deumier, “a-t-on souvenir de difficultés juridiques liées à l’application de telles insertions ?”46.

    5014. Aussi les ressorts sur lesquels repose la condamnation de l’apparence normative sont-ils contestables. Cette jurisprudence est d’autant plus sujette à controverse qu’elle procède d’une identification ambiguë de l’apparence normative.

    II – UNE IDENTIFICATION AMBIGUË DE L’APPARENCE NORMATIVE

    51L’identification de l’apparence normative est en effet ambiguë à deux égards. Matériellement d’abord, en raison du flou qui entoure les critères d’identification. Temporellement ensuite, du fait du caractère abstrait et a priori de l’appréciation.

    A – Le flou des critères

    5215. L’identification de l’apparence normative se caractérise par un certain flou des critères.

    5316. Les théoriciens l’ont bien montré : la distinction entre dispositions normatives et dispositions non normatives est loin d’être aisée à opérer47. Si bien que la prétention du Conseil de “tracer une ligne de démarcation entre elles risque (…) de comporter une large part d’appréciation subjective”48.

    5417. En première analyse, et tout le monde s’accordera sur ce point, la normativité s’attache à la propriété d’un énoncé. Elle désigne l’aptitude d’un énoncé à produire ou révéler une norme lors de l’opération de signification. Il convient, dès lors, de préciser le concept de normativité à travers la notion de norme. Celle-ci peut être définie comme la signification d’un énoncé prescriptif49. Elle se définit ainsi à partir de deux éléments.

    55D’une part, la norme est une signification, pas une chose50. Elle constitue un “outil d’une texture purement psychique”51, susceptible d’être appréhendé au prix d’une opération intellectuelle. Une norme ne se “voit” pas, elle se “comprend”. Il faut en effet distinguer la norme juridique de l’énoncé légal qui l’a fait naître : “la norme, ce n’est pas l’énoncé lui-même, ce n’est pas le texte lui-même, c’est le sens que cet énoncé, que ce texte tire de l’interprétation qui est faite de lui, voire de la pratique qui est bâtie sur lui”52. Avant l’opération de signification, il n’y a pas de norme mais un énoncé brut.

    56D’autre part, la norme indique un modèle de conduite (pour les normes primaires53) sur un mode impératif. L’impératif c’est obligation54. C’est le commandement que quelque chose “doit avoir lieu”55, le commandement “d’un quelque chose qui doit être réalisé” et non pas seulement “d’un quelque chose à réaliser”56.

    5718. Comment se positionne le Conseil au regard de ce critère ? Celui-ci n’ayant pas exposé la démarche qu’il retient dans la détection de l’apparence normative, celle-ci doit être déduite des décisions rendues. A ce jour, le Conseil a statué sur deux dispositions seulement. L’une a été qualifiée de normative : il s’agit de la disposition supprimant la publicité sur les programmes nationaux de France Télévisions57. L’autre a été regardée comme non normative : il s’agit d’une disposition de la loi sur l’école, qui comportait notamment le paragraphe suivant : “compte tenu de la diversité des élèves, l’école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d’intelligence pour leur permettre de valoriser leurs talents”. La jurisprudence étant peu fournie sur la question, il convient, à titre subsidiaire, de s’appuyer sur la liste dressée par les services du Conseil, de onze dispositions considérées comme dépourvues de portée normative58. Qu’en ressort-il ?

    5819. Il en ressort, tout d’abord, que le Conseil ne s’arrête pas à une lecture purement syntaxique des énoncés pour identifier l’existence d’un impératif. En effet, il a nié la normativité de l’énoncé sur l’école alors même qu’il contient le verbe “devoir”, qui exprime une obligation. La formulation d’un impératif n’implique donc pas nécessairement la normativité d’un énoncé. Une syntaxe de structure déontique ne peut être considérée qu’en tant que présomption de commandement mais ne peut constituer par elle-même la preuve d’un commandement59. Dans sa traque de l’apparence normative, le Conseil constitutionnel va au-delà d’une lecture superficielle et s’efforce d’apprécier l’aptitude d’un énoncé à contenir une véritable prescription.

    5920. A cet égard, l’apparence normative semble correspondre, pour le Conseil, aux énoncés trop abstraits ou insuffisamment performatifs.

    60Le caractère trop abstrait de la disposition sur l’école expliquerait la conclusion à laquelle est parvenue le Conseil à son égard. Il lui manquerait la précision permettant d’en tirer des conséquences immédiates. Ce critère toutefois, reposant sur le degré d’abstraction de l’énoncé, n’est pas utilisable isolément60.

    61Sur un autre plan, et de manière peut être combinée, le caractère insufisamment performatif pourrait expliquer l’exclusion des énoncés descriptifs, déclaratifs ou naratifs (“L’architecture est une expression de la culture”, “L’identité et les spécificités de la montagne sont reconnues par la Nation…”, “La famille est une des valeurs essentielles sur lesquelles est fondée la société”, “La France reconnaît publiquement le génocide arménien”, etc.). En effet, Austin, dans son ouvrage “Dire c’est faire”, a mis en lumière le caractère performatif du langage juridique : le droit ne peut être seulement connaissance et rejoint nécessairement l’action61. Dans cette optique, une disposition qui ne vise pas à changer le réel, qui se contente de le décrire, n’aurait qu’une apparence normative.

    62Cela étant, ce critère rencontre lui aussi une limite, qui vaut du reste tout autant pour le premier : le caractère performatif ne va pas forcément apparaître dans un contrôle abstrait et a priori. C’est là une seconde ambiguïté dans l’identification de l’apparence normative.

    B – Le caractère abstrait et a priori du contrôle

    6321. En effet, la normativité d’un énoncé est évaluée par le juge constitutionnel dans un cadre purement abstrait62. Cela soulève une difficulté pour une raison simple : l’apparence d’aujourd’hui n’est pas forcément la réalité de demain. Ou, dit autrement, l’apparence du juge constitutionnel n’est pas nécessairement la réalité du juge ordinaire. Ce qui, aux yeux du juge constitutionnel, dans le cadre d’un contrôle abstrait, apparaît comme non normatif, pourra très bien apparaître comme réellement normatif aux yeux du juge ordinaire à l’occasion d’un examen concret.

    64L’histoire du droit fourmille d’énoncés qui se sont vus reconnaître un effet normatif alors même qu’on pensait qu’ils en étaient dépourvus63.

    65Le cas de l’article 1384 alinéa 1er du code civil est vraisemblablement le plus célèbre. Conçu comme une simple transition littéraire, il s’est révélé porteur d’une norme autonome : le principe général de responsabilité du fait des choses. Dans l’esprit des rédacteurs, l’article 1384 al. 1er servait de transition entre, d’une part, la responsabilité du fait personnel (articles 1382 et 1383) et, d’autre part, la responsabilité du fait d’autrui (article 1384) et du fait des choses (articles 1385 et 1386). Selon ce texte, “on est responsable non seulement du dommage que l’on cause de son propre fait [rappel des articles 1382 et 1383], mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre [annonce de l’article 1384], ou des choses que l’on a sous sa garde [annonce des articles 1385 et 1386]”. Cette phrase faisait ainsi transition entre les articles qui précédaient (responsabilité de son propre fait) et ceux qui suivaient (responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses) ; elle avait seulement pour objet de les annoncer. Mais la Cour de cassation, pour indemniser les victimes du machinisme (à la fin du XIXè siècle), puis de la circulation automobile (à partir des années 1920)64, a fait preuve “d’une grande audace”65 en découvrant dans cette phrase un principe général de responsabilité du fait des choses66.

