Conclusion générale
p. 617-632
Texte intégral
1Tout en étant ultramontain, c’est en Français qu’Auteserre pense et écrit. Dans l’ensemble de ses oeuvres, une seule référence à une congrégation romaine a pu être relevée2968, ce qui ne manque pas d’étonner au vu de l’intense production normative des dicastères romains2969. Ses propos sur le concile de Trente confirment cette idée : « Le concile de Trente n'est pas admis [en France], et peut-être cela serait-il supportable s’il avait introduit quelque chose de nouveau. Mais en vérité, il ne statua rien d’autre que ce qui, auparavant, avait été consenti par l’autorité de tous les conciles et des Pères. Il n’était pas permis de le dénigrer, lui qui ne méprisait pas les canons Africains, que l’Eglise gallicane a toujours honorés avec soin, de nombreux siècles avant le concile de Trente »2970.
2Que ce concile n’ait rien innové – et donc qu’il puisse être invoqué en France sans attiser les oppositions – Auteserre le soutient fermement. Autre exemple, au sujet de l'évêque comme légitime exécuteur testamentaire des legs pieux. Il affirme que « ce droit fut restauré par le concile de Trente, sess. 22, cap. 8. Ce droit n'est ni nouveau, ni révoltant »2971. S’il ne commente pas, de manière systématique, les dispositions de ce concile, il ne faut pas y voir là une quelconque trace d'anti-romanisme. Car le concile lui-même avait interdit, sous des peines sévères, tout commentaire qui ne serait pas expressément approuvé par Rome2972. Ces gloses ou annotations étaient spécialement réservées à la Congrégation du Concile, « chargée de manière exclusive, de l’interprétation et de l’observation rigoureuse des décrets conciliaires »2973.
3Traitant des mariages clandestins, il réitère son opinion : « La restitution de la discipline sacrée dépend grandement de la réforme du mariage, qui est le séminaire des fidèles. De ceci découle que les Pères du concile de Trente travaillèrent à la restitution du canon du Latran et du rite des bans de l’Eglise gallicane »2974. Cette insistance à remémorer l’origine française d'une institution ou d’une coutume se retrouve plusieurs fois dans son oeuvre. Notamment sur cette question des bans de mariage, Auteserre éprouve une fierté certaine à en écrire la généalogie. Il le fait à cinq reprises, dans quatre oeuvres différentes2975.
4Son commentaire de la décrétale Cum in tua (X, 4, 1, 27) est éloquent : « L’Eglise Romaine ne dédaigne pas imiter les coutumes des autres églises, comme le dit saint Grégoire, lib. 7, ep. 63. En beaucoup de choses, l’Eglise Romaine s’est plu dans les coutumes françaises, comme les bans nuptiaux (dans ce chapitre), ou l’institution dans chaque église d’un maître d’école, cap. Quanto [X, 5, 5, 3]. De là, Honorius III a pu, de bon gré, parler de l’Eglise Gallicane comme une lanterne posée sur un candélabre pour luire à la face des autres, cap. Cum creatura [X, 3, 42, 11]. L’Eglise Romaine a aisément suivi le jugement de l’Eglise Gallicane contre les schismatiques adversaires des Pontifes Romains, comme le dit Arnulphe de Louvain, ép. 2 12976 [...] ou Jean de Salisbury, ép. 48 »2977.
5Fier de l’Eglise de France, mais tout le contraire d’un gallican, voilà ce que fut Auteserre. Pour autant, avant d’être désavoué pour son ultramontanisme, il fut en France un juriste et un historien unanimement admiré.
Un auteur unanimement admiré
6Il n’y a pas que Colbert pour louer son savoir, et « la profonde connoissance [qu'il s’est] acquise du droit et de lhistoire »2978. Bien d’autres témoignages sont très explicites sur l’étendue de la reconnaissance d'Auteserre. En 1658, Pierre de Marca, son ami et son évêque, évoquait déjà le « Juris utriusque celeberrimus Antecessor in Academia Tolosana »2979. Baluze, son ancien élève, adressait sa correspondance au « clarissimo et eruditissimo viro » Auteserre2980. L’épithète eruditissimo est décidément bien appliquée à notre auteur, comme le montrent les jugements que les savants ont porté sur Auteserre. Le plus ancien témoignage en faveur d’Auteserre émane d’un canoniste toulousain. Innocent de Ciron le cite en tant que « vir clarissimus », ou « vir doctus », au titre de son opuscule Lex romana, récemment publié2981.
7Guy Patin, dans des lettres échangées avec Charles Spon, laisse un témoignage d’autant plus intéressant qu’il touche à la fois l’auteur et la diffusion de ses oeuvres. Le 14 mai 1649, Guy Patin faisait part à son correspondant de ses déboires littéraires : « J'ay visité les plus fameux libraires qui, tous ensemble, sont bien secs. M. Cramoisy m’a dit qu’il avoit receu de Tolose un livre in-4 intitulé Rerum Aquitanicarum, fait par M. de Hauteserre, qui est un fort sçavant homme. Mais comme il avoit vendu tout ce qu'il en avoit receu, il faut que j’attende qu'il en vienne d’autres. M. Moreau m’a fort loué cet oeuvre »2982. Parmi les rares témoignages contem porains, figure d'abord celui de Lamoignon2983. Viennent ensuite ceux des historiens. Nicolas Chorier, auteur de l'Histoire générale du Dauphiné, l’appelle « le sçavant Antoine Dadin de Haute-Serre »2984. Jean-Marie de La Mure, auteur d'une Histoire des Ducs de Bourbon et des Comtes de Forez, porte un même jugement, citant « le savant Altaserra »2985. Un Avis de libraire vaut également témoignage de réputation. Inséré à la suite de l'Essai de l'histoire monastique d'Orient, paru en 1680, l’avis porte : « Le Livre d'Anastasius Bibliothecarius de Vitis Romani Pontificum, estant fort obscur, & ayant besoin d’explication en beaucoup d’endroits, tant pour les mots de la basse Latinité, qui estait le temps où cét Auteur écrivoit, que pour une infinité de mots propres & particuliers, qui sont fort difficiles à entendre ; Monsieur d’Auteserre, un des plus celebres Jurisconsultes de son siècle, & fort connu par les Ouvrages qu’il a donnez au Public, a mis au jour nouvellement un Commentaire sur cét Auteur. Ce Livre est in quarto »2986. Aux confins du droit et de l’histoire, un des témoignages les plus vifs est celui de Gilles Ménage. Dans une lettre adressée à Jean-Antoine Dadine (sur un sujet littéraire), il ne manque pas d’écrire : « Je salue Monsieur vostre Pere, de qui je suis le très passionné admirateur. A Paris, le 12 janvier 1669 »2987.
