Titre premier. Une réception transformatrice de la soft law
p. 309-442
Texte intégral
1Il est temps de confronter la soft law au(x) juge(s) : cet aspect n’a été qu’effleuré dans la première partie de la présente étude, qui, nous le rappelons, se situait dans une démarche de réduction et de délimitation de l’objet « soft law ». Ensemble de normes non juridiques, la soft law relève d’une pratique, d’une technique, des autorités administratives, législatives, internationales ou communautaires, et à ce titre, elle n’est pas a priori délimitée par un quelconque régime juridique particulier que l’on déduirait d’une autre attitude, celle d’un juge lors de son contrôle. Il ne s’agissait donc évidemment pas de renverser la logique qui traverse la soft law dans son ensemble : bien souvent, ces normes sont prises précisément pour éviter une quelconque « sanction » juridictionnelle, et leur caractère non obligatoire suppose qu’elles échappent à tout contrôle. Comment en effet sanctionner un comportement à l’aune d’une norme qui n’impose pas d’agir dans un sens déterminé ? Telle est la première évidence qui s’offre à nous : la soft law doit s’émanciper de tout contrôle car sa nature même (i.e. de recommander) ne peut pas constituer un grief (le mot est choisi à dessein) suffisant.
2Toutefois cette première considération, qui sonne comme une évidence, ne doit pas occulter quelque paradoxe. En effet, nous verrons que le juge administratif exclut globalement de son contrôle les actes de soft law. Ce faisant, ce dernier semble respecter la volonté des auteurs de ne pas lier tant leurs destinataires que le contentieux, et paraît alors prendre en considération la nature particulière de la technique recommandatoire. Pourtant, en utilisant des méthodes de contrôle de recevabilité classiques et éprouvées (pour ne pas dire éculées), le juge refuse quelque peu d’attribuer à la soft law une autonomie qui devrait être la sienne. Pis, il assimile les normes recommandatoires à d’autres actes de l’administration, de sorte que les catégories du droit administratif s’en trouvent selon nous affaiblies, et l’essence de la soft law bien malmenée. Si le résultat semble donc valable, le raisonnement pour y parvenir reste largement à parfaire, de sorte qu’in fine, « qu’il s’agisse de ses modalités ou de ses effets, le contrôle juridictionnel de la régulation (...) serait, presque par essence, voué à l’inadaptation »865.
3La rencontre de deux fonctions, celle de juger et de recommander, semble alors en grande partie manquée. Pourtant, dans certaines hypothèses, le juge paraît prendre acte de certains effets de la technique recommandatoire, et, encore un paradoxe, nous verrons que son utilisation grandissante ne va pas sans lui attribuer un large pouvoir d’interprétation. Ainsi le juge utilise parfois la soft law de manière opportune, non sans abandonner les cadres généraux de son contrôle, et lui reconnaît par là une certaine « valeur normative »866. Dans les deux cas, il apparaît clairement que cette réception par les juges de la technique ne va pas sans la modifier en profondeur.
4Nous verrons donc que si le juge refuse principalement la nature particulière de la soft law, il peut accepter ponctuellement certains de ses effets, de sorte que lorsque nous affirmons que la soft law est appréhendée par le juge, il faut y voir un double sens, qui oscille entre une délimitation de son étendue et une maîtrise de ses effets. D’un côté en effet, la réception de la soft law par l’ordre juridique apparaît bien limitée dans la mesure où le juge maîtrise cette dernière (CHAPITRE PREMIER). D’un autre côté, cette appréhension devient toutefois beaucoup plus constructive et transformatrice lorsque le juge saisit la technique afin de sanctionner ses effets au sein de l’ordre juridique (CHAPITRE SECOND).
CHAPITRE PREMIER. UNE RECEPTION MAITRISEE DE LA TECHNIQUE PAR LE JUGE
5Le contentieux de la soft law administrative, et plus précisément celui qui va essentiellement nous intéresser ici, celui des actes de régulation des autorités administratives indépendantes, n’est pas l’objet le plus développé dans la doctrine, loin s’en faut. L’essentiel des efforts de recherche semble en effet s’être dirigé vers le pouvoir de sanction des A.A.I867, ou plus largement de leur pouvoir réglementaire868.
6Il nous semble pourtant que cette question mérite de plus amples développements, en adéquation avec le recours croissant aux instruments innovants précédemment étudiés. Nous avions déjà précédemment pu voir que les juges administratif et constitutionnel voyaient dans l’impératif une ligne de partage efficace entre le « normatif » et le « non normatif »869, de sorte qu’ils contribuaient à évacuer de la soft law les énoncés purement descriptifs (cas des dispositions législatives non normatives) et à la signification impérative (cas des circulaires impératives et de certaines « recommandations »).
7Implicitement, nous avions alors déjà montré que les jurisprudences combinées des deux Conseils contribuaient à délimiter la technique recommandatoire, en prenant acte que le déclaratoire et l’obligatoire n’y participaient pas : la soft law s’entend bien comme un modèle de comportement (une norme) recommandé (non impératif).
8Dans l’entre deux, toute une zone grise s’offre au juge qui doit connaître une flopée d’instrumenta à la forme et à la dénomination variées. Dans ce cadre, il est constant que les juges n’ont pas, eux, fait preuve de la même « inventivité débridée »870 qui caractérise les autorités administratives dans l’emploi de « formules de rechange »871.
9En effet le juge administratif ne change pas une formule qui gagne... à être précisée : l’impératif utilisé en matière de circulaires administratives a été « recyclé » concernant certaines recommandations des A.A.I, et en maintenant une telle « parenté » contentieuse, le contrôle paraît alors maladroit.
10A l’innovation formelle des actes de soft law, le juge administratif oppose un certain conservatisme dans ses méthodes : les cadres généraux du recours pour excès de pouvoir ne sont généralement pas modifiés, qu’il s’agisse d’une recommandation, mais aussi d’une circulaire interprétative, d’une mesure préparatoire, ou d’un « vœu » d’une assemblée délibérante. Partant, la soft law se trouve sous une bannière qui ne porte pas de nom : englobée dans une « zone aveugle » du contentieux de la légalité administrative (SECTION PREMIERE), elle est rangée d’autorité dans la catégorie des actes non décisoires, ce qui confirme que le juge lui nie toute autonomie (SECTION SECONDE).
Section première. LA SOFT LAW, UNE « ZONE AVEUGLE » DE LA LEGALITE
11La technique recommandatoire, telle que nous l’avons définie, semble s’arrêter là où l’office du juge commence. Il est ainsi constant que les véritables recommandations (c’est-à-dire celles dont le contenu correspond à l’apparence donnée par le contenant) sont généralement considérées comme irrecevables à l’excès de pouvoir (Paragraphe premier). Comment en effet excéder les limites d’un pouvoir qui n’en n’est pas vraiment un ? Si la réponse à cette question semble ainsi acquise, c’est la méthode pour y répondre qui étonne le plus : l’irrecevabilité des actes relevant de la soft law se révèle éminemment mouvante et, pour ainsi dire, quelque peu byzantine, de sorte que la réception de la technique par le juge apparaît empirique (Paragraphe second).
§1. L’irrecevabilité des actes recommandatoires
12Nous verrons que, conformément à la logique positiviste qui semble traverser les conceptions dominantes, l’empire du juge administratif ne recouvre pas les actes non prescriptifs des autorités administratives. Cette absence de « juridicité » trouve, en matière de soft law, deux principaux fondements. D’abord, il semblerait que l’absence d’affectation de l’ordonnancement juridique est un point central, même s’il reste à déterminer comment juger cette absence. Le juge va trouver, après quelques hésitations, un socle qui semble traverser l’ensemble de sa jurisprudence : l’impératif juridique, censé représenter la volonté de l’auteur du texte (A). A côté de ce dernier, et de manière complémentaire, le juge administratif justifie cette solution par l’entremise d’un examen (parfois implicite) des compétences reconnues à l’auteur de l’acte recommandatoire contesté. Dans ce cadre, la méthode exégétique recherchant la volonté de l’autorité habilitant l’auteur du texte (le législateur la plupart du temps) constitue un autre fondement à l’irrecevabilité de la soft law (B).
A - Un fondement explicite : l’absence d’affectation de l’ordonnancement juridique par l’auteur du texte
13Le fondement d’exclusion de la technique recommandatoire du recours pour excès de pouvoir a, comme les circulaires administratives, vu ses lignes progressivement bouger, l’absence de modification de l’ordonnancement juridique s’entendant d’abord par un strict respect d’une fonction essentielle de la technique recommandatoire, celle d’interpréter la réglementation en vigueur (1), puis par un examen de la qualité du negotium et de sa signification non impérative (2).
1 - Du caractère purement interprétatif de la recommandation...
14Il convient d’abord ici de préciser que l’éventualité même d’un recours contentieux à l’encontre des actes des A.A.I a pu être sujet à caution depuis le fameux arrêt Retail du Conseil d’État s’agissant des « réponses » du Médiateur de la République, ces dernières n’ayant pas le caractère de décision administrative faisant grief872. Ces quelques hésitations doctrinales se sont toutefois rapidement évaporées tant l’évolution suivante a été « dans le sens d’un contrôle du juge administratif sur la plupart des actes pris par de telles autorités (...) le juge administratif essaie de les soumettre au droit administratif tout en leur faisant perdre, il est vrai, une partie de leur spécificité »873.
15Le traitement contentieux des actes relevant de la soft law « formelle » a aussi le mérite d’avoir été « clarifié » quasiment depuis la création et surtout le développement des autorités administratives indépendantes : le pouvoir de recommandation et d’avis n’est pas contrôlé par le juge administratif.
16En effet une première phase semble voir ces actes refusés par l’entremise de l’absence d’effet juridique, et leur recevabilité dépendait alors essentiellement de leur illégalité. Ainsi en a-t-il été des recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés874, ou de certaines recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Commission des sondages875. Dans toutes ces espèces, c’est bien la nature « interprétative » des actes contestés qui conduit à leur irrecevabilité : en l’absence d’innovation, ou plus généralement de « mauvaise interprétation » de la réglementation, ces recommandations n’affectent pas l’ordonnancement juridique. La même solution a ainsi été appliquée considérant les recommandations de la C.N.I.L., en estimant cette fois qu’elle était recevable en ce qu’elle ajoutait à l’ordonnancement juridique876.
17Partant, l’effet sur leurs destinataires est considéré comme négligeable, voire nul. Ainsi, on considère qu’une recommandation ne peut fixer une règle juridique nouvelle, qui, par exemple, restreindrait le champ d’application de telle ou telle disposition législative. Un « communiqué » du C.S.A. a ainsi été déclaré recevable à l’excès de pouvoir (et annulé pour incompétence, nous y reviendrons plus en avant) en ce qu’il allait au-delà de la simple interprétation de la réglementation en vigueur : en prévoyant que certaines restrictions d’accès à la publicité prévues par une liste limitative dans un décret du 27 mars 1992877 ne devaient pas s’étendre à d’autres activités, telles que les sites internet, le C.S.A. avait donc « fixé une règle juridique nouvelle »878. On pourrait cependant arguer qu’objectivement, le décret de 1992 ne pouvait pas prévoir une intégration dans son champ d’application un secteur qui n’existait pas encore. Le pouvoir d’interprétation de la réglementation est de fait entendu relativement strictement : en l’espèce, une telle « innovation » pouvait se justifier par un vide juridique évident en matière d’interdiction de la publicité, vide apparu au regard des évolutions technologiques. N’est-ce pas là une limitation quelque peu extensive de l’essence même des actes des A.A.I. et, plus généralement, de la technique recommandatoire ? Il nous semble en effet que cette décision est avant tout une invitation faite au pouvoir réglementaire de prendre ses responsabilités, mais n’était-ce pas précisément la fonction des A.A.I. que de prendre en considération la vitesse du progrès technologique, palliant ainsi l’inertie des autorités compétentes ?
18En raisonnant de la sorte, le Conseil d’État rappelle les objections que nous avions pu précédemment émettre : en matière d’interprétation de la réglementation, la soft law, si elle peut parfois être créative, ne peut en aucun cas être à proprement parler créatrice879. En ces cas, c’est bien une simple fonction de rappel de la réglementation qui est tolérée par le juge, qui choisit délibérément de ne pas les intégrer dans son empire, manifestant une forme de résistance de l’ordre juridique à toute émancipation normative. La soft law ne peut ici être porteuse d’une interprétation contra legem, ni même en ces cas praeter legem, quand bien même serait-elle simplement formulée à titre d’invitation ou de proposition, sous peine d’être considérée comme illégale.
19La distinction entre le pur rappel et l’interprétation de la réglementation retrouve ici toute son imprécision : comment juger d’une « bonne » interprétation, c’est-à-dire une interprétation qui apprécie les sens d’une disposition sans en modifier la teneur et la portée ? Il nous semble que cette question amène à des réponses éminemment changeantes au gré des espèces. Aussi, à l’inverse de la décision précédente (et pour des faits très similaires), le Conseil d’État avait-t-il décidé que « la lettre par laquelle le président du CSA s’est borné à commenter les dispositions du 2e alinéa de l’article 2 du décret no 92-280 du 27 mars 1992 selon lesquelles la définition de la publicité télévisée “n’inclut pas les offres directes au public en vue de la vente, de l’achat ou de la location de produits ou en vue de la fourniture de services contre rémunération”, en les rapprochant de celles des articles 18 et 19 de la directive no 89/552/CE du Conseil des communautés européennes du 3 octobre 1998 dite “Télévision sans frontières”, n’édicte aucune réglementation et ne constitue par suite pas une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir »880. En ce dernier cas, il semble bien que ce soit une directive communautaire qui vienne « sauver » la légalité d’une telle « lettre » : la soft law se mue ici en un acte de transposition efficace, qui ne fait pas changer l’état du droit et son ordonnancement (les directives étant bien entendu d’application directe).
20Conservateur dans cette méthode, le juge l’est ici tout autant dans son appréhension de la soft law au regard de l’herméneutique juridique : il est bien le seul interprète authentique reconnu par l’ordre juridique, et la fonction d’interprétation réservée à la technique recommandatoire doit s’entendre relativement strictement, sans doute pour ne pas trop empiéter sur sa « fonction jurisprudentielle »881.
21Enfin, outre son caractère relatif, ce contrôle n’évite pas certaines apories : si c’est bien le caractère décisoire de l’acte en cause qui est recherché, c’est sans doute parce que ce dernier impose une règle nouvelle ou innovante, de sorte que le simple rappel de dispositions obligatoires serait, lui, non obligatoire. Drôle de paradoxe qui considère que réitérer une norme ne serait pas, par nature, constitutif d’une norme (hormis le cas d’une réitération d’une norme illégale). Prenant acte de ces considérations, le juge administratif a fait évoluer son contrôle : l’« innovation » ne sera dès lors envisagée que sous l’angle de la légalité et non de la recevabilité.
2 - ... au caractère non impératif de la proposition normative
22Une première précision s’impose d’emblée : ce critère dégagé progressivement par le juge n’apparaît qu’a contrario. En effet, certaines recommandations ont été déclarées recevables sur le fondement de leur caractère impératif, ce qui implique qu’une formulation purement déclarative, invitative, incitative voire descriptive, est un obstacle dirimant à tout contrôle du juge.
23Dès les années 1990, et donc de manière concomitante aux jurisprudences précitées, le juge administratif a pu introduire dans ses décisions certaines formules qui laissent présager un contrôle qui combinerait l’examen de la qualité de l’interprétation portée par l’acte considéré et la teneur impérative de son contenu. Cette combinaison apparaît assez clairement dans l’arrêt La cinq concernant une « note de terminologie » de la Commission nationale de la communication et des libertés (ex C.S.A.) : « Considérant que si, pour définir la notion d’œuvre audiovisuelle pour la mise en œuvre des décrets pris en application de la loi du 30 septembre 1986, la commission s’est bornée à interpréter la loi en n’incluant pas les œuvres cinématographiques dans cette définition, elle a, en revanche, restreint, par une disposition de caractère impératif et général, la portée de cette notion en décidant que seuls présentent le caractère d’œuvres audiovisuelles, les fictions télévisuelles et les documentaires ; qu’en écartant ainsi des programmes qui, tout en n’appartenant pas aux deux genres susmentionnés, contiendraient une part de création qui permette de les regarder comme une œuvre audiovisuelle, la commission ne s’est pas bornée à interpréter les dispositions de la loi susvisée, mais a fixé des règles nouvelles »882. Il convient de noter ici que cette combinaison laisse quelque peu perplexe, notamment l’articulation entre la recevabilité et la légalité de la requête. Il semblerait donc que la teneur impérative permette d’envisager cette recommandation comme une décision faisant grief – ce que souligne l’expression « en décidant » – ouvrant de facto à son contrôle, et que la « mauvaise interprétation » serve à apprécier sa légalité : le juge se rapproche alors ici de sa jurisprudence en matière de circulaire administrative, qui pourtant ne sera inaugurée en cette matière que douze ans plus tard par l’arrêt Duvignères883 ! L’innovation normative est en effet ici envisagée sous condition : sans le filtre contentieux de l’impérativité, le dépassement de la fonction d’interprétation par la fixation de règles nouvelles ne serait pas nécessairement envisagé par le juge.
24Cette ligne jurisprudentielle s’est affinée postérieurement à l’arrêt Duvignères. Ainsi les recommandations de bonne pratique de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de santé884 (prises sur le fondement de l’article L. 1111-9 du code la de la santé publique885) sont a priori exclues du recours pour excès de pouvoir en ce qu’elles visent « normalement à donner aux professionnels et établissements de santé des indications et orientations pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’accès des patients aux informations médicales, [ainsi elles] n’ont pas en principe, même après leur homologation par le ministre chargé de la santé, le caractère de décision faisant grief »886. Toutefois, elles doivent être « regardées comme ayant un tel caractère, tout comme le refus de les retirer, lorsqu’elles sont rédigées de façon impérative »887. L’impératif s’envisagerait alors de manière empirique, par une analyse du style rédactionnel, permettant d’atténuer une nature non décisoire de principe. Ce dernier prime d’ailleurs sur une éventuelle homologation du ministre de la santé, qui aurait pu constituer une forme de réception par l’ordre juridique : si tel est le cas, ce « label » apposé par une autorité ne suffit pas à faire de la recommandation une décision faisant grief.
25Par la suite, la même jurisprudence a été appliquée aux recommandations de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité fondées sur l’article 11 de la loi du 30 décembre 2004888. Dans cette affaire, le Conseil d’État considère « qu’il résulte de ces dispositions que lorsqu’elle émet des recommandations sans faire usage de la possibilité dont elle dispose de leur assurer une publicité particulière, la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité n’énonce pas, en principe, des règles qui s’imposeraient aux personnes privées ou aux autorités publiques, mais recommande aux personnes concernées les mesures qui lui semblent de nature à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement ; que, par suite, ces recommandations ne constituent pas, par elles-mêmes, des décisions administratives susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’il en irait, en revanche, différemment de recommandations de portée générale, qui seraient rédigées de façon impérative »889. La lecture de ce considérant est particulièrement éclairante. D’abord, le juge administratif distingue assez nettement les « règles qui s’imposeraient »890 des « mesures » qu’une autorité « recommande ». La technique recommandatoire, nous l’avons dit, propose un modèle de comportement, celle-ci n’a pas comme fonction d’imposer. Il en irait cependant autrement dans l’hypothèse où le negotium serait rédigé de manière impérative de sorte qu’en ce cas, l’instrumentum concerné change de nature et de fonction et devient à proprement parler une décision faisant grief. Ensuite, cet arrêt confirme que cette dernière hypothèse n’est qu’une éventualité (d’ailleurs figurée ici par un obiter dictum) : en principe, une recommandation... recommande (ceci sonne comme une évidence, déjà évoquée dans notre première partie, mais encore fallait-il pour le juge préciser qu’en l’espèce il s’agissait bien de véritables « recommandations », et non de décisions déguisées, informalisme toujours...).
26En l’espèce, la recommandation de la H.A.L.D.E. n’a pas été déclarée recevable, ce qui sous-entendrait qu’elle n’était pas rédigée de façon impérative. Cependant, le considérant suivant obscurcit quelque peu le raisonnement, en décidant « que le simple rappel par la haute autorité de la possibilité ouverte aux parties par l’article 13 de la loi du 30 décembre 2004 de demander aux juridictions civiles, pénales ou administratives, lorsqu’elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, de l’inviter à présenter des observations ne saurait être regardé comme présentant le caractère d’une décision faisant grief »891. Un « simple rappel » de la réglementation n’est donc pas impératif, mais n’était-ce pas censé être là une question de légalité et non de recevabilité ? Quel intérêt y a-t-il alors de distinguer la qualité de l’interprétation (ou du rappel) de la nature impérative d’une recommandation ? C’est encore une question qui peine à trouver une réponse satisfaisante. Tout au plus pourrions-nous avancer une hypothèse : ce que démontreraient ces solutions c’est que certains actes des A.A.I peuvent être le cas échéant impératifs (et donc recevables) malgré une nature recommandatoire. Inversement, d’autres actes seraient exclus par principe du recours pour excès de pouvoir par la volonté du législateur habilitant leur auteur.
B - Un fondement implicite : la volonté de l’autorité habilitante
27Ce deuxième fondement est pris isolément, c’est-à-dire sans recours supplémentaire à un examen du degré d’affectation de l’ordonnancement juridique. En ces cas, et pour certaines autorités seulement, le juge administratif estime implicitement que leurs recommandations ne pourront jamais être envisagées comme des décisions administratives, fussent-elles rédigées de manière impérative. Ces jurisprudences combinent alors une appréciation stricte de la volonté du législateur (1), et prennent partiellement en considération la « force illocutoire » des recommandations (2).
1 - Une interprétation stricte de la volonté du législateur
28Dans certaines hypothèses, le juge exclut de son contrôle les actes non par un examen de leur rédaction impérative, mais par une appréciation des « compétences reconnues à l’auteur de l’acte »892.
29C’est notamment leur nature purement « consultative »893 qui implique que les actes pris ne peuvent pas faire grief894. Ainsi, dans l’arrêt S.A. Laboratoire Goupil, le Conseil d’État estime qu’un avis de la Commission de sécurité des consommateurs (C.S.C.) ne fait pas grief au titre que la proposition est « formulée dans le cadre de compétences exclusivement consultatives de la Commission (...) alors même qu’elle est rendue publique avec le rapport de la Commission »895. La nature purement consultative d’une autorité proviendrait ainsi notamment d’une absence de pouvoirs contraignants (i.e. d’un pouvoir décisionnel) et plus précisément de toute forme de compétences coercitives. En effet l’article L. 534-5 du code de la consommation dispose que « la Commission est chargée d’émettre des avis et de proposer toute mesure de nature à améliorer la prévention des risques en matière de sécurité des produits ou des services », et rien n’est précisé quant à un éventuel pouvoir de décision, de sanction ou de mise en demeure : la C.S.C. a avant tout un rôle d’information. Pourtant, on aurait pu considérer, dans une acception volontairement large, que le pouvoir de publier certaines recommandations peut parfois faire office de « sanction », en ce qu’elles mettraient en lumière des comportements entraînant des risques pour les consommateurs. L’article L. 534-8 du code de la consommation dispose ainsi que la C.S.C. assure « la diffusion des informations, avis et recommandations qu’elle estime nécessaires de porter à la connaissance du public ». Un examen rapide du site internet de l’autorité en question laisse pourtant quelque peu perplexe sur cette position de principe. En effet, les « avis-recommandations » de la C.S.C, particulièrement documentés et faisant état des avancées de la science dans des domaines très techniques, se concluent souvent (pour ne pas dire toujours) par un « dispositif recommandatoire », adressé non seulement aux pouvoirs publics, mais aussi aux particuliers et aux fabricants896. Certes, ces recommandations viennent couronner le rappel de la réglementation et l’état des connaissances scientifiques dans telle ou telle matière, mais, la plupart du temps, elles n’innovent pas. Que ferait cependant le juge administratif si c’était le cas ? Force est de constater qu’il n’envisagerait pas de déclarer que tels « avis » sont recevables à l’excès de pouvoir : il s’agit bien d’une exégèse particulièrement stricte de la volonté du législateur et l’absence de pouvoir décisionnel octroyé à la C.S.C. semble être une variable d’ajustement, surtout si on compare cette situation avec la jurisprudence précitée concernant la H.A.L.D.E. Cette dernière dispose en effet de tout un panel de mesures plus ou moins coercitives afin d’exercer ses missions (pouvoirs d’enquête, de mise en demeure, de médiation, de transaction et de saisine de l’autorité judiciaire, ces dernières compétences soulignant bien la gradation dans la contrainte897). Toutes choses étant égales par ailleurs, les compétences coercitives de ces dernières augmentent le degré du contrôle opéré : au-delà des compétences reconnues par les textes, ces recommandations peuvent être impératives, dans la mesure où un pouvoir de sanction, même indirect, existe.
30La même ligne jurisprudentielle s’applique aux autres commissions composant l’Institut National de la Consommation898, notamment concernant la Commission des Clauses Abusives (C.C.A.). Dans un arrêt Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, le Conseil d’Etat, après avoir examiné les compétences octroyées à la commission899, estime que « lorsqu’elle émet des recommandations, [cette dernière] n’édicte pas des règles qui s’imposeraient aux particuliers ou aux autorités publiques, mais se borne à inviter les professionnels concernés à supprimer ou modifier les clauses dont elle estime qu’elles présentent un caractère abusif »900. Ce considérant rappelle bien entendu celui posé dans la décision Société éditions Tissot en ce qu’il distingue les « règles qui s’imposent » de l’« invitation » (c’est-à-dire peu ou prou, la « recommandation »), mais les juges du Palais Royal n’envisagent pas par la suite l’éventualité d’une rédaction impérative, soulignant indirectement que cette hypothèse ne peut pas se réaliser. L’absence d’un pouvoir de sanction semble encore une fois important, le code de la consommation donnant les mêmes compétences d’avis à la C.S.C et à la C.C.A., à ceci près que le pouvoir de publicité offerte à cette dernière est encore plus réduit puisque « les informations, avis et recommandations diffusées par la commission (...) ne peuvent contenir aucune indication de nature à permettre l’identification de situations individuelles »901.
31Ces deux jurisprudences combinées montrent bien que le contrôle du juge se veut objectif. Cependant, faire ainsi parler la volonté de l’autorité habilitante ne va pas parfois sans lui faire dire ce qu’il veut, de sorte que le juge modifierait le sens du texte « par une fixation de sa force »902.
2 - Une solution prenant en compte partiellement la force illocutoire des recommandations
32Ces jurisprudences relatives à la C.S.C. et à la C.C.A. nous indiquent que les deux fondements à l’exclusion de la soft law du contentieux de l’excès de pouvoir ne sont pas contradictoires. Ainsi, si nous séparons formellement les deux contrôles (celui qui s’attache à l’impérativité et celui qui examine les compétences attribuées), c’est uniquement dans un souci pédagogique, souci qui insiste avant tout sur l’existence d’un traitement différencié entre les sources de la soft law, suivant les pouvoirs reconnus à ses auteurs.
33En effet, d’une manière ou d’une autre, le juge administratif se fonde d’abord, et c’est bien naturel, sur un examen des textes habilitant les autorités auteurs de l’acte contesté. Le cas échéant, il poussera plus en avant sa démarche en permettant que certains instruments par nature irrecevables voient leur légalité contestée : le critère de l’impérativité est alors un outil puissant pour le juge afin d’étendre son empire, même s’il se révèle bien insaisissable.
34En se limitant parfois à un examen des éléments extérieurs à l’acte contesté, M. COLLET relève à juste titre qu’en ces cas le juge « renvoie donc au rédacteur du texte, le législateur le plus souvent, la paternité du caractère non contraignant : l’acte n’est pas décisoire et il ne peut en aucun cas l’être, au regard des textes »903. Ce faisant, le juge prend en considération la qualité de l’autorité qui est l’auteur de l’acte contesté et semble ainsi envisager une force qui serait indépendante du sens même de l’énoncé. En l’absence de pouvoir de sanction, et dans le cadre de compétences purement consultatives, les instruments pris seraient frappés d’une sorte d’infirmité normative. A l’inverse, d’autres autorités verraient leurs actes potentiellement normatifs, suivant le degré d’obligation qu’ils imposent : ici, le « test d’impérativité » retrouve sa place pour des organes qui de fait, mériteraient plus amplement leur qualification d’« autorité administrative indépendante »904. La « force illocutoire »905 de la norme se manifeste ainsi par l’existence de sanctions, qui sont parfois indirectes : une recommandation du C.S.A. verra sa force appuyée par l’existence d’un réel pouvoir dévolu à cette autorité (d’attribuer ou de retirer des fréquences, de mettre en demeure tel ou tel opérateur...)906.
35Les compétences reconnues par le législateur seraient alors déterminantes, à côté de l’impératif, dans une certaine objectivation du contrôle de la recevabilité. La détermination de la nature des recommandations en cause ne serait donc plus recherchée dans les effets sur les destinataires mais plutôt dans la volonté du législateur dont l’étendue de l’habilitation détermine la force imprimée aux actes qui seront pris par l’organe habilité. Ainsi seules certaines recommandations peuvent être impératives : celles par exemple qui émanent d’autorités disposant d’un pouvoir de sanction (« force illocutoire » partiellement reconnue et « sanctionnabilité » indirecte du comportement méconnaissant la « recommandation »). D’autres ne le peuvent pas : soit parce que cette éventualité porterait atteinte à certains principes (en matière médicale par exemple, car cela irait à l’encontre de la liberté de prescription des médecins, et plus généralement du principe d’indépendance professionnelle garanti par l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale907) soit parce qu’elles ne revêtent pas une gravité suffisante à l’égard de leurs destinataires, car émanant d’autorités dépourvues de toute compétence à proprement parler « juridique ». Se rangeant derrière la volonté du législateur habilitant ces autorités, le juge conduit ainsi à penser qu’une recommandation ne peut pas, ab initio, revêtir une force obligatoire. C’est alors à lui de déterminer au cas par cas si tel ou tel acte peut-être impératif, ce qui lui laisse un pouvoir important dans la maîtrise de ses catégories juridiques mais n’a pas vraiment le mérite de la clarté.
36Certes le juge donne indirectement des indications sur ce qu’il entend par « impératif » : si les avis de la C.S.C. ne peuvent pas revêtir une telle force, c’est bien parce que l’absence de mécanisme sanctionnant l’obligation semble dirimante, de sorte que l’équation positiviste serait confirmée : sanction équivaut à impératif qui équivaut à obligation.
37Pour autant, il nous semble que le juge administratif propose une vision quelque peu réductrice de cette « force illocutoire ». En effet, il est constant que les avis précités de la C.S.C., « publiés » sur le site internet de l’autorité pourraient parfaitement être vus comme des instruments affectant la situation des destinataires. Certes, la C.S.C. ne dispose pas de mécanismes permettant de « réenforcer » (« reinforcement » en anglais) leurs recommandations mais il est constant que leur expertise et la forme particulière de publicité qui leur est réservée est déjà un élément constitutif d’un grief suffisant. L’abandon de toute intégration des effets inhérents à la soft law dans le cadre du contrôle de l’excès de pouvoir est alors sujet à caution.
38Enfin, cette double articulation du contrôle de la recevabilité de la soft law ne va pas sans quelques interrogations : le cadre général des méthodes du juge administratif étant posé, il convient maintenant d’en exposer les nombreuses limites.
§2. Une irrecevabilité aux fondements mouvants : des requalifications opportunes
39L’exclusion de la soft law du champ de l’excès de pouvoir repose en réalité sur des fondements bien peu solides. Si les deux voies de fermeture à l’excès de pouvoir apparaissent la plupart du temps assez clairement, il est des cas où c’est l’opportunité qui semble avant tout guider l’attitude du Conseil d’État. A cet égard, les défauts reconnus au « sésame »908 de l’impérativité resurgissent, ce dernier se montrant particulièrement difficile à cerner, car hésitant entre une approche purement sémantique et pragmatique (l’impératif dit « déontique ») et une approche beaucoup plus abstraite de l’impérativité. Tout repose alors sur deux aspects pour le juge : d’un côté, il s’agit d’objectiver le plus possible son contrôle de la recevabilité, sans laisser paraître qu’une telle ambition le condamne irrémédiablement à une démarche empirique qui variera en fonction de l’acte contesté (A). D’un autre côté, il s’agit de ne pas laisser une vaste « zone de non droit » en dehors de la légalité administrative : l’opportunité devient une volonté qui voit l’empire du juge s’étendre dans un phénomène d’« impérativisation » de la soft law (B).
A - Entre « impératif déontique » et force obligatoire de principe : l’empirisme du juge
40Les ambivalences du critère de l’impérativité, déjà pointées en matière de circulaires administratives dans notre première partie, retrouvent toute leur pertinence en matière d’instruments relevant de la soft law (1). A ce titre, un examen complet des jurisprudences relatives aux recommandations du C.S.A. est particulièrement éloquent et témoigne d’une hésitation permanente entre les fondements de l’impérativité de certaines recommandations (2).
1 - Une distinction délicate en pratique : les ambivalences du critère impératif
41Une première analyse de la jurisprudence administrative récente révèle qu’un examen essentiellement déontique des actes est maintenant réalisé. La recherche de la volonté de l’auteur de l’acte d’obliger ses destinataires serait en matière de soft law principalement concrétisée par une analyse sémantique desdites recommandations : les décisions C.N.O.M. et Société éditions Tissot sont assez claires lorsqu’elles disposent que les recommandations « rédigées de manière impérative » sont recevables à l’excès de pouvoir.
42La présence de « foncteurs déontiques » repris dans le considérant du juge implique qu’il privilégie bien une approche objective de l’impérativité, et donc, de l’« obligatoireté ». La volonté de l’auteur n’est plus recherchée ici dans les effets éventuels sur les destinataires, ce qui accréditerait l’idée selon laquelle le Conseil d’État n’ose même pas envisager cette éventualité. En se limitant ainsi à une « analyse lexicologique de l’acte, en appréciant – derrière “l’étiquetage” de l’acte (...) sa formulation, le ton employé, les verbes retenus, en somme les “termes mêmes” prononcés »909 ces solutions amènent à considérer que toute autre recommandation formulée de manière un peu plus prudente se verrait immédiatement exclue du recours pour excès de pouvoir. Voilà une belle invitation faite aux autorités administratives indépendantes pour émailler leurs recommandations de règles illégales sous couvert d’invitations à adopter certains comportements ! Si objectiver à outrance le critère de l’impérativité a surtout le mérite d’éviter de rechercher la volonté dans un quelconque sentiment psychologique, il implique que la « zone aveugle » du contentieux créée puisse virtuellement concerner tous les actes relevant de la soft law.
43Toutefois il faut se garder ici de considérer que seul un impératif « déontique » est examiné par le juge, tant il est constant que les remarques concernant T impératif-interprétatif en matière de circulaire s’appliquent en matière de soft law. Ainsi le prisme de l’impérativité est aussi un élément dirimant dans l’appréhension du concept dans la mesure où il se révèle particulièrement polymorphe et changeant. L’analyse de la jurisprudence concernant les circulaires impératives laisse place en effet à une multitude d’interprétations sur l’appréciation qu’en fait le juge administratif. G. KOUBI distingue ainsi « formulation impérative » et « qualité impérative » : « un ton impératif n’induit pas automatiquement une disposition impérative ; des dispositions impératives peuvent se dissimuler sous des formules allusives »910. Si « l’intention prescriptive apparaît [être] au fondement du critère de l’impérativité »911 et formalisée par le caractère « déontique » de l’énoncé, il arrive ainsi que le juge voie « un caractère impératif dans les dispositions de circulaires clairement permissives, sans rechercher, comme précédemment, un élément d’impérativité déontique qui graviterait autour de la faculté ouverte et constituerait une accroche à la qualification de circulaire impérative. Autrement dit, la circulaire à contenu permissif, en soi, est reconnue impérative »912. Plus loin qu’une simple acceptation de dispositions permissives (par ailleurs généralement considérées comme faisant partie des « foncteurs déontiques »913), d’autres formulations clairement recommandatoires ont pu être requalifiées. L’arrêt C.N.O.M. en est l’exemple le plus frappant, en l’absence d’une véritable justification du juge du caractère impératif de la recommandation contestée. En effet, on a pu constater que « la seule analyse de la tonalité générale du texte aurait pu être trompeuse : l’utilisation fréquente de la locution “il est recommandé de...” aurait pu masquer la véritable nature de certaines propositions. Mais le Conseil d’État procède à un véritable travail d’échenillage afin d’extraire du texte celles des phrases qui sont impératives. Il ne livre toutefois pas les clés lui permettant de parvenir à cette conclusion »914. La lecture de l’arrêt montre en effet clairement que le champ lexical employé n’appartenait pas ab initio au registre du commandement et de la prescription : « Considérant qu’aux termes du troisième alinéa du IV des recommandations de bonnes pratiques homologuées par l’arrêté attaqué : “Les informations de santé peuvent être communiquées à une personne mandatée par le patient, par ses représentants légaux (s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur sous tutelle) ou par ses ayants droit en cas de décès, dès lors que la personne dispose d’un mandat exprès et peut justifier de son identité. (...) Il est recommandé de rappeler au mandant le caractère personnel des informations qui seront communiquées à la personne mandatée” ; qu’eu égard à la nature impérative des deux premières phrases de cet alinéa, ces dispositions sont susceptibles d’être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir »915. Nul besoin d’insister sur le fait que le juge n’est pas vraiment loquace sur ce qui a fait basculer cette recommandation dans le monde de la décision. Si la logique déontique n’est pas déterminante, c’est donc bien qu’il existerait un impératif in abstracto, une force obligatoire de principe pour certaines recommandations, défini par un ensemble d’indices objectifs ou subjectifs. Pourtant, dans ce cas, ce n’est pas l’existence d’un pouvoir de sanction qui a pu justifier une telle solution, l’A.N.A.E.S. n’en possède pas stricto sensu.
44Devant toutes ces incertitudes, l’intérêt du critère utilisé pour les circulaires administratives, recyclé en matière d’actes de soft law, serait alors simplement d’« ordre procédural » et « la vérification de la “bonne qualité” de l’interprétation proposée des textes applicables demeure l’axe principal du contrôle exercé (...) Une distinction moins sophistiquée qui refoule l’évaluation des degrés et des nuances de l’impérativité d’une disposition interprétative serait alors plus adaptée. Elle conduirait à signifier que le relevé du caractère “impératif” (...) autorise l’examen du contenu de la circulaire et l’étude de sa teneur, qu’il suppose le contrôle de sa légalité »916.
45A une conception formelle de l’impérativité, on devrait donc préférer une conception matérielle fondée sur d’autres éléments objectifs (tels que l’analyse de la légalité externe de ces actes, et le respect de la hiérarchie des normes). Un arrêt du Conseil d’État postérieur à l’avènement de la jurisprudence Duvignères concernant une « note » du C.S.A. semble confirmer cette dernière remarque : « Considérant que, dans la note qu’il a établie à l’occasion de la présentation qu’il a faite de sa recommandation, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est borné, sans fixer de règles nouvelles de caractère impératif à commenter les dispositions de sa recommandation et à donner des indications relatives aux modalités de sa mise en œuvre ; qu’ainsi, cette note de présentation n’a pas le caractère d’un acte faisant grief »917. L’absence d’impérativité semblerait déterminée ici par la formulation d’une « bonne » interprétation qui ne s’impose pas à ces destinataires, de sorte que légalité et recevabilité seraient de nouveau confondues.
46Face à ces difficultés, l’articulation entre l’appréciation de la volonté de l’auteur de la recommandation (formalisée par ses termes) et la prise en compte de la volonté de l’autorité habilitant l’auteur reste bien difficile à systématiser. La jurisprudence relative au pouvoir de recommandation du C.S.A reste l’exemple le plus probant de cette incertitude.
2 - L’illustration des « recommandations » du C.S.A.
47L’exemple est à notre sens topique de l’empirisme du juge lorsqu’il s’agit de donner des fondements à l’irrecevabilité de principe de la soft law. Plusieurs arrêts du Conseil d’Etat semblent ainsi quelque peu contradictoires918 (1). Au-delà de la simple illustration de nos propos précédents, il s’agit surtout de montrer qu’un tel empirisme entraîne des conséquences plus générales. Certaines interprétations doctrinales des solutions données par le juge administratif conduiraient à penser qu’une voie de recours particulière est ouverte à la soft law, l’exception d’illégalité tirée d’un recours administratif préalable. En réalité, et nous l’affirmons avec force, le refus de recommander n’est en aucun cas, en l’état actuel de la jurisprudence, ouvert au recours pour excès de pouvoir (b).
a - La cause : des jurisprudences éparses et parfois contradictoires
48Il convient de préciser d’abord que le C.S.A. dispose d’un large pouvoir de recommandation919. Outre l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée920, qui est la « matrice » de ce pouvoir afin de faire respecter les obligations conférées par ladite loi, l’autorité dispose de la possibilité de prendre des recommandations « sectorielles », telles qu’en matière de contrôle de la publicité921, de campagnes électorales922 ou encore pour le développement de la concurrence923. Dans le silence du législateur, la nature de ces recommandations (parfois dénommées “délibérations”, notamment sur le site internet du C.S.A.) a progressivement été dégagée par les jurisprudences combinées du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat. C’est d’abord en matière de respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinions que le premier s’est prononcé, concernant son ancêtre, la C.N.C.L.924 : « Considérant qu’en sus des règles ainsi énoncées, l’article 13 de la loi dispose, dans son premier alinéa, que “La Commission nationale de la communication et des libertés veille par ses recommandations au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des sociétés nationales de programme et notamment pour les émissions d’information politique” ; que ces dispositions impliquent que la commission est tenue d’exercer la mission qui lui est confiée par la loi et que les recommandations qu’elle prend à cet effet revêtent un caractère obligatoire et peuvent, tout comme d’ailleurs le refus par la commission de faire usage des pouvoirs qu’elle tient de la loi, être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir »925. La démarche guidant le Conseil constitutionnel est claire : c’est bien un examen in abstracto de la volonté du législateur qui a présidé à une telle solution, conférant au passage à la liberté de communication un « nouveau statut »926. Cependant le juge dépasse le sens des mots : recommandation vaut en effet ici décision. La force obligatoire de telles recommandations découlerait alors de la valeur de la mission à assurer : le pluralisme des courants de pensées et d’opinions est un objectif à valeur constitutionnelle927. Ainsi « la force contraignante ne dérive pas, juridiquement, de l’intention du législateur, mais bien plutôt de celle du constituant, auquel est imputé par fiction (...) la paternité d’un ensemble d’intentions normatives, écrites mais aussi non écrites, agrégé en un bloc de constitutionnalité [de sorte que] le législateur n’aurait pas pu vouloir autre chose, sans porter atteinte à la Constitution »928. A cette date, les recommandations de la C.N.C.L. en matière de pluralisme des courants de pensée et d’opinions sont, par l’effet erga omnes des décisions du Conseil, des décisions faisant grief.
