La contribution de l’université à l’élaboration de la doctrine civiliste au XIXe siècle
p. 15-33
Texte intégral
1Sacase, Conseiller à la Cour impériale de Toulouse, écrivait en 1855 : "Il ne s’agit plus de nos jours d’élever sur des synthèses l’édifice du droit civil. Ce droit est créé, il est écrit, il vit et se développe sous Tunité méthodique d’une codification qui a distribué ses matières et rajeuni ses formules. De quoi s’agit-il donc ? De le conserver, en l’accommodant de plus en plus au génie d’un monde nouveau"1. Or, "le jurisconsulte théoricien qui, les yeux fixés sur l’idéal, recherche la pensée législative, est souvent exposé à se tromper dans cette investigation. Il n’est pas guidé par la lumière des faits"... et Sacase conclut pro domo, "au contraire [...] le magistrat voit le jeu des passions humaines"2. Il oppose de la sorte deux figures classiques de la science du droit, "le jurisconsulte théoricien", en l’occurrence le professeur de droit, et le magistrat qui, pour Sacase, incarne le praticien éclairé tandis que le rôle des avocats, pourtant essentiel, est passé sous silence.
2Ce magistrat toulousain soulève ainsi une difficulté majeure lorsqu’il s’agit d’étudier le rôle des Facultés de droit et de la doctrine civiliste au XIXe siècle. Il nous permet, plus précisément, de nous interroger sur la place de ces jurisconsultes théoriciens, de ces professeurs et donc des facultés de droit dans la science juridique contemporaine, spécialement dans la doctrine civiliste au XIXe siècle. La doctrine est ici entendue comme l’ensemble des opinions de ceux qui écrivent sur le droit, mais elle est également susceptible d’être définie comme les auteurs de ces opinions, c’est-à-dire ceux qui écrivent sur le droit. La doctrine est ainsi faite d’idées et de chair, d’opinions et d’hommes. Le propos de Sacase, lui-même auteur, et donc membre de la doctrine3, implique alors de tenter de déterminer la composition de cette doctrine pour mieux mesurer la contribution propre à l’université au sein de la production doctrinale.
3La réponse semble aujourd’hui évidente puisque la physionomie actuelle de la doctrine privatiste révèle une large domination des professeurs4. Si cette question porte sur le XIXe siècle, la chose est toutefois plus complexe. Il pourrait certes sembler suffisant de rappeler l’étymologie du terme doctrine qui renvoie à l’action d’enseigner ; ou de se remémorer la proximité logique et temporelle des lois des 22 ventôse et 30 ventôse an XII. En effet, la réunion des diverses lois civiles en un seul corps de règles est précédée de quelques jours seulement par le rétablissement de l’enseignement du droit5.
4Un constat s’impose pourtant : la doctrine du XIXe siècle est également composée de praticiens. Ceux-ci, à l’instar de leurs prédécesseurs d’Ancien Régime6, participent largement à la littérature civiliste. L’appartenance au corps professoral n’est alors nullement une obligation ni une condition pour intégrer la doctrine. Bien au contraire, les exemples de praticiens qui font œuvre de doctrine ne manquent pas. Ainsi, parmi les magistrats, qui peut oublier le rôle de Merlin de Douai (1754-1838), de Dupin dit l’aîné (1783-1865), de Raymond-Théodore Troplong (1795-1869), de Paul Pont (1808-1888) ou d’Alexis Ballot-Beaupré (1836-1917)7. Il en va de même des avocats, parmi lesquels on ne peut omettre de citer Jean-Baptiste Sirey (1762-1845), JeanJacques-Gaspard Foelix (1791-1853), Désiré Dalloz (1795-1869), son frère Armand Dalloz (1797-1857) et son fils Édouard Dalloz (1826-1886), Victor Marcadé (18101854), sans oublier Jean-Baptiste Duvergier (1792-1877), Charles Vergé (1810-1890), Louis Wolowski (1810-1876) ou Frédéric Mourlon (1811-1866)8.
5Magistrats et avocats intègrent donc sans difficulté une doctrine très largement ouverte à l’ensemble de ceux qui portent fièrement le titre de jurisconsulte9, ce titre ne pouvant être rattaché ni à l’École ni au Palais puisqu’il est une qualité personnelle avant d’être un signe d’appartenance à un groupe social. Il apparaît ainsi clairement que le XIXe siècle ignore toute domination structurelle des professeurs10. A l’instar de ces derniers, les praticiens expriment des opinions qui ne peuvent être passées sous silence tant elles imprègnent le droit civil11. L’apport du seul Troplong12 permet de mesurer toute l’importance de la production doctrinale issue du Palais et met également en exergue la richesse d’une littérature juridique irréductible au tableau que l’on en a dressé pendant la majeure partie du XXe siècle. De plus, ces praticiens ne peuvent être radicalement opposés aux professeurs en raison, non seulement des activités pratiques des enseignants13, mais également du simple fait que nombre des praticiens actifs en doctrine sont en réalité docteurs en droit et, par voie de conséquence, fort peu étrangers à l’université.
6C’est toutefois au cours de ce même siècle que se forme la doctrine dans sa physionomie actuelle. La mémoire collective ne distingue d’ailleurs plus les praticiens précités des grands noms de l'université : les parisiens Claude-Etienne Delvincourt (1762-1831), Alexandre Duranton (1783-1866), Antoine-Marie Demante (1789-1856) et son fils Gabriel Demante (1821-1909), Auguste Valette (1805-1878), Charles Bedant (1829-1895), Claude Bufnoir (1832-1898), Marcel Planiol (1853-1931), Raymond Saleilles (1855-1912) ou Henri Capitant (1865-1937), mais également les provinciaux Jean-Baptiste-Victor Proudhon (1758-1838), Charles Aubry (1803-1883), Frédéric-Charles Rau (1803-1877), Charles Demolombe (1804-1888), Gabriel Baudry-Lacantinerie (1837-1913), François Gény (1861-1959), Louis Josserand (1868-1941) ou Julien Bonnecase (1878-1950)14.
7Ces professeurs et les praticiens précités sont tous considérés aujourd'hui comme membres d’une seule et même doctrine. Il est donc nécessaire de relever le caractère paradoxal de cette évolution, car c’est au moment où les professeurs partagent leur fonction doctrinale avec les praticiens que la doctrine prend sa forme actuelle, c’est-à-dire la forme d’une doctrine professorale et dogmaticienne15. Les professeurs vont, en effet, finir par l’emporter et marquer de leur empreinte la méthode doctrinale. Les civilistes de l’École passent par ailleurs du statut de professeurs de Code civil à celui de professeurs de droit civil. Ce changement de statut révèle une mutation dont il faut rendre compte afin d’appréhender la part d’une université qui dispose pendant une large partie du XIXe siècle du monopole de la formation des juristes.
8Il est donc nécessaire de rechercher dans cette contribution professorale les traits saillants du modèle doctrinal français. C’est, en premier lieu, la construction à partir de matériaux épars d’une méthode d’interprétation du Code civil qui monopolise alors l’attention des juristes. C’est également l’élaboration progressive d’un véritable système de droit. A partir du Code civil et face aux besoins sociaux, les professeurs vont ainsi perfectionner un langage, une technique et donc un système juridique dont ils deviennent les maîtres d’œuvre. Le Code n’occupe cependant pas à lui seul le champ doctrinal. Les professeurs vont également maîtriser un environnement juridique en mutation. C’est ici qu’apparaît le rôle d’une jurisprudence des arrêts qui appelle tout au long du siècle l’attention des professeurs. Elle va cependant focaliser leur activité à partir de la seconde moitié du XIXe siècle et entraîner une intense réflexion sur la fonction de la doctrine. Ce nouvel objet est donc au cœur d’une réflexion qui affecte le rôle des professeurs et leur participation à l’élaboration de la doctrine civiliste.
9Ainsi, l’examen de cette contribution de l'université permet de remonter aux sources de la doctrine contemporaine alors que l’activité professorale se concentre autour de deux axes principaux : un Code qu’il s’agit de faire parler et une jurisprudence des arrêts qu’il faut donner à entendre.
I – FAIRE PARLER LE CODE CIVIL
10Puisque nul n’est censé ignorer la loi, la première tâche des professeurs est de faire parler un Code qui est au centre du nouveau système juridique. En l’occurrence, il revient aux enseignants des Facultés de droit d’accomplir leurs tâches cognitives et didactiques. Enseigner et prolonger cette activité par d’imposantes œuvres écrites devient rapidement l’accomplissement d’un magistère professoral indiscutable.
