Les mutations territoriales ou le retour à la distinction espace-territoire1
p. 705-726
Texte intégral
1L’appréhension et l’historicité de l’État dépendent étroitement des questions relatives au sol. Le territoire se présente comme un élément constitutif de l’État, son élément matériel2. Cependant, certains énoncés tels que “le territoire est l’espace où s’applique le pouvoir de l’État”3 ou bien “l’État est le seul sujet international ayant une assise spatiale véritable”4 participent à l’interrogation suivante : territoire et espace se recouvrent-ils ?
2Les termes territoire et espace demandent une clarification. L’emploi de l’un des deux ressorts d’une démarche volontaire, même si le distinguo apparaît comme avant tout celui des géographes5. Selon Raffestin, “l’espace est une étendue de nature physique qui sert de support –tridimensionnel aux activités humaines– (...) l’espace est une ressource non reproductible qui est limitée”6. L’espace apparaît donc comme un donné, le territoire comme un construit. Tout en étant liées, les notions d’espace et de territoire sont distinctes. Il n’y a pas de territoire sans espace, ce dernier conditionne la création du territoire7. Le territoire se différencie de l’espace par trois qualités. Le territoire ressort d’une appropriation, de l’exercice d’un pouvoir ; il est borné par des limites et il bénéficie d’une dénomination. Les notions de territoire et d’espace sont une clef de compréhension des enjeux actuels et débats anciens. Les discussions accompagnant la pré-campagne des élections européennes se focalisent sur la question turque et celle de la frontière de l’Union Européenne. Les vifs échanges sur la candidature de la Turquie traduisent un certain état du droit européen. Durant des années, la notion d’espace européen a prévalu, actuellement de nombreux politiques paraissent découvrir la question de la frontière ou des limites à l’Union Européenne. La relation espace–territoire et la difficulté à appréhender clairement cet enjeu ressort du droit communautaire8. Le cadre de l’Union européenne apporte une pierre de taille à la distinction entre espace et territoire, mais surtout elle met en exergue la mutation actuelle selon laquelle en se fonctionnalisant le territoire se dénature et des logiques spatiales s’imposent9.
3Le processus d’appréhension de la constitution des découpages territoriaux et celui relatif à la décentralisation n’échappe pas à la grille d’analyse territoire–espace. En présentant la décentralisation comme manière d’être de l’État, le Doyen Hauriou incite à revenir à l’un des éléments de l’État. La décentralisation en tant que qualité de l’État intègre la question territoriale. Par ailleurs, lors de son explication de l’histoire constitutionnelle, le Doyen de la faculté de droit de Toulouse exposait une perception cyclique. Il est tentant de transposer cette idée des cycles à la compréhension des collectivités territoriales, de leurs groupements et des découpages tels les pays. La référence au territoire et à l’espace permet de comprendre la démarche révolutionnaire. Un cycle territoire–espace–territoire apparaît dès 1789 (I). Aujourd’hui un nouveau cycle insistant sur la composante spatiale s’impose. Le procès instruit contre l’État jacobin témoigne des mutations territoriales. Mutations à plus d’un titre ; les catégories juridiques traditionnelles sont affectées avec l’apparition de nouveaux cadres d’analyse dont les référents ne sont plus strictement institutionnels mais font une part importante au fonctionnel. Par ailleurs les aspects démographiques, économiques, géographiques et sociologiques deviennent omni-présents dans l’appréhension des territoires. Les notions de bassins d’emplois, de zones urbaines, d’agglomération attestent d’une révolution spatiale et territoriale dont les EPCI et les pays sont deux illustrations. Toutefois ce retour à l’espace ne présage pas automatiquement une résurgence du territoire. La déterritorialisation contemporaine risque d’être définitive pour le territoire (II).
I – LA RELATION ESPACE - TERRITOIRE AU COURS DE LA DÉMARCHE RÉVOLUTIONNAIRE
4Le territoire résulte d’une appropriation de l’espace et cette production est continue, Raffestin évoque un processus TDR (territorialisation, déterritorialisation, reterritorialisation). La volonté des révolutionnaires de maîtriser l’espace national, transite par une mise à plat des découpages territoriaux10 issus de l’Ancien Régime et la fin de l’hétérogénéité des lieux de pouvoir. L’avènement d’un espace national en tant qu’étendue sans bornes investie des valeurs politiques, sociales qui “légitiment l’inscription spatiale de la nation” requiert une déterritorialisation. Cet espace national ne doit pas être entravé par les diverses limites des territoires de l’Ancien Régime. Puisque le territoire est l’objet d’une appropriation, d’une domination, il s’y exerce un pouvoir. Le territoire comme création sociale est au coeur du projet révolutionnaire. En considérant que chaque société crée son territoire, la Révolution se devait dans son entreprise de déconstruction de l’Ancien Régime de revenir sur la conception monarchique des territoires. La nouvelle organisation territoriale doit garantir une juste représentation politique de la Nation. Par l’intermédiaire des départements (A), les révolutionnaires ouvrent un nouveau cycle espace–territoire. La réforme communale demeurera pour sa part plus marquée par les impératifs territoriaux (B).
A – L’institution des départements
5L’entreprise révolutionnaire de division du royaume s’emboîte dans une construction plus globale, celle de la nouvelle société politique issue de la Révolution. L’intitulé du rapport en date du 29 septembre 1789 l’atteste : “rapport sur les bases de la représentation proportionnelle”. Dans son discours du 3 novembre 1789, Thouret rappelle la liaison entre le découpage et le pouvoir politique : “...Il faut donc parvenir à distribuer la représentation avec égalité, d’abord entre les différentes parties du royaume, ensuite entre les différentes parties de chaque province et fixer l’ordre des élections : il faut d’ailleurs déterminer avec précision le rang que les diverses classes d’administrations tiendront dans l’ordre des pouvoirs publics (...) ou rien ne sera véritablement fait pour la constitution (...) Établir la constitution, c’est pour nous, reconstruire et regénérer l’État (...) Établir la constitution, c’est porter au nom de la nation, en vertu du plus puissant de ses pouvoirs qui n’existe qu’en elle, et non dans aucune de ses parties, la loi suprême qui lie et subordonne les différentes parties de l’État au tout (...) Il n’y a point de représentants de bailliage et de provinces, il n’y a que des représentants de la nation (...) en matière de constitution (...) les premières maximes dont celles de l’union politique de tous les membres de l’État en un seul corps, et de la subordination de toutes les parties, au grand tout national (...) C’est d’après ces considérations (...) que vous apprécierez sainement les raisons qui se présentent pour et contre le plan de votre comité (...) Je les applique spécialement à la partie fondamentale de ce plan, qui concerne la nouvelle division territoriale du royaume”11. L’étude de ce rapport ne peut donc se limiter à celle de son contenu (2), elle requiert de revenir sur les raisons qui poussèrent à exalter l’uniformité (1).