49Même solution mais démonstration différente pour le Conseil d’Etat qui avais admis un an auparavant la recevabilité d’une recommandation de la Haute Autorité (l’ancêtre de la C.N.C.L.) sur un autre fondement, clairement manifesté ici par le fait qu’elle avait « “décidé” qu’à la suite de chaque intervention du Premier ministre, les formations politiques de l’opposition d’une part et de la majorité d’autre part “doivent disposer”, à la même heure (...) d’une émission d’un quart d’heure »929. L’utilisation de « fondeurs déontiques » témoigne cette fois de l’entremise d’une force obligatoire in concreto, les termes de la recommandation imposant des obligations. Pourtant le Commissaire du gouvernement avait dans ses conclusions opté en premier lieu pour un raisonnement plus objectif, en examinant la volonté du législateur habilitant et non celle de l’autorité qui prend l’instrument afin d’établir cette nature décisoire : « il résulte des travaux préparatoires [de la loi du 29 juillet 1982] que la recommandation a une force réellement contraignante. Les termes mêmes de la loi interdisent d’établir une différence tranchée entre recommandation et décision ; l’article 26 les déclare toutes deux “exécutoires” et permet de les assortir toutes deux d’injonctions ; il précise surtout que leur méconnaissance constitue un “manquement”. La recommandation n’est donc pas le simple “conseil” qu’indique la Haute autorité dans ses observations. Elle a un caractère obligatoire pour son destinataire »930. Pour autant, face aux arguments en défense de la Haute autorité, qui concédait avoir utilisé dans sa recommandation l’expression « décide » (mais qu’il fallait y entendre « décide de recommander »...) le Commissaire du gouvernement invitait le Conseil d’État à examiner en second lieu le contenu de l’instrument contesté, le champ lexical employé (notamment l’utilisation répétée des termes « décide » ou « règle »), et le degré de précision des normes ainsi posées.
50Par la suite, le Conseil d’État allé être amené à préciser l’articulation de ces deux approches. Dans une décision du 18 décembre 2002 Association promouvoir931, le Conseil d’État admettait la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’une décision implicite de rejet, suite à une demande faite au C.S.A. de prendre une recommandation afin que les sociétés du service public audiovisuel respectent les principes d’impartialité et de pluralisme garantis par loi du 30 septembre 1986. Rendu le même jour que l’arrêt Duvignères, on pouvait s’imaginer que le Conseil d’État allait faire de l’impérativité le critère essentiel de la recevabilité du recours. Pourtant, c’est bien l’existence d’un pouvoir de sanction indirect qui semble avoir été déterminant : « En vertu de l’article 48-1 de la même loi, le CSA peut en outre mettre en demeure ces sociétés de respecter lesdits principes et, si elles ne se conforment pas à cette mise en demeure, il peut prononcer à leur encontre des sanctions telles que la suspension d’une partie de leurs programmes ou le paiement d’une somme pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires annuel (article 48-2). Le commissaire du gouvernement voyait dans ces dispositions “un maillage suffisamment serré pour pouvoir dire que le fait, pour une société de l’audiovisuel public, de ne pas se conformer à une recommandation émise en application de l’article 1er n’aurait pas des conséquences purement platoniques et pourrait exposer cette société à des sanctions”. La recommandation en cause ferait donc grief. Partant, le refus de prendre une telle recommandation, opposé à la demande de l’association Promouvoir, faisait lui-même grief »932. Ainsi donc une potentielle mise en demeure prise suite à un hypothétique non respect d’une recommandation conduisant à une éventuelle sanction par le C.S.A. a suffit à considérer que le recours était recevable : le Conseil d’Etat, préférant l’uchronie à l’objectivité de la solution dégagée par le Conseil constitutionnel933, rappelle que la gradation des moyens d’action des A.A.I. est éminemment fictive. Le choix discrétionnaire d’agir d’abord de manière informelle se trouverait ainsi limité par l’immanence du pouvoir de sanction attribué au C.S.A. afin de faire respecter ses missions. Enfin, en fondant ainsi le caractère obligatoire d’une recommandation sur son caractère éventuellement contraignant, le Conseil d’État démontre que la soft law s’arrête là où la contrainte et l’obligation commencent : il opère ici un véritable changement de nature de l’acte considéré.
51Cette solution qui fonde le caractère décisoire des recommandations du C.S.A. par l’existence d’un pouvoir de sanction a été confirmée par le Conseil d’État934, qui accepte ce faisant de contrôler la légalité externe de l’acte contesté, pour finalement considérer que le C.S.A. n’avait pas procédé à une mauvaise interprétation de la réglementation935. Pourtant l’interprétation proposée semblait très peu éloignée de celle contenue dans un « communiqué » du C.S.A. qui, lui, avait été annulé du fait du caractère innovant de la règle ainsi posée936. Les « recommandations-décisions » de l’autorité peuvent donc proposer une interprétation beaucoup plus extensive que celle contenue dans un « communiqué », semblant appuyer la nature réglementaire de tels instruments : on comprendrait mal qu’un acte relevant de la soft law recommande légalement des normes équivalentes à celles prescrites par une décision administrative.
52Cette force obligatoire de principe a par la suite été reprise concernant d’autres recommandations « instituées » du C.S.A., telles que celles prises sur le fondement de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (protection de l’enfance et de l’adolescence). Se fondant une nouvelle fois sur l’habilitation législative, le Conseil ne fait cependant pas ici une quelconque référence à son pouvoir de sanction (article 42-1), mais le champ lexical employé par lui appartient bien au monde de la décision exécutoire : « Considérant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel tient de la combinaison de ces dispositions législatives compétence pour édicter par la voie de recommandation adressée aux éditeurs et distributeurs de programmes réservés à un public adulte averti, des prescriptions relatives aux modalités de diffusion de ces pro grammes de nature à empêcher les mineurs d’être en mesure de les voir ou les entendre ; que par suite le moyen tiré de ce que le pouvoir ainsi conféré par la loi au Conseil supérieur de l’audiovisuel porterait atteinte à la compétence réservée au législateur pour déterminer des principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales par l’article 34 de la Constitution est, en tout état de cause, inopérant »937.
53Enfin, dans un arrêt de principe plus récent concernant le temps de parole du Président de la République (et donc ici aussi le respect du pluralisme), le Conseil d’État admet encore une fois la recevabilité du recours dirigé contre une décision de refus de modifier une délibération du C.S.A.938. Le Rapporteur public Ch. de SALINS semblait alors fonder la recevabilité d’un tel recours à la fois sur la formulation impérative de la recommandation initiale939, sur l’existence d’un pouvoir de sanction940 octroyé au C.S.A, confirmant que les deux fondements peuvent encore être confondus. Le Conseil d’État, dans le corps de son arrêt, n’envisage pas formellement la question de la recevabilité, et pour cause, cette question avait été tranchée par la décision Association Promouvoir.
54Ainsi donc par principe, que cela soit fondé sur la volonté du législateur ou du constituant - et donc, en ces cas, de manière abstraite – les recommandations du C.S.A. instituées par la loi du 30 septembre 1986 modifiée en matière de pluralisme (articles 1er, 3-1, 13 et 16) et de protection de l’enfance et de l’adolescence (article 1er et 15) sont bien des décisions faisant grief, alors que les autres instruments pris de manière spontanée (tels que les « lettres » et autres « communiqués ») appartiennent à la soft law et voient leur recevabilité soumise à un examen de leur contenu (qu’il soit innovatoire ou impératif). C’est ce que souligne L. DEREPAS, lorsqu’il généralise cette distinction à tous les actes généraux pris par des A.A.I. Identifiant deux catégories d’actes, il considère ainsi que la première d’entres elles « est celle des décisions qui, sous couvert de l’appellation de “recommandations”, ont en réalité en vertu d’un texte législatif un caractère contraignant et s’imposent à leurs destinataires : telle était la nature des recommandations édictées par l’ancienne Haute autorité de la communication audiovisuelle sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 29 juillet 1982 (...) telle est celle des recommandations du CSA prises sur le fondement de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 »941. C’est ce que nous démontre enfin avec éclat l’arrêt Hoffer du 13 mai 2005942 qui, successivement, examine directement la légalité d’une « recommandation » du C.S.A. prise sur le fondement de l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986943 puis la recevabilité d’une « note de présentation » interprétant cette même recommandation, pour décider que cette dernière « s’est bornée, sans fixer de règles nouvelles de caractère impératif à commenter les dispositions de sa recommandation et à donner des indications relatives aux modalités de sa mise en œuvre ; qu’ainsi, cette note de présentation n’a pas le caractère d’un acte faisant grief ».
55Ayant ainsi démontré le caractère décisoire des recommandations « instituées » du C.S.A., il convient d’en exciper une règle plus générale : le refus de recommander n’est pas un refus de décider, de sorte que les recours indirects ne sont pas non plus ouverts à la soft law.
b - Une conséquence (générale) : la fermeture des recours indirects
56L’idée qu’une voie de recours indirecte soit ouverte pour pallier les éventuels effets néfastes de la fermeture de l’excès de pouvoir n’est pas nouvelle. Déjà Y. GAUDEMET constatait qu’« au-delà encore des actions “informelles”, c’est-à-dire non contraignantes en droit, des administrations publiques peuvent justifier l’exercice de réclamations non contentieuses : sous la forme bien sûr d’un recours administratif devant l’auteur de l’acte ou son supérieur, lui demandant de modifier l’acte contesté, en tant que recommandation ou invitation »944.
57Aussi la décision précitée Association Promouvoir945 a-t-elle pu conduire la doctrine à penser que de tels recours administratifs seraient efficaces et effectifs concernant l’« acte de régulation »946, démontrant alors la spécificité du contentieux des autorités administratives indépendantes947. On connaît en effet la rigueur des principes du parallélisme des recevabilités : les recours dirigés contre un refus ne sont recevables si et seulement si l’acte qui est refusé fait lui-même grief948 : si le juge admet donc la recevabilité d’une décision de refus de recommander, sans pour autant admettre le caractère décisoire de la recommandation refusée, c’est bien qu’il rompt avec les solutions généralement admises par sa jurisprudence, et qu’il fonde un contrôle particulier réservé à la soft law, et plus généralement à la régulation. Certains auteurs constatent ainsi que par l’arrêt Association Promouvoir, le Conseil d’Etat « se détourne résolument du critère de “droit commun” de la recevabilité du recours, en évitant absolument de relever le caractère impératif qu’aurait pu avoir la “recommandation” demandée, préférant au contraire souligner que celle-ci aurait consisté en une “invitation” (...) afin d’élargir le champ de son contrôle »949.
58Pourtant si le juge a bien ici étendu son empire, il l’a opéré par un changement de nature de l’acte contesté, car nous le redisons, les recommandations du C.S.A. en matière de respect du pluralisme des courants de pensées et d’opinions sont, par nature, des actes obligatoires, de sorte que c’est bien un refus de décider qui a été déclaré recevable et non un refus de recommander : le “parallélisme” des recevabilités est maintenu... Ainsi donc il faut être ici particulièrement prudent dans le sens des mots employés : recommandation n’est pas régulation. Ainsi lorsque L. CALANDRI note elle aussi que « si les recommandations du C.S.A. ne peuvent être, en principe, contestées directement dans le cadre du contentieux de l’annulation, le refus de réguler, lui, peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir »950, nous nous permettons de soulever deux observations. D’abord, les recommandations du C.S.A. prises sur le fondement de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée peuvent, par principe, être contestées directement en annulation, l’ensemble des arrêts et conclusions précités nous l’ont suffisamment démontré951. L’« acte de régulation » n’est donc ici qu’un acte réglementaire, simplement pris par une autorité « inhabituelle » dont le juge étend quelque peu l’habilitation. Ensuite, cette décision, nous l’avons dit, a été confirmée et complétée par l’arrêt MM. Hollande et Mathus, où une décision de refus de modifier une « délibération » du C.S.A. a été déclarée comme recevable au contrôle de l’excès de pouvoir. En effet, le Conseil d’État a décidé que les dispositions combinées des articles 1er, 3-1 et 13 de la loi de 1986 ont entendu confier « à l’autorité de régulation la mission d’assurer la garantie, dans les médias audiovisuels (...) l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensée et d’opinion, notamment politiques [et] que cette autorité est tenue d’exercer pleinement sa mission, en veillant au respect de cet objectif par les services de radio et de télévision selon des modalités qu’il lui incombe, en l’état de la législation, de déterminer ; qu’elle dispose, à cette fin, d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, les règles propres à assurer une présentation équilibrée de l’ensemble du débat politique national »952. Le Conseil se rallie alors explicitement à la décision du Conseil constitutionnel de 1986 précitée concernant les recommandations du C.N.C.L953, en se rangeant derrière le Rapporteur public qui estimait dans ses conclusions que « le CSA est toujours investi de cette mission et tenu de l’exercer. L’absence dans la loi de définition des modalités d’application du pluralisme lorsqu’il se rapporte au contenu des programmes nécessite que le CSA explicite par avance ces modalités et le comportement qu’il appartient aux services de radio et de télévision d’adopter pour s’y conformer pour ne pas s’exposer aux sanctions prévues par la loi. C’est pourquoi nous interprétons ces dispositions des articles 3-1 et 13 de la loi comme attribuant au CSA un pouvoir réglementaire pour préciser les modalités d’application du pluralisme “interne” »954. Or, dans les prémices de ces conclusions, le Rapporteur public rappelait bien que la « recevabilité dépend du point de savoir si l’acte que le CSA a refusé de prendre ou de modifier est lui-même susceptible de recours »955. L’identité du régime de recevabilité de l’acte refusé et de l’acte qui refuse est donc ici maintenue en ce qu’ils ont tous deux une nature décisoire956.
59Ces solutions confirment celles données en matière de pouvoir de sanction ou de mise en demeure du C.S.A. tirées de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : une décision de refus de l’un comme de l’autre sera susceptible d’un recours pour excès de pouvoir957. Ceci s’explique bien entendu par la nature obligatoire, contraignante et décisoire de ces mesures958, bien éloignées d’une simple recommandation : mise en demeure et sanction témoignent d’une gradation dans les moyens visant à faire respecter les obligations des opérateurs959. Bien avant ces extrémités, ces solutions nous montrent que le C.S.A. peut parfaitement d’abord agir de manière informelle, procéder à un simple rappel de la réglementation par une recommandation, ou encore par d’autres voies consistant en des évitements des sanctions prévues par la loi960. Ceci nous confirme que la technique recommandatoire est une alternative à la norme juridique et bien souvent à la sanction961. Toutefois, en décidant ainsi de ne pas sanctionner, le C.S.A. s’expose à l’excès de pouvoir et l’éventuelle présence de recommandations invitant tel ou tel opérateur ne le protège pas d’un cas éventuel d’incompétence négative.
60Aussi les « vraies » recommandations ne sont-elles pas recevables à être contestées par la voie de recours indirects, c’est d’ailleurs ce que confirment nettement d’autres espèces concernant d’autres A.A.I. Par exemple, le refus opposé par la H.A.L.D.E. de donner suite à une réclamation ne pouvant donner lieu qu’à des mesures non contraignantes (en l’espèce une recommandation962) n’est pas recevable à l’excès de pouvoir963. Dans le même ordre d’idée, le refus de la H.A.S. de retirer une recommandation prise sur le fondement de l’article R. 161-71 du code de la santé publique964 ne fait pas non plus grief965.
61Cette large irrecevabilité de principe est toutefois à nuancer. Le contrôle du juge sur la soft law est tel qu’il contribue à transformer la technique en la requalifiant bien souvent en décision administrative. De ce fait le juge exerce une « impérativisation »966 croissante des recommandations des A.A.I., qui fait que la zone aveugle qu’elle constituait se réduit peu à peu.
B - Une irrecevabilité à pondérer : l’« impérativisation » croissante de la soft law
62Cette « impérativisation » témoigne de la réception particulière du juge à l’égard de la soft law. En effet, il s’agit bien d’une forme de transformation radicale de la technique par une opération de requalification (1). Cette réception-transformation apparaît en outre de plus en plus prégnante, ce qui confirme que le juge laisse de moins en moins proliférer la soft law en dehors de son contrôle (2).
1 - Une opération classique de requalification
63Le juge n’est pas lié par l’apparence première et la qualification des actes soumis à son contrôle, qu’il s’agisse du juge de la C.I.J. (concernant notamment l’appréciation de la nature réelle d’une « résolution » d’un organe des Nations Unies)967, de la C.J.U.E. (concernant certains actes hors nomenclature tels que les « délibérations du Conseil »968 ou les « communications »969 de la Commission) ou du Conseil d’Etat. C’est un aspect du pouvoir de son pouvoir discrétionnaire que de ne pas tenir compte de la dénomination de l’instrument qu’il examine. Ainsi le juge peut parfaitement dépasser la nature de l’instrumentum pour examiner la recevabilité d’un instrument de soft law à l’excès de pouvoir, et c’est par un contrôle au fond de l’acte, c’est-à-dire par une analyse sémantique du negotium, ou plus généralement par une prise en considération de l’intention de l’auteur de l’acte de produire des effets de droit970. Partant, le juge exerce un contrôle qui rétablit bien souvent la « vérité du droit »971. Cette opération peut alors se comparer avec la requalification des actes négociés en actes administratifs unilatéraux972, même si en ce cas, ce n’est pas une analyse du fond qui motive le raisonnement du juge mais bien une étude des conditions dans lesquelles l’acte a été pris.
64Le juge administratif peut donc parfaitement changer la nature d’une recommandation en la transformant en décision alors que l’intention de l’auteur, sa propre qualification, formalisée par la dénomination de l’acte, pouvait être complètement différente. Cet aspect fondamental de l’office du juge973 confirme que « chaque jugement, chaque sentence, chaque application d’une règle de Droit comporte donation d’une part de sens, et donc recréation, plus ou moins approfondie, de la règle interprétée »974, même s’il « ne faut pas croire qu’un pouvoir discrétionnaire soit un pouvoir qui n’a pas de règles, c’est seulement un pouvoir qui fait à soi-même ses propres règles »975. Cette re-qualification s’analyse alors comme une technique976, une « opération du raisonnement juridique qui consiste à faire entrer une donnée dans une catégorie juridique »977, à savoir la catégorie des actes administratifs unilatéraux décisoires.
65Ceci nous rappelle que ce critère formel d’identification de l’acte de soft law est insuffisant à lui seul : l’apparence de l’acte et sa dénomination particulière ne sont pas un critère déterminant pour le juge car « mentionner l’acte juridique c’est viser la nature de l’opération au détriment de sa présentation formelle »978. Bien souvent en effet, l’inventivité et la nouveauté dans la présentation et la qualification originelle de l’acte peinent à cacher la « vérité du droit ». Le juge administratif, en ne tenant pas compte du contenant, rappelle ainsi la nécessaire correspondance entre la nature de l’instrumentum et la force obligatoire du negotium979.
66Le prisme jurisprudentiel nous confirme que le foisonnement des actes relevant de la soft law n’est pas en soi un obstacle à ce que l’ordre juridique les réinvestisse. En requalifiant certains actes, le juge ne fait que rappeler que la forme n’est que le fond qui ressurgit à la surface et semble ainsi faire primer la nature et la force du contenu de l’acte afin d’ériger ses catégories juridiques. Le juge en effet « n’hésite pas à rectifier le droit, à en modifier les effets habituels, sinon à les nier, au nom d’une tentative de régulation et de contrôle de l’action administrative »980.
2 - Une opération d’autorité réduisant l’empire de la soft law
67Cette opération de rétablissement de la vérité se mue cependant souvent en opération d’autorité. Les jurisprudences successives concernant le pouvoir de recommandation du C.S.A. nous ont montré que par une interprétation quelque peu extensive de la volonté du législateur habilitant, ce dernier a progressivement basculé dans le monde de la décision administrative (dans divers domaines tels que le respect du pluralisme d’abord et la protection de l’enfance et de l’adolescence ensuite). Ainsi le pouvoir général de recommandation octroyé au C.S.A. s’est qualitativement transformé. Quantitativement, les instruments de soft law se sont peu à peu réduits, se limitant quasiment à ceux pris de manière spontanée, et le contrôle que le juge leur réserve fait là encore de l’impératif un critère déterminant de recevabilité.
68Cette « impérativisation » de la technique recommandatoire ne va pas ainsi sans quelques inconvénients majeurs. D’abord en effet, elle contribue à distendre les habilitations législatives981, octroyant de fait un pouvoir réglementaire plus large que celui qui a été prévu à la création de ces autorités982. Le Rapporteur public Ch. de SALINS semblait ainsi le justifier dans ses conclusions sur l’arrêt MM. Hollande et Mathus. Nonobstant le fait qu’en interprétant de la sorte les dispositions combinées de l’article 3-1 et 13 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée le juge donne au C.S.A. un pouvoir réglementaire très général, « la matière est suffisamment circonscrite pour que le Conseil constitutionnel n’y ait pas décelé une atteinte à l’article 21 de la Constitution »983.
69Il nous semble toutefois que dans cette démarche de réduction de la soft law, le Conseil d’Etat semble faire primer la sécurité juridique sur la légalité984 : le raisonnement apparaît ici en effet éminemment « finaliste »985. C’est donc ici un autre sens que nous donnons à la réception de la soft law par le juge : au-delà d’un simple dessin de ses contours, il s’agit d’une entreprise visant à la circonscrire. La réception de la soft law au sein de l’ordre juridique passe alors bien souvent par une étape de transformation de sa nature véritable, témoignant de la résistance opposée à cette technique. Elle n’est pas enfin sans rappeler la réduction de catégorie des mesures d’ordre intérieur (à ceci près qu’elles sont, pour une large partie de la doctrine à laquelle nous souscrivons, des décisions qui en principe ne font pas grief986) auquel la jurisprudence administrative a procédé à partir de la fin du XXème siècle, en s’inscrivant dans « un large mouvement d’approfondissement de la soumission de l’administration au droit »987 : la gravité de leurs effets et leurs conséquences sur la situation de leurs destinataires ouvrant, lorsqu’elles portent atteinte à leur liberté, la voie de leur contestation par la voie de l’excès de pouvoir988.
70Ensuite, et c’est là notre deuxième objection, en considérant dans d’autres arrêts que les « véritables » actes relevant de la soft law sont irrecevables à l’excès de pouvoir sous réserve de leur « rédaction impérative », cette méthode est une véritable incitation à la « prudence normative » que nous évoquions plus haut989. En effet, les « stratégies normatives » employées par les autorités dans leur action se heurtent à celle du juge, tout aussi pragmatique mais beaucoup plus prudent dans l’éventualité d’un évitement de la légalité administrative (la jurisprudence n’est-elle pas d’ailleurs littéralement la science des prudents ?). Dans ce jeu d’évitement de la « sanction juridictionnelle », « les recommandations peuvent, si le régulateur fait preuve de suffisamment d’habileté, ce qui n’est pas toujours le cas, bénéficier d’une certaine immunité contentieuse si aucun juge n’est pas saisi ou s’il admet, au vu de leur formulation, qu’elles n’ont pas de valeur réglementaire »990. C’est donc sans doute sur ce point que le contrôle du juge est le plus insuffisant tant il cède, par l’entremise d’un « impératif déontique » bien insaisissable, à un véritable « chatoiement de la pratique juridique »991. Pourtant, en contrôlant de la sorte ces recommandations, le juge montre que l’acte recommandatoire doit nécessairement recommander, et que cette appréciation passe forcément par un examen de son contenu. Dans le prisme jurisprudentiel, la soft law est bien une technique particulière de formulation des énoncés.
71Ainsi les A.A.I n’hésitent pas à réécrire leurs recommandations annulées, faisant explicitement référence aux arrêts qui les ont censurées. La H.A.S. par exemple, dans une « recommandation pour la pratique clinique » intitulée « Accès aux informations concernant la santé d’une personne » de décembre 2005, n’a pas hésité à préciser, dans l’exorde de l’acte, que « suite à une décision du Conseil d’État en date du 26 septembre 2005, la dernière phrase du troisième paragraphe de la page 10 (deuxième paragraphe de la partie intitulée Cas particulier des ayants droit) “Ces conditions une fois réunies, l’ayant droit a accès à l’ensemble du dossier médical (avis de la commission d’accès aux documents administratifs no 20034659 et 20034213 du 20 novembre 2003), à l’exclusion des informations recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tels tiers” a été supprimée. Cette modification du texte établi en février 2004 a été effectuée en décembre 2005 par la Haute Autorité de santé (HAS) »992. La Haute autorité faisait là bien entendu référence à l’arrêt C.N.O.M. qui disposait que les recommandations de bonnes pratiques de son ancêtre, l’A.N.A.E.S., fondées sur l’article L. 1111-9 du code de la santé publique pouvaient faire grief « lorsqu’elles sont rédigées de manière impérative »993.
72C’est sans doute l’ensemble de ces raisons qui a justifié une décision récente du Conseil d’État dans laquelle ce dernier admet la recevabilité d’un recours indirect en annulation à l’encontre d’une recommandation de bonne pratique de la H.A.S. (prise cette fois sur le fondement des articles L. 161-37 et R. 161-72 du code de la sécurité sociale994), non au titre de sa rédaction impérative, mais bien d’une force obligatoire de principe. Le Conseil d’État décide en effet « qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonne pratique, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’il en va, par suite, de même des refus d’abroger de telles recommandations »995. Le refus d’abroger la recommandation (portant sur le traitement médicamenteux du diabète de type II) est ainsi annulé sur le fond, la preuve de l’impartialité des experts ayant participé à sa rédaction et l’absence de conflit d’intérêt n’ayant pas été démontrées par la Haute autorité. En droit, le caractère décisoire de ces recommandations semble ainsi fondé sur l’existence de règles déontologiques sanctionnant le non respect des données acquises de la science996 qui fonderait leur caractère impératif et obligatoire, sans recourir à un quelconque « ton impératif » du negotium. En fait, il n’est pas improbable que le scandale récent du médicament « Médiator » ait joué un rôle déterminant dans cette requalification, confirmant qu’il s’agit là encore d’une question d’opportunité.
73La vérité scientifique portée et diffusée par ces recommandations revêt dès lors une autorité juridique qu’elles n’ont jamais eue, mais il reste à savoir si cette jurisprudence s’appliquera concernant les recommandations de bonne pratique prises sur d’autres fondement, comme l’article L. 1111-9 du code de la santé publique (en matière de modalité d’accès aux informations concernant la santé d’une personne, auquel cas cette décision serait un véritable revirement), ou l’article L. 162-12-15 du code de la sécurité sociale (recommandations qui complètent les références médicales opposables997), ou encore, comme dans l’arrêt Société Laboratoires GlaxoSmith-Kline998, l’article R. 161-71 du code de la santé publique999.
74Nous sommes toutefois enclins à penser que la soft law réduit peu à peu son empire, face à un juge qui tend de plus en plus à lui nier sa spécificité pour la requalifier en décision administrative. Cette réception-requalification démontre que l’accessoire constitué par la soft law peut parfois, par l’action du juge, suivre la nature juridique de son principal. Lorsqu’il la laisse hors du champ de l’excès de pouvoir, il continue toutefois à ne pas y voir une technique particulière et l’assimile alors à d’autres actes non décisoires. Ce faisant, le contrôle juridictionnel de la soft law paraît bien peu adapté à la fonction qu’assure la technique recommandatoire.
Section seconde. LA SOFT LAW, OBJET D’UN CONTROLE JURIDICTIONNEL INADAPTE
75Nous verrons ici que les « méthodes du juge administratif »1000 restent globalement les mêmes que celles qui concernent depuis longtemps d’autres actes de l’administration. En refusant d’adapter son contrôle, le juge administratif maintient ainsi l’économie générale de l’excès de pouvoir (Paragraphe premier).
76Dans une optique plus prospective, il serait bon d’étudier alors les pistes que le juge pourrait adopter afin, dans un souci de légalité, que certaines recommandations n’échappent plus à tout contrôle, en rappelant la célèbre exhortation du Commissaire du gouvernement LAGRANGE sur l’arrêt Bougen : « le pays qui a su soumettre la puissance publique elle-même au contrôle juridictionnel, ne saurait tolérer qu’y échappent tels ou tels organismes investis du pouvoir de créer, d’appliquer ou de sanctionner des règlements sous prétexte qu’on serait en présence d’un droit autonome ou d’un droit sui generis »1001 (Paragraphe second).
§1. Une spécificité refusée : le maintien des cadres généraux du contrôle de l’excès de pouvoir
77En refusant toute nature particulière à la soft law, le juge confirme ce que nous avions démontré dans notre première partie : la soft law est essentiellement constituée par un ensemble d’actes non décisoires (A). Plus loin, cette nature refusée s’apparente à une autonomie niée : le régime juridique découlant du contrôle du juge fait parfois de l’acte de soft law une circulaire interprétative, contribuant de facto à brouiller les catégories juridiques les plus abouties (B).
A - Une confirmation : l’intégration de la soft law dans les actes non décisoires
78Cette intégration de la soft law au sein de la catégorie des actes non décisoires s’explique par un contrôle conservateur du juge administratif, qui lui refuse une réelle autonomie (1). Elle conduit à penser cette catégorie comme poreuse, la frontière avec les actes décisoires pouvant être dépassée pour la totalité des actes qui la composent (2).
1 - Le contrôle conservateur du juge administratif
79Le juge administratif français joue un rôle important dans la détermination des catégories juridiques, et c’est encore un aspect de son pouvoir normatif, voire politique1002. Cette part de spécificité du droit administratif conduit ainsi à une « prépondérance de la jurisprudence sur la loi dans la création des catégories »1003. En accolant un régime contentieux à certains instruments, le juge se livre indirectement à une opération de qualification.
80En refusant d’opérer un contrôle particulier de l’excès de pouvoir sur l’acte de soft law, le juge administratif semble en effet faire de ce dernier une « sous-catégorie » des actes non décisoires. Nous avons pu voir ainsi que le « test d’impérativité », généralisé en matière de circulaires administratives, faisait aussi figure de « sésame contentieux »1004 pour certaines recommandations des autorités administratives indépendantes.
81En adaptant ses techniques de contrôle de la recevabilité, le juge se place dans une démarche finaliste qui vise à atténuer voire à refuser toute spécificité au concept. Il contribue ensuite à un certain maintien des catégories qu’il a lui-même érigées, mais en se positionnant de manière aussi conservatrice, il nous semble que le juge participe à la complexification du droit administratif. Sous couvert d’une harmonisation et donc d’une simplification du régime contentieux propre aux actes non décisoires, le juge administratif semble acter en effet des « limites de l’adéquation du droit administratif aux faits »1005.
82D’un côté, il rend la catégorie des actes non décisoires encore plus hétérogène qu’elle ne l’était, les circulaires et directives ne devant plus uniquement cohabiter avec les avis, les vœux et autres mesures préparatoires. Or nous l’avons dit, la soft law ne peut se réduire à aucune de ces catégories sans en modifier grandement leurs contours1006. Certes, nul doute que les « vœux » « ne jouissent plus d’un traitement différent des recommandations »1007, certains d’entre eux étant même parfois jugés irrecevables au regard de leur formulation non impérative1008 (ce qui confirme que le critère de l’impérativité transcende toutes les catégories d’actes non décisoires). Cependant il nous semble que ces « vœux » apparaissent plutôt comme une catégorie particulière de recommandations, pris dans l’hypothèse où une autorité souhaite voir adopter des décisions par un autre auteur (par exemple le conseil municipal qui souhaite l’intervention de l’exécutif), en l’absence de compétences décisionnelles en la matière. Or, les « recommandations » mettent en œuvre généralement une compétence habilitée afin de faire modifier les comportements de personnes qui n’ont parfois aucune compétence décisionnelle (hypothèse des recommandations adressées aux particuliers). Ainsi les vœux se rapprochent selon nous, en tant qu’instruments permettant de pallier une absence de compétence (ou d’accroître des compétences limitées1009 dans la limite de leur objet, la protection de l’intérêt public local), à la technique des résolutions parlementaires. D’ailleurs, avant la loi du 2 mars 1982, l’article L. 121-19 du code des communes interdisait les vœux politiques, notamment ceux qui mettaient en cause de manière défavorable le gouvernement1010, tout comme l’article 34-1 de la Constitution déclare irrecevables « les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard ». Enfin, une particularité est à noter dans la mesure où certains de ces « vœux » bénéficient d’un mécanisme propre de garantie par le juge. Les vœux des conseils municipaux1011 sont ainsi susceptibles de recours par la voie du déféré préfectoral nonobstant leur nature d’acte non décisoire (et demeurent insusceptibles de recours pour les administrés1012).
83D’un autre côté, le juge semble refuser à la soft law le rang de catégorie autonome, et conduit à un contrôle souvent considéré comme inadapté, oubliant que face à cette situation nouvelle formalisée par des actes à l’apparence novatrice « il faut sortir des cadres connus et éprouvés et convenir qu’on est en présence d’une situation sui generis »1013. La réception de la soft law assurée par le juge administratif n’est donc que très relative, et sans doute quelque peu décevante, même si « l’impossibilité de tout débat contentieux direct à propos de ces actes non décisoires ne signifie pas, contrairement à ce qu’une vision exagérément jurisprudentielle du droit pourrait laisser croire, qu’ils échappent à toute contrainte juridique »1014. Une première manifestation de cette contrainte1015 serait celle de l’éventualité d’un contrôle juridictionnel dans le cas où le rédacteur de l’acte n’aurait pas été suffisamment prudent dans sa rédaction. Une signification quelque peu impérative où une mauvaise interprétation justifierait ainsi une requalification. Une autre manifestation pourrait se concrétiser dans la recherche d’un consensus entourant l’élaboration de la recommandation, s’assurant par là une certaine immunité contentieuse de fait : associer les destinataires à la rédaction de l’instrument recommandatoire est sans doute le moyen le plus efficace d’éviter une « sanction » par le juge.
84Aussi le juge fait-il office, bien au-delà d’un simple rôle de « filtre révélateur », de véritable « goulot d’étranglement » pour l’ensemble des actes atypiques qui constituent la soft law. Cependant, en forçant de la sorte son intégration dans la catégorie des actes non décisoires, le juge confirme la porosité d’une telle catégorie.
2 - Des requalifications communes à tous les actes non décisoires : une catégorie poreuse
85Nous avons pu démontrer le changement de nature opéré par le juge administratif en matière d’actes relevant de la soft law matérielle ou formelle. Il est en effet acquis qu’une disposition législative non normative est annulée par le Conseil constitutionnel1016 et qu’une circulaire impérative est une décision qui avance masquée. La soft law s’entend alors dans une zone intermédiaire entre le descriptif et l’impératif, zone qui semble tout à fait correspondre aux actes non décisoires. Ces derniers sont tout aussi soumis aux requalifications du Conseil d’Etat, qu’il s’agisse d’une circulaire impérative à caractère réglementaire ou d’une directive qui révèlerait un véritable acte réglementaire1017. Dans ces deux hypothèses en effet, on considère qu’il s’agit là de réels actes administratifs décisoires et donc soumis à l’excès de pouvoir. Les actes non décisoires forment non seulement une catégorie hétérogène dans leur domaine d’intervention, mais constituent de fait un ensemble éminemment poreux, tant ils semblent parfois basculer dans le monde de la décision exécutoire.
86L’apparence formelle de ces actes, vus selon le prisme de l’acte administratif unilatéral décisoire (et partant sous l’égide d’un raisonnement a contrario) s’avère alors être le point d’achoppement de la catégorie. Préférant parfois requalifier la plupart des instruments en décisions, le juge administratif semble faire de la coïncidence entre le fond des actes et leur forme une nécessité, confirmant que « l’apparence joue un rôle important dans la constitution et l’évolution des catégories de fond du droit administratif »1018. Aussi la dénomination trompeuse ne fait-elle pas illusion pour le juge administratif qui pousse plus en avant son contrôle au fond des actes pour examiner leur recevabilité. Cette attitude constitue dès lors le seul réel point commun aux instruments composant la catégorie des actes non décisoires et la soft law ne semble pas faire exception à cet état de fait. La soft law ne contribue donc pas vraiment à un effacement de la catégorie au profit des actes décisoires mais confirme simplement sa porosité. Cette frontière floue dessinant l’ensemble des actes non décisoires confirme alors son existence relative (puisqu’il est défini par rapport aux actes classiquement reconnus par le droit administratif) et le caractère téléologique des catégories érigées par le juge.
87Cette porosité entre les instruments se retrouve en outre au sein de la catégorie elle-même. En effet, nous avons pu montrer la liberté des auteurs dans la dénomination d’actes de soft law et cette liberté peut non pas masquer une décision mais un autre acte non décisoire. Certaines chartes sont en effet en réalité des circulaires, et certaines recommandations sont parfois dénommées « instructions », de sorte que les actes formant la catégorie paraissent se nourrir mutuellement, tout du moins au niveau de leur dénomination.
88L’analyse du contrôle juridictionnel des actes de soft law confirme qu’un rattachement à la catégorie des actes non décisoires ne relève pas simplement d’une habileté didactique. Des raisons de fond (la nature des actes, leurs effets limités sur les destinataires, leur « infirmité normative ») et de forme (leur dénomination interchangeable et leur apparence première) justifient cette assimilation. Elle conduit toutefois à une impasse si l’on cherche à comprendre la réception de la soft law par l’ordre juridique. En effet si la catégorie des actes non décisoires se définit a contrario, comment alors ne pas continuer à simplement définir le « droit souple » en relation avec la règle de droit classique ? L’approche a le mérite de systématiser le concept et de le replacer au sein des catégories établies du droit administratif, fussent-elles relatives, mouvantes, voire finalistes. L’approche contribue cependant à ne voir la soft law que par opposition à la décision exécutoire, paradigme dominant largement le droit public.
89Pire encore, cette réception retire au concept la – rare – spécificité que la doctrine a bien voulu lui donner : variables dans leur force impérative et obligatoire, soumis aux requalifications du juge, la plupart des actes non décisoires concrétisent eux aussi une certaine échelle dans la normativité1019. Ce prisme dans la définition de la soft law, et surtout dans sa caractérisation, déjà précédemment critiqué pour sa complexité, ne permet pas ainsi d’éclairer le concept à lui seul. Tout au mieux met-il en lumière un ensemble d’actes regroupés selon leur différence avec l’acte administratif unilatéral décisoire et dénommés comme tels : les actes non décisoires.
90Nous allons voir que cette réception rime parfois avec confusion, et il nous semble que la soft law vue dans le prisme jurisprudentiel peine à être un acte autonome.
B - Une confusion : une assimilation indirecte aux circulaires interprétatives
91Les jurisprudences précitées concernant les recommandations de certaines A.A.I. nous ont montré un glissement vers l’utilisation du critère de l’impérativité dans l’examen de la recevabilité. Ce glissement s’est opéré de la même manière concernant les circulaires et le pas à franchir n’est pas dès lors très grand pour considérer que le juge administratif calque le régime juridique des deux instruments (1). Cette assimilation frôle la confusion lorsque certaines « chartes » sont annexées à des circulaires et au-delà de cet exemple, c’est bien l’ensemble de la soft law qui paraît être annexée aux catégories reconnues du droit (2).
1 - Une assimilation fondée sur une évolution du contrôle comparable
92Par l’impossibilité d’exercer des recours indirects, le juge administratif nous apporte d’abord la plus belle distinction entre la soft law et les mesures préparatoires et les directives, qui, en amont ou en aval de la décision administrative, peuvent fonder une exception d’illégalité. La nature « indirecte » des directives1020 suppose ainsi l’existence d’actes individuels pris pour son application, qui seront contestables par la voie de l’excès de pouvoir. La directive est en outre opposable aux administrés1021, et invocable par eux, ce qui n’est toujours pas le cas ni concernant les circulaires interprétatives1022, ni d’ailleurs concernant les recommandations des A.A.I.1023.
93Ce faisant le contrôle du juge administratif opère une distinction au sein des actes non décisoires, même s’il contribue de fait à rapprocher les recommandations des circulaires interprétatives, au sein d’un droit qualifié de « droit souterrain »1024. L’existence d’un contrôle juridictionnel similaire entre la soft law et les circulaires, qui consiste à leur attribuer de facto un régime juridique similaire, pourrait nous conduire à penser qu’elle relève d’une simple sous-catégorie de ces dernières. En effet les arrêts C.N.O.M. (pour certaines recommandations de bonne pratique) et Société éditions Tissot (pour les recommandations de la H.A.L.D.E.) sont à la soft law ce que l’arrêt Duvignères est aux circulaires administratives, en faisant de l’impératif à caractère général l’élément déterminant de leur recevabilité. D’ailleurs, dans les deux cas, un glissement s’est progressivement opéré dans la jurisprudence (montrant que des arrêts ne sont que des revirements partiels) la nature réglementaire (et non son caractère décisoire et sa recevabilité) d’une circulaire étant alors parfois déterminée par sa nature impérative1025.
94Face à cette assimilation contentieuse, deux options se présentent à nous. La première voudrait que l’intrusion de certaines recommandations interprétatives des A.A.I. change les lignes de la catégorie des circulaires. Le Commissaire du gouvernement TRICOT énonçait d’ailleurs que « la circulaire est un pavillon qui peut couvrir toutes sortes de marchandises : ordres du jour, conseils, recommandations, directives d’organisation et de fonctionnement, règles de droit »1026. Bien plus tard, mais dans la même lignée, B. STIRN expliquait que « malgré les particularités des décisions des autorités administratives indépendantes, cette question (de la légalité de la note de terminologie) doit être examinée au regard de votre jurisprudence sur les circulaires »1027, c’est-à-dire à l’époque l’arrêt Notre Dame du Kreisker. L. DEREPAS, dans ses conclusions sur l’arrêt Société éditions Tissot identifie le régime afférant aux recommandations de portée générale des A.A.I., mais reste cependant un peu plus prudent : « Ces décisions sont dépourvues de portée contraignante et ne peuvent, par suite, être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir. Il se pourrait toutefois que celles qui sont rédigées en termes impératifs tombent sous le coup de la jurisprudence Duvignères (...) mais la combinaison de ces deux lignes jurisprudentielles reste encore à préciser »1028. C’est enfin la thèse soutenue par une partie de la doctrine concernant les recommandations de bonne pratique, D. CRISTOL estimant par exemple que la jurisprudence Duvignères « règle désormais également le régime contentieux des “quasi-circulaires” que constituent les recommandations de bonne pratique : ces dernières, a priori non obligatoires, pourront, par exception, faire grief si elles prennent une tournure impérative »1029. Cette voie aurait alors au moins le mérite de la clarté, ces « quasi-circulaires » englobant toute une série d’instrumenta certes variés, mais étant incontestablement unis par la même fonction, l’interprétation administrative1030. Cette fonction est alors considérée comme « proprement originale de l’action administrative et montre également l’épanouissement, à côté d’une autre fonction en pleine mutation qu’est la régulation administrative, d’une nouvelle forme de normativité administrative dont l’impératif est moins catégorique et plus souple »1031. Difficile alors de ne pas voir un rapprochement entre les deux instruments portant cette interprétation.