11Or, si les praticiens participent à l’œuvre d’assimilation ou d’acclimatation du Code civil, c’est à l’université qu’il faut chercher les principaux caractères des méthodes de la doctrine. Face aux textes normatifs, deux moments marquent cette œuvre doctrinale. C’est, en premier lieu, l’interprétation du Code civil qui occupe les professeurs puis, en second lieu, la systématisation d'un droit finalement métamorphosé par l’apport de l’université.
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12La doctrine n’est plus confrontée depuis 1804 à un océan de textes parmi lesquels elle chemine vers la solution appropriée. Dorénavant, face au Code civil qu’elle a pourtant largement contribué à bâtir sous l’Ancien Régime, la doctrine se trouve dans l’obligation d’interpréter des règles unifiées, impératives et accessibles. Il en va de l’ordre social nouveau, d’une philosophie politique qui a placé la loi au cœur de la légitimité et de la souveraineté.
13Il s’agit donc d’abord d’un problème méthodologique que Portalis avait soulevé dès 1801, en écrivant notamment : "L’interprétation par voie de doctrine, consiste à saisir le vrai sens des lois, à les appliquer avec discernement, et à les suppléer dans les cas qu’elles n’ont pas réglés"16. Face au règne de la loi les professeurs sont dans l’obligation d’expliquer un Code qui devient une véritable constitution civile des Français, selon l’expression de Demolombe reprise et diffusée par le doyen Carbonnier. Ils vont ainsi rapidement forger un corps d’opinions indispensables à l’intelligibilité et à l’efficacité de la législation. Alors même que l’interprétation professorale est dénuée de toute force contraignante, elle marque indubitablement de son empreinte le droit civil. En effet, les membres de l’École mettent en exergue les principes qui doivent guider le travail d’entendement des règles de droit. Le recours à l’exégèse résulte ainsi d’une conception de l'interprétation guidée par la recherche de la sécurité juridique. Alors que les praticiens se font volontiers les traducteurs de la loi, dans une perspective d'application immédiate ou, à l’opposé, les chantres d’une lecture philosophique et historique éclectique à l’instar de Troplong, les professeurs tendent à imposer une méthode souple mais rigoureuse.
14La souplesse de cette méthode est bien réelle et met à mal le mythe de l’École de l’Exégèse17. En effet, tous les moyens sont bons pour faire parler le Code. Il suffit de lire les longs et riches traités de Duranton ou de Demolombe, par exemple, pour comprendre le rôle que les professeurs ont pu jouer. Leurs analyses lumineuses illustrent cette activité fondamentale qui peut être comparée à une quête du droit à partir de la loi. Dans son majestueux Cours de Code Napoléon en trente et un volumes, Demolombe décortique le droit civil dans sa quasi-intégralité. Il en est ainsi de la mort civile18 ou de l’absence à laquelle il consacre un volume entier19. Valette, parmi bien d’autres, en fera de même avec le système hypothécaire20 ou, plus tard, Baudry-Lacantinerie avec la grande majorité des questions de droit civil21.
15Les meilleurs professeurs ne se contentent d’ailleurs pas de commenter la lettre du Code. Bien plus, ils vont au plus profond de ['institution analysée et soulèvent toutes les difficultés imaginables. Surtout, ils proposent aux juristes les moyens de résoudre les complexités auxquelles ils sont confrontés. Tout en mettant le respect du texte en exergue, ils recourent à tous les arguments possibles pour accomplir leur "mission" doctrinale. Dans leur quête du droit, ils convoquent ainsi toutes les raisons de décider : les principes généraux du droit, les considérations d’ordre public, d’équité, d’intérêt général sans oublier l’économie, les besoins sociaux et, bien sûr, le droit naturel et la justice22.
16La rigueur n'est toutefois pas absente puisque cette interprétation doit, avant toute chose, conduire à l’efficacité des règles de droit. La sécurité juridique est le point d’orgue d’une méthode qui ne doit en aucun cas engendrer l’incertitude sociale. Alors qu’on légifère peu en matière civile avant la fin du siècle, l’œuvre doctrinale doit permettre l'assimilation du Code de 1804 par une société en mouvement, notamment confrontée aux conséquences de l’industrialisation. Le XIXe siècle est ainsi l’époque de l’ancrage des impératifs de sécurité, de cohérence et de prévisibilité au cœur de l’activité doctrinale. Si c’est bien le Code qui a renouvelé la science du droit, ce sont les professeurs qui, tout en prônant le respect du texte, ont largement contribué à ce renouveau de la science du droit. Les grandes synthèses de la fin du XIXe siècle sont d’ailleurs marquées par ce travail préparatoire de grande ampleur mené depuis 1804. C’est la raison pour laquelle le Traité élémentaire de droit civil, publié en 1900 par Marcel Planiol, ne peut être détaché des grands traités antérieurs dont il est l’héritier, alors même qu’il rénove à son tour la méthode d’exposition du droit.
17Il n’est certes pas possible d’oublier la part des praticiens qui participent aux controverses incessantes desquelles naissent nombres d’opinions devenues depuis lors des solutions acquises, voire des évidences juridiques. Toutefois, ce sont bien les membres de l’École qui ont forgé l’essentiel des caractéristiques de la littérature doctrinale. En l’occurrence, il semble que l’exégèse bien comprise telle qu’elle se forme au milieu du XIXe siècle prime encore jusqu’à aujourd'hui toutes les tentatives de rénovation des méthodes, y compris celle entreprise par le doyen Gény et sa libre recherche scientifique à la charnière des XIXe et XXe siècles23. La contribution de l’université est ainsi caractérisée par une œuvre collective de plusieurs générations de membres de la doctrine civiliste parmi lesquels les professeurs occupent une place de choix, spécialement grâce à leur activité d’enseignement et leurs travaux de grande envergure dans lesquels tous les juristes puisent sans cesse. Cette œuvre ne s’arrête toutefois pas à l’interprétation puisqu’elle se poursuit par la systématisation du droit civil.
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18Intimement liée à l’enseignement du droit24, la systématisation est au cœur de l’activité des membres de l’École. En l’espèce, l’apport de l’université se distingue par une recherche privilégiée de la cohérence du droit civil.
19Cet effort particulier se retrouve dès les premiers grands traités du second tiers du siècle. Ce n’est donc pas l’œuvre des seuls Aubry et Rau, influencés par l’allemand Zachariae25, ou d’auteurs plus tardifs comme Planiol ou Capitant26. Une large part des professeurs du XIXe siècle recherche en effet "Tunité harmonique"27 du droit. Ce que Demolombe appelle "la théorie scientifique du droit"28 consiste en la quête de principes qu’il faut ensuite mettre en relief, discipliner et classer selon un ordre clair et rationnel avec "cet enchaînement méthodique qui en fait la puissance et la vérité"29. L’objectif est alors de rendre le Code plus performant, de combler ses lacunes ou de réduire ses antinomies et les professeurs excellent dans cet exercice qui devient la marque de la doctrine française. L’université contribue ainsi à la construction du système juridique par divers moyens qui concourent tous au perfectionnement méthodique du droit. En réponse à Sacase, Adolphe Ancelot, avocat général à la Cour impériale de Riom, estime qu’un "système, c’est tout ce qu’il y a au monde de plus doctrinal" et que "les solutions doivent nécessairement procéder d’une théorie générale mûrement élaborée et coordonnée dans toutes ses branches". Or, pour ce magistrat qui prend la défense de la doctrine, "l’esprit de vie" doit dominer le chaos et "cet esprit c’est la doctrine, c’est la science, ce sont les principes"30.
20Les auteurs perfectionnent ainsi le langage du droit31, œuvrent à l’amélioration de nombreuses définitions qui vont ensuite être employées par les juristes dans leurs tâches quotidiennes. De la même manière, ils recourent à l’élaboration de théories toujours susceptibles de comporter des conséquences normatives32. Or, ce travail spécifiquement doctrinal, dans lequel les professeurs se distinguent, jaillit le plus souvent de la confrontation des idées dans le cadre de la controverse. Celle-ci structure une réflexion doctrinale dans laquelle l’opinion individuelle est toujours confrontée aux idées émises antérieurement et postérieurement par l’ensemble de ceux qui prennent part à la quête du droit et à la formation de la doctrine33.