1) Les fondements de la référence à l’uniformité
6Thouret souligne l’irrationalité de l’organisation de la France d’Ancien Régime12. Ce réquisitoire le conduit à proposer un contre modèle au service du nouvel ordre constitutionnel établi par les révolutionnaires13. Le rapport se compose de deux parties, l’une sur les bases de la représentation proportionnelle, l’autre sur l’établissement des assemblées administratives et des municipalités14. Le découpage n’est pas une fin en soi. Il intègre la relation territoire–pouvoir dans laquelle œuvre le néologisme de Sieyès adunation15. “Mais l’objectif est plus ambitieux : il réside dans l’utopie d’une commutation inédite entre le tout et les parties de la société, dans la recherche d’une division purement instrumentale, totalement neutre. Le but est clairement affiché : “fondre l’esprit local et particulier en un esprit national et public” (...) la société politique ne saurait donc reproduire la société –la représenter si l’on veut– elle doit au contraire en suggérer une image sublimée constituer dans son abstraction même une sorte d’anticipation d’une vraie société d’individus égaux. Le mérite de la société politique est en d’autres termes, de revendiquer son caractère formel comme une utopie positive”16. Le rejet de l’Ancien Régime ne se limite pas à la question géographique. Les révolutionnaires vilipendent le fonctionnement politique de l’ancienne société. Le découpage territorial doit garantir “une juste représentation politique de la Nation”17. “Divisions du territoire, souveraineté nationale et représentation se tiennent tels des maillons indissociables, dans la conception de Sieyès. Pour illustrer l’uniformité de la représentation, il s’était d’abord essayé à la maîtrise de la géographie de l’Assemblée...”18. L’élaboration d’une volonté commune doit se délivrer “des intérêts partiels d’une multiplicité de circonscriptions électorales”19. La France de l’absolutisme est phagocytée par les singularités, les intérêts de classe, le conservatisme ; des maux renforcés par le mode de représentation. La réforme passe par l’abandon du mandat impératif. Sieyès propose l’établissement de nouvelles assemblées représentatives. La fonction civique ne peut relever de l’ensemble des citoyens ; une représentation égale doit s’instaurer par l’entremise de ces nouvelles assemblées. La représentation constitue la solution. Le fondement de l’unité réside, selon Sieyès, dans la souveraineté nationale “devant laquelle doivent s’incliner particularismes et intérêts locaux et son complément, celle de la représentation politique (...) D’où la nécessité de présenter un plan précis de découpage, comme moyen d’instituer une bonne représentation égalitaire et proportionnelle mais surtout plus favorable aux courants centrifuges que centripètes”20. Le découpage territorial et le régime représentatif attestent de la volonté de proscrire les aspects de la France d’Ancien Régime. En effet, la monarchie fut avant tout une monarchie contractuelle, pour faire accepter la souveraineté du roi aux nouveaux territoires, elle devait composer avec les coutumes locales, les particularismes et octroyer des droits et libertés21. Parmi les trois avantages du plan du comité, Thouret avance : “le troisième est de pouvoir appliquer la même méthode à la formation des assemblées provinciales ; en sorte qu’un mouvement uniforme fasse arriver la représentation nationale au corps législatif, et la représentation provinciale aux assemblées administratives”22. La division sert le nouveau pouvoir. La cassure de la dépendance des députés envers leurs électeurs transite par l’adoption de circonscriptions électorales indifférenciées donc identiques les unes par rapport aux autres. Des divisions à la forme unique faisant disparaître l’esprit et les intérêts locaux. L’impersonnalité des départements renvoie à l’Assemblée la prise de décision. L’unité nationale ressort de la réunion, du produit des divers représentants, qui individuellement sont apathiques23.
7Le projet du comité emprunte au travail de Robert de Hesseln, dont la carte de France, “bien connue de Sieyès”24, énonce à titre de prolégomènes : “la France en des cartes de dix grandeurs uniformes régulièrement graduées par le nombre neuf dont la mesure et le nivellement établis à perpétuité sur le terrain offriront enfin des bases certaines aux propriétaires et à l’administration”25. Ce géographe du roi explique son quadrillage de la France à base de neuf ainsi : “le choix du chiffre neuf comme unique diviseur était commandé par les huit points principaux de l’horizon assis autour d’un centre, qui imposait la division générale et uniforme par 9 (8 + 1)”26.
2) Du projet au texte définitif
8La division proposée par le comité reflète la stratégie des révolutionnaires. Le découpage apparaît on ne peut plus géométrique et d’un implacable rigorisme. Les incertitudes doivent être levées par une maîtrise de tout l’espace, présenté comme une surface plane27 sans la moindre aspérité. Ce quadrillage permet d’annihiler toute entreprise de contre-réforme, en occupant le territoire la contre-révolution ne peut s’immiscer dans le moindre espace.
9Pour respecter “la preuve par neuf”, Thouret précise : “A ces quatre-vingts départements, il en faudrait ajouter un, de plus, formé du district central où se trouve la ville de Paris...”28. Les niveaux inférieurs reproduisent cet adoubement par neuf29. Sur ces bases s’amorça le débat à l’Assemblée.
10Le texte final relatif à l’institution départementale repose sur un compromis. Leur nombre fut arrêté à 83, dont les limites tenaient compte des anciennes provinces, “leurs appellations mêmes les identifièrent aux particularités géographiques de leurs territoires”30. Malgré les efforts de Sieyès et de Thouret pour masquer les véritables objectifs de la réforme31, c’est-à-dire l’élimination des provinces, les réactions –dont celle de Mirabeau– concernant les atteintes à ces anciens cadres ne tardèrent pas.
11Parmi les arguments avancés contre du découpage, “l’idée que le démembrement des provinces est impossible parce que contraire à la nature. Si Ton accepte le principe de la division en plus petites unités, on refuse celui de la transgression des limites existantes, en tant qu’infraction à un ordre transcendant”32. L’adoption d’un découpage géométrique à la forme unique, c’est-à-dire une étendue identique pour chaque cadre, permet d’outrepasser tous les particularismes. Pour les provincialistes, le découpage du territoire doit se conformer à ces lois. L’homme ne peut modifier certains états de fait. La nature, les dieux ont établi des règles dont l’homme ne peut se défaire. Ses facultés de raison lui offrent la seule capacité de s’y adapter : “le mode d’action préconisé par les provincialistes consisterait donc à repérer le plan de division que suggère la nature et à l’utiliser comme modèle pour un nouveau découpage électoral et administratif”33. Selon eux, l’identité des mœurs, des habitudes, des coutumes servent de critères de délimitation et de différenciation. Marie-Vic Ozouf-Marignier écrit : “la différenciation spatiale à laquelle se livrent les provincialistes est bornée à l’avance par un choix idéologique qui postule que les limites obtenues doivent coïncider avec les limites provinciales”34. Plus loin, l’auteur précise : “l’écho rencontré par le discours de Mirabeau fut considérable”35. Tout le talent du député de Provence consiste à fustiger le rapport du Comité, tout en s’accordant sur sa finalité (l’unité). Cependant, derrière les apparences se cache une épistémologie différente, Mirabeau propose de modifier sans révolutionner : “je voudrais une division matérielle et de fait, propre aux localités, aux circonstances, et non point une division mathématique, presque idéale et dont l’exécution paraît impraticable (...) j’ai à vous proposer un plan très simple dans la théorie, et plus simple encore dans l’exécution”36. Mirabeau s’évertue à concilier toutes les obédiences présentes dans l’Assemblée : “je voudrais une division dont l’objet ne fut pas seulement d’établir une représentation proportionnelle, mais de rapprocher l’administration des hommes et des choses, et d’y admettre un plus grand concours de citoyens, ce qui augmenterait sur-le-champ les lumières et les soins, c’est-à-dire la véritable force et la véritable puissance. Enfin je demande une division qui ne paraisse pas, en quelque sorte, une trop grande nouveauté ; qui si j’ose dire, permette de composer avec les préjugés, et même avec les erreurs, qui soit également désirée par toutes les provinces...”37. L’homme doit être le véritable bénéficiaire et la pierre angulaire de la réforme territoriale38. Le député de Provence s’attache à l’amélioration du système administratif39. Mirabeau ne divise pas le royaume mais les provinces40. La délimitation se réalise à partir des éléments réunissant et identifiant les personnes. L’identité des attitudes est réunie et forme une division. L’uniformité est donc intérieure au groupe. Cette recherche ne doit pas se faire à une grande échelle, car derrière cela apparaît l’objectif d’une bonne administration du royaume : “que chaque département soit placé dans une ville principale, et que son arrondissement soit tel qu’il puisse facilement se prêter à un système uniforme d’administration pour tout le royaume”41. L’évocation de l’uniformité par Mirabeau a donc une visée instrumentaliste, il oppose au rationalisme scientifique du comité, le pragmatisme nécessaire à l’administration42. Derrière l’uniformité départementale, ces débats s’inscrivent dans la problématique espace–territoire. L’organisation de l’administration locale relève-t-elle d’un vaste programme de mise à plat, appuyé sur la raison ou bien doit-elle se concilier avec certaines réalités sociologiques et de terroir ? Ces interrogations seront au cœur du découpage municipal. Ce dernier ne peut se résumer en la classique et incontestée formule de “l’uniformité communale”.