95Il nous semble qu’une deuxième voie apparaît plus soutenable, nonobstant l’attitude apparente du juge administratif. Nous savons ainsi que le domaine et la fonction de ces instruments ne se recouvrent pas totalement, les circulaires relevant de l’ordre interne des administrations1032. Leurs destinataires directs sont bien les agents placés sous l’autorité des chefs de service. En outre, la portée générale des circulaires supposerait que l’assimilation ne s’appliquerait qu’aux recommandations de même portée adressées à l’administration elle-même. Or cette hypothèse n’est pas la plus courante en matière de soft law. Le Commissaire du gouvernement L. DEREPAS, dans les conclusions sur l’arrêt Société éditions Tissot précitées, avait d’ailleurs remarqué que les délibérations de la H.A.L.D.E. en cause « ne sauraient toutefois relever de ces différents régimes de recevabilité [i.e. celui des circulaires] car elles n’ont pas le caractère général et abstrait des actes dont nous venons de parler : il s’agit de recommandations relatives à une situation particulière, qui donnent ou non à des actes le qualificatif de discriminatoire, et qui indiquent le cas échéant à la personne intimée le comportement qu’elle doit adopter pour mettre fin à la discrimination ainsi avérée »1033, et considérait que le régime correspondant aux « avis » et aux « mises en demeure » était plus adapté : « de tels actes peuvent être rapprochés de deux archétypes que l’on retrouve dans votre jurisprudence, sans pouvoir leur être totalement assimilés »1034. Le Conseil d’Etat, dans sa décision, en préférant ne pas distinguer dans son considérant de principe entre les hypothèses d’une recommandation adressée aux autorités publiques et celle adressée aux personnes privées1035, ne suit pas ces conclusions. Il contribue alors à brouiller la frontière entre les circulaires administratives et en l’espèce une recommandation adressée à une personne privée, faisant de cette dernière une « super circulaire ». Les catégories juridiques n’en sortent pas selon nous grandies et il nous semble que toute fascination contentieuse doit ici être écartée. Certes il se pourrait que cette intégration « permette à tout administré de se prévaloir de ces actes à l’encontre de l’administration lorsqu’ils sont légaux »1036, tout comme les circulaires réglementaires, en vertu de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983. Les recommandations adressées aux personnes privées des A.A.I. n’ont tout simplement pas le même objet que les circulaires administratives. Sans lien hiérarchique avec leurs destinataires, elles ne peuvent être assimilées à des actes qui ont certes des effets indirects sur les usagers, mais ne s’adressent pas directement à eux. Ainsi, comme le résume parfaitement C. MASCRET, si l’arrêt C.N.O.M. donne aux recommandations de bonne pratique de l’article L. 1111-9 du code de la santé publique le régime juridique des circulaires, il ne leur confère pas pour autant leur nature juridique1037.
96Toutefois, une autre assimilation entre les deux instruments se réalise ponctuellement : certaines circulaires peuvent en effet contenir des recommandations de portée générale qui dépassent le simple cadre interne de l’administration. C’est l’hypothèse où une circulaire est un vecteur d’un instrument recommandatoire.
2 - La soft law, une « annexe » aux catégories classiques du droit
97Nous avions constaté avec G. KOUBI dans notre première partie, que la profusion d’instruments atypiques tels que les « chartes » ou « code de bonne conduite » contribuaient sans doute à une « fragilisation de la règle de droit »1038. Doutant de leur réelle nature juridique, nous avions constaté que ces dernières étaient parfois annexées à des circulaires administratives. Cette hypothèse diffère toutefois du cas où une circulaire serait « abusivement » dénommée comme telle, ce qui figure tout simplement une nouvelle fois l’informalisme du droit administratif1039.
98Les hypothèses de circulaires comportant une « charte » relèvent ainsi d’un tout autre phénomène. A titre d’exemple, la « Charte du patient hospitalisé »1040 est ainsi annexée à la circulaire ministérielle no 95-22 du 6 mai 19951041, la « Charte Marianne » à la circulaire du 2 mars 2004 relative à la charte de l’accueil des usagers1042, la « Charte de la laïcité dans les services publics » à la circulaire no 5209/SG du Premier ministre du 13 avril 20071043.
99Dans ces deux hypothèses, la méthode est similaire : la circulaire expose les motifs, intègre l’instrument en « pièce jointe », et précise les modalités de sa mise en œuvre. La circulaire n’interprète donc pas la réglementation, mais bien un instrument relevant de la soft law formelle, et ce, pour couronner le tout, de manière quelque peu impérative1044. Drôle de renversement logique de voir une circulaire expliquer aux chefs de service la manière avec laquelle ils doivent appliquer une Charte !
100Ces circulaires deviennent alors une forme de vecteur pour la soft law : elles font figure de canne normative, concrétisant une forme d’intégration par l’ordre juridique de la technique recommandatoire, fussent-elle à un rang normatif peu élevé1045. Cependant là encore, l’attitude du juge administratif relève du conservatisme en ce qu’il refuse de la dissocier des instruments qui la portent. Aussi le juge a-t-il pu refuser l’invocabilité de la « Charte du patient hospitalisé », en estimant que « le requérant ne peut utilement se prévaloir de la charte du patient hospitalisé annexée à une circulaire du 6 mai 1995 et qui n’a ainsi aucune valeur réglementaire »1046. On le voit ici, et l’adverbe « ainsi » le souligne, le raisonnement utilisé pour parvenir à cette solution se fonde non sur la valeur propre de la Charte, mais bien sur une valeur d’emprunt, celle de la circulaire la contenant : la soft law, en tant qu’accessoire du droit1047, prend bien ici la valeur du principal, en l’occurrence la circulaire interprétative.
101Les justiciables auront ainsi beau les invoquer, elles n’ouvriront aucun droit pour eux, le juge versant parfois même dans l’économie de moyen dans l’hypothèse où un requérant voudrait faire reconnaître une violation d’un droit sur leur base1048 Pourtant les hypothèses de dissociation de la valeur existent, notamment concernant les annexes d’une loi, tant pour le Conseil d’État1049 que pour le Conseil constitutionnel1050.
102Qu’elles revêtent la valeur des circulaires interprétatives n’est cependant pas si surprenant (et c’est d’ailleurs le raisonnement du juge), il serait étonnant qu’il en aille différemment, mais il nous semble qu’elles n’en prennent pas pour autant la nature. Encore une fois, le changement opéré ne va pas sans affaiblir une catégorie déjà bien poreuse, en considérant qu’une circulaire interprétative pourra établir et rassembler des droits propres aux usagers des services publics en s’adressant non aux chefs de service, mais bien à ceux qui l’utilisent.
103Pour l’ensemble de ces raisons, il nous semble que le contrôle juridictionnel opéré sur la soft law administrative doit évoluer.
§2. Un contrôle à adapter : pour une prise en compte des spécificités de la soft law
104Dans une optique plus prospective qu’analytique, il nous semble que deux voies sont à étudier afin de spécialiser le contrôle des actes relevant de la soft law. D’abord, une solution qui prendrait réellement acte de la nature particulière de la technique recommandatoire. Précédemment définie comme une norme non juridique, mais conduisant à une certaine effectivité du droit (et donc suivie d’effets sur les destinataires), l’acte de soft law ne revêt bien entendu en aucun cas un caractère décisoire. Pour autant, envisager de l’intégrer dans le champ de l’excès de pouvoir n’irait nécessairement ni dans le sens d’une transformation de la technique, ni vers un boule versement général des méthodes du juge. Un simple changement des critères de recevabilité du recours pourrait dès lors être satisfaisant (A). Une fois la voie de l’annulation ouverte, il nous semble qu’un contrôle limité de la légalité reviendrait, comme le démontre du reste l’histoire de la juridiction administrative, à une « solution d’équilibre entre, d’une part, le respect de la légalité et la protection des droits des administrés, et, d’autre part, le souci de ne pas entraver l’action de l’administration »1051 (B).
A - L’adaptation possible des critères de recevabilité du recours
105Cette nécessité passe d’abord par un constat déjà en partie exposé : tant le critère de l’impérativité que les compétences reconnues à l’autorité nous paraissent insuffisants pour fonder l’irrecevabilité des actes relevant de soft law formelle (1). Ce constat appelle ensuite un souhait : celui de voir le contrôle évoluer, même si cela passera sans doute par un changement radical dans les catégories contentieuses érigées par le juge (2).
1 - Un dépassement nécessaire des fondements du contrôle de la recevabilité
106L’examen de l’habilitation législative dans l’appréciation de la recevabilité du recours en annulation apparaît quelque peu paradoxal. En effet le juge administratif justifie la nature non décisoire des actes contestés par la compétence reconnue à leur auteur. En l’absence d’une réelle habilitation à prendre des actes obligatoires et contraignants, l’ensemble de l’action de ces autorités se trouve frappé d’une incapacité à émettre des normes juridiques. Les normes non juridiques qui constituent la soft law ne peuvent donc en aucun cas être recevables à l’excès de pouvoir. Pourtant, en examinant ladite compétence, le juge semble oublier l’hypothèse d’actes justement pris de manière incompétente. Un exemple cité par la doctrine est à ce titre particulièrement probant1052. Dans un arrêt Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux était contestée une « lettre » du 13 janvier 1995 par laquelle le président du C.S.A. a indiqué au président de la société TF1 que le conseil avait constaté, à l’occasion de la retransmission par cette société de manifestations sportives se déroulant à l’étranger, des pratiques publicitaires concernant des boissons alcoolisées qui méconnaissaient les dispositions de l’article L. 17 du code des débits de boissons1053. Le conseil décidait alors que cette « lettre » n’avait pas le caractère de décision faisant grief vu que « ces indications émanant du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et non du conseil lui-même n’avaient, par elles-mêmes, aucune portée juridique et se bornaient à mettre en garde la société TF1 et à l’informer que le conseil statuant collégialement, serait conduit à tirer les conséquences de la persistance d’un comportement jugé par lui répréhensible ». M. COLLET relève ainsi que le Conseil exclut « clairement le caractère décisoire de l’acte en se fondant uniquement sur les textes législatifs qui ne confèrent en ce domaine aucun pouvoir de décision au président de l’institution, méthode que la Haute assemblée adopte généralement avec les actes émanant d’organismes seulement consultatifs », ce qui sous entend qu’une décision du Conseil aurait, elle, été recevable1054. Aussi cette solution confirme-t-elle que certains actes relevant de la soft law pris en dehors de toute habilitation législative (que nous avons qualifiés de soft law spontanée) sont indirectement délaissés dans une zone aveugle de la légalité. Ces actes ne pouvant pas être normatifs sont ainsi assimilés à des mesures préparatoires ou à des avis, sans pour autant avoir la « compensation » de pouvoir les contester de manière indirecte par la voie de l’exception d’illégalité.
107Concernant le « test de l’impérativité », que nous avons déjà critiqué, son application en matière de soft law n’a pas que des inconvénients. Comme en matière de circulaires, « l’ouverture du prétoire du juge en la matière entraîne une plus grande effectivité du droit à un recours juridictionnel, qui constitue un principe général du droit ayant reçu l’onction constitutionnelle et conventionnelle »1055. Il a ainsi permis en la matière, après quelques hésitations contentieuses, de contrôler la simple réitération ou le rappel de la réglementation par certains instruments, confirmant que lorsque « l’administration, par voie d’instruction réitère, recopie ou résume la norme, elle en réaffirme nécessairement la portée et en cela, quelles que soient les précautions prises, réaffirme aussi, en pratique, qu’il revient aux destinataires de l’instruction d’appliquer cette norme, ce qui nous semble nécessairement faire grief »1056.
108Cependant le choix d’un tel « sésame contentieux »1057 est, nous le rappelons, un critère particulièrement efficace de rejet de la soft law hors de la normativité tout entière1058. Son choix n’est pas dès lors des plus adaptés pour une technique qui relève d’une « direction non autoritaire des conduites »1059, et cela dénote sans doute une réelle résistance de l’ordre juridique par le juge administratif.
109En soulignant dans les décisions C.N.O.M. et Société éditions Tissot qu’une « rédaction de manière impérative » permet de voir les recommandations de l’A.N.A.E.S. et de la H.A.L.D.E. comme des décisions faisant grief, le juge semble préciser la solution qu’il avait retenue pour les circulaires, l’arrêt Duvignères faisant lui référence à un « caractère impératif » de la proposition. S’il semble respecter la teneur de la soft law, qui suppose une formulation particulière des énoncés, l’application du critère aux recommandations paraît cependant beaucoup moins restrictive, seul un « impératif déontique » étant suffisant pour les considérer comme recevables à l’excès de pouvoir. Pourtant, on sait que « ce n’est pas la forme grammaticale qui importe mais sa signification. Or celle-ci n’est pas toujours perceptible à travers la seule expression linguistique »1060, un « impératif subjectif » recherchant cette signification serait donc parfois préférable et permettrait de compenser l’utilisation éventuelle de foncteurs « non déontiques » (tels que « conseille », « recommande », « invite », « veille »...) par les auteurs, contrecarrant une trop grande prudence rédactionnelle de leur part. Au-delà du wording, la détermination de l’intention de l’auteur devrait en effet parfois être recherchée aussi dans « la façon dont cette proposition est perçue par les destinataires [et] il serait opportun que le juge intègre parfois à son analyse des éléments d’ordre psychologique »1061. Cette logique aurait l’avantage de considérer que la soft law produit bien des effets sur la situation des destinataires, et contribuerait à atténuer une conception quelque peu réductrice de la normativité qui assimile systématiquement impérativité, obligation et sanction.
110Il ne nous semble pas que ce serait là ouvrir la boîte de Pandore, sauf à considérer que toute contestation contentieuse, et donc un simple sentiment du destinataire d’être lésé par l’acte, suffise à considérer que le recours est recevable (ce serait là abandonner l’idée même de la recevabilité, tout requérant ayant un intérêt à agir pouvant paraître signifier, par son recours, le caractère impératif de la proposition).
111Il faudrait alors raisonner en termes de gravité dans l’intensité dans ces effets, et la notion d’« acte faisant grief » nous offre alors un outil puissant afin de dépasser les limites du contrôle de la recevabilité pour l’instant opéré.
2 - Une possibilité de changer les fondements : des actes non décisoires faisant grief ?
112L’articulation de la notion d’acte unilatéral décisoire (la décision) et d’acte faisant grief n’est pas une chose aisée, loin s’en faut1062. Elle est éminemment contentieuse, sous l’égide du juge qui la maîtrise et certains arrêts du Conseil d’État paraissent parfois quelque peu contradictoires. Il est vrai que la jurisprudence concernant notamment des circulaires impératives n’aura pas contribué à éclaircir le raisonnement, le Conseil d’État se limitant généralement depuis sa jurisprudence Duvignères à les considérer simplement comme « faisant grief » et non comme des décisions1063,, malgré leur normativité évidente. L’« excès de raffinement »1064 du juge administratif est ici très préjudiciable à la qualité des catégories juridiques.
113Il est important de préciser toutefois que cette dissociation n’est précisément jamais employée par le Conseil d’État concernant les actes recommandatoires des A.A.I. (et c’est peut-être là d’ailleurs le signe d’une différenciation du contrôle – et donc du régime – par le juge administratif). En effet, les arrêts C.N.O.M. et Société Editions Tissot précités font bien référence uniquement à la notion de « décision faisant grief » dans la mesure où ces recommandations seraient formulées de manière impérative. Cela paraît d’ailleurs beaucoup plus logique dans la mesure où impérativité et normativité sont étroitement imbriquées, or l’acte décisoire est bien le seul acte administratif normatif (au sens de normativité juridique).
114Il nous semble ainsi, avec une large partie de la doctrine1065, que la recevabilité d’un recours en annulation est d’abord conditionnée par la nature décisoire de l’acte contesté, c’est-à-dire peu ou prou, par son caractère de norme juridique – impérative – qui affecte l’ordonnancement juridique. Cependant, cette recevabilité n’est pas intégralement conditionnée à ce caractère, le juge administratif faisant entrer ensuite un deuxième critère qui s’ajoute au précédent, celui de savoir si l’acte fait bien grief au requérant, s’il « affecte de manière suffisamment immédiate ou grave sa situation ou l’ordonnancement juridique »1066. Le recours ne sera ouvert qu’à la réunion de ces deux éléments, expliquant que certains actes « normatifs » et donc décisoires, soient, en vertu de la maxime De minimis praetor non curat, exclus du recours pour excès de pouvoir. Tel est par exemple le cas de certaines mesures d’ordre intérieur1067, notamment en matière disciplinaire1068. Partant, si toute décision faisant grief est bien un acte décisoire, tout acte décisoire n’est pas nécessairement une acte faisant grief1069.
115Ainsi donc une dissociation est possible entre les deux critères de recevabilité. Nous le répétons, la nature décisoire appréciant essentiellement la nature normative (au sens d’une norme juridique) de la proposition, sa signification, l’appréciation première du juge le conduira nécessairement à évaluer sa nature obligatoire. Il nous semble cependant que dans certains cas il peut faire grief sans pour autant être impératif, notamment lorsqu’une recommandation est adressée à des particuliers. Une dissociation du caractère de l’acte faisant grief et la nature décisoire de l’acte, est une voie, certes quelque peu révolutionnaire, mais qui semble prendre parfaitement la mesure de l’originalité du procédé, en prenant acte du fait que la soft law, nonobstant son caractère non obligatoire et non sanctionné, peut parfois être constitutif d’un grief suffisant. Pour reprendre l’arrêt précité Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux1070, le juge pouvait parfaitement considérer que la lettre du Président du C.S.A. faisait directement grief. En effet si TF1 s’était rangé à ces recommandations, « la publicité pour les vins et alcools cessera par voie télévisuelle et ceci est de nature à créer un préjudice commercial aux marques que regroupent les organismes requérants. Il est vrai que la publicité en cause méconnaissait la loi et que nul n’est entendu lorsqu’il invoque sa propre turpitude, mais c’est alors un problème de fond et non de recevabilité. A la limite, il n’était donc pas inconcevable de considérer que la lettre faisait grief aux requérants »1071.
116Cette solution ne devrait pas pour autant signifier que toute mesure faisant grief doive devenir pour autant une décision administrative. Il ne s’agirait là que d’un critère purement contentieux permettant de décider de la recevabilité du recours. Le Commissaire du Gouvernement LAROQUE dans ses conclusions sur l’arrêt S.A. Laboratoires Goupil (concernant les recommandations de la C.S.C.1072) refusait toutefois fermement cette possibilité : « Le caractère décisoire de l’acte résulte de la modification qu’il apporte à l’ordonnancement juridique, la circonstance qu’il fasse grief à un administré ne suffît pas à rendre ce dernier recevable à former un recours pour excès de pouvoir si cet acte n’est pas susceptible par lui-même de modifier sa situation juridique »1073.
117Ce vœu que nous formulons ne relève pas complètement d’une hypothèse farfelue. L. DEREPAS commençait en effet dans ses conclusions sur l’arrêt Société Editions Tissot à prendre timidement acte des effets potentiels de certaines recommandations publiées de la H.A.L.D.E., sans pour autant inciter la Haute assemblée à l’audace : « si la publication d’une recommandation négative est susceptible de faire grief à certains administrés, elle ne modifie en rien la nature juridique de l’acte : dénué en soi de portée juridique, cet acte n’acquiert pas une telle portée du seul fait de sa publication. Et nous ne vous encouragerons pas à franchir le pas consistant à considérer que le simple fait qu’un acte cause un grief suffit à le regarder comme une décision susceptible de recours »1074. On verra que le Conseil d’État, suivant son Commissaire du gouvernement, trouvera un palliatif dans l’acceptation d’un recours en annulation de la décision de publier de telles recommandations1075.
118Pour autant, loin de se limiter à des effets faisant grief, il nous semble que c’est parfois la légalité qui est la plus heurtée par la soft law. En ouvrant ainsi le recours direct en annulation, le Conseil sera à même de contrôler les vices éventuels entachant de tels actes.
B - Une solution ouvrant à un contrôle limité de la légalité
119Suivant les recommandations de certains auteurs, il nous semble que le contrôle de légalité des recommandations se doit, lui aussi, d’être particulier. Il ne s’agit pas en effet de faire des recommandations de véritables décisions en alignant leur régime contentieux. En l’absence de réel caractère obligatoire, l’interprétation de la réglementation portée par l’acte de soft law semble en effet surtout être parfois simplement contestable par le biais de la légalité externe, notamment la compétence. Nous avons pu voir que les autorités administratives pouvaient étendre de manière spontanée leur habilitation, leur action normative figurant le célèbre proverbe « Qui peut le plus peut le moins ».
120Il ne faudrait pas cependant que des actes pris de manière incompétente échappent à tout contrôle de légalité. Ainsi nous pensons, avec M. COLLET, qu’un contrôle limité à la compétence1076 sera particulièrement adapté à la technique recommandatoire. Souvent adoptée de manière informelle, il n’y aurait tout simplement aucune pertinence à contrôler un éventuel vice de forme ou de procédure. A ce titre, l’application de la jurisprudence Notre Dame du kreisker à la soft law spontanée paraissait ici relativement mieux adaptée, permettant de passer outre l’examen de la nature impérative et normative de tels instruments. Ce contrôle avait ainsi permis l’annulation pour incompétence d’un « communiqué » du C.S.A. qui avait fixé une « règle nouvelle » en restreignant le champ d’application d’un décret relatif au régime de la publicité et au parrainage à la télévision, dépassant le simple rappel de la réglementation1077. Pourtant, l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée aurait pu fournir un fondement à ce communiqué, car habilitant le C.S.A. à « exercer un contrôle par tous moyens appropriés sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les sociétés nationales de programmes et par les titulaires des autorisations délivrées pour des services de communication audiovisuelle ». L’invocation des compétences implicites aurait sans doute pu fonctionner en l’espèce, mais c’était sans compter sur le fait que, précisément, une compétence explicite avait été déjà octroyée. C’est du reste ce que le Conseil d’Etat relève : « le législateur a, par les dispositions précitées de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, confié au gouvernement agissant par décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions et les limites dans lesquelles des messages publicitaires pourront être diffusés par la télévision ».
121Un tel contrôle aurait enfin l’avantage de ne pas transformer outre mesure la soft law en ce qu’elle n’est pas, c’est-à-dire une norme juridique s’insérant dans une hiérarchie. La souplesse de son intervention ne doit pas en effet être trop heurtée par un contrôle rigoureux de la légalité, car ce serait là, nécessairement pour le juge, procéder à une assimilation avec d’autres catégories juridiques qui n’ont pas le même objet. En revanche, la compétence nous offre une ligne de partage intéressante : en tant que technique alternative à la norme juridique, la soft law ne peut s’en éloigner à un point où elle remettrait cette dernière en cause. Dès lors, nul besoin de contrôler une éventuelle erreur de droit, ou quelque violation de la loi, puisque précisément, une « mauvaise » interprétation par un instrument de soft law procède avant tout d’une incompétence. Dans l’habilitation vague ou parfois implicite du législateur, il ne faut pas en effet voir un blanc seing.
***
122Cette brève incursion dans la prospective, voire dans le vœu, ne doit pas nous faire oublier les enseignements tirés du contrôle opéré par le juge sur la soft law formelle. Ce dernier confirme tout d’abord que la soft law, n’est ni impérative, ni sanctionnée, ni opposable, ni encore invocable. Face à tant d’infirmités normatives, le juge épargne alors un grand nombre d’actes de son contrôle de l’excès de pouvoir, se conformant généralement au souhait de leurs auteurs. Dernier avatar du mot « sanction », la sanction juridictionnelle fait aussi globalement défaut à la soft law1078.
123En n’adaptant pas ses méthodes à la technique recommandatoire, le juge démontre toutefois un certain conservatisme. Cette résistance à l’intégration dans l’ordre juridique passe alors par une forme de tolérance du juge qui laisse prospérer la soft law en dehors de son champ, fusse-t-elle par une assimilation aux circulaires administratives.
124Toutefois, cette zone aveugle du contentieux n’est pas à proprement parler une zone de non droit, le juge pouvant d’autorité réinvestir la technique lorsque cette dernière lui semble revêtir toutes les caractéristiques d’une décision administrative. C’est donc surtout ici que « la logique du contentieux de l’excès de pouvoir porte atteinte au cœur même de la mission de régulation dont les nouvelles institutions sont investies »1079. Ce faisant, la réception offerte par le juge relève avant tout d’une transformation qui de facto, réduit le périmètre de la soft law (les recommandations du C.S.A. et de la H.A.S. formalisent d’ailleurs bien cette idée). Il est ainsi curieux de voir qu’un phénomène tant décrié pour son absence de normativité soit si propice à conférer un tel pouvoir de requalification au juge.
125Si le juge n’accepte pas de consacrer les spécificités de la soft law dans son contrôle de l’excès de pouvoir, en confirmant l’inadéquation de la technique avec la norme juridique, il ne nous semble pas qu’il refuse intégralement de l’envisager. Ainsi, c’est non par l’acceptation de la nature de la soft law, mais bien dans le contrôle de ses effets que le juge va réellement prendre en considération la technique recommandatoire.
CHAPITRE SECOND. UNE RECEPTION PONCTUELLE DES EFFETS PAR LE JUGE
126Refuser d’ouvrir l’excès de pouvoir pour des instruments qui visiblement ne peuvent pas en relever n’est pas, si l’on exclut la méthode pour y arriver, choquant en soi. Le juge ne fait que prendre acte de l’absence de juridicité de la technique recommandatoire. Cependant nous l’avons dit, la normativité particulière de la soft law déploie des effets sur ses destinataires, par le truchement de l’autorité qui l’émet. Ainsi, si la soft law ne peut être une norme juridique obligatoire et sanctionnée, elle est une norme effectivement suivie par ceux auxquels elle s’adresse. Cette dualité permet de comprendre l’attitude générale du juge, qui va, dans le même mouvement de refus du contentieux de l’annulation, prendre en considération l’autorité, la valeur et les conséquences parfois dommageables de la technique recommandatoire. Dans cette optique, c’est bien le juge qui va couronner en droit l’existence en fait de normes à l’effectivité particulière. Ce faisant, il offre un mécanisme puissant de réassurance ou de garantie pour la soft law en assurant une forme de sanction de ses effets, sans pour autant opérer un changement dans sa nature.
127Cependant il arrive que cette reconnaissance passe par une véritable consécration juridique : dans ces hypothèses, le juge ne se contente pas de remédier à la fermeture du recours en annulation, il se sert à proprement parler de la technique pour motiver sa décision. Ce faisant, il modifie substantiellement sa nature : la soft law se transforme véritablement en une norme juridique.
128Ce présent chapitre témoignera ainsi d’une gradation qualitative dans la démarche du juge, qui oscille entre une simple prise en compte des effets de la soft law et une réelle consécration de ces derniers. Dès lors nous verrons en premier lieu que cette prise en compte des effets de la soft law demeure encore assez limitée : c’est par le biais de la publicité faite aux instruments recommandatoires que le juge réinvestit la technique dans le cadre de l’excès de pouvoir (SECTION PREMIERE).
129En déployant des effets, la soft law expose ses destinataires à des dommages éventuels, et le juge accepte alors qu’elle fonde des actions en responsabilité. Plus largement, le juge fonde parfois la motivation de son arrêt sur des instruments a priori « souples ». En ces cas, au-delà des simples effets de la technique, c’est bien son autorité ou sa valeur qui est reconnue par le juge qui va, par son entremise, pouvoir donner une solution à un litige. Il contribue alors, par une véritable mutation qualitative, à faire de la soft law une norme potentiellement juridique (SECTION SECONDE).
Section première. UNE PRISE EN COMPTE INDIRECTE DES EFFETS DE LA SOFT LAW
130Cette prise en compte est fondée sur un constat : celui du respect en fait des recommandations des A.A.I de par l’autorité qui leur est attachée. Elle est ensuite réalisée par un vecteur, celui du contrôle des décisions de les publier. Partant le juge accepte que la publication crée des effets en droit suffisants afin d’ouvrir le recours pour excès de pouvoir (Paragraphe premier). Cette ouverture est toutefois partielle et ne s’étend pas à l’acte publié, considérant de manière quelque peu originale que si l’acte qui publie fait grief, tel n’est pas le cas de celui qui est publié (Paragraphe second).
§1. Une acceptation des effets de la publication de la soft law
131Il s’agira d’abord ici d’examiner brièvement l’étendue de la possibilité pour les A.A.I. de procéder à la publication de leurs recommandations, qui est la première manifestation de l’intégration par l’ordre juridique (A). Plus loin, une analyse de leur forme nous permettra de voir qu’au-delà d’une simple faculté, cette publication engendre bien des effets sur la situation des destinataires. Aussi le juge intervient-il afin de contrôler la légalité d’une décision publiant une recommandation en refusant toutefois toujours de contrôler la recommandation elle-même (B).
A - Le pouvoir de publication des recommandations des autorités administratives et consultatives
132Mimant la latitude dont disposent les autorités administratives dans leur action normative, notamment concernant le choix de l’instrument le plus approprié, la possibilité qu’elles ont de publier leurs recommandations est relativement générale et informelle, même si elle semble elle aussi parfois témoigner d’une gradation dans la qualité et la solennité du support utilisé (1). Cette faculté se mue alors parfois en réel pouvoir améliorant l’effectivité des recommandations, pouvoir que rien ne vient véritablement encadrer, et qui n’emporte aucune véritable conséquence juridique (2).
1 - La publicité faite aux recommandations : entre faculté spontanée et compétence instituée
133Une fois encore, toute œuvre de systématisation est fortement compliquée par l’éclatement des sources de la soft law, qui n’est qu’une conséquence du désordre des autorités administratives indépendantes en l’absence de véritable qualification par le législateur1080. Dresser une liste de telles compétences serait ainsi vaine, et n’aurait pas une grande pertinence : il nous semble qu’identifier les différentes hypothèses générales de publication en fonction de leur nature et de leur support se révèle beaucoup plus intéressant. Cette classification va ainsi nous renseigner indirectement sur la nature des autorités concernées, et surtout nous enseigner que leurs compétences de publication n’est qu’un reflet de la puissance de leur autorité.
134Cette publication se réalise d’abord de manière informelle et moderne par le biais de leur site internet respectif. Un rapide coup d’œil à ces derniers nous montre qu’invariablement, une section est réservée aux actes pris par les autorités. A l’intérieur, une subdivision est souvent opérée entre les différentes compétences : décisions, avis et recommandations (ou délibérations) sont ainsi formellement distingués sur les sites du C.S.A. (sous la bannière quelque peu trompeuse mais instructive de « textes juridiques »1081), de la H.A.S. (sous le nom « nos publications », classées ensuite par thème et par type1082), de la C.N.I.L. (sous la section « délibérations », qui regroupe assez maladroitement des « actes réglementaires », des « autorisations uniques », des « normes simplifiées », mais aussi des « recommandations »1083), ou encore de la H.A.L.D.E. (dans la rubrique « ressources juridiques », qui mêle des « textes juridiques », de la « jurisprudence » et les « délibérations »1084). La forme de cette publication n’est alors qu’un reflet de l’enchevêtrement des compétences normatives issues des lois instituant ces autorités. La construction de ces sites internet apparaît en effet parfois bien maladroite. Eh se dispensant de clairement distinguer les compétences juridiques des compétences non juridiques, sans doute contribuent-ils à perdre un peu plus les justiciables sur la nature réelle des actes qui leur sont adressés ou dont ils ont besoin pour résoudre un éventuel litige. Force est de constater que les autorités elles-mêmes entretiennent les failles du législateur, en maintenant le flou et la complexité de l’habilitation.
135Ainsi, parallèlement à la faiblesse de leurs compétences décisionnelles, la plupart des A.A.I. ne disposent pas de réel pouvoir de publier leurs recommandations, lorsque d’autres voient cette compétence largement institutionnalisée. La publication des recommandations de la C.N.I.L. est par exemple prévue par l’article 11 §4 de la loi no 78-17 du 6 janvier 19781085, et une section est réservée à ses actes sur le site « Légifrance »1086. Les recommandations du C.S.A. témoignent aussi de leur nature particulière, l’article 3-1 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée disposant que « le conseil peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française ». Cette publication beaucoup plus formaliste montre bien la nature décisoire précédemment démontrée de ces « recommandations »1087. Toutefois, il convient de préciser que ce n’est là qu’un « indice » ne permettant pas de préjuger de leur nature juridique, cette dernière ne dépendant pas, tout du moins pour le juge, de la forme de l’instrumentum mais de la signification du negotium1088 Il confirme toutefois que la volonté du législateur de 1986 n’était pas d’attribuer un simple pouvoir de recommandation mais de décision au C.S.A.
136Le cas de l’ancienne H.A.L.D.E. est éclairant à plusieurs points de vue. En effet l’article 11 de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 20041089 énonçait que « La hante autorité peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement. Les autorités ou personnes intéressées sont tenues, dans un délai fixé par la haute autorité, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. La haute autorité peut rendre ses recommandations publiques dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. En l’absence de compte rendu des personnes intéressées ou si elle estime, au vu du compte rendu qui lui est communiqué, que sa recommandation n’a pas été suivie d’effet, la haute autorité peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel de la République française ». On voit bien ici que la possibilité de publier une recommandation peut être soumise à gradation : d’une simple notification privée à un rapport spécial publié au Journal officiel1090, la H.A.L.D.E disposait d’une certaine latitude dans le choix des moyens à utiliser pour mettre en lumière le comportement qu’elle estimait non conforme aux objectifs qu’elle est censée assurer. Cette possibilité de graduer la réponse1091 face à des comportements discriminatoires a ainsi été reprise concernant le successeur de la Haute autorité, le « Défenseur des droits ». L’article 25 de la loi organique no 2011-333 du 29 mars 2011 lui octroie ainsi les mêmes possibilités de publication1092, à ceci près qu’une étape supplémentaire est insérée afin de faire respecter ladite recommandation : une injonction de faire. Ceci nous donne vraisemblablement là encore un indice sur la nature juridique probable de ces recommandations, dans l’attente de la position du Conseil d’État sur ce point, même si l’absence de suite donnée à cette injonction ne peut déboucher que sur la publication d’un « rapport spécial » et non sur une véritable sanction.
137La forme de la publication dénote une fois encore le caractère discrétionnaire et utilitaire des instruments de soft law, la publication éventuelle au Journal officiel ne faisant pas disparaître la possibilité d’agir d’abord de manière informelle1093. Cette souplesse est à son paroxysme lorsque la publication fait elle-même office de recommandation, la pratique en expansion des « communiqués de presse » en témoigne1094. En ces cas, une limite est posée par le juge qui considère parfois que cette expression de volonté particulière suffit à constituer un acte formalisé1095. D’ailleurs, il arrive que la publication soit indirecte ou « différée »1096, ce décalage lui permettant souvent d’obtenir plus de visibilité ou d’autorité. Tel était le cas des recommandations de la C.C.A. qui pouvaient être publiées par le ministre chargé de la communication1097, ou l’hypothèse d’une publication annuelle par les « rapports d’activité » pris par la quasi-intégralité des A.A.I1098, considérés comme « un instrument indispensable à la “respiration” démocratique d’organismes dotés de compétences décisionnelles »1099. Ces hypothèses confirment au passage nos propos précédents qui distinguaient la soft law, et plus précisément les « avis-régulation »(pour reprendre l’expression de J. RAYNARD, voir supra) des avis s’inscrivant dans une procédure décisionnelle qui ne sont pas en principe publiés par l’autorité qui les prend1100.
138Ces hypothèses exposées nous montrent que de telles compétences existent pour assurer aux recommandations une certaine effectivité.
2 - Un pouvoir effectif mais sans conséquences normatives
139Au vu de ce qui vient d’être exposé, il n’est pas difficile de voir dans ces publications solennelles des « quasi sanctions ». Ces dernières mettent en lumière les comportements « déviants » des opérateurs, dans le cadre de ce que les anglo-saxons appellent le « name and shame » ou plus généralement la « sunshine regulation », par laquelle « une autorité administrative parvient à des résultats concrets par la seule mise en lumière de pratiques contraires aux objectifs qu’elle a pour mission d’atteindre »1101. Ainsi il est constant que le grief sera supérieur pour un opérateur, notamment par le truchement des effets de réputation. Une mauvaise publicité peut ainsi faire beaucoup plus de dégâts que la recommandation elle-même, sur des marchés particulièrement soumis à la concurrence, et « dès lors que l’autorité morale de l’organe producteur de normes molles est reconnue, la médiatisation des écarts de comportement d’un professionnel (écart par rapport à de simples “recommandations”) aura pour conséquence implacable de pousser ce dernier au banc de la profession, avec un impact fâcheux – au moins en termes d’image de marque – auprès des clients potentiels »1102.
140Partant, il est constant que ces publications permettent d’assurer l’effectivité des recommandations des autorités administratives. En effet, « cette forme d’incitation non coercitive (...) part de l’idée que pour combattre certains phénomènes difficiles à appréhender au travers d’actes précis, l’action sur la réputation est plus efficace que l’action par le droit »1103. Cette gradation dans la qualité du support de la publication est alors à la fois une véritable reconnaissance par l’ordre juridique de la soft law, mais aussi une réassurance de son effectivité, et plus la publicité qui lui est fait sera large, plus l’information du public aura un « effet dissuasif »1104. Le fait que cette publication soit parfois spontanée ne semble pas entraîner de conséquences juridiques : le Conseil d’État a ainsi jugé qu’un « communiqué de presse » était non une mesure préparatoire mais bien une décision faisant grief1105, et concernant les actes décisoires, la publication par voie électronique est désormais possible depuis quelques années1106.
141Certainement génératrice d’effets à l’égard des destinataires, la question de savoir si les mesures de publicité d’une recommandation rendent cette dernière opposable ou invocable pourrait se poser s’il l’on n’avait pas déjà envisagé la fermeture de l’excès de pouvoir à l’encontre de la plupart des actes relevant de la soft law. Ce serait en outre considérer qu’une norme non obligatoire puisse s’imposer à l’administration elle-même sans que ce soit le cas pour ses destinataires1107. Or l’opposabilité ne se comprend que lorsque l’instrument et la norme qu’il contient sont obligatoires : développer ce mécanisme contribuerait alors à une double remise en cause, celle de la nature recommandatoire de la soft law et celle de la définition même de l’opposabilité des actes administratifs unilatéraux1108. On sait ainsi que l’opposabilité est le caractère de la décision exécutoire, si tant est qu’elle soit publiée1109, et la soft law trouve là une nouvelle opposition frontale avec le paradigme dominant le droit administratif. Une « brèche » a toutefois été percée par la publication obligatoire sur un site dédié des circulaires ministérielles initiée par le décret no 2008-1281 du 8 décembre 20081110, renforçant leur opposabilité1111. Ceci ne fait simplement que confirmer que les interprétations contenues dans de telles circulaires sont bien obligatoires pour ceux à qui elles s’adressent1112 : la soft law se démarque encore un peu plus de ces instruments privilégiés de l’action administrative, même si une telle évolution n’est pas impossible.
142Devant ce constat, le juge administratif a été amené à progressivement s’intéresser à la nature juridique de ces publications par une analyse de leurs effets : le Conseil d’Etat a ainsi récemment ouvert la voie du recours pour excès de pouvoir aux décisions de publier une recommandation.
B - Le contrôle récent de la décision de publier une recommandation
143Par l’arrêt Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe1113 de 2006, le Conseil d’Etat a pour la première fois contrôlé la légalité de la décision de publier une recommandation d’une autorité consultative, la C.C.A. Cette nouvelle voie de recours a été rendue possible par l’introduction d’une technique contentieuse du juge administratif qui dissocie la recevabilité de l’acte publié de celle concernant l’acte qui publie (1). Cette solution, initiée pour une décision de publier un rapport parlementaire sur les sectes, appliquée aux recommandations d’une autorité consultative, semble exportable à l’ensemble des recommandations des autorités administratives indépendantes (2).
1 - Une voie ouverte par la dissociation de l’acte publié – acte publiant
144En principe, les décisions de publier ne sont pas des actes faisant grief et ceci vaut a fortiori concernant la publication d’actes non décisoires. Toutefois la rigueur de ce principe est à pondérer lorsque le Conseil d’État a admis pour la première fois la recevabilité d’une décision de publier un rapport parlementaire sur les sectes dans sa décision Eglise de scientologie de Paris1114. Etait en cause la décision « verbale » du Premier ministre de faire procéder à la publication du rapport d’A. VIVIEN intitulé « Les sectes en France, expressions de la liberté morale ou facteurs de manipulations » à la Documentation française. La Haute assemblée, requalifiant implicitement la volonté du chef du gouvernement en décision administrative, n’envisage même pas la question de la recevabilité, préférant examiner immédiatement au fond sa légalité1115. Indirectement, le Conseil indique donc bien que la décision du Premier ministre est une décision faisant grief.
145Pour justifier cette solution, sans doute que le considérant relatif à la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat est éclairant : « considérant que la décision par laquelle le Premier ministre a fait procéder à la publication du rapport (...) a eu pour objet et pour effet de porter ce rapport à la connaissance de l’ensemble du public qu’ainsi le champ d’application de cette décision s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif »1116. L’argument des effets tirés de cette publication à l’égard de certaines associations désignées comme des « sectes » dans le rapport a donc sans doute été déterminant en vue de la recevabilité du recours. Le grief est en effet évident : la publication est étendue (par le biais de la Documentation française) et solennelle (par l’autorité de la personne qui a demandé cette publication) et le rapport, de par son origine, est frappé du sceau de la souveraineté nationale.
146Tous les éléments étaient ainsi réunis pour considérer que cet affichage public portait un préjudice moral, voire financier évident (après tout, sans doute s’agissait-il vraiment de « sectes » qui voyaient là un risque de voir leur nombre d’« adhérents » chuter !). Comme le soulignait le Commissaire du gouvernement, la voie de la responsabilité de l’État étant visiblement juridiquement complexe à mettre en œuvre, l’ouverture du recours pour excès de pouvoir de la décision de publier correspondait sans doute à une solution de compensation face à la particularité d’un tel rapport, alors même qu’il ne « contient aucune décision juridique, n’a aucun effet de droit »1117. La « rupture d’égalité » de traitement entre la recevabilité d’un acte ne faisant pas grief et la décision de le publier était alors consommée dans ce qui paraissait être avant tout une décision essentiellement d’opportunité afin de ne pas laisser les requérants face à un vide juridique. Le juge, en procédant sans doute dans ses méthodes de manière finaliste, avait aussi créé une « rupture d’identité » de nature juridique : publier un acte non décisoire, quelle que soit la manière (verbale, spontanée ou formalisée) peut maintenant constituer une décision faisant grief. Reste à déterminer si cette solution, de par son apparente opportunité, allait pouvoir s’appliquer en matière de recommandations.
2 - Une voie généralisable à toutes les autorités administratives
147L’attitude du Conseil d’État concernant les décisions de publier les recommandations avait l’air au départ relativement indifférente. Ainsi à la fin des années 1980 (mais antérieurement à l’arrêt Eglise de scientologie de Paris) les juges du Palais Royal décidaient qu’une recommandation de la C.S.C. n’était pas recevable à l’excès de pouvoir en ce qu’elle est « formulée dans le cadre de compétences exclusivement consultatives de la Commission [et] alors même qu’elle est rendue publique avec le rapport de la Commission »1118. L’éventualité d’une publication particulière ne changeait donc en rien la nature de l’acte contesté, celle-ci ne s’assimilant pas juridiquement à une sanction. Certains auteurs, justifiant cette solution, relevaient ainsi qu’en « acceptant de contrôler la légalité de l’acte en se fondant sur le fait qu’il est publié ou même, plus simplement, en contrôlant la décision de publier l’acte, le juge accréditerait l’idée selon laquelle la médiatisation fait grief »1119. La jurisprudence comme la doctrine n’étaient pas visiblement prêtes à franchir le Rubicon. Cette fois en effet, l’application des méthodes générales du juge administratif à la soft law n’aura pas le caractère conservateur que nous avions pu précédemment lui donner1120, une telle transposition de la solution donnée par l’arrêt Eglise de scientologie de Paris ayant à proprement parler un aspect révolutionnaire : de ce fait, « la médiatisation, la publication officielle de ces actes constituerait le double fondement de leur intégration dans notre système juridique et de leur reconnaissance par le juge »1121.
