Les communes, les États généraux et le prince au Moyen Âge : volonté et consentement fiscal chez les historiens libéraux français au XIXe siècle
p. 405-421
Texte intégral
1Élève d’Augustin Thierry (1795-1856), François-Tommy Perrens (1822-1901) a porté au cours de la seconde moitié du xixe siècle une attention particulière aux acteurs médiévaux et à l’expression de leur volonté politique. Cet académicien, connu pour une Histoire de Florence en six volumes (1877-1883), a également publié deux ouvrages où la question fiscale est importante : l’un sur Étienne Marcel et le gouvernement de la bourgeoisie au quatorzième siècle 1356-1358 (1860), l’autre sur La Démocratie en France au Moyen Âge : histoire des tendances démocratiques dans les populations urbaines au xive et au xve siècle (1873). Homme de son temps, il s’est ainsi intéressé à l’affirmation et à l’expression d’acteurs politiques du Moyen Âge placés sur le devant de la scène historique.
2L’instauration et la répartition du prélèvement fiscal par le prince au sein de la société médiévale ont donné lieu à des débats et des négociations, des tensions et des conflits, des compromis et des accords1. Objet d’une riche historiographie, ces temps fiscaux de discussion, de dispute et de consensus sont interrogés à partir des lieux, des formes et des traces documentaires de l’échange politique. « La voix du peuple », « la voix des assemblées », « la voix des villes » avec leur diplomatie traduisent l’attention qui leur est portée par de récentes publications individuelles et collectives tant en France2 qu’en Italie3 et pour d’autres territoires4. Des études relatives à la scripturalité et à la documentation urbaine permettent de croiser les regards entre villes françaises et italiennes à propos de leur production documentaire comme en dernier lieu pour les statuts et les registres de délibérations5.
3Pour l’espace méridional, les travaux des doyens André Gouron6 et Jean Hilaire7 ont porté attention à la diffusion d’institutions, de vocables ou encore de techniques juridiques de part et d’autre des Alpes. La fiscalité permet également des réflexions partagées même si le contexte politique diffère entre les diverses cités italiennes et françaises du xiie au xve siècle. L’hypothèse a été formulée de l’invention de l’impôt proportionnel au Cailar en 11588 quelques années avant Pise et Sienne (1162 et 1168-1175). Les sources fiscales telles les estimes ont suscité d’importants travaux menés pour le Midi de la France par Albert Rigaudière et ont pu être mis en regard de ceux menés pour le Catasto florentin de 1427-14309. Plus généralement, la période médiévale est un temps de mise en question de l’impôt. Il se fait jour spécialement à la faculté de théologie de Paris à la fin du xiiie siècle10. Une doctrine savante de l’impôt s’affirme et une pratique du prélèvement fiscal s’organise de manière pragmatique11. Dans ce contexte, un dialogue autour de l’impôt se met en place entre autorité détentrice du pouvoir d’imposer, villes et assemblées représentatives12. Au cours de cet échange politique, le consentement fiscal est un temps médiéval particulier dans l’histoire de l’impôt. Il intéresse autant le pouvoir qui le sollicite que la communauté qui l’accorde. Alors que la fiscalité est considérée comme un élément central de la genèse de l’État moderne dans le programme de recherches collectives mené par Jean-Philippe Genet13, rares ont été les travaux, hormis ceux d’Albert Rigaudière, précisant la place du consentement dans le développement de la fiscalité médiévale14. Il a été qualifié de « dogme populaire » par Jacques Krynen. Son étude a été replacée dans le cadre des assemblées politiques médiévales15 et renseignée de manière précise pour les États de Languedoc16. Rares sont également les historiens du droit et des idées politiques du xvie au xviiie siècle pour considérer la tension entre d’une part les privilèges de consentement à l’impôt des États provinciaux et du clergé et d’autre part le consentement général exprimé par les États généraux17 ou pour mettre en lumière la « doctrine » pamphlétaire du milieu du xviie siècle, au moment de la Fronde, favorable au consentement comme expression de la liberté individuelle et d’un passé médiéval pris pour modèle18. Cette tension a aussi été saisie pour la seconde moitié du xviiie siècle à partir des acteurs considérés comme étant la manifestation d’une volonté et d’une représentation nationale19. Trois sens du consentement ont été proposés pour le xviiie siècle comme acceptation du droit d’imposer royal, expression d’une « garantie procédurale » et affirmation d’une nouvelle légitimité fiscale20. Au comportement lié à l’autonomie de la volonté des propriétaires s’ajoute l’exercice collectif de droits politiques légitimant le prélèvement fiscal. Ainsi, pour Rousseau dans son Discours sur l’économie politique (1755) « les impôts ne peuvent être établis légitimement que du consentement du peuple ou de ses représentants ». Le principe de la légalité fiscale affirmé par le décret du 17 juin 1789 est repris par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 au profit d’une citoyenneté fiscale21.
4À considérer l’expérience historique française, une double lecture du consentement fiscal peut être envisagée. La première, proposée par Cristina Ciancio dans cet ouvrage, s’intéresse au recours à l’histoire française du consentement comme source de légitimation dans l’Italie unitaire. La seconde interroge le temps médiéval du consentement à travers sa place dans l’écriture de l’histoire du pouvoir au xixe siècle. Le choix s’est porté sur les historiens libéraux et romantiques qui ont contribué à la formation de l’histoire contemporaine22. Ils ont développé une politique de l’histoire où la volonté des acteurs politiques est prise en compte. Leur approche politique des libertés urbaines est connue. Leur assimilation de la commune médiévale à l’idée d’émancipation bourgeoise a marqué l’historiographie du xixe siècle. La mise en dialogue de deux temporalités interroge plus généralement la volonté dans sa dimension fiscale23. Elle est ici entendue d’une double façon : la faculté d’accepter le principe de l’impôt pour un temps où le droit d’imposer du prince n’est pas encore pleinement affirmer et l’acte par lequel la volonté explicite est formalisée dans le cadre d’un dialogue politique. La dimension fiscale est ainsi plus ou moins présente dans les écrits d’Augustin Thierry (1795-1856), de François Guizot (1787-1874) et de Jules Michelet (1798-1874). Thierry est celui qui s’en saisit le plus. C’est une idée mobilisée au service d’un discours politique : celui de la valorisation des communes, de la bourgeoisie et du tiers état au cours de la première moitié du xixe siècle. Une distinction est faite entre un privilège du consentement des communes émancipées et un consentement fiscal exercé par la bourgeoisie comme composante essentielle du tiers état au sein des États généraux. C’est dans ce cadre que leur rôle en matière fiscale est plus précisément évoqué des années 1350 à la fin du xve siècle24. Une partie des écrits de ces trois auteurs se situe dans un contexte où la Restauration s’appuie sur la fiscalité indirecte profitant à la bourgeoisie censitaire puis où la Monarchie de Juillet défend un impôt réel et proportionnel avec une faveur également accordée aux impôts indirects25. Ces impositions sont notamment défendues par Adolphe Thiers (1797-1877) alors que des contestations s’expriment, par exemple, avec la révolte contre l’impôt des boissons en 1831. Thiers s’oppose aussi à l’impôt progressif, défendu par d’autres courants de pensée26, avec l’impôt sur le revenu27.