21Parmi ces constructions théoriques, il faut citer la théorie du patrimoine d’Aubry et Rau34 mais également des théories moins célèbres telles que celle relative à l’inexistence du mariage35, ou celle du toulousain Henri Massol (1804-1885) concernant l’obligation naturelle36. Sans même mentionner les théories plus tardives du risque ou de l’abus de droit, il est donc possible de mettre en exergue l’inventivité de professeurs toujours à la recherche de cadres conceptuels pour les solutions qu’ils défendent. Or, si ces théories ne sont pas le seul fait des professeurs, ceux-ci jouent en l’occurrence un rôle indéniable à l’instar de Bufnoir, Planiol ou Josserand. Pour ne prendre que le seul exemple de Bufnoir, son enseignement démontre toute la vitalité et la force de ses constructions juridiques comme en matière de prescription, de juste titre ou de possession des meubles37.
22Ces théories sont d’ailleurs très souvent présentées comme le fait du Code lui-même alors qu’elles sont en réalité fort souvent doctrinales et professorales. Le seul exemple de la théorie générale du contrat38 montre l’activité incessante de professeurs qui préfèrent rester dans l’ombre protectrice du Code39. La contribution de l’université va ainsi permettre la naissance d'un système de droit issu du Code civil40 susceptible d’accueillir toutes les innovations de la pratique41 de même que la plupart des réformes futures. La doctrine professorale reconstruit le droit en un système cohérent dont la simplicité apparente reste l’apanage des explications scientifiques et didactiques de l’université42.
23Ce système est de plus intimement lié à la technique juridique que l’École contribue très largement à forger43. Les professeurs du XIXe siècle, relativement peu techniciens eux-mêmes, construisent en effet une technique dont ils maîtrisent le développement. Plus qu’une technique, il s’agit en réalité d’une dogmatique juridique dont les caractéristiques majeures naissent au cours du siècle qui suit la codification. Demolombe définit clairement cette dogmatique qui n’est ni pure spéculation44, ni casuistique, mais défense des principes essentiels du système juridique45. C’est finalement, selon son expression : "cet esprit de méthode et de généralisation, cet ordre et cet arrangement systématique, qui constituent la science et qui en rendent l’initiation plus puissante et efficace”46. Peu à peu, la méthode synthétique ou dogmatique prend le pas sur la méthode exégétique et les auteurs parviennent à effectuer la synthèse des deux courants antérieurs attachés soit au traité soit au commentaire47. Théophile Huc écrit ainsi en 1892 : "Nous avons de la sorte fait servir l’exégèse à l’élaboration d’une théorie générale sur le Code civil, en d’autres termes, et ce sera, si l’on veut, le côté original de notre œuvre, nous avons voulu publier un traité sous la forme d’un commentaire"48. A la fin du siècle, malgré leurs efforts de rénovation de la science du droit, Gény, Saleilles ou Esmein doivent admettre l’utilité d’une dogmatique juridique qui s’est largement formée au cours du XIXe siècle49.
24Une fois diffusée par le biais de l’enseignement à l’ensemble des juristes, cette méthode permet à l’université de devenir le guide de l’ensemble de ceux qui usent d’un langage commun, de l’ensemble de la communauté des juristes. Les professeurs deviennent ainsi les garants du maintien de la "majestueuse unité" de la science du droit50 et de sa diffusion auprès de leurs étudiants, c’est-à-dire, en définitive, de tous les juristes et donc des praticiens eux-mêmes. La doctrine professorale est ainsi au XIXe siècle la matrice d’un droit dont les caractères se trouvent concentrés dans les enseignements tant écrits qu’oraux offerts aux juristes dans le cadre des Facultés de droit. Le monde des juristes est finalement confondu avec l’auditoire de professeurs qui forgent une conception du droit dans laquelle droit naturel51 et droit positif se conjuguent en une science juridique conforme aux principes politiques admis.
25La contribution de l’université ne s’arrête toutefois pas là. Un second objet capte son attention et focalise ses efforts méthodologiques, puisque les professeurs intègrent à leur réflexion sur le droit non seulement les données offertes par la loi ou la coutume52 mais également celles issues de l’activité juridictionnelle, c’est-à-dire la jurisprudence des arrêts.
II – FAIRE ENTENDRE LA JURISPRUDENCE DES ARRETS
26Au sein des préoccupations de la doctrine professorale, la jurisprudence des arrêts occupe une place à nulle autre pareille. Son importance grandissante tout au long du siècle est en effet confirmée par la concurrence qui existe entre l’École et le Palais. Cette concurrence, même relative, apparaît clairement dans le propos précité du toulousain Sacase qui ajoute sans ambiguïté : "il me semble même qu’envisagée comme instrument de certitude et comme élément de fécondité pour la science du Droit en général, [la jurisprudence des arrêts] l’emporte sur toutes les branches rivales de l’interprétation juridique, et que nulle, parmi elles, ne lui apporte un meilleur et plus large tribut"53 car elle entre "en communauté avec le législateur lui-même" et partage, "dans une certaine limite, sa puissance créatrice"54. Cet auteur s’inscrit ainsi dans la mouvance de nombreux magistrats qui expriment leur volonté de prendre la tête de la science du droit, comme le montrent clairement les discours de rentrée des Cours d’appel qui sont autant de moments forts dans l’affirmation d’un rôle qui conteste à l’université son autorité55.
27On ne peut toutefois que rappeler l’intime alliance qui unit l’École et le Palais pendant la majeure partie de ce siècle. La métaphore du mariage permet de comprendre une relation étroite qui n’est pas exempte de querelles. Cette union est en effet affectée par l’évolution de la doctrine professorale qui s’éloigne peu à peu du Palais tout en focalisant son attention sur la jurisprudence des arrêts. Ce nouveau paradoxe apparaît dès l’examen de l’œuvre de connaissance accomplie par les professeurs. Il s’exprime également dans l’évolution de l’attitude critique de ces derniers face à la jurisprudence.
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28L’intérêt des professeurs pour la jurisprudence des arrêts est évident. Il résulte en grande partie d'un véritable lien ontologique56 unissant l’École et le Palais au moins jusqu’au dernier tiers du XIXe siècle57. Les professeurs sont, en effet, eux-mêmes praticiens. Ils sont très souvent avocats plaidants, comme Rau, ou avocats consultants, à l’instar de Toullier, Demolombe, Valette58 ou Bufnoir59. D’autres quittent l’université pour devenir magistrats à l’exemple du toulousain Théophile Huc60, ou Rau puis Aubry, sans oublier Josserand, Colin et Tissier61. L’exemple de Toulouse permet de voir que ce lien permet parfois à l'université de survivre lorsqu’elle est confrontée à la tourmente politique, notamment dans la première moitié du XIXe siècle62.
29A quelques exceptions près, tels Taulier et Bugnet63, ce lien se prolonge naturellement dans les écrits des professeurs. Tant leurs cours oraux que leurs ouvrages portent la marque de cet intérêt. C’est toutefois Demolombe, ici encore, qui semble le mieux exprimer cette alliance64. Lui-même fin connaisseur de la pratique judiciaire, il estime que les principes de la science doivent être mis à "l’épreuve de l’application et des exemples"65 car les faits sont pour lui indissociables de la véritable science66. Il insiste sur cette nécessité : "Les jurisconsultes se forment et s’éclairent, non moins que dans les livres, par l’observation attentive des mœurs et des besoins de la société, et de tous les intérêts qui s’y agitent"67. Il poursuit plus loin en estimant que le jurisconsulte doit s’attacher "à l’état présent de la société, à ses besoins, à ses mœurs et aux lois"68. A l’instar d’autres professeurs tels Duranton69, Aubry et Rau70, Laurent71 ou Huc72, mais sans doute plus que quiconque, il souhaite ardemment allier la théorie et la pratique73 et faciliter le passage des jeunes juristes de l’École au Palais74 : "Aussi ai-je toujours déploré cette espèce de divorce que l’on remarque parfois entre la théorie et la pratique, et ces dédains réciproques qu’elles se témoignent si mal à propos de part et d’autre. Comme si la théorie, étrangère au progrès du temps et des mœurs, privée des enseignements de l’expérience, ne devait pas dégénérer bientôt en vaine spéculation ! Comme si la pratique sans méthode et sans règles, n’était pas autre chose, à son tour, qu’une pitoyable et dangereuse routine ! rien n’est donc plus nécessaire et plus désirable que leur alliance, pour conserver à la science du droit son caractère essentiel, pour la maintenir dans sa voie, pour la diriger enfin vers le but marqué à ses efforts, vers un but d’application utile, positive et pratique"75.