    66Cet exemple n’est pas isolé. Bien d’autres cas peuvent être cités au niveau législatif (avec notamment le droit au logement67) ou encore constitutionnel. Des exemples d’énoncés à la normativité douteuse se retrouvent en effet dans la Constitution. La jurisprudence leur a néanmoins donné vie. Le Conseil constitutionnel a ainsi découvert, à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la liberté personnelle, la liberté contractuelle ou la liberté d’entreprendre alors que cette disposition se contente d’une référence très abstraite au concept de liberté. Plus encore, il a reconnu un principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine à partir de la phrase qui précède le préambule de 1946. Cette phrase expose par ces mots le contexte historique de son adoption : “Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine…”. Il était difficile de voir dans cette phrase une authentique norme. Et pourtant, le Conseil affirme “qu’il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine est un principe à valeur constitutionnelle”68.

    6722. Il faut retirer de ces exemples un enseignement : ce que le Conseil considère aujourd’hui comme des énoncés n’ayant que l’apparence normative pourraient très bien, s’ils pénétraient l’ordre juridique, s’avérer demain – ou après-demain – réellement normatifs.

    68Ne pourrait-on pas envisager que la disposition sur l’école (“l’école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d’intelligence”), jugée dépourvue de portée normative par le Conseil, ne soit utilisée par le juge administratif ? N’aurait-elle pas pu servir de fondement pour censurer une décision du ministre de l’Education nationale qui chercherait à promouvoir telle forme d’intelligence sur une autre (par exemple l’intelligence mathématique sur l’intelligence littéraire), ou encore une décision qui viserait à supprimer les enseignements artistiques ou sportifs ?

    69Il s’agit là d’une limite importante de cette jurisprudence.

    CONCLUSION

    70En définitive, que retenir de cette jurisprudence (somme toute limitée : quatre décision, une seule censure) par rapport à l’objet du colloque ? Qu’apporte-t-elle à la connaissance de la notion d’apparence envisagée à travers le prisme du juge ?

    71On retiendra avant tout que, dans ce cadre, l’apparence n’est pas une création du juge mais une production du législateur. Il n’y a pas de théorie de l’apparence mais une volonté du juge de combattre l’apparence. Le Conseil constitutionnel ne veut pas que l’apparence normative puisse polluer – selon sa conception – l’ordre juridique.

    72Mais pour ce faire, il a dû établir une frontière, qui se veut nette, mais qui est en fait artificielle, imprécise et sujette à discussion, entre l’apparence normative et la réalité. Au final, en retenant des critères malléables et indéfinis, le juge se dote d’un pouvoir : le pouvoir de juger librement, voire subjectivement, ce qui relève de la réalité et ce qui relève de l’apparence et, par ce biais, d’imposer au législateur sa conception de la loi.

    Notes de bas de page

    1 Selon l’expression de Jean Foyer.

    2 Elle fut d’ailleurs combattue par tous les Premiers ministres ou presque. A de multiples reprises, les chefs de gouvernement insistèrent sur la nécessité d’écarter des projets de loi toute disposition non normative. Il fut ainsi rappeler aux rédacteurs qu’“Il faut éviter d’introduire dans les projets des dispositions sans contenu normatif”(circulaire du 14 juin 1983 relative à l’élaboration des projets de loi) ou, de manière similaire, que “Les projets de lois ne doivent pas comporter de dispositions sans contenu normatif”(formule employée dans trois circulaires des 21 mai 1985, 2 janvier 1993 et 30 janvier 1997 émanant de trois Premiers ministres successifs, “relative[s] aux règles d’élaboration, de signature et de publication des textes au Journal officiel et à la mise en œuvre des procédures particulières incombant au Premier ministre”, les “dispositions sans contenu normatif n’ayant leur place que dans les exposés des motifs ou les débats”(formule employée dans la circulaire du Premier ministre du 15 juin 1987 relative à l’élaboration, à la publication et à la diffusion des circulaires, et par la circulaire du Premier ministre du 25 mai 1988 relative à la méthode de travail du Gouvernement).

    3 Article 3 de la loi no 89-486 du 10 juillet 1989. Une loi no 85-1376 du 23 décembre 1985 prévoit que les dépenses de financement de la recherche par les entreprises représenteront, en 1988, 1,2 % du PIB.

    4 Loi du 13 juillet 1992. Voir également la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982, prévoyant que la politique des transports doit “satisfaire les besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité”.

    5 Article 1er de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

    6 Article 1er de la loi no 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

    7 Article 1er de la loi no 82-256 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs : “Le droit à l’habitat est un droit fondamental” ; il “implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation et de sa localisation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales”.

    8 Article 1er de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989.

    9 Article 1er de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives : “Les activités physiques et sportives constituent un facteur important d’équilibre, de santé, d’épanouissement de chacun ; elles sont un élément fondamental de l’éducation, de la culture et de la vie sociale. Leur développement est d’intérêt général et leur pratique constitue un droit pour chacun quels que soient son sexe, son âge, ses capacités ou sa condition sociale”

    10 Pour d’autres exemples, voir le document produit par les services du Conseil constitutionnel intitulé “Absence de normativité ou normativité incertaine des dispositions législatives”, pp. 28-33. Le document, annexé aux décisons 500 DC et 512 DC, comprend une liste d’une dizaine d’articles 1er de lois présentés comme non normatifs.

    11 Cf. J.-E. SCHOETTL, “La loi d’orientation et de programme pour l’école devant le Conseil constitutionnel”, LPA 20 mai 2005, no 10, p. 3 et s. Comme l’avait toutefois reconnu le Secrétaire général dans un commentaire antérieur, les inconvénients attribués aux énoncés non normatifs sont sans commune mesure avec les dangers résultant des dispositions entachées d’incompétence négative : “Une formule sans contenu normatif ne fait guère qu’encombrer le corpus juridique. N’emportant pas d’effets de droit, elle se fond dans un "bruit législatif" sans conséquence vraiment fâcheuse du point de vue de la sécurité juridique ou de la séparation des pouvoirs”(J.-E. SCHOETTL, commentaire de la décision 500 DC aux Cahiers du Conseil constitutionnel).

    12 En ce sens, Christian ATIAS, “Normatif et non-normatif dans la législation récente du droit privé”, RRJ 1982, pp. 220-224 ; Alain VIANDIER, “La crise de la technique législative”, Droits, no 4, 1986, p. 75 et s ; Bertrand MATHIEU, La loi, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 2004, pp. 104-105 ; Jean-Bernard AUBY, “Prescription juridique et production juridique”, RDP 1988, pp. 673-686 (qui évoque p. 673 “un phénomne contemporain (…) de dilution des prescriptions juridiques dans la production juridique, ou, à tout le moins, de reflux des prescriptions juridiques dans la production juridique” ; Jacques CHEVALLIER, “Vers un droit post-moderne ?”, RDP 1988, p. 659 et s., spé. p. 678, décrivant l’avènement d’un “droit non prescriptif”, “déclaratoire”, voire “incantatoire”, un droit mou (soft law), ou doux, parce que dépourvu de dimension contraignante.

    13 CONSEIL D’ETAT, De la sécurité juridique, rapport public 1991, Etudes et documents, no 43, p. 32 et s.

    14 Rapport précité, p. 32.

    15 Rapport précité, p. 33

    16 Discours du 3 janvier 2005 prononcé au Palais de l’Elysée lors de l’échange des voeux avec le Président de la République. On peut penser que l’actuel président du Conseil constitutionnel, M. Jean-Louis Debré, est également sensible à cette exigence. Lorsqu’il exerçait encore la fonction de président de l’Assemblée nationale, ce dernier avait personnellement déposé une proposition de loi constitutionnelle ayant pour objet d’écarter des lois les dispositions sans portée normative (proposition de loi constitutionnelle no 1832 tendant à renforcer l’autorité de la loi, déposée le 5 octobre 2005). La proposition prévoyait de compléter le premier alinéa de l’article 34 par une phrase ainsi rédigée :“Sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, elle est par nature de portée normative”. Il était également prévu de spécifier à l’article 41 de la Constitution que les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne peuvent être mis en discussion “lorsqu’ils sont dépourvus de portée normative”.