B – La question municipale, résurgence des oppositions territoire - espace
12La création par la loi du 14 décembre 1789 de 44.000 communes ne résulte pas d’une tabula rasa. Elle s’inscrit à la suite d’une part, des projets qui ponctuèrent les dernières décennies de l’Ancien Régime et d’autre part, des objectifs du projet Thouret (1). Le chiffre de 44.000 municipalités est très éloigné de celui du projet Thouret (720). Une telle différence s’explique par les prises de positions et les tergiversations entre l’approche spatiale et l’approche territoriale (2).
1) Les projets de réforme municipale
13Le décret du 4 août 1789, “allait permettre aux constituants de concevoir avec la plus grande liberté d’esprit le nouveau régime municipal”43. “Ce rapport Thouret préconisait la création d’un petit nombre de communes (...) or paradoxalement et contre toute attente, cette idée bien accueillie au départ va être, ensuite, totalement abandonnée au profit de la théorie de l’émiettement communal”44. Le projet Thouret reprend notamment les idées de Sieyès et de Condorcet. Or, Condorcet est, sans doute, l’homme de la révolution qui a le plus réfléchi sur ce que l’on pourrait appeler “la philosophie de l’administration locale”45. Par ailleurs, l’évocation de Condorcet incite à revenir sur les projets antérieurs dits des lumières et notamment celui de Turgot. De nombreux écrivains, physiocrates et libéraux ont présenté des plans pour une nouvelle division du royaume. Dans le mémoire au roi sur les municipalités, Turgot reprend la référence aux pays d’États, lui permettant de dénoncer l’excessive diversité source de tant de maux46. La disparition des disparités territoriales doit servir le pouvoir royal ; l’esprit de désunion nuit en tout premier lieu à la puissance du roi. Les propositions de Turgot ne font pas du découpage une fin en soi, elles intègrent une vision globale du pouvoir politique et de la société. Certains points annoncent le projet révolutionnaire.
14L’unité territoriale a des finalités pédagogiques. L’aménagement spatial concourt à la préparation des “individus et des familles dans une bonne constitution de la société”47. “La première et la plus importante de toutes les institutions que je croirais nécessaires, (...) celle qui doit influer le plus sur la totalité du royaume, serait sire, la formation d’un conseil de l’instruction nationale (...) le premier lien des nations est les mœurs, la première base des mœurs ; est l’instruction prise dès l’enfance sur tous les devoirs de l’homme en société. Il est étonnant que cette science soit si peu avancée. Il y a des méthodes et des établissements pour former des géomètres, des physiciens, des peintres. Il n’y en a pas pour former des citoyens. Il y en aurait, si l’instruction nationale était dirigée par un de vos Conseils, dans des vues publiques, d’après des principes uniformes”48. La diversité maintient l’obscurantisme intellectuel. Cette instruction existe uniquement dans le cadre religieux49. Une liaison entre le découpage territorial et l’instruction semble se dessiner. Dans un développement consacré aux “villages, et de l’espèce d’administration municipale dont ils sont susceptibles”, Turgot mentionne “d’assez bonnes divisions du territoire”, les paroisses50. L’administration de villages doit reproduire les avantages de l’agencement paroissial. Une telle organisation pallie les vices de l’intendance51. L’unification des paroisses et de leurs assemblées municipales doit se transposer aux villes. Il s’agit également de faire participer les personnes concernées et elles uniquement. Ambitieux projet au regard des données pour le moins antinomiques. En effet, la sorte “d’administration municipale” dont elles disposent cohabite avec la plus extrême diversité, source de gênes pour le pouvoir royal52. La nécessité conduit Turgot à proposer une réforme des villes en se rapprochant le plus possible de celles des villages, hypothèse réductrice53 ou en la reproduisant hypothèse maximaliste. Turgot “critique les structures sociales et politiques, regrette le défaut d’un “intérêt commun visible”, et préconise une superposition d’assemblées correspondant à des divisions nouvelles”54. Selon le Professeur Roussillon, “Condorcet, qui a vraisemblablement lu cet ouvrage, propose une administration à trois niveaux : communautés, districts, provinces”55. Propos d’autant plus intéressant que “plus encore que Sieyès, qui a servi surtout d’intermédiaire, c’est Condorcet qui est le père spirituel du “projet Thouret””56. De son “essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales” (1788) à la constitution girondine57, Condorcet défendra la thèse des grandes communes. La communauté doit correspondre soit à une ville soit à plusieurs villages et ceci pour deux raisons principales “la première pour que les communautés de campagne, n’aient pas à l’égard des villes une infériorité trop marquée, la deuxième afin que les communautés de campagne soient moins exposées à l’influence d’un seigneur” ; quant aux critères de ces communautés, ils sont à la fois démographiques et territoriaux : “les communautés ne contiendraient pas au-dessous de 4.000 à 5.000 personnes, ni au-dessus de 10.000 à 12.000” ; l’étendue devrait être calculée de manière à ce que dans l’espace d’un jour les citoyens les plus éloignés du centre puissent se rendre dans le chef-lieu,...”58. Les travaux de Condorcet et les idées de Sieyès59 influencèrent donc le rapport de Thouret. Dans l’article 2, il est indiqué que ces 720 divisions porteront le nom de communes (soit 9 par département) et qu’elles devaient être “les véritables unités ou éléments politiques de l’empire français”60. Thouret s’efforce de concilier ce découpage avec l’unité nationale, le but était de constituer de grandes administrations détachées de l’intérêt individuel, “si proche de l’intérêt de communauté” c’est-à-dire de l’intérêt local61. Selon Thouret, les grandes communes évitent la dispersion des deniers publics, les corps municipaux en nombre réduit seront plus puissants, “le souci de l’uniformité était total et il n’était pas envisageable que le statut communal fût morcelé”62. Toutefois, le 10 novembre, le contre-projet de Mirabeau invoquait la géographie contre la géométrie et le 12 novembre 1789, l’Assemblée décrète “qu’il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne”. À défaut d’opérer un nouvel aménagement de l’espace et un nouveau découpage, la Constituante a pour unique audace d’uniformiser le statut des municipalités. Comme l’indique le Professeur Ellul, “l’on maintint le système de l’Ancien Régime, en transformant seulement la paroisse en commune, et en organisant un régime uniforme partout”63.
2) Le débat espace–territoire
15Selon Mirabeau, les mœurs, les habitudes, les coutumes, en d’autres termes des logiques territoriales doivent guider le découpage. La reconnaissance de 44.000 communes, villes et anciennes paroisses rurales tient compte du territoire. Par ailleurs, certaines données de fait s’imposaient. Au lendemain des premières journées révolutionnaires, des municipalités s’étaient constituées spontanément. De plus, le projet de grande commune, dans cette visée de mise à plat de l’espace, aurait porté atteinte aux deux caractères de la commune, le caractère communautaire et urbain. Il n’est pas besoin de longs développements pour montrer que la constitution de communes de 576 km2 et de 35.000 habitants (...) ne correspondait à aucune réalité sociologique (...) Le caractère communautaire de la commune était incompatible avec l’idée de “grande commune”64. Selon l’auteur, sociologiquement la création des grandes communes provoque “l’écrasement” des villes65. Le territoire communal consacre l’existence de liens communautaires entre les habitants. “Au total, la réalité communautaire de ces groupements s’est imposée au Constituant et le territoire communal qui en émerge a un très fort contenu sociologique”66. Les impératifs sociologiques et territoriaux ont prévalu en 1789, l’uniformité municipale s’est imposée mais en tant que statut ou régime. La volonté d’instaurer des grandes communes qui correspondait au désir de maîtriser l’espace national s’est heurtée aux réalités de terrains et humaines. Toutefois, le projet Thouret ressurgira sous le Directoire.
16Le projet révolutionnaire d’établissement d’une nouvelle organisation territoriale nécessitait préalablement une déterritorialisation. Un nouveau cycle espace–territoire s’ouvre. L’espace est donc intégralement divisé en départements et communes, une nouvelle rationalisation de la division de l’espace apparaît engendrant de nouveaux territoires. Ce cycle est actuellement l’objet de contestation, de nombreuses voix insistent sur son artificialité et son obsolescence.