30Édouard Laboulaye, historien du droit, professeur au Collège de France et avocat76, écrit dans cette perspective : "Si vous [séparez la théorie et la pratique], la théorie devient un jeu de l’esprit et la pratique un métier"77. La parfaite connaissance des arrêts dont font preuve de nombreux professeurs78 permet ainsi de nier l’existence d’un superbe isolement de l’École. C’est donc, en réalité, l’ancienne alliance de la doctrine française avec la pratique juridique qui se perpétue.
31Ce fait est confirmé par l’investissement des professeurs dans les revues juridiques. Alors que ces revues étaient très généralistes et éclectiques, ils vont contribuer à les orienter vers l’analyse de la jurisprudence. De la Thémis à la Revue trimestrielle de droit civil les membres de l’École marquent de leur empreinte l’activité éditoriale en matière de périodiques. L’exemple de la Revue critique de législation et de jurisprudence issue de la fusion, en 1853, de la Revue de législation de Wolowski et de la Revue critique de la jurisprudence en matière civile –fondée en 1851 par deux professeurs, Demolombe et Molinier, deux magistrats, De Cormenin et Pont et un avocat, Marcadé– permet de montrer la contribution de l’université. Le sous-titre de cette dernière revue est un véritable programme : complément doctrinal des recueils d’arrêts. Ainsi Demante père et fils, Valette, Demolombe, Planiol ou Bonnecase démontrent clairement cet effort de l’École pour appréhender la vie du Palais. Bien que ces revues naissent d’une intime collaboration avec les praticiens, la part de l’université ne va cesser de croître à mesure que le siècle avance. Les périodiques juridiques sont ainsi plus qu'un pont entre les professeurs et les praticiens, ils expriment une alliance dont le moteur sera finalement l’École comme le montre sans aucune ambiguïté la création de la Revue trimestrielle de droit civil79 en 1902. Une même tendance est d’ailleurs décelable à propos des répertoires. L’exemple du Répertoire général alphabétique de Fuzier-Herman montre également la contribution majoritaire des professeurs dans cet outil doctrinal mais également éminemment pratique80.
32Demolombe rédige ainsi dès 1851 plusieurs "étude[s] comparée[s] de la jurisprudence et de la doctrine" et des "examens doctrinaux" dans le premier tome de la Revue critique de la jurisprudence81 L’objet de cette revue est alors de "lutter dans le monde des faits ; pour examiner, au point de vue doctrinal, les décisions judiciaires ; pour recueillir enfin, et façonner déjà, en quelque sorte, les matériaux avec lesquels la science du droit édifie ces grandes œuvres"82.
33C’est dans cette perspective que d’autres professeurs vont, à partir des années 1850, se consacrer à un genre littéraire relativement nouveau : la note d’arrêt83. Cette contribution de l’université s’inscrit dans la continuité des chroniques de jurisprudence et des examens doctrinaux de jurisprudence qui apparaissent au milieu du siècle dans les revues précitées. C’est toutefois au sein du recueil Dalloz et du Journal du Palais que quelques professeurs comme Labbé84, Planiol ou Gabriel Demante85 donnent leurs lettres de noblesse aux notes qui deviennent rapidement un passage obligé pour les membres de la doctrine. Ces notes offrent la possibilité aux professeurs de continuer leur œuvre d’interprétation et de systématisation tout en prenant un objet d'étude autre que la loi. La note symbolise ainsi, à l’instar des revues et des répertoires mais également des enseignements oraux, des manuels et des monographies, l’union de l’École et du Palais. Meynial peut alors écrire : "Peu à peu, la doctrine joue le rôle d’organisatrice de la jurisprudence, comme elle était autrefois l’organisatrice de la loi"86. Ce rôle de diffusion de la jurisprudence que la doctrine adopte n’exclut cependant en aucun cas l’apport critique des professeurs.
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34L'examen de cet apport critique révèle toute l’ambivalence de l’attitude professorale face à une jurisprudence en plein essor. Or, l’enjeu est de taille. Il s’agit de ne pas laisser la pratique sans guide, de ne pas laisser les rênes de la science du droit aux magistrats ou aux avocats. Il ne suffit pas alors de connaître et de diffuser les arrêts, encore faut-il ne pas laisser à d’autres le soin de les apprécier, au moment où l'activité juridictionnelle croissante en volume et en complexité entraîne la formation d’une véritable jurisprudence87.
35Au milieu du XIXe siècle, c’est-à-dire au moment où l’activité juridictionnelle prend son essor, la doctrine professorale assimile les décisions jurisprudentielles à de simples opinions juridiques exprimées à propos d’un litige concret. Les professeurs discutent donc le bien fondé de celles-ci comme ils le feraient de l’opinion de leurs collègues. Aussi Demolombe, notamment, peut-il défendre contre la Cour de cassation l’admission de la possession d’état comme preuve de la filiation naturelle88, la validité des libéralités faites aux enfants adultérins ou incestueux, ou bien encore contester la qualification d’immeubles ou de meubles de certains droits ou actions, notamment dans le cadre de l’action en rescision pour lésion89. A l’inverse, il peut être convaincu par la motivation de certains arrêts et défendre à son tour contre la doctrine du moment une interprétation audacieuse, comme il le fait à propos de l’article 724 du Code civil en matière successorale90.
36Les professeurs sont alors libres de toute sujétion vis-à-vis d’une jurisprudence dont ils précisent qu’elle porte sur les arrêts, pour ne pas la confondre avec la jurisprudence, terme qui désigne encore la doctrine ou la science du droit. On comprend donc que les professeurs des deux premiers tiers du siècle aient pu jouer le rôle de censeurs de cette jurisprudence des arrêts. Eux-mêmes membres du Palais, ils entendent guider l’ensemble des praticiens du droit91. Tout en respectant ce qui est encore un pouvoir judiciaire, ils n’hésitent jamais à refuser les décisions qui ne leur semblent pas les meilleures92, à faire primer les principes dont ils se font les défenseurs. Aussi François Laurent peut-il affirmer : "j’ai tenu grand compte de la jurisprudence, approuvant et critiquant, cela va sans dire, avec pleine liberté. En droit, il n’y a pas d’autorité devant laquelle on doive plier. J'ai un profond respect pour nos bons auteurs et pour les décisions des cours, mais je ne me soumets qu’à la raison"93. Leur mission est alors de prolonger leur œuvre de systématisation de la loi et du droit en intégrant les décisions juridictionnelles au système juridique en vigueur.
37En réponse à Sacase qui affirme la prééminence incontestable de l’activité juridictionnelle, et donc des magistrats, Ancelot écrit : "s’il s’agit d’assigner les rangs entre elles, que le premier soit à la doctrine ; car elle était avant la jurisprudence, et elle est au-dessus d’elle comme le principe est au-dessus du corollaire, la pensée au-dessus de l’action, la raison qui conçoit et dirige au-dessus de l’habileté qui applique et exécute"94. Il poursuit en affirmant : "C’est ici que je réclame en faveur d’un droit antérieur et supérieur, celui de la doctrine ou de la science. Et d’abord qui a fait la loi elle-même ? n’est-ce pas surtout la doctrine ?"95. Pour lui, c’est effectivement la doctrine qui tire des arrêts "l’or pur de l’instruction juridique"96. Edmond Meynial, pourtant ardent défenseur de la jurisprudence, en conviendra en 1904 : "C’est la note d’arrêt qui a permis de tirer de la jurisprudence tout l’enseignement qu’elle contient en y amalgamant, pour lui donner la consistance nécessaire, une parcelle de cet esprit doctrinal sans lequel elle resterait éparse"97.
38Faustin Hélie, à la fois membre de la magistrature et de la doctrine, écrit ainsi en tête du premier numéro de la Revue critique de législation et de jurisprudence : "Lorsque les principes semblent se troubler devant un amas de plus en plus confus d’innombrables arrêts, lorsque les praticiens sont fatalement conduits à substituer les décisions d’espèces aux décisions de droit, le moment est opportun de réagir contre cette tendance, et de ramener les études au culte des principes"98.