5L’argument historique lié à la mise en place d’une fiscalité royale au Moyen Âge est-il mobilisé, réemployé, travaillé par les historiens au xixe siècle, qu’ils traitent de manière générale de l’histoire politique ou plus spécifiquement de l’histoire de l’impôt ? Thierry, Guizot et Michelet considèrent-ils le consentement fiscal dans leur histoire des pouvoirs médiévaux ? S’agit-il alors d’une histoire ou des histoires du consentement selon le point de vue des acteurs (Roi, États généraux, tiers état, bourgeoisie) ? Quelle acception du consentement fiscal ont-ils ? Distinguent-ils la volonté du prince du consentement du peuple ? Consentement et volonté sont-ils assimilables chez ces auteurs et comment envisagent-ils la rencontre de volontés ? Dans leur écriture d’une histoire nationale, les États généraux sont le cadre d’expression et d’action pour la bourgeoisie médiévale en relation avec le pouvoir royal. Ces assemblées leur permettent de reconnaître le consentement dans une double dimension tant comme une idée politique par sa puissance fondatrice au temps des libertés municipales (I) que comme la manifestation d’un acte de volonté, d’un gage donné par les États généraux plus ou moins contraint par la volonté royale (II).
I. Reconnaissance d’une idée politique du consentement
6Les historiens libéraux ont proposé une histoire nationale qui fait place à de nouveaux acteurs. Augustin Thierry l’exprime sans détour : « Il nous manque l’histoire des citoyens, l’histoire des sujets, l’histoire du peuple »28. Il fait paraître le 28 février 1820 dans le journal libéral le Censeur Européen un texte « Sur l’esprit national des Irlandais » où il loue les héros obscurs du passé29. Il fut qualifié de « généalogiste du malheur », c’est-à-dire comme le souligne Philippe Contamine, l’historien des vaincus plutôt que celui des vainqueurs30. Lui comme d’autres valorise l’action de la bourgeoisie, assimile le tiers état et la France, partage une « lecture régressive » de son époque31. Son analyse de la romanité, son acception du Moyen Âge comme matrice politique et sa considération de l’importance du tiers état sont des grilles de lecture pour éclairer le consentement et déceler une évolution d’un pouvoir des communes (A) à un devoir des États généraux (B).
A. Du pouvoir des communes à la bourgeoisie : une volonté reconnue
7L’appel à un dépassement de l’Histoire de France de Mézeray au xviie32 siècle ou celle de Velly au xviiie siècle est lancé par Augustin Thierry à partir des années 1820. L’histoire des règnes a eu pour conséquence que « la masse entière de la nation disparaît derrière les manteaux de cour »33. Il promeut une réforme et se consacre à faire de l’histoire une science à partir de sources originales. Cette nouvelle façon de faire de l’histoire s’accompagne d’une dimension politique. À une première écriture de combat dans les années 1820 et en conflit avec les auteurs du xviiie siècle fait place une plume au service d’une paix sociale favorable à l’unité du pays de celui qui fut un défenseur de la Monarchie de Juillet.
8En 1820, Thierry fait paraître dix articles dans Le Courrier français ensuite rassemblés et complétés par 15 autres écrits dans les Lettres sur l’histoire de France. La place de la nation est alors saisie en particulier avec le phénomène municipal. L’argument de la volonté allié à l’importance des communes façonne une représentation politique du consentement fiscal. Elle fait ainsi une place particulière à une matrice communale et à sa composante bourgeoise. L’étude de différents mouvements communaux septentrionaux forme la majeure partie de ses Lettres (XIII à XXIV). Il cite la charte de Saint-Quentin datée du début du xiie siècle avec la faculté reconnue de lever l’impôt aux maires et jurés de la commune34. Cette émancipation urbaine et le rôle tenu par la bourgeoisie sont essentiels chez Thierry. Ils sont la préfiguration de la nation. Cela l’est tout autant pour François Guizot par son évocation de la « nation communale » et de « la bourgeoisie souveraine »35. Il consacre plusieurs leçons à la fin de son Histoire de la civilisation en France aux communes et au tiers état36. Il partage la même vision que Thierry mais décèle une spécificité française : « Il y a eu des communes dans toute l’Europe ; il n’y a eu vraiment de tiers états qu’en France »37. Il précise l’analyse de Thierry quant aux origines de la bourgeoisie (leçon 46) en distinguant la commune médiévale de la municipalité romaine par son caractère démocratique et en comparant la situation avec les villes italiennes (leçons 48 et 49). Il dissocie communes et bourgeoisie pour mieux faire apparaître leur formation différenciée et les progrès du xie au xiiie siècle de la nouvelle « classe sociale… plus nombreuse, plus puissante, quoique les communes aient perdu beaucoup de leurs libertés et de leur pouvoir »38. Michelet affirme lui aussi le rôle premier des communes en relation avec le pouvoir royal39. Il affirme alors que « ce sont les communes qui ont fondé le roi »40. Leur pouvoir originel est ainsi affirmé. L’idée peut être rapprochée de la formulation d’un quatrième pouvoir par Henrion de Pansey (1742-1829)41.
9Les acteurs communaux ainsi considérés sont essentiels pour une possible lecture de leur rôle fiscal. Dans la 25e lettre de Thierry sur l’histoire des assemblées nationales, deux lignes de force traduisent sa conception. L’affirmation de ces nouveaux acteurs communaux dans le contexte féodal permet de les considérer comme les premiers interlocuteurs du tiers état sollicités par le pouvoir royal :
« C’était un axiome du temps, que, dans les villes d’échevinage, c’est-à-dire de commune, il n’y avait point de tailles à lever ; et voilà pourquoi les rois qui voulaient imposer des tailles aux villes furent obligés de traiter avec des mandataires spéciaux de ces petites sociétés libres »42.
