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    Plan détaillé Texte intégral I – L’EXIGENCE FONDATRICE : LA VOIX DE LA MORALE II – LA NÉCESSITÉ MAJEURE : LES VOIES DE LA MORALE Notes de bas de page Auteur

    Le Droit saisi par la Morale

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Regard sur les aspects moraux des constitutions françaises

    Hélène Simonian-Gineste

    p. 175-189

    Texte intégral I – L’EXIGENCE FONDATRICE : LA VOIX DE LA MORALE A – La refondation de la société par la figure morale du citoyen 1) le portrait du citoyen 2) le portrait du "bon" citoyen B – L’engagement moral de l’État vis-à-vis de ses citoyens 1) le devoir de gratitude et de secours 2) le devoir d’éducation et élévation morale de la société II – LA NÉCESSITÉ MAJEURE : LES VOIES DE LA MORALE A – La fidélité jurée comme antidote à la trahison 1) la fidélité constitutionnellement instituée 2) la loyauté constitutionnellement sanctionnée B – La résistance à l’oppression comme droit moral indéniable 1) Le droit de résistance à l’oppression face aux actes arbitraires 2) le droit de résistance face à la Loi oppressive Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Que la question morale ait touché le domaine de la politique ne fait plus aucun doute depuis 19881. Le constat d’agissements délictueux2 des partis politiques (en vue de trouver des fonds nécessaires à leurs activités et au financement des campagnes électorales de leurs candidats) a en effet forcé le Parlement à réagir en vue de "moraliser" (selon ses propres termes) la vie politique et d’y introduire une indispensable "transparence" financière. Ainsi, les partis politiques se sont vus contraints de renoncer aux dons des personnes morales de droit privé3. Dès lors qu’ils disposaient de sources de financement public4 ou privé, ils se devaient désormais de passer par l’intermédiaire d’un mandataire financier pour le maniement des fonds perçus. Ils étaient obligés de déposer chaque année des comptes, certifiés par deux experts comptables, auprès de la Commission nationale des comptes et des financements politiques. Dans le même temps, et toujours dans le même but de moralisation de la vie politique, le montant des dépenses de campagne électorale était impérativement limité sous peine de sanctions. Enfin, la création d’une déclaration de situation patrimoniale obligatoire, à déposer auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, venait compléter la tentative de moralisation de la vie politique dans son ensemble5. Mais nous avons préféré délaisser ces législations techniques pour nous intéresser au plan constitutionnel. Nous avons alors rencontré deux révisions de la Constitution de 1958 qui pouvaient évoquer une motivation morale, le Constituant décidant d’intervenir pour mettre fin à une injustice. Ainsi, en est-il allé de la révision du 8 juillet 1999 dont l’objectif était de favoriser l’accès des femmes aux mandats politiques. La Loi n’ayant pu prendre de mesures concrètes pour favoriser les candidatures féminines sans encourir une déclaration d’inconstitutionnalité6, le Constituant a été contraint d’intervenir et d’inscrire à l’article 3 : "La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes7 aux mandats électoraux et aux fonctions électives". Certes, la formulation choisie est exempte de toute idée de discrimination positive mais il est évident que l’objectif poursuivi est une égalité effective entre les hommes et les femmes, mettant fin à une inégalité de fait, source d'injustice. De même, la révision du 28 mars 2003 a inscrit dans la Constitution une disposition qui n’avait figuré jusque là que dans la loi organique du 19 mars 1999 portant statut de la Nouvelle-Calédonie prise en application de la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998. Il s’agit, au profit des populations locales des collectivités d’outre-mer dotées d’autonomie, de mesures de faveur en matière d’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou en matière de protection du patrimoine foncier8 que pourront désormais prendre les collectivités intéressées. Nul doute que cette disposition ne trouve ses racines dans une volonté de réparation des dommages causés par la lointaine colonisation. Mais ces dispositions constitutionnelles demeurent ponctuelles. Le lien avec la préoccupation morale qu’elles trahissent demeure implicite et de portée circonscrite. Nous avons donc voulu envisager plus largement la recherche en nous intéressant au rôle de la morale dans l’œuvre constituante. Lors de la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 17899 et de la première Constitution écrite en 1791, on peut constater que l’œuvre du Constituant se veut totale, embrassant autant les institutions politiques que les valeurs collectives dans une vaste perspective. En effet, avec la Révolution française, c’est tout l’ordre social ancien qui est mis à bas. Toutes les institutions passées "qui blessaient la liberté et l’égalité des droits" (dit le préambule de la Constitution de 1791) sont abolies : noblesse, pairie, distinctions héréditaires et ordres, régime féodal, justices patrimoniales, titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient ; ordres de chevalerie, corporations de métiers et d’arts, jurandes, décorations pour lesquelles étaient exigées des preuves de noblesse ou des distinctions de naissance... La liste est longue de ce qui n’est plus ! Or toutes ces institutions n’étaient pas seulement d'ordre social. Elles structuraient également mentalement les individus en leur offrant un ensemble de valeurs quotidiennement vécues et profondément intériorisées. Les révolutionnaires, en balayant l’Ancien Régime, se trouvaient donc contraints d’établir un nouvel ordre politique et moral. Les préambules constitutionnels et les déclarations de droits placées en tête des Constitutions en sont les lieux primordiaux de réalisation. La refondation morale de la société est donc parfaitement perceptible dans les Constitutions révolutionnaires de 1791, 1793, 1795. Elle s’estompe avec le régime napoléonien et les deux Chartes de 1814 et 1830 ; elle resurgit en 1848 avant d’attendre le préambule de la Constitution de 1946 pour réapparaître. Ainsi, si la préoccupation morale n’est pas constamment présente dans les Constitutions, elle apparaît cependant toujours aux moments critiques d’ébranlement de la société, après un choc profond qui a pu ébranler les consciences : en 1791, 1793, 1795, période de chaos post-révolutionnaire ; en 1848 après le choc d’une restauration monarchique qui connut deux régimes successifs ; en 1946 après l’horreur nazie et le régime de Vichy. Le droit constitutionnel est donc bien saisi par la morale, plus précisément par une morale institutionnelle qui vise à forger des liens profonds entre l’institution étatique et ses membres, des liens allant au-delà du respect des prescriptions juridiques. Cette relation intime faite d’obligations et de devoirs partagés assure à l’État qui s’édifie par et dans sa Constitution, une cohésion qui lui est indispensable. C’est une exigence fondatrice qui s’énonce sans détours dans les énoncés moralisants des Constitutions où se fait entendre la voix de la morale nouvelle (I). Cependant, l’institution doit également s’assurer de la morale de ses dirigeants et de ses agents. Certes, les représentants de la nation et les serviteurs de l’État ont pour premier devoir d’obéir à la Loi et à la Constitution. Certes, des sanctions juridiques attendent les auteurs d’illégalités et d’abus de pouvoir. Mais ces voies juridiques ne dispensent pas de voies morales de sanction pour de tels agissements qui relèvent de la violation de la règle de droit autant que de la trahison (II).

    I – L’EXIGENCE FONDATRICE : LA VOIX DE LA MORALE

    2Si l’État révolutionnaire renie tout attachement à une quelconque religion, il n’en est pas pour autant négateur de toute dimension spirituelle10. Le sentiment religieux qu’il respecte au travers de la liberté des cultes, peut fort bien être utilisé en sa faveur, moyennant sa conversion, en termes appropriés, à la cause de l’institution étatique - dont on peut dire en 1789 qu’elle se bâtit une seconde fois sur de nouvelles bases11. Ainsi, la figure du citoyen forge une nouvelle société dans laquelle les valeurs civiques exaltent également les valeurs de la morale (A), l’État s’obligeant à son tour à soutenir et servir le respect de telles valeurs (B).