39A partir de 1850, et surtout à la charnière des XIXe et XXe siècles, une nouvelle tendance voit cependant le jour. Au moment où se développe la sociologie, et alors que celle-ci conteste à la science juridique son magistère social, les professeurs ne veulent pas se voir reprocher de demeurer dans une tour d’ivoire et de n’étudier que la loi. Ils tendent alors à faire de l’analyse des arrêts l’objectif, sinon principal, du moins essentiel de leur activité. C’est ainsi au moment où les professeurs perdent, pour nombre d’entre eux, leur lien ontologique avec le Palais99 que ce dernier fait l’objet d'un respect comparable à celui des textes législatifs. Confrontés au risque de perdre leur auditoire constitué principalement des praticiens100 et soucieux de reconstruire leur magistère doctrinal, ils s’attachent alors à mettre en exergue une jurisprudence des arrêts qui donnent ainsi lieu à une interprétation quasi-exégétique.
40Ce mouvement n’est certes qu’une tendance qui se dessine et certains auteurs, non des moindres, s’élèvent contre les prémisses d’un positivisme jurisprudentiel qu’ils jugent dangereux. C’est dans cette dernière perspective que se situe François Gény qui écrit alors : "A peine de se réduire à un rôle exclusivement empirique, la jurisprudence ne peut se passer du secours et de l’appui des auteurs. Ses travaux, conduits au jour le jour, et circonscrits au domaine concret des espèces, doivent, pour se soutenir et se développer, être dirigés par les vues d’une doctrine perspicace, et condensés en de fortes synthèses"101. Toutefois, les professeurs semblent bien, avec une amplitude qui s’accroît indubitablement, s’éloigner du modèle classique du jurisconsulte au grand regret de Claude Bufnoir102.
41La volonté de maîtriser la question sociale qui semble de plus en plus échapper à l’emprise des juristes103 et l’ambition de suivre, voire de conduire l’activité jurisprudentielle affectent la doctrine professorale. L’idée se fait jour selon laquelle la vie sociale doit être observée par le professeur qui peut ainsi se mesurer au modèle des autres sciences sociales, voire à celui des sciences dites exactes104. La jurisprudence des arrêts permet alors à la doctrine professorale une mutation : l’École peut devenir scientifique. L’observation de l’activité juridictionnelle, fait extérieur à l’université, lui permet en effet d’exprimer des opinions jugées plus scientifiques. Plus tard, dans l’entre-deux-guerres, Julien Bonnecase mènera le raisonnement à son terme en proposant la création d’instituts cliniques de jurisprudence non seulement pour que les Facultés de droit ne perdent pas leur audience privilégiée auprès des praticiens, mais également afin de défendre une conception scientifique de l’enseignement du droit comparable à celui de la médecine105.
42Cette évolution, qui s’accélère dès la fin du XIXe siècle, entraîne ainsi une mutation du vocabulaire juridique et il n’est plus alors besoin de préciser que la jurisprudence est celle des arrêts. On abandonne cette expression pour ne plus désigner par le terme jurisprudence que l’activité juridictionnelle qui est en passe de devenir une véritable source du droit. Or, il est remarquable que cette théorie soit le fait de l’université, qui édifie une théorie générale du droit au sein de laquelle les professeurs, par pudeur et sans doute par prudence, dissimulent leur propre contribution à la création du droit et du système juridique en vigueur.
43En définitive, bien que la doctrine civiliste soit composée de praticiens et de professeurs, la part de ces derniers croît tout au long du siècle, spécialement lorsque doctrine et jurisprudence s’élèvent au-dessus d’un Code civil qu’il a fallu d’abord commenter pour ensuite pouvoir en tirer un système juridique efficient. Le XIXe siècle est bien ainsi le temps où les professeurs étaient les pontifes du droit, et, bien que l’altérité entre l’École et le Palais soit très relative au cours du XIXe siècle, il est possible d’affirmer une forme de règne des professeurs. Celui-ci prend corps au milieu du XIXe siècle avec, sans doute, des auteurs tels que Demolombe, Aubry et Rau, et connaît son apogée à la fin XIXe siècle et au début du siècle suivant avec, notamment, Gény, Saleilles, Josserand, Planiol ou Capitant. Ce fait historique mérite d’être relevé tant au regard de l’imposant poids des praticiens dans l’histoire de la science juridique depuis ses origines que pour comprendre le rôle actuel des Facultés de droit.
Notes de bas de page
1 "Jurisprudence du XIXe siècle ou Table générale du Recueil général des lois et arrêts (1797 à 1850), par MM. Devilleneuve et Gilbert", Revue critique de législation et de jurisprudence, tome VI, 1855, p. 86.
2 Ibid., p. 84.
3 Il participe activement à la doctrine, notamment dans la Revue de législation et de jurisprudence de Louis Wolowski.
4 Cf. not. Ph. Jestaz et Chr. Jamin, La doctrine, Paris, 2004, p. 4-5, 174-180 et 193-202.
5 Les Écoles de droit sont en effet créées par la loi du 22 ventôse an xii (13 mars 1804), puis transformées en Facultés de droit par le décret du 17 mars 1808. Le Code civil est quant à lui promulgué par la loi du 21 mars 1804. Notons également un autre fait significatif concomitant : les Tribunaux d’appel et le Tribunal de cassation sont promus au rang de Cours et renouent ainsi avec le prestige et le faste de la justice d’Ancien Régime (sénatus-consulte du 28 floréal an XII [18 mai 1804]).
6 Sur ce point, cf. A.-J. Arnaud, Les origines doctrinales du Code civil français, Paris, 1969, p. 6 et s. ; Chr. Chêne, "La place des professionnels dans la formation des juristes aux XVIIe et XVIIIe siècles", Annales d’histoire des Facultés de droit, no 2, 1985, p. 51 et s. ; J.-L. Thireau, "La doctrine civiliste avant le Code civil", La doctrine juridique, Paris, 1993, p. 18 et s. ; "Le jurisconsulte", Droits, no 20, 1994, p. 27-29 ; "Pothier et la doctrine française des XVIe et XVIIe siècles", Robert-Joseph Pothier, d’hier à aujourd’hui, sous la direction de J. Monéger, J.-L. Sourioux et A. Terrasson de Fougères, Paris, 2001, p. 35 et s. ; J.-L. Gazzaniga, "Quand les avocats formaient les juristes et la doctrine", Droits, no 20, 1994, p. 32 et s. ; "Formation et culture des hommes de loi (XVIIe-XVIIIe siècle)", Le Gnomon, no 104, 1996, p. 23. Cf. également quant aux rédacteurs du Code civil eux-mêmes, J.-L. Halperin, "Quatre avocats pour un Code civil", Revue Internationale d’Histoire de la Profession d’Avocat, no 10, 1998, p. 183-199.
7 On peut ajouter à cette énumération, qui ne saurait prétendre à la moindre exhaustivité, le baron Jean Grenier (1753-1841), Charles Renouard (1794-1878), Léobon Larombière (1813-1893) ou Edouard Fuzier-Herman (1847-1901). Or, ces praticiens sont intimement liés à la vie des Facultés de droit. Par exemple, Paul Pont sera membre de plusieurs jurys d’agrégation et tous intègrent, à un titre ou à un autre, la doctrine.
8 Dès le début du siècle, les praticiens prennent ainsi une part active et déterminante à l’élaboration de la doctrine civiliste. Ils sont nombreux, à l’instar des auteurs cités, à développer une réflexion doctrinale sur le droit civil. Sur ces praticiens comme sur les professeurs cités infra, cf. spécialement J. Charmont et A. Chausse, "Les interprètes du Code civil", Le Code civil, 1804-1904. Livre du centenaire publié par la Société d’études législatives, Paris, 1904, tome 1, p. 133-172. ; E. Gaudemet, L’interprétation du Code civil en France depuis 1804, Paris, 1935 ; J.-L. Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, 2001 ; Ph. Jestaz et Chr. Jamin, La doctrine, op. cit. Les monographies consacrées à ces auteurs sont signalées dans les travaux précités.
9 Sur ce terme et la réalité qu’il recouvre, cf. not. J.-L. Thireau, "Le jurisconsulte", op. cit., p. 21-22 et 24. Il est notable que l’emploi de l’appellation jurisconsulte se maintient tout au long du XIXe siècle. Sur l’évolution et le maintien de cette expression au XIXe siècle ainsi que sur le terme doctrine, nous nous permettons de renvoyer à notre étude L’autorité de la doctrine civiliste française au XIXe siècle, Paris, 2002, not. p. 12-15 et 227-233.