8 L’Asceticon d'Auteserre fut bien accueilli du protestant Pierre Bayle, signe de sa probité intellectuelle. Dans une lettre à Jacques Basnage, il écrit : « Monsieur de Hauteserre professeur en droit à Thoulouse a fait imprimer chez Monsr Billaine un gros livre latin De origine rei monasticae, où il traitte à fond et avec un grand savoir tout ce qui regarde la moinerie, et la fondation de leurs ordres, leurs regles, etc »2988.
9Quelques jours plus tard, il revient sur cette oeuvre : « J’ay eu si peu de loisir ces jours passez que je n’ai peu aller au Palais chez Monsr Billaine pour savoir la grandeur et le prix de l'Origines rei monasticae. J’ay veu tous les titres des chapitres sur une feuille volante, qui marquent un grand ordre et une grande exactitude, et qui promettent bien des choses savantes. J’ai veu autrefois quelque chose de Mr Hauteserre c’est un homme de grande lecture et quand même il y aurait du fatras dans son fait il ne laisserait pas d’enseigner de particularitez considerables »2989 Nous possédons en outre quelques témoignages donnés peu de temps après la disparition d’Auteserre. Le premier en date n’est postérieur que de trois années. Bruneau, dans son Nouveau traité des criées, cite plusieurs oeuvres de notre juriste, comme les Rerum Aquitanicarum ou le De Ducibus et Comitibus. Mais surtout, il rapporte au sujet de l’université : « Les Tolosains y firent professer le Droit Civil, sur le fondement de la clause générale de la Décrétale in quacumque Facultate legitima. Ce qui a toûjours continué avec réputation jusques à présent, que M. Antoine Dadine Sieur de Hauteserre, y professoit, qui est D.C.D. ces derniers jours âgé de 80 ans »2990. Plus loin dans ce même traité, parmi les « Humanistes », « ces personnes par un beau latin ont confondu le Droit avec les Lettres humaines », il cite « à Tolose, Maistre Antoine Dadine de Hauteserre »2991.
10Doujat évoque Auteserre, son compatriote, en des termes vraiment élogieux. Dans ses Praenotionum canonicarum, il dresse un catalogue des juristes les plus importants, et y insère tout naturellement Auteserre : « Ses écrits dans les deux droits et en histoire française sont véritablement du plus grand mérite [revera optima meritus] »2992. Plus loin, il élabore une Méthode d'enseignement du droit se fondant notamment sur notre canoniste : « Pour progresser, il ne faut pas user de beaucoup d’interprètes, mais d’une sélection [...]. Parmi les plus récents, j'opte pour Ambroise Le Gaufre et Ciron pour les paratitles sur les décrétales, Dadine d'Auteserre, Fagnan et Gonzales Tellez pour les commentaires, celui-là pour Innocent III, ceux-ci pour presque toutes les décrétales de la collection grégorienne »2993. Doujat avait d’ailleurs classé Auteserre par les « auteurs ecclésiastiques » remarquables2994.
11Toujours chez les juristes, Denis Simon l’intègre dans sa bibliothèque des principaux juristes. Sa notice, bienveillante, reconnaît qu’il « a tres-bien écrit sur le Droit Civil & Canonique »2995 Et Poullain du Parc, dans ses Coutumes de Bretgane, souligne l'apport du « sçavant Hauteserre » quant aux prérogatives législatives des ducs et des comtes, tout en en exceptant la Bretagne, qui « s’en tînt à des usages non écrits »2996.
12Nicolas de Lamoignon, l’intendant de Languedoc (1685-1718), cinquième fils de Guillaume de Lamoignon, avait élaboré un plan d’étude pour ses enfants, dans lequel il recommandait le « beau commentaire » d’Auteserre sur les décrétales d’innocent III2997. Dans ses Mémoires pour servir à l'histoire de Languedoc, il vante les mérites de juristes les plus fameux. Parmi les dix noms qu’il cite, entre Accurse, Coras et Cujas, il prend la peine de mentionner « Dauteserre »2998.
13Le chancelier Henri-François d’Aguesseau, saisi par Jean-Baptiste (II) Dadine d’Hauteserre pour appuyer la candidature de son neveu Combettes d’Hauteserre à une chaire vacante en l’université de Cahors, répondit : « On m’en a rendu des témoignages avantageux, et il porte le nom qu’un de ses pères a rendu célèbre parmi les savants de ce païs-ci »2999.
14Les professeurs de droit de Cahors eux-mêmes gardent un vif souvenir de notre juriste. Dans leur vaine tentative de sauver leur faculté de la suppression, ils envoyèrent à leur évêque un mémoire en défense, vantant les illustres de leur compagnie : « La faculté de droit nous a fourni des Docteurs célèbres, elle a eu pour professeur les Benedicti, les Cujas, les Roaldès, les Govea, les Acosta, les Haute Serre, et grand nombre d’autres dont les ouvrages déposent en sa faveur »3000.
15Les littérateurs ne sont pas en reste. En 1688, Julien de Héricourt, de l’Académie de Soissons, écrit une histoire de cette société savante, à la suite de laquelle il insère sa correspondance. Dans une lettre adressée à Jean-Antoine Dadine d'Auteserre le 27 décembre 1687, il loue les qualités de son « eruditissimiPatris [...] omnium hac aetate Jurisperitorum longè principis »3001. Cette lettre est un véritable mausolée dédié à la mémoire d'Auteserre, « égal à accomplir ses fonctions ; généreux dans ses largesses charitables à l’égard des Pauvres »3002. Il se recommande même de ses mânes, utiles à la République des Lettres3003. Quant à « la principale des choses, la prédication du digne Auteserre, c’est-à-dire la Jurisprudence, quel que soit son genre, il en était si instruit, que l’on ne pourrait y comparer une science de tant de labeur et d’étude »3004. Il salue évidemment, en la personne du « jucundissime Dadine » son fils, les « vestiges » paternels, et les devoirs corrélatifs de piété paternelle3005. Un auteur méridional, le dominicain toulousain Jean-Jacques de Percin, auteur d un très riche volume sur son ordre, évoque encore la figure de notre juriste. Il écrit de celui qu’il range parmi les docteurs recommandables : « Antonius Dadinus Altaserra homo notissimus lucubrationibus, quem non semel retuli in opere meo »3006.
