Libres propos introductifs : l’apparence au coeur du travail du juge
p. 11-20
Texte intégral
1“Il est certain que nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons jamais que ce que nous apercevons clairement et distinctement” soulignait Descartes1. Une affirmation certes pleine de bon sens mais bien plus difficile à mettre en pratique. De fait, il est admis sans conteste que nos sens peuvent aisément nous tromper, ainsi en est-il notamment de notre vue à travers l’exemple classique d’un bout de bois plongé à moitié dans l’eau et qui dès lors ne paraît plus rectiligne. Et quand bien même nos sens ne nous trahiraient pas il n’est pas davantage certain non plus que tous les éléments nécessaires à l’appréciation d’une situation soient portés à notre connaissance : d’aucuns ont pu être dissimulés ou tout simplement non connus à telle date, un tel cas de figure étant d’ailleurs pris en compte par la justice à travers l’existence du recours en révision. Face à un tel constat tout semble alors n’être qu’une question d’apparence et il n’est pas un seul domaine qui échappe à une sorte de va-et-vient incessant entre apparence et réalité, en fonction et au fur et à mesure de ce que nous percevons et découvrons. Un médecin pourra ainsi, au vu des signes apparents présentés par son patient, établir un premier diagnostic mais celui-ci pourra être infirmé par un examen clinique plus approfondi. De son côté, un artiste pourra par exemple chercher à imiter en tout point la réalité à travers la peinture d’une nature morte ou, à l’inverse chercher à induire en erreur celui qui contemple son œuvre en ayant recours à des trompe l’œil destinés à modifier la perspective, que ce soit pour le plaisir de surprendre le spectateur ou d’agrémenter une pièce trop petite.
2Le domaine juridique n’échappe pas davantage à la question des apparences mais il n’est plus question ici de se satisfaire d’un à peu près, de se contenter d’approximations, d’allégations non avérées. La question du lien entre apparence et réalité juridique se pose alors inévitablement avec toutes les difficultés que cela peut entraîner. En effet, l’apparence peut-elle être tenue pour réalité juridique ? Une règle de droit peut-elle être appliquée en s’en tenant aux seules apparences ? La réalité juridique diffère-t-elle de ce que laissent penser les apparences ? Peut-elle ou doit-elle faire l’objet d’une transformation pour coller aux apparences et anéantir un éventuel hiatus entre réalité juridique et apparences ?
3Cette question, si elle n’est pas propre au droit, a fait l’objet de nombreuses réflexions dans le cadre de la philosophie politique laquelle s’est la première penchée sur cette délicate distinction entre apparence et réalité, souvent pour souligner une inévitable dissociation entre apparence - ou tout au moins ce que nous permettent de percevoir nos sens - et réalité. L’allégorie de la caverne de Platon est parfaitement connue qui décrit des hommes dans une caverne ne voyant du monde extérieur que des ombres projetées sur un mur. L’apparence n’est alors ici que trompeuse et nécessairement suspecte. Cette opposition entre un monde sensible qui ne donne accès qu’à une apparence du réel et le monde des idées qui est celui de la vérité, du réel se retrouve chez nombre de philosophes à l’époque moderne. Ainsi en est-il de Kant par exemple qui oppose le noumène, c’est-à-dire la réalité intelligible objet de raison, à la réalité sensible2. Le monde sensible ne serait ainsi qu’apparence et l’apparence n’est donc qu’un élément qui permettra ensuite le cas échéant d’accéder au monde des idées.
