La région en question(s)
p. 167-183
Texte intégral
1La création de la région comme collectivité territoriale est l’une des quatre grandes innovations de la loi du 2 mars 1982. Trente ans constituent un bel âge, même s’il convient de préciser qu’elle est devenue une collectivité de plein exercice seulement en 1986 après la première élection des conseils régionaux. Toutefois, ce furent trois décennies pour le moins controversées dont la loi du 16 décembre 2010 constitue l’une des dernières illustrations : création des conseillers territoriaux, redéfinition de la clause générale de compétence, la région n’a pas quitté le devant de la scène des débats et interrogations. Dès sa naissance comme collectivité territoriale, les questions étaient nombreuses et la révision constitutionnelle de 2003 insérant la région parmi les collectivités territoriales au sein de l’article 72 peine à faire oublier la rédaction singulière de l’article 59 de la loi du 2 mars 19821. Il faut dire que l’implantation de l’idée de région a été et est difficile. En 1981, Michel Rocard, ministre d’État chargé du plan et de l’aménagement du territoire écrivait, dans un article intitulé “La région, une idée neuve pour la gauche”2 : “Il y a, entre la France et ses régions, une très ancienne incompréhension”3. Il convient d’ores et déjà de s’arrêter quelques instants. Dans cette étude, l’auteur indique : “Aujourd’hui, toute la gauche est régionaliste – hardiment”4. L’emploi de ce qualificatif interpelle : régionaliste ou en faveur d’une régionalisation ? Généralement, le régionalisme ou la régionalisation politique renvoie à cette forme d’État intermédiaire, “La structure unitaire de l’État est maintenue : mais les collectivités régionales qui le composent disposent d’une réelle autonomie normative garantie par la constitution”5. Il faut distinguer cette dernière notion de la régionalisation administrative qui désigne l’application de la décentralisation aux régions ; elle “se rencontre en France et n’instaure aucune compétence normative autonome au profit des régions”6.
2Par ailleurs, les divers sondages démontrant la popularité de la région et la satisfaction apportée aux citoyens ne font pas disparaître les questionnements concernant l’identité de la région.
3Par delà cette observation, la région se conçoit selon une logique essentialiste ou plus exactement fonctionnelle. De plus, depuis son érection en tant que collectivité territoriale, la région a toujours été appréhendée dans un rapport d’altérité, qu’il s’agisse de son positionnement par rapport à l’État ou par rapport aux départements, dont une des premières explications peut résider dans le fait qu’elle est la dernière née des collectivités territoriales (II). Le chemin parcouru par l’idée de région7 a été long et chaotique, et il n’est pas certain que l’idée initiale, si elle était unique, fut conservée (I).
I – LA RÉGION, UNE CONSÉCRATION ÂPRE
4La création de la région comme collectivité territoriale ne parvient pas à faire oublier que l’itinéraire suivi par “l’idée de régionaliser le territoire français”8, selon la formule de M. Rémond, fut semé d’embûches. Le projet régional se heurta aux oppositions politiques (A) et la réalité institutionnelle administrative doit beaucoup aux circonstances et à une approche principalement fonctionnelle de la région (B).