II – LES NOUVELLES MODALITÉS DE LA RELATION ESPACE–TERRITOIRE
17Depuis une trentaine d’années, les territoires connaissent un nouveau regain d’intérêts, auxquelles la décentralisation, la construction européenne et la mondialisation des enjeux économiques contribuèrent. Les réflexions sur les territoires reçoivent donc une double influence interne et externe. Les mutations territoriales actuelles et notamment la recherche d’un “territoire réel” ou la quête d’une gouvernance locale conduisent à une nouvelle mise à plat des divers découpages. Une opposition entre les juristes tenants d’une approche institutionnelle et politique des territoires et les aménageurs plus enclins aux approches géographiques et sociologiques67 se dessine. La singularité réside dans la confusion des dénominations. En considérant l’espace comme le cadre dans lequel s’inscrivent des lieux et des évènements, c’est-à-dire en tant que concept géographique et le territoire comme une aire que s’est appropriée une communauté humaine et sur laquelle s’exerce une autorité politique, les nouveaux ensembles que sont les établissements de coopération intercommunale et les pays (A) relèvent plus d’une conception spatiale et fonctionnelle que d’une conception territoriale. Leurs identifications font appel à tout un ensemble de dénominations (bassin d’emplois, zone et aire urbaine) et de sigles (PADD, PDU, PLU, SCOT...) attestant de la prévalence des référents statistiques, géographiques caractérisant la fonctionnalisation du territoire et la déterritorialisation (B).
A – EPCI et pays
18L’année 1999 fut riche en textes (Loi Chevènement 12 juillet 1999, Loi Voynet 25 juin 1999) qui apportèrent des modifications en matière d’intercommunalité (1) et de pays (2). Ces lois introduisent une certaine ambiguïté, l’insistance d’une part sur la création d’ensemble d’un seul tenant et sans enclave - la contiguïté territoriale – semble renforcer le territoire d’autre part la référence à la cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale génère un flou sur la véritable visée des pays.
1) L’intercommunalité
19La loi de juillet 1999 impose que les communautés d’agglomération et les communautés de communes et urbaines créées à compter de cette date soient d’un seul tenant et sans enclave. Le territoire doit se présenter comme uni et homogène. Cette règle de la continuité territoriale ne constitue pas une innovation ; la loi du 4 février 1995 et celle du 26 juillet 1996 entre autres, prescrivent la présence et l’organisation des services publics sur l’ensemble du territoire ou la desserte de l’ensemble du territoire en téléphonie filaire68. M. Markus explique “le principe de continuité se joue des divisions départementales, communales et autres. Il s’applique par delà les territoires et conduit même à nier toute division territoriale au profit d’une couverture uniforme du pays en services publics”69. L’édiction de la règle de la continuité territoriale ambitionne de mettre un terme aux enchevêtrements chers aux syndicats de communes et aux phénomènes d’inclusion ou d’exclusion de certaines communes. Désormais, un espace sans ligne de fracture doit se dessiner, évitant par-là même les écarts entre les communes d’une même zone.
20L’ambition d’élaborer un nouveau quadrillage du territoire sans enchevêtrements et celle d’assurer un espace pertinent de développement passaient par l’intégration financière. La question fiscale constitua durant de nombreuses années un obstacle majeur aux politiques de coopération. Si la fiscalité propre, inaugurée par la loi de 1992, permettait d’aller dans le sens d’une unification des taux sur le territoire de l’établissement, il convenait d’aller encore plus loin. Dès 1997, le projet de loi relatif au développement de la coopération intercommunale qui faisait suite au pré-rapport relatif à l’intercommunalité proposait parmi les trois objectifs principaux, la promotion de la taxe professionnelle d’agglomération70. Cependant, à la veille de la loi du 12 juillet 1999, les groupements à fiscalité spécifique dotés d’une fiscalité d’agglomération étaient un échec. On dénombrait en milieu urbain uniquement 5 communautés de villes contre plus de 1.000 communautés de communes. La limitation des risques de concurrence entre les communes passait donc par l’unification des taux de taxe professionnelle. Le succès très mitigé des politiques incitatives71 a conduit le législateur en 1999 à rendre la taxe professionnelle unique obligatoire pour les communautés d’agglomération et les communautés urbaines créées postérieurement à la loi “Chevènement”. L’uniformité du taux de taxe professionnelle contribue à un développement cohérent et harmonieux des territoires. Selon le Professeur Degoffe, “…L’un des soucis du législateur est de renforcer la solidarité intercommunale, de gommer les disparités entre communes se trouvant dans une même aire. Fort logiquement, cela se traduit en termes de fiscalité par l’instauration de la taxe professionnelle unique. La communauté d’agglomération percevra obligatoirement la taxe professionnelle au lieu et place des communes”72.
2) Le pays, une certaine valorisation de la diversité
21Le pays symbolise les dynamiques de la “gouvernance” et de la proximité. La création des pays repose en effet sur l’existence d’une “cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale”, par-delà les critères purement administratifs, dimensionnels ou démographiques (...) les pays en particulier, ne se résument pas à de simples divisions territoriales, mais constituent un véritable placage du droit sur des réalités socio-économiques locales”73. Le pays s’oppose à l’idée de réglementation, d’institution, de rationalisation abstraite. Le pays fait ses premiers pas vers la sphère juridique via la planification et plus particulièrement le VIIe Plan qui le concevait comme un échelon contractuel de référence dans le cadre d’une politique nationale de développement régionalisé. “...Avec la mise en place des “contrats de pays” inventés par la DATAR pour promouvoir le développement des ensembles formés par une petite ville-centre comptant entre 5.000 et 15.000 habitants et sa zone d’influence géographique”. L’objectif est alors de freiner la dévitalisation des campagnes par une politique de l’emploi, de maintien des services publics et l’amélioration du cadre de vie”74. Les spécialistes de l’aménagement et du développement local se l’accaparèrent et il allait devenir un espace stratégique. Au cours des débats parlementaires sur la future loi no 95-155, le ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire rappelait, “il apparaît ainsi nécessaire et urgent de donner un élan nouveau aux actions de l’État et des collectivités territoriales qui visent à réduire les inégalités de développement. Et il apparaît tout aussi impérieux de promouvoir un mode développement qui privilégie désormais la solidarité et la complémentarité de l’espace national dans son ensemble sur la rivalité et la concurrence de chacune de ses composantes”75.
22Les “pays” doivent participer à la réorganisation du territoire et contrecarrer les dysfonctionnements pour rétablir l’unité et reconstituer les solidarités. Ils s’inscrivent dans cette promotion de l’égalité des chances non seulement entre les citoyens, mais également entre ces différents territoires constitutifs du territoire national. Le pays permet la correction des déséquilibres, mais à l’intérieur des sphères de mobilité des individus. En conséquence, des variations sont possibles d’une zone à l’autre. Ces territoires n’éliminent pas les communes “base de notre réseau de relations sociales”76, mais la société change et “la commune n’est plus le seul niveau susceptible de couvrir l’ensemble des besoins de la population qu’elle regroupe”77.
23Il devient alors nécessaire d’adopter une nouvelle démarche. L’harmonie de l’aménagement et du développement modifie le sens de la relation. Il ne s’agit plus d’un diktat étatique en direction du local conçu globalement à partir de schémas stéréotypés, mais d’une plus grande prise en compte du local et de sa demande, “l’idée plus ou moins implicite est que le pays est “naturel” (...) il est le résultat d’une prise de conscience par les responsables locaux de leur appartenance à une même entité (terroir, montagne, fleuve...). La procédure ne peut donc être qu’ascendante”78. L’identité du pays reconnaît et intègre la diversité. L’article 2 de la loi de 1995 pose une nouvelle organisation du territoire fondée sur les notions de bassin de vie, organisés en pays et réseaux de ville. Évoquant le schéma national d’aménagement et de développement du territoire, l’article précise : “il tient compte des solidarités interdépartementales, interrégionales et européennes ainsi que des spécificités et handicaps de chaque territoire”79. Cette prise en compte de ce qui est propre à chaque territoire s’oppose aux programmes antérieurs imposant, par la voie descendante, des mesures et des objectifs définis sans mise en adéquation avec la réalité du terrain. L’article 22 expose les caractéristiques du pays, “cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, la commission intercommunale constate qu’il peut former un Pays”80 qui “exprime la communauté d’intérêts économiques et sociaux ainsi que le cas échéant, les solidarités réciproques entre la ville et l’espace rural”81. Le choix du verbe “constate” atteste de l’impossibilité de décréter le pays82, le législateur a placé l’émergence du pays sous le signe du pragmatisme. L’article 22 est peu prolixe quant à la notion de pays et cette dernière est pour le moins floue83. La circulaire apporte une terminologie “territoire pertinent” absente de la loi, mais par delà son caractère nébuleux elle traduit l’intervention étatique notamment pour arrêter le périmètre.