    A – La refondation de la société par la figure morale du citoyen

    3Le citoyen est une notion qui doit prendre place dans les âmes et dans les cœurs. Elle doit être fortement dessinée et enracinée (1°) avant d’être capable de diffuser dans le corps social un ensemble de valeurs morales dont le "bon citoyen" est le modèle (2°).

    1) le portrait du citoyen

    4Le citoyen est une figure qui s’inscrit d’abord dans un mouvement de libération et de détachement à l’égard d’anciens liens, vestiges d’anciennes valeurs. Certes, le citoyen n’est nullement sans âme. Il lui est reconnu le droit d’avoir des convictions religieuses, donc une vie morale et spirituelle personnelle. En effet, le droit à la liberté de conscience est affirmé par l’article 10 de la Déclaration de 1789. Il est repris dans le second alinéa du titre premier de la Constitution de 1791, intitulé "Dispositions fondamentales garanties par la Constitution". Mais la religion du citoyen est tolérée dans les limites de l’ordre public et dans la mesure où elle n’obscurcit pas sa raison et ne l’empêche pas de disposer de ses droits naturels. C’est à ce titre que le citoyen ne peut s’engager dans des vœux religieux. La Déclaration des droits de 1789 affirme sans ambages : "la Loi ne reconnaît plus ni vœu religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution". L’article 6 (titre 2) de la Constitution de 1791 confirme que les vœux religieux relèvent de liens appartenant à l’ancien ordre des choses et qu’à ce titre ils sont totalement incompatibles avec le nouvel ordre révolutionnaire. L’article déclare en effet que "la qualité de citoyen se perd :...4°) par l’affiliation à tout ordre de chevalerie étranger ou à toute corporation étrangère qui supposerait, soit de preuves de noblesse, soit des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux." (idem, art. 12, titre 2, C. 1795). Dans le même ordre d’idées, se trouvent bannis les liens que crée l’état de domesticité. Cet état repose en effet sur un engagement personnel du serviteur à l’égard de son maître qui rappelle beaucoup trop l’aliénation de l’homme à la volonté d’un autre aux yeux des révolutionnaires. En 1791, le citoyen passif (celui qui ne vote pas) peut encore être un domestique mais le citoyen actif ne le peut pas (art. 2, section 2, titre 3 C. 1791). Quand bien même un domestique remplirait la condition financière exigée (paiement d’une contribution directe au moins égale à trois journées de travail), il ne saurait participer à la désignation des représentants de la nation. La Constitution de 1795 suspend également l’exercice des droits du citoyen pour les citoyens serviteurs à gages, au service de la personne ou du ménage (art. 12, titre 2). En 1793, la Déclaration des droits placée en tête de la Constitution déclare solennellement (art. 18) –et plus radicalement– qu’il ne peut exister "qu'un engagement de soins et de reconnaissance entre l’homme qui travaille et celui qui l’emploie" car la domesticité est inacceptable par principe vu qu’aucun homme "ne peut se vendre ni être vendu". Une fois ainsi libéré des chaînes morales du passé, le citoyen est rattaché par des liens étroits à l’institution étatique. Le serrement civique, institué par la Constitution de 1791, est un premier moyen de sceller l’engagement moral du citoyen vis à vis de l’ordre révolutionnaire. Sa formule, fixée par l’article 5, est éloquente : "Je jure d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution du Royaume...". L’article 2 (section 2, chapitre 1er du titre III) l’impose à tous les citoyens actifs, c’est à dire à ceux qui ont la possibilité de participer au droit de suffrage. Le serment est également imposé pour l’obtention de la citoyenneté dans certains cas particuliers (art. 2 titre 1) :

    • aux personnes qui ne sont pas nées en France mais qui ont un père français et qui sont venues s’installer en France (cela peut viser les enfants d’émigrés) ;
    • aux personnes nées à l’étranger et descendant à un degré quelconque de filiation d’un français ou d’une française expatriés pour cause de religion (ce qui vise les protestants au premier chef).

    5Par ailleurs, l’institution des Fêtes nationales relève de la même entreprise de cohésion sociale. Ces Fêtes doivent être le lieu des manifestations d’attachement à la Révolution mais aussi l’occasion de l’exaltation des valeurs morales de la nouvelle société. La Constitution de 1791 explique que ces Fêtes seront instituées "pour conserver le souvenir de la Révolution française, entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la Constitution, à la Patrie et aux Lois". Il apparaît ainsi clairement qu’outre la fidélité à l’institution révolutionnaire elle-même, le nouvel ordre de valeurs morales inclut également une dimension interindividuelle au travers de la Fraternité. Ce terme évoque une transposition laïque de la fraternité qui unit les chrétiens, tous "frères". Les citoyens, également enfants de la Révolution, sont donc frères les uns pour les autres et à ce titre ils sont tous également redevables d'une obligation de soutien et d’entraide mutuelle. La Constitution de 1848 intégrera le terme à la devise de la République : Liberté, Égalité, Fraternité (art. IV, préambule C. 1848). Elle y insistera encore en rappelant que les citoyens "doivent concourir au bien-être commun en s’entraidant fraternellement les uns et les autres" (art. VII). Qui n’entend derrière ces mots le précepte de morale chrétienne : "aidez-vous les uns les autres" ! Il est donc logique que le Constituant de 1793 accorde la citoyenneté française à un étranger qui nourrit un vieillard, adopte un enfant (art. 4 C. 1793).

    2) le portrait du "bon" citoyen

    6Être un citoyen est à la portée de celui qui est un révolutionnaire convaincu et fidèle, libre de sa personne et qui considère tout autre citoyen comme égal à lui-même en toute fraternité. Mais ceci n’est qu’un minimum. Les Constitutions révolutionnaires élaborent une figure plus achevée du citoyen idéal en partant d’une définition très morale de la liberté. L’homme libre n’est pas celui qui n’obéit qu’à son bon plaisir, en piétinant les autres. La liberté "consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui" (Déclaration des droits de 1789, art. 412). Elle a pour limite "morale" (déclare textuellement la Déclaration des droits de 1793), la maxime "ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait". Et le respect de la liberté d’autrui ainsi prôné se prolonge très naturellement dans le respect d’autres règles morales. Ainsi, la Constitution du Directoire, qui s’ouvre sur une Déclaration des droits et des devoirs des citoyens, énonce au titre des devoirs (art. 2) : "Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fit. –Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir–". Le Constituant avertit (art. 4) : "nul n’est bon citoyen, s’il n’est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux". Et l’exigence de moralité se prolonge encore par la mise à l’index du citoyen "qui sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse" : celui-là blesse les intérêts de tous : il se rend indigne de leur bienveillance et de leur estime" (art. 7). La Constitution de 1848, qui réunit-elle aussi les droits et les devoirs dans son préambule, énonce (point VII.) que les citoyens doivent "concourir à l’ordre général en observant les lois morales et écrites qui régissent la société, la famille et l’individu". L'oisiveté est également un vice que les Constitutions entendent dénoncer. Le devoir moral de se prendre en charge et d’assurer par son travail ses propres conditions d’existence "et, par la prévoyance, des ressources pour l’avenir" figure explicitement dans le préambule de la Constitution de 1848 (point VII). On en retrouvera un écho dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : "chacun a le devoir de travailler" (al. 4). La Constitution du Directoire subordonnait ainsi l’inscription sur le registre civil à l’exercice d’une profession "mécanique". Cet ensemble de qualités morales est en réalité le socle sur lequel les révolutionnaires espèrent maintenir leur œuvre. Le "bon citoyen" est un citoyen vertueux. Ainsi, le dépôt de la Constitution peut en toute sûreté être remis sous la garde de toutes les vertus (C. 1793, art. 123) ou à la vigilance des pères de famille, aux épouses et aux mères, à l’affection des jeunes citoyens et au courage de tous les français (C. 1791, titre VII, art. 8, al. 4). La formule sera reprise par la Constitution du 5 Fructidor An III, (art. 377).