10Cette vision de Thierry comme celle de Guizot est discutée et remise en cause par l’historien Alphonse Callery (1847-1909) dans son Histoire du pouvoir royal d’imposer43. Tous deux ont été « victime[s] de l’influence exercée par le spectacle des choses présentes et par les “opinions contemporaines” ». Callery leur reproche d’assimiler aides et impôt au xive siècle, cadre féodal et royal. La position adoptée par Thierry permet de présenter l’existence d’un privilège du consentement dont les communes disposent. Celui-ci profite plus largement dans un second temps aux représentants du tiers état : « La convocation des députés du tiers état ne fut donc point une faveur politique, mais la simple reconnaissance du vieux privilège communal »44. Dans son Essai sur l’histoire de la formation et des progrès du tiers état (1853), Thierry exprime de manière similaire cette double idée :
« Par leurs privilèges conquis à force ouverte ou octroyés de bon accord, les villes étaient devenues, comme les châteaux, partie intégrante de la hiérarchie féodale, et la féodalité reconnaissait à tous ses membres le droit de consentir librement les impôts et les subsides ; c’était l’un des vieux usages et le meilleur principe de ce régime ; la population urbaine en eut le bénéfice, sans le revendiquer, et sans que personne le lui contestât »45.
11La bourgeoisie d’abord au sein des villes de commune est ainsi fondatrice d’une expression collective, de la manifestation d’une volonté politique en matière fiscale. Le rôle des bourgeois est également apprécié au regard de l’expérience anglaise46. La voix des bourgeois en France est présentée comme étant prise en compte par un pouvoir royal qui cherche à dépasser le strict cadre de l’aide féodale. L’enjeu d’élargir le cercle des personnes appelées au secours financier de la monarchie47 est perçu par Michelet. Il a saisi l’importance croissante par son évocation du fisc au cours du règne de Philippe le Bel comme un « monstre, ce géant, naît mal altéré, affamé, endenté »48. La tenue d’assemblées est une nécessité. Elle est considérée comme un second temps dans l’affirmation du consentement.
B. Un devoir des États généraux : un consentement affirmé
12Un nouveau cadre apparaît : l’assemblée réunissant des membres des trois ordres. Elle correspond à un espace d’acculturation fiscale, d’institutionnalisation de la demande d’impôts et d’expression explicite du consentement de l’impôt. Ces assemblées intéressent Thierry pour saisir le rôle de la bourgeoisie en tant qu’« ordre politique représenté par ses mandataires dans les grandes assemblées du royaume »49. Au sein des assemblées, le tiers état doit « délibérer sur les nouvelles taxes »50. Elles sont « appelées à voter des subsides et à voir comment on les dépensait »51. Pour autant, Thierry nuance son action dans les assemblées du début du xive siècle :
« Toutefois l’on ne voit pas que la bourgeoisie elle-même ait d’abord attaché beaucoup de prix au droit d’être consultée comme les deux premiers ordres sur les affaires générales du royaume. Ce droit, qu’elle n’exerçait guère sans une sorte de gêne, lui était suspect, parce que toute convocation des états aboutissait naturellement à de nouvelles demandes du fisc »52.
13Une différence du bénéficiaire se fait jour. Alors que le privilège du consentement est attribué aux communes qui s’affirment dans un contexte féodal, le consentement fiscal est reconnu au tiers état qui se réunit pour voter l’impôt royal. C’est alors la formulation d’une réponse collective à la demande et à la volonté royale. Pour Thierry, les représentants du tiers état, d’essence municipale, correspondent « de fait [à] la population des villes privilégiées, mais, en puissance, il s’étend bien au-delà »53. Il distingue en effet deux composantes essentielles avec chacune leur propre « esprit ». À côté de la bourgeoisie, il place les officiers royaux de justice et de finance54. Pour sa part Guizot présente les bourgeois passés au service du pouvoir royal comme les destructeurs des libertés communales55. Une autre composante forme le tiers état mais qui n’intervient pas dans le consentement de l’impôt avec la « masse d’affranchis (…) [qui] pouvait déjà compter parmi les forces vives de la nation ; elle était comme un corps de réserve imbu de l’esprit patriotique »56. Le tiers état est ainsi plural dont le cœur est constitué par la bourgeoisie urbaine et qui est alliée au roi57. Selon l’expression de Guizot, « il s’alimenta à des sources fort diverses »58.
14Le règne de Charles V marque une étape importante pour l’affirmation du droit royal d’imposer avec la levée d’aides et de fouages sans requérir les États généraux remettant en cause le privilège du consentement59. L’abolition des impôts par deux ordonnances (16 septembre et 16 novembre 1380) ne restitue pas ceux perçus depuis Philippe le Bel. Son attitude, selon Thierry, rend difficile pour l’avenir l’une des deux voies jusqu’alors empruntée60. La question fiscale marque ainsi une division dans l’alliance jusqu’alors existante entre la royauté et la bourgeoisie61. Elle est confirmée par l’action de Charles VII avec une « diminution des droits politiques » de la bourgeoisie62.
II. Exercice d’un acte de volonté politique
15Dans l’écriture de l’histoire politique des États généraux par Thierry, Guizot et Michelet, les assemblées tenues au milieu du xive siècle et celle de 1484 sont différenciées. Géographiquement pour Thierry en attribuant des caractères différents aux assemblées du Midi de celles du Nord63. Temporellement ensuite, le rôle du tiers état est apprécié selon que sa volonté politique en matière fiscale est plus ou moins contrainte par la monarchie. Si les États des années 1355-1357 sont présentés comme l’expression d’un temps de pleine liberté (A), ceux de Tours convoqués par la régente Anne de Beaujeu sont perçus comme un temps de concession et de refus d’opposition au pouvoir royal d’imposer (B).
A. 1357 : une volonté exaltée
16La situation politique, militaire et financière du royaume de France au milieu des années 1350 favorise la convocation de différentes assemblées par un pouvoir royal affaibli. C’est une période d’affirmation des États généraux qui retient l’attention des historiens libéraux. Elle présente autant un intérêt pour ce temps de l’action au Moyen Âge que pour la préfiguration du rôle de la bourgeoisie au xixe siècle.