A – Les obstacles politiques et la région
5L’idée régionale devait faire face à la toute puissance de la référence révolutionnaire et au découpage administratif mis en place à partir de 1789, ainsi “toute mise en cause du découpage administratif départemental et communal a passé plus ou moins pour une tentative de retour aux provinces de la monarchie, une volonté réactionnaire, une atteinte aux principes d’unité et d’indivisibilité de la République”9. En ce sens, tout projet régionaliste apparaissait comme contre-révolutionnaire ; il fallu attendre le milieu du XIXe siècle pour que le thème ressurgisse, aidé en cela par plusieurs phénomènes10 dont le “renouveau linguistique”11 et la critique de l’entreprise révolutionnaire d’unification de la langue. F. Mistral, fondateur du Félibrige, apportera son “parrainage à la création de la Fédération régionale de France”12. Au delà des personnages et des timides avancées des idées fédéralistes, il n’existe pas réellement, selon M. Ohnet, de parti décentralisateur. “Les clivages politiques ne constituent pas le seul obstacle à sa formation. Entre les tenants de la fédération, d’une suppression des départements et de la reconstitution des anciennes provinces, les partisans de régions à vocation économique sans direction politique (…) les divergences sont nombreuses”13. L’auteur conclut : “Ces perspectives de constitution d’un cadre régional resteront donc lettre morte, et aucune des (nombreuses) tentatives parlementaires de donner au régionalisme une traduction législative n’aboutira”14. En effet, si les divers partis s’accordent sur la critique de la centralisation, ils divergent profondément quant aux “réformes proposées”15 et “l’échelon retenu pour être le cadre des réformes décentralisatrices a varié lui aussi selon les familles politiques et les moments de l’histoire”16. Par ailleurs, les clivages politiques jouèrent à plein, les propositions de certains anti-centralisateurs évoluèrent vers un réquisitoire idéologique en règle du régime républicain qui débouchèrent sur “l’échec des multiples réflexions et tentatives de donner corps au régionalisme”17. De plus, “la radicalisation de l’action française, puis la multiplication des ligues dans l’entre-deux-guerres, contribueront aussi au maintien d’un strict centralisme administratif tout au long de la IIIe République”18. En y adjoignant le régime de Vichy, il est commun de dire que l’idée régionaliste fut fortement hypothéquée. Les auteurs s’accordent sur ce constat : Selon M. Ohnet, “le concept de régionalisme – déjà accusé avant guerre de coupable collusions avec les courants d’idées hostiles à la démocratie parlementaire – apparaissait trop compromis par la propagande et les expériences vichyssoises pour que la région puisse servir de cadre à une nouvelle organisation décentralisée”19.
6Les Professeurs Bodineau et Verpeaux écrivent : “La région de Vichy : le vice originel”20.
7L’idéologie de la Révolution nationale opère une bien singulière décentralisation. La loi du 12 octobre 1940 fait disparaître les conseils généraux21 ; celle du 16 novembre 1940 dissout les conseils municipaux. Désormais, les maires et les conseillers municipaux dans toutes les communes de plus de 2000 habitants seront nommés par l’État22. En fait, le régime de Vichy entendait “restaurer le cadre provincial, tout en opérant une recentralisation draconienne”23. Les intentions du gouvernement de Vichy quant à la nouvelle organisation territoriale débouchèrent uniquement sur l’instauration par la loi du 19 avril 1941 de dix huit préfets de région dont les compétences étaient essentiellement cantonnées au maintien de l’ordre et à l’économie24. Les projets de création de grandes provinces et de gouverneurs “placés à leurs têtes”25 ou encore celui élaboré en 194426 restèrent lettre morte.
8L’idée de région, à tout le moins dans son acception politique et comme structure décentralisée, sortira très péjorativement connotée de cette période historique27. Se faisant l’écho du sentiment d’un préfet, les Professeurs Bodineau et Verpeaux mentionnent : “La région telle que Vichy l’a créée, œuvre de l’usurpateur est viciée par là même d’une tare congénitale qui ne peut que nous la rendre suspecte”28. Toutefois, le gouvernement provisoire maintiendra le support régional pour des raisons de nécessité29, mais les commissaires régionaux de la République furent “supprimés dès 1946”30. Ces deux dernières illustrations montrent le glissement vers une conception beaucoup plus utilitariste de la région.
B – La région, un échelon avant tout fonctionnel
9Selon certaines présentations, la consécration de la région doit beaucoup aux nécessités ou aux circonstances31. En ce sens, elle relève plus de la fonctionnalité que d’un réel programme ou doctrines régionalistes. Si les “préoccupations régionales devaient rapidement réapparaître”32, ces dernières s’avéraient éminemment techniques et principalement économiques ou liées au développement économique. Pour les Professeurs Blanc et Rémond “quatre moments”33 participèrent à l’entrée de la région “dans la vie administrative française (…) par la petite porte”34.