    B – L’engagement moral de l’État vis-à-vis de ses citoyens

    7Si l’institution étatique impose des devoirs à ses membres, elle est également tenue par des devoirs ainsi que le rappelle clairement le préambule de la Constitution de 1848 (point VI) : "des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République et la République envers les citoyens". Non seulement il doit montrer l’exemple des valeurs morales mais encore il doit s’attacher à faire progresser les citoyens sur la voie de la vertu qui passe par l’éducation et la culture (2°) le devoir de gratitude et de secours (1°).

    1) le devoir de gratitude et de secours

    8La relation qui s’institue entre l’institution étatique et ses membres ne repose pas seulement sur l’obligation juridique du respect de la Loi. Elle englobe aussi une obligation morale de sacrifice qui revêt une importance capitale dans la fondation de l’État. Si les Fêtes nationales et l’exaltation des vertus civiques doivent entretenir une solidarité de représentation (une solidarité des pensées), le sacrifie à la Patrie et au Bien commun doit, complémentairement, générer une "solidarité de la conduite", une solidarité dans l’action13. Les Constitutions s’efforcent ainsi de présenter l’expropriation, atteinte au droit sacré de la propriété, comme un "sacrifice" au Bien commun (justifié uniquement par la "nécessité publique"14). Qui ne se souvient en effet que le droit de propriété est un des droits naturels et imprescriptibles de l’homme15, droit "inviolable et sacré16. Si le citoyen doit subir une dépossession, la nécessité publique qui l’exige doit être "légalement constatée" et le préjudice réparé par "une juste et préalable indemnité" (art. 17, Déclaration de 1789). Mais le préambule de la Constitution de 1791 ajoute une dimension plus noble. Tout en reprenant l’exigence légale d’une nécessité publique et d’une indemnisation, il ajoute l’idée morale d'un "sacrifice" du citoyen au Bien commun (titre 1, al.417) de sorte que l’indemnisation légale devient, dans l’ordre de la morale, une forme de reconnaissance et de remerciement de l’État. Mais à ce sacrifice matériel, s’ajoute encore le sacrifice ultime : celui de la vie même. Ainsi, la Constitution du Directoire prévoit que les étrangers peuvent devenir citoyens français s’ils ont fait une ou plusieurs campagnes pour l’établissement de la République, ceci sans avoir à satisfaire à la condition de paiement d’une contribution directe, foncière ou personnelle. Il faut voir là un signe de reconnaissance de l’institution étatique envers ceux qui la défendent... alors même qu’ils n’en sont pas membres. La Constitution du Consulat prévoit quant à elle un devoir de reconnaissance de l’État envers ceux de ses citoyens qui ont servi sous les drapeaux (art. 86) : "La nation déclare qu’il sera accordé des pensions à tous les militaires blessés à la défense de la patrie, ainsi qu’aux veuves et aux enfants des militaires morts sur le champ de bataille ou des suites de leurs blessures." Et l’article suivant poursuit : "Il sera décerné des récompenses nationales aux guerriers qui auront rendu des services éclatants en combattant pour la République". L’État ne veut donc pas ignorer le devoir moral de gratitude qui lui incombe car si l’État exige de ses citoyens des vertus, il entend donner l’exemple à divers titres. Ainsi, quand l’État demande à ses citoyens d’être fraternels et secourables, il met lui-même en pratique la générosité et la compassion qu’il recommande en instituant des organismes de secours publics. La Constitution de 1791 (titre 1er al. 7) déclare que sera créé un établissement général de Secours publics qui prendra en charge l’éducation des orphelins, les pauvres infirmes, les pauvres valides pour leur offrir un travail. L’article 21 du préambule de la Constitution de 1793 déclare que "les secours publics sont une dette sacrée". Doivent donc être secourus les citoyens malheureux hors d’état de travailler ou sans travail et, dans ce dernier cas, un travail doit être fourni aux chômeurs car il ne peut y avoir d’oisifs assistés. La seconde République ne manquera pas de rappeler l’obligation d’assistance fraternelle dont l’État doit montrer l’exemple en assurant aux citoyens nécessiteux des moyens de subsistance et à ceux qui peuvent travailler un travail (d’où l’article 12 qui envisage l’établissement par l’État, les départements et les communes de travaux publics "propres à employer les bras inoccupés"). Il est aisé d’établir un rapprochement avec le préambule de la Constitution de 1946 qui fait prendre l’engagement à la nation de garantir des moyens convenables d’existence à ceux qui ne peuvent plus travailler (Point 9).

    2) le devoir d’éducation et élévation morale de la société

    9Outre ses fonctions générales d’ordre et de sécurité, l’État se voit attribuer une responsabilité d’ordre moral par les Constitutions. Sa première formulation la plus claire figure dans le préambule de la Constitution de 1848. La République a été choisie par la France, est-il affirmé (Point I.) pour la réalisation d'un projet général de progrès et de civilisation. Outre les progrès de la justice par une répartition de plus en plus équitable, la République se doit "de faire parvenir tous les citoyens... à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières"... D’ailleurs, en regard des devoirs des citoyens figurent les devoirs de l’État (point VIII. du préambule) parmi lesquels on trouve la mise à la portée de chacun d’une instruction élémentaire. L’article 13 de la Constitution y ajoute l’éducation professionnelle. Dans le même ordre d’idées, l’article 9 du chapitre II de la Constitution rappelle que si l’enseignement est libre, il s’exerce, sous le contrôle de l’État sans aucune exception, "selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois". Ce souci de l’élévation morale par l’instruction était déjà présent dans la Constitution de 1791 dont le titre I prévoyait la création et l’organisation d’une instruction publique gratuite commune à tous les citoyens. La Constitution de 1793 reformule ce devoir de l’État en affirmant dans son préambule (art. 22) qu’il faut favoriser les progrès de la raison publique. Le préambule de la Constitution de 1946 s’inscrira dans cette lignée en affirmant que la nation garantit un égal accès à l’enfant et à l’adulte à l’instruction, la formation professionnelle, à la culture. "L’organisation de l’enseignement public est un devoir d’État". Plus tard, un autre souci moral s’énoncera vis à vis des colonies. Outre l’abolition de l’esclavage par la seconde République (art. 6 ch. II. de la Constitution) –qui témoigne de la victoire des considérations morales sur les intérêts commerciaux–, le préambule de la Constitution de 1946 exprimera le devoir de l’État ex-colonisateur vis à vis des peuples "dont il a la charge" (morale). Non seulement les principes de liberté, d’égalité, de fraternité s’appliquent dans les relations qu’entretient la France avec les parties de son ancien empire mais encore cette dernière prend l’engagement de conduire ces peuples et nations sur le chemin de l’auto-administration, ce qui sous-entend une action éducative non seulement en termes d’instruction mais aussi en termes de morale civique. Ainsi, l’État et le citoyen apparaissent le reflet d’un même idéal moral. Leurs engagements réciproques se répondent et concourent à l’enracinement social du nouvel ordre politique.