10 Pour une défense du rôle de ces praticiens, cf. spécialement le propos d’Edmond Meynial (1861-1942) qui va jusqu’à parler d’une "École des praticiens" formée de Dupin, Nicias-Gailhard, Championnière, Marcadé, Paul Pont, Troplong et d’autres encore ("Les Recueils d’arrêts et les Arrêtistes", Le Code civil, 1804-1904..., op. cit., tome 1, p. 191-192).
11 En la matière, il est possible de consulter les travaux cités aux notes 8 et 9.
12 Troplong est pour Sacase un "véritable créateur dans une science que le plus grand nombre croyait épuisée, et qu’à une époque où la famille des grands jurisconsultes pouvait sembler s’éteindre, l’opinion publique lui a dévolu l’héritage des plus célèbres interprètes du Code Napoléon" (op. cit., p. 87). Sur Troplong cf. Ph. Rémy, "Préface aux préfaces de Troplong", Revue d’histoire des Facultés de droit, no 18, 1997, p. 161-188 ; "Choix de préfaces de Troplong et présentations", ibid., p. 189-354 ; A. Giudicelli, "Biographie expliquée de Raymond-Théodore Troplong", Revue d’histoire des Facultés de droit, no 20, 1999, p. 93-120 ; E. De Mari, "Les querelles de Monsieur Troplong", Cahiers des Ecoles Doctorales. Faculté de Droit de Montpellier, no 1, Les controverses doctrinales, 2000, p. 151-185 ; D. Houtcieff, "Sic transit gloria mundi. Regards jubilaires sur l’œuvre de Raymond-Théodore Troplong", Revue de la recherche juridique. Droit prospectif, 2003-4, p. 2277-2309.
13 Cf infra.
14 Sans oublier Charles Bonaventure Toullier (1752-1835), Édouard Colmet de Santerre (1821-1903), Théophile Huc (1829-1906), Ambroise Colin (1862-1929), René Demogue (1872-1938) ou le belge François Laurent (1810-1887). Georges Ripert (1880-1958), élève de Planiol, se situe quant à lui à l’extrême fin de notre période. Notons que cette liste non exhaustive exclut certains auteurs fondamentaux tels que Adhémar Esmein (1848-1913) ou Joseph Émile Labbé (1825-1894) qui se situent en marge des civilistes traditionnels.
15 Cf. not. Ph. Jestaz et Chr. Jamin, La doctrine, op. cit., not. p. 8-9 et 172 et s.
16 Discours préliminaire sur le projet de Code civil présenté le 1er pluviôse an XI par la commission nommée par le gouvernement consulaire, Discours et rapports sur le Code civil, Caen, 1989, p. 12-13. Sur Jean-Etienne-Marie Portalis (1746-1807), cf. not. B. Beignier, "Portalis et le droit naturel dans le Code civil", Revue d’histoire des Facultés de droit, no 6, 1988, p. 77-101 et "Portalis, rédacteur du Code civil", Portalis le Juste, sous la direction de Joël-Benoît d’Onorio, Aix-Marseille, 2004, p. 109-121 ; Fr. Dorce, "Portrait de l’auteur", Jean-Etienne-Marie Portalis. Ecrits et discours juridiques et politiques, Aix-Marseille, 1988, p. 11-17.
17 En la matière on consultera, en premier lieu, l’article fondateur du professeur Philippe Rémy, Éloge de l’Exégèse, Droits, no 1, 1985, p. 115-123. Outre les travaux précités aux notes 8 et 9, cf. Ph. Jestaz et CHR. Jamin, "En relisant Eugène Gaudemet", présentation de la réédition de E. Gaudemet, L’interprétation du Code civil en France depuis 1804 (1935), Paris, 2002, not. p. 13 et 24 ; des mêmes auteurs, La doctrine, op. cit., p. 72 et s. ; J.-L. Halperin, "Exégèse (Ecole)", Dictionnaire de la culture juridique, sous la direction de D. Alland et S. Rials, Paris, 2003, p. 681-685 ; D. Bureau, "Les regards doctrinaux sur le Code civil, 1804-2004", Le Code civil. Un passé, un présent, un avenir, Paris, 2004, no 27 et s., p. 190 et s.
18 Cours de Code Napoléon, I, De la publication, des effets et de l’application de la loi en général, 2ème éd., Paris, 1860, no 194 et s., p. 254-335. En 81 pages, Demolombe dénonce "ce débris de la barbarie des temps anciens" (ibid, p. 332).
19 Cours de Code Napoléon, II, Traité de l’absence, 2ème éd., Paris, 1860 (518 pages de texte).
20 Traité des privilèges et des hypothèques, Paris, 1846.
21 Traité théorique et pratique de droit civil, Paris, 1895-1905, 26 vol.
22 Cf. par exemple Ch. Demolombe, Cours de Code Napoléon, V, Traité de la paternité et de la filiation, 2ème éd., Paris, 1860, no 480, p. 521-522.
23 Fr. Gény, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, 2ème éd., Paris, 1919, 2 tomes ; Science et technique en droit privé positif. Nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, Paris, 1914-1924, 4 tomes.
24 L’enseignement est, en effet, la première forme de systématisation. Sur ce point, cf. J. Gaudemet, "Tentatives de systématisation du droit à Rome", A.P.D., tome 31, 1986, p. 13-15 ; J.-L. Thireau, "La doctrine civiliste...", op. cit., p. 44.
25 Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, 4éme éd., Paris, 1869-1879, 8 tomes.
26 Introduction à l’étude du Droit civil. Notions générales, Paris, 1898 et A. Colin et H. Capitant, Cours élémentaire de droit civil français, Paris, 1914-1916, 3 tomes.
27 L’expression est assez répandue au XIXe siècle. En l’occurrence, elle se trouve sous la plume d’Adolphe Ancelot, "Quelques réflexions sur la doctrine et la jurisprudence comparées", Revue critique de législation et de jurisprudence, tome VII, 1855, p. 195.
28 Pour Demolombe, "la théorie scientifique du droit" est constituée par "cet ensemble de règles doctrinales, fondées sur les textes, sur la jurisprudence, sur les écrits des jurisconsultes..." (Cours de Code Napoléon, I, op. cit., no 13, p. 13).
29 Ibid., p. I-II.
30 Op. cit. p. 195. Notons qu’Adolphe Ancelot (1815-1889) est lui aussi membre de la doctrine puisqu’il intervient dans plusieurs revues juridiques.
31 Cf. not. Ch. Demolombe, Cours de Code Napoléon, IX, Traité de la distinction des biens ; de la propriété ; de l’usufruit, de l’'usage et de l’habitation, 2ème éd., Paris, 1861, tome 1, no 8, p. 6.
32 Sur ce point, cf. Chr. Atias, Épistémologie juridique, Paris, 1985, no 83, p. 158 ; Théorie contre arbitraire, Paris, 1987, p. 33. Sur la mutation de la signification de la notion de théorie au XIXe siècle, cf. H. Arendt, La crise de la culture, Paris, 1989, p. 56 notamment.
33 Sur ce point, cf. not. les travaux cités à la note précédente et aux notes 8 et 9.
34 Cf. R. Sève, "Déterminations philosophiques d’une théorie juridique : La Théorie du patrimoine d’Aubry et Rau", A.P.D., tome 24, 1979, p. 248. Cette "théorie d’Aubry et Rau imprègne encore de son esprit la pensée juridique" malgré les très nombreuses critiques dont elle a fait l’objet ( ibid., p. 256-257). Comparer avec l’action De rem verso qui trouve une origine doctrinale (Delvincourt puis Aubry et Rau) avant d’être consacrée par la Cour de cassation (B. Beignier, "Portalis...", op. cit., p. 97). Sur cette action, cf. également A. Bürge, "Le Code civil et son évolution vers un droit imprégné d’individualisme libéral", Revue trimestrielle de droit civil, 2000, p. 21-23.
35 Sur ce point, cf. M. Vidal, "L’inexistence du mariage, notion à controverse variable, dans la doctrine civiliste du XIXe siècle", Cahiers des Écoles Doctorales. Faculté de Droit de Montpellier, no 1, Les controverses doctrinales, 2000, p. 385-418.
36 Cf. O. Tholozan, "Henri Massol et la première théorie de l’obligation naturelle en droit civil français", Revue d’histoire des Facultés de droit, no 21,2000, p. 89 et s.
37 C. Bufnoir, Propriété et contrat. Théorie des modes d’acquisition des droits réels et des sources des obligations. Leçons recueillies et publiées par MM. Bartin, Deschamps, Deslandres, Pillet, Saleilles et Timbal. Avec une introduction de M. L. Guillouard, Paris, 1900, respectivement p. 160-196, 290-338 et 343-393.