4Cette dualité entre apparence et réalité une fois admise, l’appréhension de l’apparence d’un point de vue juridique n’en reste pas moins très délicate, et ce d’autant plus que l’expression apparence est elle-même plus complexe qu’il n’y paraît en raison du caractère polysémique qu’elle revêt. Elle provient du latin apparentia et est formée des mots ad parere signifiant littéralement paraître à, et donc autrement dit ce qui peut être vu, ce qui est visible, “ce qui apparaît d’une chose”3. Cependant, si l’expression passe du latin au français sous ce premier sens, de nouveaux sens sont venus par la suite s’y adjoindre, lesquels peuvent d’ailleurs paraître contradictoires. De fait, cette expression désigne aussi bien ce qui est vraisemblable, probable que ce qui est trompeur ou imaginaire. Ces différentes acceptions se retrouvent bien évidemment aussi en droit, l’apparence permettant de désigner à la fois “ce qui paraît aux yeux”, “ce qui dans une situation juridique peut être connu, sans recherches approfondies” et l’“aspect extérieur mensonger d’une situation juridique”4.
5Cette polysémie ne peut qu’ouvrir de larges champs de réflexion sur la place, le rôle ou encore l’origine de l’apparence au sein du droit mais c’est surtout le regard du juge sur l’apparence qui retient l’attention. L’examen de l’apparence à travers le filtre de la jurisprudence apparaît plus riche car c’est le juge qui se trouve quotidiennement confronté à cette question des apparences et qui doit se forger une opinion sur des espèces concrètes mais sans doute aussi plus largement une position sur l’attitude à adopter face à cette question de l’apparence. Le juge, quel qu’il soit, ne peut éluder ce point et à cela deux raisons : il est indubitablement saisi par l’apparence, laquelle va s’imposer à lui, mais ensuite il va pouvoir et même devoir déterminer quel sens, quelle importance attribuer à l’apparence, celle-ci se trouvant alors à son tour saisie par le juge.
I – LE JUGE SAISI PAR L’APPARENCE
6Le juge se trouve bel et bien saisi par l’apparence à un double titre. Il en est saisi car en tant qu’autorité chargé de faire appliquer le droit, qu’il s’agisse de condamner, de censurer…etc, il est indispensable qu’il se montre impartial et indépendant. Cet aspect là découle directement de l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à travers notamment son célèbre arrêt Kress c. France5. Il est bien sûr également lié à l’influence du droit anglo-saxon qui attache une importance majeure aux faits et par là même aux apparences. Tout un chacun connaît d’ailleurs le fameux adage anglais selon lequel : Justice must not only be done it must also be seen to be done.
7Le juge est aussi saisi de l’apparence ou encore saisi par l’apparence en ce qu’il s’agit finalement du matériau à partir duquel il va être souvent amené à travailler, l’apparence pouvant alors s’assimiler aux objets, aux faits soumis au juge. Il convient bien sûr de rappeler que le droit lui-même, avant donc le juge peut lui aussi s’intéresser à la question de l’apparence. De fait, il appartient au droit d’établir ses propres critères s’agissant de la réalité juridique, il est chargé de régir les faits, de les ordonner. Ce faisant, il peut notamment recomposer la réalité matérielle comme bon lui semble et qualifier par exemples d’immeubles les pigeons des colombiers6. Il peut également refuser de prendre en compte les apparences, physiques par exemple. Ainsi les différentes dispositions, constitutionnelles, législatives7 ou autres, qui interdisent les discriminations au nom du principe d’égalité reviennent finalement à nier un certain nombre d’éléments matériels tels que la race ou le sexe.