24Les originalités et les différences caractérisent les pays, “nous sommes bien près de la diversité évoquée par Braudel (...) En proposant de repérer ces différences pour identifier les Pays, le législateur reconnaît à chaque territoire un droit à la différence, ce qui constitue un renversement de tendance par rapport aux objectifs résolument uniformisants de la République...”84. La diversité ressort de l’énumération alternative des composantes ; le pays est un processus chimique, selon la part variable des éléments la réaction sera différente. La part historique ou culturelle différera en fonction des territoires. Le dosage de chacun des éléments de cette identité n’est “jamais tout à fait semblable”, comme le disait Braudel, et ce sont ces “nuances” qui créent l’identité dans “l’hétérogénéité”85. L’État adopte l’organisation de ses services et coordonne ses actions en faveur du développement local et du développement urbain dans les pays. En optant pour le pays comme échelon intermédiaire entre la métropole et la campagne, “il est important pour le gouvernement de poser comme parfaitement absurde de vouloir uniformiser la diversité démographique et la répartition des activités sur l’ensemble du territoire”86.
25Toutefois, la dénonciation de l’uniformité territoriale transite par une terminologie floue. La notion de pays fait appel à des critères abstraits (cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, les solidarités réciproques entre la ville et l’espace rural) regrettables dans un processus d’identification87. La circulaire du 21 avril 1995 innove avec la terminologie “espace pertinent” qui présage d’une certaine marge d’appréciation de la part des autorités publiques : “en supposant que ce pays soit pertinent et existe il faut qu’il prouve son efficacité et sa solidarité”88. D’autres qualificatifs de la circulaire ont une faible signification : “dimension pertinente pour conduire un projet global de développement économique et d’organisation des services : le pays”, “espace cohérent”, “espace de projet”. Ils s’inscrivent dans la remise en cause d’un modèle territorial standard. Selon le Préfet Lefebvre, “la notion de projet commun de développement dépasse l’aspect traditionnel du programme d’équipements (...) Un tel projet doit comporter plusieurs volets : une définition de ce qu’il faut garder et protéger, une rationalisation, une rationalisation des services de proximité, (...) Un projet commun peut consister en une “charte” de développement du pays, un règlement général de vie en commun qui appréhende d’autres enjeux (...) Il peut s’agir de l’habeas corpus d’un territoire déterminé, porteur de normes locales communes aux citoyens, aux producteurs et distributeurs de biens et de services : un droit local de l’aménagement du territoire dérivé du droit national avec l’expérience un caractère subsidiaire”89.
B – Les nouveaux découpages ou la fin du territoire
26Les éléments identificateurs des EPCI et des pays usent de terminologies, de sigles directement étiquetés l’INSEE90 ou DATAR et d’un vocabulaire empreint de notions économiques renforçant la logique fonctionnelle actuellement en vogue en matière de nouveaux territoires. Le processus de création des trois communautés (d’agglomération, de communes et urbaines) évoque la notion “d’espace de solidarité” et de “projet commun de développement et d’aménagement de leur espace91 ou territoire”92. Mme Bernard-Gélabert précise que les communautés d’agglomération reposent sur une nouvelle nomenclature spatiale, élaborée par l’INSEE, les aires urbaines, qui se définissent comme “un ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave, constituée par un pôle urbain qui rassemble au moins 5.000 emplois et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou les communes attirées par celui-ci”93.
27Le référent spatial est au cœur de l’identification des pays. La loi du 4 février 1995 définit le pays comme un espace caractérisé par une “cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale” ; la loi de 1999 énonce la recherche active de “solidarités réciproques entre espaces ruraux et urbains” et fait explicitement référence à la notion socio-économique de bassin d’emplois94. Les pays constituent un territoire de projet95.
28Comment expliquer l’essor de ces nouveaux cadres d’analyse chargés entre autres de prendre en compte les mobilités domicile-travail (bassin d’emplois, aires urbaines) mais aussi les déplacements liés aux équipements, commerces ou services (aires de chalandise, bassins d’équipements collectifs)96 ?” L’essentiel de l’argumentaire consiste à dénoncer l’obsolescence et l’artificialité des découpages issues de la révolution, dont l’élément central était une conception politique du territoire et une volonté de maîtriser l’espace national. Ces nouvelles cartographies cherchent à matérialiser, selon J.L. Guigou, “le changement de nature des espaces collectifs territoriaux et à promouvoir leur prise en charge”97. Pour l’auteur, les territoires réels d’aujourd’hui” (sic) “s’identifient à l’aide des notions de bassins de vie, de bassin d’emploi et de réseaux et non plus par addition et regroupement multicritère et multiforme de territoires anciennement institués et ne communiquant entre eux et avec l’étranger qu’en transitant par le pouvoir central”98. Ces nouveaux cadres témoignent d’une recherche de flexibilité (opposée à la pseudo-uniformité jacobine) et de fonctionnalité qui apparaissent bien éloignés des attributs du territoire99. L’agglomération, écrit Mme Muller-Quoy, est “une notion fonctionnelle dont l’objectif est de dépasser les politiques catégorielles et localisées au profit d’une politique globale qui dépasse l’échelon communal. Elle est reconnue afin de coordonner, par-delà la diversité des instruments (EPCI ou contrat), les domaines d’intervention publique “stratégiques” qui concernent la collectivité nationale dans son ensemble...”100. Après les découpages institutionnels, l’attention se porte sur les espaces culturels ou économiques. L’heure est à la recherche d’un optimum territorial, appuyée notamment sur une rationalité d’ordre économique, d’un contenant le plus en adéquation avec l’objectif des économies d’échelle. L’objectif est de “procurer des économies substantielles en matière de transports, d’infrastructures, de localisation d’équipements et d’activités”101. L’une des conséquences est de remettre en question les limites des collectivités territoriales et de rechercher des espaces plus en adéquation avec les nouveaux objectifs socio-économiques. Les déplacements professionnels liés aux zones d’activités ne sont nullement arrêtés par les limites territoriales. À ce titre, l’évocation lors de la création de communautés d’agglomération, de communes ou urbaines “d’espace de solidarité” ou “d’aires” concrétisent ce processus de déterritorialisation du notamment aux mutations économiques. Ce diktat des logiques économiques apparaît difficilement conciliable avec le territoire. Ainsi parmi les compétences obligatoires des EPCI à fiscalité propre figurent le développement économique. Ce dernier préexiste donc à l’entité de coopération, qui est ainsi ramenée au rang de cadre permettant à l’objectif d’être assumé. C’est une approche téléologique et non territoriale qui prévaut. Malgré l’exigence de contiguïté territoriale imposée depuis 1999, la territorialité s’avère floue dans ces structures102. Ces nouvelles entités (agglomération, bassin, zone) ou pour reprendre l’expression du professeur Pontier, ces “nouveaux territoires” incitent à se demander s’ils “ne sont pas, plus profondément, la négation de la territorialisation”103. En effet, la recherche de l’optimisation des ressources, d’une efficacité maximale dans le choix des équipements sont les données premières, les résultats à atteindre. Les différents découpages territoriaux sont uniquement les moyens d’y parvenir. Le territoire n’est pas pensé, sa territorialité est imposée par les objectifs préétablis104. Les bassins ou les zones, figures centrales de la fonctionnalisation relèvent d’une logique spatiale. S’il est tentant d’y percevoir l’ouverture d’un nouveau cycle espace–territoire, certains s’interrogent sur la possible survivance du territoire. Évoquant une circulaire du 21 avril 1995 relative au pays, le professeur Pontier dresse un constat sans appel : la circulaire parle d’un territoire “qui présente une cohérence géographique, culturelle, économique ou sociale”. Mais ce mode de détermination du territoire par la géographie, la culture, l’économie ou le social est un reniement du territoire tel qu’on l’entendait jusque-là. D’ailleurs, la même circulaire parle du territoire comme d’un “espace” qui peut dépasser les limites des départements, voire d’une région. Le terme “d’espace” est pleinement approprié, mais c’est une réduction ou un reniement du territoire105.