    II – LA NÉCESSITÉ MAJEURE : LES VOIES DE LA MORALE

    10L’État en tant qu’institution s’est engagé moralement envers ses membres à respecter certaines valeurs. Mais les Constituants n’oublient pas que l’État décide et agit au travers de "serviteurs" dont la fidélité importe au plus haut point (A). Leur défaillance risque en effet de provoquer une rébellion de la part des citoyens dont il est difficile de contester radicalement la légitimité (B).

    A – La fidélité jurée comme antidote à la trahison

    11La Constitution de 1793 insiste sur le fait que les fonctions publiques ne sont plus des distinctions et des récompenses (comme sous l’Ancien régime) mais qu’elles sont désormais des devoirs18. Le premier de ces devoirs s’exprime en tout premier lieu vis à vis de la Constitution et du régime qu’elle institue : fidélité et loyauté doivent caractériser ceux qui agissent au nom de l’État et de la Loi.

    1) la fidélité constitutionnellement instituée

    12Certaines Constitutions (rares il est vrai) ont cru nécessaire de solenniser la prise de fonction des gouvernants par le prononcé d’un serment. Engageant la parole d’honneur des élus, le serment est un premier moyen pour une Constitution de formuler textuellement un devoir moral qui ensuite se prolongera par des obligations purement juridiques comme le respect des prescriptions constitutionnelles. Ainsi, la Constitution de 1791 prévoit (titre II, art. 5) qu'une fois l’Assemblée nationale législative réunie, les représentants de la nation prêtent ensemble, "au nom du peuple français", le serment de "vivre libre ou de mourir". Puis, ils prêtent individuellement le serment de "maintenir la Constitution de tout leur pouvoir, de rien proposer ni consentir, dans le cours de la Législature, qui puisse y porter atteinte et d’être en tout fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi". Par ailleurs, la révision de la Constitution étant considérée comme une entreprise périlleuse, en plus de diverses dispositions visant à en raréfier la survenance19, la Constitution de 1791 impose aux députés de l’assemblée de révision un double serment qui rappelle en tout point celui imposé aux députés de l’assemblée législative : collectivement, ils doivent jurer de vivre libres ou de mourir, et individuellement, de "se borner à statuer sur les objets qui leur ont été soumis par le vœu uniforme des trois législatures précédentes ; de maintenir, au surplus, de tout leur pouvoir la Constitution... et d’être en tout fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi". (art. 7 titre VII). Le Roi20 est également astreint au serment, à son avènement au trône ou à sa majorité (ch. II, section 1, art. 4 du titre III). Il doit jurer fidélité à la Nation, à la Loi, et d’employer lui aussi tout son pouvoir au maintien de la Constitution et d’exécuter les lois. En cas de refus de sa part de prêter serment, il est censé avoir abdiqué (art. 5). Motivée par les circonstances, ces procédures de serment ne seront pas reprises par les Constitutions révolutionnaires suivantes. Par contre, la Constitution du 4 novembre 1848 renoue avec le serment en l’imposant au président de la République nouvellement élu (art. 48) qui doit jurer : "en présence de Dieu et devant le peuple français, représenté par l’assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible, de remplir tous les devoirs que m’impose la Constitution". De même la Constitution du 14 janvier 1852 impose aux ministres le serment de fidélité suivant : "je jure obéissance à la Constitution et fidélité au président". A l’évidence, les Constitutions françaises ont très peu souvent eu recours à cet engagement d’ordre moral dont l’instauration a toujours coïncidé avec une nouveauté radicale dans les institutions politiques empreinte d’appréhension21. Ainsi, en 1791, le Constituant est conscient de la fragilité du nouvel ordre politique. La contrerévolution est un péril très concret et le serment demandé aux députés traduit à la fois, à leur égard, une exigence mais aussi une inquiétude : une exigence de dévouement sans limite aux institutions et à la Constitution ; mais également une inquiétude à l’égard de la solidité de leur "conviction nationale". La fidélité qu’il leur est demandé de jurer est forcément sous-tendue par un soupçon inavoué de trahison potentielle. Le serment imposé au Roi apparaît relever du même sentiment de suspicion mais ce dernier est ici plus naturellement justifié. En 1848, la création d’un président de la République constitue également une nouveauté puisqu’aucun régime républicain n’avait osé jusque là placer un seul homme à la tête de l'Exécutif. De surcroît, il est élu par les citoyens eux-mêmes et il possède donc une légitimité équivalente à celle des députés. Pour exorciser le danger que ce personnage représente, le serment réapparaît. Enfin, avec son serment des ministres, la République de 1852 porte le sceau de la méfiance et de la crainte vis à vis des serviteurs du nouveau régime, jumelées avec la volonté de manifester la nouvelle et unique prééminence présidentielle.

    2) la loyauté constitutionnellement sanctionnée

    13Si le serment solennise un engagement moral de fidélité, il n’exorcise pas tout risque. Le parjure est toujours possible et les Constitutions ne manquent pas de l'envisager. La Constitution de 1791 prévoit implicitement les signes et la sanction du parjure royal. La personne du Roi est inviolable et sacrée (titre III, ch. 2, section 1ère, art. 1er) et donc soustraite à toutes poursuites22. Mais elle n’en est pas moins susceptible d’une sanction en cas de parjure à son serment de fidélité : la perte du trône. Ainsi, l’article 6 (titre III ch. 2, section 1ère) dispose que le Roi qui se met à la tête d’une armée et en dirige les forces contre la nation ou qui ne s’oppose pas par un acte formel à une telle entreprise est censé avoir abdiqué. De même, l’article 7 prévoit que le Roi, sorti du royaume, qui n’y revient pas à la demande du Corps législatif dans le délai imparti par ce dernier, est considéré comme ayant abdiqué. L’abdication apparaît ici comme la sanction d’une infidélité à la nation et donc un manquement à la parole donnée. Elle permet le jugement du Roi, redevenu simple citoyen, par les voies ordinaires (art. 8, section 1ère, ch. II, titre III). Par contre, la Constitution reste silencieuse sur le parjure d’un député. Sans doute paraît-il plus improbable. Par ailleurs, la brièveté du mandat électoral de deux ans permet aux électeurs d’administrer eux-mêmes une sanction par la non réélection. Enfin, la levée de l’immunité permet de poursuivre le député félon éventuellement par la voie pénale ordinaire23. Quant au président de la République de la IIe République, il relève de façon générale de l’accusation de haute trahison et du jugement de la Haute Cour de justice pour tout acte qui constitue un manquement à son serment. En outre, dans le cas où il trahit sa parole en portant atteinte à l’Assemblée nationale (en la dissolvant, la prorogeant ou en faisant entrave à l’exercice de son mandat) il est aussitôt convaincu de crime de haute trahison entraînant sa déchéance automatique : les citoyens se trouvent déliés de l’obligation de lui obéir et l’Assemblée nationale hérite du pouvoir exécutif (art. 68). En 1852, les ministres qui ne respectent pas les termes de leur serment et qui portent donc atteinte à la personne du président (crimes attentats, complots) sont justiciables, sur décret d’accusation du président, de la Haute Cour de justice, leur parjure étant sanctionné avec l’acte qui le réalise comme haute trahison (art. 54). Les Constitutions, les plus nombreuses, qui ne recourent pas au serment, introduisent cependant des voies de sanction de la trahison politique (même si le terme de trahison n’est pas toujours utilisé24). Souvent réservées à la poursuite des membres de l’exécutif25, ces voies juridiques sont actionnées par un acte d’accusation voté par les chambres législatives et elles donnent lieu à un arrêt de juridictions d’exception diverses (Cour nationale, Haute Cour). Dans tous les cas, les éléments constitutifs de la trahison relèvent de la pure appréciation des élus accusateurs et l’appréciation porte non seulement des faits mais aussi sur le manquement moral au devoir de fidélité et de loyauté qui incombe implicitement aux gouvernants.