    17 CC, déc. no 2004-500 DC du 29 juillet 2004. Par cette formule, le Conseil revenait sur sa position classique par laquelle il refusait de censurer un énoncé non normatif. La question s’était posée lors de la délibération du Conseil constitutionnel concernant la loi “Sécurité et liberté”. L’article 1er de la loi rappelait les objectifs de sécurité, de liberté et de lutte contre la criminalité qu’elle poursuivait. Le rapporteur, Georges Vedel, s’est prononcé en ces termes sur une éventuelle censure de cette disposition : “Quant à la critique selon laquelle une loi ne doit comporter que des dispositions opératoires et non des déclarations d’intention, la plupart des juristes la ferait volontiers leur. Mais une pratique techniquement contestable (et qui n’est pas sans précédent dans nos lois) ne donne certainement pas prise à notre contrôle”(Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel, Dalloz, 2009, p. 365).
    Cela n’empêchait pas le Conseil de relever l’existence de dispositions dépourvues de “contenu” (CC, déc. no 85-196 DC du 8 août 1985 – première décision à pointer l’absence de normativité d’un énoncé législatif), d’“effet” (CC, déc. no 94-350 DC du 20 décembre 1994), de “caractère” (CC, déc. no 2003-467 DC du 13 mars 2003) normatif, ou encore de “portée” (CC, déc. no 98-401 DC du 10 juin 1998, ; CC, déc. no 2000-435 DC du 7 décembre 2000) ou de “valeur” (CC, déc. no 2002-460 DC du 22 août 2002) normative. L’absence de normativité n’était alors pas censurée, mais conduisait à déclarer inopérant le moyen d’inconstitutionnalité soulevé à l’encontre de ces dispositions. Comme l’indiquait le Conseil, un article “dépourvu par lui-même de valeur normative, ne saurait être utilement argué d’inconstitutionnalité” (CC, déc. no 2003-483 DC du 14 août 2003 ; voir également CC, déc. no 2003-467 DC du 13 mars 2003). La notion de portée normative servait donc uniquement à déterminer si une disposition législative était ou non examinable : elle l’était en cas de portée normative ; elle ne l’était pas s’il advenait qu’elle en soit dépourvue. Mais, jusqu’à la décision 500 DC, l’absence de portée normative n’était pas, en soi, un grief d’inconstitutionnalité.

    18 CC, déc. no 2005-512 DC du 21 avril 2005, D. 2005, p. 1886-1890, note M. VERPEAUX ; JCP G 2005, Act., pp. 879-880, obs. B. MATHIEU ; RDP 2005/4, pp. 849-867, note Jean-Pierre CAMBY ; RFDC 2005, pp. 156-164, note J. PINI.

    19 L’hypothèse d’un énoncé législatif dépourvu de normativité avait été soulevée par Kelsen, qui évoquait à ce sujet “un quelque chose qui est en forme de droit sans constituer une norme juridique” (H. KESLEN, Théorie pure du droit, trad. Ch. EISENMANN, 1960, LGDJ Bruylant, 1999, p. 61). Il présentait en ces termes cette éventualité : “Une loi qui a été adoptée d’une façon parfaitement constitutionnelle peut avoir un contenu qui ne représente pas une norme d’aucune sorte, mais qui, par exemple, exprime une théorie religieuse ou politique, ainsi la proposition que le droit émane de Dieu ou que la loi est juste, ou qu’elle réalise l’intérêt du peuple tout entier”(op. cit., p. 59).

    20 Ch. JAMIN et Th. REVET, “Législation française et communautaire en matière de droit privé”, RTD Civ 1996/2, p. 487 : la loi “étant, en principe, l’œuvre normative du Parlement, toute œuvre non normative d’icelui n’est pas une vraie loi. Mais elle émane du Parlement et se présente comme une loi. Elle est, alors, une "vraie fausse loi"…”.

    21 Ch. JAMIN et Th. REVET, op. cit., p. 488.

    22 M.-N. JOBARD-BACHELLIER, “Apparence”, in Dictionnaire de la culture juridique (D. ALLAND et S. RIALS dir.), PUF, Quadrige, Lamy, 2003.

    23 L’apparence conforme produira, en tant que telles, des conséquences juridiques (voir, par exemple, les effets attachés aux vices apparents d’une chose).

    24 Dans les conditions prévues par la loi, l’apparence vraisemblable peut emporter des effets propres en rendant possible une action juridique (l’apparence d’une infraction, entendue comme la vraisemblance de celle-ci, permet aux policiers de procéder à la recherche de preuves) ou juridictionnelle (l’apparence ou la vraisemblance d’une créance permet au juge des référés d’ordonner le versement d’une provision ; l’apparence d’illégalité permet au juge des référés de suspendre l’exécution d’une décision administrative).

    25 Dictionnaire de la culture juridique préc. Ainsi, ce mécanisme consacre au profit des tiers ayant commis une erreur légitime, l’objet de leur croyance erronée. Sur ce point, voir notamment Anne D. FATOME, Apparence et contrat, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, t. 414, 2004, 676 p. ; J. CALAIS-AULOY, Essai sur la notion d’apparence en droit commercial, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 1961, 299 p. ; M.-N. JOBARD-BACHELIER, L’apparence en droit international privé. Essais sur le rôle des représentations individuelles en droit international privé, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 1984, 425 p. ; J.-P. ARRIGHI, Apparence et réalité en droit privé. Contribution à l’étude de la protection des tiers contre les situations apparentes, thèse Nice, 1974, 661 p.

    26 La question de la “normativité incertaine” ne sera pas traitée. L’expression s’est retrouvée à deux reprises dans les décisions du Conseil (décisions 500 DC et 512 DC). Elle renvoie aux dispositions qui, du fait de leur formulation confuse ou équivoque, laisse une grande marge d’appréciation aux autorités d’application et, par suite, conduise à un empiètement du juge et du gouvernement sur les compétences du législateur. Quatre raisons justifient cette mise à l’écart. La première est qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une question de normativité mais plutôt de sens du texte et de précision de celui-ci. En deuxième lieu, la notion ne renvoie pas à autre chose qu’à une incompétence négative. On se contente alors d’habiller d’un nouveau concept une jurisprudence ancienne, ou à tout le moins établie. Avec quel bénéfice pour la compréhension de la jurisprudence constitutionnelle et, partant, la clarté et l’accessibilité du droit ? En troisième lieu, l’expression “normativité incertaine” n’apparaît pas en tant que telle dans les considérants. Elle ne figure que dans les titres que le Conseil donne aux différentes parties de la décision (“En ce qui concerne les dispositions de portée normative incertaine”, en l’occurrence), lesquels titres n’ont pas la force qui s’attache à la jurisprudence et encore moins l’autorité de la chose jugée. En quatrième et dernier lieu, la notion a disparu. Elle ne fut employée en tout et pour tout qu’à deux reprises. Mettant un terme à cet épisode, le Conseil sanctionne les cas d’incompétence négative de manière autonome, conformément à sa jurisprudence classique, sans réaliser un détour par la notion de normativité incertaine.

    27 “Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : “La loi est l’expression de la volonté générale...” ; qu’il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative” (CC, déc. no 2004-500 DC du 29 juillet 2004, cons. no 12 ; déc. no 2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. no 8 ; déc. no 2005-516 DC du 7 juillet 2005, cons. no 4). En revanche, la formule n’est pas mentionnée dans la décision no 2009-577 DC du 3 mars 2009. Le Conseil évoque seulement le grief des requérants et y répond de façon incidente en indiquant “que le 11o du I de l’article 28 de la loi déférée, qui n’est pas dépourvu de portée normative, relève du domaine de la loi” (cons. no 17).