17L’« esprit d’innovation » des États généraux de 1355 est salué. Thierry évoque un « souffle de démocratie municipale » et une « autorité partagée entre le roi et les trois états ». L’ordonnance du 28 décembre 1355 est mise en regard avec la monarchie constitutionnelle64. Cette puissance en action s’exprime de 1355 à 1358 spécialement pour le domaine financier et son administration pour lequel « l’autorité des états déclarés [est] souveraine »65. Leur importance est soulignée par Michelet : « Voter et recevoir l’impôt, c’est régner »66. L’ordonnance du 8 mars 1357 est alors la pleine expression de cette volonté du tiers67 pour Thierry comme pour Michelet : « [elle] substituait la république à la monarchie. Elle donnait le gouvernement au peuple, lorsqu’il n’y avait pas encore de peuple »68. Elle est pour lui « l’œuvre d’une commune, d’une grande et intelligente commune [celle de Paris], qui parlait au nom du royaume » mais se pose la question pour lui de savoir si « la France existait-elle comme personne politique ? pouvait-on lui supposer une volonté commune ? »69. Pour autant, si l’expérience est considérée comme courte, elle n’en est pas moins présentée comme annonciatrice des temps futurs70. Son importance tient davantage, par une vision téléologique chez Thierry, à la place occupée par la bourgeoisie. Encore précoce, elle n’en a pas moins ouvert la voie dans une marche vers le progrès71. Cette approche est éclairée par sa présentation de l’action d’Étienne Marcel qui « voulu et tenté des choses qui semblent n’appartenir qu’aux révolutions les plus modernes »72 notamment avec la transformation d’États généraux en représentation nationale et l’affirmation de la souveraineté du peuple. Michelet lui consacre plusieurs pages participant à la fabrique d’un mythe73. Une fois passée ce premier temps de pleine affirmation de la volonté de la bourgeoisie et du tiers, une autre période de l’histoire des États généraux retient l’attention des historiens libéraux. Leur lecture de l’assemblée réunie à Tours en 1484 est alors tout autre de celle des années 1355-1358.
B. 1484 : un consentement limité
18Depuis la seconde moitié du xive siècle, les assemblées représentatives revendiquent et défendent leur droit de consentir à l’impôt alors que le droit royal d’imposer se renforce. Cette volonté des États est exprimée à l’occasion de leur réunion à Tours en 1484 pendant la régence d’Anne de Beaujeu. Cette assemblée a donné lieu à diverses interprétations74. Le Journal des États généraux de Jehan Masselin est particulièrement mobilisé par les historiens libéraux. Premier volume des « Documents inédits de l’histoire de France », il est publié en 1835 sous l’égide du Comité des travaux historiques et scientifiques fondé un an plus tôt par le ministre de l’Instruction publique Guizot. Ce document fait état de la défense du consentement sans remettre pour autant en cause la souveraineté royale à l’occasion du débat général sur le pouvoir des États (« il n’était pas nécessaire de demander le consentement des États, sinon pour lever des impôts »)75, idée fermement formulée dans le cahier du commun76. Citant différents extraits de cette source, Thierry met en exergue d’après le discours du seigneur de La Roche, député de la noblesse bourguignonne, que les États généraux sont « les dépositaires de la volonté commune » ou « de tous »77. Là aussi, Thierry voit des « maximes, d’où devaient sortir nos révolutions modernes »78. Il se plaît à citer des expressions portées au cours des débats (« Souveraineté du peuple, Volonté du peuple, Droit de possession du peuple sur la chose publique »)79. Il évoque par ailleurs le discours de Philippe Pot à l’appui de l’idée que « l’homme franc […] ne peut être taxé que de son propre consentement, par octroi libre, non par contrainte »80. C’est là un antienne fiscale des siècles passés.
19Pour autant Thierry différencie 1357 et 1484. Si en 1357, « l’esprit de liberté municipale » avait pu être concrétisé, en 1484, le « zèle des trois ordres à faire une loi de leur consentement (…) ce fut une grande déception »81. Jules Michelet fait de même opposant les États de 1484, « une réaction de l’aristocratie » et « une comédie », aux « vrais et sérieux » États de 135782. Le pouvoir royal d’imposer est plus fermement établi. L’attitude des représentants de la bourgeoisie est présentée comme plus pragmatique83 sous la pression des princes84. L’assemblée de Tours aboutit à faire des « concessions qui obligèrent l’assemblée à élever le taux de la somme d’argent qu’elle avait résolu d’accorder »85. Les États ne remettent pas en question les finances extraordinaires. Le cahier du commun l’exprime clairement86. Ils finissent par voter leur « octroi et don volontaire » pour un montant de 1 200 000 livres tournois pour deux ans (quantum reipublicae necessitatibus satis est)87. Le règne de Charles VIII remet ensuite en cause la promesse d’une réunion régulière des États (« les taxes furent de nouveau levées par ordonnances et réparties sans contrôle »)88. Le début des guerres d’Italie avec Charles VIII rend plus encore nécessaire la mobilisation de fonds. En cette fin du xve siècle, la chancellerie royale expédie ainsi une lettre pour la répartition de la taille, une « véritable déclaration de politique générale [adressée] à une opinion publique dont le consentement est ainsi sollicité au moins implicitement »89. Ils ne sont alors plus réunis jusqu’en 1560-1561.