29Cette petite révolution est à suivre avec attention. La notion de territoire est censée exprimer un espace subissant l’action de l’homme, un espace clairement délimité et transformé au gré des interventions de l’homme106. Or, les mutations actuelles interpellent, quelle place est faite par ces nouveaux référents (bassins, zones, pays) à l’appropriation humaine ? Les phénomènes de domination et de commandement qui s’y manifestent obéissent à des impératifs économiques, ces cadres déterritorialisés attestent de la prévalence de la logique du marché et la recherche de la dimension optimale. “En réalité, ces cadres, qu’il s’agisse des pays, des schémas ou des zones, ne sont pas des territoires. Ils ne correspondent pas généralement aux territoires existants, qu’ils dépassent, qu’ils traversent ou qu’ils ne prennent en considération qu’incidemment ou accessoirement par contrecoup. Ils ne créent pas de nouveaux territoires, car ils ont pour simple raison d’être l’accomplissement d’une fonction. Ils réalisent une véritable dilution du territoire qui perd ce qui faisait en quelque sorte son essence, l’exercice d’un pouvoir”107.
Notes de bas de page
1 Cette problématique a été conçue à partir de certains développements de notre recherche de doctorat. La notion d’uniformité en droit public français, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, vol. 35, éditions Dalloz, Paris 2004.
2 “...on est en présence d’un État, au sens du droit constitutionnel et du droit international, lorsque sont réunis trois éléments nécessaires et suffisants, à savoir : un élément personnel : la population ou la nation ; un élément matériel : le territoire et un élément formel : l’autorité politique exclusive ou la souveraineté”, J. GICQUEL Droit constitutionnel et institutions politiques, 18e édition, Montchrestien, Paris 2002, p. 52. Voir également J.M. PONTIER “Territorialisation et déterritorialisation de l’action publique”, AJDA 1997, p. 723 et s.
3 P. DAILLIER et A. PELLET Droit international public, 7é édition, LGDJ, Paris 2002, p. 408.
4 J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public, 4e édition, Montchrestien, Paris 1999, p. 269.
5 “Société-territoire : définitions préalables”, Université de Fribourg –Institut de géographie– Introduction à la géographie humaine, 2002/2003, J. RUEGG.
6 Ibid.
7 L’espace se situe en position d’antériorité par rapport au territoire. La notion de territoire exprime un espace qui a subi l’action de l’homme.
8 “La délimitation territoriale du champ d’application du droit communautaire se révèle extrêmement complexe, dans la mesure où le territoire communautaire se présente comme un territoire à géométrie variable : d’une part, d’un point de vue formel, la délimitation n’est pas superposable selon les différents traités constitutifs ; par ailleurs le traité sur l’Union ne comporte aucune disposition définissant son champ d’application territorial (...) il existe une pluralité de champs spatiaux en fonction de l’objet des règles applicables”, D. SIMON, Le système juridique communautaire, 3e édition, PUF, Paris 2001, p. 112 et s.
9 Selon le Professeur SIMON, “il est indéniable qu’émerge progressivement un concept de territoire communautaire lié au fait que le transfert de compétences des États à la Communauté implique la constitution d’une assise territoriale proprement communautaire sur laquelle s’exercent ces compétences. Ce “territoire communautaire”, à la fois fonctionnel et d’attribution (...) enregistrant ainsi le degré d’homogénéisation de l’espace correspondant au marché unique sans frontières intérieures et le degré d’affirmation de l’entité territoriale de l’Union vis-à-vis des États tiers...”, ibid. p. 115.
10 La nuit du 4 août 1789 abolit entre autres les particularismes locaux.
11 AP, 1ère série, Tome IX, p. 654-655.
12 “Le royaume est partagé en autant de divisions différentes qu’il y a de diverses espèces de régimes ou de pouvoirs : en diocèses, sous le rapport ecclésiastique ; en gouvernements, sous le rapport militaire ; en généralités, sous le rapport administratif ; en baillages, sous le rapport judiciaire (...) mais ces antiques divisions, qu’aucune combinaison politique n’a déterminées, et que l’habitude seule peut rendre tolérables, sont vicieuses sous plusieurs rapports tant publics que locaux”, AP, 1ère série, p. 202.
13 “Mais puisque l’ordre que la constitution va établir est une chose nouvelle, pourquoi l’asservirions-nous à des imperfections anciennes qui en contrarient l’esprit, et qui gêneraient les effets, lorsque la raison et l’utilité publique commandent d’éviter ce double écueil ? Le comité a donc pensé qu’il est devenu indispensable de partager la France dans l’ordre de la représentation, en nouvelles divisions de territoires égales entre elles autant qu’il serait possible”, ibid., p. 202-203.
14 M.-V. OZOUF-MARIGNIER explique : “l’originalité de la réforme provient du fait que l’on établit la nécessité d’une représentation double, électorale d’une part, administrative d’autre part (c’est la double représentation dont parle Sieyès). À un même degré de représentation doit correspondre à la fois une assemblée électorale et un corps administratif”, La formation des départements. La représentation du territoire français à la fin du 18e siècle, éditions de l’EHESS, Paris 1985, p. 36.
15 “Il qualifie le type de processus (ce qui construit la nation, étymologiquement) à travers lequel se forge l’unité sociale, les hommes faisant nation ensemble, en sublimant leurs différences pour ne plus se considérer que sous l’espèce de citoyens égaux (...) Ce que Sieyès et les constituants cherchent alors à effacer, ce sont toutes les anciennes catégories administratives, géographiques ou professionnelles qui rappellent l’ancien ordre des choses (...) le but est de trouver la voie d’une division purement mécanique qui ne repose sur aucune opposition réelle, sur aucune distinction, qui soit totalement artificielle dérivée d’un principe quasi arithmétique”, P. ROSANVALLON, le peuple introuvable, éditions Gallimard, Paris, 1998, p. 36.
16 Ibid., p. 37.
17 J.L. MARX, Les territoires de l’État, Que sais-je, éditions PUF, Paris 1997, p. 6.
18 V. AZIMI, “La nation contre les petites nations. L’organisation de la France selon l’abbé Sieyès”, L’Administration territoriale de la France (actes du colloque d’Orléans), éditions Presses Universitaires d’Orléans, 1998, p. 372.
19 K.M. BAKER, “Souveraineté”, Dictionnaire critique de la Révolution française, vol. Idées, coll. Champs, éditions Flammarion, p. 496.
20 L’auteur rapporte une citation de Sieyès : “Il serait bien essentiel de faire une nouvelle division territoriale en espaces égaux... Ce n’est qu’en effaçant les limites des provinces que l’on parviendra à détruire tous ces privilèges locaux... Les assemblées représentatives, une fois établies partout, opposeront aux vieilles réclamations des Pays d’État une force irrésistible de raison et d’intérêt lié à l’intérêt national. Je ne connais pas de moyen plus puissant et plus prompt de faire, sans troubles, de toutes les parties de la France un seul corps et de tous les peuples qui la divisent une seule nation”, D. TURPIN “Provinces et départements”, Révolution et Décentralisation, éditions Economica, Paris 1992, p. 191.
21 Préliminaires–Éléments d’histoire de la structuration des territoires français. http://www.geocities.com
22 AP, 1ère série, tome IX, p. 205.
23 Le Professeur LANZA écrit : “l’originalité des constituants de 1791, comme l’originalité de ceux de 1793, tient à ce qu’ils ont abordé le problème de la division territoriale de l’Administration dans son ensemble, sous l’angle tant administratif que politique, ainsi que dans ses rapports avec l’organisation constitutionnelle”, l’expression constitutionnelle de l’administration française, éditions LGDJ, Paris, 1984, p. 433. M. OZOUF explique “on comprend que le strict enjeu électoral soit vite emporté dans le débat, dérive qui tient aussi au lien qui unit dans l’esprit de Thouret la nouvelle circonscription à l’abandon intellectuel du mandat impératif : pour que les députés se considèrent comme les députés de la nation toute entière et non comme ceux de leurs bailliages, pour qu’ils concourent à la formation d’une volonté commune, il faut les aider à faire taire cette fidélité envers leurs commettants, dont Rabaut Saint-Etienne rappelle qu’elle constitue, en raison même de son caractère honorable, la principale difficulté”, “Département”, dictionnaire critique de la révolution, coll. Champs, éditions Flammarion, Paris 1992, p. 225-226.