10Parmi les circonstances qui contribuèrent à cette mise en avant des logiques économiques, il convient de mentionner la première guerre mondiale qui renforça et exacerba les besoins “de coordination de certaines activités publiques”35 et notamment des forces économiques (sic). Ainsi après la création dans le ressort des régions militaires des “comités consultatifs d’action économique”, en 1919 “les régions Clémentel” sont instaurées sur le fondement d’une circulaire du 25 août 1917. Du véritable nom de groupements économiques régionaux, ces structures regroupent les chambres de commerce dans “un cadre supra-départemental”36 afin de mieux assurer l’information, et la coordination des “compagnies consulaires”37. Si les résultats furent décevants, il convient toutefois de souligner deux éléments. D’une part, elles consacrent, selon les Professeurs Blanc et Rémond, pour la première fois la mise en place d’un conseil régional38 ; d’autre part, elles deviendront en 1938 des établissements publics, “constituant ainsi les ancêtres des actuelles compagnies consulaires de commerce et d’industrie de niveau régional”39.
11Après l’expérience vichyssoise et les commissaires mis en place à la Libération, les nécessités conduisirent à concevoir une formule susceptible de relever les défis de temps quelque peu agités. Pour répondre aux troubles liés aux grandes grèves de 1947, le ministre de l’intérieur Jules Moch créa les Inspecteurs Généraux de l’Administration en Mission Extraordinaire dans le ressort des régions militaires40. Selon les Professeurs Bodineau et Verpeaux, “… si le cadre régional n’a pas été reconnu politiquement, il demeure encore nécessaire dans la nouvelle stratégie qu’appelle une croissance exceptionnelle de l’économie française”41. En effet, après la seconde guerre mondiale, la France connaîtra une profonde mutation, non seulement elle passera d’une société encore majoritairement rurale à une société plus urbaine42, mais les logiques de développement économique et social et d’aménagement du territoire sont en plein essor, faisant ressurgir le cadre régional43. Parmi les éléments à verser au dossier de la recomposition de l’aménagement du territoire et d’un développement économique plus harmonieux, l’ouvrage de Jean-François Gravier publié en 1947, “Paris et le désert français”, fut d’un grand retentissement. Les “comités d’expansion créés sous Vichy par des industriels”44 sont consolidés par un décret du 11 décembre 1954. L’année suivante, 23 circonscriptions d’action régionale (CAR) voient le jour, ces subdivisions permettront en leur sein “d’élaborer des programmes d’action régionale (PAR)”45. “Ce premier découpage administratif territorial intervient ainsi dix ans après l’adoption de la Constitution de 1946 et vingt-cinq ans après la mise en place des “régions Clémentel””46 ; les Professeurs Blanc et Rémond précisent : “la politique d’aménagement du territoire, en se renforçant, va se couler dans ce cadre régional…”47.
12A la fin des années cinquante, un essai d’harmonisation des circonscriptions administratives se développe afin, comme l’explique le Professeur Burdeau, de mettre un terme à la prolifération anarchique antérieure48. Les années soixante donneront l’opportunité à l’organisation administrative de se structurer à l’échelon régional et “le régionalisme fonctionnel”49 se renforcera. Parallèlement aux CAR, des conférences interdépartementales constituées des préfets de la circonscription et de hauts fonctionnaires sont instaurées. A partir de 1961, elles sont présidées par l’un des préfets qui prend le nom de “préfet coordonnateur”. Les années suivantes assurèrent “la mise en œuvre d’une politique de déconcentration des pouvoirs et des fonctions du niveau central de l’État vers ses représentants territoriaux”50. Les CAR sont ramenées par le décret du 2 juin 1960 de 23 à 21 et, dans ce cadre, les services extérieurs de l’État sont incités à se regrouper. Autre grande étape : les décrets du 14 mars 1964 qui créent les préfets de région. Ces derniers sont assistés “d’une mission régionale ; les conférences interdépartementales laissent la place à la conférence administrative régionale et des commissions de développement économique et régional (CODER) se substituent aux anciens comités d’expansion”51. Ce nouvel échelon régional “occupe une place reconnue dans le paysage administratif (…) et il s’affirme comme l’échelon de conception, de programmation et de mise en œuvre des politiques de développement économique”52.