    28 Les lois de programmation (ou les dispositions programmatiques relevant de cette catégorie), qui comportent généralement l’approbation d’un ou plusieurs rapports annexés, présentent des objectifs d’ordre quantitatif ou qualitatif dont la réalisation est différée dans le temps. Avant la révision constitutionnelle de juillet 2008, elles n’étaient possibles qu’en matière économique et sociale (elles portaient le titre de “lois de programme à caractère économique et social”). La réforme a contribué à l’élargissement du champ d’application de ces lois en supprimant cette condition matérielle de l’avant-dernier alinéa de l’art. 34 de la Constitution. Le Conseil estime que le moyen tiré de l’absence de portée normative ne peut être soulevé à leur encontre (déc. 512 DC, cons. no 11 et 12 ; déc. 516 DC, cons. no 7).

    29 Nécessaires à la ratification des traités internationaux, ces lois donnent une habilitation au Gouvernement qui reste libre de son choix. Le vote ne concerne pas le traité lui-même et n’ouvre qu’une simple faculté de ratifier pour le gouvernement.

    30 CE Ass. 5 mars 1999, Rouquette, Lipietz et autres, RFDA 1999, p. 357 et s., concl. – contraires – Ch. MAUGUE, note D. DE BECHILLON et Ph. TERNEYRE.

    31 “Objet de la loi dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Constitution de 1958”, document figurant dans une annexe aux décisions 500 DC et 512 DC, intitulée “Absence de normativité ou normativité incertaine des dispositions législatives”, pp. 28-33.

    32 Discours précité du président Pierre Mazeaud.

    33 L’adoption d’une telle disposition est présentée comme une incompétence du Parlement. Dans la mesure où, au regard de cette jurisprudence, le Parlement ne peut statuer que par voie normative, adopter une disposition non normative conduirait à voter sur une catégorie de texte non prévue par la Constitution (voir en ce sens J.-E. SCHOETTL, note précitée sous la décision 512 DC, indiquant que “le Parlement français ne peut procéder qu’aux votes prévus par la Constitution (loi, motion de censure, règlement intérieur, résolution de l’article 88-4...”). Toutefois, la présentation des énoncés non normatifs comme une incompétence du Parlement n’est pas pleinement satisfaisante. En effet, de quelle incompétence peut-il s’agir ? Nécessairement d’une incompétence rationae materiae, donc relative à l’objet de la loi. Comment une compétence matérielle peut elle dépasser le contenu d’un texte et s’étendre à la structure de l’expression ? Au demeurant, les exemples mis en exergue par l’ancien Secrétaire général concernent des catégories de textes, et non pas des énoncés de tel ou tel texte.

    34 Le recours à la technique des réserves interprétatives n’est pas envisageable en ce qui les concerne car il conduirait le juge constitutionnel à conférer à un texte une normativité dont il estime qu’il en est dépourvu. On rappellera que classiquement, le Conseil constitutionnel ne censurait pas les énoncés ne présentant qu’une apparence de normativité. Il se contentait de déclarer inopérant le moyen d’inconstitutionnalité soulevé à leur encontre (cf. supra, note 17). Ces énoncés ne pouvaient être argués d’inconstitutionnalité faute d’être véritablement normatifs. Toutefois, la portée de la déclaration d’inopérance laissait entière la question de la portée de ces normes. L’absence de portée normative, relevée par le juge constitutionnel, s’imposait-elle au juge ordinaire ? Cette thèse a pu être avancée. Selon Thierry di Manno, qui la qualifie de réserve neutralisante, la déclaration d’inopérance aurait pour conséquence de neutraliser “toute éventualité de voir un opérateur du droit leur attacher des effets prescriptifs” (Th. DI MANNO, Le juge constitutionnel et la technique des décisions interprétatives en France et en Italie, Economica PUAM, 1997, p. 135). Cela étant, il est loin d’être établi que ces déclarations pouvaient être regardées comme le soutien nécessaire du dispositif, et bénéficient par extension de l’autorité de la chose jugée de celui-ci. L’incertitude était d’autant plus grande pour les autorités d’application que d’un point de vue formel, les dispositions déclarées inopérantes subsistaient dans la loi lors de la publication au Journal officiel.

    35 Les autres dispositions non normatives identifiées jusque là par le Conseil se rattachaient toutes à la catégorie des dispositions programmatiques – autorisées par l’avant dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution. Voir les décisions précitées no 512 DC et 516 DC.

    36 J.-E. SCHOETTL, note précitée. Est cité l’article 3, qui donne une définition autologique de la “communauté éducative”.

    37 G. GLENARD, “La conception matérielle de la loi revivifiée”, RFDA 2005, p. 922.

    38 G. GLENARD, op. cit.

    39 Y. AGUILA, concl. Sur CE, Ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, RFDA 2008, p. 1147 et s.

    40 J. CHEVALLIER, Présentation du dossier sur La normativité, CCC 2006/21, p. 85. Cf. également R. LIBCHABER, “Qu’est-ce qu’une loi ?”, RTD Civ. 1999, p. 242 : Si “une loi ne peut être dite telle que si son contenu peut s’exprimer par une ou plusieurs normes” indique-t-il, “Ce n’est évidemment pas à dire que chacune de ses dispositions doive être le support d’une norme isolée, mais que dans son ensemble, la loi soit réductible à un contenu normatif”.

    41 Y compris des fonctions non juridiques. Comme le relève Jacques Chevallier (article précité, p. 85) : “Le droit est aussi un “discours”, qui fixe les repères indispensables à la cohésion sociale et assure la diffusion des valeurs fondamentales qui sont au coeur de l’ordre social : ces représentations bénéficient par projection de l’autorité qui s’attache aux énoncés juridiques”.

    42 Voir par exemple l’article 1er de la loi “Quilliot” du 22 juin 1982, consacrant un droit à l’habitat que beaucoup d’auteurs avaient jugé sans consistance et sans portée (voir C. GIVERDON, “Le projet de loi relatif aux droits et aux obligations des bailleurs…”, JCP G 1982, I, 3065, no 9 ; Ch. ATIAS et G. VIAL, “Principes généraux du nouveau droit du bail”, JCP N 1982, I, 197, no 1 ; P. GODE, RTD Civ 1982, législation, p. 801, no 7). Pourtant la Cour de cassation s’en est servie pour interpréter la portée de l’article 72 de la même loi, lequel permet à tout “occupant de bonne foi” d’exiger du “propriétaire du local”, dans les trois mois suivant la publication de la loi, la conclusion d’un nouveau contrat de location conforme à la loi nouvelle (Civ. 3ème, 29 novembre 1983, Bull. civ. III, RTD Civ 1984, pp. 324-326, obs. Ph. REMY, affirmant que “le droit fondamental à l’habitat affirmé par l’article premier de la loi du 22 juin 1982 ne concerne pas les résidences secondaires”). De manière analogue, l’article 1er de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire (“il est institué une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif”) a servi de véritable guide interprétatif pour les juges chargés de son application. Ce rôle explique que dans la plupart des droits anglo-saxons, les préambules et même les titres font partie de la loi et servent à son interprétation, indépendamment de la question de savoir s’ils ont une valeur normative propre (cf. J.-L. BERGEL, “Les formulations d’objectifs dans les textes législatifs. Essai de synthèse”, RRJ 1989/4, pp. 975-983).

    43 H. KELSEN, Théorie générale des normes, PUF, 1996, p. 2-3.

    44 P. AMSELEK, “Norme et loi”, préc., p. 101.

    45 P. DEUMIER, “Les qualités de la loi”, RTD Civ. 2005, p. 93.

    46 P. DEUMIER, op. cit., p. 93.

    47 Voir G. ROUHETTE, “Le style de la loi : normes narratives et normes contraignantes”, in Académie internationale de droit comparé, Rapports généraux. XIVe Congrès international, Athènes, 1994, Kluwer-Sakkoulas, 1995, p. 37, spé. no 22 et s ; N. MOLFESSIS, “La distinction du normatif et du non-normatif”, RTD Civ. 1999, p. 729 et s.