148Il aura alors fallu attendre 2006 pour voir le Conseil d’État réviser sa position en considérant que « la décision par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie décide de publier une recommandation de la commission des clauses abusives est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif qui, saisi de moyens en ce sens, peut vérifier qu’elle n’est pas entachée d’illégalité externe, d’erreur de fait, d’erreur de droit ou de détournement de pouvoir ; que, toutefois, il ne lui appartient pas de se prononcer sur des moyens par lesquels serait mis en cause le contenu de la recommandation et, notamment, sa légalité »1122. On rappelle bien entendu que de telles recommandations n’ont pas le caractère de décision faisant grief mais bien une « nature imitative »1123. Si ce n’est pas ici une question d’opportunité tendant à éviter un déni de justice, qu’est-ce qui a bien pu fonder la solution du juge ?
149Il nous semble que c’est bien une acceptation directe des effets de la soft law qui a occupé en l’espèce une place déterminante, les questions d’opportunités étant simplement circonscrites ici à la volonté du juge d’étendre l’empire de légalité. Le Commissaire du gouvernement M. GUYOMAR, citant les conclusions de son prédécesseur sur l’arrêt Eglise de scientologie de Paris, conforte cette analyse qui place le contrôle des effets au centre de la recevabilité : « Olivier Van Ruymbeke en était tellement convaincu qu’il a fondé sa position sur des considérations d’opportunité tenant à ce qu’“une décision de publier un rapport [...] heurte les intérêts des personnes concernées et ce bien plus durement que l’édiction de telle ou telle mesure juridique”. Ces arguments ayant emporté la conviction de la Section du contentieux, nous ne vous proposons pas aujourd’hui de juger autre chose, ce qui risquerait d’ailleurs d’être perçu comme un rétrécissement inopportun du spectre des actes contrôlés par le juge de l’excès de pouvoir »1124.
150Toute la question est toutefois de savoir si cette solution demeure opératoire pour des recommandations publiées par des autorités administratives indépendantes. M. GUYOMAR répondait assez fermement par la négative dans ses conclusions, estimant « que lorsque le ministre chargé de la consommation use de la faculté de publier une recommandation que lui reconnaît l’article L. 132-4 du code de la consommation, il prend une décision distincte de la recommandation elle-même [le raisonnement] ne saurait donc valoir pour les cas où la publication d’une décision ne constitue pas une décision distincte de celle qui est publiée »1125. Toutefois, nous l’avons dit, le juge lui-même peut considérer qu’une publicité spontanée peut constituer une décision formalisée, de sorte que l’argument tiré de la publicité particulière offerte aux recommandations de la C.C.A. ne paraît plus tenir.
151L. DEREPAS estimait ainsi que l’ouverture de ce type de recours était parfaitement applicable s’agissant des recommandations de la H.A.L.D.E, dont la publicité pouvait être si particulière : « les effets négatifs d’une publication peuvent donc être combattus par la mise en cause de la publication elle-même, mais non par la possibilité de contester l’acte non décisoire ainsi publié »1126. On comprendrait mal en effet que la solution posée puisse ne pas concerner les A.A.I. qui, précisément, se distinguent d’autorités purement consultatives telles que la C.C.A. par des compétences décisionnelles et coercitives bien plus développées. L’argument tiré de l’autorité de fait qui s’attache à la soft law, mis en lumière et aggravé par une publication générale doit à notre sens parfaitement tenir lorsque l’on s’éloigne des maigres solutions déjà rendues par le Conseil d’État.
152D’ailleurs, un arrêt plus récent paraît définitivement mettre un terme à ces doutes. Dans la décision Société Glaxosmithkline biologicals1127, étaient contestées à la fois une décision de refus de retirer une recommandation de la H.A.S. qui exprimait, dans le cadre de la prévention du cancer du col de l’utérus, une préférence pour le vaccin « Gardasil » en vue de l’inscription sur la liste des médicaments remboursables1128, et la décision de refus de mettre fin à la publication de ladite recommandation sur le site internet de l’autorité (et donc, indirectement, la décision de la publier, le Conseil joint d’ailleurs dans ses motifs ces deux actes). Nous l’avions déjà évoqué, le sort de la première « décision » a été rapidement réglé, le refus portant en l’espèce sur un acte non décisoire1129. Toutefois, il est bien entendu que la décision de publier cette recommandation cause un grief important, notamment constitué par le préjudice commercial pour les sociétés fabricant des vaccins concurrents qui auraient pu voir leur spécialité non remboursée1130. Dès lors, le Conseil d’État accepte de contrôler ce refus de retirer la publication de la recommandation, notamment sur sa légalité externe, et rejette donc au fond la requête du laboratoire. La modalité choisie dans la publication importe peu, et nul besoin qu’elle intervienne de manière extérieure par une autre autorité, en l’espèce c’est bien la H.A.S. qui avait décidé de publier cette recommandation de manière spontanée (nous y reviendrons ci-après) et informelle.
153Ainsi l’applicabilité de la décision Eglise de scientologie de Paris aux actes relevant de la soft law n’est plus à démontrer, et nous allons voir que cette transposition garde ses caractères initiaux, en ouvrant un contrôle limité de la légalité.
§2. Une acceptation des effets amplifiés ouvrant la voie à un contrôle restreint
154Le contrôle de la légalité d’une décision de publier une recommandation n’est pas une voie de recours indirecte contre elle. La qualifier de la sorte signifierait que contester la publication permettrait de remettre en cause l’acte initial dans le cadre d’une exception d’illégalité. Or, le raisonnement du juge administratif est clair, la possibilité ouverte ne s’étend pas à la légalité de l’acte publié. Ceci provient sans doute de la solution initiale du juge administratif, contrôler la légalité d’un rapport parlementaire étant par nature impossible. Cette voie de recours pour excès de pouvoir apparaît dès lors bien circonscrite (A).
155Ceci provient sans doute du fait qu’au sein du positivisme, la publicité, si elle conditionne l’entrée en vigueur, ne peut engendrer la normativité, cette dernière s’attachant bien entendu à la validité au sein de l’ordre juridique de l’énoncé et de sa signification de commandement. Cependant un arrêt récent du Conseil d’Etat semble venir assombrir ces principes fermement établis. Dans l’arrêt Société Editions Tissot1131, le Conseil paraît en effet implicitement considérer qu’une publication pourrait à elle seule faire basculer une recommandation dans la catégorie des décisions administratives. Si ce raisonnement était confirmé, il signifierait tout simplement que la publication d’un acte, quel qu’il soit, soit à même de changer sa nature juridique. La publication deviendrait alors un vecteur de la normativité (B).
A - Une voie prometteuse mais encore limitée
156Cette limitation du Conseil d’État relève d’une double prudence. D’abord, concernant l’acte publié, cette solution ne modifie pas vraiment sa nature : il reste un acte non décisoire insusceptible de recours en annulation (1). Ensuite, concernant l’acte qui publie, le contrôle de légalité utilisé est très restreint (2).
1 - L’immunité contentieuse de la recommandation préservée, la nature de la soft law inchangée
157Dans l’arrêt Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe, après avoir ouvert la possibilité de contrôler la décision de publier la recommandation de la C.C.A., le Conseil d’Etat rajoute immédiatement que « toutefois, il ne lui appartient pas de se prononcer sur des moyens par lesquels serait mis en cause le contenu de la recommandation et, notamment, sa légalité »1132. La juridiction suivait alors les conclusions du Commissaire du gouvernement M. GUYOMAR qui, de manière quelque peu définitive, relevait que « ce qui est attaqué, c’est la décision de publier la recommandation et non la recommandation elle-même »1133. Dès lors la nature de la recommandation elle-même n’est pas modifiée du seul fait de la publication et seule cette dernière est recevable à être contestée par la voie de l’excès de pouvoir. En conséquence, la voie de l’exception d’illégalité est alors fermée aux recommandations des A.A.I., ce qui confirme nos propos au sujet des décisions de refus de recommander1134.
158Drôle de raisonnement qui refuse de voir le lien pourtant consubstantiel entre les deux « décisions » : l’acte de publication aurait-il été contesté si l’acte publié n’était pas lui même constitutif d’un grief suffisant ? C. PERES relève alors malicieusement le paradoxe, en soulignant que le Conseil d’Etat « réalise sous nos yeux un étonnant tour de force consistant, dans la même décision, à exercer son contrôle juridictionnel sur un acte (la décision de publier la recommandation) pour les raisons précises (sa seule autorité de fait) qui l’ont conduit à y soustraire un autre (la recommandation) »1135.
159La méthode utilisée dans l’arrêt Eglise de scientologie de Paris est sans doute appliquée ici avec un peu trop de rigueur et rencontre sa limite la plus sérieuse. Le Conseil d’État avait bien évidemment refusé de contrôler la légalité du Rapport parlementaire sur les sectes, mais c’était sans doute en vertu du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs (ces rapports relevant de la fonction parlementaire1136) et s’en était déjà sorti par une contorsion en estimant que les moyens des requérants « portent exclusivement sur les analyses et les conclusions du rapport, que le Premier ministre n’a pas entendu s’approprier par le seul fait de la publication incriminée »1137.
160Ainsi donc cette voie est celle qui remet le moins en cause les cadres généraux du recours pour excès de pouvoir, même si elle peut laisser quelque peu perplexe. Elle confirme cependant l’idée que nous avions précédemment évoquée de la possibilité de dissocier la nature décisoire d’un acte de sa qualité de mesure faisant grief. En effet, en maintenant l’irrecevabilité de la recommandation mais en acceptant la décision de la publier, le Conseil semble relever que la publication aggrave et amplifie le grief causé. Il nous semble en effet que publier un acte sans norme (sans recommandation ou sans commandement) n’aurait jamais été, en l’absence totale d’effets sur la situation des destinataires ou des tiers, constitutif d’un quelconque grief.
161La recommandation, dès son adoption et sa notification, déploie ainsi des effets par son autorité morale, technique ou scientifique. Cependant, l’intensité de ces effets n’est pas suffisante pour que le juge considère qu’il s’agit d’une décision faisant grief. Dès lors qu’elle est publiée de manière suffisamment générale, un seuil est franchi, et un changement de nature est opéré par le juge, mais seul l’acte qui publie sera concerné, car c’est ce dernier qui est responsable de l’aggravation qualitative de la modification de l’ordonnancement juridique.
162Cette interprétation que nous donnons paraît validée à la lecture d’une décision Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France du Conseil d’État1138 qui concerne une association qualifiée de secte. Dans cet arrêt, était contestée la décision de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) de reproduire sur son site internet un extrait de la quatrième de couverture d’un livre intitulé « Nicolas, 25 ans, rescapé des témoins de Jéhovah ». Les passages ainsi publiés ne laissaient guère de doute sur la qualification donnée à la célèbre « association cultuelle », qui demandait donc l’annulation de la décision de médiatiser ce livre. La Haute assemblée a alors considéré que cette simple reprise sur le site de la MIVILUDES constituait bien une décision faisant grief1139.
163Cette espèce confirme que l’acte publié n’a absolument pas à revêtir une quelconque nature décisoire, ni même juridique : il s’agit là de la publication d’un livre, qui ne peut être vue ici que comme un simple « fait matériel » (sauf à considérer que n’importe quel livre soit assimilé à une manifestation de volonté produisant des effets de droit !). Si l’on raisonne de la même manière concernant la soft law, on comprend alors que le juge administratif, non content de la maintenir dans le « non-droit », l’assimile indirectement à un simple « fait matériel ». Bien sûr, dans un cas comme dans l’autre, le « fait » publié est bien lui-même par essence constitutif d’un grief sanctionné ou non par le droit (mauvaise « publicité » voire diffamation concernant un livre, mauvaise « publicité » voire illicéité pour la recommandation), mais seule l’opération de publication lève le voile de vérité qui était posé sur cette nature. Ceci est bien évidemment très contestable, ces recommandations étant bien des manifestations de volonté contenues dans des actes pris, pour la plupart, sur une habilitation législative1140.
164La question du degré de contrôle opéré sur la publication pourrait paraître anecdotique s’il n’était pas lui aussi révélateur de la conception que se fait le juge de la technique recommandatoire.
2 - Un contrôle restreint de la légalité de la décision de publier
165Appliquant toujours à la lettre la méthode issue de l’arrêt Eglise de scientologie de Paris, le Conseil d’État opère un contrôle particulièrement limité de la légalité concernant la publication des recommandations. Suivant les conclusions de M. GUYOMAR, l’appréciation à laquelle se livre l’auteur de la décision de publier échappe au contrôle, le juge considérant qu’il ne lui « appartient pas de [s’] ériger en censeur de cette marge d’appréciation »1141. Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation étant fermé, c’est bien à un contrôle « infra-restreint » auquel se livre le juge1142.
166Ce faisant, il est entendu que le juge ne désire pas s’immiscer dans la technique recommandatoire : justifiée par des considérations tendant à l’efficacité, traversée par l’informalisme et la souplesse, le Conseil d’État estime opportun de ne pas amoindrir cette liberté d’appréciation dont disposent les autorités consultatives et administratives dans l’exercice de leur fonction de régulation, confirmant la possibilité d’agir d’abord de manière informelle.
167Dans l’arrêt Société Laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals1143, la même méthode est employée dans le contrôle de la décision de publier une recommandation de la H.A.S. Le commissaire du gouvernement L. DEREPAS proposait cependant d’aller plus loin dans le contrôle opéré, tout en refusant toujours d’examiner le contenu de la recommandation publiée. Ainsi « le moyen selon lequel la publication de la HAS porterait atteinte au principe d’égalité et de libre concurrence serait recevable, mais dans l’espèce rejeté, au motif que la recommandation était justifiée par des considérations de santé publique »1144. La solution proposée semblait alors prendre en considération non seulement les effets de la publication de manière isolée, mais aussi au regard de la recommandation initiale. Le Conseil a cependant préféré motiver sa décision de manière beaucoup plus objective et restreinte en considérant que « la publication de la recommandation du 17 avril 2008 sur le site internet de la Haute autorité de santé est autorisée par les dispositions de l’article 7 de la loi du 17 juillet 1978 en vertu desquelles les administrations peuvent rendre publics les documents administratifs qu’elles élaborent ou détiennent et ne porte pas atteinte aux secrets protégés par cette loi (...) que le texte publié étant identique à celui de la recommandation, les moyens tirés, par voie d’exception, de la méconnaissance par cette dernière de diverses dispositions du code de la santé publique ainsi que des principes d’impartialité, d’égalité et de libre concurrence ne peuvent utilement être invoqués ». Les juges du Palais Royal, par une redoutable économie de moyens, ont ainsi préféré maintenir la rigueur des solutions antérieures : seul le vice d’incompétence invoqué par les requérants est ici examiné, tous les autres moyens étant rejetés par un refus assez ferme de l’exception d’illégalité. Le contrôle limité à la compétence que nous appelions de nos vœux1145 a donc parfaitement rempli son rôle en l’espèce.
168Au passage, le Conseil d’État étend cependant encore une fois l’habilitation d’une A.A.I. En effet, la décision de publier sur le site internet de l’autorité était jusqu’alors une faculté spontanée. Or, en la rattachant à l’article 7 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978, le Conseil donne une base légale à des publications non prévues par la loi instituant la H.A.S.1146 Pis, il contribue à assimiler ses recommandations à des « documents administratifs ». Mais que faut-il alors entendre derrière cette expression ? L’article 7 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 dispose que : « font l’objet d’une publication les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les administrations mentionnées à l’article 1er peuvent en outre rendre publics les autres documents administratifs qu’elles produisent ou reçoivent ». Seul le deuxième alinéa concernant les « autres documents administratifs » de cet article paraît donc s’appliquer aux recommandations de la H.A.S., sans quoi le juge aura encore une fois assimilé ces dernières à des circulaires interprétatives, alors qu’elles n’émanent pas d’un supérieur hiérarchique (le destinataire est d’ailleurs le ministre de la santé), et surtout qu’elles ne contiennent en rien une quelconque interprétation du droit, mais recommandent un comportement au regard des « données acquises de la science ». Cependant l’article 1er de la loi de 1978 est clair : « Sont considérés comme documents administratifs, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions ». Le Conseil d’État a-t-il admis ici que la H.A.S. gérait une mission de service public, et que cette mission lui permettait de prendre des circulaires ? La question est, nous le concédons, volontairement réthorique, mais elle révèle toutefois que le juge n’hésite pas, afin de rendre une solution, à tordre les catégories érigées par le législateur (ce qui n’est pas à proprement parler une découverte).
169La prise en compte par le juge des effets amplifiés de la soft law à l’aune de sa publication, si elle reste encore limitée, témoigne d’une réelle progression dans l’attitude de la Haute juridiction administrative. Il nous semble même qu’une décision récente a peut être contribué à rapprocher un peu plus les concepts de publication et de normativité.
B - Une voie en devenir : la publication, vecteur de la normativité juridique ?
170L’arrêt Société Editions Tissot, déjà exposé en ce qu’il détermine la nature non décisoire des recommandations de la H.A.L.D.E. (à l’exception de celles qui seraient rédigées de manière impérative), paraît aussi donner une place déterminante à la publicité particulière dont elles bénéficient. On rappelle que l’autorité disposait, en vertu de l’article 11 de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004, d’une large palette dans le choix du mode de publication de ses recommandations, allant de la simple notification à la personne intéressée à une possibilité de publication simple voire « aggravée » au Journal officiel.
171Le considérant de principe du Conseil d’État semble alors prendre indirectement en considération cette éventualité : « lorsqu’elle émet des recommandations sans faire usage de la possibilité dont elle dispose de leur assurer une publicité particulière, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité n’énonce pas, en principe, des règles qui s’imposeraient aux personnes privées ou aux autorités publiques »1147. Une lecture a contrario de ce considérant pourrait laisser croire que les recommandations publiées de la H.A.L.D.E. énoncent par principe des règles constitutives de décisions administratives. Une lecture plus minimaliste de cet arrêt consisterait simplement à y voir une volonté du Conseil d’État de « coller » à l’espèce, puisqu’était en cause une recommandation non publiée tendant à faire cesser et à prévenir les situations de harcèlement moral à caractère raciste au sein de la société1148. Mais une telle recommandation publiée au Journal officiel n’est-elle pas constitutive d’un important grief, en ce qu’elle met en lumière des faits particulièrement répréhensibles par la morale et le droit ?
172Considérer que la publication particulière des recommandations de la H.A.L.D.E. (et sans doute maintenant du Défenseur des droits) change leur nature juridique équivaudrait à un véritable renversement logique. En effet, cela signifierait que la nature décisoire, c’est-à-dire de commandement, revêtirait une force obligatoire du simple fait de la publication et cette dernière serait alors complètement assimilée à une véritable sanction juridique. Or, le caractère sanctionné d’une norme ne peut s’expliquer que par son caractère obligatoire1149. Certains auteurs considèrent en effet que la formulation employée par le Conseil d’État implique que la publication suffirait à rendre la recommandation décisoire de manière abstraite, sans même avoir recours au fameux critère de l’impérativité1150.
173On a pu voir que le caractère indirectement sanctionné de certaines recommandations de bonne pratique de la H.A.S. avait pu transformer leur nature juridique1151. Mais en ce cas était en cause la méconnaissance d’obligations déontologiques, elles-mêmes sanctionnées par l’État et donc juridiquement obligatoires en vertu du code de la santé publique.
174Considérer qu’une publication équivaut à une sanction reviendrait ainsi à « considérer que le caractère normatif et juridique d’un acte peut se trouver dans la sanction morale qu’entraînera éventuellement son irrespect, de la part de tiers autres que l’État [qui] ne détiendrait plus dans l’ordre interne l’exclusivité de la sanction des normes juridiques, et donc de la “violence légitime” »1152. Sans abonder dans cette perspective quelque peu catastrophiste, il nous semble surtout que considérer une telle allusion du Conseil d’État comme vraie supposerait plus simplement que l’habilitation de l’autorité serait une nouvelle fois étendue par le juge. En effet, loin cette fois de simplement imprimer la nature décisoire à un acte qui en était a priori dépourvu, le juge conférerait un pouvoir de sanction non prévu par la loi instaurant une autorité administrative. Cette acceptation accréditerait en outre l’idée selon laquelle les sanctions juridiques ont toujours, derrière un aspect parfois coercitif, une ambition pédagogique : le but d’une telle « régulation par coup de projecteur » est bien d’aboutir à une modification du comportement par une « condamnation » plus symbolique que pécuniaire, la pratique des « publications judiciaires » frappant une certaine presse étant l’exemple le plus frappant du cumul de ces deux aspects. Sanction et publication seraient ainsi reliées par l’effectivité qu’elles sont censées assurer à la norme juridique.
175Toutefois, force est de constater que cette solution est pour l’instant loin d’être confirmée par le Conseil d’État, et si une révolution semble en marche, n’oublions pas que l’attitude générale des juges du Palais Royal est avant tout marquée par un certain conservatisme.
176La soft law s’intègre ainsi dans l’ordre juridique par une acceptation circonstanciée de ses effets. Ces derniers ne seront alors constitutifs d’effets de droit éventuellement sanctionnés par le juge que dans la mesure où ils atteignent un degré suffisant dans la modification apportée à l’ordonnancement juridique. La publication apparaît alors comme un rouage essentiel de cette double reconnaissance par l’ordre juridique et par son juge.
177La deuxième pièce maîtresse de cette mécanique se trouve dans l’acceptation par le juge de la valeur de la technique recommandatoire : ce dernier va alors tantôt l’utiliser tantôt la protéger, de sorte qu’il va lui donner de nouvelles garanties afin qu’elle soit respectée. Ce faisant le juge aura là encore contribué à conférer à la soft law des effets de droit, même si, en certains de ces cas, il va modifier radicalement sa nature non juridique.
Section seconde. UNE MUTATION JURIDIQUE DES EFFETS DE LA SOFT LAW
178Cette nouvelle prise en compte par le juge se fait tout d’abord de manière limitée, tout comme en matière de publication de l’acte recommandatoire. Ce dernier va ainsi se voir reconnaître en droit les effets potentiellement négatifs qu’il a en fait : l’application du régime de la responsabilité administrative permet indirectement de parvenir à ce résultat qui, s’il change le régime de la soft law, n’en change pas pour autant sa nature. La responsabilité du fait de la soft law lui apporte alors une véritable sanction de ses effets (Paragraphe premier).
179En revanche, dans d’autres cas, le juge va réellement utiliser la soft law dans la motivation de son jugement. Cette utilisation de la technique recommandatoire sonne donc ici comme une référence normative, qui a cependant un inconvénient de taille : le juge va, d’autorité, non seulement garantir et consacrer en droit les effets de la soft law, mais va dans le même temps lui attribuer indirectement une nature véritablement juridique (Paragraphe second).
§1. L’application de la responsabilité administrative : une sanction des effets
180Dans la même mouvance qui a admis le contrôle de la légalité de la mesure de publication, le juge a ouvert une nouvelle hypothèse de responsabilité administrative, la responsabilité de l’État du fait de la soft law des autorités consultatives (A). L’avantage de cette nouvelle méthode est certain : il permet de remédier aux effets potentiellement néfastes de la technique recommandatoire sans pour autant l’envisager comme une norme juridique. Elle se présente alors souvent comme une compensation de la fermeture de l’excès de pouvoir (B).
A - L’acceptation d’une responsabilité administrative du fait de la soft law
181La soft law trouve là un mécanisme de sanction qui lui faisait défaut et donne une nouvelle fois au juge un pouvoir important. Le raisonnement semble ici circulaire : le juge prend acte des effets des recommandations et les sanctionne lorsqu’ils sont fautifs. Ce faisant, il leur garantit une application effective, ce qui va sans doute contribuer à terme à augmenter leurs effets (1). Le juge rappelle alors à l’État le bon souvenir des autorités indépendantes sur lesquelles il s’est déchargé lors des grands mouvements de déréglementation. C’est en effet l’État qui va voir sa responsabilité engagée du fait de leurs recommandations. Il nous semble que cette solution, appliquée en matière d’autorités consultatives est alors parfaitement transposable concernant les recommandations des autorités administratives indépendantes (2).
1 - La soft law sanctionnée par la responsabilité de la puissance publique
182Dans l’arrêt de 2003 Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/S.A. Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm1153 (ci-après S.A. Laboratoires Bergaderm), le Conseil d’État admet pour la première fois la possibilité d’engager la responsabilité de l’État du fait d’un acte « mou » d’une autorité consultative, même s’il la rejette au fond.
183Etait en cause un « avis » de la Commission de sécurité des consommateurs du 17 septembre 1986 recommandant l’interdiction des produits cosmétiques solaires contenant des psoralènes : cette molécule faisait à l’époque l’objet de nombreuses études scientifiques qui mettaient en avant son effet potentiellement cancérigène pour l’homme par l’action des ultras-violets. La société anonyme Bergaderm, qui avait pris la suite de la société Laboratoires Goupil, commercialisait alors une huile solaire, Bergasol, dont les extraits naturels de bergamote contenaient de fortes doses de 5-méthoxy-psoralène (5-MOP), molécule visée par la recommandation de la C.S.C. Une directive communautaire du 27 juillet 19761154 autorisait pourtant la commercialisation d’essences naturelles contenant des doses raisonnables de psoralène, mais donnait dans le même temps la possibilité aux États membres de prendre des mesures provisoires d’interdiction si un danger pour la santé était constaté, dans l’attente d’un changement de la réglementation européenne. Cet avis avait fait l’objet d’une publication particulière, puisqu’il avait été repris par le rapport annuel de la Commission, rapport publié au Journal officiel du 27 février 1987.
184La société S.A. Laboratoires Goupil demandait alors l’annulation de l’avis de la Commission. Nous connaissons toutefois la réponse donnée par le Conseil, qui dans un arrêt du 27 mai 1987 rejetait ce recours, l’avis en question, nonobstant sa publication au Journal officiel1155 n’ayant pas le caractère de décision faisant grief, la solution de l’arrêt Eglise de scientologie de Paris1156 ne pouvant pas chronologiquement être appliquée à l’espèce. La nature recommandatoire de l’avis étant affirmée, et le recours en annulation étant à cette date intégralement fermé, la société Bergaderm demandait l’engagement de la responsabilité de l’État pour le préjudice commercial causé par la publication. Rejetée en première instance, la demande était accueillie favorablement par la cour administrative d’appel qui établissait une faute de l’État constituée par l’illégalité de ladite publication, car prise de manière incompétente par la C.S.C.
185La première difficulté que devait régler le Conseil d’État était donc encore une fois reliée à la question non de la nature des effets d’une recommandation mais de leur portée du fait de leur publication générale. Le Conseil décidait, contrairement à la C.A.A., que l’« avis » de la C.S.C., pris en vertu de l’article 14 de la loi du 21 juillet 1983 l’instituant1157, ne voyait pas sa publication empêchée par l’article 8 de la même loi qui limitait cette possibilité aux autres « mesures administratives et judiciaires » prévues par une autre section du chapitre de la Commission1158. Ce faisant, le Conseil détermine la spécificité des actes recommandatoires de la Commission en ce qu’il les distingue très nettement des autres mesures. Plus loin, le Conseil d’État considérait que cette publication était même imposée en vertu de l’article 14 de la loi qui dispose que « La commission établit chaque année un rapport de son activité. Ce rapport est publié au Journal officiel (...) Les avis de la commission sont annexés à ce rapport » : l’indicatif est ici assimilé à un impératif, limitant de fait la liberté d’appréciation de la C.S.C., au contraire de certaines autorités indépendantes. L’autorité était bien compétente non seulement pour rendre cet avis, mais aussi pour le publier.
186On voit bien ici tout l’intérêt de cette décision : en ouvrant l’engagement de la responsabilité pour faute de l’État, le juge administratif accueille des moyens relevant de la légalité administrative. En effet, pour déterminer l’absence de faute, le Conseil doit d’abord vérifier qu’aucune illégalité n’a été commise, un des principes les plus assis de la responsabilité administrative voulant que toute illégalité soit constitutive d’une faute. Certes ce principe ne vaut habituellement que concernant les décisions administratives, et la question se pose alors différemment lorsque le fait générateur est un avis, ce que relève d’ailleurs le Commissaire du gouvernement D. CHAUVAUX en énonçant qu’« à strictement parler, un avis n’est pas légal ou illégal ; il peut seulement être contestable sur le fond et avoir été rendu dans des conditions irrégulières »1159. Mais on pourrait ainsi pérorer longtemps sur les termes utilisés, ceci revient en l’espèce au même, dans la mesure où le Conseil d’État, suivant son Commissaire, contrôle différents moyens de la légalité interne et externe afin de déterminer la régularité de l’avis. Après en effet avoir vérifié que la C.S.C. n’était pas incompétente, le Conseil démontre que contrairement à ce qu’avait relevé la Cour administrative d’appel, elle n’a pas non plus commis une quelconque erreur de droit par une mauvaise interprétation de l’article 8 de la loi du 21 juillet 1983. La C.S.C. ne s’est pas non plus livrée à une erreur d’exactitude matérielle des faits, ni à une erreur manifeste d’appréciation1160. La société Bergaderm invoquait en effet des rapports d’experts divergeant sur la nocivité des psoralènes, mais le Conseil relève que « ces faits justifiaient que la commission de la sécurité des consommateurs se saisisse de cette question ; qu’en recommandant l’interdiction de tels produits, cette commission, en l’état des connaissances scientifiques de l’époque, n’a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’État ; qu’en confirmant cet avis en 1995, alors même que son avis du 17 septembre 1986 n’avait été suivi d’aucune interdiction ou limitation de l’emploi des psoralènes dans les produits solaires et que le conseil supérieur de l’hygiène publique en France avait émis en 1993 un avis plus favorable à ces produits, la commission de la sécurité des consommateurs n’a pas davantage commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’État ; que d’ailleurs, à la suite de plusieurs demandes d’organismes et de personnalités scientifiques et sanitaires français et étrangers, une directive du Conseil des communautés européennes du 10 juillet 1995, toujours en vigueur, a limité la présence des psoralènes et notamment du 5-MOP à un niveau très bas, très nettement inférieur aux teneurs des mêmes substances dans les produits Bergasol ».
187Les recours indemnitaires dirigés contre un acte de soft law permettent alors au juge de ré-envisager leur régularité, nonobstant la fermeture de l’excès de pouvoir : le recours de plein contentieux vient ici compenser l’absence d’un recours en annulation.
188Cette voie permet donc indirectement de sanctionner la soft law et de la réintégrer de manière détournée dans la hiérarchie des normes : la solution posée correspond bien à un palliatif visant à remédier à l’absence de recours en annulation. Le juge ici ne tolère plus qu’une recommandation puisse échapper à toute contestation. Il pondère en effet le refus général des recours en annulation qu’il avait lui même posé seize ans auparavant dans sa décision S.A. Laboratoires Goupil, et prépare progressivement l’ouverture du recours pour excès de pouvoir contre les décisions de publication qui sera posée trois ans plus tard (concernant cette fois la C.C.A.) dans l’arrêt Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe1161.
189Si ce contrôle de la régularité apparaît ici encore une fois comme relativement restreint, c’est bien parce que le régime de responsabilité choisi par le Conseil refuse tant la faute lourde que le principe même d’une responsabilité sans faute.
2 - La soft law, fait générateur d’une responsabilité pour faute de l’État
190L’application de la responsabilité administrative à la soft law se fait selon les cadres opérés traditionnellement par le juge administratif. Là encore, aucune originalité n’est à noter dans les méthodes utilisées. Le juge administratif, outre les critères classiques tendant à l’engagement de la responsabilité exige que le fait générateur du dommage (l’acte de soft law) relève d’une faute (a). A la seule lecture de l’arrêt Laboratoires Bergaderm, des doutes subsistent toutefois tant sur l’imputabilité de la faute que sur la nécessité d’une publication de la recommandation. Nous verrons que cette nouvelle hypothèse de responsabilité peut parfaitement s’étendre aux A.A.I. et concerner des recommandations non publiées par ces dernières (b).
a - L’exigence justifiée d’une faute simple engageant la responsabilité
191L’éventualité d’une faute lourde a pu être évoquée par le Commissaire du gouvernement (elle était en effet avancée par le Ministre de l’économie), pour assez rapidement la rejeter. Bien entendu, le reflux progressif de l’exigence d’une faute lourde qui traverse tout le droit administratif (dans un souci notamment de sécurité juridique1162) a dû jouer un rôle prépondérant. Mais, à la lumière des conclusions de D. CHAUVAUX, il nous semble que c’est bien la fonction particulière de ces autorités et des recommandations qu’elles prennent qui a été déterminant, traduisant la recherche d’un équilibre entre la nécessaire liberté dans l’exercice de leur mission et les effets parfois amplifiés par une publication de leurs avis : ainsi nonobstant le risque de paralysie de l’activité de la Commission « il faut tenir compte par ailleurs du fait que les prises de position des organismes chargés de la surveillance des risques sanitaires sont susceptibles d’avoir, en raison de la publicité qui leur est donnée, des conséquences pratiques importantes, parfois aussi sensibles que celles de mesures d’interdiction. Lorsque le pouvoir de recommandation a de telles répercussions, il n’est sans doute pas souhaitable qu’il s’exerce à l’abri d’une immunité, même partielle, à l’égard des actions en responsabilité »1163. La soft law publiée démontre encore une fois tous ses effets potentiels à l’égard de ses destinataires, effets qui doivent être, dans une démarche volontariste, pris en compte par le juge.
192Dès lors c’est bien le « régime d’équilibre » de la faute simple qui a été choisi par le Conseil d’État, pour ne pas in fine la retenir, dénotant une extrême prudence de sa part : « s’il résultait en effet de l’instruction qu’il était difficile d’affirmer avec absolue certitude que la nocivité des produits contenant des psoralènes avait été démontrée, la recommandation de la commission de les interdire, motivée par le souci de protéger les consommateurs, ne lui a pas paru pour autant fautive »1164. Nonobstant la faute simple, l’appréciation restreinte de la régularité de la recommandation par le Conseil d’État a en effet réintroduit la part de liberté dont la commission doit disposer. Ainsi, toujours conformément aux préconisations du Commissaire du gouvernement, les vices mineurs entachant la procédure ne permettent pas d’engager la responsabilité car faisant tomber le lien de causalité avec le préjudice, de sorte qu’un « un engagement trop facile de la responsabilité ne semble donc pas devoir être redouté ». L’informalisme de la soft law est alors ici protégé par le juge et « la pertinence de ce régime est révélée par le degré de faute retenu, qui allie sanction et préservation de l’originalité de la fonction de régulation [ce faisant] le Conseil d’Etat assure la distinction de la fonction de régulation dite de “contrôle”, parfois mise en œuvre par les mêmes organes, et vis-à-vis de laquelle la faute lourde est traditionnellement exigée »1165.
193Concernant la demande de la société Bergaderm de réparation du préjudice sur le fondement de la responsabilité sans faute, le Conseil d’État semble tout aussi expéditif : que, toutefois, l’avis de la commission de la sécurité des consommateurs a été émis en vertu de l’article 14 de la loi du 21 juillet 1983 et publié en application de l’article 17 de cette loi ; qu’eu égard aux objectifs de protection de la santé publique et de la sécurité des consommateurs poursuivis par le législateur, les avis rendus par la commission de la sécurité des consommateurs ne peuvent, en l’absence de dispositions législatives expresses contraires, ouvrir droit à indemnisation, au profit des personnes qui fabriquent ou distribuent un produit pouvant présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, que s’ils sont constitutifs d’une faute ». Pourtant les conditions d’anormalité et de spécialité du préjudice semblaient réunies en l’espèce1166, notamment par le fait la publication de l’avis (et confirmant une nouvelle fois que la publication augmente le degré de gravité1167 des effets potentiels de la soft law) et la responsabilité du fait des lois aurait pu être examinée (comme le souhaite la société requérante). Le Conseil préfère cependant appliquer une jurisprudence constante qui veut que l’exacte application d’une loi ayant pour objet la sauvegarde de la santé publique ne peut ouvrir droit à réparation qu’en présence de dispositions le prévoyant expressément1168, et évite soigneusement d’aborder plus avant l’éventuelle application de ce régime favorable à la victime du préjudice.
194Dans cette espèce D. CHAUVAUX justifiait ainsi l’absence de rupture d’égalité devant les charges publiques en situation de doute scientifique, et limitait alors cette éventualité à l’hypothèse où l’innocuité du produit interdit était par la suite démontrée : « c’est seulement dans le cas d’un produit ayant fait l’objet d’une mesure d’interdiction en raison d’un soupçon qui s’est ensuite dissipé que le fabricant, contraint de cesser son activité, pourrait se présenter comme la victime d’une rupture d’égalité en faisant valoir que la charge du principe de précaution a pesé d’une manière disproportionnée sur ses épaules »1169. Précisément, il ne s’agissait pas d’une réelle interdiction, mais d’une recommandation de ne pas faire (ne plus utiliser les molécules de psoralène) et le doute n’était toujours pas dissipé à la date de l’arrêt, ce que relève d’ailleurs le juge en citant d’autres rapports scientifiques. Dès lors, « la théorie des rapports entre le principe de précaution et le régime de la responsabilité sans faute reste encore à écrire »1170.
195Pourtant, la technique recommandatoire apparaît comme particulièrement adaptée dans les hypothèses où le principe de précaution est amené à jouer puisque précisément elle « permet à l’autorité administrative d’agir, par un mode non contraignant, dans un domaine où l’incertitude scientifique domine, sans attendre que le risque soit définitivement confirmé »1171. Plus précisément en l’espèce, la responsabilité sans faute n’aurait pas été véritablement garante du respect de ce principe, en ce qu’elle est justement susceptible de freiner l’action des autorités consultatives par peur de voir leur action « normative » sans cesse être remise en cause par des actions indemnitaires : il fallait laisser à la C.S.C. la possibilité d’agir afin de médiatiser le doute sérieux quand à l’innocuité des produits contenant des psoralènes.
196La prudence normative qui entoure l’apparence formelle et la formulation des énoncés de la soft law semble en effet parfaitement compatible avec l’idée d’une précaution dans les hypothèses où l’incertitude scientifique sur un risque demeure. Oscillant tous deux entre « slogan et règle »1172, voire entre « incitation et contrainte »1173, le lien de parenté entre les deux concepts est évident. Ainsi, le principe de précaution tel qu’il ressortait, avant sa consécration par la Charte de l’environnement, de l’article L. 200-1 du Code rural1174 témoignait d’une prudence rédactionnelle propre aux « standards flous » et l’on constate que « l’histoire de son écriture (...) s’est construite par tâtonnements pour aboutir à une formule ménageant toutes les conceptions possibles. Etrange rédaction qui s’avère apte à donner au principe la signification la plus exigeante sans pour autant l’imposer »1175. Plus loin, on rappelle que l’origine formelle de ce principe est éminemment soft : le principe no 15 de la Déclaration de Rio de 1992 en est le témoignage le plus probant1176. Le principe de précaution combine dès lors un « flou conceptuel » mais aussi « opérationnel »1177, et suscite les mêmes doutes que la soft law sur son « degré de normativité »1178.
197Ainsi la soft law a toujours été l’outil privilégié pour porter les principes environnementaux et elle est même le moyen sans doute le plus proportionné1179 afin de les faire respecter. Le principe de précaution, recommandant « l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles » postule alors implicitement une direction prudente et « non autoritaire » des conduites au regard des avancées scientifiques du moment de la prise de décision1180. L’approche « conséquentialiste »1181 de la technique recommandatoire est enfin tout aussi adaptée à la mise en œuvre de ce principe, même si, c’est sans doute dans le cadre d’un recul de la responsabilité sans faute, notamment celle fondée sur le risque. La précaution en effet « impose une évaluation préalable des risques liés à une activité ou une décision (...) la responsabilité née de l’application, insuffisante ou excessive, du principe de précaution, se pose en termes de faute (...) la sous-estimation ou la surestimation du risque en est une »1182.
198Ainsi, si la recommandation en cause permettait précisément de respecter le principe de précaution de manière proportionnée, et d’éviter derechef une éventuelle abstention généralisée de l’action administrative, la pertinence d’une responsabilité sans faute n’était plus vraiment fondée.
199Cette solution posée par l’arrêt S.A. Laboratoires Bergaderm, toute capitale qu’elle soit, ne laisse pas pour autant planer certains doutes. La détermination de la personne publique responsable en est un, au même titre que son éventuelle transposition à d’autres recommandations des autorités non consultatives.
b - Une solution généralisable à toutes les formes de recommandations
200Les conclusions du Commissaire du gouvernement D. CHAUVAUX sur l’arrêt S.A. Laboratoires Begaderm ne laissaient guère de place à l’applicabilité de la responsabilité administrative aux recommandations émanant d’autres autorités, en exposant clairement qu’il se bornerait « à envisager ici le cas particulier des recommandations adressées aux pouvoirs publics par les organismes chargés de la surveillance des risques pesant sur la sécurité des personnes »1183. Certains auteurs envisageaient cependant cette transposition comme une source de transformation pour le droit de la responsabilité administrative, mais uniquement s’agissant des recommandations et avis publiés1184. Toujours concernant une autorité consultative, M. GUYOMAR faisait remarquer dans ses conclusions sur l’arrêt Fédération du Crédit Mutuel Est Europe1185 que les recommandations de la Commission des clauses abusives, « alors même qu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucun recours, sont susceptibles d’engager la responsabilité pour faute de l’Etat »1186. Cependant la transposition de la solution était ici rendue évidente par la similarité des autorités et des actes contestés. Pour autant, il nous semble que cette solution est parfaitement applicable à tout type de « recommandation ».
201D’ailleurs, une recommandation ministérielle en matière de police sanitaire avait déjà pu à la fin des années 1990 faire l’objet de l’engagement de la responsabilité de l’Etat pour faute, et dès lors, il apparaît que le régime énoncé par l’arrêt S.A. Laboratoires Bergaderm n’est qu’une application de cette solution en matière de régulation par une autorité consultative. Le Conseil d’Etat avait ainsi déjà utilisé le même raisonnement concernant des recommandations du Ministre de la santé mettant en garde le public sur la consommation de certains produits. Dans l’arrêt Boudin de 1997, le ministre de la santé avait publié un « communiqué » recommandant aux consommateurs de s’abstenir de consommer certains lots de terrines de pâté de la marque « Elbe », suite à des cas graves d’intoxication alimentaire. Le Conseil d’État a alors considéré « qu’il appartient au ministre chargé de la santé, même en l’absence de texte l’y autorisant expressément, de prendre les mesures permettant de mettre en garde le public contre des produits dont la consommation présente un risque grave pour la santé ; que de telles mesures, eu égard à l’objectif de protection de la santé publique qu’elles poursuivent, ne peuvent ouvrir droit à indemnisation que si elles sont constitutives d’une faute »1187. Ces recommandations « de ne pas faire » en matière de police sanitaire trouvaient là un fondement dans la théorie des compétences implicites (confirmant que ce fondement est déterminant en matière de soft law1188) : même en l’absence de compétence explicite en la matière, le ministre pouvait prendre un tel « communiqué » car il est rendu nécessaire par l’exercice de sa mission1189.
202La justification d’une telle solution relève, là encore, de la recherche d’un équilibre entre la logique du principe de précaution qui suppose une possibilité non contrainte d’agir pour l’autorité (ce que l’admission d’une responsabilité sans faute ne garantit pas) et « symétriquement, la possibilité de réparer les dommages imputables à des fautes éventuellement commises à l’occasion de ces mises en garde officielles oppose elle aussi un garde-fou bien venu aux risques de panique que pourrait faire naître l’attitude d’une administration que ses excès de prudence sanitaire rendraient inconséquente »1190. Si ce régime de responsabilité avait bien pu être admis concernant une recommandation ministérielle « spontanée » à caractère général et à destination du public, c’est bien que cette solution pouvait être généralisée à d’autres autorités.