16Le célèbre mauriste dom Ruinait publia les oeuvres complètes de saint Grégoire de Tours en 1699, en un volume in folio. Il présentait longuement ces ouvrages en une savante préface, dans laquelle il n’omet pas de citer Auteserre. Après avoir notamment loué la science d’Adrien Valois, Charles Le Cointe, Jérôme Bignon, Etienne Baluze ou Louis Thomassin, il écrit : « Neque omittendus est V. Cl. Antonius Dadinus Alteserra in Tolosana Academia antecessor celeberrimus, qui notas & observationes in Gregorii Turonensis Historiam & Fredegarii Chronicum in singulari opere edidit Tolosae anno 1679 »3007.
17Ses Notes sur saint Grégoire le Grand furent d'une telle pertinence, que les mauristes se décidèrent à les ajouter au texte critique qu’ils donnèrent au début du XVIIIème siècle, en louant leur auteur d’une manière très appuyée, mais orientée vers le droit3008. Ils exposent, en introduction, pourquoi il est nécessaire d’adjoindre des notes ou commentaires sur les passages obscurs, et comment leur choix s’est porté « principalement » sur les très érudits Pierre Goussainville et Antoine Dadine d’Auteserre. Celui-ci, « très influent dans les études de Droit Canonique, écrivit des notes sur plusieurs passages de saint Grégoire, dédiées au pape Clément IX, et qui arguent en faveur de la profonde habileté de leur auteur dans l’un et l’autre droit »3009. Ce précurseur des histoires exactes fondées sur les actes du passé est bien curieusement oublié des historiens contemporains3010. Mais les mauristes avaient montré la voie, en puisant souvent dans l’oeuvre d’Auteserre sans le citer comme une de leurs sources.
18Un autre compliment est le fait de Nicolas-Hyacinthe Larroque, en 1706. Il affirme d’Auteserre qu’il était un savant professeur de l’université de Toulouse, « où sa mémoire est encore en bénédiction »3011. Son portrait est élogieux : « Il y a professé le droit avec beaucoup d'applaudissement dans le siècle passé [...]. Mr de Hauteserre étoit un des plus grands Canonistes que la France ait produit, jamais homme n’a sçu le Droit Canon, la Discipline de l’Eglise & les libertez de l’Eglise Gallicane avec plus de solidité que lui, & jamais personne ne les a enseignées avec plus de méthode ; c’est aussi le Professeur du Royaume qui a fait des meilleurs Ecoliers, & de l’école duquel sont sortis les plus sçavans hommes ». Cet éloge presque dithyrambique laisse d’ailleurs croire que l’auteur fut lui-même un des écoliers d’Auteserre3012. Il assure de surcroît, au sujet de son ouvrage sur la juridiction ecclésiastique, « qui ne fait que de paraître, [qu'il] est rempli d'une profonde érudition ; il a eu l’approbation de tous les gens de Lettres, on l’a lû dans les païs étrangers avec beaucoup de satisfaction ». Il loue spécialement, parmi les autres oeuvres, le commentaire d'innocent III, où « il se surpassa dans cette occasion »3013.
19Cathala-Coture, dans son Histoire du Quercy, fait aussi une place de choix à notre juriste : « Il se livre à l’étude de la jurisprudence, descend dans le dédale des lois et paraît avec éclat au barreau de Toulouse. Déjà l’Europe retentissoit de son nom et de la célébrité de ses écrits, lorsque sur la demande de l’Université de Toulouse, il est nommé à une chaire de droit qu’il remplit toujours avec distinction »3014.
Les raisons d'un oubli
20Nous avons sondé quelques inventaires de bibliothèques pour vérifier la présence ou non des oeuvres de notre juriste. Plusieurs des grands noms de l’époque détiennent des livres d’Auteserre, comme Colbert, Baluze3015, Marca, Lamoignon, Mgr Le Tellier3016, l’érudit Emery Bigot3017. Des institutions comme la Bibliothèque Royale, ou celle de Port-Royal complètent la liste3018. Il en va de même à l’étranger, et les oeuvres de notre canoniste se retrouvent en Italie chez le cardinal Casanata3019, chez Pinelli3020, chez Firmian3021 ; en Allemagne chez Wesseling3022, chez Mencke3023, chez Walch3024 ; en Angleterre à la bibliothèque Bodléienne3025. Bien que l’imprimé soit largement prédominant, le manuscrit garde au XVIIème siècle une importance relative. Il est intéressant de constater que certains extraits d'ouvrages d’Auteserre furent soigneusement recopiés à la main. Ainsi en va-t-il d'un fort recueil composé par « Mr de Hainault », peut-être conseiller d’Etat3026. Ce recueil de divers canonistes et théologiens présente un caractère confus, et donne la part belle à Auteserre : trentehuit citations du De fictionibus juris, vingt-quatre folios de citations tirées des commentaires des lettres de saint Grégoire le Grand, couvrant toutes les pages de l’édition imprimée (ce qui en fait l’ouvrage le plus cité dans ces miscellanées), treize folios extraits des notes sur la Vie des Papes d’Anastase (troisième ouvrage le plus cité)3027, sept folios de citations de l'Asceticon, avec, chose inédite, un commentaire personnel de l’auteur3028. Il y a en outre quelques citations d’un ouvrage de son frère, les notes sur Fulgence Ferrand. Dans le même répertoire des compilations manuscrites employant l’oeuvre de notre canoniste, l’on trouve d’anonymes Consultations canoniques datant du XVIIIème siècle3029.
21Malgré cette réputation peu commune, malgré la circulation des livres jusque dans les plus prestigieuses bibliothèques, notre juriste est tombé dans un oubli assez profond3030. C’est au point que les canonistes du XXème siècle, les seuls qui le men tionnent encore, le font de manière fautive ou partielle. La notice du Dictionnaire de droit canonique est très incomplète, attribuant certains de ses ouvrages à son frère puîné3031. Les Prolegomena du chanoine van Hove ne citent que deux ouvrages, les commentaires des décrétales d’innocent III et des Clémentines3032. Les manuels ne sont pas plus fiables, et celui publié à Rome en 1943, « ad usum scholarium », qui ne fait pourtant que le citer, commet deux erreurs sur son nom et une sur la date de décès : « Antonius Dadinus ab Altaserra (1602-† 1644) »3033. D’autres oublient tout à fait Auteserre, comme Grandclaude, qui rédigea une série d’articles sur « Les principaux canonistes du XVIIème et du XVIIIème siècle »3034. Dans son article consacré aux canonistes français, il confond notre auteur avec Jean Gerbais, auquel il attribue des ouvrages d’Auteserre (Dissertations de droit canonique, commentaire des Clémentines, De jurisdictione ecclesiastica), et fait du parisien Gerbais un « professeur de droit à la faculté de Toulouse ».