    48 J. CHEVALLIER, Présentation du dossier sur La normativité, CCC 2006/21, p. 84.

    49 Cf. O. PFERSMANN in Droit constitutionnel (L. FAVOREU dir.), 11ème éd., Dalloz, 2008, no 73 et s.

    50 H. KELSEN, Théorie générale des normes (O. BEAUD trad.), PUF, 1996, p. 2-3.

    51 P. AMSELEK, “Norme et loi”, APD no 25, 1980, p. 92.

    52 J.-B. AUBY, “Prescription juridique et production juridique”, RDP 1988, p. 680.

    53 Les normes dites secondaires, ou encore méta normes, sont quant à elles des normes sur la production de normes. Elles comportent “notamment les normes relatives à l’identification d’autres normes, à leur modification, à leur sanction, à leur interprétation, etc.” (E. MILLARD, “Qu’est-ce qu’une norme juridique ?”, CCC 2006/21, p. 89).

    54 Cf. D. DE BECHILLON, Qu’est-ce qu’une règle de Droit ?, Odile Jacob, 1997, 302 p.

    55 H. KELSEN, Théorie générale des normes, PUF, 1996, p. 2-3.

    56 P. AMSELEK, “Norme et loi”, préc., p. 101.

    57 CC, déc. no 2009-577 DC du 3 mars 2009.

    58 Annexe précitée note 10. Ces documents doivent être exploités en ayant conscience du statut exact qu’il convient de leur reconnaître : moindre que la jurisprudence mais révélateurs néanmoins d’une conception appellée à trouver un prolongement dans les futures décisions du Conseil.

    59 Voir déjà en ce sens A. BERTRAND, Les dispositions législatives non prescriptives. Contribution à l’étude de la normativité, Thèse Toulouse I, 2000, p. 111.

    60 Cf. G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil, t. 1, Sirey, 1972, no 32, p. 55.

    61 J.-L. AUSTIN, Quand dire c’est faire (trad. G. LANE), Seuil, 1970, 183 p.

    62 La mise en place d’une “question prioritaire de constitutionnalité” ne change pas cet état de fait, dans la mesure où seule la violation de droits et de libertés pour être invoquée à l’appui de cette voie de droit. Les questions de compétence, de procédure ou, pour ce qui nous intéresse, de normativité, ne peuvent être contestées dans ce contrôle concret et a postériori. Elles continuent donc à être examinées exclusivement in abstracto.

    63 Il a même été soutenu que “le devenir de la plupart des dispositions législatives non-normatives est d’accéder, tôt ou tard, à la normativité” (C. POMART, “Les dispositions législatives non-normatives : une invitation à penser la normativité en terme de continuum”, RRJ 2004, pp. 1679-1697, spé. p. 1688). Il est vrai que, dans ce cas, il s’opère un transfert de pouvoir du législateur vers le juge, ce qui conduit à soulever une question qui ne peut être esquivée : y a-t-il atteinte à la séparation des pouvoirs en cas de découverte d’une norme dans un énoncé qui le contenait pas de façon évidente ? Il est possible d’en douter, et ce quel que soit l’angle sous lequel l’on se place. De deux choses l’une en effet. Soit, l’on retient une conception recognitive de l’interprétation, celle du juge bouche-de-la-loi. En ce cas, lorsque le juge reconnaît la force normative d’un énoncé, c’est que celui-ci le possédait ab initio. Soit l’on adopte une théorie réaliste de l’interprétation, celle d’un juge créant des normes dans l’exercice de son pouvoir. Dans ce cas, le caractère supposé non normatif de l’énoncé “ne change rien à ce pouvoir créateur, sous réserve de l’étendue des contraintes que tel juge rencontre, dans un organe collégial, pour persuader tel autre du bien fondé de son interprétation” (V. CHAMPEIL-DESPLATS, “N’est pas normatif qui peut. L’exigence de normativité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel”, CCC 2006/21, p. 98).

    64 Les deux phénomènes, en multipliant les accidents à l’origine desquels il était difficile d’établir une faute, avaient mis en évidence l’insuffisance de l’article 1382.

    65 M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations. 2 Responsabilité civile et quasi contrats, PUF, 2007, no 73.

    66 Une première fois en 1896 (Civ., 16 juin 1896, Teffaine, D. 1897, 1, 433, note SALEILLES ; S. 1897, 1, 17, note ESMEIN). Puis de façon remarquable et solennelle, par le célèbre arrêt Jand’heur de 1930 (Ch. Réunies, 13 février 1930, DP 1930, rapp. LE MARC’HADOUR, concl. MATTER, note RIPERT ; S. 1930, 1, 121, note ESMEIN ; H. CAPITANT, F. TERRE, Y. LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome 2, Dalloz, 12ème éd., 2008, GA no 199).

    67 L’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 qui reconnaît le caractère fondamental du droit au logement, et dont la portée normative avait fait l’objet de doute, a été à plusieurs reprises invoqué devant les tribunaux judiciaires qui l’ont assorti d’effets normatifs. Voir Civ. 3ème, 22 octobre 2003, req. no 02-14702.

    68 CC, déc. no 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, cons. no 2.

    Auteur

    Olivier Le Bot

    Professeur à l’Université de Nice Sophia Antipolis

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    1 Selon l’expression de Jean Foyer.

    2 Elle fut d’ailleurs combattue par tous les Premiers ministres ou presque. A de multiples reprises, les chefs de gouvernement insistèrent sur la nécessité d’écarter des projets de loi toute disposition non normative. Il fut ainsi rappeler aux rédacteurs qu’“Il faut éviter d’introduire dans les projets des dispositions sans contenu normatif”(circulaire du 14 juin 1983 relative à l’élaboration des projets de loi) ou, de manière similaire, que “Les projets de lois ne doivent pas comporter de dispositions sans contenu normatif”(formule employée dans trois circulaires des 21 mai 1985, 2 janvier 1993 et 30 janvier 1997 émanant de trois Premiers ministres successifs, “relative[s] aux règles d’élaboration, de signature et de publication des textes au Journal officiel et à la mise en œuvre des procédures particulières incombant au Premier ministre”, les “dispositions sans contenu normatif n’ayant leur place que dans les exposés des motifs ou les débats”(formule employée dans la circulaire du Premier ministre du 15 juin 1987 relative à l’élaboration, à la publication et à la diffusion des circulaires, et par la circulaire du Premier ministre du 25 mai 1988 relative à la méthode de travail du Gouvernement).

    3 Article 3 de la loi no 89-486 du 10 juillet 1989. Une loi no 85-1376 du 23 décembre 1985 prévoit que les dépenses de financement de la recherche par les entreprises représenteront, en 1988, 1,2 % du PIB.

    4 Loi du 13 juillet 1992. Voir également la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982, prévoyant que la politique des transports doit “satisfaire les besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité”.

    5 Article 1er de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

    6 Article 1er de la loi no 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

    7 Article 1er de la loi no 82-256 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs : “Le droit à l’habitat est un droit fondamental” ; il “implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation et de sa localisation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales”.

    8 Article 1er de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989.

    9 Article 1er de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives : “Les activités physiques et sportives constituent un facteur important d’équilibre, de santé, d’épanouissement de chacun ; elles sont un élément fondamental de l’éducation, de la culture et de la vie sociale. Leur développement est d’intérêt général et leur pratique constitue un droit pour chacun quels que soient son sexe, son âge, ses capacités ou sa condition sociale”

    10 Pour d’autres exemples, voir le document produit par les services du Conseil constitutionnel intitulé “Absence de normativité ou normativité incertaine des dispositions législatives”, pp. 28-33. Le document, annexé aux décisons 500 DC et 512 DC, comprend une liste d’une dizaine d’articles 1er de lois présentés comme non normatifs.