13Les Professeurs Blanc et Rémond intitulent le quatrième et dernier temps de ce premier mouvement “Du flux au reflux” ; il semble opportun de conserver cette image, même s’il est envisageable d’étendre la période de reflux.
14Une thématique similaire se retrouve sous la plume des Professeurs Bodineau et Verpeaux53 ou encore de M. Dupéron, qui écrit : “Aux sources de la décentralisation régionale en France, on trouve deux conceptions différentes, illustrées notamment par celle du Général de Gaulle en 1969 et celle du Président Pompidou après l’échec du référendum d’avril de la même année”54.
15Selon les Professeurs Bodineau et Verpeaux, malgré les efforts entrepris par les décrets de 1964, “la réforme régionale va progressivement s’enliser (…) Le chef de l’État pressent qu’il faut un nouvel élan”55. Ainsi, à Lyon, le 24 mars 1968, le général de Gaulle déclara : “L’évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L’effort multiséculaire de centralisation qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain”56. Aux lendemains de mai 1968, “le général de Gaulle reprit l’idée d’une certaine régionalisation du pouvoir”57. Toutefois, cette dernière formule est plus sujette à interprétation ; s’agit-il de renforcer l’échelon régional du pouvoir d’État ou réellement d’attribuer un pouvoir à l’entité régionale distincte de l’État ? L’incertitude prévaut. Dans sa déclaration du 9 septembre 1968, le général de Gaulle indique : “son caractère ethnique et géographique, sa dimension, ses ressources, lui permettent d’avoir une vie propre (…) la région apparaît “dans le domaine économique et social” comme l’élément local essentiel”58. Pourtant, M. Ohnet relève que “le rôle du préfet demeure prépondérant”59 et “la “décentralisation” évoquée apparaît, toutefois limitée”60 et, ce malgré son intention de “transformer la circonscription d’action régionale en région, en nouvelle collectivité territoriale de la République”61. Le principe de composition mixte (élus et représentants des instances consulaires, des organismes professionnels et des syndicats) des CODER est conservé au sein de la future assemblée délibérante de la région.
16Son couplage avec la réforme du Sénat lors du référendum et son résultat négatif discrédita ou, à tout le moins, handicapa la réforme régionale62.
17Selon le Président Pompidou, “la région devait être l’expression concertée des départements qui la composent et non un organe de mise en tutelle de ces départements”63. Le découpage ou l’instrumentalisation de la région ne disparaît pas, seul le projet de l’ériger en collectivité territoriale est remisé64. Dans un développement à l’intitulé explicite, les Professeurs Blanc et Rémond écrivent : “cette région est donc voulue comme “autre chose et moins” que le département (…) va être triplement encadrée : institutionnellement, structurellement et fonctionnellement”65. Ainsi, la région est un établissement public territorial donc gouverné par le principe de spécialité des compétences. Au plan institutionnel (sic), expliquent les auteurs, les membres du conseil régional sont désignés au suffrage universel indirect66. À ses côtés, un comité économique et social formule des avis et un préfet de région “joue un rôle essentiel puisqu’il instruit les affaires soumises aux deux assemblées et qu’il exécute le budget de l’établissement public, tout en conservant (…) plus généralement la planification de la région”67. Au cours des années soixante dix, selon le Professeur Rémond, certains verrous vont sauter68, permettant aux régions de “pouvoir amorcer une irrésistible ascension”69 notamment en matière d’interventionnisme économique. Ce mouvement s’opéra sans modification du cadre institutionnel et du régime juridique de l’établissement public régional. Ainsi, la doxa officielle au cours de la présidence de M. Giscard d’Estaing demeurait : “toute la loi de 1972, rien que la loi de 1972”70 ; toutefois de nombreuses entorses et changements intervinrent71 et “les EPR ont en fait rapidement vécu à l’heure du principe nouveau : “à la fois plus et moins que la loi de 1972””72 et l’auteur de conclure son développement : “Et c’est cette dynamique régionale qui favorisa la mutation de 1982. De la chrysalide au papillon !”73.