    B – La résistance à l’oppression comme droit moral indéniable

    14Les révolutionnaires ne reconnaissent aucune immunité à ceux qui, sans trahir la Révolution et mettre en péril le régime, commettent des abus de pouvoir à quelque niveau de la hiérarchie qu’ils se situent. La Constitution de 1793 le dit clairement : "Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n’a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens" (Déclaration des droits, art. 32). L’arbitraire n’est pas tolérable sous le règne de la Loi et si la sanction juridique prévue n’est pas opératoire, la résistance civique devient un droit... mais un droit que les Constituants ont cependant du mal à admettre (1°) surtout à l’encontre de la Loi (2°).

    1) Le droit de résistance à l’oppression face aux actes arbitraires

    15La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 place la liberté au premier rang des valeurs du nouvel ordre social et politique, avant l’égalité (art. 1) et la propriété (art. 2). S’inspirant peut-être (ou sans doute) de l’exemple américain, reprenant certains cahiers de doléances, elle affirme le droit de résistance à l’oppression comme un des droits naturels et inaliénables de l’homme (art. 2)26. Mais une telle reconnaissance soulève immédiatement la question des hypothèses de sa mise en œuvre. Une première réponse fait l’unanimité chez les révolutionnaires : il est légitime de résister à l’acte arbitraire de celui qui exécute la Loi. E. Desmons rappelle en effet que, pour la majorité des Constituants, le droit de résistance à l’oppression est essentiellement envisagé à l’égard des actes de l’Exécutif et non du Législateur27. La Déclaration des droits de 1793 est très claire sur ce point (art. 11) : "tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la Loi détermine est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l’exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force". Ce texte va incontestablement plus loin que la Déclaration de 1789 qui se contente d’affirmer en son article 7 que "ceux qui sollicitent, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis"28. Mais ses rédacteurs restent en réalité en deçà de leurs convictions intimes. Leur réserve s’explique par une prudence politique. Ils ont en effet conscience que le droit de résistance à l’oppression peut générer aisément le désordre si chaque citoyen s’avise de juger par lui-même de ce qui est arbitraire ou non29. D’ailleurs, à cet égard, il n’est pas inutile de relever que l’article 11 précité de la Déclaration montagnarde ne fait précisément allusion qu’au cas où l’acte arbitraire voudrait être exécuté par la violence. A la violence peut répondre l'exercice de la force... cela n’évoque-t-il pas davantage une légitime défense qu’un droit général ? Ainsi, même pour les Montagnards, il semblerait que la résistance ne soit légitime que dans des cas extrêmes. La protestation et la punition des coupables semblent en effet les voies normales. Dans cette optique, la Déclaration des droits de 1793 insiste sur l’absence d’immunité des détenteurs de l'autorité comme pour souligner implicitement quelle est la voie normale de la réplique à l’acte illégal : (art. 12) "ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, sont coupables, et doivent être punis"30 (art. 31). Plus précise, la Constitution de 1791 détaille un cas d’arbitraire caractérisé : celui de la détention en violation de la Loi31. Dans son article 16, il est question de deux cas distincts générateurs du "crime de détention arbitraire" : celui de l’homme qui ordonne une arrestation sans que la Loi lui en donne le droit et celui de la personne qui conduit, reçoit, détient un citoyen dans un lieu de détention "non publiquement et légalement désigné"32. Cependant, dans ces deux hypothèses, le droit de résister n’est pas évoqué par la Constitution. Il faut se tourner vers le Code pénal de 1791 pour trouver une trace de la possible résistance à l’oppression (ici assimilé à l’arbitraire). Le Code pénal de 1791 n’est certes pas plus explicite sur les hypothèses de la résistance légitime que la Constitution. Mais en disposant que la résistance opposée à un dépositaire de la force publique agissant légalement dans l’ordre de ses fonctions est un crime d’offense à la Loi, il permet a contrario de soutenir que la résistance devient autorisée si l’agent public a agi en ne respectant pas la Loi33. Et cette disposition du code pénal de 1791 sera considérée comme non remise en cause par le code pénal de 1795 alors même que la Constitution du Directoire ne mentionne plus le droit de résistance. Ainsi, le droit de résistance ne parvient pas à être radicalement mis de côté par les révolutionnaires de 1789 et 1793 cela, malgré les risques potentiels qu’il recèle. Il apparaît comme renvoyant à la liberté foncière de l’homme mais aussi au caractère sacré du respect de la Loi. Il remplit donc une double fonction de morale constitutionnelle : il désigne le devoir moral du citoyen de n’obéir qu’à la Loi et rien qu’à la Loi ; il dévoile l’obligation du citoyen de s’ériger en défenseur de la Loi contre l’arbitraire. Car, en s'insurgeant contre l’illégalité, celui qui résiste sert la Loi. Cette résistance à l’illégalité exprime aussi le rapport sacré, qui est établi par la pensée révolutionnaire, entre la liberté naturelle de l’homme et la Loi. La Loi garantit la liberté et, en violant la Loi, on attente forcément à la liberté. Dès lors, toute forme de résistance (il n’est pas forcément fait de distinction entre la résistance avec et sans violence) est juste. Par contre, la question d’une résistance possible à la Loi elle-même paraît bien plus problématique.