    11 Cf. J.-E. SCHOETTL, “La loi d’orientation et de programme pour l’école devant le Conseil constitutionnel”, LPA 20 mai 2005, no 10, p. 3 et s. Comme l’avait toutefois reconnu le Secrétaire général dans un commentaire antérieur, les inconvénients attribués aux énoncés non normatifs sont sans commune mesure avec les dangers résultant des dispositions entachées d’incompétence négative : “Une formule sans contenu normatif ne fait guère qu’encombrer le corpus juridique. N’emportant pas d’effets de droit, elle se fond dans un "bruit législatif" sans conséquence vraiment fâcheuse du point de vue de la sécurité juridique ou de la séparation des pouvoirs”(J.-E. SCHOETTL, commentaire de la décision 500 DC aux Cahiers du Conseil constitutionnel).

    12 En ce sens, Christian ATIAS, “Normatif et non-normatif dans la législation récente du droit privé”, RRJ 1982, pp. 220-224 ; Alain VIANDIER, “La crise de la technique législative”, Droits, no 4, 1986, p. 75 et s ; Bertrand MATHIEU, La loi, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 2004, pp. 104-105 ; Jean-Bernard AUBY, “Prescription juridique et production juridique”, RDP 1988, pp. 673-686 (qui évoque p. 673 “un phénomne contemporain (…) de dilution des prescriptions juridiques dans la production juridique, ou, à tout le moins, de reflux des prescriptions juridiques dans la production juridique” ; Jacques CHEVALLIER, “Vers un droit post-moderne ?”, RDP 1988, p. 659 et s., spé. p. 678, décrivant l’avènement d’un “droit non prescriptif”, “déclaratoire”, voire “incantatoire”, un droit mou (soft law), ou doux, parce que dépourvu de dimension contraignante.

    13 CONSEIL D’ETAT, De la sécurité juridique, rapport public 1991, Etudes et documents, no 43, p. 32 et s.

    14 Rapport précité, p. 32.

    15 Rapport précité, p. 33

    16 Discours du 3 janvier 2005 prononcé au Palais de l’Elysée lors de l’échange des voeux avec le Président de la République. On peut penser que l’actuel président du Conseil constitutionnel, M. Jean-Louis Debré, est également sensible à cette exigence. Lorsqu’il exerçait encore la fonction de président de l’Assemblée nationale, ce dernier avait personnellement déposé une proposition de loi constitutionnelle ayant pour objet d’écarter des lois les dispositions sans portée normative (proposition de loi constitutionnelle no 1832 tendant à renforcer l’autorité de la loi, déposée le 5 octobre 2005). La proposition prévoyait de compléter le premier alinéa de l’article 34 par une phrase ainsi rédigée :“Sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, elle est par nature de portée normative”. Il était également prévu de spécifier à l’article 41 de la Constitution que les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne peuvent être mis en discussion “lorsqu’ils sont dépourvus de portée normative”.

    17 CC, déc. no 2004-500 DC du 29 juillet 2004. Par cette formule, le Conseil revenait sur sa position classique par laquelle il refusait de censurer un énoncé non normatif. La question s’était posée lors de la délibération du Conseil constitutionnel concernant la loi “Sécurité et liberté”. L’article 1er de la loi rappelait les objectifs de sécurité, de liberté et de lutte contre la criminalité qu’elle poursuivait. Le rapporteur, Georges Vedel, s’est prononcé en ces termes sur une éventuelle censure de cette disposition : “Quant à la critique selon laquelle une loi ne doit comporter que des dispositions opératoires et non des déclarations d’intention, la plupart des juristes la ferait volontiers leur. Mais une pratique techniquement contestable (et qui n’est pas sans précédent dans nos lois) ne donne certainement pas prise à notre contrôle”(Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel, Dalloz, 2009, p. 365).
    Cela n’empêchait pas le Conseil de relever l’existence de dispositions dépourvues de “contenu” (CC, déc. no 85-196 DC du 8 août 1985 – première décision à pointer l’absence de normativité d’un énoncé législatif), d’“effet” (CC, déc. no 94-350 DC du 20 décembre 1994), de “caractère” (CC, déc. no 2003-467 DC du 13 mars 2003) normatif, ou encore de “portée” (CC, déc. no 98-401 DC du 10 juin 1998, ; CC, déc. no 2000-435 DC du 7 décembre 2000) ou de “valeur” (CC, déc. no 2002-460 DC du 22 août 2002) normative. L’absence de normativité n’était alors pas censurée, mais conduisait à déclarer inopérant le moyen d’inconstitutionnalité soulevé à l’encontre de ces dispositions. Comme l’indiquait le Conseil, un article “dépourvu par lui-même de valeur normative, ne saurait être utilement argué d’inconstitutionnalité” (CC, déc. no 2003-483 DC du 14 août 2003 ; voir également CC, déc. no 2003-467 DC du 13 mars 2003). La notion de portée normative servait donc uniquement à déterminer si une disposition législative était ou non examinable : elle l’était en cas de portée normative ; elle ne l’était pas s’il advenait qu’elle en soit dépourvue. Mais, jusqu’à la décision 500 DC, l’absence de portée normative n’était pas, en soi, un grief d’inconstitutionnalité.

    18 CC, déc. no 2005-512 DC du 21 avril 2005, D. 2005, p. 1886-1890, note M. VERPEAUX ; JCP G 2005, Act., pp. 879-880, obs. B. MATHIEU ; RDP 2005/4, pp. 849-867, note Jean-Pierre CAMBY ; RFDC 2005, pp. 156-164, note J. PINI.

    19 L’hypothèse d’un énoncé législatif dépourvu de normativité avait été soulevée par Kelsen, qui évoquait à ce sujet “un quelque chose qui est en forme de droit sans constituer une norme juridique” (H. KESLEN, Théorie pure du droit, trad. Ch. EISENMANN, 1960, LGDJ Bruylant, 1999, p. 61). Il présentait en ces termes cette éventualité : “Une loi qui a été adoptée d’une façon parfaitement constitutionnelle peut avoir un contenu qui ne représente pas une norme d’aucune sorte, mais qui, par exemple, exprime une théorie religieuse ou politique, ainsi la proposition que le droit émane de Dieu ou que la loi est juste, ou qu’elle réalise l’intérêt du peuple tout entier”(op. cit., p. 59).

    20 Ch. JAMIN et Th. REVET, “Législation française et communautaire en matière de droit privé”, RTD Civ 1996/2, p. 487 : la loi “étant, en principe, l’œuvre normative du Parlement, toute œuvre non normative d’icelui n’est pas une vraie loi. Mais elle émane du Parlement et se présente comme une loi. Elle est, alors, une "vraie fausse loi"…”.

    21 Ch. JAMIN et Th. REVET, op. cit., p. 488.

    22 M.-N. JOBARD-BACHELLIER, “Apparence”, in Dictionnaire de la culture juridique (D. ALLAND et S. RIALS dir.), PUF, Quadrige, Lamy, 2003.

    23 L’apparence conforme produira, en tant que telles, des conséquences juridiques (voir, par exemple, les effets attachés aux vices apparents d’une chose).

    24 Dans les conditions prévues par la loi, l’apparence vraisemblable peut emporter des effets propres en rendant possible une action juridique (l’apparence d’une infraction, entendue comme la vraisemblance de celle-ci, permet aux policiers de procéder à la recherche de preuves) ou juridictionnelle (l’apparence ou la vraisemblance d’une créance permet au juge des référés d’ordonner le versement d’une provision ; l’apparence d’illégalité permet au juge des référés de suspendre l’exécution d’une décision administrative).