8A l’inverse, le droit peut décider de prendre en compte les apparences. Il peut s’agir de la prise en compte des apparences physiques, à travers par exemple la politique américaine d’affirmative action fondée sur l’origine ethnique, mais pas uniquement. De nombreux exemples attestent ainsi de cette importance que peut accorder le droit à l’apparence, notamment en tant qu’elle se définit comme ce qui est visible aux yeux de tous. Nombreuses et variées sont les dispositions sur ce point. Pourraient être évoqués les nombreux textes relatifs à la flagrance, le Code de procédure pénale ayant lui-même recours à cette notion. De même, l’article 689 du Code civil évoque la notion de servitude apparente. Dans le même sens encore l’article 1642-1 du Code civil fait référence aux vices de construction ou défauts de conformité apparents8, en précisant sur ce point que le vendeur d’un immeuble à construire ne peut en être déchargé ni avant la réception des travaux ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur. Les lois font également très fréquemment référence à l’exigence de mentions en caractères apparents. L’apparence physique enfin n’est pas oubliée non plus à travers par exemple l’article 221-4 du Code pénal qui évoque la réclusion criminelle à perpétuité pour un meurtre lorsqu’il est notamment commis sur “une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur”. La notion d’apparence se retrouve également à travers le recours à la notion de signe extérieur. Ainsi l’article 689 précité du Code civil fait référence en matière électorale à la notion de signe extérieur de reconnaissance figurant sur les bulletins ou enveloppes. Et l’on pourrait encore évoquer l’article 168 du Code général des impôts qui fait référence à une éventuelle disproportion entre le train de vie d’une personne et ses revenus et prévoit dans ce cas une imposition qui sera basée sur certains éléments du train de vie, autrement dit sur ce que l’on appelle des signes extérieurs de richesse - et donc sur des apparences - tels que la possession d’un avion de tourisme ou encore de chevaux de course.
9Les dispositions textuelles peuvent également, de manière plus rare, prendre en compte l’apparence d’une toute autre manière en tant que celle-ci peut être vraisemblable ou trompeuse. Ainsi par exemple l’article L. 153-7 du Code forestier concernant les délits et contraventions dans les bois et forêts relevant du régime forestier fait référence à la possibilité pour le prévenu d’exciper un titre de propriété apparent.
10Ces quelques exemples montrent déjà que le droit d’une certaine manière ne peut ignorer les apparences ou en tout cas doit dire quelle place leur accorder puisqu’il a pour objectif de régir et d’ordonner les faits. Cependant, plus encore que le droit lui-même conçu en tant qu’un ensemble de normes c’est bien plutôt le juge, quel qu’il soit, qui se trouve en premier lieu confronté à la question de l’apparence car c’est à lui qu’il revient d’appliquer le droit et donc de juger les faits ou actes. En effet, une norme en tant qu’énoncé prescriptif ne pourra faire l’objet d’une application sans qu’ait au préalable été effectué un travail de qualification juridique qui repose sur une description de l’objet, du fait soumis au juge. De fait “avant de commencer par dire d’un objet qu’il ne doit pas être, pour le condamner ou, au contraire dire qu’il peut ou doit être, afin de permettre son existence, la tolérer ou exiger son advenue, il faut bien commencer par dire ce qu’il est”9. Cet acte de qualification est essentiel pour permettre l’application du droit, le juge devant être à même de rattacher tel ou tel élément à une catégorie juridique existante, ou le cas échéant, créer lui-même une nouvelle catégorie juridique. Ce faisant le juge est inévitablement confronté à la question des apparences car cette qualification pour ne pas être critiquée par la suite doit apparaître comme incontestable par rapport à la situation soumise au juge. Afin de faire coïncider au plus près réalité matérielle et réalité juridique, le juge pourra ainsi substituer sa propre appréciation à celle de l’administration, y compris à celle du Parlement lorsqu’il s’agit du juge constitutionnel dans le mesure où celui-ci, même s’il affirme ne pas disposer d’un pouvoir d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, peut toujours contrôler l’erreur manifeste d’appréciation. Le juge est ainsi au premier plan qu’il s’agisse de la constatation, de l’appréciation ou encore de la qualification des faits, cette appréciation des faits étant délicate puisqu’elle est liée à la fois à la constatation et à la qualification des faits10. Le juge dispose aussi d’une grande marge de manœuvre y compris dans la détermination de notions employées par le législateur, n’hésitant pas par exemple à appliquer la qualification de véhicule au sens de la loi du 31 décembre 1957 à des objets aussi divers que des charrettes à bras des services de voirie11 ou des traineaux de secours12. De la même manière pourrait être évoquée la technique du distinguishing utilisée par le juge anglais et qui lui permet de s’écarter d’un précédent, dans l’hypothèse où une affaire s’éloigne de celles précédemment jugées autrement dit lorsqu’une situation ne se rattache pas complètement à une situation déjà régie par le droit13. Si le juge ne peut donc échapper à cette question des apparences il convient alors de s’interroger sur l’attitude qu’il va adopter à son égard.