20Les historiens libéraux des années 1820-1840 abordent la question fiscale et l’idée du consentement. Ils en font l’expression de la volonté des communes, puis de la bourgeoisie et des États généraux. Leur volonté est perçue comme une manifestation de leur reconnaissance politique et d’un pouvoir en devenir pour les siècles futurs. Le consentement est envisagé depuis les premières assemblées réunies par le pouvoir royal jusqu’à celle de 1484. Une perception différente se fait jour avec le glissement de l’idée d’un privilège du consentement des communes au principe du consentement général des États généraux. La bourgeoisie est alors au centre de cette évolution et la principale bénéficiaire. Rien de surprenant chez ces historiens libéraux. Cette approche mériterait d’être précisée et suivie au cours des décennies suivantes notamment chez les historiens méthodiques et les historiens de la fiscalité de la seconde moitié du xixe siècle90. À s’en tenir aux manuels d’histoire des institutions d’Adhémar Esmein (1848-1913)91, de Paul Viollet (1840-1914)92, de Joseph Declareuil (1863-1938)93 ou encore d’Émile Chénon (1857-1927)94, celui d’Esmein fait écho à différents éléments présentés par Thierry notamment pour les États des années 135095 et de 148496. Esmein en conclut que « ce fut là la dernière chance sérieuse qui s’offrit à la nation de conquérir le vote libre et périodique de l’impôt »97 et que si des revendications demeurent au xvie siècle, « le consentement, utile en fait, n’était plus nécessaire en droit, et la royauté pouvait s’en passer »98. Paul Viollet insiste davantage sur l’importance du dialogue avec le pouvoir royal et de la négociation fiscale au cours de la première moitié du xive siècle 99. Il en va de même pour Declareuil : « l’idée d’un consentement des contribuables, qui se répandit, sembla triompher aux xive et xve siècle et resta toujours latente aux époques postérieures »100. Est-ce à dire, pour reprendre la formule de Michel Bouvier, qu’on distingue alors le consentement à l’impôt, comme « acceptation de principe […] de nature avant tout sociologique », du consentement de l’impôt dont la portée politique et l’acceptation explicite par le peuple ou ses représentants sont primordiales101 ?
Notes de bas de page
1 J.-Ph. Genet, D. Le Page et O. Mattéoni (dir.), Consensus et représentation, Paris, 2017.
2 Voir en dernier lieu, M. Hébert, La voix du peuple. Une histoire des assemblées au Moyen Âge, Paris, 2018 et La voix des assemblées. Quelle démocratie urbaine au regard des registres de délibérations ? Méditerranée-Europe xiiie-xviiie siècle, F. Otchakovsky-Laurens et L. Verdon (sous la direction de), Aix-Marseille, 2021.
3 Parmi une riche bibliographie, particulièrement pour le Nord de l’Italie, E. Fiumi, « L’imposta diretta nei comuni medievali della Toscana », Studi in onore di Armando Sapori, I, Milan-Varese, 1957, p. 327-353, A. Molho, Florentine Public Finances in the Early Renaissance, 1400-1433, Cambridge Mass., 1971, E. Conti, L’imposta diretta a Firenze nel Quattrocento, Rome, 1984, P. Cammarosano, « Il sistema fiscale delle città toscane », La Toscana nel secolo xiv. Caratteri di una civiltà regionale tardo medioevo, Pisa, 1988, p. 201-213, P. Cammarosano, « Le origini della fiscalità pubblica delle città italiane », Revista d’historia medieval, n° 7, 1996, p. 39-52, P. Mainoni, Le radici della discordia. Ricerche sulla fiscalità a Bergamo tra xiii e xv secolo, Milan, 1997, M. Ginatempo, Prima del debito. Finanziamento della spesa pubblica e gestione del deficit nelle grandi città toscane (1200-1350 ca.), Florence, 1997, M. Ginatempo, « Spunti comparativi sulle trasformazioni della fiscalità nell’Italia post-comunale », Politiche finanziarie e fiscali nell’Italia settentrionale (secoli xiii-xv), edited by Patrizia Mainoni, Milan, 2001, p. 125-222, P. Mainoni, « A proposito della “rivoluzione fiscale” nell’Italia settentrionale del xii secolo », Studi Storici, I/2003, p. 5-42, S. Menzinger, « Pagare per appartenere. Sfere di interscambio tra fiscalità laica in Francia meridionale e nell’Italia comunale (xii secolo) », Quaderni Storici, 49, 2014, p. 673-708.
4 D. Menjot, M. Caesar, F. Garnier and P. Verdes (ed.), The Routledge Handbook of Public Taxation in Medieval Europe, à paraître.
5 La confection des statuts dans les sociétés méditerranéennes de l’Occident (xiie-xve siècle). Statuts, écritures et pratiques sociales - I, sous la direction de Didier Lett, coll. Histoire ancienne et médiévale – 146, Éditions de la Sorbonne, Paris, 2018. Statuts communaux et circulation documentaires dans les sociétés méditerranéennes de l’Occident (xiie-xve siècle). Statuts, écritures et pratiques scripturales - II, sous la direction de Didier Lett, coll. Histoire ancienne et médiévale – 154, Éditions de la Sorbonne, Paris, 2018. Les statuts communaux des sociétés méditerranéennes de l’Occident (xiie-xve siècle) vus de l’intérieur : structure, plan et thèmes. Statuts, écritures et pratiques sociales – III, sous la direction de Didier Lett. Les références à la norme dans les sources de la pratique, Statuts, écritures et pratiques sociales – IV, sous la direction de Didier Lett. La voix des assemblées. Quelle démocratie urbaine au regard des registres de délibérations ? Méditerranée-Europe xiiie-xviiie siècle, sous la direction de F. Otchakovsky-Laurens et L. Verdon, Aix-Marseille, 2021.
6 Voir notamment, A. Gouron, « Les étapes de la pénétration du droit romain au xiie siècle dans l’ancienne Septimanie », Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, tome 69, n° 38, 1957, p. 103-120 ; Id., « Diffusion des consulats méridionaux et expansion du droit romain aux xiie et xiiie siècles », Bibliothèque de l’école des chartes, 1963, tome 121, p. 26-76 ; Id., « Commerce et diffusion du droit romain », Étude de droit commercial à la mémoire de Henry Cabrillac, Paris, 1968, p. 205-217 ; Id., « Le fonds et la forme : l’empreinte du notariat italien sur les pratiques médiévales en France », G. Tamba (dir.), Rolandino e l’Ars notaria da Bologna all’Europa. Atti del convegno internazionale di studi storici sulla figura e l’opera di Rolandino, Bologna, 9-10 ottobre 2000, Milano, 2002, p. 721-733.
7 On pourra se reporter à J. Hilaire, « Droit du commerce et influences européennes dans le système juridique français », Droits, 14, 1991, p. 39-48, Id., La science des notaires. Une longue histoire, Paris, 2000.
8 A. Gouron, « L’“invention” de l’impôt proportionnel au Moyen Âge », Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 138e année, n° 1, 1994, p. 245-260.
9 A. Rigaudière, « L’assiette de l’impôt direct dans les villes du Midi français au bas Moyen Âge d’après leurs livres d’estimes », S. Cavaciocchi (ed.), XXXIX Settimana di Studi, La fiscalità nell’economia europea. Secc. xiii-xviii. Fiscal Systems in the European Economy from the 13 th to the 18 th Centuries. Atti della « trentanovesima Settimana di Studi », Prato, 22-26 aprile 2007, Florence, 2008, p. 425-481.