203Le Conseil d’État, dans l’arrêt Mme Abric, a alors considéré que les « réponses » de la H.A.L.D.E. (en l’espèce un refus donner suite à une réclamation par une recommandation) pouvaient fonder une responsabilité pour faute de l’État : « Considérant, d’autre part, que si, le cas échéant, les réponses faites par la haute autorité, dès lors qu’elles s’avéreraient infondées, sont de nature à engager la responsabilité de l’État, à l’égard de ceux à qui elles auraient directement causé un préjudice, les conclusions indemnitaires présentées par Mme X sont en tout état de cause, ainsi que le relève la haute autorité en défense, irrecevables, dès lors que, contrairement aux prescriptions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, elles n’ont pas été précédées d’une demande à l’administration ayant donné lieu à une décision »1191. La règle de la décision préalable a donc permis de rejeter le recours au fond, mais n’efface pas l’engagement de responsabilité de l’État dans l’hypothèse d’un refus fautif de recommander. Rendu le même jour que l’arrêt Société Editions Tissot1192 précité, cette décision complète alors le régime juridique des recommandations de la H.A.L.D.E. D’ailleurs, les conclusions de L. DEREPAS joignant ces deux espèces sont une nouvelle fois très éclairantes, car la possibilité d’engager la responsabilité de l’État est envisagée de manière générale (qu’il s’agisse d’un refus de recommander ou d’une recommandation « positive »). L’acceptation du recours de plein contentieux correspond bien alors à une compensation du refus de la nature décisoire des actes de la H.A.L.D.E. : « la circonstance que les recommandations (...) ne puissent pas être contestées directement devant le juge de l’excès de pouvoir ne fait pas obstacle à ce qu’elles engagent la responsabilité de l’État en cas de dommage résultant d’une faute »1193.
204Là encore, une telle solution ne peut se comprendre que par une prise en compte des effets directs de la soft law sur la situation des destinataires, se dessinent alors en creux les conséquences potentiellement préjudiciables d’un refus de recommander, qui « les prive de l’aide de la HALDE pour le rassemblement des éléments de preuve, de la possibilité d’obtenir de cette autorité des recommandations en leur faveur, et de l’espoir d’obtenir son appui devant les juridictions en cas de contentieux »1194. Pourtant, il n’était pas ici question d’une éventuelle publication, le refus de recommander opposé à Mme Abric lui avait été en effet simplement notifié. Le juge confirmait donc ici implicitement pour la première fois qu’une recommandation non publiée puisse causer un préjudice réparable afin de déclarer l’État responsable.
205Les effets de la soft law sont donc envisagés, dans le cadre de la responsabilité administrative, avec beaucoup plus de largesse que lorsqu’il s’agit d’un recours contre une décision de publier une recommandation. La rigueur de la notion de décision administrative empêche en effet toute prise en compte systématique de ces effets.
206Une dernière difficulté reste encore toutefois sans réponse : la responsabilité de l’autorité elle-même peut-elle être engagée du fait de ses recommandations fautives ? On sait que les hypothèses précédentes voyaient la responsabilité de l’État engagée précisément parce que ces autorités, qu’elles soient consultatives ou indépendantes, ne disposaient pas de la personnalité morale. Quid des « autorités publiques indépendantes »1195 telles que l’A.M.F., les récentes H.A.S., H.A.D.O.P.I. ou encore le tout nouveau Défenseur des droits ?
207On sait en effet que, nonobstant l’octroi d’un patrimoine propre et la possibilité d’ester en justice, « la personnalité morale présente des risques : pleinement responsable de ses actes, l’institution peut répugner à prendre des décisions audacieuses qui l’engageraient au-delà des capacités de son patrimoine »1196. Dans un avis du 8 septembre 2005, le Conseil d’État s’était alors prononcé sur la question de savoir qui de l’État ou d’une A.P.I. (en l’espèce la Commission de contrôle des assurances et des institutions de prévoyance1197) devait assumer financièrement les éventuels recours en indemnité. La Haute assemblée inclinait alors vers une lecture maximaliste de l’indépendance : « dès lors que la capacité juridique lui a été ainsi attribuée, il appartient à cette commission, en vertu du principe général selon lequel nul n’est responsable que de son fait, auquel ni la nature des missions confiées à la commission, ni les modalités selon lesquelles elle les exerce n’impliquent de déroger, d’assumer les conséquences des actions en responsabilité qui pourraient être engagées contre elle à l’occasion des fautes commises dans l’exercice de ces missions ». Dès lors le Conseil restreint la garantie de l’État1198 à titre subsidiaire aux cas d’insolvabilité de la Commission, si toutefois les fautes ont été commises dans l’exécution de la mission de service public qui lui a été confiée1199.
208On a pu voir quelle était la prudence dont les autorités faisaient preuve par l’utilisation de la technique recommandatoire. Mais justement, considérer que la soft law puisse aboutir à faire peser des conséquences financières potentiellement lourdes sur ces autorités ne permet-il pas de conclure qu’elle est passée du monde des faits à celui des normes juridiques ? En réalité, et c’est là tout l’intérêt du recours de pleine juridiction, la nature juridique de la soft law n’est toujours pas envisagée par le juge qui semble a priori respecter ici ses spécificités.
B - Un refus d’un changement de la nature non juridique de la soft law
209Tout comme le contrôle de la décision de publier une recommandation ne nous renseignait pas sur la nature de la soft law, l’acceptation de la responsabilité administrative ne nous permet aucunement de conclure à une quelconque mutation qualitative. On peut alors « imaginer que l’action informelle de l’administration, en tant que conseil ou recommandation, soit saisie comme un fait, et que ce fait puisse engager la responsabilité de l’administration dans les conditions habituelles de la responsabilité quasidélictuelle : comportement de l’administration (ici l’acte informel en cause), dommage subi par un administré et lien de causalité unissant l’un à l’autre »1200. Le raisonnement semble en effet là encore bien alambiqué : une telle solution ne peut s’expliquer que par une subtile dissociation entre l’absence d’effets de droit (qui justifient l’absence de recours pour excès de pouvoir) et la présence d’effets concrets (qui permettent d’envisager un recours de plein contentieux). C’est du reste ce que démontrait D. CHAUVAUX dans ses conclusions sur l’arrêt S.A. Laboratoires Bergaderm : « Si les recommandations de la Commission ne peuvent pas faire l’objet de recours pour excès de pouvoir, c’est parce qu’ils ne produisent par eux-mêmes aucun effet juridique. Leur annulation n’aurait donc pas de portée. Pour autant, un avis peut avoir des effets concrets, notamment par la publicité qu’il reçoit ; s’il en résulte par exemple des pertes de chiffre d’affaires pour le fabricant d’un produit, rien ne fait obstacle à ce que la victime de ce préjudice en demande réparation en établissant que l’avis a été rendu dans des conditions fautives »1201. Partant la nature juridique de la soft law est ici encore bien malmenée : elle est traitée de la même manière qu’un simple « fait matériel »1202..
210Elle n’est pas non plus envisagée de manière différente des autres actes non décisoires ou qui « ne font pas grief », les premiers1203 comme les seconds1204 pouvant aussi justifier l’engagement de la responsabilité de la puissance publique. Voilà encore la soft law perdue en gravitation autour de la décision exécutoire...
211Toutefois, il nous semble qu’un palier est ici franchi par le juge dans la détermination d’un régime juridique afférant aux actes recommandatoires. La mesure de ses effets se fait avec moins de rigueur et l’intensité du grief opposé au destinataire-victime n’a pas à être aussi fort que concernant le recours en annulation. Le recours de plein contentieux, nous l’avons dit, vient ici pallier les insuffisances du contrôle de légalité : il permet en creux d’envisager la régularité de la recommandation à l’aune de la faute commise par l’autorité, confirmant un caractère « holiste »1205 qui dépasse sa nature a priori subjective. Là où le recours contre la décision de publier voyait le juge éviter soigneusement de rentrer dans l’appréciation de la recommandation, la responsabilité de la puissance publique apparaît comme une forme de sanction juridictionnelle pour la soft law. Si bien entendu aucune annulation n’en ressortira, il n’en reste pas moins que cette dernière permettra de canaliser en aval l’action administrative1206, et nul doute qu’une recommandation fautive verra son application éminemment compliquée.
212Le degré de contrôle opéré sur la soft law paraît ainsi progressivement augmenter, sans pour autant faire vaciller complètement sa nature non juridique. Si la recommandation fautive voit ses effets changer de nature, par le couronnement du droit de la responsabilité, tel n’est pas encore son cas. La soft law reste une norme non juridique mais qui engendre potentiellement des effets de droit, la potentialité étant ici déterminée par une intervention postérieure et extérieure à elle. En revanche, d’autres cas dénotent une attitude bien plus transformatrice : le juge va lui attribuer une nature juridique en l’intégrant ponctuellement à ses normes de référence
§2. L’utilisation de la soft law par le juge : une dénaturation de la soft law
213Le juge va changer ici la nature de la soft law : plus qu’une simple garantie, c’est une transformation de sa nature auquel il va se livrer, qu’il s’agisse de la soft law matérielle ou de la soft law formelle. Sa référence dans la motivation de son jugement à une disposition non prescriptive ou à un instrument souple permettra alors de sanctionner les comportements déviants de la norme recommandée. Dans le premier cas, le juge va en effet donner une signification normative à des énoncés dont la formulation paraissait ab initio laisser planer des doutes quant à la reconnaissance de cette qualité (A). C’est donc bien le juge qui va ici rendre obligatoire des normes en leur offrant une sanction. Dans le second cas, l’instrument invoqué permettra au juge de motiver sa décision, de sorte que là encore l’outil utilisé se verra reconnaître non seulement des effets de droit (la sanction de son irrespect), mais aussi une « force normative »1207 que l’ordre juridique ne lui reconnaissait pas a priori, tout du moins au niveau formel (B).
A - L’utilisation de la soft law matérielle : de la détermination de la signification de l’énoncé
214La soft law dite matérielle, celle qui affecte les énoncés contenus dans des instrumenta formellement obligatoires fait figure pour le juge de guide d’interprétation. Les énoncés qui apparaissent ab initio comme ne contenant aucune obligation deviennent alors potentiellement juridiques, sous réserve de la fixation de leur signification par un juge qui les rend opératoires (1). Une telle concrétisation de la norme n’est pas alors sans rappeler les enseignements de la théorie réaliste de l’interprétation telle que prônée notamment par M. TROPER : la soft law en devient alors une application particulière mais qui semble concrétiser réellement ses postulats qui font de l’interprétation authentique du juge la seule garantie de la normativité (2).
1 - La soft law, une norme potentiellement juridique par l’intervention du juge
215Un rappel important s’impose d’emblée ici : les développements qui vont suivre ne concerneront pas certaines « dispositions législatives non prescriptives » qui se formulent par des notions floues ou des standards, dispositions qui figurent elles aussi des « normes d’interprétation » et de « validité » pour le juge1208. Nous l’avons dit, ces manifestations de la « texture ouverte du langage »1209 ne relèvent pas de la soft law à proprement parler. En effet le « flou » porté par cette dernière ne constitue pas, pour reprendre la distinction opérée par M. DELMAS-MARTY, un « flou conceptuel », mais bien uniquement un « flou opérationnel »1210. Là où la soft law révèle une incertitude sur l’existence même de l’obligation, le droit « flou » laisse planer une incertitude sur la concrétisation de cette obligation par les destinataires de la norme : « la proclamation d’un principe (...) a au moins un effet de droit, celui d’interdire aux pouvoirs publics de le méconnaître »1211. Nous avions ainsi laissé la soft law formelle dans un entre-deux, dont les frontières étaient tracées en bas de l’échelle de la normativité par la censure des « dispositions manifestement non normatives », et en haut, par les dispositions purement prescriptives, qui allient la précision dans l’obligation énoncée et dans la sanction provoquée par la violation de cette dernière (le droit pénal témoignant spécifiquement de cette association complète).
216Le cas des énoncés « non normatifs » est en revanche ici plus intéressant. Il dénote en premier lieu de l’attitude récente du Conseil constitutionnel qui purge la loi de pareils énoncés sans norme1212. Il contribue alors à les évacuer non seulement de la normativité juridique, mais aussi de tout phénomène normatif : les dispositions purement émotives ou déclaratoires, relevant du « constatif »1213 et non d’un devoir être, ne peuvent potentiellement receler aucun modèle de comportement, et leur violation ne peut être utilement invoqué devant le juge de la légalité1214. Toutefois, même ces « neutrons législatifs » ont pu, par la volonté d’un juge quelconque, provoquer des effets de droit. C’est d’ailleurs précisément cette raison qui conduit le Conseil constitutionnel à les censurer, la marge d’appréciation ainsi laissée aux autorités d’application pouvant aboutir à un empiètement sur les compétences du législateur1215. Là encore le raisonnement apparaît quelque peu paradoxal : on ne peut en effet qu’être « surpris de ce que l’absence de normativité conduise à une déclaration d’inconstitutionnalité parce qu’on en redoute les effets »1216. Pourtant l’exemple du droit au logement figure bien cette hypothèse, étant passé d’une simple portée symbolique (l’article premier de la loi du 6 juillet 1989 disposant que « le droit au logement est un droit fondamental ») à une réelle opposabilité (consacrée par la loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale). Dans l’intervalle, la Cour de cassation n’aura pas attendu la déclaration de son opposabilité pour valider en partie son invocabilité, en lui accordant certains effets de droit1217. Dans le même ordre d’idée, la reconnaissance très symbolique du génocide arménien par la loi du 29 janvier 20011218 a pu conduire à des effets juridiques indirects, en l’absence de pénalisation de sa négation1219, en matière notamment de responsabilité civile1220. De même, la « loi Taubira » qui qualifie la traite négrière de crime contre l’humanité1221, aura sans doute contribué, par cette qualification juridique d’une vérité historique1222 à ouvrir un peu plus des actions fondées sur la diffamation. Une telle reconnaissance pourra en effet entrer en jeu dans la détermination de la mauvaise foi de l’auteur d’imputations diffamatoires1223. Les lois mémorielles peuvent ainsi contribuer au renversement de l’exceptio veritatis, en gravant dans le marbre la vérité des faits historiques1224.
217Dans l’ensemble de ces exemples, la décision d’un juge contribue à faire changer la valeur normative de certaines dispositions législatives : d’une « faible valeur normative initiale », on glisse alors vers une « forte garantie normative a posteriori »1225. Si des énoncés non normatifs peuvent ainsi être rendus « positifs », on ne doute pas que d’autres, à la normativité incertaine cette fois, puissent eux aussi être à l’origine d’une telle opération. L’affirmation de la normativité d’un droit a priori déclaratoire procède alors d’une mutation qualitative opérée par l’interprète authentique, méthode que l’on a déjà pu rencontrer concernant la soft law formelle par l’application du critère de l’impérativité à certaines recommandations de l’ancienne H.A.L.D.E. ou de la H.A.S.1226. En ces cas, la soft law n’est plus seulement un guide pour l’interprétation du juge, elle devient une norme juridique par son intervention qui va « découvrir » la norme. La formulation prudente des énoncés par leurs auteurs pourra ainsi toujours potentiellement faire l’objet d’une consécration. Dès lors, lorsque la soft law est contenue dans un instrument formellement obligatoire (et donc dans l’hypothèse où la formulation du negotium ne correspond pas à la nature de l’instrumentum), elle resterait toujours potentiellement normative de part un rattachement, même indirect (par un renvoi par exemple) à cet instrument dont la valeur ne fait pas de doute. Ceci confirme qu’en vertu de la « dimension illocutoire prééminente » du langage juridique des autorités habilitées à créer du droit, « tous les actes juridiques sont donc normatifs, au moins virtuellement. Mais ils le sont de diverses manières, et surtout selon des degrés très marqués »1227.
218C’est d’ailleurs ce que soulignait le Commissaire du gouvernement Y. AGUILA dans ses conclusions sur l’arrêt Commune d’Annecy1228, qui donnait la pleine valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement (intégrée dans le préambule de la Constitution de 1958 par la loi constitutionnelle no 2005-205 du 1er mars 2005). Consacrant essentiellement des principes inhérents au droit de l’environnement, tels que les principes de prévention, de précaution ou de participation, son article 10 déclare qu’elle doit inspirer « l’action européenne et internationale de la France ». Loin de critiquer la normativité incertaine de cet énoncé, le conseiller d’État estimait au contraire qu’il serait « dangereux de décider par avance et une fois pour toutes que tel ou tel principe a ou n’a pas de portée juridique. La jurisprudence fourmille d’exemples de décisions qui ont “découvert” tardivement des normes dans des dispositions que l’on croyait purement descriptives »1229. A titre d’exemple, Y. AGUILA cite ainsi l’article 88-1 de la Constitution1230 dont la nature juridique a été « activée » par la décision du 10 juin 2004, Economie numérique1231, en considérant qu’il « en résultait une exigence constitutionnelle de transposition des directives »1232. La portée a priori descriptive d’un tel énoncé est alors porteuse de conséquences normatives potentielles : par exemple, « l’opportune modification de l’énoncé de l’article 88-1 dés lors que la nature des relations entre la France et l’Union et la Communauté changera »1233. Plus loin, la formulation « constative » offre alors au juge un large pouvoir d’interprétation, en ce que « l’indétermination des termes “la République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne” permet d’individualiser, d’expliciter et de constitutionnaliser les différentes exigences communautaires qui sont la conséquence de cette “participation” »1234.
219Partant la soft law matérielle constitue un réservoir probable de normes juridiques utilisables par le juge. D’ailleurs, rien n’empêchera qu’une disposition a priori déclaratoire ainsi utilisée soit à même d’évaluer la normativité d’autres énoncés : n’est-ce pas l’article 6 de la D.D.H.C. qui déclame que « la loi est l’expression de la volonté générale » qui fonde la censure des dispositions législatives non normatives par le Conseil constitutionnel ?
220Cette nouvelle qualité attribuée par le juge à la soft law confirme que « la portée d’une disposition (...) ne peut jamais être décrétée à l’avance. C’est au moment de sa concrétisation qu’une norme prend tout son sens et qu’il devient alors possible d’en préciser la portée exacte »1235. Sous ce prisme, la soft law donne à l’interprète authentique une large liberté, et l’herméneutique juridictionnelle confine à l’heuristique : l’essence même de la théorie réaliste de l’interprétation est dès lors en partie validée.
2 - La soft law, une illustration particulière de la théorie réaliste de l’interprétation
221La théorie réaliste de l’interprétation (T.R.I.) telle que développée par M. TROPER1236 se propose de fonder la normativité dans la décision d’un juge suprême : lui seul est à même par son interprétation de conférer aux énoncés contenus dans divers instrumenta la nature de norme juridique. Dans l’attente d’une réception par un interprète, ces énoncés n’ont alors que le caractère de « proposition subjective de norme » pour leur auteur, mais qui ne sont en rien obligatoires pour leurs destinataires. Dans ce cadre, « l’interprétation authentique est donc une opération de création du Droit, non seulement dans la mesure où elle est un moment du processus de création de la norme inférieure, mais aussi – et même surtout – en tant qu’elle est détermination, création ou “recréation” de la norme supérieure. Ce qui fait l’objet d’une interprétation, en effet, ce n’est pas une norme à appliquer, mais seulement un texte. C’est l’interprétation qui, en quelque sorte, insère dans ce texte une norme précise »1237. L’interprète authentique devient alors son véritable auteur, et l’opération de volonté ainsi manifestée témoigne de son « libre arbitre » dans la détermination du sens du texte parmi plusieurs choix possibles. Les critiques à l’encontre de cette théorie sont nombreuses et souvent souvent acerbes1238. D. de BECHILLON démontrera ainsi que cette dernière est tour à tour excessive en ce qu’elle donne une trop grande liberté à l’interprète1239 ; contradictoire, puisque « certaines normes s’imposent à leurs sujets sans que ceux-ci de disposent de la moindre liberté interprétative »1240 (l’hypothèse même des normes juridictionnelles) ; insuffisante car elle n’explique pas l’apparition de normes de compétence (« comment une simple proposition subjective de norme peut-elle faire naître une institution juridique, immédiatement appréhendable “en chair et en os”, si cette proposition n’est encore impérative qu’aux yeux de qui l’édicte ? »1241) ; et enfin nihiliste pour proposer une vision non obligatoire de l’ordre juridique en le fondant sur un principe de liberté1242. M. TROPER répondra à ces critiques1243 et précisera sa construction en y ajoutant la « théorie des contraintes juridiques », censée limiter la liberté de l’interprète1244. Il ne nous appartient pas ici de trancher dans le sempiternel débat entre normativistes et réalistes, (ce serait à proprement parler hors-sujet) : d’autres auteurs l’ont déjà fait de manière exhaustive1245. Il nous semble toutefois qu’au vu de ce qui a été dit, la théorie réaliste de l’interprétation semble bien plus « compatible » avec notre concept. Nous avions pu montrer que le normativisme était un obstacle dirimant à la reconnaissance d’une normativité juridique à la soft law, fondant une inadaptation de la technique recommandatoire à la juridicité1246. Pourtant, l’hypothèse même d’une normativité « non directive » semble abonder dans le sens de la T.R.I. La soft law n’est pas une norme juridique, elle n’est ni obligatoire ni sanctionnée, sauf dans les cas où un juge viendrait fixer sa signification impérative, ou révéler une non coïncidence entre l’instrumentum et le negotium. Ainsi, la soft law constituerait une illustration particulièrement pertinente, car limitée, de la construction de M. TROPER : l’ordre juridique ne lui reconnaissant ab initio aucune forme de contrainte, elle tend à se rapprocher d’une « signification subjective de norme ». Toutefois, il ne faut pas omettre de souligner que la soft law (ou tout du moins ce qui paraît a priori en faire partie) et le normativisme ne sont pas totalement incompatibles : comment ne pas voir dans le juge une simple « bouche de la loi » quand ce dernier considère par une méthode exégétique que certaines recommandations du C.S.A. sont en réalité des décisions faisant grief1247 ? L’une comme l’autre théorie présente alors des tolérances plus ou moins grandes envers la technique recommandatoire. Mais puisqu’il faut sans doute choisir pour ne pas laisser notre lecteur dans le doute, nous considérons qu’une application trop littérale et dogmatique de la T.R.I. aboutit nécessairement à des aberrations. Pour le dire ici très schématiquement (et très simplement), comment considérer que les dispositions du code pénal ne sont pas des normes juridiques tant que le juge ne les a pas interprétées ? Certes ces dernières ne sont jamais obligatoires en soi (sans quoi elle relèverait de la morale kantienne et d’un « impératif catégorique »), à part peut-être l’interdit du meurtre ou de l’inceste (qui justement se fonde sur des prédicats moraux, des tabous inhérents à toute société), mais elles sont construites généralement par l’association de la qualification juridique d’un comportement donné (par exemple : « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui »1248) et d’une sanction (« Le vol est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende »1249). L’obligation et l’interdit sont ici implicites mais parfaitement interprétables comme tels par n’importe quel justiciable. Le juge retrouvera en revanche un rôle dans l’interprétation du fait réprimé (dans l’exemple donné, la nature et l’étendue de la notion de « soustraction frauduleuse ») mais il serait parfaitement abusif de conclure à l’inexistence de cette norme. En revanche, appliquer la théorie réaliste la plus pure qui soit n’emporte quasiment aucune objection tant la soft law paraît taillée pour le juge. Dès lors, « la multiplicité des interprétations dont peuvent faire l’objet les énoncés vagues ou dits non normatifs n’accentuent pas le pouvoir normatif du juge mais seulement les risques de désaccord sur l’interprétation choisie, parmi de nombreuses, par celui-ci »1250. D’autres hypothèses voient encore l’intervention du juge comme décisive dans le changement de la nature juridique de la soft law. L’utilisation d’instruments formellement « souples » tient là encore d’une « garantie normative »1251 offerte par le juge.
B - L’utilisation de la soft law formelle : vers une consécration de la nature juridique
222Cette utilisation par le juge d’instruments non contraignants au soutien de sa motivation est rare, il faut le concéder ici. La plupart du temps, et c’est bien naturel, le juge reste attaché aux sources classiques de la légalité (1). Toutefois, en certains cas, l’éclairage apporté par un instrument « souple » à son interprétation contribue indéniablement à consacrer ses effets juridiques. Là encore, un éventuel changement de nature par le truchement de ces effets n’est pas à écarter : ils apparaissent en effet comme une étape transitoire vers une reconnaissance complète de l’ordre juridique. C’est surtout en matière médicale que ce lien chronologique entre la reconnaissance d’effets de droit et un changement de la nature juridique de l’instrument utilisé par le juge est le plus parlant : la violation d’une « recommandation de bonne pratique » peut être en effet maintenant sanctionnée (2).
1 - Des hypothèses très limitées : l’attachement du juge aux sources classiques de la légalité
223Au même titre que le contrôle de la décision de publier une recommandation est une reconnaissance de ses effets, son invocation par le juge dans la motivation de son jugement est une prise en compte de sa valeur. Au-delà en effet de la forme de l’acte, c’est la qualité de son contenu qui est utilisé. Dans ce cadre, l’attitude des juges européens témoigne d’une « facilité de réception »1252 du droit souple. Cette hypothèse est en effet courante du côté de Strasbourg, on sait en effet la mesure avec laquelle la C.E.D.H. se fonde sur des instruments non contraignants afin de déterminer l’existence d’une pratique commune des Etats1253, nonobstant parfois l’absence d’une réelle acceptation par l’État. Aussi la Cour a-t-elle déjà pu interpréter des dispositions de la Convention à la lumière de la Charte sociale européenne, sans même que l’État requérant l’ait demandé, et en l’absence d’une ratification globale des États membres. Par exemple, dans l’affaire Demir et Baykara c/ Turquie1254, « la Cour européenne a interprété l’article 11 de la Convention, lequel garantit la liberté d’association et de réunion (et donc la liberté syndicale) en y englobant le droit de négociation collective (qui n’y figure pas), à la lumière de l’article 6 de la Charte sur la négociation collective, alors pourtant que cet article avait été expressément écarté par l’État en cause au moment où il a ratifié la Charte »1255. Bien entendu on pourra s’émouvoir ici du gouvernement des juges ainsi clairement démontré par une interprétation quelque peu extensive de l’adage Pacta sunt servanda, mais il est surtout relativement frappant que le dépassement du pouvoir normatif du juge soit précisément porté par un instrument qui ne l’est pas... C’est donc bien le fait qu’il le rende comme tel qui heurte les principes les plus assis du droit européen, tels que la prééminence du droit ou la sécurité juridique.
224La C.J.U.E. a elle aussi pu proposer des interprétations quelque peu extensives des Traités notamment concernant la nature juridique des recommandations de l’Union européenne fondées sur l’article 288 T.F.U.E. Dans l’arrêt Grimaldi c/ Fonds des maladies professionnelles1256, la Cour reconnaissait que ces dernières pouvaient avoir certains effets juridiques, nonobstant leur nature non obligatoire de principe1257 et leur absence d’invocabilité pour les justiciables1258, et que ces effets pouvaient dès lors justifier que les juges nationaux soient « tenus de prendre les recommandations en considération en vue de la solution des litiges qui leur sont soumis, notamment lorsqu’elles sont de nature à éclairer l’interprétation d’autres dispositions nationales ou communautaires »1259. Ce faisant, la Cour contribuait à étendre considérablement les normes communautaires de référence des juges nationaux pour leur interprétation des dispositions contraignantes, de sorte que la soft law retrouve ici son caractère d’accessoire du droit. Elle est en effet un guide permettant l’interprétation de la réglementation, et à ce titre, le juge, sans pour autant s’estimer lier par elle, utilise les normes ainsi recommandées.
225Toutefois, si les juges nationaux peuvent utiliser une recommandation à l’appui de leur interprétation, il n’est toujours pas question pour les justiciables de les invoquer directement. Cette invocation se solde généralement pour les requérants par un échec, le juge préférant bien évidemment les sources classiques de la légalité (i.e. reconnues comme obligatoires par l’ordre juridique) pour motiver ses décisions1260.
226Ainsi, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avant son intégration dans les traités institutionnels1261, avait fait l’objet d’un refus strict d’invocabilité par le Conseil d’Etat, même si la formulation de ce refus paraissait moins nette dès lors que le « fabuleux destin »1262 normatif de cette Charte était susceptible de changer1263. Aussi le Conseil d’Etat avait-t-il considéré que « les requérants ne sauraient utilement invoquer la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, laquelle est dépourvue, en l’état applicable du droit, de force juridique »1264. La même réticence était d’ailleurs observable concernant la C.J.U.E. qui a pendant longtemps préféré se référer à la C.E.S.D.H., offrant une protection équivalente des droits fondamentaux, mais qui a très récemment déclaré invalide une directive communautaire sur son fondement autonome1265. L’intégration par l’ordre juridique, et donc un changement de nature, est ainsi une condition essentielle de l’invocabilité des instruments non contraignants. D’ailleurs, en l’état actuel du droit, le Conseil d’État continue de voir dans la Charte des droits fondamentaux un simple instrument « dépourvu de force juridique »1266.
227Toutefois, ces hypothèses d’utilisation d’un instrument « souple » par le juge ne doivent pas aboutir à les envisager comme de véritables normes juridiques. Ils peuvent en effet se voir ici comme la manifestation d’une pratique auquel le juge attribue ponctuellement des effets de droit. A ce titre, la méthode rappelle qu’en droit international public, la violation d’actes non contraignants n’entraîne pas de condamnation de l’Etat pour un fait illicite, mais ces derniers peuvent toutefois déployer d’autres effets juridiques, pouvant parfois constituer une « source du droit international »1267. Pour autant, on peut légitimement se poser la question de savoir si cette prise en compte par le juge n’est pas là encore une étape transitoire avant une véritable reconnaissance par l’ordre juridique. L’exemple de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est à ce titre patent, son intégration dans le droit primaire ayant été envisagée dès sa rédaction, dans l’attente d’une ratification par un nombre suffisant d’Etats membres. Dans l’intervalle, le juge n’aura pas d’autre choix que de lui attribuer certains effets de droit, en suivant lui-même et de son propre chef les normes recommandées pour interpréter le droit « dur ». De même, l’intégration quasi immédiate de la Charte de l’environnement dans le Préambule de la Constitution par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 aura été un gage de son invocabilité par les justiciables, malgré quelques hésitations jurisprudentielles, d’abord par le truchement des dispositions législatives ou réglementaires appliquant certains de ses articles1268, puis de manière plus directe1269.
228Aussi le Conseil d’Etat peut-il parfois utiliser certains actes non contraignants issus de la soft law internationale. Dans l’arrêt Gagnidze, le juge se réfère ainsi explicitement aux critères fixés par l’Union européenne pour le financement d’un établissement pénitentiaire en Géorgie au titre de l’appréciation des risques auxquels sont exposés les détenus, et pourra alors participer à la motivation de la décision dans le cadre d’un recours en annulation contre un décret d’extradition sur le fondement de l’article 3 de la C.E.S.D.H.1270. Dans le même ordre d’idée, la légalité d’une décision de retrait d’autorisation de mise sur le marché d’un produit a pu être appréciée notamment au regard d’une « méthode d’analyse » préconisée par la F.A.O1271. Le ministre de la santé avait alors pu légalement retirer cette autorisation en vertu des articles L. 253-1 du code rural, en se fondant notamment sur les résultats d’analyse du laboratoire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Massy, qui avait suivi la méthode préconisée par ladite méthode d’analyse.
229Dans l’ensemble de ces exemples, la soft law joue un rôle en tant que pratique permettant au juge de motiver sa solution. Elle reste alors une norme non juridique, n’étant toujours pas obligatoire à proprement parler, mais sert à l’établissement d’un faisceau de présomptions nécessaire à la motivation du juge. Cette démarche utilitaire n’est pas sans rappeler la nature d’accessoire du droit que revêt la technique recommandatoire : elle constitue en ces cas une véritable canne soutenant l’interprétation de la réglementation.
2 - Des hypothèses en développement : la sanction du fait du non respect de la soft law
230De ces cas limités, on peut exciper une méthode d’interprétation du juge qui étend ses normes de référence à la soft law. Dès lors, dans des cas beaucoup plus fréquents cette fois, cette dernière va pouvoir fonder directement la faute disciplinaire et la responsabilité du médecin (a). Partant, cette admission se présente comme une étape première et transitoire, dans l’attente d’une véritable consécration d’une nature décisoire opérée dans le cadre d’un recours en annulation (b).
a - La soft law fondant la faute disciplinaire du médecin
231Fonder une telle faute sur une recommandation de bonne pratique suppose que l’autorité de cette dernière soit établie en fait. On sait sur ce point l’expertise qu’elles apportent pour les praticiens dans leur activité quotidienne. D’ailleurs, la Cour de cassation reconnaissait, elle, depuis longtemps que de telles recommandations de bonne pratique puissent engager la responsabilité contractuelle du médecin envers son patient1272. Elles rentrent alors dans le cadre de l’expertise guidant la décision du juge.
232Cependant il a fallu attendre bien plus longtemps pour que le Conseil d’Etat donne à ces recommandations une reconnaissance juridique. Dans l’arrêt Kerkerian du 12 janvier 2005 les juges du Palais Royal ont considéré que les recommandations de bonne pratique clinique en matière de prévention de l’A.N.A.E.S (fondées sur l’ancien article L. 1414-2 du code de la santé publique) pouvaient fonder une sanction disciplinaire d’un médecin1273. En l’espèce, le docteur Kerkerian avait été condamné en première instance puis en appel par la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins1274, notamment au motif qu’il n’avait pas procédé sur ses patientes au dépistage du cancer du col de l’utérus. La section avait ainsi pris en compte une recommandation de l’A.N.A.E.S. préconisant un frottis de dépistage des patientes dans le cadre de la prévention de ce cancer pour fonder cette sanction disciplinaire. Le Conseil d’Etat décide alors « qu’aux termes de l’article 32 du code de déontologie, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science (...) que la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins a pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer que Μ. X n’avait pas tenu compte pour dispenser ses soins à ses patients des données acquises de la science, telles qu’elles résultent notamment des recommandations de bonnes pratiques élaborées par l’agence nationale pour le développement de l’évaluation en médecine puis par l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, en s’abstenant de prescrire le dépistage systématique du cancer du col utérin chez ses patientes âgées de 25 à 65 ans et le renouvellement tous les trois ans de cet examen, et qu’il avait ainsi méconnu les dispositions des articles 8 et 32 du code de déontologie ». Par là, le Conseil admettait qu’une faute disciplinaire pouvait être engagée à l’aune de ces recommandations de bonne pratique. Plus précisément, cet arrêt les intègre aux données acquises de la science qui s’imposent au médecin en vertu de l’article 32 du code de déontologie médicale1275, cette reconnaissance d’une valeur juridique se fait donc de manière indirecte en les intégrant aux « données acquises de la science ». Ici, le Conseil évitait soigneusement « toute la polémique qui aurait pu naître autour de la valeur à accorder de façon sémantique au terme recommandations »1276. D’ailleurs, la juridiction administrative n’avait pas suivi la méthode proposée par son Commissaire du gouvernement qui soutenait que la référence aux recommandations de bonne pratique par la section des assurances du Conseil de l’Ordre était inutile et proposait « le recours aux seules données de la science »1277 imposées par l’article 32 du code de déontologie pour fonder sa décision.
233En préférant intégrer ces recommandations aux données actuelles de la science, le Conseil d’Etat interprétait alors une disposition « floue » à la lumière d’un acte relevant de la soft law formelle. Ainsi, « les recommandations de bonnes pratiques émises à l’attention du corps médical donnent des orientations et constituent des instruments d’aide à la décision, tant pour les praticiens que pour le juge »1278. En les intégrant à son raisonnement, le juge contribue ici à leur donner un caractère invocable et opposable aux médecins. On pourra certes continuer à penser que ces recommandations de bonne pratique continuent à avoir « théoriquement valeur que de conseil, non de commandement, dans le but d’orienter la pratique médicale »1279, mais fonder, même indirectement, une sanction disciplinaire sur leur base relève selon nous d’un changement de leur nature.
234Bien sûr, ces recommandations ne sont pas le seul outil permettant au juge de dégager ces « données acquises de la science », de sorte que son interprétation n’est pas liée par elles1280, mais ce dernier semble insister sur le fait qu’elles « résultent notamment » d’elles. L’acte recommandatoire redevient un élément permettant au juge de motiver sa solution en dégageant l’existence d’une pratique commune et certaine, comme le fait la C.E.D.H. en recherchant, à la lumière d’instruments non contraignants, une pratique géréralisée des Etats. La soft law « interne » devient là aussi un motif de soutien nécessaire à la décision du juge.
235On ne doute pas ainsi que cette solution puisse s’appliquer en matière de responsabilité médicale. La Cour de cassation l’a admis la même année approuvant « une cour d’appel qui avait dégagé un médecin de toute responsabilité en se reposant sur les recommandations de bonne pratique, en l’espèce parfaitement suivies »1281. A contrario, les juridictions administratives ont pu se référer « de plus en plus souvent au “respect des règles de bonne pratique” issues de ces documents pour écarter toute faute ou négligence »1282 du médecin.
236Dans un sens comme dans l’autre, l’effet de ces recommandations de bonne pratique non adossées à des références médicales opposables paraît être modifié qualitativement. Le droit ne les reconnaît certes toujours pas comme réellement obligatoires mais les médecins sont indirectement tenus de les respecter, au titre des « données acquises de la science ». En effet leur opposabilité n’est pas totale, d’abord parce que ce sont à proprement parler les « données actuelles de la science » qui le sont, puis parce que les médecins pourront toujours les dénoncer1283. Elles deviennent toutefois invocables par les patients et formalisent ainsi un ensemble d’usages qui voient leur force contraignante couronnée par une éventuelle faute disciplinaire ou une responsabilité du praticien. L’intégration offerte par l’ordre juridique se fait alors par un renvoi du juge aux « données acquises de la science », elles-mêmes rendues obligatoires en vertu du code de la santé publique et de déontologie médicale. Il n’y a dés lors qu’un pas à franchir pour que le juge de l’excès de pouvoir les envisage comme des actes décisoires.
b - Une hypothèse transitoire : vers une reconnaissance de la nature décisoire des recommandations de bonne pratique
237On aurait pu croire que la « sanction » ainsi offerte aux recommandations de bonne pratique par l’arrêt Kerkerian aurait accouché neuf mois plus tard d’une acceptation par le juge de l’excès de pouvoir de leur nature décisoire. Pourtant, l’arrêt C.N.O.M. du 26 septembre de la même année aura vu d’autres recommandations (fondées sur l’article L. 1111-9 du code de la santé publique) considérées, sous réserve de l’absence de rédaction impérative, comme des actes non décisoires, voire comme des circulaires1284. Certes ces dernières ont un tout autre objet (l’information des patients) et ne guident pas les praticiens dans leur pratique clinique au sens strict : ce n’est pas en effet le « geste médical » qui est l’objet de recommandations. Ici, la légalité administrative refuse donc de répondre aux avancées initiées par la responsabilité médicale.
238Toutefois, nous l’avons vu, un important infléchissement s’est produit par l’arrêt Association Formindep du 27 avril 20 111285, qui a posé la nature décisoire des recommandations de bonne pratique de la H.A.S. fondées sur les articles L. 161-37 et R. 161-72 du code de la sécurité sociale1286. L’association pour une formation médicale indépendante (Formindep) demandait ainsi l’annulation du refus d’abroger une recommandation professionnelle relative au traitement médicamenteux du diabète de type II, diffusée par l’autorité publique indépendante en novembre 2006. Les requérants soulevaient notamment la partialité des membres ayant participé à la rédaction de cette recommandation, membres ayant selon elle des liens d’intérêts avec des entreprises ou établissements intervenant dans la prise en charge du diabète de type IL Le Conseil reprenait alors quasiment le même considérant de principe que dans l’arrêt Kerkerian, à ceci près qu’il ne s’agissait pas là d’établir la faute d’un praticien provoquée par le non respect d’une recommandation de bonne pratique, mais bien la recevabilité et la nature décisoire de cette dernière. Ainsi le Conseil d’État relève que « les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute Autorité de santé sur la base de ces dispositions ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ; qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».
239On voit bien alors que le contrôle de légalité ne fait que suivre les solutions initiées en matière de faute disciplinaire et de responsabilité médicale. La motivation de la décision est en effet la même pour justifier tant la possibilité pour l’ordre de sanctionner à bon droit un médecin que pour envisager la recevabilité d’une recommandation. D’un côté la faute est constituée par la méconnaissance des « données acquises de la science » par le biais d’une recommandation de bonne pratique, d’un autre côté le Conseil ne fait que prendre acte de cette évolution par un raisonnement normativiste très classique. On pourrait en effet le résumer comme suit : ces normes sont sanctionnées par le code de déontologie en matière disciplinaire (et du même coup par le code de la santé publique) par le truchement des « données acquises de la science », elles ont donc une certaine force obligatoire. Partant, elles modifient la situation de leurs destinataires, et ont des effets suffisants : elles doivent donc ainsi être considérées comme des décisions administratives faisant grief. KELSEN avait du reste parfaitement montré les relations étroites qui se nouent entre la responsabilité et l’obligation : « on est obligé à une conduite conforme au droit, on est responsable d’une conduite contraire au droit »1287, soulignant que la responsabilité n’est qu’une obligation « supplétive » (réparer le dommage) d’une obligation principale (ne pas infliger un dommage) et non une véritable sanction1288. Dès lors, en intégrant les recommandations de bonne pratique dans les données acquises de la science, le juge aura contribué à les rendre obligatoires : la responsabilité n’est ici que la conséquence de la méconnaissance de l’obligation déontologique.
240Ce lien entre sanction et obligation, déjà évoqué dans nos propos, retrouve donc ici un écho tout particulier : ce sont en effet les recours en responsabilité qui ont révélé l’existence d’une obligation préexistante par l’engagement de la responsabilité d’un praticien n’ayant pas respecté lesdites recommandations, et le recours en annulation ne fait que suivre ce mouvement en prenant acte du changement de nature opéré.
241On pourrait donc légitimement se demander si l’application du régime de la responsabilité administrative à la soft law n’est qu’une étape transitoire dans l’attente d’une reconnaissance de sa nature véritablement juridique et surtout décisoire. En effet, si elle contribue à en changer grandement le régime, la responsabilité administrative n’a pas la même fonction que la légalité. On voit bien qu’ici les recommandations de bonne pratique témoignent de ce glissement opéré par le juge. Reconnaissant d’abord des effets limités, puis des effets juridiques (la possibilité d’être « sanctionné » pour un comportement ne respectant pas la norme recommandée), maintenant pendant un temps une immunité contentieuse, sans pour autant consacrer l’irresponsabilité qui pourrait en découler, le juge opère par « à coup » et nous offre une vision dynamique de la soft law.
242Celle-ci n’est pas alors loin de redevenir le « droit vert » auquel certains auteurs de la doctrine de droit international la cantonnaient volontiers. Le contrôle du juge témoigne surtout du refus de voir des normes si développées échapper à tout mécanisme de sanction, spécialement dans des domaines médicaux, où leurs effets sont potentiellement néfastes et particulièrement médiatisés. Cette dernière caractéristique ne doit pas ainsi nous faire oublier le contexte dans lequel s’insère cette dernière décision : sans soute que le scandale du médicament « Médiator » et les conflits d’intérêts en matière médicale auront joué un rôle déterminant dans cette progression du juge. L’opportunité n’est en effet jamais bien loin au Palais Royal.