II – L’APPARENCE SAISIE PAR LE JUGE
11Confronté à l’apparence le juge va-t-il estimer qu’elle reflète parfaitement la réalité juridique ou contraire qu’elle est susceptible de modifier cette dernière et par conséquent de donner naissance à une autre réalité, un peu comme le fait parfois lui-même le droit textuel qui peut façonner le monde matériel à sa guise et décider d’écarter ou de retenir au contraire certains éléments ? L’attitude du juge face à l’apparence dépendra sans doute généralement du sens qu’il donne à l’apparence ou plus précisément du sentiment qu’il acquiert, à travers l’examen des éléments qui lui sont soumis, de se trouver face à une situation vraisemblable ou à l’inverse trompeuse. Dans le premier cas le juge se contentera en quelque sorte d’un simple examen de l’apparence pour en quelque sorte la valider et la reconnaître comme réalité alors que dans le second cas il pourra être amené à se livrer à tout un travail de construction autrement plus complexe.
12En présence tout d’abord d’une apparence qui lui semble vraisemblable le juge va s’en tenir aux éléments, aux faits tels qu’ils lui apparaissent. Il s’agit donc véritablement de ce qui se présente aux yeux du juge. Cela peut se traduire par exemple par l’étude de certains signes tels que le port de signes religieux ostentatoires, voire de l’apparence physique elle-même avec le cas échéant l’appel à un expert. L’apparence va pouvoir dans ce cas là devenir aussi un véritable objet juridique, en particulier lorsque le juge examinera l’apparence physique.
13Le juge peut ainsi, dans cette premier hypothèse, décider de s’en tenir aux apparences, faute de preuve du contraire ou simplement parce qu’il est convaincu de l’adéquation des apparences avec la réalité. Ainsi par exemple la Cour européenne des droits de l’homme relève-t-elle fréquemment pour écarter les griefs portés devant elle qu’il n’y a “aucune apparence de violation” de tel ou tel article garanti par la Convention14. Elle peut aussi avoir recours à une formule plus générale selon laquelle “compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, [elle] n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles”15. De même lorsqu’il est saisi en tant que juge des référés, et sans pouvoir se prononcer au fond, le juge administratif tranchera en fonction des doutes qu’il peut éprouver, le Code de justice administrative évoquant l’existence d’“un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision”16.
14Face aux apparences le juge peut également avoir un doute, estimer que celles-ci sont trompeuses. Il est de fait fréquent de le voir souligner qu’il convient de ne pas s’en tenir aux apparences, la justice ne pouvant se contenter d’un à peu près. Ainsi par exemple la Cour européenne des droits de l’homme souligne-telle qu’elle “doit demeurer libre d’aller au-delà des apparences et […] apprécier elle-même si une mesure particulière s’analyse au fond en une « peine »”, au sens de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme afin précisément de rendre efficace la protection offerte par cet article17. Dans de nombreuses affaires elle souligne d’ailleurs qu’elle est “tenue de regarder au-delà des apparences et d’analyser les réalités de la situation litigieuse”18. Ce même souci transparaît chez le juge administratif lorsqu’il invite par exemple la commission bancaire à ne pas s’en tenir “aux structures financières apparentes”19. De la même manière, face par exemple à un refus de visa, le juge peut prendre soin de relever que si la demande de visa était motivée par une visite familiale en France, le demandeur “avait en réalité l’intention de s’inscrire au lycée”20. De même encore, face à une question posée par le juge du fond quant au point de savoir si en présence d’un “mariage présentant les apparences formelles de la régularité” le préfet a ou non une compétence liée pour délivrer un titre de séjour, le Conseil d’Etat a rendu un avis indiquant que le préfet pouvait refuser la délivrance d’une carte de séjour, s’il y avait fraude à la loi et mariage dans le seul but d’obtenir un titre de séjour, ce qui est donc bien une invitation à ne pas s’en tenir aux seules apparences21.