22Bien qu’accessoire, un motif pouvant expliquer la désaffection dont Auteserre fut victime tient à l'usage de la langue latine. « Il faut, pour le droit, une langue. Le latin, de plus en plus étranger et de plus en plus abâtardi, a perdu de son efficacité. Le droit, dont on affirme qu’il fait partie intégrante de la culture de l’honnête homme, risque d’en être séparé par la langue qu’il utilise »3035. Cet attachement suranné à l’idiome universel, quand la France du Grand Siècle proclame son particularisme, fut d’abord souligné par Rodière3036, puis par J. Poumarède, évoquant son « goût désuet pour les lettres latines »3037. Il est vrai que les plus renommés des juristes français de l’époque, un Jean Domat pour le droit civil ou un Louis Thomassin pour le droit canonique, écrivent en français, et de surcroît, sont des praticiens, non des universitaires3038. Ce qui était vrai de la fin du XVIIème siècle, le sera plus encore au siècle suivant, où les Universités connaîtront un fâcheux déclin3039.
23Mais en définitive, l’on peut discerner deux raisons fondamentales de l’oubli dans lequel Auteserre est tombé. La première, à nos yeux primordiale, est idéologique. Dans un paysage politique de plus en plus gallican et régaliste, une telle figure ultramontaine, ressemblant de trop près à un décrétaliste, gêne. Il n’est que de voir les (faibles) critiques qui lui furent opposées pour comprendre. Son érudition est partout louée, mais son usage militant est dénoncé. En témoigne ce compte rendu du Journal des Savants, annonçant au public la réédition de l’ouvrage majeur de Févret, son Traité de l'abus, auquel fut adjoint le De jurisdictione ecclesiastica. La présentation de ce dernier est sans équivoque : « Il y a dans cet Ouvrage beaucoup d'érudition. Mais l’Auteur tire des traits d’érudition dont son Livre est rempli, des conséquences qui sont contraires à la Jurisprudence du Royaume sur les matières Ecclésiastiques »3040. Attaquer le gallicanisme sur son terrain de prédilection, la recherche historique, voilà ce que l’on ne pardonne pas à notre canoniste3041.
24La seconde raison est juridique, et va de pair avec la raison politique. Réjoui de l’arrivée du droit français et cherchant un droit commun qui ne soit pas explicitement un droit venu d’ailleurs, le monde juridique français répugne, depuis le milieu du XVIème siècle, à faire du droit romain un ius vigens3042. Dès la fin du XIVème siècle, « la transformation du droit commun en droit supplétif était en marche »3043. Notre canoniste fait donc figure d'arriéré en fondant ses opinions sur le droit des décrétales (le ius novum contenu dans le Corpus juris canonici)3044, et à défaut, sur le droit romain, spécialement celui des empereurs chrétiens3045. A rebours du mouvement général3046, Auteserre opine pour une application directe des droits savants. Le droit supplétif est pour lui, en fin de compte, le droit royal, celui des édits et des ordonnances. Il ne prend même pas la peine de citer la coutume ou les coutumiers, significativement absents de ses commentaires. Et quand il invoque la jurisprudence des parlements, c’est bien souvent pour en contester le sens. En outre, son usage récurrent du Sexte, tenu en égale estime des autres recueils canoniques3047, vient réunir les deux motifs l’opposant à la doctrine commune. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Le malheur d’Auteserre est d'être né en France, et non à Rome. L’on sait bien que nul n’est prophète en son royaume (Le, 4, 24).
Notes de bas de page
2968 DJE, Opera, t. 1, lib. 2, cap. 18, p. 67.
2969 V. Martin, Les congrégations romaines, Paris, 1930, pp. 27-31 ; J. Gaudemet, Eglise et cité. Histoire du droit canonique, Paris, 1994, p. 632. Il en va de même des tribunaux apostoliques. Le recueil des seules Decisiones recentiores de la Sacrée Rote Romaine comprend 12822 décisions, son index occupe cinq volumes, cf. G. Dolezalek, « Lexiques de droit et autres outils pour le “ius commune” (XIIè -XIXè siècles) » dans J. Hamesse (dir.), Les manuscrits des lexiques et glossaires de l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Age, Louvain, 1996, p. 372, n. 74.
2970 DJE, Opera, t. 1, lib. 2, cap. 9, p. 46. Il discourait sur la pénitence publique, se désolant qu’elle « fût considérée comme trop dure pour le siècle. La sévérité de l’ancienne discipline déplaisait aux hommes du siècle, comme ne convenant plus à leur époque et leurs moeurs. La sanction du concile de Trente [rétablissant cet usage] fut facilement dédaignée, comme non admise en France. En conséquence, la pénitence publique fut rejetée, comme si elle engendrait le scandale plutôt que des fruits, et repoussée virulemment pour éviter que croisse la puissance des évêques sur les laïques ».
2971 DJE, Opera, t. 1, lib. 6, cap. 12, p. 160.
2972 La bulle de confirmation du concile, Benedictus Deus, du 26 janvier 1564, contient ces graves avertissements : « En outre, pour éviter tout désordre et confusion qui pourraient naître, s’il était permis à chacun de mettre à jour des commentaires et des interprétations, telles qu’ils lui plairaient, sur les décrets du concile, Nous défendons, par l'autorité apostolique, à tous, tant personnes ecclésiastiques de quelque ordre, condition et grade soient-elles, que laïques, de quelque honneur et de quelque puissance soient-elles revêtues, aux prélats, sous peine d’interdit de l'entrée dans l’Eglise, et à tous les autres, quels qu’ils soient, sous peine d’excommunication encourue par là même, de publier, sans notre autorité, commentaires, gloses, annotations, remarques, ni généralement aucune sorte d’interprétation sur les décrets du dit concile, ni autre chose à quelque titre que ce soit, même sous prétexte de donner plus de force aux dits décrets, d’en favoriser l’exécution ou sous quelque autre couleur que ce soit. Si quelque point paraît obscur à quelqu’un, soit dans les termes, soit dans le sens des ordonnances et qui lui semble demander quelque interprétation ou décision, qu’on monte au lieu que le Seigneur a choisi, c'est-à-dire au Siège Apostolique, à qui tous les fidèles doivent demander leur instruction et dont le saint concile luimême a reconnu avec tant de respect l’autorité. Si donc, au sujet desdits décrets, il s’élève quelque difficulté, si quelque question doit être résolue, nous nous en réservons l’éclaircissement et la décision, ainsi que le saint concile l’a lui-même ordonné [...] Nous déclarons nul et de nul effet ce qui pourrait être entrepris contre la teneur des présentes, par qui que soit, par quelque autorité que ce puisse être, sciemment ou par ignorance », C.-J. Hefele, Histoire des conciles d'après les documents originaux, éd. H. Leclercq, Paris, 1938, t. X-l, p. 637.