24 D. TURPIN, op. cit., p. 193.
25 Ibid., p. 191.
26 L’auteur précise : “il est pour le moins amusant de lire dans le Dictionnaire des Symboles de Chevallier et Gheerbrant, qu’objet de fascination venant d’horizons fort divers, le chiffre neuf est “l’image de l’Unité primordiale et finale” et que par sa place de dernier de la série des chiffres il annonce à la fois une fin et un recommencement et qu’il exprime “la fin d’un cycle, l’achèvement d’une course, la fermeture d’une boucle”, G. DARCY "Unité et rationalité dans la construction révolutionnaire”, Révolution et décentralisation, ouv. préc., p. 63-64. M.V. OZOUF-MARIGNIER écrit : “la France est divisée en neuf régions, chacune divisée en neuf contrées, chacune partagée en neuf districts, etc., suivant un quadrillage rigoureusement géométrique. Les divisions inférieures sont, par ordre décroissant de surface, les territoires, les bancs, les cantons, les tènements, les carreaux, les pièces et les mesures. Il y a donc au total dix catégories de divisions”, op. cit., p. 39.
27 La terminologie employée par le rapporteur en atteste “En suivant ce plan, la France serait partagée (...) en quatre-vingts grandes parties qui porteraient le nom de départements. Chaque département serait d’environ 324 lieues carrées, ou de 18 lieues sur 18...”, discours préc., p. 203.
28 Ibid.
29 “Chaque département sera divisé en neuf districts, sous le titre de communes, chacun de trente-six lieues carrées, et de six lieues sur six (...) Il y en aurait 720. Chaque commune serait subdivisée en neuf fractions invariables par le partage de son territoire en neuf cantons, de quatre lieues carrées ou de deux lieues sur deux ; ce qui donnerait en tout 6480 cantons”, ibid.
30 J.P. DUBOIS “Décentralisation, idée révolutionnaire ?”, Révolution et décentralisation, ouv. préc., p. 19.
31 “L’expression initiale de Sieyès (plan de municipalités et de provinces) montre assez que l’enjeu polémique prêté à la réforme –détruire les provinces– est loin d’être clairement formulé. La province est absente des premiers textes de Sieyès et de Thouret.. ”, M. OZOUF, op. cit., p. 223. “Sur la destruction des provinces les propos sont beaucoup plus feutrés. La rationalisation géométrique ne tient manifestement pas compte de leurs limites. Mais les effets évidents du découpage restent sur ce point soigneusement implicites, poliment sous-entendus. Mieux la dénomination “d’administration provinciale” est proposée pour désigner l’Assemblée administrative des futurs départements, le titre de “directoire provincial” s’appliquant quant à lui, à leur exécutif ?”, G. DARCY, op. cit., p. 58.
32 Op. cit., p. 51.
33 Ibid, p. 56.
34 Ibid, p. 58.
35 Ibid., p. 60.
36 A.P., Ière série, T. IX, p. 659.
37 Ibid., p. 659.
38 “Si c’est pour les hommes et non pour le sol, si c’est pour administrer et non pour défricher qu’il convient de former des départements, c’est une mesure absolument différente qu’il faut prendre. L’égalité d’importance, l’égalité de poids dans la balance commune, si je puis m’exprimer ainsi, voilà ce qui doit servir de base à la distinction des départements ; or à cet égard, l’étendue n’est rien, et la population est tout”, ibid. p. 660.
39 G. DARCY, op. cit., p. 66.
40 “Ce n’est pas le royaume que je veux faire diviser, mais les provinces ; et cela seul fait déjà disparaître une grande partie des difficultés”, op. cit., p. 661.
41 Ibid.
42 “Le travail de chacun de ces comités consistera donc à fixer les chef-lieux des différents départements de leur province, à déterminer les villes et les villages qui en feront partie, à faire cette distribution de manière que les départements soient égaux, autant que l’on pourra, non point en étendue territoriale, ce qui serait impossible, ce qui serait même contradictoire, mais en valeur foncière, en population, en importance ; enfin à établir une division qui facilite l’établissement uniforme, tant pour l’ordre judiciaire que pour la perception des impôts”, ibid. p. 661-662.
43 H. ROUSSILLON, Les structures territoriales des communes, éditions LGDJ, Paris 1972 p. 250.
44 Ibid.
45 Ibid., p. 251.
46 “La cause du mal, sire, vient de ce que votre nation n’a point de constitution. C’est une société composée de différents ordres mal unis et d’un peuple dont les membres n’ont entre eux que très peu de liens sociaux ; où par conséquent chacun n’est guère occupé que de son intérêt particulier exclusif (...) Vous êtes forcé de statuer sur tout, et le plus souvent par des volontés particulières, tandis que vous pourriez gouverner comme Dieu par des lois générales, si les parties intégrantes de votre empire avaient une organisation régulière et des rapports connus...”, œuvres de Turgot avec les notes de Dupont de Nemours, tome second, éditions Guillaumin, Paris 1844, p. 504 et 505.
47 Ibid., p. 506.
48 Ibid.
49 “Il n’y a présentement qu’une seule instruction qui ait quelque uniformité : c’est l’instruction religieuse. Encore, cette uniformité n’est pas complète. Les livres classiques religieux varient d’un diocèse à l’autre...”, Ibid.
50 “Les paroisses n’ont pas entre elles une inégalité fort notable, et le petit nombre de celles qui pourrait être regardées comme trop grandes sont sous-divisées par des annexes ou des succursales (...).La division par paroisses, ou si l’on veut par succursales, peut donc être adoptée ; elle l’est déjà de fait pour les villages (...) Cette administration relative au territoire doit être on ne peut plus facile à remplir par ceux qui sont sur les lieux”, ibid., p. 509.
51 “Sur quels principes, l’administration municipale villageoise doit-elle être constituée, et qui sont ceux qui doivent y avoir part ? (...) Il est clair qu’on ne doit pas y envoyer des officiers tirés d’un autre lieu. Les soins à prendre pour l’administration des villages sont à peu près de la nature de ceux que chacun prend volontiers soi-même pour gouverner son propre bien, et pour lesquels il serait très fâché qu’on lui donnât un officier public. Il parait donc constant qu’on n’y doit employer que les gens du village même, qui ont intérêt à la chose, et pour lesquels son succès est une récompense bien suffisante”, ibid., p. 510.
52 Voir en ce sens les propos de TURGOT, p. 527.
53 “Ce serait une raison pour réformer toutes les municipalités actuelles des villes, quand même on n’établirait pas celles des villages. Mais j’ose vous conseiller de regarder ces deux mesures comme n’étant que des branches d’une seule et même opération. “C’est en embrassant tous les objets qui sont directement relatifs les uns aux autres, et les menant d’après des principes uniformes qui annoncent un grand plan, que Votre Majesté en imposera aux opinions, les maîtrisera, et fera respecter la hauteur et la bienfaisance de ses vues par son peuple et par les nations étrangères”, ibid.
54 V. AZIMI, op. cit., p. 368.
55 Les communes et le découpage communal”. Révolution et Décentralisation ouv préc. p. 179
56 Ibid.
57 M. VERPEAUX, “Les municipalités de canton dans la Constitution de 1795”, L’administration territoriale de la France (actes du colloque d’Orléans), éditions Presses Universitaire d’Orléans, 1998, p. 407 et s.
58 H. ROUSSILLON, ouv. préc., p. 251.
59 Ibid., p. 252.
60 Ibid., p. 253.
61 M. VERPEAUX, art. préc., p. 409.
62 Ibid., p. 410.
63 Histoire des institutions, le XIXe siècle, coll. Quadrige, éditions PUF, Paris 1999, p. 61.
64 H. ROUSSILLON, ouv. préc., p. 266.
65 Ibid., p. 266 et s.
66 N. MERLEY, Conception et administration du territoire en France métropolitaine, éditions PUAM, Aix-Marseille 1998., p. 330.