    2) le droit de résistance face à la Loi oppressive

    16La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 déclare (art. 35) : "quand le Gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs"34. Si le terme de gouvernement est ici entendu comme désignant non seulement l'Exécutif mais aussi les gouvernants au sens large35, il faut reconnaître qu’indirectement le Législateur est visé, plus exactement les mandataires du peuple élus dont on a vu plus haut qu’ils n’échappaient pas eux non plus à la responsabilité de leurs actes(art. 31 précité)36. C’est ainsi sous-entendre que la Loi peut devenir oppressive des droits du peuple en raison de la perversion de ceux qui sont chargés de la faire. En outre, renforçant la portée de la résistance à l’oppression, il est écrit (art. 34) "il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé ; il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé". Le droit de résistance collectivement exercé se meut alors en droit à l’insurrection. L’idée de la Loi oppressive prend peu à peu place dans la problématique politique des révolutionnaires même si c’est une idée difficilement acceptable sur le plan théorique et sur le plan de ses conséquences pratiques. Les révolutionnaires ont en effet conscience du risque encouru37. Admettre que la Loi attente à la liberté au lieu de la servir et admettre une résistance à ses ordres sur un tel jugement serait "rendre tous les citoyens juges de la Loi"38, et donc ouvrir la porte au désordre politique généralisé. Aussi, de même que précédemment l’action normale contre l’arbitraire des agents d’exécution de la Loi était l’action punitive, de même face à une Loi qui s’écarterait des "principes simples et incontestables" posés par les Déclarations de droits, la voie normale semble être la simple contestation, notamment par la voie de la pétition39 (ce qui n’est certainement pas synonyme de résistance ou de désobéissance)40. Pourtant, il est à souligner le soin que prennent les textes constitutionnels révolutionnaires à décrire les limites que la Loi ne doit pas enfreindre. Dès la Déclaration des droits de 1789, une sorte de méfiance inavouée s’exprime dans les formules interdisant à la Loi de prescrire telle ou telle règle. Certes, ces interdits expriment en creux les impératifs de la liberté mais ils n’en forment pas moins un ensemble de principes supérieurs au Législateur lui-même, qui, enfreints, rendraient la Loi oppressive. Ainsi, de façon générale, l’article 5 de la Déclaration des droits de 1789 prescrit à la Loi (art. 5) de ne défendre que les actions nuisibles à la société. Plus précisément, dans le domaine pénal, la Déclaration prescrit à la Loi (art. 6) de n’établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et (indirectement) de ne pas prévoir son application rétroactive. Ces deux prescriptions se retrouvent dans les Déclarations des droits de 1793 et 1795, preuves du consensus dont elles jouissent41. Mais la formulation adoptée par l’article 14 de la Déclaration des droits de 1793 mérite de retenir l’attention : "La Loi qui punirait des délits commis avant qu’elle existât serait une tyrannie ; l’effet rétroactif donné à la Loi serait un crime"42. Cette même Déclaration des droits de 1793 affirme que (art. 9) la Loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent, (art. 13) qu’elle doit réprimer les excès de rigueur inutiles lors des arrestations43. Comment ne pas voir que la Loi n’est juste que sous conditions ? Comment ne pas percevoir au-dessus de la Loi l’existence d’un corps de règles sacrées en ce qu’elles garantissent la valeur suprême qu’est la liberté de l’homme, un corps de principes universels que les représentants de la nation doivent fidèlement servir. La morale pénètre ainsi au cœur même du droit constitutionnel. Et c’est à partir de cette idée d’un assujetissement du droit constitutionnel à des principes non écrits, intangibles et imtemporels, que de nombreux juristes ont réfléchi à ce que l’on a nommé la "supra-constitutionalité". Car même si le contenu de cette notion a évolué44, même si le récent débat à son propos s’est focalisé sur la question des limites du pouvoir Constituant de révision et sur la défense de la souveraineté nationale45, il n’en reste pas moins que l’essence même du concept se rapporte à une exigence morale relative au Politique46 qui fut la toile de fond des préoccupations des constituants français postrévolutionnaires, leur œuvre constitutionnelle en porte témoignage...

    Notes de bas de page

    1 Les deux premières lois sur la question furent en effet la loi organique no 88-226 du 11 mars 1988 et la loi ordinaire du même jour no 88-227. Elles furent suivies de nombreuses autres lois les modifiant et/ou les complétant : la loi ordinaire du 15 janvier 1990, la loi organique du 10 mai 1990, la loi no 93-122 du 29 janvier 1993 (titre 1er), la loi organique no 95-63 du 19 janvier 1995 relative à la Déclaration de patrimoine des membres du Parlement, la loi no 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique et la loi no 96-300 du 10 avril 1996.

    2 Les partis ont cherché à utiliser financièrement leur position locale surtout dans les municipalités. Diverses pratiques permettaient de renflouer les caisses du parti : par exemple, des subventions versées par la mairie à une association... contrôlée par le parti ; de fausses factures payées par la mairie à un entrepreneur qui reversait une partie des sommes à un responsable du parti ; un bureau d’études servant d’intermédiaire entre la municipalité et ses fournisseurs, celle-ci prélevant une dîme sur ces derniers, dîme qui allait alimenter les caisses du parti. Exemples cités par L. Hamon et M. Troper, Droit constitutionnel, LGDJ, 28ème éd. 2003, p. 511.

    3 Cela visait les dons des entreprises afin de couper les liens des partis politiques avec les milieux d’affaires.

    4 En contrepartie, un droit au financement public leur fut en effet reconnu dès la loi de 1988. Le système a été modifié à plusieurs reprises ; en dernier lieu par la loi du 11 avril 2003.

    5 Cette obligation de déclaration de la situation patrimoniale a en effet un champ d’application très large qui s’étend non seulement aux élus nationaux mais à certains élus locaux et aux membres du gouvernement.

    6 Déc. 146 DC du 18 novembre 1982, Rec., p. 66, RJC I-184 et Déc. 407 du 14 janvier 1999, JO, 24 janvier 1999, p. 4238.

    7 L’ordre des mots choisi (les femmes d’abord mentionnées) n’est sans doute pas sans signification.

    8 Article 74 C. 58.

    9 Pour faire bref, dans le reste du texte nous écrirons simplement Déclaration de 1789. De même pour les autres déclarations révolutionnaires, après leur première mention complète, nous les désignerons simplement par leur année respective.

    10 Que l’on se souvienne de la formule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : "l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême" et de celle de la Déclaration placée en tête de la Constitution du 24 juin 1793 : (le peuple français) "proclame en présence de l’Être suprême..."

    11 La première construction de l’institution étatique correspond à l’apparition de l’État sur les ruines du système féodal et de la défaite de la Papauté et de l’Empereur du Saint Empire romain germanique.

    12 Repris tel quel dans la "Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen" de la Constitution du 5 Fructidor an III.

    13 Nous nous référons ici la distinction introduite par Maurice Hauriou entre la solidarité représentative (des pensées) qui relève de la croyance et la solidarité de la conduite qui relève de l’action. Leçons sur le mouvement social, Larose, Paris, 1899, p. 86.

    14 Art. 17, Déclaration des droits de 1789.

    15 Dans la Déclaration des droits de 1789 (art. 2), il est au second rang après la liberté ; dans la Déclaration montagnarde des droits de 1793 (art. 2), il est au dernier rang, après l’égalité, la liberté, la sûreté. Dans la Déclaration des droits de 1795 (art. 1er) il est toujours au dernier rang mais cette Déclaration ajoute (art. 8) : "c’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et tout l’ordre social".

    16 Ibidem, art. 17.

    17 Même terme de "sacrifice" : art. 10 Charte de 1814, art. 9 Charte de 1830, art. 11 C. 1848.

    18 Déclaration des droits, art. 30 C 1793.

    19 Nécessité d’un vote décidant de l’élection d’une assemblée constituante de révision par trois législatures successives et interdiction de réviser la Constitution durant les deux premières législatures (titre VII art. 2 et 3 C. 1791).

    20 "Le Régent" également (titre III, chap. II, section II, art 12).

    21 Même si l’on peut considérer que le serment était en ces époques de pratique courante pour sceller des engagements politiques radicaux (cf. par exemple, le fameux Serment du jeu de paume).

    22 Le Roi est donc soustrait à la juridiction de la Cour nationale.

    23 Les députés ne relèvent pas de la Cour nationale qui ne juge que les ministres et agents principaux du pouvoir exécutif (art. 23, titre III).

    24 La Constitution de 1791, par exemple, emploie les termes de "délit contre la sûreté nationale et la Constitution" (titre III, ch. II, sect. IV, art.5) et celui de "crime" contre la sûreté de l’État (titre III, ch. V, art. 23).