2973 L. Cristiani, L'Eglise à l’époque du concile de Trente, [A. Fliche et V. Martin (dir.)], Histoire de l'Eglise, Paris, 1948, t. XVII, p. 222. Ce point est encore souligné dans J. Bernhard, C. Lefebvre, Fr. Rapp, L'époque de la Réforme et du Concile de Trente, Hdieo, t. XIV, Paris, 1990, p. 405 : « Le document romain comportait deux prescriptions importantes : gloses et commentaires ne peuvent être publiés qu’avec l’approbation du Saint-Siège ; le pape se réserve la réponse aux doutes suscités par l’application des décrets ».
2974 Préleçon n° IV, Opera, t. 5, p. 246. L’arsenal des autorités dont il se sert est ici encore conséquent. En six pages, il cite trente fois le droit romain, dix fois les Ecritures, neuf fois les Pères, sept fois le droit canonique, quatre fois les auteurs classiques et trois fois le concile de Trente.
2975 Outre la préleçon citée ci-dessus, Dissertationes, Opera, t. 9, lib. 6, cap. 5, p. 153 ; Innocent III, Opera, t. 10, p. 711, commentaire sur X, 4, 1, 27 et p. 715, commentaire sur X, 4, 3, 3 ; DJE, Opera, t. 1, lib. 2, cap. 22, p. 75. Dans ses Dissertations, il écrit significativement : « Raymond [de Penafort] a repris [le chapitre Cum in tua, de sponsalib., in 4. compil.], mais tronqué et interpolé, en omettant ces mots : in ecclesiis secundum consuetudinem ecclesiae Gallicanae editis. C’est-à-dire que l’Eglise Romaine ne dédaigne pas imiter les droites coutumes des autres églises [...]. Ce que le concile du Latran [III] a statué, à savoir qu’une prébende soit assignée dans chaque église cathédrale à un magister scholarum [...] est une coutume de l’église gallicane [...]. De nombreux siècles auparavant, l’Espagne a joyeusement embrassé les décrets de l’église gallicane. Les Pères du concile de Tarragone, au canon 11, et ceux de Tolède ont loué les canons français ».
2976 Ce texte comporte l’incise « sola Gallia monstra non habuit », qu’il reprend, sans le mentionner, à saint Jérôme, Liber contra Vigilantium, PL 23, col. 59. Ce thème sera aussi repris par JEAN GERSON, dans un sermon pour l’Epiphanie (6 janvier 1391), OEuvres complètes, Paris, 1968, vol. VII-2, n° 342, pp. 522-523 : « Sola Gallia monstra caruit ».
2977 Innocent III, Opera, t. 10, p. 711, commentaire sur X, 4, 1,27. Il conclut : « Cette coutume des bans était tellement propre à la France que même le nom fut adopté : bannus, ou ban, est un vocable français, comme l’écrit ici le Pontife à l’évêque de Beauvais ».
2978 Vie de M. d’Hauteserre, p. 100.
2979 P. de Marca, Epistola ad clarissimum virum Henricum Valesium de Tempore, quodprimum in Gallis suscepta est Christifides, § 27, dans E. Baluze (éd.), Illustrissimi viri Petri de Marca archiepiscopi parisiensis Dissertationes tres, Paris, 1669, p. 447. Lettre reproduite à la suite du De concordia sacedotii et imperii, t. 4, Naples, 1771, pp. 422 s.
2980 BNF, Baluze, 354, f° 250, Lettre du 8 kal. feb. 1663.
2981 I. de Ciron, Observationes juris canonici in quinque libros digestae, Toulouse, 1645, Lib. 5, Tractatum de lege romana in Gallia, p. 86.
2982 L. Jestaz (éd.), Lettres de Guy Patin à Charles Spon : janvier 1649 - février 1655, Paris, 2006, t. 1er, pp. 445-446. L’éditrice précise (p. 446, n. 2) que René Moreau, professeur de médecine et de chirurgie au Collège royal, puis doyen de la Faculté de médecine de Paris, « fut non seulement le maître de Patin, mais également celui de Gabriel Naudé ». En sus, « le président de Lamoignon fut [...] l’une des relations familières de Guy Patin qui se vit régulièrement invité à ses dîners en compagnie de son fils » (p. 267, η. 1).
2983 En plus de ce qui a été dit de leur amitié, il rendit un arrêt, le 5 septembre 1673, concernant « Me René Lezineau » docteur en droit, qui « quitta la ville de Thoulouse, où il entendoit le sieur de Hauteserre, si celebre par ses doctes repetitions, & par les Livres qu’il a donnez au Public », Journal du Palais, ou Recueil des principales décisions de tous les Parlemens & Cours souveraines de France, 3ème partie, Paris, 1681, p. 63.
2984 N. Chorier, Histoire générale de Dauphiné, Grenoble, 1661, p. 185.
2985 J.-M. de La Mure, Histoire des Ducs de Bourbon et des Comtes de Forez, publiée pour la première fois d’après un manuscrit de la Bibliothèque de Montbrison portant la date de 1675, Paris, 1809, t. 1er, p. 40.
2986 [L. Bulteau], Essai de l’histoire monastique d’Orient, Paris, 1680. Le libraire est Louis Billaine, éditeur la même année de l’ouvrage dont il est question. L’encart, inséré après l'index, se finit ainsi : « On a crû obliger les personnes curieuses de les avertir de la publication de ces Livres, & qu’ils se vendent à Paris chez Loüis Billaine, au second Pilier de la Grand’Salle du Palais ».
2987 BM Cahors, Fonds Greil, n° 134 OEuvres meslées, f° 11 r°.
2988 E. Labrousse (éd.), Correspondance de Pierre Bayle, Novembre 1674-Novembre 1677, t. 2, Oxford, 2001, p. 106, Lettre 83 du 3 avril 1675.