***
243Le juge, en maîtrisant les effets de la soft law, participe à une authentification de cette dernière. Nous avions vu que la technique recommandatoire était globalement effective, et suivie par ses destinataires, mais ces effets se passaient encore d’une véritable reconnaissance de l’ordre juridique (tout au plus l’existence de sanctions indirectes permettait-il de leur octroyer une certaine « force illocutoire »). En revanche, du contrôle de la décision de publier une recommandation à la reconnaissance de la nature juridique de tel ou tel instrument, en passant par l’utilisation de la technique dans l’interprétation juridictionnelle, le juge paraît réellement consacrer des effets juridiques propres à notre concept.
244Dès lors l’intégration offerte par le juge ne se résume pas nécessairement à l’inadaptation des méthodes, ou à une immunité contentieuse totale, mais plutôt à une prise en compte ponctuelle et empirique de la soft law. Nous avions pu voir que cette dernière faisait office d’intermédiaire entre le droit et le fait1289 : dans le prisme jurisprudentiel, elle devient un intermédiaire vers le droit. Qu’il s’agisse d’instruments a priori souples, ou plus encore d’énoncés à la formulation a priori floue, le juge semble toujours trouver les voies pour étendre l’empire de la légalité.
CONCLUSION DU TITRE PREMIER
245La réception de la soft law opérée par le juge a démontré toute sa complexité. Ces développements, en forme de gradation, ont en effet témoigné d’une appréhension grandissante par l’ordre juridique. D’abord de manière timide, le juge administratif tend à sauvegarder ses méthodes face à une technique nouvelle : cette réception-assimilation aura contribué à engloutir l’acte de soft law dans les actes non décisoires, et le comparant abusivement parfois à une circulaire administrative, nonobstant un objet et surtout un domaine sensiblement différent. En laissant volontairement des poches de « non-normativité », le juge reste ainsi globalement conservateur vis à vis de la technique recommandatoire, et dessine les premiers contours de sa transformation opérée par l’ordre juridique : la soft law ne peut être perçue autrement que par le biais de catégories déjà reconnues par lui.
246Pour autant, nous avons démontré que cette attitude n’épuise pas l’ensemble de la jurisprudence. Parfois en effet, il arrive que le juge réinvestisse la technique de manière indirecte : en acceptant de contrôler les décisions de publication, et en admettant l’idée même d’une responsabilité provoquée par un acte de soft law, le juge démontre que ce dernier déploie bien des effets au sein de l’ordre juridique. Mieux encore, en voulant les maîtriser, le juge les accepte implicitement comme de véritables effets de droit, bien loin d’un simple sentiment purement interne aux destinataires.
247Plus loin, nous avons vu que cette acceptation de la soft law pouvait aller beaucoup plus loin dans la reconnaissance, même au prix d’une dénaturation de cette dernière. Cette réception-transformation conduit en effet à penser que le juge est le « bras séculier » naturel de la soft law. D’abord, l’« impérativisation » opérée a démontré que l’ordre juridique ne peut recevoir la technique recommandatoire en son sein qu’au prix d’une transformation totale : elle apparaît ainsi comme une technique potentiellement normative dans l’attente d’une consécration par un juge. Ce dernier aura tout loisir pour étendre à l’envi certaines habilitations législatives, confirmant la légitimité toute relative de cette opération.
248Ensuite, par l’utilisation qu’il fait de la soft law, le juge semble gravir un palier dans sa réception : en déterminant la signification de certains énoncés à la normativité juridique a priori incertaine, il contribue à faire de la soft law matérielle un ensemble de normes potentiellement juridiques. En acceptant de fonder la responsabilité d’un médecin sur un manquement à une recommandation de bonne pratique par le truchement des « données acquises de la science », le juge du plein contentieux aura révélé leur nature juridique, ce que le juge de l’excès de pouvoir ne dénoncera pas par la suite, bien au contraire.
249Ces développements nous auront renseigné, si besoin en était, sur la richesse des approches des juges à l’égard de la technique recommandatoire. Cependant, nous croyons aussi avoir souligné l’empirisme qui frappait cette méthode : la soft law reste frappée d’une grande indétermination quant à la nature de ses effets au sein de l’ordre juridique.
250D’ailleurs, l’empirisme du juge n’est que la conséquence de l’insertion parfois ésotérique de la soft law dans le système normatif : prise souvent sur le fondement d’une habilitation qui ne précise pas sa nature, ou parfois de manière spontanée (ce qui ne nous renseigne pas d’avantage), la question des effets de la soft law sur l’ordre juridique lui-même reste entièrement posée. La réception de cette dernière au sein de l’ordre juridique va alors se révéler être perturbatrice de ce dernier.
Notes de bas de page
865 P. IDOUX, « Juger la régulation, c’est encore réguler... », R.D.P. 2005, p. 1643. Nous précisons que l’auteur mentionne spécifiquement la régulation « économique », mais il nous semble que cette distinction n’est pas pertinente pour nos propos : l’inadaptation est sans doute plus marquée par ses « effets » dans des matières où l’activité économique nécessite une certaine rapidité d’exécution non freinée par l’État (libéralisme oblige), mais elle demeure, de par les « modalités » du contrôle opéré.
866 Voir : C. THIBIERGE et alii, La force normative. Naissance d’un concept, Paris, L.G.D.J., Bruylant, 2009.
867 Voir notamment : P. QUILICHINI, « Réguler n’est pas juger : réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de régulation économique », A.J.D.A. 2004, p. 1060.
868 A. HAQUET, « Le pouvoir règlementaire des autorités administratives indépendantes. Réflexions sur son objet et sa légitimité », R.D.P. 2008 no 2, p. 393.
869 Voir supra, Première partie, Titre I, Chap. II, spéc. p. 118 et s.
870 R. ROMI, « “Engagements de bonnes pratiques” et “chartes”, “nouveaux” instruments de lutte contre le bruit », L.P.A. 15/08/2003, no 163, p. 4.
871 D. MOCKLE, La gouvernance, l’État, te droit : la question du droit dans la gouvernance publique, Bruxelles, Bruylant, coll. Mondialisation et droit international, 2007, spéc. pp. 71-97.
872 C.E., 10 juillet 1981, Retail, Rec. p. 303.
873 H. PAULIAT, « Le contrôle du juge administratif sur les décisions des “autorités administratives indépendantes” compétentes en matière audiovisuelle », A.J.D.A. 1992, p. 257.
874 C.E., 27 septembre 1989, S.A. Chopin & Cie, Rec. p. 432 ; note J. FRAYSSINET, J.C.P. éd. G., 1990.II.21525. Le Conseil d’État juge en effet que la « délibération no 85-60 du 5 novembre 1985, portant recommandation relative à l’utilisation par les candidats aux élections politiques et les partis politiques de fichiers publics et privés, en vue de l’envoi de documents de propagande et de la recherche de financement se borne, après avoir rappelé les dispositions législatives applicables, à donner me interprétation de l’article 44 de la loi du 6janvier 1978 et à recommander aux professionnels de la location de fichiers et du routage, la mise en œuvre de mesures permettant d’assurer le respect des dispositions de cette loi ; que, dans ces conditions, cette délibération ne constituant pas une décision administrative faisant grief, n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ».
875 C.E., Sect., 2 juin 1999, Meyet, Rec. p. 160 ; concl. J.-C. BONICHOT, L.P.A. 8 juin 1999, p. 11 ; chron. F. RAYNAUD & P. FOMBEUR, A.J.D.A. 1999, p. 560 ; note G. DESMOULINS, R.D.P. 2000, p. 563. Le conseil d’État estime ainsi que « par les dispositions contestées, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Commission des sondages ont procédé à une interprétation des règles de droit applicables qui ne méconnaît ni le sens, ni la portée de ces règles et ne contrevient pas aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes [et] qu’il suit de là que les dispositions attaquées ne sont pas de nature à faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ». Confirmé par : C.E., 13 septembre 2000, Meyet, Rec. p. 1139 (Tables).
876 C.E., Sect. 30 octobre 2001, Association française des sociétés financières, Rec. p. 518 ; note M. AUDIT, D. 2002, Jur. p. 1869 ; note C. M., D.A. 2002, no 35, p. 27 ; note D. SOMBERZKILENGAGNE, J.C.P. 2002.II. 10140. Le Conseil a ainsi décidé qu’il résulte « des termes mêmes de la délibération attaquée, et notamment de son dispositif, qu’elle ne se borne pas à commenter les règles que la CNIL a pour mission de mettre en œuvre mais qu’elle ajoute à l’ordonnancement juridique ».
877 Décret no 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat. L’article 8 dispose ainsi qu’« est interdite la publicité concernant, d’une part, les produits dont la publicité télé visée fait l’objet d’une interdiction législative et, d’autre part, les produits et secteurs économiques suivants : boissons comprenant plus de 1,2 degré d’alcool, édition littéraire, cinéma, presse, distribution, sauf dans les départements et territoires d’outre-mer ainsi que les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ».
878 C.E., 3 juillet 2000, Société civile des auteurs réalisateurs producteurs, no 218358, Rec. p. 289.
879 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 250 et s.
880 C.E., 6 février 1998, Société Welcome International, Rec. p. 675 (Tables), cité par F. JULIEN-LAFERRIERE, « Pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour faire respecter le pluralisme », A.J.D.A., 2003, p. 745.
881 D. LINOTTE, « Déclin du pouvoir jurisprudentiel et ascension du pouvoir juridictionnel en droit administratif », A.J.D.A. 1980, p. 632.
882 C.E., 16 nov. 1990, SA La Cinq, no 97585 ; inédit au Lebon ; note D. TRUCHET, A.J.D.A. 1991, p. 635. C’est nous qui soulignons.
883 Voir C.E., Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères, Rec. p. 287 ; concl. P. FOMBEUR, « Les circulaires administratives sont des actes faisant grief », R.F.D.A. 2003, p. 280 ; chron. F. DONNAT et D. CASAS, A.J.D.A. 2003, p. 489 ; note P. COMBEAU, « Une avancée dans le contrôle juridictionnel des circulaires ? », L.P.A. 23 juin 2003, no 124, p. 19.
884 Remplacée par la H.A.S. depuis la loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.
885 Article L. 1119-9 du code de la santé publique : « Les modalités d’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès, font l’objet de recommandations de bonnes pratiques établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé ».
886 C.E., 26 septembre 2005, C.N.O.M., no 270234, Rec. p. 395 ; concl. C. DEVYS ; note F. AUBERT, A.J.D.A. 2005, p. 1873 ; note J.-P. MARK.US, A.J.D.A. 2006, p. 309 ; note D. CRISTOL, R.D.S.S. 2006, p. 53 ; note C. MASCRET, LPA. 9 janvier 2007, no 7, p. 3.
887 Ibidem.
888 Loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, J.O.R.F. du 31 décembre 2004. A noter qu’elle a été abrogée par la Loi organique no 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits (J.O.R.F. du 30 mars 2001, p. 5497) et par la loi no 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits (J.O.R.F. du 30 mars 2011, p. 5504).
889 C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, no 294195, Rec. p. 335 ; concl. L. DEREPAS, A.J.D.A. 2007, p. 2145 ; chron. F. MELLERAY & A. CLAEYS, L.P.A. 09 juin 2008 no 115, p. 4. En l’espèce, suite à une plainte pour harcèlement moral à connotation raciste de Mlle Yasmine A., la H.A.L.D.E. a recommandé à la Société de mettre en place une formation des personnels concernés par les ressources humaines sur le harcèlement moral et le droit du travail applicable, ainsi que la création d’une procédure d’alerte favorisant l’expression de tous les salariés dans des conditions satisfaisantes et le règlement amiable des conflits.
890 On passe ici en revanche sur la maladresse de l’expression « règle ». Etait en effet en cause une mesure à portée individuelle, il aura mieux alors valu parler de « décisions individuelles ».
891 Ibidem.
892 Voir M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 233, 2003, spéc. pp. 198-199.
893 Nature qui leur fait d’ailleurs perdre leur qualité d’autorité administrative indépendante. Voir CONSEIL D’ÉTAT, Les autorités administratives indépendantes, Paris, La documentation française, E.D.C.E., 2001, p. 288. Sur le même constat, concernant plus particulièrement la C.C.A., voir C. PERES, « Le juge administratif et les recommandations de la Commission des clauses abusives », Revue des contrats 2006, no 3, p. 670.
894 Nous précisons qu’il ne s’agit pas là d’envisager des actes pris dans le cadre d’une procédure consultative qui ne s’intègrent pas au sein de la soft law. Ainsi contrairement à des assimilations hâtives, l’irrecevabilité de certains avis est parfois traitée indistinctement de celle des actes recommandatoires. Ainsi, le caractère non décisoire de certains avis de la C.N.I.L. (voir : C.E., 17 septembre 1997, Desmots, no 147961, Rec. p. 630 (Tables)) se justifie simplement par le fait qu’ils s’insèrent dans une procédure décisionnelle. Il s’agira bien dans les développements qui vont suivre d’actes pris isolément, soit de manière spontanée, soit sur demande, mais qui ne s’assimilent pas à une quelconque mesure préparatoire. Sur cette distinction, voir Partie I, Titre II, Chapitre premier, spéc. p. 197 et s.
895 C.E., 27 mai 1987, S.A. Laboratoires Goupil, Rec. p. 181 ; obs. X. PRETOT, A.J.D.A. 1987, p. 607.
896 Voir par exemple la section du site internet appelé « avis en ligne » (donc soumis à une publicité certaine). On y trouve ainsi un « avis relatif aux risques liés à l’utilisation des lampes fluocompactes en milieu domestique » qui, dans son « dispositif » final, recommande par exemple aux fabricants « d’adopter des technologies de fabrication des lampes fluocompactes permettant, d’une part, de diminuer la quantité de mercure très en deçà de la limite réglementaire actuelle de 5 mg et, d’autre part, de réduire l’intensité des rayonnements électromagnétiques parasites émis par ces lampes », recommande aux usagers « d’éviter d’utiliser des lampes fluocompactes dans des situations où le risque de casse est élevé (par exemple lampes dites baladeuses) ou de les stocker dans des lieux dans lesquels le bris d’une lampe pourrait avoir des conséquences sur la santé de personnes sensibles (chambre d’enfant par exemple) »... Voir : http://www.securiteconso.org/article791.html.
897 Voir la Loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (précitée).
898 Voir les articles L. 531-1 et suivants de code de la consommation : « L’Institut national de la consommation, établissement public national, est un centre de recherche, d’information et d’étude sur les problèmes de la consommation ».
899 Notamment l’ancien article L. 132-4 du code de la consommation : « La commission recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent un caractère abusif. Le ministre chargé de la consommation peut soit d’office, soit à la demande de la commission, rendre publiques ces recommandations qui ne peuvent contenir aucune indication de nature à permettre l’identification de situations individuelles ».
900 C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, no274721 ; concl. M. GUYOMAR, A.J.D.A. 2006, p. 828 ; D. 2006. A.J. p. 576. Voir aussi : L. CALANDRI, « Le pouvoir de recommandation de la Commission des clauses abusives », L.P.A. 15/09/2006, no 185, p. 4 et s ; C. PERES, « Le juge administratif et les recommandations de la Commission des clauses abusives », op. cit., p. 670.
901 Article L. 534-8 du code de la consommation.
902 O. CAYLA, La notion de signification en droit. Contribution à une théorie du droit naturel de la communication, Thèse dactyl., Paris II, 1992, p. 126.
903 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., spéc. p. 199.
904 O. CAYLA note justement que la requalification par le juge des recommandations du C.N.C.L. en décisions administratives dans l’arrêt Labbé et Gaudin (voir infra) pose une « présomption logique, selon laquelle les pouvoirs dévolus à cet organe ne sauraient entrer en contradiction avec la nature de sa fonction : une instance qui se contente d’émettre de pures “recommandations” ne saurait en effet prétendre à la qualité d’“autorité administrative” », in La notion de signification en droit. Contribution à une théorie du droit naturel de la communication, op. cit., p. 127.
905 Pour reprendre la classification austinienne, déjà exposée dans notre première partie : voir J. L. AUSTIN, Quand dire c’est faire, trad. G. Lane, Paris, éd. Du Seuil, 1991, 202 p.
906 Voir infra, présent chapitre, p. 333 et s.
907 J.-P MARKUS note ainsi, concernant les recommandations de l’A.N.A.E.S. dans la décision C.N.O.M. (précitée) que « seules les recommandations entourant l’exercice médical peuvent être impératives, comme celle attaquée en l’espèce, relative aux procédures d’information (...) ou comme celles du conseil régional de la formation médicale continue des médecins non hospitaliers, qui déterminent des obligations et leur sanction en matière de formation continue (code de la santé publique, art. L. 4133-4). L’impérativité est ici possible car elle n’enfreint pas la liberté de prescription, même si cela ne suffit pas à assurer la légalité de la recommandation ». J.-P. MARKUS, « Nature juridique des recommandations de bonne pratique médicales », note sur C.E., 26 septembre 2005, C.N.O.M., A.J.D.A. 2006, p. 310. Voir aussi C. MASCRET, « La valeur juridique des recommandations de santé au regard de la pratique médicale », L.P.A. 9 janvier 2007, no 7, p. 3.
908 C. GROULIER, « L’impératif dans la jurisprudence Duvignères : réflexion sur un “sésame contentieux” », R.F.D.A. 2008, p. 941.
909 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., p. 200.
910 G. KOUBI, « Distinguer “l’impératif” du “réglementaire” au sein des circulaires interprétatives », R.D.P. 2004, p. 518.
911 C. GROULIER, « L’impératif dans la jurisprudence Duvignères : réflexion sur un “sésame contentieux” », op. cit., p. 943.
912 Ibid p. 946.
913 Voir supra Partie I, Titre I, Chap. II, spéc. p. 120 et s.
914 D. CRISTOL, « Le possible contrôle, par le juge de l’excès de pouvoir, des recommandations de bonne pratique », note sur C.E., 26 avril 2005, C.N.O.M., R.D.S.S. 2006, p. 55.
915 C.E., 26 septembre 2005, C.N.O.M., no 270234, Rec. p. 395 (précité). Souligné par nous.
916 G. KOUBI, « Distinguer l’“impératif’du “réglementaire” au sein des circulaires interprétatives », op. cit., p. 522.
917 C.E., 13 mai 2005, M. Hoffer, no 279259, Rec. p. 200 ; A.J.D.A. 2005, p. 1031.
918 Ceci est aggravé par le fait que parfois la doctrine elle-même semble hésiter, non sur les fondements de l’irrecevabilité, mais sur l’irrecevabilité de l’acte elle-même. Ainsi, un des arrêts Meyet précédemment évoqué (C.E., 13 septembre 2000, Meyet, no 224787) est affiché au Lebon et dans certains recueils de jurisprudence comme admettant la recevabilité d’une recommandation du C.S.A. Pourtant, c’est bien une solution de rejet pour irrecevabilité qui est retenue : « Bien que cette dernière décision soit fichée comme admettant la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre une recommandation du CSA, l’une et l’autre rejettent pour irrecevabilité les recours pour excès de pouvoir de M. Meyet contre une recommandation relative à la publication des sondages d’opinion en période électorale », Ch. de SALINS, « Les interventions du président de la République et l’audiovisuel », concl. sur C.E., Ass., 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus, R.F.D.A. 2009, p. 351, note 8.
919 Pour un aperçu général, voir notamment : J.-P. MONTSÉNY, Contribution à l’étude du pouvoir normatif et à la notion de régulation : l’exemple du Conseil supérieur de l’audiovisuel, Thèse dactyl., Paris X, 1999.
920 Article 3-1 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée : « Le conseil peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française ».
921 Article 14 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel exerce un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle en vertu de la présente loi. Il peut prendre en compte les recommandations des autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité ».
922 Article 16 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel fixe les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales que les sociétés mentionnées à l’article 44 sont tenues de produire et de programmer. Les prestations fournies à ce titre font l’objet de dispositions insérées dans les cahiers des charges.
Pour la durée des campagnes électorales, le conseil adresse des recommandations aux éditeurs des services de radio et de télévision autorisés ou ayant conclu une convention en vertu de la présente loi ».
923 Article 17 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel adresse des recommandations au Gouvernement pour le développement de la concurrence dans les activités de radio et de télévision ».
924 Déjà elles-mêmes héritées de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1982 instituant la Haute autorité de communication audiovisuelle : « La Haute autorité est chargée de veiller par ses recommandations, dans le service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision, au respect du pluralisme et de l’équilibre des programmes ».
925 C.C., 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, no 86-217 D.C., considérant 14 ; Rec., p. 141, J.O.R.F. du 19 septembre 1986, p. 11294 ; note P. WACHSMANN, A.J.D.A. 1987, p. 102.
926 J. CHEVALLIER, « Le nouveau statut de la liberté de communication », A.J.D.A. 1987, p. 59.
927 Désormais inséré aux articles 4 (« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ») et 34 (« la loi fixe les règles concernant (...) la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ») de la Constitution par la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.
928 O. CAYLA, La notion de signification en droit. Contribution à une théorie du droit naturel de la communication, op. cit., pp. 129-130.
929 C.E., Ass., 20 mai 1985, Labbé et Gaudin, no 64146 ; Rec. p. 157 ; concl. M. ROUX, R.F.D.A. 1985, p. 554 ; chron. S. HUBAC et J.-E. SCHOETTL, A.J.D.A. 1985, p. 412 ; note N. GRIESBECK, D. Juris. 1986, p. 12. Souligné par nous.
930 M. ROUX, concl. sur C.E., Ass., 20 mai 1985, Labbé et Gaudin, R.F.D.A. 1985, p. 556.
931 C.E., 18 décembre 2002, Association Promouvoir, no 232273, Rec. p. 217 ; note E JULIEN-LAFERRIERE A.J.D.A. 2003, p. 745.
932 F. JULIEN-LAFERRIERE, « Pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour faire respecter le pluralisme », op. cit., p. 746.
933 Il est ainsi à noter que le Commissaire du Gouvernement Terry OLSON, pour conclure au caractère décisoire des recommandations du C.S.A. n’a pas cru bon de citer la décision du Conseil constitutionnel Loi relative à la liberté de communication.
934 C.E., 9 février 2004, Société TF1, no 250258 ; Inédit au Lebon ; cité par S.-J. LIEBER & D BOTTEGHI, « Quand le Président de la république parle, ça compte », A.J.D.A. 2009, p. 1096 (spéc. p. 1098). Le Conseil d’État rappelle d’abord en effet les compétences du C.S.A. en combinant son pouvoir de recommandation tiré de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 et son pouvoir de sanction : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel... veille à la qualité... des programmes...Il peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi... ; qu’aux termes de l’article 42 de la même loi : Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre en demeure les éditeurs et distributeurs de services de radiodiffusion sonore ou de télévision de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l’article 1er de la présente loi ».
935 « Considérant que, par la recommandation attaquée, en date du 5 mars 2002, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, prenant acte du développement sur l’antenne des services de télévision, en dehors des écrans publicitaires, d’incitations à appeler des services téléphoniques surtaxés ou des services télématiques, notamment en vue de participer à des jeux, d’exprimer un vote ou un témoignage ou de faire acte de candidature, a entendu rappeler à l’ensemble des services de télévision les principes auxquels ils sont légalement soumis ; qu’il entrait dans les missions dudit Conseil, en application des dispositions précitées de la loi du 30 septembre 1986, de rappeler les règles auxquelles les opérateurs sont tenus, non seulement en matière de prohibition de la publicité clandestine, mais également en ce qui concerne l’information du public et la législation instaurant une prohibition des jeux de hasard impliquant une mise de fonds de la part des participants ; qu’ainsi, en prenant la recommandation dont il s’agit, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’apas excédé sa compétence », ibidem.
936 C.E., 3 juillet 2000, Société civile des auteurs réalisateurs producteurs, no 218358 (précité).
937 C.E., 17 mai 2006, Association comité télévision et libertés, no 263081, inédit au Lebon. Souligné par nous. Ce champ lexical est encore bien présent dans les considérants suivants : « Considérant, en deuxième lieu, que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a pu légalement imposer, par les paragraphes C et D du I de sa recommandation du 15 décembre 2004, des règles relatives aux modes de commercialisation des services comportant des programmes de catégorie V, dès lors que ces règles (...) ».
938 C.E., Ass., 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus, no 311136 ; concl. Ch. de SALINS, R.F.D.A. 2009, p. 351 ; Obs. J.-M. PASTOR, A.J.D.A. 2009, p. 677 ; D. 2009 1145.
939 Ch. de SALINS, « Les interventions du Président de la République et l’audiovisuel, concl. sur CE., Ass., 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus, (précitées) : « Ces dispositions prescrivent un comportement déterminé, même si elles comportent une marge de manœuvre dans leur application. L’emploi du présent de l’indicatif et du verbe devoir en témoigne : “les éditeurs doivent respecter un équilibre entre”. “En outre, les éditeurs doivent veiller à assurer un temps d’intervention équitable...”. “Sauf exception justifiée par l’actualité, le temps d’intervention des personnalités de l’opposition ne peut...”. “Tel est le principe qui doit être respecté en matière de pluralisme politique. Il s’applique à tous les éditeurs audiovisuels”. Ces dispositions revêtent un caractère impératif ».
940 « De plus, les sociétés de radio et de télévision s’exposent, en cas de non-respect de ces prescriptions, aux mesures individuelles que le CSA peut adopter sur le fondement des articles 42 et suivants et 48-1 et suivants de la même loi : mise en demeure éventuellement suivie de sanctions », ibidem.
941 L. DEREPAS, concl. sur C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, A.J.D.A. 2007, p. 2147, citant les arrêts Labbé et Gaudin et Association promouvoir (précités). A noter que l’article 1er n’était pas alors, rédigé de la même manière puisqu’il englobait à la fois la définition de la liberté de communication, les objectifs du C.S.A. dans la protection de cette liberté ainsi que les moyens (les recommandations) mis à sa disposition pour les faire respecter. Les objectifs et les moyens de l’autorité ont par la suite été séparés et inscrits à l’article 3-1 de la même loi par la loi no 2004-575 du 21 juin 2004, J.O.R.F. du 22 juin 2004.
942 C.E., 13 mai 2005, Hoffer, no 279259, Rec. p. 200 (précité).
943 La recommandation excluait la prise en compte des interventions du Président de la République lors du référendum de 2005 dans le temps de parole de la majorité, sans pour autant méconnaître les exigences de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion. Cette décision a toutefois été partiellement remise en cause sur le fond par la décision MM. Hollande et Mathus (précitée).
944 Y. GAUDEMET, « Les actions administratives informelles », R.I.D.C. 1994, p. 654.
945 C.E., 18 décembre 2002, Association Promouvoir, no 232273, Rec. p. 217 (précité).
946 L. CALANDRE Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 259, 2008, spéc. pp. 567-573.
947 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 233, spéc. pp. 214-217 ; « De la consécration à la légitimation. Observations sur l’appréhension par le juge des autorités de régulation », in M.-A. FRISON-ROCHE (Dir.), Les régulations économiques : légitimité et efficacité, Paris, Presses de Science-Ρο. Dalloz, coll. Droit et économie de la régulation, vol. 1, 2004, p. 41, spéc. pp. 47-50.
948 Ainsi le refus du Médiateur de la République d’ouvrir une enquête ne fait pas grief, dans la mesure où les avis qui en découlent ne n’ont pas le caractère de décisions faisant grief. Voir : C.E., Ass. 10 juillet 1981, Retail, Rec. p. 303 ; Concl. M. FRANC, R.D.P. 1981 p. 1441 ; chron. F. TIBERGHIEN et B. LASSERRE, A.J.D.A. 1981, p. 467 ; note Y. GAUDEMET, D. 1981 I.R. p. 622 ; note S. RIALS, R.A. 1981 p. 493.
949 M. COLLET, « De la consécration à la légitimation. Observations sur l’appréhension par le juge des autorités de régulation », op. cit., p. 50.
950 L. CALANDRI, Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op. cit., p. 571.
951 L’auteur considère ainsi que les recommandations du C.S.A. prises sur le fondement de l’ex article 1er de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (Article 3-1) sont des « actes invitatifs ». Toutefois, seules les « recommandations » prises sur le fondement de l’article 16§1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relatif au respect du pluralisme politique en période électorale adressées aux sociétés nationales de programme sont des « actes normateurs » (ibid. p. 250). Nous ne partageons pas cette analyse, tout d’abord parce que l’article 16§ 1 évoqué par l’auteur concerne une hypothèse particulière relevant des périodes électorales : le pouvoir général de recommandation du C.S.A. en matière de pluralisme est donnée par les articles 1er, mais surtout 3-1 et 13 de ladite loi. En outre, si la nature obligatoire de principe des recommandations du C.S.A. est limitée à celles prises afin de respecter le pluralisme (ce que nous posons en pure hypothèse, ayant vu plus haut qu’une recommandation du C.S.A. avait été contrôlée par le juge en matière de protection de l’enfance et de l’adolescence) pourquoi prendre pour exemple du contrôle d’un refus de recommander une espèce où justement c’est cet objectif qui est en jeu ? Nous rappelons en effet que l’arrêt Association Promouvoir vise une décision de refus de prendre une recommandation garantissant le caractère pluraliste des courants de pensée et d’opinion. En outre, le Conseil d’État, en rappelant les compétences du C.S.A., vise l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 susvisée : le Conseil supérieur de l’audiovisuel « peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi (...) qu’au nombre des principes ainsi évoqués figurent le principe du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ainsi que celui de l’impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ».
952 C.E., Ass., 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus, no 311136 (précité).
953 C.C., 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, no 86-217 D.C. A noter que le Conseil d’État valide aussi le raisonnement exposé précédemment d’O. CAYLA : le juge opère un changement de force du texte interprété. L’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 est en effet formulé en terme de faculté (le C.SA. peut adresser des recommandations...), mais l’autorité est maintenant tenue d’exercer pleinement sa mission de faire respecter l’objectif à valeur constitutionnelle d’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinions.
954 Ch. de SALINS, « Les interventions du président de la République et l’audiovisuel », concl. sur C.E., Ass., 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus, op. cit., p. 521. Souligné par nous.
955 Ibid. Ch. de SALINS cite deux espèces pour illustrer ses propos : C.E., 1er mars 2004, Syndicat national des professions du tourisme CGC, Rec. p. 105 et C.E., 3 mai 2004, Comité anti-amiante Jussieu et association nationale de défense des victimes de l’amiante, Rec. p. 193.
956 Il est cependant important de noter que certains auteurs arguent du fait que la « juridiction administrative a déjà accepté dans un arrêt Dakar du 28 juillet 2000 de contrôler la légalité de la décision par laquelle le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (...) informe un particulier du refus de la commission de donner suite à la demande d’enquête dont il était l’auteur [malgré le fait] qu’une telle enquête ne peut déboucher, au mieux (ou au pire) que sur une recommandation adressée au Premier ministre, dénuée de toute valeur impérative » (M. COLLET, « De la Consécration à la légitimation... », op. cit., p. 50). Il est constant que l’article 15 de la loi no 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques dispose que « Si la commission estime qu’une interception de sécurité est effectuée en violation des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue ». Cependant le dernier alinéa du même article énonce que « Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations », alors que l’article 16 dispose que « Les ministres, les autorités publiques, les agents publics doivent prendre toutes mesures utiles pour faciliter l’action de la commission ». La formulation indicative de ces dispositions et leur nature particulièrement sensible (cas des écoutes téléphoniques attentatoires à plusieurs libertés) suffisent à fonder selon nous la nature impérative de ces recommandations : le Premier ministre, s’il n’est pas tenu de faire cesser les éventuelles écoutes, est toutefois soumis à une obligation d’agir, fût-t-elle une simple obligation d’information de la commission. Voir : C.E., 28 juillet 2000, Dakar, Rec. p. 330 ; D. 2000. IR. 252 ; R.F.D.A. 2000, p. 1158.
957 Recevabilité d’un refus d’édicter une sanction contre TF1 pour manquement à ses obligations de diffuser un certain quota d’œuvres européennes : C.E., 6 avril 1998, Union syndicale de la production audiovisuelle, no 178745 ; inédit au Lebon ; concl. D. CHAUVAUX, A.J.D.A. 1998, p. 729.
Recevabilité d’un refus d’édicter une mise en demeure afin que les sociétés de programme respectent leurs obligations qui leur sont imposées en matière de diffusion et de production d’œuvres d’origine communautaire ou d’expression française : C.E., 23 avril 1997, Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres, no 131688, Rec. p. 163.
958 La mise en demeure est ainsi définie, malgré quelques incertitudes contentieuses, comme un acte qui « consiste, pour une autorité administrative, à enjoindre à une personne de se conformer à ses obligations en procédant à une opération ou, au contraire, en cessant une opération en cours ou en renonçant à y procéder [elle] suppose donc concrètement la formulation d’une prescription, d’un commandement, ce qui lui vaut un caractère décisoire », B. SEILLER, « Acte administratif – Identification », Répertoire de contentieux administratif Dalloz, 2010, p. 48.
959 Un arrêt récent vient d’ailleurs préciser l’articulation de ces moyens : le Conseil d’État y contrôle la légalité d’une “mise en demeure” du C.S.A. à TF1 de se conformer à une “délibération” prise sur le fondement de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (ainsi que la légalité de l’annulation de la décision rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision mettant en demeure). Il est frappant de voir que la question de la recevabilité n’est même pas traitée par le juge administratif. Voir C.E., 11 mars 2011, Société TF1, no 334289, à paraître au Lebon.
960 Ainsi dans l’arrêt Union syndicale de la production audiovisuelle (précité), le Conseil d’État décide « que les dispositions susmentionnées par la loi du 30 septembre 1986 modifiée n’ont pas pour effet d’obliger le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui dispose d’autres moyens pour conduire les titulaires d’autorisation pour l’exploitation d’un service de communication audiovisuelle à respecter les obligations qui leur sont imposées, à engager une procédure de sanction lorsqu’il est saisi d’une telle demande ; que ces dispositions laissent au Conseil supérieur de l’audiovisuel le soin d’apprécier, sous le contrôle du juge, si, compte tenu des circonstances et de la nature des manquements constatés, il y a lieu pour lui de prendre immédiatement me telle mesure ». En l’espèce, le C.S.A. avait choisi, après avoir pourtant mis en demeure TF1, de ne pas sanctionner la société sur le fondement de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986, mais avait procédé par une « invitation » à effectuer des commandes supplémentaires d’œuvres européennes ou d’expression originale française pour un montant de 18 millions de francs.
961 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 291 et s.
962 Sur le fondement de l’article 11 de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
963 C.E., 13 juillet 2007, Mme Abric, no 297742 ; concl. L. DEREPAS A.J.D.A. 2007, p. 2145. Le Commissaire du Gouvernement L. DEREPAS relève ainsi que « Selon une jurisprudence constante, le refus d’ouvrir une procédure administrative devant conduire à une décision est lui-même une décision susceptible de recours (...) Nous pourrions alors nous borner à renvoyer à ce que nous avons exposé à propos des recommandations de la HALDE : ces recommandations n’ayant pas le caractère de décisions, le refus d’enclencher la procédure qui peut mener à leur édiction ne saurait, pensons-nous, avoir davantage un tel caractère », Ibid., p. 2149. Voir notamment les arrêts cités : C.E., Ass., 29 janvier 1954, Boivin Champeaux, Rec. p. 66 ; C.E., Sect., 22 juillet 1977, Union des coopérateurs de l’Hérault, du Gard et de l’Aude, Rec. p. 345. De la même manière, concernant le Médiateur de la République et l’A.M.F., voir : C.E., 18 octobre 2006, M. Miller, no 277597, Rec. p. 430.
964 L’article dispose que la H.A.S., à son initiative ou à la demande des ministres compétents, « formule des recommandations sur le bien-fondé et les conditions de remboursement d’un ensemble de soins ou catégories de produits ou prestations et, le cas échéant, des protocoles de soins les associant ».
965 C.E., 12 octobre 2009, Société Laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals, no 322784 ; Rec. p. 995-996 (tables) ; note C. MASCRET R.D.S.S. 2010, p. 165. A noter que le juge administratif estime que la recommandation (qui exprime le souhait pour la non-inscription du vaccin prévenant le cancer du col de l’utérus “Cervarix” sur la liste des spécialités remboursables et une préférence pour une autre spécialité), « n’est qu’un simple avis sans aucun effet contraignant ; que le ministre de la santé a d’ailleurs procédé, par arrêté du 17 juin 2008 pris après avis de la commission de la transparence siégeant au sein de la Haute autorité de santé, à l’inscription de Cervarix sur la liste des spécialités remboursables ; que, par suite, la recommandation en litige n’est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir ». Le terme « avis » employé nous semble particulièrement maladroit, d’abord parce que l’article R. 161-71 de code de la santé publique distingue formellement les compétences d’avis et de recommandation de la H.A.S., ensuite parce que cet « avis » ne s’insère dans aucun processus décisionnel (il avait été pris à l’initiative de l’Autorité). Il est enfin étrange de justifier la nature d’un acte par le fait qu’il n’a pas été respecté. Ce serait admettre que des pans entiers de l’ordonnancement perdent le caractère de norme juridique du seul fait de leur violation (par exemple, l’interdiction de vendre des cigarettes aux mineurs). Le Conseil d’État confirme nos doutes concernant l’emploi du terme « avis », qui en l’espèce, relève de la catégorie précédemment étudiée « d’avis-régulation ». Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. I, spéc. p. 221 et s.
966 Pour reprendre l’expression de G. TIMSIT, in « Les deux corps du droit ; essai sur la notion de régulation », R.FA.P. 1996, no 78, p. 378.
967 Le juge international a ainsi le pouvoir d’apprécier la qualification des résolutions des organes de Nations Unies. En effet le terme « résolution » s’utilise à la fois pour les actes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Toutefois l’expression (un anglicisme) apparaît assez polysémique en ce que certaines résolutions du Conseil sont de véritables décisions, alors que d’autres ne sont que des recommandations. Ce pouvoir de décision du Conseil, à l’origine limité aux questions relatives au chapitre VII de la Charte des Nations Unies, s’est vu élargi à toute question relative à la Charte par l’avis consultatif de la Cour internationale de justice du 21 juin 1971 « Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité », Rec. 1971, p. 16. La Cour opère un contrôle qui ne tient pas compte de l’apparence formelle de l’acte : « Les termes employés dans chacune des résolutions, ainsi que le contexte, permettent de la qualifier en recommandation ou décision et aucun doute n’est en particulier permis si le verbe ‘décider’ est employé par le Conseil » ; G. GUILLAUME, « L’introduction et l’exécution dans les ordres juridiques des États des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies prises en vertu du chapitre VII de la Charte », R.I.D.C. 1998-2, p. 546. Voir aussi H. THIERRY, « Les résolutions des organes internationaux dans la jurisprudence de la CIJ », R.C.A.D.I. 1980, t. 167, pp. 385-450.
968 Par exemple, la C.J.C.E. a pu considérer qu’une « délibération » du Conseil, acte non prévu par les Traités, a « eu pour objet de fixer une ligne de conduite obligatoire pour les institutions comme pour les États membres ». Voir C.J.C.E., 31 mars 1971, Commission c/ Conseil, aff. 22/70, Rec. p. 263.
969 Voir : C.J.C.E., 20 mars 1997, France c/ Commission, aff. C-58/95, Rec. p. 1640.
970 C’est d’ailleurs la méthode utilisée par la C.J.UE. dans les affaires précitées. En effet, concernant les actes « hors nomenclature » de l’article 288 T.F.U.E., « la ligne directrice qui se dégage de la jurisprudence se fonde essentiellement sur la prise en considération de l’intention de l’auteur de l’acte. Si ce dernier a entendu “produire des effets de droit”, son acte constitue une véritable décision ». Voir : C. BLUMANN & L. DUBOUIS, Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Litec, coll. Manuel, 4ème éd., 2010, p. 545, no 731.
971 O. CAYLA, « La qualification ou la vérité du droit », Droits, 1993, no 18, p. 3 et s.
972 Voir : R. ROMI, « La requalification par le juge des actes négociés en actes unilatéraux. Archaïsme paradoxal ou technique d’avenir ? », A.J.D.A. 1989, p. 9.
973 Voir : O. CAYLA & M.-F. RENOUX-ZAGAMÉ (Dir.), L’office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, Paris, L.G.D.J. ; Mont-Saint-Aignan, Publications de l’université de Rouen, coll. La pensée juridique 2002, 239 p.
974 D. De BÉCHILLON, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Paris, O. Jacob, 1997, p.
975 M. HAURIOU, note sous C.E., 17 juillet 1925, Association du personnel de la Banque de France, S. 1925.III, p. 33.
976 Certains auteurs cherchent le bien-fondé de ces opérations de requalifications : « La seule explication à vocation unanimiste que l’’on puisse retenir de l’existence de la “requalification” est la volonté du juge d’élargir son contrôle dans l’intérêt des administrés quand l’éthique le commande ». R. ROMI, « La requalification par le juge des actes négociés en actes unilatéraux. Archaïsme paradoxal ou technique d’avenir ? », op. cit., p. 14. L’auteur vise la requalification des actes négociés, mais cette légitimation nous semble parfaitement exportable aux actes relevant de la soft law.
977 Ch. VAUTROT-SCHWARZ, La qualification juridique en droit administratif, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 263.
978 S. LEFEVRE, Les actes communautaires atypiques, Bruxelles, Bruylant, coll. Travaux du CERIC, 2006, p. 34.
979 Voir supra Partie I, Titre I, Chapitre premier, p. 89 et s.
980 M. AZIBERT & M. de BOISDEFFRE, « Chronique générale de jurisprudence administrative française », A.J.D.A. 1987, p. 446.
981 Sur la même idée, et concernant la H.A.L.D.E. et l’arrêt Société éditions Tissot : A. ZARCA, « Force normative, force normatrice ? A propos des interprétations impératives contenues dans les recommandations de la HALDE », in C. THIBIERGE et alii, La force normative. Naissance d’un concept, Paris, L.G.D.J., Bruylant, 2009, p. 459, spéc. p. 474.
982 A. HAQUET, « Le pouvoir règlementaire des autorités administratives indépendantes. Réflexions sur son objet et sa légitimité », op. cit., p. 393.
983 Ch. de SALINS, « Les interventions du président de la République et l’audiovisuel », concl. sur C.E., Ass., 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus, op. cit., p. 352.
984 Voir sur cette question le Titre II de cette présente partie.
985 Voir F. ROUVILLOIS, « Le raisonnement finaliste du juge administratif », R.D.P. 1990, no 6, p. 1817 et s.
986 Voir notamment : B. SEILLER, « Acte administratif – Identification », op. cit., spéc. p. 45, no 314 et s.
987 Ibid., p. 46.
988 Voir : C.E., Ass., 17 février 1995, Hardouin, no 107766, et C.E., Ass. 17 février 1995, no 97754, Marie ; Rec. p. 82, concl. FRYDMAN, A.J.D.A. 1995, p. 379 ; chron. TOUVET & STAHL, D. 1995, p. 38 ; note LASCOMBES & BERNARD, L.P.A. 28/04/1995, p. 11, note de LAJARTRE, R.D.P. 1995, p. 1338.