    25 Mais pas dans la Constitution du Directoire qui prévoyait aussi le jugement des membres des assemblées (art. 265).

    26 V. sur ces points, E. Desmons, Droit et devoir de résistance en droit interne, LGDJ, 1999, p. 60.

    27 V. en ce sens S. Rials, La Déclaration des droits de l’homme, Hachette, coll. "Pluriel", 1988.

    28 Repris par l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 ; par l’article 9 de la "Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen" placée en tête de la Constitution du 5 Fructidor an III.

    29 Certes, il est envisagé que les citoyens puissent être juges de la correcte exécution de la Loi par les ministres et les agents administratifs. Ainsi, la Constitution de 1791 prévoit une haute Cour nationale chargée de connaître des délits des ministres et des agents principaux du Pouvoir exécutif. Elle est justement composée de citoyens-jurés, en plus des membres du Tribunal de cassation (art 23, titre III Ch. 5). De même pour la Haute Cour de justice de la Constitution de 1795 (art. 265). Mais il ne s’agit que de certains citoyens sélectionnés et encadrés par des magistrats dans le cadre d’une procédure précise débouchant sur un jugement collectivement pris après débat. Cela n’est en rien comparable avec le jugement personnel d’un citoyen dans un cas d’arbitraire (supposé) le concernant.

    30 On notera que la formulation est bien plus précise que celle utilisée dans l’article 7 de la Déclaration de 1789 et qu’elle donne ainsi une portée plus large à la règle.

    31 L’entreprise de détailler juridiquement les cas d’arbitraire justifiant la résistance était défendue par Condorcet. Ainsi, le projet de Constitution girondin dont il est le maître d’œuvre s’y emploie partant du principe que "dans tout gouvernement libre, le mode de résistance à ces différents actes d’oppression doit être réglé par la Constitution", cité par E. Desmonds, op. cit., p. 64.

    32 La Constitution de l’An III reprend le crime de détention arbitraire (art. 31) mais la Constitution ne parle pas de droit de résistance même dans les hypothèses de détention arbitraire.

    33 On notera qu’il est pas fait de différence entre la résistance violente et la résistance passive. Au contraire, le code pénal de 1810 (art. 209) incrimine "la résistance avec violence et voies de fait envers les officiers ministériels" dans l’exercice de leurs fonctions.

    34 Il est intéressant de constater que le projet constitutionnel adopté le 19 avril 1946 reprend l’idée en son article 21 : "Quand le Gouvernement viole les libertés et les droits garantis par la Constitution, la résistance sous toutes ses formes est le plus sacré des droits et le plus impérieux des devoirs".

    35 Cette interprétation peut se prévaloir de l’article 1er de la Déclaration des droits de 1793 qui utilise le terme "gouvernement" dans le sens d’organisation politique : "le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles".

    36 Faut-il rappeler que Robespierre était partisan de la révocation des élus en cours de mandat ?

    37 Dès avant, Berkeley avait déjà proscrit tout droit de résistance parce qu’il signifierait "abandonner chaque sujet à la gouverne de son inconstance et personnelle fantaisie". De l’obéissance passive, (1712), trad. D. Deleule, Vrin, 1983, cité par E. Desmons, op. cit., p. 55.

    38 Formule de De Lameth, cité par E. Desmons, op. cit., p. 63.

    39 Ainsi, la Constitution de 1791 pose en tant que droit naturel et civil, garanti par la Constitution le droit "d’adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement" (titre premier, "Dispositions fondamentales garanties par la Constitution", al. 2 in fine. De même l’article 32 de la Déclaration des droits de 1793 déclare que "le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique ne peut, en aucun cas, être suspendu ni limité".

    40 Les rédacteurs de la Déclaration indiquent en préambule qu’ils ont rédigé le texte notamment "afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous".

    41 Ainsi, la Déclaration des droits de 1795 rappelle (art. 12) : "La Loi ne doit décerner que des peines strictement nécessaires et proportionnées au délit".

    42 Par opposition, la rédaction de la Déclaration des droits de 1795 paraît bien neutre : "Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée".

    43 Idem article 10 de la Déclaration des droits de 1795.

    44 V. S. Arne, "Les normes supra-constitutionnelles", R.D.P., 1993, no 2, p. 459.

    45 V. DC 92-312 du 2 septembre 1992, Rec. 55 ; RJC, 1-496. V. par exemple pour un échange de points de vue opposés, les deux articles sur la souveraineté et la supraconstitutionnalité de L. Favoreu et G. Vedel, Pouvoirs, 1993, no 67, p. 71 et suivantes.

    46 V. à propos de L. Duguit et M. Hauriou, S. Rials, "Supraconstitutionnalité et systématicité du droit", Archives de philosophie du droit, 1986, t. 31, p. 58.

    Auteur

    Hélène Simonian-Gineste

    Maître de conférences à l’Université de Toulouse I. Centre de recherches sur les institutions publiques

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    Table des matières

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    1 Les deux premières lois sur la question furent en effet la loi organique no 88-226 du 11 mars 1988 et la loi ordinaire du même jour no 88-227. Elles furent suivies de nombreuses autres lois les modifiant et/ou les complétant : la loi ordinaire du 15 janvier 1990, la loi organique du 10 mai 1990, la loi no 93-122 du 29 janvier 1993 (titre 1er), la loi organique no 95-63 du 19 janvier 1995 relative à la Déclaration de patrimoine des membres du Parlement, la loi no 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique et la loi no 96-300 du 10 avril 1996.

    2 Les partis ont cherché à utiliser financièrement leur position locale surtout dans les municipalités. Diverses pratiques permettaient de renflouer les caisses du parti : par exemple, des subventions versées par la mairie à une association... contrôlée par le parti ; de fausses factures payées par la mairie à un entrepreneur qui reversait une partie des sommes à un responsable du parti ; un bureau d’études servant d’intermédiaire entre la municipalité et ses fournisseurs, celle-ci prélevant une dîme sur ces derniers, dîme qui allait alimenter les caisses du parti. Exemples cités par L. Hamon et M. Troper, Droit constitutionnel, LGDJ, 28ème éd. 2003, p. 511.

    3 Cela visait les dons des entreprises afin de couper les liens des partis politiques avec les milieux d’affaires.

    4 En contrepartie, un droit au financement public leur fut en effet reconnu dès la loi de 1988. Le système a été modifié à plusieurs reprises ; en dernier lieu par la loi du 11 avril 2003.

    5 Cette obligation de déclaration de la situation patrimoniale a en effet un champ d’application très large qui s’étend non seulement aux élus nationaux mais à certains élus locaux et aux membres du gouvernement.

    6 Déc. 146 DC du 18 novembre 1982, Rec., p. 66, RJC I-184 et Déc. 407 du 14 janvier 1999, JO, 24 janvier 1999, p. 4238.

    7 L’ordre des mots choisi (les femmes d’abord mentionnées) n’est sans doute pas sans signification.

    8 Article 74 C. 58.

    9 Pour faire bref, dans le reste du texte nous écrirons simplement Déclaration de 1789. De même pour les autres déclarations révolutionnaires, après leur première mention complète, nous les désignerons simplement par leur année respective.

    10 Que l’on se souvienne de la formule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : "l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême" et de celle de la Déclaration placée en tête de la Constitution du 24 juin 1793 : (le peuple français) "proclame en présence de l’Être suprême..."

    11 La première construction de l’institution étatique correspond à l’apparition de l’État sur les ruines du système féodal et de la défaite de la Papauté et de l’Empereur du Saint Empire romain germanique.