18La loi du 2 mars 1982 érige la région en collectivité territoriale. La conjoncture économique a beaucoup pesé dans ce changement de nature juridique, mais le contexte politique et idéologique est également à mentionner. Ainsi le chef de l’État déclarait en 1982 : “La France a eu besoin d’un pouvoir fort pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire”74. Toutefois, l’intégration des régions dans ce pouvoir local était relativement récente. L’article précité de M. Rocard ne fait place à aucune ambiguïté, la conversion de la gauche à l’idée régionale est nouvelle75. La loi du 2 mars 1982 mentionnera donc parmi les innovations la création de la région ; si le chef du gouvernement était favorable à cet échelon, une plus grande réserve était de mise du côté du Chef de l’État76.
19Il est très extensivement loisible de voir dans cette différence d’appréciation, certaines des interrogations qui suivirent la création de cette dernière collectivité. Ainsi une étude du Professeur Douence, parue en 1986, débute par cette interpellation : “La région est-elle une collectivité territoriale comme les autres ?”77, ce questionnement est repris dans une contribution récente du Professeur Chavrier78. L’auteur précise : “C’est la question que les parlementaires se sont posés, avec inquiétude, dès les débats sur le projet de loi relatif aux droits et libertés, des départements et à laquelle ils ont donné une réponse devenue immuable : “À la région reviendrait une fonction d’animation, intermédiaire entre celles qu’exerce l’État et les collectivités locales, mais ne faisant aucunement écran entre la collectivité nationale et les collectivités territoriale de plein exercice””79.
20La rédaction de l’article 59 de la loi du 2 mars 198280 ne reflèterait-il pas, entre autres, une certaine prudence vis-à-vis de ce niveau de collectivité territoriale ? Une telle formulation s’écarte de l’énoncé “familier” de la clause générale de compétence reconnue aux communes et départements. Ainsi, les trois premiers alinéas de l’article 59 rappellent cet extrait du poème de Verlaine81, puisqu’il tend à affirmer que la région n’est ni tout à fait la même que les autres collectivités territoriales ni tout à fait une autre82. Originellement, la création de la collectivité régionale est donc marquée d’une certaine ambiguïté : “en dépit de leur vocation particulière, les régions constituent des collectivités territoriales comme les autres, sans responsabilité notable à l’égard des niveaux inférieurs”83. L’équivoque apparaît donc comme une constante dans les dispositions relatives à la région84. La rédaction de l’article 59 de la loi précitée constitue le prolongement de l’ambivalence déjà au cœur statut de l’EPR, et tout particulièrement les dispositions relatives aux compétences (sic). Ces dernières “confinent expressément les régions dans des attributions limitativement énumérées, conformément à la qualification d’établissement public. Mais simultanément elles consacrent l’existence d’un intérêt régional direct qui relève plutôt de la notion de collectivité locale”85.
II – LA RÉGION, UNE IDENTITÉ UNIQUEMENT PAR L’ALTÉRITÉ ?