38 Cf. E. Savaux, La théorie générale du contrat. Mythe ou réalité ?, Thèse Droit Paris I, dactyl., 1993, not. Nos 355-357, p. 289 bis et ter.
39 Cf. l’attitude de Demolombe qui se place sous le patronage de "la théorie générale du Code Napoléon" lui-même, par exemple en matière de vocation héréditaire des parentés incestueuses et adultérines, Cours de Code Napoléon, V, op. cit., no 602, p. 671.
40 C’est la doctrine qui permet au droit de devenir "un ensemble de règles qui assurent à la construction une unité systématique" (R. Demogue, Les notions fondamentales du droit privé. Essai critique, Paris, 1911, p. 227). C’est exactement le sentiment exprimé par Ancelot (op. cit., p. 195).
41 La pratique, notamment notariale, joue un rôle créateur et contribue à l’évolution du système juridique (J. Hilaire, La science des notaires, Paris, 2000, p. 271-272 notamment). Cf. également J. Deprez, "Pratique juridique et pratique sociale dans la genèse et le fonctionnement de la norme juridique", Revue de la recherche juridique. Droit prospectif, 1997, no 3, p. 800 et s.
42 C’est ce qu’exprimaient clairement F. Gény, Science et technique..., op. cit., tome 1, no 56, p. 161-164 et R. Demogue, Les notions fondamentales..., op. cit., p. 193.
43 Sur cette technique au XIXe siècle, cf. not. le tome troisième de l’ouvrage de Gény, Science et technique..., op. cit., tome 3, no 181, p. 11-15 et le propos de Demogue, Les notions fondamentales..., op. cit., p. 206.
44 Ch. Demolombe, Cours de Code Napoléon, I, op. cit., no 10, p. 9
45 Ibid., p. V-VI.
46 Ibid., p. VII.
47 Sur ce point, cf. l’analyse effectuée en 1844 par Demolombe lorsqu’il expose la "vieille querelle du commentaire et du traité, de la méthode exégétique et de la méthode dogmatique" (ibid., p. VI).
48 Commentaire théorique et pratique du Code civil, Paris, 1892, tome 1, p. x.
49 Gény, par exemple, estime qu’il faut conserver l’héritage qui caractérise la dogmatique juridique en vigueur (Méthode..., op. cit., tome 2, no 190, p. 246-247) bien qu’il dénonce par ailleurs les abus de la systématisation doctrinale (ibid., tome 1, no 81, p. 190-191).
50 C. Bufnoir, "Rapport présenté au nom de la Faculté de droit de Paris sur le projet de sectionnement de l’agrégation en Droit", Annales d’histoire des Facultés de droit, 1984, no 1, p. 99.
51 Sur le rôle de celui-ci, cf. les références données dans les notes 8 et 9.
52 Sur la place fort restreinte de la coutume au XIXe siècle, cf. not. J. Poumarède, "Défense et illustration de la coutume au temps de l’Exégèse (Les débuts de l’école française du droit historique)", La coutume et la loi. Études d’un conflit, sous la direction de Cl. Journès, Lyon, 1986 p. 95-112.
53 F. Sacase, op. cit., p. 83.
54 Ibid., p. 84.
55 Sur ce point, cf. not. J.-Cl. Farcy, Magistrats en majesté. Les discours de rentrée aux audiences solennelles des cours d’appel (XIXe-XXe siècles), Paris, 1998, p. 133 et 199-200.
56 Sur ce lien, cf. not. Chr. Jamin, "La rupture de l’École et du Palais dans le mouvement des idées", Mélanges Christian Mouly, Paris, 1998, p. 72-73.
57 La doctrine répond ainsi à Portalis qui appelait de ses vœux l’alliance de la science des jurisconsultes et de la jurisprudence des arrêts (Discours préliminaire..., op. cit., p. 8-10).
58 Valette, par exemple, est un avocat consultant de renom dont les consultations sont recherchées au Palais. Certaines sont d’ailleurs publiées dans ses Mélanges de droit, de jurisprudence et de législation, recueillis et publiés par les soins de MM. F. Hérold et Ch. Lyon-Caen, Paris, 1880, 2 volumes.
59 De nombreux autres professeurs ont été ou sont avocats. C’est le cas, notamment, de Proudhon, de Berriat-Saint-Prix (1769-1845), de Toullier, de Delvincourt, de Duranton, de Blondeau, d’Antoine-Marie Demante et de son fils Gabriel ou Aubry. C’est également le cas de Joseph Emile Labbé, avocat de 1845 à 1867, et premier secrétaire de la conférence des avocats entre 1849 et 1850.
60 Théophile Huc, agrégé en 1859, occupe la chaire de droit civil à Toulouse en 1864. Il devient maire de Toulouse de 1882 à 1884 avant de devenir conseiller à la Cour d’appel de Paris, cf. J. Dauvillier, "Le rôle de la Faculté de Droit de Toulouse dans la rénovation des études juridiques et historiques aux XIXe et XXe siècles", Annales de l’Université des sciences sociales de Toulouse, tome XXIV, fascicules 1 et 2, 1976, p. 363.
61 Sur cette question, cf. not. J. Hilaire, "Pratique et doctrine au début du XIXe siècle. L’œuvre de Jean-Marie Pardessus", Figures de justice. Etudes en l’honneur de Jean-Pierre Royer, Lille, 2004, p. 287-294 et, dans le même ouvrage, J.-L. Halperin, "Quelques Janus au XIXe siècle entre magistrature et doctrine", p. 79-88.
62 Cf. J. Dauvillier, op. cit., p. 346 ; J. Poumarède, "Le barreau et l’Université", Histoire des avocats et du barreau de Toulouse du XVIIIe siècle à nos jours, sous la direction de Jean-Louis Gazzaniga, Toulouse, 1992, p. 163-170 ; P. Ourliac, "Le barreau de Toulouse et l’Académie de législation", Histoire des avocats..., op. cit., p. 199.
63 Seuls quelques auteurs se montrent résolument hostiles à une telle mise en perspective des normes générales. Le grenoblois Taulier (1806-1861), par exemple, qui est pourtant avocat, blâme "la complaisante intervention [de la jurisprudence] dans les œuvres théoriques", Théorie raisonnée du Code civil, Paris, 1840, tome 1, p. 9. Il en va globalement de même du parisien Jean-Joseph Bugnet (1794-1866).
64 Charmont et Chausse sont peut-être ceux qui ont le plus justement souligné cet aspect de l’œuvre du doyen caennais, op. cit., p. 158-160. Pineton de Chambrun loue également, dans la Revue historique de droit français et étranger, la méthode de Demolombe et note : "On reconnaît en lui non-seulement [sic] un logicien dans sa chaire, mais aussi un homme habitué aux affaires ; et c’est l’alliance de ces deux qualités, si rare dans un même auteur, qui a contribué au succès du Cours de Code Napoléon" (tome 1, 1855, p. 609). C’est également l’opinion de Gustave Humbert, professeur à Toulouse, même revue, not. Tome 3, 1857, p. 204 et 206 ; tome 6, 1860, p. 372 ; tome 8, 1862, p. 367.
65 Cours de Code Napoléon, I, op. cit., p. III.
66 Ibid., p. III-VI.
67 Ibid., p. V.
68 Ibid., no 10, p. 9.
69 Cf. par exemple, Cours de Droit civil français suivant le Code civil, 3ème éd., Paris, 1834, tome 1, no 64, p. 42, no 68, p. 43 ou no 70, p. 44. Cet intérêt de Duranton pour la jurisprudence n’est d’ailleurs pas contesté par Charmont et Chausse (op. cit., p. 147-149) ou Eugène Gaudemet (L’interprétation..., op. cit., p. 31-33).
70 Les deux auteurs strasbourgeois se montrent discrets sur ce thème, sans que leur intérêt pour les décisions judiciaires puisse pourtant être mis en doute. Cf. not. Cours de droit civil français d’après ta méthode de Zachariae, 4ème éd., Paris, 1869, tome 1, § 39 bis, p. 125-129.