2989 E. Labrousse (éd.), op. cit., p. 113, Lettre 85 d’avril 1675. Bayle s’est rapidement procuré l’ouvrage, puisqu’il écrit le 5 mai suivant (Lettre 90, p. 162) : « Je vous envoyai la semaine passée le livre De Origine rei monasticae ».
2990 A. Bruneau, Nouveau traité des criées [...], 2nde édition, Paris, 1685, p. 428.
2991 A. Bruneau, Nouveau traité des criées [...], 2nde édition, Paris, 1685, p. 449.
2992 J. Doujat, Praenotionum canonicarum libri quinque, Paris, 1687, p. 653.
2993 J. Doujat, op. cit., p. 709.
2994 J. Doujat, Histoire du droit canonique avec l’explication des lieux [...] et une chronologie canonique, Paris, 1680, p. 169. Il le mentionne encore parmi les civilistes remarquables de son siècle, Historia juris civilis Romanorum, Paris, 1678, cap. IX De Romani juris interpretibus primariis & interpretendi ratione, p. 106.
2995 D. Simon, Nouvelle bibliothèque historique et chronologique des principaux auteurs et interprètes du droit Civil, Canonique [...], Nouvelle édition, Paris, 1692, p. 11.
2996 A.-M. Poullain du Parc, Coutumes générales du païs et duché de Bretagne, t. 1er, Rennes, 1745, p. 3.
2997 Chr. Chêne, « Les études de droit public sous l’Ancien Régime et les libertés de l’Eglise gallicane », RHFDSJ, 2004, n° 24, p. 38.
2998 [N. de Lamoignon], Mémoires pour servir à l’histoire de Languedoc par feu Monsieur de Basville, Amsterdam, 1734, p. 68.
2999 P. Ferté, L’Université de Cahors au XVIIIème siècle, Toulouse, 1974, p. 137.
3000 M. -J. Baudel, J. Malinowski, Histoire de l’Université de Cahors, Cahors, 1876, p. 182.
3001 J. de Héricourt, De Academia Suessionensi, cum epistolis adfamiliares, Montauban, 1688, p. 220.
3002 J. de Héricourt, op. cit., p. 221.
3003 « Nostrum est, qui Reipublicae Litterariae impense studemus, defuncti, de eà multis modis optime meriti, Manibus benèprecari ».
3004 J. de Héricourt, op. cit., pp. 221-222.
3005 Il semble bien que le fils ait suivi le chemin paternel, comme l’attestent ces deux stances dédiées à Héricourt : n° 10, « Après un coup d’essay si beau/Cher Héricourt, veux-tu me croire ?/Donne à ta Plume un vol nouveau/Et de Louis écry l’Histoire » ; n° 12, « Que tous les Sçavans réjouis,/Attendront de toy des merveilles,/Si de l'invincible Louis/Tu fais le sujet de tes veilles ! », J. de Héricourt, De Academia Suessionensi, cum epistolis adfamiliares, Montauban, 1688, non paginé, avant la préface Ad lectorem.
3006 J.-J. de Percin, Monumenta conventus tolosani ordinis F.F. praedicatorum primi ex vetustissimis manuscriptis originalibus transcripta, et SS. Ecclesiae patrum placitis illustrata. [...], Toulouse, 1693, De Academia Tolosana, pars 4a, cap. 3, p. 195.
3007 Préface reproduite dans L. DELISLE (dir.), Recueil des historiens des Gaules et de la France, Nouvelle édition, Paris, t. 2, 1869, p. 122.
3008 Cela correspond bien au caractère des épîtres de ce pape : « L’apport de Grégoire le Grand au collections canoniques, et tout spécialement au Décret de Gratien, ne saurait être sous-estimé, ni passé sous silence. Par son ampleur, par la diversité des sujets abordés, par la netteté des positions qu’elle exprime, sa contribution canonique est remarquable. Elle s’exprime essentiellement dans ses Lettres, à propos de questions concrètes », J. Gaudemet, « L’héritage de Grégoire le Grand chez les canonistes » dans La doctrine canonique médiévale, Variorum, Aldershot, 1994, n° VI, p. 221.
3009 Sancti Gregorii Papae I, cognomento magni, opera omnia [...] studio et labore Monachorum ordinis S. Benedicti e Congregatione Sancti Mauri, Paris, 1705, t. 2, p. 480, Praefatio in Epistolas, § VIII De argumentis epistolarum mutatis.
3010 R. Monpays, « L’image du Languedoc chez les historiens de cette province au XVIIème siècle », Annales du Midi, t. 110, n° 221, 1998, pp. 25-40, ne fait même pas allusion à Auteserre. Ce qu’elle dit des historiens étudiés (écrivant en français, ceci explique peut-être cela) peut s’appliquer à notre auteur : « Les écrits des historiens du Languedoc montrent un profond attachement à la monarchie. Ils lui sont unis par des liens loyaux et fidèles [...]. Acceptant la royauté en tant que système de gouvernement, ils ne mettent pas en question la dépendance du Languedoc envers elle » (p. 38). Plus étonnant encore, le silence absolu de PH. Wolff, « Y eutil une optique propre des histoires régionales (XVIè - XVIIIé siècles) ? », Historiographie du catharisme, Cahiers de Franjeaux, n° 14, Toulouse, 1979, pp. 71-84, qui cite pourtant, en plus d’onze ouvrages français, le De Gestis Tolosanorum de Nicolas Bertrand.
3011 N.-H. Larroque, Fragmens d’histoire et de littérature, La Haye, 1706, pp. 31-32.
3012 Et cet élément pourrait servir à éclaircir un peu l’énigmatique figure de ce personnage, dont on ne sait rien que le nom.