15Il ressort de ces éléments l’impression que tout dépend finalement du sentiment du juge, celui-ci pouvant alors adopter deux attitudes différentes lorsqu’il est confronté à des apparences qui heurtent la réalité. Soit chercher à rétablir la réalité juridique, supprimer autrement dit ces apparences trompeuses. Dans ce cas, il s’agira pour lui de mettre fin tout simplement à l’apparence trompeuse afin d’aboutir au rétablissement de la réalité juridique. Cela se manifestera notamment à chaque fois par exemple que le juge substituera sa propre qualification juridique à celle initialement donnée ou encore lorsqu’il censure un acte pour détournement de pouvoir car dans ce cas là aussi le juge va au-delà des apparences en recherchant quel était le véritable but poursuivi, l’intention de l’auteur de l’acte. Soit, à l’inverse, au lieu de chercher à leur dénier toute portée juridique, faire de ces apparences une nouvelle réalité juridique. Un exemple caractéristique quoique marginal peut être celui qui consiste à mettre en adéquation l’état civil des transsexuels avec leur nouvelle apparence physique. Plus généralement, il va plutôt s’agir de préserver la confiance dans le système juridique dans son ensemble et il s’agit là sans aucun doute de la question la plus délicate pour le juge. De fait, il a pu être souligné que la non prise en compte ou l’absence de prise en compte suffisante de l’intérêt du tiers, par exemple dans le cadre d’un mécanisme de représentation lequel implique une relation triangulaire, conduirait in fine à la disparition totale ou au moins au déclin du mécanisme de la représentation si l’intérêt du tiers est systématiquement sacrifié22. Il s’agit ainsi de privilégier ce que Demogue appelait une sécurité dynamique et donc l’action, afin de favoriser les transactions plutôt qu’une sécurité statique23.
16Utilisant les apparences trompeuses qui ont pu conduire un tiers de bonne foi à commettre une erreur24, le juge judiciaire a élaboré une véritable théorie de l’apparence, laquelle trouve en réalité des origines très anciennes jusque dans le droit romain25. Si cette théorie émerge en droit privé elle se retrouve néanmoins dans toutes les branches du droit, le juge administratif lui-même y ayant recours et pas uniquement à travers la notion de fonctionnaire de fait26. Il y a bien ici un véritable travail de construction par le juge, l’apparence jouant le rôle d’un mécanisme correcteur du système juridique en présence de dysfonctionnements, ce qui suscite bien sûr des interrogations quant à ses fondements, aux conditions qu’elle suppose, à ses limites ou encore aux similitudes qu’elle peut présenter en droit public et en droit privé. Plus généralement aussi il est essentiel de cerner ses particularités, ses ressorts ou ses liens tout simplement avec d’autres notions ou théories : fictions, présomptions juridiques, principe de sécurité juridique, de confiance légitime, principe d’estoppel27. C’est à toutes ces questions ainsi qu’à la mise en évidence des fonctions de l’apparence comme des éléments qui peuvent guider l’attitude du juge face aux apparences que ce colloque entend apporter une contribution.
Notes de bas de page
1 DESCARTES, Les principes de la philosophie, 1644, in Œuvres de Descartes publiées par Victor Cousin, Paris, 1824, F.G. Levrault, p. 89
2 Voir A. RABAGNY, Théorie générale de l’apparence en droit privé, Thèse Paris 2, microfichée, pp. 1-7.
3 E. LITTRE, Dictionnaire de la langue française. Tome 1, Paris, Librairie Hachette, 1873, p. 166.
4 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2005, p. 61.