    25 Dictionnaire de la culture juridique préc. Ainsi, ce mécanisme consacre au profit des tiers ayant commis une erreur légitime, l’objet de leur croyance erronée. Sur ce point, voir notamment Anne D. FATOME, Apparence et contrat, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, t. 414, 2004, 676 p. ; J. CALAIS-AULOY, Essai sur la notion d’apparence en droit commercial, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 1961, 299 p. ; M.-N. JOBARD-BACHELIER, L’apparence en droit international privé. Essais sur le rôle des représentations individuelles en droit international privé, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 1984, 425 p. ; J.-P. ARRIGHI, Apparence et réalité en droit privé. Contribution à l’étude de la protection des tiers contre les situations apparentes, thèse Nice, 1974, 661 p.

    26 La question de la “normativité incertaine” ne sera pas traitée. L’expression s’est retrouvée à deux reprises dans les décisions du Conseil (décisions 500 DC et 512 DC). Elle renvoie aux dispositions qui, du fait de leur formulation confuse ou équivoque, laisse une grande marge d’appréciation aux autorités d’application et, par suite, conduise à un empiètement du juge et du gouvernement sur les compétences du législateur. Quatre raisons justifient cette mise à l’écart. La première est qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une question de normativité mais plutôt de sens du texte et de précision de celui-ci. En deuxième lieu, la notion ne renvoie pas à autre chose qu’à une incompétence négative. On se contente alors d’habiller d’un nouveau concept une jurisprudence ancienne, ou à tout le moins établie. Avec quel bénéfice pour la compréhension de la jurisprudence constitutionnelle et, partant, la clarté et l’accessibilité du droit ? En troisième lieu, l’expression “normativité incertaine” n’apparaît pas en tant que telle dans les considérants. Elle ne figure que dans les titres que le Conseil donne aux différentes parties de la décision (“En ce qui concerne les dispositions de portée normative incertaine”, en l’occurrence), lesquels titres n’ont pas la force qui s’attache à la jurisprudence et encore moins l’autorité de la chose jugée. En quatrième et dernier lieu, la notion a disparu. Elle ne fut employée en tout et pour tout qu’à deux reprises. Mettant un terme à cet épisode, le Conseil sanctionne les cas d’incompétence négative de manière autonome, conformément à sa jurisprudence classique, sans réaliser un détour par la notion de normativité incertaine.

    27 “Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : “La loi est l’expression de la volonté générale...” ; qu’il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative” (CC, déc. no 2004-500 DC du 29 juillet 2004, cons. no 12 ; déc. no 2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. no 8 ; déc. no 2005-516 DC du 7 juillet 2005, cons. no 4). En revanche, la formule n’est pas mentionnée dans la décision no 2009-577 DC du 3 mars 2009. Le Conseil évoque seulement le grief des requérants et y répond de façon incidente en indiquant “que le 11o du I de l’article 28 de la loi déférée, qui n’est pas dépourvu de portée normative, relève du domaine de la loi” (cons. no 17).

    28 Les lois de programmation (ou les dispositions programmatiques relevant de cette catégorie), qui comportent généralement l’approbation d’un ou plusieurs rapports annexés, présentent des objectifs d’ordre quantitatif ou qualitatif dont la réalisation est différée dans le temps. Avant la révision constitutionnelle de juillet 2008, elles n’étaient possibles qu’en matière économique et sociale (elles portaient le titre de “lois de programme à caractère économique et social”). La réforme a contribué à l’élargissement du champ d’application de ces lois en supprimant cette condition matérielle de l’avant-dernier alinéa de l’art. 34 de la Constitution. Le Conseil estime que le moyen tiré de l’absence de portée normative ne peut être soulevé à leur encontre (déc. 512 DC, cons. no 11 et 12 ; déc. 516 DC, cons. no 7).

    29 Nécessaires à la ratification des traités internationaux, ces lois donnent une habilitation au Gouvernement qui reste libre de son choix. Le vote ne concerne pas le traité lui-même et n’ouvre qu’une simple faculté de ratifier pour le gouvernement.

    30 CE Ass. 5 mars 1999, Rouquette, Lipietz et autres, RFDA 1999, p. 357 et s., concl. – contraires – Ch. MAUGUE, note D. DE BECHILLON et Ph. TERNEYRE.

    31 “Objet de la loi dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Constitution de 1958”, document figurant dans une annexe aux décisions 500 DC et 512 DC, intitulée “Absence de normativité ou normativité incertaine des dispositions législatives”, pp. 28-33.

    32 Discours précité du président Pierre Mazeaud.

    33 L’adoption d’une telle disposition est présentée comme une incompétence du Parlement. Dans la mesure où, au regard de cette jurisprudence, le Parlement ne peut statuer que par voie normative, adopter une disposition non normative conduirait à voter sur une catégorie de texte non prévue par la Constitution (voir en ce sens J.-E. SCHOETTL, note précitée sous la décision 512 DC, indiquant que “le Parlement français ne peut procéder qu’aux votes prévus par la Constitution (loi, motion de censure, règlement intérieur, résolution de l’article 88-4...”). Toutefois, la présentation des énoncés non normatifs comme une incompétence du Parlement n’est pas pleinement satisfaisante. En effet, de quelle incompétence peut-il s’agir ? Nécessairement d’une incompétence rationae materiae, donc relative à l’objet de la loi. Comment une compétence matérielle peut elle dépasser le contenu d’un texte et s’étendre à la structure de l’expression ? Au demeurant, les exemples mis en exergue par l’ancien Secrétaire général concernent des catégories de textes, et non pas des énoncés de tel ou tel texte.

    34 Le recours à la technique des réserves interprétatives n’est pas envisageable en ce qui les concerne car il conduirait le juge constitutionnel à conférer à un texte une normativité dont il estime qu’il en est dépourvu. On rappellera que classiquement, le Conseil constitutionnel ne censurait pas les énoncés ne présentant qu’une apparence de normativité. Il se contentait de déclarer inopérant le moyen d’inconstitutionnalité soulevé à leur encontre (cf. supra, note 17). Ces énoncés ne pouvaient être argués d’inconstitutionnalité faute d’être véritablement normatifs. Toutefois, la portée de la déclaration d’inopérance laissait entière la question de la portée de ces normes. L’absence de portée normative, relevée par le juge constitutionnel, s’imposait-elle au juge ordinaire ? Cette thèse a pu être avancée. Selon Thierry di Manno, qui la qualifie de réserve neutralisante, la déclaration d’inopérance aurait pour conséquence de neutraliser “toute éventualité de voir un opérateur du droit leur attacher des effets prescriptifs” (Th. DI MANNO, Le juge constitutionnel et la technique des décisions interprétatives en France et en Italie, Economica PUAM, 1997, p. 135). Cela étant, il est loin d’être établi que ces déclarations pouvaient être regardées comme le soutien nécessaire du dispositif, et bénéficient par extension de l’autorité de la chose jugée de celui-ci. L’incertitude était d’autant plus grande pour les autorités d’application que d’un point de vue formel, les dispositions déclarées inopérantes subsistaient dans la loi lors de la publication au Journal officiel.

    35 Les autres dispositions non normatives identifiées jusque là par le Conseil se rattachaient toutes à la catégorie des dispositions programmatiques – autorisées par l’avant dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution. Voir les décisions précitées no 512 DC et 516 DC.

    36 J.-E. SCHOETTL, note précitée. Est cité l’article 3, qui donne une définition autologique de la “communauté éducative”.

    37 G. GLENARD, “La conception matérielle de la loi revivifiée”, RFDA 2005, p. 922.

    38 G. GLENARD, op. cit.

    39 Y. AGUILA, concl. Sur CE, Ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, RFDA 2008, p. 1147 et s.

    40 J. CHEVALLIER, Présentation du dossier sur La normativité, CCC 2006/21, p. 85. Cf. également R. LIBCHABER, “Qu’est-ce qu’une loi ?”, RTD Civ. 1999, p. 242 : Si “une loi ne peut être dite telle que si son contenu peut s’exprimer par une ou plusieurs normes” indique-t-il, “Ce n’est évidemment pas à dire que chacune de ses dispositions doive être le support d’une norme isolée, mais que dans son ensemble, la loi soit réductible à un contenu normatif”.