3013 N.-H. Larroque, Fragmens d’histoire et de littérature, La Haye, 1706, p. 35. Les recueils bibliographiques dressent également un portrait élogieux. Aussi, David Clément évoque le De ducibus & comitibus en ces termes : « Du Fresnay [sic] dit que cet Ouvrage est curieux & savant, qu’il n’est pas commun mais cependant peu recherché » (D. Clément, Bibliothèque curieuse historique et critique, ou Catalogue raisonné des livres difficiles à trouver, Göttingen, 1750, t. 1, pp. 221-222). Au sujet de l'Asecticon, il écrit : « Cet Ouvrage est très-curieux, et écrit avec assez d’impartialité. Notre Auteur avoit beaucoup lû les Pères, qui traitoient de la vie Ascétique » et qui l’avaient charmé (D. Clément, op. cit., t. 1, p. 223). Il ajoute de ce livre que « la lecture est amusante & instructive ». Le P. Lelong, dans sa Bibliothèque historique, mentionne plusieurs travaux d’Auteserre. Il semble être l'auteur le plus critique. Les Rerum Aquitanicarum « sont aussi sçavantes que précises » (J. LELONG, Bibliothèque historique de la France, Sixième édition, Paris, 1768, t. 1, p. 15, n° 147). Il ajoute (t. 3, p. 505, n° 37501) : « L’Histoire contient beaucoup de lectures et de très grandes recherches ». Le De ecclesiastica jurisdictione, certes apprécié, « n’est pas conforme aux usages d’à présent » (J. Lelong, op. cit., t. 1, p. 514, n° 7486). Les notes sur Grégoire de Tours « ne contiennent rien de considérable. Elles servent à éclaircir le texte, ou à faire connoître les usages du temps et les personnes dont parle Grégoire de Tours » (J. Lelong, op. cit., t. 2, p. 86, n° 16055). A propos des Ducs et des Comtes, « c’est dans les trois livres que composent cet Ouvrage que M. d’Hauteserre discute fort au long & sçavamment, quels étoient ces droits » (J. Lelong, op. cit., t. 3, pp. 134-135, n° 31314). Enfin, la Méthode pour étudier l'histoire de Lenglet du Fresnoy complète ce tableau. L’Asceticon est un « Ouvrage savant, et plein de recherches. Haulteserre étoit un homme très-versé dans les matières canoniques, et dans les antiquités de l’Eglise » (t. 10, p. 319). Au sujet des notes sur Grégoire de Tours, il écrit : « H lauteserre étoit habile dans les matières de discipline et d’histoire » (t. 12, p. 116). Quant aux Rerum : « Il a fini son histoire à l’an 1137. Elle contient beaucoup de lecture et de très-grandes recherches » (t. 13, pp. 124-125).
3014 A. de Cathala-Coture, Histoire politique, ecclésiastique et littéraire du Querci, Montauban, 1788, t. 3, p. 17.
3015 Bibliotheca Baluziana, Paris. 1719, p. 219 (in-4°), nos 2875 (Dissertationes), 2876 {Clémentines), 2877 (DJE), 2989 (Fiefs), p. 255, n° 3275 (.Asceticon), p. 336, n° 4243 (Grégoire de Tours).
3016 [PH. Dubois], Bibliotheca Telleriana, Paris, 1693, pp. 168 (Dissertationes), 300 (Rerum), 425 (Ecdicus).
3017 Bibliotheca Bigotiana, Paris, 1706, p. 99 (in-4°), nos 766 (Dissertationes), Appendix, p. 6, n° 98 (Grégoire le Grand).
3018 Pourtant chiche en ouvrages juridiques (60), presque tous issus de la bibliothèque de l’avocat de Séricourt, cédée en 1637, elle contient cependant un exemplaire des Dissertations de droit canonique, de 1651, cf. Od. Barenne, Une grande bibliothèque de Port-Royal. Inventaire inédit de la Bibliothèque de Isaac-Louis Le Maistre de Sacy (7 avril 1684), Paris, 1985, p. 130.
3019 Bibliothecoe Casanatensis catalogus librorum typis impressorum, Rome, 1761, p. 143. Chose remarquable, ce grand érudit possédait seize des dix-huit ouvrages d’Auteserre.
3020 Bibliotheca Maphaei Pinellii, Venise, 1787, t. 6, p. 7.
3021 Bibliotheca Firmiana, vol. 2, Jurisprudentia & Politica, Milan, 1783, pp. 53 (n° 1624, Défense de la juridiction ecclésiastique), 330 (n° 2055, De fictionibus juris).
3022 Bibliotheca Wesselingiana sive catalogus librorum, Utrecht, 1765, pars. 1, p. 68 (n° 275, De fictionibus juris).
3023 Bibliotheca Menckoniana, Leipzig, 1723, p. 366 (De ducibus & comitibus).
3024 Jo. Georgii Walchii Bibliotheca theologica selecta, Iéna, t. 3, 1752, pp. 525 (Anastase), 564 (Asceticon).
3025 [TH. Hyde], Catalogus impressorum librorum bibliothecae Bodlejanae in academia Oxoniensi, Oxford, 1674, p. 23 (Rerum, Innocent III).
3026 Bibliothèque Mazarine, ms 4343, Extraits de divers écrits touchant le droit canon et la théologie.
3027 Le deuxième ouvrage le plus sollicité est la Pragmatique Sanction, avec gloses et annotations.
3028 « In his libris habet copiose et erudite explanatum universam monasteriorum et ordinum disciplinum, sive rei monasticae incunabilae, sive progressus, sive nomina, sive politicum spectes, ita ut sunt veluti totius eruditionis circa sane materiam promptuarium ».
3029 BNF, Fr. 17638, cité dans les Analecta juris pontifici, 13ème sér., 1874, col. 1084. Il s’agit d’un commentaire sur la décrétale Plerumque (X, 1,3, 23), où il observe que l’Eglise de France a fait sienne la discipline romaine en matière de lettres dimissoires, Innocent III, Opera, t. 10, p. 39, commentaire sur X, 1, 3, 23.