5 CEDH, 7 juin 2001, Kress. C. FRANCE, R.F.D.A., 2001, p. 991, note B. genevois ; R.F.D.A., 2001, p. 1000, note J.-L. AUTIN et F. SUDRE ; A.J.D.A., 2001, p. 675, note F. ROLIN.
6 Article 624 du Code civil.
7 Ainsi par exemple l’article 225-1 du Code pénal interdit un certain nombre de discriminations et notamment celles fondées sur l’apparence physique. De même l’article 2 de la Constitution interdit les discriminations fondées sur l’origine, la race ou la religion.
8 L’article L. 262-3 du Code de la construction et de l’habitation comporte lui aussi une telle référence aux vices de construction ou défauts de conformité apparents.
9 O. CAYLA, “La qualification ou la vérité du droit”, Droits, 1993, no 18, p. 3.
10 En ce sens R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 2002, 10e éd., no 1049.
11 CE, 25 juin 186, Mme Curtol, Rec. p. 177.
12 TA Grenoble, 17 avril 1996, M. Kienle, L.P.A., 1996, no 75, p. 29, note V. LEMEULLE BAILLIART.
13 Voir J. A. JOLOWICZ, Droit anglais, Paris, Dalloz, 1992, 2e éd., p. 42 et s.
14 Pour une illustration récente voir par exemple CEDH, 4 mars 2008, Marturana c. Italie, req. no 63154/00, dans lequel elle a pu faire référence à l’absence d’apparence de violation de l’article 5§2 (§97) et de l’article 6 (§124).
15 CEDH, 24 mars 2005, Epple c. Allemagne, req. no 77909/01, §48.
16 Article L. 521-1 du Code de justice administrative.
17 CEDH, 9 février 1995, Welch c. RU, req. no 17440/90, §27.
18 CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède, req. no 7151/75 et 7152/75, §63. Voir également par exemple CEDH, 9 octobre 2003, Ezeh et Connors c. RU, req. no 39665/98 et 40086/98, §123 ; CEDH, 1er décembre 2005, Paduraru c. Roumanie, req. no 63252/00, §74.
19 CE, 31 juillet 1996, Banque Chabrières, req. no 173310.
20 CE, 29 décembre 1986, A. MARC, req. no 282977.
21 CE, Avis de section, 9 octobre 1992, no 137342.
22 Chung-Wu CHEN, Apparence et représentation en droit positif français, Paris, LGDJ, 2000, p. 3.
23 René DEMOGUE, Les notions fondamentales du droit privé. Essai critique, Paris, éd. A. Rousseau, p. 71 et s.
24 Voir par exemple A. DANIS-FATOME, Apparence et contrat,, Paris, LGDJ, 2004, pp. 20-21. Voir Civ. 1e, 3 avril 1963, D., 1964, p. 306, note J. CALAIS-AULOY.
25 Se reporter à D. DEROUSSIN, Le juste sujet de croire dans l’ancien droit français, Paris, De Boccard, 2001, 540 p.
26 Voir en particulier CE, 2 mars 2007, Banque française commerciale de l’Océan indien, req. no 283257 : “les certificats signés par le maire présentent l'apparence de certificats attestant la réalisation de travaux effectués pour la commune, sans qu'on puisse considérer que l'absence d'un visa ou l'indication de la raison sociale de l'entreprise de travaux publics aurait dû susciter la méfiance de la Banque française commerciale de l’Océan indien”.
27 Il s’agit d’un principe de droit anglais qui interdit la contradiction et auquel le droit international a fréquemment recours. Sur ce point voir notamment A. RABAGNY, op. cit., p. 1315.
Auteur
Professeur à l’Université Toulouse 1 Capitole
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