71 Principes de Droit civil français, Bruxelles et Paris, 1869, tome 1, no 281, p. 357-360.
72 Op. cit., p. XI-XII.
73 La volonté d’unir la pratique et la théorie, l’École et le Palais, est une constante dans l’œuvre de Demolombe. Cette idée revient fréquemment dans ses propos, Cours de Code Napoléon, I, op. cit., p. IV, p. VIII, no 8, p. 6 et no 63, p. 78. Le doyen de Caen est repris, sur ce point comme bien d’autres, par Huc (op. cit., p. XII) et par Ancelot (op. cit., p. 194-196).
74 Cours de Code Napoléon, I, op. cit., p. VIII. Son intérêt pour "cette partie animée, [...] presque dramatique de la législation, cette viva voxjuris civilis" (ibid., p. v) lui vaudra d’ailleurs les critiques peu crédibles de Julien Bonnecase (L’École de l’Exégèse en droit civil. Les traits distinctifs de sa doctrine et de ses méthodes d’après la profession de foi de ses plus illustres représentants, 2ème éd. revue et augmentée, Paris, 1924, no 49, p. 141).
75 Cours de Code Napoléon, I, op. cit., p. IV.
76 Sur Edouard-René Lefebvre de Laboulaye (1811-1883) cf. not. A. Dauteribes, "Laboulaye et la réforme des études de droit", Revue d’histoire des Facultés de droit, nos 10-11, 1990, p. 13-57 ; "Laboulaye, l’enseignement et la recherche", Droits, no 20, 1994, p. 55-64.
77 Cité par Ancelot, op. cit., p. 198.
78 Cf. par exemple Ch. Demolombe, Cours de Code Napoléon, IX, op. cit., no 160 et s., p. 80 et s.
79 Sur cette question, cf. le numéro spécial de cette revue (2002) et notamment Chr. JAMIN, "Les intentions des fondateurs", même revue, 2002, p. 646 et s.
80 Les professeurs sont au nombre de 14 pour 7 magistrats et 3 avocats dans le premier tome de 1886 et 22 pour 10 magistrats et 2 avocats dans le tome 31 de 1903.
81 Il en va de même dès ce premier numéro de Victor Marcadé et de Paul Pont. Auparavant, Valette et Duvergier avaient inauguré les chroniques de jurisprudence dans la Revue de droit français et étranger dans les années 1840.
82 Revue critique de la jurisprudence, tome 1, 1851, p. 1. Cette revue perpétue cet exercice tout au long de son histoire. Il en va de même de la Revue pratique de droit français fondée par Demangeat, Mourlon, Ballot et Ollivier et de la Revue générale du droit, de la législation et de la jurisprudence en France et à l’étranger publiée à partir de 1877. Par comparaison, la revue Foelix ou Revue étrangère et française de législation et d’économie politique qui devient à partir de 1844 la Revue de droit français et étranger, revue à laquelle participent notamment Désiré Dalloz, Valette, Oudot et Duvergier, offre une place plus restreinte aux arrêts.
83 Sur les arrêtistes, cf. Ed. Meynial, op. cit., p. 175-204; Chr. Chêne, "L’arrestographie, science fort douteuse", Recueil de mémoires et travaux publiés par la Société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, tome 13, 1985, p. 180 et s. ; Chr. Jamin, "Relire Labbé et ses lecteurs", A.P.D., tome 37, 1992, p. 247-267.
84 Labbé, professeur de droit romain, publie des notes à partir de 1859 au Journal du Palais. Ses notes sont considérables non seulement par leur nombre mais également par l’apport méthodologique et juridique qu’elles contiennent.
85 Gabriel Demante est d’abord professeur de droit romain à Toulouse de 1851 à 1864, avant d’enseigner le droit civil à Paris jusqu’en 1890.
86 Op. cit., p. 177.
87 Libérée par la suppression du référé législatif par la loi du 1er avril 1837 mais encore prudente jusqu’au milieu du XIXe siècle, la jurisprudence de la Cour de cassation se développe et gagne en autorité à mesure que l’on se rapproche du dernier tiers du XIXe siècle. Sur cette évolution, cf. B. Beignier, "La conscience du juge dans l’application de la loi au début du XIXe siècle. La jurisprudence au temps de l’Exégèse", La conscience du juge dans la tradition juridique européenne, Ouvrage collectif dirigé par Jean-Marie Carbasse et Laurence Depambour-Tarride, Paris, 1999, p. 278 ; J.-L. Halperin, "Le tribunal de cassation et la naissance de la jurisprudence moderne". Une autre justice (1789-1799), Études publiées sous la direction de Robert Badinter, Paris, 1989, not. p. 227 et 232-233 et, du même auteur, Histoire du droit privé..., op. cit., nos 26-27, p. 52-54.
88 Cours de Code Napoléon, V, op. cit., no 480, p. 507-523. Il est remarquable, en l’occurrence, que le doyen caennais estime que sa thèse est confortée par le suffrage de Valette : "Puissé-je du moins avoir appelé sur elle le doute et l’examen !" (ibid., p. 523).
89 Cours de Code Napoléon, IX, op. cit., nos 151-190, p. 74-102 et nos 357-365, p. 220-234. Cf. également la rude démonstration de Laurent (op. cit., no 281, p. 357-360).
90 Cours de Code Napoléon, XIII, Traité des successions, Paris, 1857. Sur ce point, cf. Gustave Humbert, professeur à Toulouse dans Revue historique de droit français et étranger, tome 3, 1857, p. 207.
91 Cf. par exemple Ch. Demolombe, Cours de Code Napoléon, IX, op. cit., nos 11-12, p. 7-9.
92 Cf. par exemple ibid., no 74, p. 37 ainsi que no 232, p. 129.
93 Op. cit., p. vi.
94 Op. cit., p. 198.
95 Ibid., p. 194.
96 Ibid., p. 196.
97 Op. cit., p. 196.
98 1853, p. v.
99 Par exemple, Adhémar Esmein, Ernest Glasson (1839-1907), Planiol, Gény, Saleilles, Bonnecase, Ripert, Demogue, Capitant et Baudry-Lacantinerie ne font qu’un bref passage au barreau ou ne l’intègrent même jamais. Sur les raisons de cette évolution, cf. not. J. Poumarède, "Le barreau...", op. cit., p. 177-178 ; Ph. Jestaz et Chr. Jamin, La doctrine, op. cit., p. 158-161.
100 Après avoir noté que les répertoires dressent un tableau de la science juridique française au milieu du XIXe siècle, Edmond Meynial parle de la paresse et de l’inertie des praticiens : "De plus en plus, on plaida à coups de répertoire ; le Code lui-même en vint à ne passer qu’en seconde ligne, et de toutes ces recherches doctrinales, dont la connaissance et le souci avaient auparavant ennobli la pratique, il ne resta plus de trace dans la bibliothèque des praticiens plus jeunes" (op. cit., p. 192-193).
101 Méthode..., op. cit., tome 2, no 188, p. 236. Comparer avec M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, Paris, 1900, tome 1, nos 112-113, p. 39 et no 183, p. 76.
102 "Rapport présenté au nom de la Faculté...", op. cit., not. p. 104.
103 Sur cette question, cf. P.-Y. Verkindt et L. Bonnard-Plancke, "La réception de la "question sociale" par la doctrine juridique civiliste au tournant du siècle", Les acteurs de l’histoire du droit du travail, sous la direction de J.-P. Le Crom, Rennes, 2004, p. 19-27.
104 Il y a, en la matière, une remarquable convergence des juristes de la fin du XIXe siècle. Il en va ainsi notamment de Saleilles, Gény, Planiol, Esmein ou Demogue. Sur cette question, cf. not. Chr. Jamin, "La rupture...", op. cit., p. 81-82 et, du même auteur, "Relire Labbé...", op. cit., p. 251-252.
105 Cf. not. ses deux ouvrages, Précis de pratique judiciaire et extrajudiciaire. Eléments de clinique juridique plus spécialement à l’usage des aspirants au barreau, à la magistrature et au notariat, Bordeaux, Cadoret et Paris, Sirey, 1927 ; Clinique juridique et Facultés de droit. L’Institut clinique de jurisprudence, Paris, E. de Boccard, 1931 (extrait de la Revue Générale du droit, tome LV, 1931, p. 61-70). Notons que cette idée sera explicitement reprise lors de réalisations concrètes, notamment au Palais de Justice de Paris dans le cadre de l’Association polytechnique pour le développement de l’Instruction populaire en 1930-1931 (nous remercions vivement Melle Catherine Fillon pour les informations qu’elle a eu la gentillesse de nous fournir sur ce point).
Auteur
Maître de conférences à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV
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