3030 Les auteurs du XIXème siècle l’invoquent parfois, et se montrent souvent emphatiques dans leurs commentaires. Tamizey de Larroque, dans un envoi de sa plaquette {Lettres...) à l’érudit Momméja, l’évoque comme « une des illustrations de son cher Quercy [...] un des plus remarquables compatriotes ». Le député Delpon affirme : « Ses premières plaidoiries, devant le Parlement de Toulouse, le placèrent au rang des grands orateurs et des plus savans jurisconsultes [...]. La ville de Toulouse, qui s’honora de le posséder, voulut que son Université reçut un nouveau lustre du mérite d’Haute-Serre et le fit nommer à une chaire de droit, qu’il remplit toujours avec distinction » (J.-A. Delpon, Statistique du département du Lot, Paris, 1831, t. 1, p. 351). Rodière le considère comme tout simplement comme « le plus grand jurisconsulte français du XVIIème siècle » (RODIÈRE, Notice..., p. 392). Il le qualifie plus loin d’« oracle du droit canon » (p. 396). D’ailleurs, dans son ouvrage consacré aux grands juristes, Auteserre tient une place non négligeable, dépeint comme « un des professeurs les plus distingués de l’ancienne Université de Toulouse, [...] et pour y trouver un homme d’une égale vertu, il faudrait remonter à Etienne Aubert [Innocent VI] » (A. Rodière, Les grands jurisconsultes, Toulouse, 1874, p. 324). Il est encore présenté comme « un des plus grands jurisconsultes qui aient honoré la France », et ses ouvrages sont tour à tour « remarquables » ou « toujours parfaitement orthodoxes » (Ibid., pp. 325, 327). Vidaillet ajoute dans la surenchère : « Né avec le siècle qui honore le plus la France, et peut-être l’esprit humain, il fournit une carrière capable d’ajouter à l’éclat de cet âge d’or des lettres et des arts. Les historiens qui nous entretiennent de cet homme de génie se bornent [...] à nous apprendre qu’il fut le premier jurisconsulte de son temps » (J.-B. Vidaillet, Les hommes célèbres du Lot. Biographie ou galerie historique [...], Gourdon, 1875, p. 346). Il poursuit un peu plus loin : « Un des plus beaux génies du Royaume [...] à l’exemple de l’Hôpital et de d’Aguesseau, il eut autant de vertu que de savoir » (Ibid., p. 348). Les rares auteurs du XXème siècle à mentionner notre juriste le font de manière concise, comme G. Boyer, « Avant-propos », dans Six siècles de droit toulousain. Catalogue de l’exposition, Toulouse, 1952, p. 3 : « De ses professeurs, au XVIIème siècle, seul Hauteserre a laissé un nom qui le classe parmi les meilleurs canonistes français de son temps ».
3031 R. Naz, « Hauteserre (Antoine Dadin de), Alteserra », DDC, t. 5, col. 1091.
3032 A. van Hove, Prolegomena ad codicem iuris canonici, editio altera, Malines-Rome, 1945, pp. 541,546.
3033 B. Kurtscheid o.f.m., F. A. Wilches o.f.m., Historia iuris canonici, t. 1, Historia fontium et scientiae i.c., Rome, 1943, pp. 290-291.
3034 E. Grandclaude, « Les principaux canonistes du XVIIème et du XVIIIème siècle », Le canoniste contemporain, t. 3, 1880, p. 118. Sur ce canoniste, v. F. JANKOWIAK, « Grandclaude, Eugène », DHJF, pp. 382-383.
3035 Chr. Biet, Droit et littérature sous l’Ancien Régime. Le jeu de la valeur et de la loi, Paris, 2002, p. 36.
3036 A. Rodière, Notice, pp. 393-394 : « Hauteserre eut le tort de ne pas s’apercevoir d’une transformation qui s’opérait de son temps. Il écrivit tous ses ouvrages en latin, et ne parut pas soupçonner que les compatriotes de Bossuet et de Fénelon se déshabitueraient bientôt de toute autre langue que de leur langue maternelle. Voilà l’une des raisons de l’espèce d’oubli où les savants ouvrages d’Hauteserre ne tardèrent pas à tomber ; mais ce n’est pourtant, nous le croyons du moins, que la raison secondaire ».
3037 J. Poumarède, « Antoine Dadin de Hauteserre. L’oeuvre politique d’un professeur toulousain, sous Louis XIV », dans J. Krynen, M. Stolleis (dir.), Science politique et droit public dans les facultés de droit européennes (XIIIème—XVIIIème), Francfort, 2008, p. 390.
3038 A. Wijffels, Introduction historique au droit. France, Allemagne, Angleterre, Paris, 2010, pp. 220-221. Sur J. Domat, v. M.-F. RENOUX-ZAGAME, Du droit de Dieu au droit de l’homme, Paris, 2003, pp. 78-153.
3039 J. Verger, Histoire des universités en France, Paris, 1986, pp. 143-197.
3040 Journal des Sçavans, Février 1737, p. 122.
3041 « Le gallicanisme est un des principaux moteurs de l’érudition », comme le dit J. Chiffoleau, « Baluze, les papes et la France », dans J. Boutier (dir.), Etienne Baluze, 1630-1718. Erudition et pouvoir dans l’Europe classique, Limoges, 2008, p. 234, n. 233.
3042 J.-L. Thireau, « L’alliance des lois romaines avec le droit français », dans J. Krynen (dir.), Droit romain, jus civile et droit français, EHDIP, n° 3, 1999, p. 373.
3043 G. Giordanengo, « Jus commune et « droit commun » en France du XIIIème au XVème siècle », dans J. Krynen (dir.), Droit romain, jus civile et droit français, EHDIP, n° 3, 1999, p. 233.
3044 Un exemple parmi d’autres : « Jure communi oblationesparochianorum debenturparocho, quia sustinetpersonam ecclesiae, cap. Pastoralis [X, 3, 10, 9] », Dissertationes, Opera, t. 9, lib. 3, cap. 7, p. 71.
3045 C'est là un trait typique des décrétalistes : « Les multiples références au droit romain qui émaillent les écrits des canonistes au cours de la période classique manifestent un recours trop fréquent au droit romain pour ne pas voir en celui-ci une source du droit canonique lui-même », G. Le Bras, Ch. Lefebvre, J. Rambaud, L’âge classique, 1140-1378. Sources et théorie du droit, HDIEO, t. VII, Paris, 1965, p. 167.
3046 Par exemple, François DE Launay affirmait dans la préface de son Commentaire des Institutes coutumieres de Me Antoine Loisel, Paris, 1688 : « Or, comme ni le Décret ni les Décrétales ne sont point nôtre Droit Commun, il est certain que le Droit Romain, pour précéder dans cette énumération les Canons de l’Eglise et les Constitutions des Papes, ne doit pas avoir plus de part dans cette ordonnance [le Droit Commun de la France] que les Canons Ecclésiastiques et les Constitutions Papales », cité par V. Guizzi, « Il diritto commune in Francia nel XVII secolo. I giuristi alla ricerca di un sistema unitario », Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, vol. 37, 1969, p. 22, n. 45. V. aussi, sur ce juriste, P. Bonin, « La première leçon de droit français à Paris par François de Launay : actualité de l’anti-tribonianisme sous Louis XIV ? », Droit & Cultures, 2010, n° Hors-série, Orient-Occident. L’enseignement du droit, pp. 137-169.
3047 La doctrine commune y est opposée, cf. B. Archaimbaud, Ahbrégé historique de Droit canon, Lyon, 1689, p. 89 : « Les grands differens qu’eut le Pape Boniface huitiéme avec le Roy Philippe le Bel, sont cause que sa Collection n’a jamais eu grande autorité en France. C’est la raison que donne M. de Marca [...], Duarenus dit la même chose ».
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