10 L. Scordia, “Le roi doit vivre du sien”. La théorie de l’impôt en France (xiiie-xve siècle), Paris, 2005.
11 R. Pomini, La causa impositionis nello svolgimento strorico della dottrina finanziaria, Milan, 1951, E. Isenmann, « Les théories du Moyen Âge et de la Renaissance sur les finances publiques », Systèmes économiques et finances publiques, R. Bonney (dir.), Paris, 1996, p. 4-35, F. Garnier, « L’impôt d’après quelques traités fiscaux (xive-xvie siècles) », Histoire du discours fiscal en Europe, L. Ayrault et F. Garnier (éd.), Bruxelles, 2014, p. 64-114.
12 M. Hébert, Parlementer. Assemblées représentatives et échange politique en Europe occidentale à la fin du Moyen Âge, Paris, 2014.
13 En dernier lieu, O. Mattéoni, « L’impôt, l’État, la souveraineté. Retour sur l’enquête “La genèse de l’État moderne” », Penser l’ancien droit public. Regards croisés sur les méthodes des juristes (III), N. Laurent-Bonne et X. Prévost (sous la direction de), Paris, 2022, p. 195-218 spécialement p. 196-197 et p. 208-210.
14 A. Rigaudière, « L’essor de la fiscalité royale du règne de Philippe le Bel (1285-1314) à celui de Philippe VI (1328-1350) », Europa en los umbrales de la crisis (1250-1350), XXI semana de estudios medievales, Estella’94, Pamplona, 1995, p. 323-391.
15 M. Hébert, Parlementer, op. cit.
16 S. Quéré, Le discours politique des états de Languedoc à la fin du Moyen Âge, 1346-1484, Montpellier, 2016, p. 207-245.
17 Y. Thomas, Essai sur le consentement à l’impôt aux derniers siècles de l’Ancien Régime (xve-xviiie siècle), thèse dactyl., Paris II, 1974. A. Marongiu, « Bodin et le consentement à l’impôt », Jean Bodin. Actes du colloque interdisciplinaire d’Angers (24 et 27 mai 1984), t. 1, Angers, 1985, p. 365-374.
18 D. Salles, « Droit royal d’imposer, consentement et mazarinades », RHDFE, 2010, p. 365-396 et Id., « La rémanence de la conception médiévale de la justice fiscale dans les mazarinades », in La justice fiscale (xe-xxie siècle), E. De Crouy-Chanel, C. Glineur et C. Husson-Rochongar (sous la direction de), Bruxelles, 2020, p. 58-63.
19 A. Decroix, Question fiscale et réforme financière en France (1749-1789). Logique de la transparence et recherche de la confiance publique, Aix-en-Provence, 2006. C. Glineur, « Penser l’impôt direct sous l’Ancien Régime », Penser l’ancien droit public, op. cit., p. 219-246.
20 E. De Crouy Chanel, « La citoyenneté fiscale », Archives de philosophie du droit, 46, 2002, p. 39-77, Id., « Le consentement à l’impôt », Pouvoirs, 2014/4, n° 15, p. 5-14.
21 Ph. Millan, Le consentement à l’impôt, thèse, Paris II, 1996, E. De Crouy Chanel, Le contribuable-citoyen. Histoire d’une représentation fiscale 1750-1799, université de Paris 1, 1999, R. Carrier, « Le citoyen : sujet de droit fiscal de 1750 à nos jours », in M. Ganzin (dir.), Sujet et citoyen : Actes du Colloque de Lyon (Septembre 2003). Aix-en-Provence, 2004, p. 375-382. [en ligne https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/puam/1648?lang=fr], A. Barilari, Le consentement à l’impôt, Paris, 2000.
22 C. Delacroix, F. Dosse et P. Garcia, Les courants historiques en France. xixe-xxe siècle, Paris, 1999, rééd., 2005, p. 11-95.
23 Pour une approche civiliste signalée par Katia Weidenfeld, M.-A. Frison-Roche, « Remarques sur la distinction de la volonté et du consentement en droit des contrats », Revue trimestrielle de droit civil, 1995, p. 573-578 : « En Occident, la liberté est dans le « non » ; le consentement est dans le « oui ». Par la volonté, je domine ; par le consentement, je me soumets. La force est du côté de la volonté ; la faiblesse du côté du consentement ».
24 O. Mattéoni, « Les assemblées au royaume de France à la fin du Moyen Âge. Considérations historiographiques du xixe siècle à nos jours », Consensus et représentation, J.-Ph. Genet, D. Le Page et O. Mattéoni (sous la direction de), Rome, 2017, p. 95-114.
25 N. Delalande, Les batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, 2011, Id., « Le consentement à l’impôt en France : les contribuables, l’administration et le problème de la confiance. Une étude de cas en Seine-et-Oise (années 1860 - années 1930) », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2009/2, n° 56-2, p. 135-163 et N. Delalande et A. Spire, Histoire sociale de l’impôt, Paris, 2010.
26 R. Schnerb, « Les hommes de 1848 et l’impôt », Revue d’Histoire du xixe siècle - 1848, 176, 1947, p. 5-51 D’autres lectures de la fiscalité pour le xixe siècle ont été proposées qu’elles soient saint-simoniennes ou proudhoniennes, Cl. Coste, « Penser l’impôt au xixe siècle. Controverses fiscales et contributions saint-simoniennes dans la France des années 1830 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 124, 2014, p. 45-62 et A.-S. Chambost, « Fiscalité et anarchie : Proudhon et l’impôt », La justice fiscale (xe-xxie siècle), op. cit., p. 119-131.
27 A. Thiers, De la propriété, Paris, 1848, p. 341 sq. notamment p. 362 : « La proportionnalité est un principe, mais la progression n’est qu’un odieux arbitraire ». Voir J.-Cl. K. Dupont, « De la “paix sociale” à l’État de droit : la proportionnalité de l’impôt (1815-1920) », Th. Berns, J.-Cl. K. Dupont, M. Xifaras (dir.), Philosophie de l’impôt, Bruxelles, 2006, p. 105-132 ; R. Schnerb, « La politique fiscale de Thiers », Revue historique, avril-juin 1949, p. 186-212 repris dans J. Bouvier, R. Schnerb, J. Wolff, Deux siècles de fiscalité française, xixe-xxe siècles, histoire, économie, politique, Paris, Mouton, 1973, p. 158 sq.