Voir également : C.E., 30 juillet 2003, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c/Mme Remli, no 252712 ; Rec. p. 366 ; concl. M. GUYOMAR, G.P. 2003, p. 3759; note D. COSTA, A.J.D.A. 2003, p. 2090; note M. HERZOG-EVANS, D. 2003, p. 2331. En matière pénitentiaire, des arrêts plus récents semblent montrer que le juge administratif tend à considérer que certaines mesures d’ordre intérieur sont par nature, et donc dans une optique in abstracto dépassant l’espèce, des décisions faisant grief susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Voir : C.E., Ass., 14 décembre 2007, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c/M. Boussouar, M. Planchenault et M. Payet, n 290730, no 290420, no 306432 ; concl. M. GUYOMAR, R.F.D.A. 2008, p. 87 et C. LANDAIS, p. 104 ; chron. J. BOUCHER & B. BOURGEOIS-MACHUREA, A.J.D.A. 2008, p. 128. Aussi C. GROULIER note-t-il qu’« ainsi, la Haute juridiction énonce-t-elle que dorénavant, pour déterminer si une décision prise à l’encontre d’un détenu constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir, il y a lieu d’apprécier sa nature et l’importance de ses effets sur la situation de ce détenu (...) Ce qui mérite attention, et constitue sans doute l’intérêt majeur de ces décisions, est la démarche adoptée par le juge. D’une part, il applique les nouveaux critères non pas aux seules décisions qui lui étaient déférées, mais à la catégorie à laquelle elles appartiennent, signifiant ainsi qu’en raison de leur nature et de l’importance de leurs effets, les décisions de cette catégorie, de manière générale, échappent à la qualification contentieuse de mesure d’ordre intérieur. D’autre part, le Conseil d’Etat précise qu’au contraire, certaines catégories de décisions, qu’il indique expressément, conservent cette qualité et sont insusceptibles de recours pour excès de pouvoir, sauf lorsque sont en cause les libertés et droits fondamentaux des détenus », in « Une nouvelle approche des mesures d’ordre intérieur en prison ? (à propos de l’arrêt du Conseil d’État Ass., 14 décembre 2007, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c/ M. Boussouar et M. Planchenault) », R.D.P. 2009, no l, p. 10. Cette détermination de la nature abstraite d’un ensemble d’instruments, et donc de classification des catégories juridiques, n’est pas sans rappeler nos observations concernant le contrôle opéré sur les recommandations du C.S.A. et la détermination de leur « force obligatoire de principe ».
989 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. pp. 295-300.
990 P.-A. JEANNENEY, « Le régulateur producteur de droit », in M.-A. FRISON-ROCHE (Dir.), Règles et pouvoirs dans les systèmes de régulation, Paris, Presses de Sciences Po Dalloz, coll. Droit et économie de la régulation, vol. 2, 2004, p. 48.
991 P. AMSELEK, « La teneur indécise du droit », R.D.P. 1991, no 5, p. 1215.
992 Voir : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Acces_Info_sante_Dec_2005.pdf
993 C.E., 26 septembre 2005, C.N.O.M., no 270234, Rec. p. 395 (précité).
994 Article L. 161-37 du code de la sécurité sociale : « La Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale, est chargée de (...) 2°/Elaborer les guides de bon usage des soins ou les recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l’information des professionnels de santé et du public dans ces domaines, sans préjudice des mesures prises par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans le cadre de ses missions de sécurité sanitaire ».
Article R. 161-72 du même code : « Dans le domaine de l’information des professionnels de santé et du public sur le bon usage des soins et les bonnes pratiques, la Haute Autorité : 1°/Elabore et diffuse des guides et tout autre document d’information, notamment sur les affections de longue durée, en tenant compte, le cas échéant, de ceux élaborés et diffusés par l’Institut national du cancer en application du 2° de l’article L. 1415-2 du code de la santé publique ».
995 C.E., 27 avril 2011, Association Formindep, no 334396 ; à publier au Lebon ; concl. C. LANDAIS, A.J.D.A. 2011, p. 1326 ; obs. S. BRONDEL, A.J.D.A. 2011, p. 877 ; note J. PEIGNE, R.D.S.S. 2011, p. 483 ; D. 2011, p. 1287. Cet arrêt confirme ainsi nos propos précédents concernant l’impossibilité d’un recours indirect contre un acte relevant de la soft law. En l’espèce, était contestée la décision de la H.A.S. refusant d’abroger une recommandation (alors qu’une décision de refus concernant le même acte était devenue définitive) : le Conseil d’Etat a dû d’abord déterminer la nature juridique de ladite recommandation. A noter que pour la première fois, le juge a estimé que « que la théorie de la décision confirmative ne joue pas dans le cas du refus opposé à une demande d’abrogation d’un acte réglementaire, présentée alors qu’un précédent refus d’abrogation portant sur le même acte, est devenu définitif » (S. BRONDEL, obs. précitée) en jugeant que « que le refus de prendre, de modifier ou d’abroger un acte réglementaire ne saurait être regardé comme purement confirmatif d’un refus antérieurement opposé à une demande tendant aux mêmes fins ; qu’il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que le caractère prétendument définitif d’un refus d’abrogation de la recommandation litigieuse, antérieurement opposé par la Haute Autorité de santé, ferait obstacle à ce que la décision du 7 septembre 2009 puisse être contestée au contentieux, ne peut qu’être écartée ».
996 En l’occurrence l’article 32 du code de déontologie médicale, codifié aux articles L. 1110-5 et R. 4127-32 du code de la santé publique.
997 Voir sur cette question : C. ATIAS, « Les RMO : révolution ou continuité ? », R.D.S.S. 1994, p. 23 ; P. GARDEUR, « Des références médicales opposables aux références professionnelles », Droit social 1996, p. 821 ; J. TAPIE, « Les recommandations de bonne pratique et les références médicales opposables, des outils à généraliser », Droit social 1997, p. 829 ; A. LAUDE, « La force juridique des RMO », Médecine et droit, janvier 1998, p. 1. Il faut noter ici que les références médicales opposables (R.M.O.) n’appartiennent pas à la soft law, ces dernières disposent en effet d’une force contraignante certaine. Etablies par la H.A.S. depuis la loi du 13 août 2004 et rendues opposables par convention entre les syndicats de médecins libéraux et l’assurance maladie, elles « constituent des normes à respecter, le praticien étant, en cas d’infraction à ces références, susceptible de faire l’objet de sanctions financières, en vertu de l’article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale », D. CRISTOL, « Le possible contrôle, par le juge de l’excès de pouvoir, des recommandations de bonne pratique », op. cit., p. 57. Certains auteurs n’hésitent pas alors à considérer que les recommandations de bonne pratique qui accompagnent et diffusent ces R.M.O. empruntent la valeur juridique de ces dernières : « On peut légitimement penser (...) qu’elles suivront le régime juridique de celles-ci. Elles se verront donc reconnaître un caractère opposable aux professionnels, en fonction des conventions passées avec les syndicats de médecins libéraux et l’assurance maladie », C. MASCRET, « La valeur juridique des recommandations en matière de santé au regard de la pratique médicale », op. cit., p. 5.
998 C.E., 12 octobre 2009, Société Laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals, no 322784 (précité).
999 De la même manière, on pourrait s’interroger sur l’application de cette jurisprudence aux recommandations de bonne pratique de l’Agence de bio-médecine, établissement public administratif de l’État, sous tutelle du ministre de la santé. Voir l’article L. 1418-1 du code de la santé publique : « Elle a notamment pour missions : 1° De participer à l’élaboration et, le cas échéant, à l’application de la réglementation et de règles de bonnes pratiques et de formuler des recommandations pour les activités relevant de sa compétence ».
1000 Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 108, 1972, 321 p.
1001 C.E., 2 avril 1943 ; S. 1944, 3, 1, cité par L. BOY, in « Normes », R.I.D.E 1998, p. 139.
1002 D. LOCHAK, Le rôle politique du juge administratif français, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 107, 1972, 352 p.
1003 S. THERON, « Les catégories en droit administratif », R.R.J. 2005-4, p. 2401. L’auteur cite d’ailleurs comme premier exemple l’espèce de 1954 Institution Notre Dame du Kreisker, source de la distinction entre les circulaires interprétatives et les circulaires réglementaires. Voir C.E., Ass., 29 janvier 1954, Institution Notre Dame du Kreisker, Rec. p. 64.
1004 Voir C. GROULIER, « L’impératif dans la jurisprudence Duvignères : réflexion sur un “sésame contentieux” », R.F.D.A. 2008, p. 941 et s.
1005 S. THERON, « Les catégories en droit administratif », op. cit., p. 2416.
1006 Voir les distinctions opérées avec les avis, les directives et les circulaires, Partie I, Titre II, Chap. I, spéc. p. 186 et s.
1007 B. SEILLER, « Acte administratif – Identification », op. cit., p. 64, no 446-447. Les vœux bénéficient ainsi généralement d’une immunité contentieuse en ce « qu’ils se bornent à exprimer des souhaits qui ne s’imposent en rien aux autorités compétentes », ibid. Voir par exemple, toujours cité par le même auteur : C.E., 7 mai 1999, CGT-FO, no 194297, D.A. 1999 p. 201.
1008 C.E., 28 novembre 1990, Sauvageot, Rec. p. 607 (Tables), cité par S. DUROY, « La force normative des vœux des conseils municipaux », in C. THIBIERGE et alii, La force normative. Naissance d’un concept, op. cit., p. 426. L’auteur note que « compte tenu des termes dans lesquels elle est rédigée, constitue encore un simple vœu la délibération du conseil municipal qui à la suite d’une altercation intervenue entre une personne et plusieurs conseillers municipaux (...) demande au Maire de lui adresser une lettre, en même temps qu’elle condamne ses agissements et menace de saisir la juridiction judiciaire », ibid.
1009 Voir : M. et D. WAELBROECK, « Les “déclarations communes” en tant qu’instruments d’un accroissement des compétences du Parlement européen », in J.-V. LOUIS et D. WAELBROECK (Dir.), Le Parlement européen dans l’évolution institutionnelle, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, coll. Etudes européennes, 1989, p. 79 et s.
1010 Voir S. DUROY, « La force normative des vœux des conseils municipaux », op. cit., p. 424.
1011 Voir l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d’intérêt local ».
1012 Voir C.E., 29 décembre 1997, SARL ENLEM, no 157623, Rec. p. 500 ; concl. L. TOUVET R.F.D.A. 1998, p. 533.
1013 J.-L. BERGEL, Méthodologie juridique, Paris, P.U.F., coll. Thémis Droit privé, 2001, p. 112. Cité par S. THERON in « Les catégories en droit administratif », op. cit., p. 2417.
1014 B. SEILLER, « Acte administratif – Identification », op. cit., p. 56.
1015 Ces observations rappellent d’ailleurs les développements concernant la « théorie des contraintes juridiques », complétant la « théorie réaliste de l’interprétation » et ayant pour but de montrer que le juge, du fait de son insertion au sein d’un ordre juridique, n’est pas totalement libre dans sa prise de décision. Voir : M. TROPER, V. CHAMPEIL-DESPLATS, C. GRZEGORCZYK (Dir.), Théorie des contraintes juridiques, Paris, L.G.D.J., Bruylant, coll. La pensée juridique, 2005, 201 p.
1016 Voir C.C. no 2004-500 D.C. du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités locales, Rec. C.C. p. 116, § 12 ; obs. V. OGIER-BERNAUD & C. SEVERINO, D. 2005, p. 1132; note J.-E. SCHOETTL, L.P.A. 13 août 2004, no 162, p. 12; D. CHAMUSSY, R.D.P. 2004, no 6, p. 1739. Voir aussi C.C. no 2005-512 D.C. du 21 avril 2005 « Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ».
1017 Voir par exemple : C.E., 12 novembre 1986, Winterstein, Rec. p. 338, cité par B. SEILLER, « Acte administratif - Identification », op. cit., p. 61.
1018 Voir en ce sens : J.-P. WEISS, L’apparence en droit administratif français, Thèse dactyl., Paris II, 2009. Sur cette théorie, voir aussi : N. JACQUINOT (Dir.), Juge et apparence(s), presses de l’IFR – Université Toulouse I, L.G.D.J., coll. Les colloques de l’IFR Mutation des normes juridiques, no 7, 2011, 334 p.
1019 Voir C. THIBIERGE, « Le droit souple, réflexions sur les textures du droit », op. cit., p. 622.
1020 P. DELVOLVE, « La notion de directive », A.J.D.A. 1974, p. 459.
1021 CE., Sect., 11 décembre 1970, Crédit foncier de France, Rec. p. 750 ; concl. BERTRAND A.J.D.A. 1971, p. 196.
1022 Sur ce point, voir infra, Partie II, Titre II, Chap. I, spéc. p. 477 et s.
1023 Voir concernant la H.A.L.D.E. : C.A.A. Lyon, 9 juillet 2008, Mme Kebira XY, no 07LY02858, inédit au Lebon, cité par A. ZARCA, « Force normative, force normatrice... », op. cit., p. 471.
1024 CONSEIL D’ÉTAT, Sécurité juridique et complexité du droit, Paris, La documentation française, E.D.C.E., 2006, p. 276.
1025 Voir par exemple : C.E., 1er avril 1998, Confédération générale du travail Force ouvrière et Confédération générale du travail, no 186535 et 186802, Rec. p. 118, cité par B. SEILLER, « Acte administratif - Identification », op. cit., p. 58.
1026 M. TRICOT, concl. sur C.E., Ass., 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker, R.D.P 1954, p. 50. Voir par exemple, un arrêt pré-Duvignières où le juge fonde l’irrecevabilité d’une circulaire sur le fait qu’elle ne contient que des recommandations, C.E., 18 octobre 2000, Association Promouvoir, no 213303 : « que les dispositions de la circulaire attaquée autres que celles qui concernent la mise en place de “séquences d’éducation à la sexualité” constituent des recommandations adressées aux chefs d’établissement, relatives à l’éducation sexuelle à l’occasion des cours de sciences de la vie et de la terre, à l’organisation d’activités complémentaires facultatives, à la formation des personnels et aux objectifs spécifiques à l’éducation sexuelle dans les collèges ; que ces dispositions sont dépourvues de tout caractère réglementaire ».
1027 B. STIRN, conclusions (non publiées) sur C.E., 16 nov. 1990, S.A. La Cinq (précité), cité par H. PAULIAT, in « Le contrôle du juge administratif sur les décisions des “autorités administratives indépendantes” compétentes en matière audiovisuelle », op. cit., p. 258.
1028 L. DEREPAS, concl. sur C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, op. cit., p. 2147.
1029 D. CRISTOL, « Le possible contrôle, par le juge de l’excès de pouvoir, des recommandations de bonne pratique », op. cit., p. 55 (A propos des recommandations de la A.N.E.A.S.).
1030 Voir notamment : P. COMBEAU, « Réflexions sur les fonctions juridiques de l’interprétation administrative », R.F.D.A. 2004, p. 1069.
1031 P. COMBEAU, « Un oubli dans la réforme : l’invocabilité des circulaires et instructions administratives », op. cit., p. 495.
1032 Voir sur ce point supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 203 et s.
1033 L. DEREPAS, concl. sur C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, op. cit., p. 2147.
1034 Ibidem.
1035 Dans un pur souci didactique, nous nous permettons de reproduire à nouveau ce considérant de principe : « lorsqu’elle émet des recommandations sans faire usage de la possibilité dont elle dispose de leur assurer une publicité particulière, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité n’énonce pas, en principe, des règles qui s’imposeraient aux personnes privées ou aux autorités publiques, mais recommande aux personnes concernées les mesures qui lui semblent de nature à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement » (souligné par nous).
1036 J.-P. MARKUS, « Nature juridique des recommandations de bonne pratique médicales », note sur C.E., 26 septembre 2005, C.N.O.M., op. cit., p. 310. Pourtant là encore, cette application ne va pas sans difficulté en ce qu’elle contribue à étendre considérablement le domaine d’application des circulaires : ces recommandations en matière d’information des patients, homologuées par le ministre de la Santé s’adressent à la fois aux agents du service public hospitalier mais aussi aux professionnels de santé du secteur privé. D’ailleurs l’article L. 1111-2 du code de la santé publique est clair sur leur domaine, en disposant que « Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables » (c’est nous qui soulignons).
1037 C. MASCRET relève en effet comme nous le faisons que ces recommandations n’ont tout simplement pas le même objet que les circulaires : « les autorités chargées d’établir des recommandations possèdent certes un statut de droit public, mais établissent des actes à destination des professionnels de santé. Une partie de ces professionnels exercent en secteur libéral, donc sont considérés comme tiers face à l’administration : on peut donc estimer que les recommandations émises ne sont pas des circulaires », in « La valeur juridique des recommandations en matière de santé au regard de la pratique médicale », op. cit., p. 8.
1038 G. KOUBI, « La notion de charte : fragilisation de la règle de droit ? », in J. CLAM et G. MARTIN (Dir.), Les transformations de la régulation juridique, Paris, L.G.D.J., coll. Droit et société, t. 5, 1998, p. 171.
1039 Voir par exemple : C.E., 6 novembre 2002, M. MOLINIER, no 234271, note L. JEGOUZOT-VIENOT A.J.D.A. 2003, p. 994. En l’espèce était contestée une circulaire du 5 avril 2001 du ministre de l’éducation nationale intitulée « code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire ». Le juge dépasse l’apparence formelle de l’acte et exerce son contrôle traditionnel en matière de circulaire administrative, en recherchant son caractère réglementaire (ce qui n’est pas le cas en l’espèce). Il s’agissait bien d’une circulaire, au vu de son objet : elle était adressée aux agents des établissements scolaires et proposait une ligne de conduite à adopter notamment en matière de publicité pour des entreprises privées au sein desdits établissements.
1040 P. JEAN, La charte du patient hospitalisé, Paris, Berger-Levrault, 1996, spéc. p. 27-36.
1041 Rappelée par l’arrêté du 7 janvier 1997 relatif au contenu du livret d’accueil des établissements de santé (J.O.R.F. du 11 janvier 1997, p. 496) et par l’ordonnance no 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation.
1042 J.O.R.F. no 53 du 3 mars 2004, p. 4271. Maintenant garanti par le « Référentiel Marianne », certifiant les services publics appliquant la Charte. Voir : http://www.modernisation.gouv.fr/index.php?id=343.
1043 La circulaire n’a pas été publiée. Voir : J.-B. BOUET, « La “Charte de laïcité dans les services publics” et les établissements publics de santé : une occasion manquée », R.D.S.S. 2007, p. 1023.
1044 La circulaire du 2 mars 2004 relative à la « charte de l’accueil des usagers » défini ainsi son périmètre d’application et dispose que « L’ensemble des administrations centrales et des services déconcentrés de l’État accueillant du public (qu’il s’agisse d’un accueil au guichet ou de démarches par téléphone ou par voie électronique) doivent être dotés d’une “charte Marianne”. Il est en outre nécessaire que s’associent à cette démarche les établissements publics de l’État dont les missions les conduisent à accueillir du public, ainsi que les organismes sociaux. Vous inviterez donc ceux de ces établissements et organismes qui relèvent de votre secteur d’attributions à vous faire connaître les actions qu’ils ont déjà engagées ou se proposent de mettre en œuvre pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers » (C’est nous qui soulignons).
1045 C. LANTERO note ainsi que « la charte du patient hospitalisé, adoptée par voie de circulaire, faisait une timide apparition dans les établissements de santé, à défaut de se faire une bonne place dans l’ordonnancement juridique, in « Vers la reconnaissance du défaut d’information comme chef de préjudice autonome ? », A.J.D.A. 2010, p. 2169.
1046 C.A.A. Bordeaux, 24 février 1995, Μ. X, no 00BX02751, inédit au Lebon.
1047 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 281 et s.
1048 Voir par exemple : C.A.A. Douai, 22 avril 2010, no 09DA01649, inédit au Lebon. La requérante soutenait « qu’elle a sollicité la délivrance d’un titre de séjour comme ascendant à charge, comme cela résulte de sa lettre de motivation, même si a été cochée la case regroupement familial et ce, par un agent préfectoral, faute qu’elle sache écrire et que son fils ne sache quoi faire, alors qu’il aurait dû lui indiquer la bonne case à cocher conformément à la charte Marianne signée par la préfecture du Nord depuis le 3 janvier 2005 ». Le juge préfère motiver sa décision par d’autres moyens beaucoup plus éprouvés en la matière.
1049 Concernant un rapport annexé à une loi, voir : C.E., Ass., 5 mars 1999, Confédération nationale des groupes autonomes de l’enseignement public, no 132023 ; Rec. p. 40 et C.E., Ass., 5 mars 1999, M. Rouquette, Mme Lipietz et autres, no 194658 et 196116, Rec. p. 37, chron. F. RAYNAUD & P. FOMBEUR. A.J.D.A. 1999 p. 420 ; obs. D. de BECHILLON & Ph. TERNEYRE, R.F.D.A. 1999, p. 357.
1050 Voir : C.C., 22 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, no 2002-460 D.C. ; Rec. p. 198 ; J.O.R.F. du 30 août 2002, p. 14411 ; C.C., 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, no 2002-461 D.C., J.O.R.F. du 10 septembre 2002, p. 14953 ; citées par G. KOUBI, Les circulaires administratives. Contribution à l’étude du droit administratif Paris, Economica, coll. Corpus Essais, 2003, p. 110.
1051 A. ILIOPOULOU, « Quatre ans d’application de la jurisprudence Duvignères », R.F.D.A. 2007, p. 488.
1052 Voir à ce titre les développements particulièrement éclairants de M. COLLET, in Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., p. 218 et s.
1053 C.E., 4 octobre 1996, Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, no 168131 ; Rec. p. 381 ; R.F.D.A. 1996, p. 1269 ; obs. J.-F. LACHAUME D. 1997, p. 195 ; D.A. 1996, no 561.
1054 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., p. 218. A noter que J.-F. LACHAUME trouve un second fondement à l’irrecevabilité : « Cette absence d’effets est confortée par l’analyse du contenu de la lettre, on y trouve une mise en garde contre une pratique estimée illégale, une demande de se conformer au droit et de prendre les garanties nécessaires pour que les faits constatés ne se reproduisent pas, un avertissement, à savoir la saisine du procureur de la République en cas de récidive, cette saisine ne pouvant être le fait que du CSA et non de son seul président. La lettre se présente en quelque sorte comme une mesure préparatoire à une décision à venir et le Conseil d’État a toujours jugé que, dans un tel cas, le recours en excès de pouvoir est irrecevable », in « Les indications émanant du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et non du conseil lui-même n’ont aucune portée juridique », obs. sur C.E., 4 octobre 1997, Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, no 168131 (précité), D. 1997, p. 195. Toutefois l’assimilation à une mesure préparatoire nous semble hautement contestable, puisqu’en l’espèce cette « lettre » ne prépare juridiquement à aucune décision, elle rappelait la règlementation en vigueur, un “rappel à la loi”. Ensuite, et ceci est plus important, la Haute assemblée sous entend qu’une telle lettre du Conseil et non du président, aurait été prise de manière compétente et donc déclarée comme recevable à l’excès de pouvoir. Il est en effet fort probable qu’une telle lettre aurait été requalifiée en “recommandation”, prise sur le fondement de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel exerce un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle en vertu de la présente loi. Il peut prendre en compte les recommandations des autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité »). Reste simplement à déterminer sur quel fondement cette recommandation aurait été recevable, et si les jurisprudences en matière de respect du pluralisme et de protection de l’enfance et de l’adolescence, qui rappelons-le, sont par nature des décisions faisant grief, auraient été appliquées ici.
1055 A. ILIOPOULOU, « Quatre ans d’application de la jurisprudence Duvignères », op. cit., p. 488.
1056 S. VERCLYTTE, concl. sur C.E., 6 mars 2006, Syndicat national des enseignants et artistes, no 262982, Rec. p. 107, cité par A. ILIOPOULOU, « Quatre ans d’application de la jurisprudence Duvignères », op. cit., p. 483.
1057 C. GROULIER, « L’impératif dans la jurisprudence Duvignères : réflexion sur un “sésame contentieux” », op. cit., p. 941.
1058 Voir supra, Partie I, Titre I, Chap. II, spéc. p. 128 et s.
1059 P. AMSELEK, « L’évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales », R.D P. 1982, p. 275.
1060 B. SEILLER, « Acte administratif-Identification », op. cit., p. 32, no 216.
1061 Ibid. et p. 59, no 416.
1062 Voir à ce titre, NGUYEN VAN BONG, Décision exécutoire et décision faisant grief en droit administratif français, Thèse dactyl., Paris, 1960, 147 p.
1063 A. ZARCA note ainsi « qu’il est remarquable qu’avec constance, chaque fois que le Conseil d’État décèle dans la circulaire une interprétation parée d’impérativité, au plus considère-t-il donc qu’elle “fait grief”, au moins prend-il soin de ne pas la qualifier et se contente alors soit d’en déduire explicitement la seule recevabilité de la requête, soit de déduire celle-ci implicitement en la jugeant au fond (...) à l’inverse, la qualification de “décision” ne réapparaît que dès lors que la circulaire impérative (...) est prise dans le cadre d’une compétence réglementaire », in « Force normative, force normatrice ? A propos des interprétations impératives contenues dans les recommandations de la HALDE », in C. THIBIERGE et alii, La force normative. Naissance d’un concept, op. cit., p. 472. Voir aussi, sur la même position doctrinale : G. KOUBI, « Distinguer « l’impératif » du « réglementaire » au sein des circulaires interprétatives », R.D.P. 2004, p. 499.
1064 C. GROULIER, « L’impératif dans la jurisprudence Duvignères : réflexion sur un “sésame contentieux” », op. cit., p. 950. L’auteur constate en effet que la jurisprudence Duvignères n’assimile pas non plus les circulaires administratives impératives à la notion d’acte faisant grief, préférant considérer qu’elles « doivent être considérées comme faisant grief » : « Aux côtés de l’acte décisoire, de l’acte faisant grief, figure donc l’acte devant être regardé comme faisant grief qui, en l’occurrence, est l’acte impératif. Or, à l’examen, ce dernier est prescriptif et doté d’un caractère obligatoire pour ses destinataires... ne serait-il pas finalement décisoire ? Etait-il indispensable de recourir à une notion contentieuse faussement théorique pour juger, en se fondant sur des éléments qui trahissent l’effet décisoire, que telle circulaire est susceptible ou non de recours contentieux ? », ibidem.
1065 A noter qu’une autre frange de la doctrine semble considérer que les actes de l’administration « qui ne font pas grief » ne sont tout simplement pas des actes administratifs unilatéraux. Plus loin, ces auteurs contestent l’idée même d’acte administratif unilatéral non décisoire, les laissant par là dans une vaste zone de non-droit assez mal définie. Voir par exemple : D. TRUCHET, Droit administratif, Paris, P.U.F., coll. Thémis Droit, 3ème éd., 2010, spéc. p. 225 : « On trouve dans la doctrine et la jurisprudence l’expression “décision administrative Elle n’est pas synonyme d’acte administratif unilatéral, car toutes les décisions administratives ne sont pas des actes : ainsi des mesures d’ordre intérieur (...) La “décision faisant grief” est propre au vocabulaire contentieux. Elle comporte une dimension objective, synonyme d’acte administratif unilatéral mais elle a en outre une dimension subjective : seules les personnes auxquelles l’acte fait grief (c’est-à-dire, aux intérêts desquels il porte atteinte) sont recevables à en demander l’annulation au juge ».
1066 B. SEILLER, « Acte administratif – Identification », op. cit., p. 43, no 305.
1067 R. CHAPUS identifie ainsi des mesures d’ordre intérieur ayant le caractère de décisions, « celles qui, selon une jurisprudence traditionnelle (procédant de vues plus ou moins justifiées), sont considérées comme trop peu importantes pour pouvoir donner lieu à un recours (...) en dépit qu’elles sont des décisions, elles sont donc insusceptibles de recours », in Droit administratif général, Paris, Montchrestien, coll. Domat Droit public, t. I, 15ème éd., 2001, p. 511, no 680. Les autres mesures sont ici constituées par les circulaires et les directives, que nous ne considérons pas, à proprement parler comme des mesures d’ordre intérieur, leur régime juridique différant en de nombreux points. Sur la justification de cette exclusion, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à l’article cité ci-dessous.
1068 Pour une définition complète de la notion de « mesure d’ordre intérieur », voir M. HECQUART-THÉRON, « De la mesure d’ordre intérieur », A.J.D.A. 1981, p. 235. L’auteur énonce ainsi qu’il s’agit de « mesures normatives », c’est-à-dire des « actes que le juge classe parmi les mesures d’ordre intérieur ou qu’il refuse de connaître parce que dénués de force juridique au regard de la légalité générale mais qui sont intrinsèquement unilatéraux », p. 238.
1069 Dans le même ordre d’idée, il est à noter que R. CHAPUS exprime une nette préférence pour l’expression de « décision » en lieu et place d’« acte faisant grief », voir R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 13e éd., 2008, no 644. Voir : G.LIETVEAUX, « Les actes administratifs qui “ne font pas grief” », R.A. 1952, p. 384.
1070 C.E., 4 octobre 1996, Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, no 168131 (précité).
1071 J.-F. LACHAUME, « Les indications émanant du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et non du conseil lui-même n’ont aucune portée juridique », op. cit., p. 195.
1072 C.E., 27 mai 1987, S.A. Laboratoires Goupil, Rec. p. 181 (précité).
1073 M. LAROQUE, concl. sur C.E., 27 mai 1987, S.A. Laboratoires Goupil, Rec. p. 181 ; cité par M. GUYOMAR, concl. sur C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe, A.J.D.A. 2006, p. 830.
1074 L. DEREPAS, concl. sur C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, op. cit., p. 2148.
1075 Voir infra, Chapitre suivant, p. 386 et s.
1076 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., spéc. pp. 227-229. L’auteur propose d’assimiler les « normes molles » des A.A.I. aux « actes de déontologie », manifestés par exemple par la doctrine élaborée par l’Ordre des médecins. Nous souscrivons à cette assimilation, et pour cause, les deux phénomènes relèvent bien de la soft law matérielle.
1077 C.E., 3 juillet 2000, Société civile des auteurs réalisateurs producteurs, no 218358 (précité).
1078 Voir notamment : J. RIVERO, « Sanction juridictionnelle et règle de droit », in Mélanges L. JULLIOT de la MORANDIÈRE, Paris, Dalloz, 1964, p. 457 et s.
1079 J.-L. AUTIN, « Le contrôle juridictionnel des autorités administratives indépendantes par le Conseil d’État est il pertinent ? », R.D.P. 1991, p. 1548.
1080 Pour un essai (imparfait) de recensement, voir : CONSEIL D’ÉTAT, Les autorités administratives indépendantes, Paris, La Documentation française, E.D.C.E., 2001, spéc. p. 250 et s M. JODEAU-GRYMBERG, « Autorités administratives indépendantes : un essai de recensement », in « Les autorités administratives indépendantes », C.F.P. mai 2000 no 190, p. 3. Voir aussi, une liste exhaustive et actualisée : http://www.legifrance.gouv.fr/html/sites/sites_autorites.htm
1081 Voir : http://www.csa.fr/infos/textes/textes_intro.php
1082 http://www.has-sante.fr/portail/
1083 Voir, dans la section « en savoir plus » : http://www.cnil.fr/en-savoir-plus/deliberations/recommandations
1084 Voir : http://www.halde.fr/-Textes-legislatifs-.html. Le lecteur soulignera de lui-même que l’intitulé de cette adresse internet qui est censé regrouper tous ces instruments variés est particulièrement trompeur...
1085 Qui dispose que la C.N.I.L. « se tient informée de l’évolution des technologies de l’information et rend publique le cas échéant son appréciation des conséquences qui en résultent pour l’exercice des droits et libertés (...) Pour l’accomplissement de ses missions, la commission peut procéder par voie de recommandation ».
1086 Voir : http://www.legifrance.gouv.fr/initRechExpCnil.do
1087 Sur ce point supra, voir Partie II, Titre I, Chap. I, spéc. p. 330 et s.
1088 Voir R HOSTIOU, Procédures et formes de l’acte administratif unilatéral, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 119, 1975, p. 58, note 131 ; cité par L. CALANDRI, Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 259, 2008, p. 364.
1089 Abrogé par l’article 22 de la loi no 2011-334 du 29 mars 2011 relative au défenseur des droits.
1090 Rappelons que concernant la publication et la notification se distinguent notamment par la nature de l’acte publié : la première est plus adaptée aux actes réglementaires lorsque la seconde « est le procédé de publicité des actes individuels [consistant] à porter une décision donnée à la connaissance d’une personne déterminée, le plus souvent visée directement par cette décision », B. SEILLER, « Acte administratif – Régime », Répertoire de contentieux administratif Dalloz, janvier 2010, p. 48, no 337.
1091 Nous faisons bien entendu référence à la « réponse graduée » mise en place par la loi HA-DOPI2, qui prévoit un dispositif de recommandations avant la sanction. Sur ce point voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, p. 260 et s.
1092 Loi organique no 2011-333 du 29 mars 2011 relative au défenseur des droits, J.O.R.F. du 29 mars 2011, no 75 : « Le Défenseur des droits peut faire toute recommandation qui lui apparaît de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement. Il peut recommander de régler en équité la situation de la personne dont il est saisi. Les autorités ou personnes intéressées informent le Défenseur des droits, dans le délai qu’il fixe, des suites données à ses recommandations. A défaut d’information dans ce délai ou s’il estime, au vu des informations reçues, qu’une recommandation n’a pas été suivie d’effet, le Défenseur des droits peut enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires. Lorsqu’il n’a pas été donné suite à son injonction, le Défenseur des droits établit un rapport spécial, qui est communiqué à la personne mise en cause. Le Défenseur des droits rend publics ce rapport et, le cas échéant, la réponse de la personne mise en cause, selon des modalités qu’il détermine ».
1093 Voir en ce sens : Y. GAUDEMET, « Les actions administratives informelles », R.I.D.C. 1994, vol. 46 no 2, p. 651.
1094 Voir notamment : J.-J. DAIGRE, « Une nouvelle source du droit, le communiqué ? A propos d’un communiqué de la COB du 4 mai 1999 », J.C.P. éd. E. 1999, actualités, p. 1261.
1095 Concernant les actes décisoires des A.A.I., voir M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 233, spéc. pp. 123-124. L’auteur cite l’arrêt Meyet du 2 juin 1999 à titre d’illustration concernant un « communiqué » du C.S.A. En l’occurrence il s’agissait bien d’une recommandation prise sur le fondement de l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.
1096 L. CALANDRI, Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op. cit., p. 368.
1097 En vertu de l’article L. 132-4 du code de la consommation. La C.C.A. est désormais placée auprès de l’Institut national de la consommation. Voir les articles R. 534-1 et suivant du code de la consommation.
1098 Ces rapports d’activité font un bilan de l’activité de l’autorité et contiennent une partie plus prospective, faisant par exemple des recommandations aux pouvoirs publics. En outre, ils rappellent parfois les sanctions proférées ou la liste des entreprises contrôlées pendant l’année. Ceci redonne une nouvelle visibilité aux comportements considérés comme non respectueux des missions assurées par les autorités. La C.N.I.L. fournit un bon exemple du contenu hétérogène de ces rapports, ces derniers sont publiés à la Documentation française, assurant une seconde publicité plus solennelle à ses recommandations. Voir : http://www.cnil.fr/en-savoir-plus/rapports-dactivite
1099 CONSEIL D’ÉTAT, Les autorités administratives indépendantes, op. cit., p. 272.
1100 Sur cette distinction, voir supra, Partie I, Titre II, Chap. I, spéc. p. 226 et s.
1101 LUBEN, « Le pouvoir de sanction de l’autorité de régulation des télécommunications », A.J.D.A. 2001, p. 121. L’article L. 36-11 §1 du code des postes et des télécommunications prévoit en effet que l’A.R.C.E.P. (anciennement A.R.T.) peut rendre publiques ses mises en demeure. Sur l’idée de « sunshine regulation », voir aussi : B. du MARAIS, Droit public de la régulation économique, Presses de Sciences Po et Dalloz, coll. Amphithéâtre, 2004, pp. 486-488.
1102 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., p. 188.
1103 L. DEREPAS, concl. sur C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, A.J.D.A. 2007, p. 2148.
1104 D.-A. CAMOUS, « Réflexions sur la publicité de l’acte administratif par voie de presse », R.F.D.A. 2004, p. 70. L’auteur rajoute à titre d’exemple que « cet aspect ressort de l’arrêté sur le règlement de la Commission des opérations de bourse, qui autorise cette dernière à publier un communiqué de presse lorsqu’un “émetteur ne fournit pas au marché français des éléments jugés importants par la Commission pour la bonne information du public français” », ibid.
1105 C.E., 26 févr. 1993, Comité d’entreprise de la SEITA, no 132993 ; cité par D.-A. CAMOUS, « Réflexions sur la publicité de l’acte administratif par voie de presse », ibid.
1106 Plus précisément depuis l’ordonnance no 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs. Concernant la publication par voie électronique, voir notamment : P. SABLIERE, « Nul n’est censé ignorer internet ? », A.J.D.A. 2010, p. 217.
1107 Ce point de vue est partagé par L. CALANDRI : « La publication ne permet pas de rendre “opposable” l’acte de régulation, pas plus qu’elle ne peut le faire “entrer en vigueur”, terminologies utilisables pour les seuls actes juridiquement normateurs », in Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op. cit., p. 365.
1108 Elle contribuerait cependant incontestablement à faire progresser la faible sécurité juridique. Sur ce point, voir infra, Titre II, Chap. I, spéc. p. 477 et s.
1109 La plupart des auteurs lient les questions d’opposabilité de publicité et de normativité. Ainsi l’opposabilité désigne le l’aptitude d’un acte « à déployer des effets juridiques à l’égard tant des tiers que de son auteur lui-même [elle] suppose donc d’abord que l’acte en cause soit susceptible de produire des effets de droit. L’opposabilité est ainsi le propre de la norme ». Plus précisément, « le fait d’être un acte décisoire ne confère (...) qu’une opposabilité potentielle, subordonnée à l’accomplissement des formalités de publicité prévues », B. SEILLER, « Acte administratif – Régime », op. cit., p. 43, no 300-301. Voir aussi : B. SEILLER, « L’entrée en vigueur des actes unilatéraux », A.J.D.A. 2004, p. 1463.
1110 J.O.R.F du 10 décembre 2008.
1111 P. COMBEAU & S. FORMERY, « Le décret du 8 décembre 2008 : un nouvel éclairage sur le “droit souterrain” ? », A.J.D.A. 2009, p. 811. Voir aussi : F. PERROTIN, « Publication de la doctrine administrative sur internet », L.P.A. 22 mai 2009, p. 3 ; P. DEUMIER, « Les circulaires sortent de l’ombre : circulaires.gouv.fr », R.T.D.Civ. 2009, p. 487.
1112 Voir sur ce point supra, Partie I, Titre II, Chap. I, spéc. p. 203 et s.
1113 C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, no 274721 ; concl. M. GUYOMAR A.J.D.A. 2006, p. 828 ; D. 2006. A.J. p. 576.
1114 C.E., Sect., 21 octobre 1988, Eglise de scientologie de Paris, no 68638,69439 ; Rec. p. 353 ; concl. O. Van RUYMBEKE ; chron. M. AZIBERT & M. BOISDEFFRE A.J.D.A. 1988, p. 719.
1115 En l’espèce, le détournement de pouvoir allégué n’est pas prouvé.
1116 Bien entendu, le décret du 30 septembre 1953 donne en ces cas compétence directe au Conseil d’État. A titre d’information, voir : S. BOISSARD, « La notion d’acte dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif », concl. Sur C.E., 25 avril 2001, Association Choisir la vie, no 211638, 216521 ; R.F.D.A. 2002, p. 541.
1117 O. Van RUYMBEKE, conclusions précitées, Rec. p. 353.
1118 C.E., 27 mai 1987, S.A. Laboratoires Goupil, Rec. p. 1981 ; obs. X. PRETOT, A.J.D.A. 1987, p. 607. Souligné par nous. Sur les recommandations de la C.S.C., voir supra, chapitre précédent.
1119 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., p. 194.
1120 Voir supra, Chapitre précédent, spéc. p. 354 et s.
1121 C. PERES, « Le juge administratif et les recommandations des clauses abusives », Revue des contrats 1er juillet 2006, no 3, p. 671.
1122 C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, no 274721 ; concl. M. GUYOMAR A.J.D.A. 2006, p. 828 ; D. 2006. A.J. p. 576.
1123 Voir L. CALANDRI, « Le pouvoir de recommandation de la Commission des clauses abusives », L.P.A. 15 septembre 2006, no 185, p. 4.
1124 M. GUYOMAR, concl. préc., p. 831.
1125 Ibid., p. 830.
1126 L. DEREPAS, concl. sur C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, op. cit., p. 2148.
1127 C.E., 12 octobre 2009, Société Laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals, no 322784 ; Rec. p. 995-996 (tables) ; note C. MASCRET R.D.S.S. 2010, p. 165.
1128 Sur le fondement de l’article R. 161-71 du code de la sécurité sociale.
1129 Voir supra, Chapitre précédent, spéc. p. 343.
1130 Le conditionnel est important car en l’espèce, le ministre de la santé n’a pas suivi la recommandation et a inscrit à la liste des médicaments remboursables le vaccin concurrent « Cervarix ».
1131 C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, no 294195, Rec. p. 335 ; concl. L. DEREPAS A.J.D.A. 2007, p. 2145 ; chron. F. MELLERAY & A. CLAEYS, L.P.A. 09 juin 2008 no 115, p. 4.
1132 C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, no 274721 (précité).
1133 M. GUYOMAR, concl. préc., p. 831.
1134 Voir supra, Chapitre précédent, spéc. p. 321. Telle n’est pas toutefois la position de L. CALANDRI sur ce point. L’auteur relève bien que l’arrêt Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe n’ouvre pas la voie de l’exception d’illégalité, mais elle souligne qu’il s’agit là d’une restriction par rapport à des jurisprudences antérieures du Conseil d’État. L’auteur avance ainsi que les arrêts Syndicat des auteurs et des compositeurs dramatiques (23 avril 1997, no l 31688) et Union syndicale de la production audiovisuelle (16 avril 1998) ouvrent la possibilité d’une exception d’illégalité à l’encontre de l’« acte de régulation ». Etaient en cause les refus de mettre en demeure et de sanctionner des opérateurs ne respectant pas leurs obligations légales par le C.S.A fondées sur des recommandations antérieures. Or, nous l’avons vu, les recommandations du C.S.A. fondées sur l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée sont en réalité des décisions administratives. Nous retrouvons alors nos objections posées soulevées sur la question de savoir si le Conseil d’État contrôle le refus de recommander. L’« acte de régulation » tel que dégagé par L. CALANDRI ne s’assimile pas à l’acte de soft law tel que nous l’avons défini. Sur cette question de l’exception d’illégalité, voir : L. CALANDRI, Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op. cit., spéc. pp. 567-570 ; « Le pouvoir de recommandation de la Commission des clauses abusives, op. cit., spéc. p. 338 et s.