67 “Ces mutations révèlent que les territoires communaux et départementaux institués en 1789 et complétés depuis par des regroupements de départements institués en régions, pour la plupart artificielles, ne correspondent plus au cadre géographique de l’existence quotidienne des habitants ni ne leur permettent de contrôler les réseaux transnationaux de leurs activités”, J.L. GUIGOU, “La recomposition des territoires”, Pouvoirs, no 89, p. 147 et s. La notion d’agglomération “n’est pas nouvelle mais relève plus du champ de la science politique et des aménageurs que des juristes”, I. MULLER-QUOY, “Le renouveau de la notion juridique d’agglomération”, AJDA, 2000, p. 197 et s.
68 J.P. MARKUS, “Territoires, loi du 28 pluviôse an VIII, loi Voynet : de l’autorité par la division à la cohésion par la prestation”, la loi du 28 pluviôse an VIII deux cents ans après : survivance ou pérennité ?, CURAPP, éditions PUF, Paris 2000, p. 77 et s.
69 Ibid., p. 90.
70 “La taxe professionnelle unique faisait l’objet de mesures spécifiques, sans que l’adoption de ce régime fiscal soit systématisée. Ainsi, les communautés urbaines, créées après 1992, se voyaient reconnaître la faculté d’opter pour une taxe professionnelle unique. La règle de lien entre les taux d’imposition était assouplie. Les groupements dotés d’une taxe professionnelle d’agglomération étaient autorisés à instituer une fiscalité additionnelle sur les impôts-ménages”, Rapport Sénat L’unité dans la diversité, p. 133.
71 Possibilité d’option pour la TPU, si le district est antérieur au 8 février 1992. Le rapport du Sénat précise “le nombre d’établissements dotés de la taxe professionnelle unique restait encore faible avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1999 qui a entendu promouvoir la taxe professionnelle d’agglomération : au 1er janvier 1999, seulement 98 établissements publics de coopération intercommunale étaient soumis à ce régime sur 1680 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre”, ibid., p. 131.
72 L’auteur précise “la loi étend aux communautés urbaines le régime financier des communautés d’agglomération. Les communautés créées ou issues de la transformation d’un établissement de coopération intercommunale préexistant à compter de la date de publication de la loi percevront la taxe professionnelle unique. Les communautés urbaines existantes ne pourront opter pour cette ressource que si elles l’avaient déjà choisie auparavant (art. 1609 bis du Code général des impôts) ou si elles procèdent à l’extension de compétences prévues par la loi commentée”, “Le renforcement et la simplification de la coopération internationale” AIDA, p. 919 et 920.
73 J.P. MARKUS, op. cit., p. 92
74 M.H. DOUCHEZ “La recherche de l’espace optimal pour le développement rural : la politique française des pays”, Les politiques publiques de développement rural, éditions PUSS Toulouse, 1999 p. 173.
75 F. BILBAUT-FAILLANT, “Commentaire de la notion de pays telle qu’elle apparaît dans les lois no 95-115 et 99-533 relatives à l’aménagement et au développement du territoire”, LPA, no 140 et 141, juillet 2000, p. 6.
76 Ibid., p. 53.
77 Ibid., p. 54.
78 M.H. DOUCHEZ, op. cit., p. 176.
79 B. LEURQUIN, ouv. préc., p. 42.
80 Ibid., p. 43.
81 article 23 de la loi, ibid.
82 “L’identité d’un Pays “ne se décrétant pas”, pas plus que son existence...”, B. LEURQUIN op. cit., p. 64.
83 “La loi définit les pays par leur cohésion et non par des seuils “. Ce choix n’est pas innocent. Il facilite la tâche du gouvernement qui affirme reconquérir le territoire national sans pour autant porter atteinte au servie public”, F. BILBAUT-FAILLANT, op. cit., p. 8.
84 B. LEURQUIN, ouv. préc., p. 61.
85 Ibid.
86 F. BILBAUT-FAILLANT, op. cit., p. 8.
87 F. LEFEBVRE “Les pays selon la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire”, RFDA, 1995, p. 884.
88 B. LEURQUIN, colloque précité, p. 14.
89 Op. cit., p. 891.
90 “L’agglomération s’apparente à une parcelle du territoire communal caractérisée par “une densité d’habitation substantielle”, c’est donc un espace urbain, mais il apparaît difficile de la distinguer de la ville qui est définie par l’INSEE “comme étant une unité urbaine, composée d’une seule commune, une unité urbaine étant un ensemble d’une ou plusieurs communes dont le territoire est majoritairement ou totalement couvert par une zone bâtie d’au moins 2.000 habitants”, I. MULLER-QUOY, op. cit., p. 197.
91 Article L.5214-1 du CGCT évoque l’aménagement de l’espace pour les communautés de communes.
92 Selon l’article L. 5210-1 du CGCT, “Le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein de périmètre de solidarité”.
93 L’intercommunalité, 3e édition, LGDJ, 2001, p. 56.
94 N. PORTIER, Les pays, 2e édition, la documentation française, p. 10.
95 “Inspirés de l’expérience désormais trentenaire des parcs naturels régionaux, les pays doivent être considérés comme des “territoires de projet” dont la logique n’est pas d’administrer, d’exercer des compétences de gestion et encore moins de lever l’impôt. Selon l’expression consacrée, un pays se particularise par des “missions”, à savoir des tâches d’animation, d’impulsion, de coordination....”, ibid., p. 12
96 Ibid., p. 30.
97 Op. cit., p. 147.
98 “Le bassin de vie est le territoire sur lequel doivent converger tous les services collectifs aux personnes et aux familles que la société moderne et la puissance publique qui la gouverne doivent assurer aujourd’hui de façon permanente”, ibid., p. 148.
99 La fonctionnalisation signifie qu’un territoire n’est pas pris en considération en tant que tel. Il n’existe qu’en tant qu’il sert à délimiter le cadre d’une activité, à assurer la cohérence d’une intervention (...) L’une des difficultés de l’analyse tient à ce que la notion de cadre fonctionnel est loin d’être indiscutable, limpide. Il apparaît tout d’abord à l’évidence qu’un cadre fonctionnel ne peut être, parce que fonctionnel, extraterritorial”, J.M. PONTIER, op. cit., p. 727.
100 L’auteur indique “L’agglomération est destinée (...) à devenir le territoire privilégié de contractualisation avec l’État dans le cadre des contrats de plan État/régions. Là encore l’agglomération se veut un instrument de coordination, de simplification afin d’unifier et d’éviter le dispersement des politiques contractuelles issues de la décentralisation”, op. cit., p. 202.
101 L’intercommunalité entre optimum territorial et pouvoir local. Lecture de la littérature récente, http://www.urbanisme.equipement.go...hies/intercommunalite.
102 “...les collectivités locales devront faire place à ces acteurs nouveaux, qui ne bénéficient que d’une faible identification : l’agglomération apparaît comme une démarche fonctionnelle, de projet, “déterritorialisée”, mais non comme un pouvoir disposant d’une légitimité affirmée”, I. MULLER-QUOY, op. cit., p. 203.
103 Op. cit., p. 724.
104 “...ce cadre est bien fonctionnel parce que le territoire n’est pas la cause de l’intervention de l’autorité, il n’en est qu’une conséquence nécessaire. Le territoire a perdu sa substance puisqu’il n’existe pas en lui-même, il n’a pas de signification propre, il ne détermine rien (...) les cartes découlent d’une préoccupation de rationalisation des équipements. La démarche consiste à recenser les besoins, puis, ces derniers établis, à programmer la réalisation de ces équipements selon une distribution territoriale fixée à partir d’un certain nombre d’indicateurs des besoins. L’objectif est de parvenir à la meilleure adéquation possible entre les besoins et les équipements”, ibid., p. 727-728.
105 Ibid., p. 729.
106 Territoire centré et territoire décentré, Séminaire de sémiologie graphique, C. HUSSY, A. MARTIN, E. ALEXAKIS, Semestre hiver 2003-2004.
107 J.M. PONTIER, op. cit., p. 729.
Auteur
Docteur en droit, Institut du Droit de l’Espace, Territoires et Communication (EA 785)
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