    12 Repris tel quel dans la "Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen" de la Constitution du 5 Fructidor an III.

    13 Nous nous référons ici la distinction introduite par Maurice Hauriou entre la solidarité représentative (des pensées) qui relève de la croyance et la solidarité de la conduite qui relève de l’action. Leçons sur le mouvement social, Larose, Paris, 1899, p. 86.

    14 Art. 17, Déclaration des droits de 1789.

    15 Dans la Déclaration des droits de 1789 (art. 2), il est au second rang après la liberté ; dans la Déclaration montagnarde des droits de 1793 (art. 2), il est au dernier rang, après l’égalité, la liberté, la sûreté. Dans la Déclaration des droits de 1795 (art. 1er) il est toujours au dernier rang mais cette Déclaration ajoute (art. 8) : "c’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et tout l’ordre social".

    16 Ibidem, art. 17.

    17 Même terme de "sacrifice" : art. 10 Charte de 1814, art. 9 Charte de 1830, art. 11 C. 1848.

    18 Déclaration des droits, art. 30 C 1793.

    19 Nécessité d’un vote décidant de l’élection d’une assemblée constituante de révision par trois législatures successives et interdiction de réviser la Constitution durant les deux premières législatures (titre VII art. 2 et 3 C. 1791).

    20 "Le Régent" également (titre III, chap. II, section II, art 12).

    21 Même si l’on peut considérer que le serment était en ces époques de pratique courante pour sceller des engagements politiques radicaux (cf. par exemple, le fameux Serment du jeu de paume).

    22 Le Roi est donc soustrait à la juridiction de la Cour nationale.

    23 Les députés ne relèvent pas de la Cour nationale qui ne juge que les ministres et agents principaux du pouvoir exécutif (art. 23, titre III).

    24 La Constitution de 1791, par exemple, emploie les termes de "délit contre la sûreté nationale et la Constitution" (titre III, ch. II, sect. IV, art.5) et celui de "crime" contre la sûreté de l’État (titre III, ch. V, art. 23).

    25 Mais pas dans la Constitution du Directoire qui prévoyait aussi le jugement des membres des assemblées (art. 265).

    26 V. sur ces points, E. Desmons, Droit et devoir de résistance en droit interne, LGDJ, 1999, p. 60.

    27 V. en ce sens S. Rials, La Déclaration des droits de l’homme, Hachette, coll. "Pluriel", 1988.

    28 Repris par l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 ; par l’article 9 de la "Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen" placée en tête de la Constitution du 5 Fructidor an III.

    29 Certes, il est envisagé que les citoyens puissent être juges de la correcte exécution de la Loi par les ministres et les agents administratifs. Ainsi, la Constitution de 1791 prévoit une haute Cour nationale chargée de connaître des délits des ministres et des agents principaux du Pouvoir exécutif. Elle est justement composée de citoyens-jurés, en plus des membres du Tribunal de cassation (art 23, titre III Ch. 5). De même pour la Haute Cour de justice de la Constitution de 1795 (art. 265). Mais il ne s’agit que de certains citoyens sélectionnés et encadrés par des magistrats dans le cadre d’une procédure précise débouchant sur un jugement collectivement pris après débat. Cela n’est en rien comparable avec le jugement personnel d’un citoyen dans un cas d’arbitraire (supposé) le concernant.

    30 On notera que la formulation est bien plus précise que celle utilisée dans l’article 7 de la Déclaration de 1789 et qu’elle donne ainsi une portée plus large à la règle.

    31 L’entreprise de détailler juridiquement les cas d’arbitraire justifiant la résistance était défendue par Condorcet. Ainsi, le projet de Constitution girondin dont il est le maître d’œuvre s’y emploie partant du principe que "dans tout gouvernement libre, le mode de résistance à ces différents actes d’oppression doit être réglé par la Constitution", cité par E. Desmonds, op. cit., p. 64.

    32 La Constitution de l’An III reprend le crime de détention arbitraire (art. 31) mais la Constitution ne parle pas de droit de résistance même dans les hypothèses de détention arbitraire.

    33 On notera qu’il est pas fait de différence entre la résistance violente et la résistance passive. Au contraire, le code pénal de 1810 (art. 209) incrimine "la résistance avec violence et voies de fait envers les officiers ministériels" dans l’exercice de leurs fonctions.

    34 Il est intéressant de constater que le projet constitutionnel adopté le 19 avril 1946 reprend l’idée en son article 21 : "Quand le Gouvernement viole les libertés et les droits garantis par la Constitution, la résistance sous toutes ses formes est le plus sacré des droits et le plus impérieux des devoirs".

    35 Cette interprétation peut se prévaloir de l’article 1er de la Déclaration des droits de 1793 qui utilise le terme "gouvernement" dans le sens d’organisation politique : "le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles".

    36 Faut-il rappeler que Robespierre était partisan de la révocation des élus en cours de mandat ?

    37 Dès avant, Berkeley avait déjà proscrit tout droit de résistance parce qu’il signifierait "abandonner chaque sujet à la gouverne de son inconstance et personnelle fantaisie". De l’obéissance passive, (1712), trad. D. Deleule, Vrin, 1983, cité par E. Desmons, op. cit., p. 55.

    38 Formule de De Lameth, cité par E. Desmons, op. cit., p. 63.

    39 Ainsi, la Constitution de 1791 pose en tant que droit naturel et civil, garanti par la Constitution le droit "d’adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement" (titre premier, "Dispositions fondamentales garanties par la Constitution", al. 2 in fine. De même l’article 32 de la Déclaration des droits de 1793 déclare que "le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique ne peut, en aucun cas, être suspendu ni limité".

    40 Les rédacteurs de la Déclaration indiquent en préambule qu’ils ont rédigé le texte notamment "afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous".

    41 Ainsi, la Déclaration des droits de 1795 rappelle (art. 12) : "La Loi ne doit décerner que des peines strictement nécessaires et proportionnées au délit".

    42 Par opposition, la rédaction de la Déclaration des droits de 1795 paraît bien neutre : "Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée".

    43 Idem article 10 de la Déclaration des droits de 1795.

    44 V. S. Arne, "Les normes supra-constitutionnelles", R.D.P., 1993, no 2, p. 459.

    45 V. DC 92-312 du 2 septembre 1992, Rec. 55 ; RJC, 1-496. V. par exemple pour un échange de points de vue opposés, les deux articles sur la souveraineté et la supraconstitutionnalité de L. Favoreu et G. Vedel, Pouvoirs, 1993, no 67, p. 71 et suivantes.

    46 V. à propos de L. Duguit et M. Hauriou, S. Rials, "Supraconstitutionnalité et systématicité du droit", Archives de philosophie du droit, 1986, t. 31, p. 58.

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    Simonian-Gineste, Hélène. « Regard sur les aspects moraux des constitutions françaises ». In Le Droit saisi par la Morale, édité par Jacques Krynen. Toulouse: Presses de l’Université Toulouse Capitole, 2005. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.putc.1701.
    Simonian-Gineste, Hélène. « Regard sur les aspects moraux des constitutions françaises ». Le Droit saisi par la Morale, édité par Jacques Krynen, Presses de l’Université Toulouse Capitole, 2005, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.putc.1701.

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    Krynen, Jacques, éditeur. Le Droit saisi par la Morale. Presses de l’Université Toulouse Capitole, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2005, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.putc.1680.
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