    41 Y compris des fonctions non juridiques. Comme le relève Jacques Chevallier (article précité, p. 85) : “Le droit est aussi un “discours”, qui fixe les repères indispensables à la cohésion sociale et assure la diffusion des valeurs fondamentales qui sont au coeur de l’ordre social : ces représentations bénéficient par projection de l’autorité qui s’attache aux énoncés juridiques”.

    42 Voir par exemple l’article 1er de la loi “Quilliot” du 22 juin 1982, consacrant un droit à l’habitat que beaucoup d’auteurs avaient jugé sans consistance et sans portée (voir C. GIVERDON, “Le projet de loi relatif aux droits et aux obligations des bailleurs…”, JCP G 1982, I, 3065, no 9 ; Ch. ATIAS et G. VIAL, “Principes généraux du nouveau droit du bail”, JCP N 1982, I, 197, no 1 ; P. GODE, RTD Civ 1982, législation, p. 801, no 7). Pourtant la Cour de cassation s’en est servie pour interpréter la portée de l’article 72 de la même loi, lequel permet à tout “occupant de bonne foi” d’exiger du “propriétaire du local”, dans les trois mois suivant la publication de la loi, la conclusion d’un nouveau contrat de location conforme à la loi nouvelle (Civ. 3ème, 29 novembre 1983, Bull. civ. III, RTD Civ 1984, pp. 324-326, obs. Ph. REMY, affirmant que “le droit fondamental à l’habitat affirmé par l’article premier de la loi du 22 juin 1982 ne concerne pas les résidences secondaires”). De manière analogue, l’article 1er de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire (“il est institué une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif”) a servi de véritable guide interprétatif pour les juges chargés de son application. Ce rôle explique que dans la plupart des droits anglo-saxons, les préambules et même les titres font partie de la loi et servent à son interprétation, indépendamment de la question de savoir s’ils ont une valeur normative propre (cf. J.-L. BERGEL, “Les formulations d’objectifs dans les textes législatifs. Essai de synthèse”, RRJ 1989/4, pp. 975-983).

    43 H. KELSEN, Théorie générale des normes, PUF, 1996, p. 2-3.

    44 P. AMSELEK, “Norme et loi”, préc., p. 101.

    45 P. DEUMIER, “Les qualités de la loi”, RTD Civ. 2005, p. 93.

    46 P. DEUMIER, op. cit., p. 93.

    47 Voir G. ROUHETTE, “Le style de la loi : normes narratives et normes contraignantes”, in Académie internationale de droit comparé, Rapports généraux. XIVe Congrès international, Athènes, 1994, Kluwer-Sakkoulas, 1995, p. 37, spé. no 22 et s ; N. MOLFESSIS, “La distinction du normatif et du non-normatif”, RTD Civ. 1999, p. 729 et s.

    48 J. CHEVALLIER, Présentation du dossier sur La normativité, CCC 2006/21, p. 84.

    49 Cf. O. PFERSMANN in Droit constitutionnel (L. FAVOREU dir.), 11ème éd., Dalloz, 2008, no 73 et s.

    50 H. KELSEN, Théorie générale des normes (O. BEAUD trad.), PUF, 1996, p. 2-3.

    51 P. AMSELEK, “Norme et loi”, APD no 25, 1980, p. 92.

    52 J.-B. AUBY, “Prescription juridique et production juridique”, RDP 1988, p. 680.

    53 Les normes dites secondaires, ou encore méta normes, sont quant à elles des normes sur la production de normes. Elles comportent “notamment les normes relatives à l’identification d’autres normes, à leur modification, à leur sanction, à leur interprétation, etc.” (E. MILLARD, “Qu’est-ce qu’une norme juridique ?”, CCC 2006/21, p. 89).

    54 Cf. D. DE BECHILLON, Qu’est-ce qu’une règle de Droit ?, Odile Jacob, 1997, 302 p.

    55 H. KELSEN, Théorie générale des normes, PUF, 1996, p. 2-3.

    56 P. AMSELEK, “Norme et loi”, préc., p. 101.

    57 CC, déc. no 2009-577 DC du 3 mars 2009.

    58 Annexe précitée note 10. Ces documents doivent être exploités en ayant conscience du statut exact qu’il convient de leur reconnaître : moindre que la jurisprudence mais révélateurs néanmoins d’une conception appellée à trouver un prolongement dans les futures décisions du Conseil.

    59 Voir déjà en ce sens A. BERTRAND, Les dispositions législatives non prescriptives. Contribution à l’étude de la normativité, Thèse Toulouse I, 2000, p. 111.

    60 Cf. G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil, t. 1, Sirey, 1972, no 32, p. 55.

    61 J.-L. AUSTIN, Quand dire c’est faire (trad. G. LANE), Seuil, 1970, 183 p.

    62 La mise en place d’une “question prioritaire de constitutionnalité” ne change pas cet état de fait, dans la mesure où seule la violation de droits et de libertés pour être invoquée à l’appui de cette voie de droit. Les questions de compétence, de procédure ou, pour ce qui nous intéresse, de normativité, ne peuvent être contestées dans ce contrôle concret et a postériori. Elles continuent donc à être examinées exclusivement in abstracto.

    63 Il a même été soutenu que “le devenir de la plupart des dispositions législatives non-normatives est d’accéder, tôt ou tard, à la normativité” (C. POMART, “Les dispositions législatives non-normatives : une invitation à penser la normativité en terme de continuum”, RRJ 2004, pp. 1679-1697, spé. p. 1688). Il est vrai que, dans ce cas, il s’opère un transfert de pouvoir du législateur vers le juge, ce qui conduit à soulever une question qui ne peut être esquivée : y a-t-il atteinte à la séparation des pouvoirs en cas de découverte d’une norme dans un énoncé qui le contenait pas de façon évidente ? Il est possible d’en douter, et ce quel que soit l’angle sous lequel l’on se place. De deux choses l’une en effet. Soit, l’on retient une conception recognitive de l’interprétation, celle du juge bouche-de-la-loi. En ce cas, lorsque le juge reconnaît la force normative d’un énoncé, c’est que celui-ci le possédait ab initio. Soit l’on adopte une théorie réaliste de l’interprétation, celle d’un juge créant des normes dans l’exercice de son pouvoir. Dans ce cas, le caractère supposé non normatif de l’énoncé “ne change rien à ce pouvoir créateur, sous réserve de l’étendue des contraintes que tel juge rencontre, dans un organe collégial, pour persuader tel autre du bien fondé de son interprétation” (V. CHAMPEIL-DESPLATS, “N’est pas normatif qui peut. L’exigence de normativité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel”, CCC 2006/21, p. 98).

    64 Les deux phénomènes, en multipliant les accidents à l’origine desquels il était difficile d’établir une faute, avaient mis en évidence l’insuffisance de l’article 1382.

    65 M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations. 2 Responsabilité civile et quasi contrats, PUF, 2007, no 73.

    66 Une première fois en 1896 (Civ., 16 juin 1896, Teffaine, D. 1897, 1, 433, note SALEILLES ; S. 1897, 1, 17, note ESMEIN). Puis de façon remarquable et solennelle, par le célèbre arrêt Jand’heur de 1930 (Ch. Réunies, 13 février 1930, DP 1930, rapp. LE MARC’HADOUR, concl. MATTER, note RIPERT ; S. 1930, 1, 121, note ESMEIN ; H. CAPITANT, F. TERRE, Y. LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome 2, Dalloz, 12ème éd., 2008, GA no 199).

    67 L’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 qui reconnaît le caractère fondamental du droit au logement, et dont la portée normative avait fait l’objet de doute, a été à plusieurs reprises invoqué devant les tribunaux judiciaires qui l’ont assorti d’effets normatifs. Voir Civ. 3ème, 22 octobre 2003, req. no 02-14702.

    68 CC, déc. no 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, cons. no 2.

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