28 Courrier français (13 juillet 1820) avec une reprise et une évolution du texte de cette lettre dans les autres publications de Thierry, voir la remarque de J. Neefs, « Augustin Thierry : le moment de la “véritable” histoire de France », Romantisme, 1980, p. 28-29 note 1.
29 A. Thierry, Dix ans d’études historiques, Paris, 1835, p. 122-130 : « Nous sommes les hommes des cités, les hommes des communes, les hommes de la glèbe, les fils de ces paysans que des chevaliers massacrèrent près de Meaux, les fils de ces bourgeois qui firent trembler Charles V, les fils des révoltés de la Jacquerie ».
30 Ph. Contamine, « Le Moyen Âge romantique et libéral d’Augustin Thierry », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 139e année, N. 4, 1995, p. 973.
31 M. Boulet-Sautel, « La liberté au Moyen Âge vue par les historiens (xvie-xixe siècles) », La notion de liberté au Moyen Âge : Islam, Byzance, Occident, Paris, 1985, p. 275-287 repris dans Vivre au royaume de France, Paris, 2010, p. 759-769 plus spécialement p. 766-769 ; Ph. Contamine, « Le Moyen Âge romantique et libéral d’Augustin Thierry », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, op. cit., p. 969-991 ; A. Denieul-Cormier, Augustin Thierry. L’histoire autrement, Paris, 1996 ; M. Gauchet, « Les “Lettres sur l’histoire de France” d’Augustin Thierry. L’alliance du patriotisme et de la science », in Les Lieux de mémoire, P. Nora (dir.), tome 2, La Nation, vol. 1, Paris, 1997, p. 217-316 et Augustin Thierry. L’histoire pour mémoire, A. Déruelle et Y. Potin (sous la direction de), Rennes, 2018.
32 C. Zonza, « L’Histoire de France de Mézeray : des plaisirs du texte aux nécessités de l’histoire », Dix-septième siècle, 2010/1, n° 426, p. 97-118.
33 A. Thierry, Lettres sur l’histoire de France, Paris, 1851, Lettre première. Sur le besoin d’une Histoire de France, et le principal défaut de celles qui existent, p. 11.
34 Ibid., p. 213.
35 F. Guizot, Histoire de la civilisation en Europe depuis la chute de l’empire romain jusqu’à la révolution française, Bruxelles, 1843, leçon 7, p. 62. P. Rosanvallon, Le moment Guizot, Paris, 1985.
36 F. Guizot, Histoire de la civilisation en France depuis la chute de l’empire romain jusqu’en 1789, Bruxelles, 1843, leçons 46 à 49, p. 582-588, p. 588-597, p. 598-603 et p. 603-612.
37 F. Guizot, Histoire de la civilisation, op. cit., p. 584.
38 Ibid., p. 588-589 et p. 603.
39 J. Michelet, Histoire de France, t. 2, Paris, 1833, p. 264 note 1.
40 Ibid., p. 266.
41 Henrion de Pansey, Du pouvoir municipal, de sa nature, de ses attributions et de ses rapports avec l’autorité judiciaire, 1820, 3e éd., 1833, p. 1-2 et p. 34-35.
42 A. Thierry, Lettres sur l’histoire de France, op. cit., Lettre XXV, p. 361-362.
43 A. Callery, Histoire du pouvoir royal d’imposer depuis la féodalité jusqu’au règne de Charles V, Bruxelles, 1879, p. 101-103.
44 A. Thierry, Lettres sur l’histoire de France pour servir d’introduction à l’étude de cette histoire, Paris, 1851, Lettre XXV, p. 362.
45 A. Thierry, Essai sur l’histoire de la formation et des progrès du tiers état, Paris, 1853, p. 32.
46 A. Thierry, Dix ans d’études historiques, op. cit., p. 171 : « Les bourgeois de Londres, qui prenaient le titre de barons comme les possesseurs de domaines, obtinrent avec eux l’assurance de n’être jamais taxés que du consentement du grand conseil national, qu’en langue normande ou française on appelait le Parlement. »
47 A. Rigaudière, « L’essor de la fiscalité royale du règne de Philippe le Bel (1285-1314) à celui de Philippe VI (1328-1350) », Europa en los umbrales de la crisis (1250-1350), XXI semana de estudios medievales, Estella’94, Pamplona, 1995, p. 323-391.
48 J. Michelet, Histoire de France, t. 3, Paris, 1837, p. 108 : « La tête du monstre s’appelle grand-conseil, ses longues griffes sont au parlement, l’organe digestif est la chambre des comptes. Le seul aliment qui puisse l’apaiser, c’est celui que le peuple ne peut lui trouver. Fisc et peuple n’ont qu’un cri, c’est l’or. »
49 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 31.
50 Ibid., p. 31.
51 Ibid., p. 35.
52 Ibid., p. 34.
53 Ibid., p. 33.
54 Ibid., p. 49-50. Guizot fait de même, Histoire de la civilisation, op. cit., leçon 47, p. 588 et leçon 49, p. 610.
55 F. Guizot, Histoire de la civilisation en France, leçon 49, p. 610.
56 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 62.
57 Sur l’idée d’alliance entre les communes et la royauté, Guizot, Histoire de la civilisation en France, leçon 49, p. 605.
58 F. Guizot, Histoire de la civilisation en France, leçon 49, p. 609.
59 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 50 : Thierry à propos de Charles V qu’il « trouva le moyen de lever plus d’argent que ses prédécesseurs, sans recourir aux états généraux et sans soulever de résistances ; tout resta calme tant que sa main fut là pour tout concilier et tout régler. Il établit, sous le nom d’aides ordinaires, la permanence de l’impôt, violant du même coup les franchises féodales et les franchises municipales. »
60 Ibid., p. 51 : « la nouvelle des paroles de repentir attribuées au roi défunt ne permettait pas de continuer d’autorité la levée des subsides généraux, ni d’en espérer la concession par les trois états réunis. »
61 Ibid., Thiers évoque également cette alliance de plusieurs siècles pour « travailler sans relâche à la ruine de l’aristocratie », leçon 46, p. 582.