1135 C. PERES, « Le juge administratif et les recommandations des clauses abusives », op. cit., p. 673.
1136 Ceci explique d’ailleurs qu’une décision de publier un rapport très similaire, si elle émane du président de l’Assemblée nationale et non du Premier ministre, n’est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir. Voir : C.E., 16 avril 2010, Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, no 304176. Le juge justifie ce quasi-déni de justice par des considérations liées au principe de séparation des pouvoirs : « Considérant que l’acte par lequel le président de l’Assemblée nationale rend public le rapport d’une commission d’enquête parlementaire est indissociable de la fonction parlementaire de contrôle dont les commissions créées par cette Assemblée et les rapports qu’elles élaborent, notamment en vue de les rendre publics, sont l’un des éléments ; qu’il échappe de ce fait par nature au contrôle du juge de l’excès de pouvoir ; que la circonstance qu’en vertu de la tradition constitutionnelle française de séparation des pouvoirs, aucune juridiction ne puisse être saisie d’un tel litige ne saurait avoir pour conséquence d’autoriser le juge administratif à se déclarer compétent ; que, par suite, la requête de la FEDERA TION CHRETIENNE DES TEMOINS DE JEHOVAH DE FRANCE ne peut qu’être rejetée ».
1137 C.E., Sect., 21 octobre 1988, Eglise de scientologie de Paris, no 68638, 69439 (précité).
1138 C.E., 7 août 2008, Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, no 310220 ; A.J.D.A. 2008, p. 1570.
1139 En l’espèce, le Conseil rejette au fond les moyens tirés de la méconnaissance des principes de neutralité et de laïcité, de liberté de culte, de l’obligation d’impartialité de l’autorité administrative, et des articles 9 et 14 de la C.E.D.H.
1140 Sur la distinction entre « l’acte juridique » et le « fait matériel », voir notamment : B. SEILLER, « Acte administratif - Identification », op. cit., p. 6, spéc. no 25 et s.
1141 M. GUYOMAR, concl. sur C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, op. cit., p. 831.
1142 Le Commissaire du gouvernement estimant de manière très pragmatique qu’il est « préférable d’assumer une absence de contrôle sur ce point que d’afficher l’existence d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation étant entendu dès le départ qu’il n’y aura jamais matière à annulation », Ibid.
1143 C.E., 12 octobre 2009, Société Laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals, no 322784 (précité).
1144 C. MASCRET, obs. sur C.E., 12 octobre 2009, Société Laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals, no 322784, R.D.S.S. 2010, p. 165. Le vaccin « Gardasil » recommandé étant plus efficace, voir supra, p. 390.
1145 Voir supra, Chapitre précédent, spéc. p. 374 et s.
1146 Loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie l’article, codifiée à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale.
1147 C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, no 294195, Rec. p. 335 (précité). C’est nous qui soulignons.
1148 On rappelle qu’en l’espèce, suite à une plainte pour harcèlement moral à connotation raciste, l’autorité a recommandé diverses mesures telles que de mettre en place une formation des personnels concernés par les ressources humaines sur le harcèlement moral et le droit du travail applicable, ainsi que la création d’une procédure d’alerte favorisant l’expression de tous les salariés dans des conditions satisfaisantes et le règlement amiable des conflits.
1149 Voir sur ce point supra, Partie I, Titre I, Chap. II, spéc. p. 111 et s.
1150 B. SEILLER relève par exemple que « le Conseil d’État a laissé entendre qu’une recommandation émise par la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, même dépourvue de caractère impératif, pourrait être considérée comme décisoire si cette autorité décidait de lui donner une “publicité particulière” », in « Acte administratif – Identification », op. cit., p. 64, no 447. Souligné par nous.
1151 C.E., 27 avril 2011, Association Formindep, no 334396 ; à publier au Lebon ; concl. C. LANDAIS, A.J.D.A. 2011, p. 1326 ; obs. S. BRONDEL, A.J.D.A. 2011, p. 877 ; note J. PEIGNE, R.D.S.S. 2011, p. 483 ; D. 2011, p. 1287.
1152 M. COLLET, Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, op. cit., p. 196.
1153 C.E., Sect., 31 mars 2003, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/S.A. Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm, no 188833 & 211756 ; concl. D. CHAUVAUX R.F.D.A. 2003, p. 1185 ; chron. F. DONNAT et F. CASAS A.J.D.A. 2003, p. 935 ; note M.-F. DELHOSTE J.C.P. 2003, éd. G. II.10198.
1154 Directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976.
1155 C.E., 27 mai 1987, S.A. Laboratoires Goupil, Rec. p. 181 ; obs. X. PRETOT, A.J.D.A. 1987, p. 607. Sur la nature non décisoire des « avis » de la C.S.C., voir supra, Chapitre précédent.
1156 C.E., Sect., 21 octobre 1988, Eglise de scientologie de Paris, no 68638, 69439 ; Rec. p. 353 (précité).
1157 L’article dispose que la C.S.C. est « chargée d’émettre des avis et de proposer toute mesure de nature à améliorer la prévention des risques en matière de sécurité des produits ou des services (...) Elle recherche et recense les informations de toutes origines sur les dangers présentés par les produits et services (...) Elle peut porter à la connaissance du public les informations qu’elle estime nécessaires ».
1158 L’article 8 de la loi du 21 juillet 1983 énonce que « Les mesures [de publicité] prévues au présent chapitre ne peuvent être prises pour les produits et services soumis à des dispositions législatives particulières ou à des règlements communautaires ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs ».
1159 D. CHAUVAUX, concl. sur C.E., Sect., 31 mars 2003, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/S.A. Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm, no 188833 & 211756, R.F.D.A. 2003, p. 1189.
1160 Le commissaire du gouvernement D.CHAUVAUX souhaitait d’ailleurs que seul ce moyen soit relevé par le Conseil d’État : « Comme nous l’avons indiqué, il nous semble que cette approche pourrait être adoptée d’une manière générale s’agissant de la responsabilité encourue du fait d’un avis ou d’une recommandation. Vous pourriez, il est vrai, vous montrer plus exigeants et considérer que, dans les matières où le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle normal, toute erreur d’appréciation commise par un organisme investi d’un pouvoir de proposition revêt le caractère d’une faute. Cela reviendrait à considérer comme fautif le fait de recommander l’adoption d’une décision qui encourrait l’annulation pour excès de pouvoir. Mais en tout état de cause, si l’avis litigieux avait été suivi par le gouvernement nous croyons que vous auriez exercé un contrôle restreint sur la mesure d’interdiction. Certes, plusieurs arrêts ont appliqué un contrôle complet sur les mesures prises sur le fondement du chapitre Ier de la loi du 21 juillet 1983 et du titre II du livre II du code de la consommation (...) Mais s’agissant d’une mesure de précaution prise en l’absence d’une certitude scientifique, vous vous limite : à un contrôle d’erreur manifeste en ce qui concerne la réalité du danger », ibid. Ceci confirme que le Conseil d’État laisse un large pouvoir d’appréciation aux autorités consultatives, comme nous l’avions souligné concernant le degré de contrôle opéré en matière de décision de publication (voir supra, p. 395 et s.), ibid., p. 1190. Toutefois, il semble que ce soit avant tout des considérations liées à l’espèce qui justifient ce contrôle minimum : en l’absence de vérité scientifique clairement établie, seule une erreur manifeste pouvait être sanctionnée par le Conseil.
1161 C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, no 274721, voir supra, présent Chapitre, p. 322.
1162 Voir notamment : Ph. RAIMBAULT, Recherche sur la sécurité juridique en droit administratif français, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 256, 2009, spéc. p. 464 et s.
1163 D. CHAUVAUX, concl. préc., p. 1189.
1164 F. DONNAT et F. CASAS, « Responsabilité de la puissance publique et recommandation émise par une instance consultative », chron. A.J.D.A. 2003, p. 935.
1165 L. CALANDRI, Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op. cit., p. 646. A noter que cette « fonction de contrôle » ne peut relever de la soft law telle que nous l’avons définie. En effet, elle « résulte d’une association des activités de régulation et répressive » (ibid.) et relève du régime de la faute lourde. Ainsi en a-t-il été décidé à propos de la Commission bancaire (voir C.E., Ass., 30 novembre 2001, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Kerchichian et autres, no 219562 ; concl. A. SEBAN R.F.D.A. 2002, p. 742 ; chron. M. GUYOMAR & R COLLIN A.J.D.A. 2002, p. 136) habilitée par les articles 39, 40, 42 et de la loi du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit à « procéder à des contrôles sur pièces et sur place et celui de demander que lui soient transmis des documents et informations (...) si elle constate des manquements aux règles de bonne conduite, à adresser une mise en garde à un établissement de crédit, à lui recommander de prendre les mesures appropriées pour restaurer sa situation financière, à lui adresser une injonction et à désigner un administrateur provisoire (...) à prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre d’un établissement de crédit qui a enfreint une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, n’a pas déféré à une injonction ou n’a pas tenu compte d’une mise en demeure ». Dans cette affaire était contestée une carence de la Commission bancaire dans sa fonction de surveillance des établissements de crédit. Elle s’était en effet contentée de prendre des « lettres de suite » (c’est à dire une recommandation) invitant les dirigeants d’un établissement à opérer un assainissement financier “dans les meilleurs délais” et n’avait pas fait usage de son pouvoir d’injonction, de mise en demeure ou de sanction. Le Conseil d’Etat posait alors fermement « que la responsabilité de l’État pour les fautes commises par la Commission bancaire dans l’exercice de sa mission de surveillance et de contrôle des établissements de crédit ne se substitue pas à celle de ces établissements vis-à-vis, notamment, de leurs déposants ; que, dès lors, et eu égard à la nature des pouvoirs qui sont dévolus à la Commission bancaire, la responsabilité que peut encourir l’État pour les dommages causés par les insuffisances ou carences de celle-ci dans l’exercice de sa mission ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde ». Plus loin, la Haute assemblée considérait que les simples « lettres de suite » étaient suffisantes pour ne pas constituer une faute lourde. Ainsi, cette dernière ne pourra vraisemblablement résulter que d’une double carence, à la fois du pouvoir de recommandation, mais aussi du pouvoir de répression. Cette hypothèse ne concerne donc pas la responsabilité du fait de la soft law, ni même du fait de son absence, mais bien du fait de la carence générale d’une mission de surveillance. A ce titre, l’acte de soft law qui avait été pris a « protégé » la Commission bancaire d’une éventuelle faute lourde, confirmant une nouvelle fois la liberté donnée par le juge aux autorités administratives d’agir en premier lieu de manière informelle. En conséquence, comme le note L. CALANDRI « la victime se trouve dans une situation particulière : lorsque seule l’activité de régulation est à l’origine du préjudice (...) elle doit prouver la faute simple commise (...) par contre, en cas d’association des activités de contrôle, incluant la fonction de régulation et de répression, c’est une faute lourde qui doit avoir été commise », in Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op. cit., p. 648.
1166 D. CHAUVAUX relève ainsi que « le caractère spécial du préjudice ne paraît pas douteux, compte tenu du faible nombre d’entreprises concernées par l’avis. Son caractère anormal devrait également être retenu, si du moins l’on peut attribuer à la publication de l’avis, comme la cour l’a estimé, l’essentiel des pertes de chiffre d’affaires subies par la société Bergarderm entre 1987 et 1992, pour un montant total de 24 millions de francs », concl. préc., p. 1191.
1167 L’anormalité du préjudice renvoyant « pour l’essentiel à la notion de gravité : pour qu’un préjudice soit anormal, il faut qu’il présente un certain degré de gravité », S. HENNETTE-VAUCHEZ, « Responsabilité de la puissance publique (responsabilité sans faute) », Répertoire de contentieux administratif Dalloz 2010, p. 16, no 43. D’autres auteurs témoignent en outre de la prise en compte par le juge du « caractère exceptionnel du préjudice » dans la détermination de son « anormalité ». Voir notamment : R AMSELEK, « La responsabilité sans faute des personnes publiques d’après la jurisprudence administrative », in Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 233.
1168 Voir par exemple : C.E., Ass., 8janvier 1965, Société des Etablissements Aupinel, Rec. p. 15.
1169 D. CHAUVAUX, concl. préc., p. 1191.
1170 F. DONNAT et F. CASAS, « Responsabilité de la puissance publique et recommandation émise par une instance consultative », op. cit., p. 935. Pour un aperçu général (en droit privé), voir : M. BOUTONNET, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, t. 444, 2005, 712 p.
1171 L. CALANDRI, Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op. cit., p. 662.
1172 N. de SADELEER, « Le statut juridique du principe de précaution en droit communautaire : du slogan à la règle », Cahiers du droit européen 2001, no 1-2, pp. 91-132.
1173 H. BELRHALI-BERNARD, « Le droit de l’environnement : entre incitation et contrainte », R.D.P. 2009, no 6, p. 1683.
1174 Il énonce, au même titre que l’article L. 110-1 du code de l’environnement que « le principe de précaution selon lequel l’absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles... ».
1175 A. ROUYERE, « Le principe de précaution saisi par le juge. Réflexions inspirées par quelques arrêts récents du Conseil d’État », R.F.D.A. 2000, p. 266.
1176 Il prévoit que « Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ». Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, 3-4 juin 1992.
1177 M. DELMAS-MARTY, Le flou du droit : du droit pénal aux droits de l’homme, Paris, P.U.F., 2004. Sur cette distinction, voir supra, Partie I, Titre I, Chap. I, spéc. p. 83 et s.
1178 M. GROS, « Quel degré de normativité pour les principes environnementaux ? », R.D.P. 2009, no2, p. 425.
1179 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 310 et s.
1180 O. GODARD, « L’ambivalence de la précaution et la transformation des rapports entre science et décision » in O. GODARD (Dir.), Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1997, p. 43 ; cité par A. ROUYERE, « Le principe de précaution saisi par le juge. Réflexions inspirées par quelques arrêts récents du Conseil d’Etat », op. cit., p. 266.
1181 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, p. 294 et s.
1182 B. SEILLER, Droit administratif – L’action administrative, Paris, Flammarion, coll. Champs université, t. I, 3ème éd., 2010, p. 329.
1183 D. CHAUVAUX, concl. préc., p. 1189.
1184 S. PERDU note par exemple que l’arrêt S.A. Laboratoires Bergaderm « aura certainement un impact sur la question de savoir si la responsabilité de l’État peut être engagée du fait d’un avis émis par n’importe quelle instance consultative. La réponse positive ici apportée aura nécessairement des répercussions sur d’autres institutions « d’accompagnement » de l’administration active. Ainsi, l’activité des nombreux “comités”, “conseils” et “commissions” – qualifiés ou non d’autorité administrative indépendante – qui forment “l’administration consultative” et rendent des “projets”, “avis” et autres “recommandations” (...) pourrait entraîner la responsabilité de l’État ; tout au moins lorsque des conditions comparables à celles ayant entraînée la solution du 31 mars 2003 seront réunies : dommages causés par des avis et recommandations publiés. Des consommateurs pourraient ainsi rechercher la responsabilité de l’État en invoquant, par exemple, l’insuffisance de sévérité de recommandations ou d’avis formulés en matière d’autorisation de mises sur le marché », S. PERDU, « Le juge administratif et la protection des consommateurs », A.J.D.A. 2004, p. 481.
1185 C.E., 16 janvier 2006, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe, no 274721 (précité).
1186 M. GUYOMAR, concl. préc., p. 830. Il citait alors précisément l’arrêt S.A. Laboratoire Bergaderm.
1187 C.E., 30 juillet 1997, Boudin, no 118521 Rec. p. 312 ; note P. BON & D. de BECHILLON D. 1999, p. 59.
1188 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 282 et s.
1189 C’est ce que la note de P. BON et D. BECHILLON relève d’ailleurs, en forme d’obiter dictum final.
1190 P. BON & D. de BECHILLON, note précitée, p. 59.
1191 C.E., 13 juillet 2007, Mme Abric, no 297742 ; concl. L. DEREPAS A.J.D.A. 2007, p. 2145.
1192 C.E., 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, no 294195, Rec. p. 335 ; concl. L. DEREPAS A.J.D.A. 2007, p. 2145 ; chron. F. MELLERAY & A. CLAEYS, L.P.A. 09 juin 2008 no 115, p. 4.
1193 L. DEREPAS, concl. préc., p. 2148.
1194 Ibidem.
1195 Voir notamment : M. DEGOFFE, « Les autorités publiques indépendantes », A.J.D.A. 2008, p. 622.
1196 Ibidem.
1197 Devenue l’Autorité de contrôle et des assurances et des mutuelles (A.C.A.M.) depuis la Loi du 15 décembre 2005 no 2005-1564 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance, puis fondue au sein de l’Autorité de Contrôle prudentiel (A.C.P.) par l’ordonnance no 2010-76 du 21 janvier 2010, avec la Commission bancaire, le comité des entreprises d’assurance et le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (C.E.C.E.I.).
1198 Voir D. LABETOULLE, « La responsabilité des AAI dotées de la personnalité morale : coup d’arrêt à l’idée de “garantie de l’État”. A propos de l’avis du Conseil d’État du 8 septembre 2005 », C.J.E.G. 2006, p. 359.
1199 C.E., Ass., 8 septembre 2005, avis no 371.558.
1200 Y. GAUDEMET, « Les actions administratives informelles », R.I.D.C. 1994, p. 654.
1201 D. CHAUVAUX, concl. sur C.E., Sect., 31 mars 2003, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ S.A. Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm, no 188833 & 211756, R.F.D.A. 2003, p. 1189.
1202 D’ailleurs, pour faire écho à nos propos précédents concernant la publication d’actes non décisoires, nous relevons qu’un rapport parlementaire sur les sectes ne peut en revanche fonder une action en responsabilité, dans la mesure où il ne constitue ni un acte administratif, ni un acte des services des assemblées parlementaires, qui, en application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées, est susceptible d’engager la responsabilité de l’État du fait des dommages de toute nature qu’il cause. Voir en ce sens : M. CARIUS, « La responsabilité de l’État du fait d’un rapport d’enquête parlementaire. A propos d’un rapport “anti-sectes” », note sur C.A.A. Nantes, Plén., 30 juillet 2003, Association L’Arbre au milieu, R.F.D.A. 2005, p. 577.
1203 Concernant un avis du conseil municipal au cours d’une procédure d’autorisation : C.E., Sect., 1er février 1952, Martin, Rec. p. 79 ; A.J.D.A. 1952, p. 257 ; S. 1952, 3, p. 45.
1204 Concernant la responsabilité du fait d’une mesure d’ordre intérieur : C.E., Sect., 9 juin 1978, Spire, Rec. p. 237 ; concl. B. GENEVOIS, note F. MODERNE R.A. 1978, p. 631 ; note D. TRUCHET A.J.D.A. 1979, p. 92 ; note J.-Y. PLOUVIN R.A. 1979, p. 49.
1205 Sur cette distinction entre les recours « holistes » et « individualistes », proposée en remplacement de la traditionnelle séparation entre les recours objectifs et subjectifs, voir : F. MELLERAY, Essai sur la structure du contentieux administratif français : pour un renouvellement de la classification des principales voies de droit ouvertes devant les juridictions générales, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public, t. 212, 2001.
1206 Là où « le principe de légalité tend à prévenir les excès en posant un cadre aux agissements administratifs », B. SEILLER, Droit administratif – L’action administrative, op. cit., p. 255.
1207 C. THIBIERGE et alii, La force normative. Naissance d’un concept, Paris, L.G.D.J., Bruxelles, Bruylant, 2009, 891 p.
1208 A. BERTRAND, Les dispositions législatives non prescriptives : contribution à l’étude de la normativité, thèse dact. Toulouse, 2000, spéc. pp. 169-216.
1209 H.L.A. HART, Le concept de droit, trad. M. Van de Kerchove, Bruxelles, Publications des facultés Université de Saint-Louis, 2ème éd., 2005.
1210 M. DELMAS-MARTY, Le flou du droit : du droit pénal aux droits de l’homme, Paris, P.U.F., 2004.
1211 Ph. DONDOUX, concl. sur C.E., Ass., 8 décembre 1978, GISTI, Droit social 1979, p. 57.
1212 C.C., 21 avril 2005, « Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école », no 2005-512 D.C., J.O.R.F. 24 avril 2005, p. 7173. Voir notamment : J.-E. SCHOETTL, « La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école devant le Conseil constitutionnel », L.P.A. 20 mai 2005, p. 12 ; J.-P. CAMBY, « La loi et la norme (A propos de la décision no 2005-512 DC du 21 avril 2005) », R.D.P. 2005, p. 849 ; M. VERPEAUX, « Neutrons législatifs et dispositions réglementaires : la remise en ordre imparfaite », D. 2005, chron. p. 1886 ; B. MATHIEU, « Le Conseil constitutionnel censure les lois trop “verbeuses” », J.C.P. 2005, no 20 ; J.-C. ZARKA, « La décision no 2005-512 du 21 avril 2005 (loi Fillon) du Conseil constitutionnel : une censure partielle prévisible », D. 2005, chron., p. 1372 ; P. DEUMIER, « Qu’est-ce qu’une loi ? Ce n’est ni un programme politique, ni un règlement », R.T.D.Civ 2005, p. 564.
1213 Pour reprendre la classification opérée par le linguiste AUSTIN. Voir : J.L. AUSTIN, Quand dire c’est faire, trad. G. Lane, Paris, éd. du Seuil, 1991,202 p.
1214 C.E., 27 juillet 2005, Région Nord-Pas de Calais, no 265001, cité par V. CHAMPEIL-DESPLATS, « N’est pas normatif qui peut. L’exigence de normativité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », C.C.C. 2006, no 21, p. 66. Faisant écho à la décision no 2005-512 D.C. du Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a en effet décidé qu’« en fixant pour objectif à la politique d’aménagement et de développement du territoire la mise en valeur et le développement équilibré de l’ensemble du territoire de la République, l’article 1er de la loi du 4 février 1995 n’a pas entendu poser un principe normatif dont la violation pourrait être utilement invoquée devant le juge de la légalité ».
1215 Sur ce point voir infra, Partie II, Titre II, Chap. II, spéc. p. 505 et s.
1216 V. CHAMPEIL-DESPLATS, « N’est pas normatif qui peut. L’exigence de normativité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », op. cit., p. 66.
1217 C. Cass., Civ. 3ème, 22 octobre 2003, req. no 02-14702 ; cité par C. WOLMARK, « L’opposabilité du droit au logement », D. 2008, chron., p. 104. La Cour de cassation utilise en effet l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 comme soutient à la motivation de son arrêt : « Attendu que, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux ; que le droit au logement est un droit fondamental ; que les dispositions d’ordre public de la loi s’appliquent aux locations de locaux à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale (...) », souligné par nous. De la même manière, la Cour d’appel de Paris a accordé dans un arrêt du 17 septembre 1993 à des squatteurs « dont l’expulsion avait été autorisée, un délai de six mois pour quitter les lieux, au motif que l’article 1er de la loi du 31 mai 1990 dispose que la garantie du droit au logement “constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation” », G. ROUHETTE, « L’article premier des lois », in N. MOLFESSIS (Dir.), Les mots de la loi, Paris, Economica, coll. Etudes juridiques, 1999, p. 54.
1218 La loi no 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 dispose dans son article unique que « la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ».
1219 La « Loi Gayssot » qui punit la négation de crimes de génocides est en effet pour le moment circonscrite à ceux reconnus par le tribunal de Nuremberg. La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse dispose ainsi dans son article 24 bis que « Seront punis des peines prévues (...) ceux qui auront contesté (...) l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ». Ainsi, une proposition de loi adoptée en première lecture du 12 octobre 2006 visant à étendre cette pénalisation au génocide arménien est toujours bloquée au Sénat.
1220 Voir en ce sens : J.-B. RACINE, Le génocide des Arméniens, Origine et permanence du crime contre l’humanité, Paris, Dalloz, coll. États de droits, Série Regards sur la justice, 2006, spéc. p. 88.
1221 L’article 1er de la loi no 2001-434 du 21 mai 2001 dispose ainsi que « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité ».
1222 Certains auteurs constatent en effet qu’elle permet en quelque sorte de clore les débats : « Cette reconnaissance permet de replacer la discussion sur le terrain du droit et de limiter les débats au point de savoir s’il y a eu, ou non, contestation, négation ou relativisation. C’est aussi un moyen de limiter le pouvoir d’appréciation du juge à un moment où la sécurité juridique semble devenir me obsession », J.-B. RACINE & E. DREYER, « Le caractère licite de la “relativisation” du génocide des arméniens », D. 2007, p. 2513.
1223 N. MALLET-POUJOL note en effets qu’une « présomption de mauvaise foi pèse sur l’auteur d’imputations diffamatoires, lesquelles sont réputées faites avec l’intention de nuire. La présomption est écartée en présence du fait justificatif tiré de la vérité des imputations ou de faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi », in « Diffamation et vérité historique », D. 2000, chron., p. 226.
1224 Un collectif de dix-neuf historiens a d’ailleurs réclamé l’abrogation de ces lois, dans une tribune parue dans Le Monde du 12 décembre 2005, en ce qu’elles ont selon eux « restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et prescrit des limites », cité par : RAPPORT PUBLIC DU CONSEIL D’ÉTAT, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E., Paris, La documentation française, 2006, p. 261, note 103.
1225 C. THIBIERGE, « Conclusion », in La force normative. Naissance d’un concept, op. cit., p. 830.
1226 Voir supra, Chapitre précédent, spéc. p. 343 et s.
1227 D. de BECHILLON, Qu’est-ce qu’une règle de droit, Paris, O. Jacob, 1997, pp. 278-279
1228 C.E., Ass., 3 décembre 2008, Commune d’Annecy, no 297931 ; concl. Y. AGUILA, R.F.D.A. 2008, p. 1147 ; chron. E. GEFFRAY et S.-J. LIÉBER, A.J.D.A. 2008, p. 2166 ; obs. V. BERNAUD et L. GAY, D. 2009, p. 1852 ; obs. F. G. TRÉBULLE, ibid., p. 2448 ; note L. JANICOT, R.F.D.A. 2008, p. 1158 ; chron. A. ROBLOT-TROIZIER et T. RAMBAUD, ibid., p. 1233 ; note E. CARPENTIER, R.D.P. 2009-2, p. 450.
1229 Y. AGUILA, concl. sur C.E., Ass. 3 décembre 2008, Commune d’Annecy, R.F.D.A. 2008, p. 1147.
1230 Avant la révision impliquée par le Traité de Lisbonne, l’article 88-1C était rédigé comme suit : « La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne ».
1231 C.C., 10 juin 2004, Loi relative à la confiance dans l’économie numérique, no 2004-496 D.C., J.O.R.F. 22 juin 2004, p. 11182.
1232 Y. AGUILA, concl. précitées, p. 1147.
1233 X. MAGNON, « Le chemin communautaire du Conseil constitutionnel : entre ombre et lumière, principe et conséquence de la spécificité constitutionnelle du droit communautaire », Europe, août-septembre 2004, p. 6. Cette opinion est d’ailleurs confirmée par la rédaction actuelle de l’article 88-1C qui dispose que « La République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». La référence à l’origine étatique de la construction de l’Union est ici maintenant clairement soulignée.
1234 Ibidem.
1235 Y. AGUILA, concl. préc., p. 1147.
1236 Voir notamment : M. TROPER, « Kelsen, la théorie de l’interprétation et la structure de l’Ordre juridique », Revue internationale de philosophie 1981, no 136, p. 518 ; « Hans Kelsen et la jurisprudence », A.P.D. 1985, t. 30, p. 83 ; La Théorie du droit, le droit, l’État, Paris, P.U.F., coll. « Léviathan », 2001.
1237 M. TROPER, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supralégalité constitutionnelle », in Receuil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 1428
1238 Voir par exemple : O. PFERSMANN, « Une théorie sans objet - Une dogmatique sans théorie. Réponse à Michel Troper », R.F.D.C. 2002-4, p. 759.
1239 D. de BECHILLON, « Réflexions critiques », R.R.J. 1994-1, p. 251. A noter que cet article est extrait pour l’essentiel de la thèse de l’auteur, qui est ici concentrée, sans doute afin d’appuyer un peu plus la critique. Voir D. de BECHILLON, Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l’État, Paris, Economica, 1996, 577 p.
1240 Ibid., p. 257.
1241 Ibid., p. 259.
1242 Ibid., p. 262.
1243 Ce qu’il fait d’ailleurs dans le même numéro de la même revue : M. TROPER, « Réplique à Denys de BECHILLON », R.R.J. 1994-1, p. 265.
1244 M. TROPER, V. CHAMPEIL-DESPLATS, C. GRZEGORCZYK (Dir.), Théorie des contraintes juridiques, Paris, L.G.D.J., Bruxelles, Bruylant, coll. La pensée juridique, 2005, 201 p.
1245 Pour un point de vue résolument normativiste, qui reprend d’ailleurs pour partie les critiques faites par le Professeur D. de BECHILLON, voir : X. MAGNON, Théorie(s) du droit, Paris, Ellipses, coll. Universités, 2008, 167 p.
1246 Voir supra, Partie I, Titre I, Chap. II, spéc. p. 102 et s.
1247 C.E., Ass., 20 mai 1985, Labbé et Gaudin, no 64146 ; Rec. p. 157 ; Concl. M. ROUX, R.F.D.A. 1985, p. 554 ; chron. S. HUBAC et J.-E. SCHOETTL, A.J.D.A. 1985, p. 412 ; note N. GRIESBECK D. Juris. 1986, p. 12.
1248 Article L. 311-1 du code pénal.
1249 Article L. 311-3 du code pénal.
1250 V. CHAMPEIL-DESPLATS, « N’est pas normatif qui peut. L’exigence de normativité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », op. cit., p. 67.
1251 C. THIBIERGE et alii, La force normative. Naissance d’un concept, op. cit., spéc. p. 831.
1252 P. DEUMIER, « La réception du droit souple par l’ordre juridique », in ASSOCIATION HENRI CAPITANT, Le droit souple, Paris, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2009, p. 119. L’auteur montre d’ailleurs que le juge n’hésite pas à utiliser des « Livres verts » de la commission afin de guider son interprétation. Voir : C.J.C.E., 19 février 2002, Wouters, aff. C-309/99. Il est important toutefois de relever avec l’auteur que cette facilité d’utilisation « ne modifie cependant pas leur nature, les juridictions européennes ne leur prêtant pas de nature normative », ibid.
1253 Pour un aperçu général, voir : F. TULKENS et S. Van DROOGHENBROECK, « Le soft law des droits de l’Homme est-il vraiment si soft ? Les développements de la pratique interprétative récente de la Cour européenne des droits de l’Homme », Liber amicorum M. Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 505.
1254 C.E.D.H., 21 novembre 2006, Demir et Baykara c/ Turquie, no 34503/97 ; obs. J.-F. RENUCCI et C. BÎRS AN, D. 2007, p. 410 ; note J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY, J.C.P. éd. G. 2007, II, 10038.
1255 J.-F. RENUCCI, « Les frontières du pouvoir d’interprétation des juges européens », J.C.P. éd. G., 2007, p. 4.
1256 C.J.C.E., 13 décembre 1989, Grimaldi c/ Fonds des maladies professionnelles, aff. C-322/88, Rec. p. 4407.
1257 La Cour rappelle en effet « que les recommandations, qui selon l’article 189, cinquième alinéa, du traité, ne lient pas, sont généralement adoptées par les institutions de la Communauté lorsqu’elles ne détiennent pas, en vertu du traité, le pouvoir d’adopter des actes obligatoires ou lorsqu’elles estiment qu’il n’y a pas lieu d’édicter des règles plus contraignantes ». On retrouve d’ailleurs là deux fondements déjà évoqués concernant la soft law en droit interne : dépassement de l’absence de compétence attribuée ou choix alternatif d’utiliser un instrument non contraignant. Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 282 et s.
1258 Point 16 : « Dans ces conditions, rien ne permet de mettre en doute que les actes en question sont de véritables recommandations, c’est-à-dire des actes qui, même à l’égard de leurs destinataires, ne visent pas à produire des effets contraignants. Dès lors, ils ne sauraient créer des droits que les particuliers puissent invoquer devant un juge national ».
1259 Point 18.
1260 Aussi le Conseil d’État a-t-il refusé d’envisager la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen (D.U.D.H.) comme instrument invocable par les requérants en vue d’obtenir l’annulation d’un acte administratif : nonobstant sa nature de traité international, le fait que la France ne l’ait pas ratifié a joué ici un rôle déterminant (C.E., Ass., 21 décembre 1990, Confédération familiale des associations françaises catholiques, Rec. p. 368, concl. B. STIRN; chron. J.-M. AUBY, R.D.S.S. 1991, p. 228). La ratio decidendi de l’arrêt soulignait alors le formalisme posé par droit international et l’article 55 de la Constitution : « considérant, s’agissant du moyen tiré de la violation de traités internationaux, que la seule publication faite au Journal Officiel du 9 février 1949 du texte de la déclaration universelle des droits de l’homme ne permet pas de ranger cette dernière au nombre des traités ou accords internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont, aux termes de l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, “une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie” ». La seule publication, nous le répétons, ne participe pas d’un changement de la nature juridique de l’acte publié. A cette date, la D.U.D.H. ne se rangeait donc pas dans la catégorie des traités internationaux ratifiés et il aurait fallu une grande inventivité du juge administratif dans son pouvoir de requalification pour considérer que cette dernière était invocable par les requérants.
1261 Cette intégration par l’ordre juridique de l’Union européenne s’est faite par l’article 6 § 1, alinéa 1er du T.U.E. : « L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, telle qu’adoptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités ».
1262 Voir : L. BURGORGUE-LARSEN, « La “force de l’évocation” ou le fabuleux destin de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », in Mélanges en l’honneur du Professeur Pactet, Paris, Dalloz, 2003, p. 77.
1263 On rappelle que cette Charte, proclamée le 7 décembre 2000, n’avait pas d’autre valeur que celle assurée par sa reprise au sein d’un « accord interinstitutionnel » publié le 18 décembre 2000, à la valeur juridique quelque peu problématique, rendant impossible son intégration au sein du droit dérivé. Voir : L. BURGUORGUE-LARSEN, « Portée de la Charte des droits fondamentaux de l’Union : la patience est de mise », A.J.D.A. 2005, p. 846.
1264 C.E., 5 janvier 2005, Deprez et Baillart, Rec. p. 1 ; note M.-C. ROUAULT, J.C.P. éd. A. 2005, p. 1168 ; note L. BURGUORGUE-LARSEN, A.J.D.A. 2005, p. 845 ; note A. ONDOUA, R.T.D.E. 2006, p. 183.
1265 Le référentiel de la Convention européenne des droits de l’Homme a ainsi continué à jouer de manière prioritaire, tout du moins lorsqu’étaient en jeu des dispositions de la convention. Toutefois, dès 2007, la Charte des droits fondamentaux a pu jouer (au même titre que la Charte sociale européenne) afin de dégager le principe général du droit communautaire du droit de grève, là où la C.E.S.D.H. n’était pas utilisable (C.J.C.E., 11 décembre 2007, International Transport Workers Federation, aff. C-438/05, pt 44, chron. E. BROUSSY, F. DONNAT & C. LAMBERT, A.J.D.A. 2008, p. 240 ; obs. L. d’AVOUT et S. BOLLÉE, D. 2008, p. 2560 ; obs. G. JAZOTTES, R.T.D.Com. 2008, p. 445 ; note P. RODIÈRE, R.T.D.E. 2008, p. 47). Cette prudence du juge de l’Union n’est plus vraiment de mise, pour la bonne et simple raison que la valeur normative de la Charte est réglée depuis son intégration au sein du droit primaire de l’Union. Ceci a donc récemment conduit la C.J.U.E. à déclarer invalide une directive communautaire par l’application directe de la Charte des droits fondamentaux. Voir : C.J.U.E., 1er mars 2011, ASBL, aff. C-236/09, note L. BURGORGUE-LARSEN, A.J.D.A. 2011, p. 967.
1266 Voir aussi : C.E., Sect., 10 avril 2008, Conseil national des barreaux, no 296845 ; concl. M. GUYOMAR, R.F.D.A. 2008, p. 575 ; obs. H. LABAYLE & R. MEHDI, p. 711 ; chron. J. BOUCHER et B. BOURGEOIS-MACHUREAU, A.J.D.A. 2008, p. 1085.
1267 Voir par exemple : P.-M. EISEMANN, « Le gentleman’s agreement comme source du droit international », J.D.I. 1979, p. 326.
1268 C.E., 19 juin 2006, Association eau et rivières de Bretagne, no 282456 ; chron. C. LANDAIS et F. LENICA, A.J.D.A. 2006, p. 1584 ; chron. T. RAMBAUD et A. ROBLOT-TROIZIER, R.F.D.A. 2007, p. 596. Le Conseil énonce en effet que « lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en oeuvre des principes énoncés aux articles 1, 2 et 6 de la Charte de l’environnement de 2004, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle no 2005-205 du 1er mars 2005, la légalité des décisions administratives s’apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s’agissant de dispositions législatives antérieures à l’entrée en vigueur de la charte de l’environnement, quelles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette charte ; qu’ainsi la légalité de l’arrêté attaqué doit être appréciée au regard des dispositions du code de l’environnement qui imposent aux installations classées des sujétions destinées notamment à la protection de l’eau ».
1269 C.E., Ass., 3 décembre 2008, Commune d’Annecy, no 297931 ; concl. Y. AGUILA, R.F.D.A. 2008, p. 1147 ; chron. E. GEFFRAY et S.-J. LIEBER, A.J.D.A. 2008, p. 2166 ; obs. V. BERNAUD et L. GAY, D. 2009, p. 1852 ; obs. F. G. TREBULLE, ibid., p. 2448 ; note L. JANICOT, R.F.D.A. 2008, p. 1158 ; chron. A. ROBLOT-TROIZIER et T. RAMBAUD, ibid., p. 1233 ; note E. CARPENTIER, R.D.P. 2009-2, p. 450.
1270 C.E., 21 décembre 2007, Gagnidze, no 306448 ; cité par T. HAAS & C. SANTULLI, « Droit administratif et droit international », R.F.D.A. 2008, p. 780.
1271 C.E., 27 février 2008, Société TOP SA, no 270727 ; A.J.D.A. 2008, p. 437.
1272 C. Cass., Civ. 1ere, 20 mai 1936, Mercier, D. 1936, p. 88.
1273 C.E., 12 janv. 2005, M. Kerkerian, no 256001; note J.-P. MARKUS, A.J.D.A. 2005, p. 1008; obs. J. MORET-BAILLY, R.D.S.S. 2005, p. 496.
1274 Selon l’article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins est compétente pour connaître des fautes ainsi que de tous faits intéresant l’exercice de la profession relevés à l’encontre d’un médecin.
1275 Article 32 du code de déontologie médicale, codifié aux articles L. 1110-5 et R. 4127-32 du code de la santé publique : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents ».
1276 C. MASCRET, « La valeur juridique des recommandations de santé au regard de la pratique médicale », L.P.A. 9 janvier 2007, no 7, p. 6.
1277 Ibidem. L’auteur note en effet que le Commissaire du gouvernement KELLER s’était d’abord fondé sur un travail d’exégèse des textes législatifs, qui ne permettaient pas de reconnaître une quelconque valeur obligatoire à ces recommandations. Plus simplement, il estimait que pour fonder la condamnation du médecin, « seuls “suffisaient” le recours a un “manquement aux données actuelles de la science”, doublé d’un manquement à l’article 32 du Code de déontologie, qui impose au médecin d’assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science (...) ».
1278 J.-P. MARKUS, « Nature juridique des recommandations de bonne pratique médicale », note sur C.E., 26 septembre 2005, C.N.O.M., A.J.D.A. 2006, p. 309.
1279 D. CRISTOL, « Le possible contrôle, par le juge de l’excès de pouvoir, des recommandations de bonne pratique », note sur C.E., 26 avril 2005, C.N.O.M., R.D.S.S. 2006, p. 55.
1280 J.-P. MARKUS relève ainsi que « les données acquises de la science se dégagent de bien d’autres éléments que les références médicales opposables et recommandations de bonne pratique. Ces dernières permettent au juge d’évaluer une pratique médicale au regard des données acquises, mais elles sont avant tout une formalisation de ces données. Elles n’en constituent en rien une source ; au contraire, elles s’en inspirent. Comme le bon sens le laisse deviner, les sources des données acquises de la science sont à rechercher dans la science médicale et non dans le droit », in « La faute du médecin et les bonnes pratiques médicales », note sur C.E., 12 janvier 2005, M. Kerkerian, A.J.D.A. 2005, p. 1010.
1281 Cass., lere civ., 4 janvier 2005, no 03-14206, cité par J.-R MARKUS, note sur C.E., 12 janvier 2005, M. Kerkerian, op. cit., p. 1010.
1282 Voir par exemple : C.A.A. Paris, 17 février 2005, Centre hospitalier de Montmorency, A.J.D.A. 2005, p. 1417, et C.A.A. Nancy, 30 mars 2006, Mlle Carole X., no 04NC00326, cité par P. SABLIERE, « Une nouvelle source du droit ? Les “documents référents” », A.J.D.A. 2007, p. 66.
1283 On a en effet pu noter leur relativité temporelle et géographique : le « Conseil d’Etat a sévèrement rappelé au très protectionniste Ordre français des médecins que les données acquises ne sauraient résulter des seules pratiques ou recherches françaises ; un médecin qui utiliserait une technique inconnue en France mais éprouvée dans d’autres pays dont la médecine est reconnue au plan scientifique, n’est pas punissable de ce seul fait », J.-P. MARKUS, note sur C.E., 12 janvier 2005, M. Kerkerian, op. cit., p. 1011.
1284 C.E., 26 septembre 2005, C.N.O.M., no 270234, Rec. p. 395 ; concl. C. DEVYS ; note F. AUBERT, A.J.D.A. 2005, p. 1873 ; note J.-P. MARKUS, A.J.D.A. 2006, p. 309 ; note D. CRISTOL R.D.S.S. 2006, p. 53 ; note C. MASCRET L.P.A. 9 janvier 2007, p. 3.
1285 C.E., 27 avril 2011, Association Formindep, no 334396 ; à publier au Lebon ; concl. C. LANDAIS, A.J.D.A. 2011, p. 1326 ; obs. S. BRONDEL, A.J.D.A. 2011, p. 877 ; note J. PEIGNE, R.D.S.S. 2011, p. 483 ; D. 2011, p. 1287.
1286 Article L. 161-37 du code de la sécurité sociale : « La Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale, est chargée de (...) 2°/Elaborer les guides de bon usage des soins ou les recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l’information des professionnels de santé et du public dans ces domaines, sans préjudice des mesures prises par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans le cadre de ses missions de sécurité sanitaire ».
Article R. 161-72 du même code : « Dans le domaine de l’information des professionnels de santé et du public sur le bon usage des soins et les bonnes pratiques, la Haute Autorité : 1°/Elabore et diffuse des guides et tout autre document d’information, notamment sur les affections de longue durée, en tenant compte, le cas échéant, de ceux élaborés et diffusés par l’Institut national du cancer en application du 2° de l’article L. 1415-2 du code de la santé publique ».
1287 H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. Ch. Eisenmann, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J., coll. La pensée juridique, 1999, p. 127.
1288 Ibid., p. 131. Selon KELSEN, la sanction à proprement parler n’interviendra que dans le cas où l’obligation supplétive de réparer le dommage n’aurait pas été respectée : « L’énoncé correct de la règle par laquelle l’ordre juridique oblige à une réparation d’un dommage est la proposition juridique suivante : si un individu inflige à un autre un dommage, et si ce dommage n’est pas réparé, il doit être procédé à un acte de contrainte sur la patrimoine d’un individu », ibidem.
1289 Voir supra, Partie I, Titre II, Chap. II, spéc. p. 232 et s.
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