21La loi de décembre 2010 a été bâtie sur la logique des couples écrit M. le Professeur Verpeaux, s’empressant de préciser : “quand bien même ces couples ne seraient pas les mieux assortis”86. Il ne s’agit pas de s’arrêter sur cette notion de “couple”, mais tout simplement de relever que l’identité régionale s’est toujours conçue dans un rapport d’altérité, dont le couple département-région constitue le dernier état. Toute identité est “à la fois négative, dans la mesure où elle suppose une différenciation avec l’extérieur et positive, dans la mesure où elle implique une unité interne”87. Cette “positivité identitaire” semble très faible. Il ne s’agit pas de revenir sur le découpage ou sur la conscience de ses habitants88, mais d’observer depuis plusieurs lustres, la domination de la face négative du processus d’identité de la région à travers la constitution de divers attelages ou assemblages. Or, cette succession ou superposition de couple ou duo interpelle, et est regrettable ; car elle tend à montrer que l’appréhension de la région ne relève pas d’une démarche intrinsèque, mais presqu’exclusivement extrinsèque (A). Toutefois la réactivation de la question du pouvoir normatif aux conseils régionaux pourrait changer la donne, en conférant un pouvoir spécifique aux régions à même de les différencier des autres collectivités (B).
A – Une succession de couples
22Certaines dispositions de la loi du 2 mars 1982 pourraient être appréhendées par le prisme du droit civil. Si la prétendue suppression de la tutelle89 constitue l’illustration la plus caricaturale, l’histoire de la région, et tout particulièrement de sa consécration, en tant que collectivité territoriale propose une seconde déclinaison.
23L’avènement de la collectivité territoriale régionale s’inscrit initialement dans le droit de la famille. Les Professeurs Pontier et Turpin soulignent : “chacun sait que lorsqu’une famille s’agrandit, les relations au sein du groupe se modifient, spécialement lorsque l’on passe de deux à trois enfants”90. Très rapidement, semble-t-il, les auteurs quittent le registre familial pour celui du ou des couples. La relation région-État est vite évacuée sans être minimisée91. Toutefois, ce couple sera fortement réactivé lors de la révision constitutionnelle de 2003, en effet “est affichée, l’intention que se dessinent deux couples : le couple de la stratégie, de la cohérence (État-région) et le couple de la gestion de la proximité (commune-département)”92. Cet assemblage État-région rappelle que la collectivité régionale n’est pas un échelon de proximité ; ce binôme avec l’État présentait l’avantage de la dissocier des autres collectivités territoriales et “constituait alors une déclaration publique en faveur de la qualité de niveau intermédiaire des régions”93. Cependant, ce duo se heurta aux habitudes et approches antérieures consistant à concevoir la région par rapport au couple qu’elle forme avec le département. En 1986, les Professeurs Pontier et Turpin constataient : “C’est celui qui, pour l’heure, suscite le plus d’intérêt, car susceptible d’approches différentes, et d’appréciations peut-être opposées”94. Si les auteurs font preuve d’une prudence certaine en s’interrogeant sur une concurrence éventuelle décelable entre les deux institutions95, quelques uns ont proposé, face à ce qu’ils conçoivent comme un antagonisme, la disparition de l’une des deux collectivités, d’autres encore de fusionner les partenaires.