62 Ibid., p. 64 : « la question de l’impôt permanent et des taxes mises sans l’octroi des états fit alors un pas décisif ; après quelques alternatives, elle fut tranchée par la nécessité, et, à ce prix, le royaume eut pour la première fois des forces régulières…il y eut, pour la partie privilégiée du tiers état, diminution des droits politiques ; mais la forme de la monarchie moderne, de ce gouvernement destiné dans l’avenir, à être à la fois un et libre, était trouvée. »
63 Ibid., p. 48-50.
64 Ibid., p. 35.
65 Ibid., p. 37.
66 J. Michelet, Histoire de France, op. cit., t. 3, Paris, 1837, p. 365.
67 Sur cette ordonnance, A. Rigaudière, « Destitution d’officiers et reconstitution de carrières au milieu du xive siècle », in Nonagesimo anno. Mélanges offerts à Jean Gaudemet, Paris, 1999, p. 837-873.
68 J. Michelet, Histoire de France, op. cit., p. 388.
69 Ibid.
70 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 41 : « la bourgeoisie formée à la liberté municipale s’élevait, d’un élan soudain mais passager, à l’esprit de liberté nationale, et anticipait en quelque sorte les temps à venir. »
71 Ibid., p. 44.
72 Ibid., p. 39.
73 J. Michelet, Histoire de France, op. cit., p. 380-419. Ch. Amalvi, « Le mythe d’Étienne Marcel. Les interprétations controversées du meurtre d’Étienne Marcel le 31 juillet 1358 de la fin du xviiie siècle au début du xxie siècle », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 34, 2017, p. 107-125.
74 J. Krynen, « Réflexion sur les idées politiques aux États généraux de tours en 1484 », Revue historique de droit français et étranger, 1984, 62, p. 183-204 ; J.-F. Lassalmonie, « Un discours à trois voix sur le pouvoir : le roi et les états généraux de 1484 », in Penser le pouvoir au Moyen Âge (viiie-xve siècle). Études d’histoire et de littératures offertes à Françoise Autrand, D. Boutet et J. Verger (dir.), Paris, 2000, p. 127-155.
75 J. Masselin, Journal des états généraux de France tenus à Tours en 1484 sous le règne de Charles VIII, Collection de documents inédits sur l’histoire de France, Première série Histoire politique, Paris, 1835, p. 139-141.
76 J. Masselin, Journal des états généraux, op. cit., p. 679 : « de ne prendre ne lever tailles sur son peuple, sans grant besoing et nécessité, ne soient imposeez ne exigeez lesdictes tailles, ne aides équipollens à tailles, sans premièrement assembler lesdiz troys estatz, et déclairer les causes et nécessitez du roy et du royaume pour ce faire, et que les gens desdiz estatz le conentent, en gardant les previleges de chacun pays. »
77 J. Masselin, Journal des états généraux, op. cit., p. 149 ; A. Thierry, Essai, p. 69.
78 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 70.
79 Ibid., p. 74.
80 A. Thierry, Récits des temps mérovingiens précédés de Considérations sur l’histoire de France, Paris, 1842, p. 38.
81 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 72. Sur le débat fiscal, J. Masselin, Journal des états généraux, op. cit., p. 411-429.
82 J. Michelet, Histoire de France au seizième siècle, Paris, 1855, p. 7.
83 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 71.
84 J. Masselin, Journal des états généraux, op. cit., p. 415.
85 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 70-71.
86 J. Masselin, Journal des états généraux, op. cit., p. 678-679.
87 Ibid., p. 429.
88 A. Thierry, Essai, op. cit., p. 72.
89 B. Chevalier, « Du droit d’imposer et de sa pratique. Finances et financiers du roi sous le règne de Charles VIII », Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge, Paris, 1995, p. 33-47.
90 J.-J. Clamageran (1827-1903), Histoire de l’impôt en France, Paris, 1867 et A. Vuitry (1813-1885), Études sur le régime financier de la France avant la Révolution de 1789, Paris, 1878-1883.
91 A. Esmein, Cours élémentaire d’histoire du droit français à l’usage des étudiants de première année, Paris, 1892, 11e éd., 1912.
92 P. Viollet, Histoire des institutions politiques et administratives de la France, Paris, 1890-1912, spécialement, tome 2, Paris, 1898 et tome 3, Paris, 1903.
93 J. Declareuil, Histoire générale du droit français des origines à 1789, Paris, 1925.
94 E. Chénon, Histoire générale du droit français public et privé, des origines à 1815, Paris, 1926-1929.
95 Paul Viollet évoque « les convulsions de la démocratie bourgeoise », Histoire des institutions politiques, t. 3, op. cit., p. 216.
96 A. Esmein, Cours élémentaire, p. 539 sq. : « ils protestèrent contre l’impôt permanent et réclamèrent le droit de consentir seulement pour une courte période, en invoquant, non l’ancien principe féodal, c’est-à-dire le caractère seigneurial de l’impôt, mais le principe moderne, à savoir que l’impôt doit être consenti par le peuple qui le paie ». Pour Paul Viollet, « un autre fait ne parvient pas à passer dans le domaine doctrinal : ce fait, c’est celui de l’établissement de l’impôt sans le consentement des états. Ceux-ci revendiquent leur droit. Le roi le reconnaît. Telle est la doctrine. Le fait se perpétuera. La doctrine aussi restera. Elle est la semence féconde que le moyen âge a laissé dans les esprits. ». Voir P. Viollet, Histoire des institutions politiques, t. 3, op. cit., p. 470.
97 A. Esmein, Cours élémentaire, op. cit., p. 571.
98 Ibid., p. 573.
99 Histoire des institutions politiques, op. cit., t. 3, p. 447-448 : « Il ne faut pas assimiler encore complètement ces perceptions à nos impôts modernes. Elles ont dans une certaine mesure un autre caractère. Sans doute, elles sont souvent consenties ou à demi consenties. Et cela est vrai même des aides qui paraissent voulues en principe par la coutume féodale… Mais, la plupart du temps, les consentements obtenus ne sont point des votes d’assemblées de la nation, des votes d’états généraux ; ce sont plutôt des arrangements qui varient avec chaque groupe d’intéressés : on parlemente, on discute sur le quantum ; finalement on plaide ou l’on compose… série de marchandages. Il lui faut négocier… en échange de son consentement. »
100 J. Declareuil, Histoire générale du droit français, op. cit., p. 708.
101 M. Bouvier, L’impôt sans le citoyen ? Le consentement à l’impôt, un enjeu crucial pour la démocratie, Paris, 2019.
Auteur
Université Toulouse Capitole
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