24La consécration de la région comme collectivité territoriale s’est faite à organisation institutionnelle locale constante. Les vingt deux régions métropolitaines sont venues se plaquer sur les anciennes circonscriptions d’action régionales rendant l’apparition d’une identité régionale pour le moins compliquée. L’aspect humain étant très secondaire dans le processus de constitution des régions, elles ne correspondent pas aux nouvelles réalités sociales et démographiques. Il serait aisé de rétorquer que l’aspect sociologique n’a pas été pris en compte lors de la constitution des départements et plus encore dans le projet Sieyes-Thouret. Assurément, et au delà de l’aspect peut-être caricatural, ses deux cent vingt ans d’existence ne changent pas la donne, mais ses compétences en matière sociale lui confèrent une consistance autre pour le grand public que celles en matière de développement économique. “Par ailleurs”, écrit le Professeur Grémion, “le choix du scrutin de liste départemental pour l’élection des conseils régionaux renforce le processus d’affaiblissement de la région face au département et freine l’émergence d’une identité régionale”96. Singulière identité régionale, qui apparaît comme “la somme des départements de la région”97. En ce sens, l’interrogation des Professeurs Pontier et Turpin prend tout son sens : “L’image du couple s’impose fortement pour les relations région-département : s’agit-il d’un côte à côté, d’un face à face, d’un vis-à-vis ?”98. Les trente dernières années voire plus, ont été marquées par cet affrontement département-région99, dont l’une des dernières versions fut le rapport du comité Attali et la proposition de suppression des départements. Pour demeurer dans la métaphore familiale précitée, le couple département-région est assimilable aux “frères ennemis”. Malgré les nombreuses annonces, depuis les années quatre vingt, quant à la prochaine disparition ou à l’acte de décès du département, il a “réussi à garder toute sa place”100. Ainsi n’étant pas à un paradoxe près, “jusqu’ici toutes les réformes de la décentralisation depuis le début des années 1980 ont renforcé le département, alors même que l’objectif était en principe de renforcer la région”101. Cette recherche d’une identité de la région par le fratricide ne satisfait pas ; le cas échéant, elle peut trouver une amorce d’explication à partir du constat suivant : “Le couple département-région n’a jamais existé (…) C’est la raison pour laquelle la question de leurs relations a toujours été posée sous la forme d’une alternative : garde-t-on les départements (…) ou les régions”102. La loi de décembre 2010 institue donc un singulier couple ou duo ; en effet, comme le relève le Professeur Chavrier, “les relations entre les deux niveaux sont actuellement limitées”103. Depuis 1982, il revient à la région “une fonction d’animation, intermédiaire entre celle qu’exerce l’État et les collectivités locales (…) À l’inverse, le département constitue un niveau de gestion de proximité”104 et l’auteur de relever : “Cette différence n’a pas échappé au Sénat (…) en 2008. Ainsi dans un rapport d’étape, il précisait que le département était “le niveau des solidarités sociales et territoriales” et les régions “l’échelon des missions stratégiques et de préparation de l’avenir””105. Cette volonté, dès la loi relative aux droits et libertés des communes, départements et régions, de distinguer la région a quelque peu été omise ou oubliée. Quant à l’argument de la concurrence, il convient de relativiser ce réquisitoire. Le Professeur Chavrier indique : “Cette vocation différente explique que leurs actions se recoupent assez peu. Selon l’Association des régions de France, 20 % des financements d’action des départements et des régions se croiseraient. Le président du conseil général du Val-d’Oise précisait quant à lui que “85 % des compétences de ces collectivités sont distinctes””106. L’auteur assène : “Partant du faux principe que le besoin de coordination des actions départementales et régionales était important, la loi de 2010 a créé deux outils essentiels à cet effet : les conseillers territoriaux107 et les schémas d’organisation et de mutualisation des compétences”108. La suppression du premier “instrument” par l’article 48 de la loi du 17 mai 2013 évite d’y consacrer de longs développements. Cependant, il peut être relevé la participation du conseiller territorial à un vaudeville autour de la “constitution d’un couple jaloux”109. Plus encore, avec un tel soutien, la région n’a pas besoin d’ennemi110. Non seulement le couple département-région nuit à l’identité régionale111, mais il induit en erreur sur les réelles structures menaçant la région. Cette focalisation excessive des tenants de la région sur le département rappelle ce vieil adage chinois “quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt”. Pourtant, le Professeur Marcou a tiré le signal d’alarme : “… la région est menacée par une autre évolution, dont la dimension institutionnelle est moins visible, c’est le renforcement des grandes villes, la “métropolisation” (…) les grandes villes étant plus que jamais les foyers du développement économique, de la création d’emplois et de l’innovation, les pouvoirs urbains entrent inévitablement en concurrence avec les pouvoirs régionaux”112.
25De nouvelles voix se font entendre recherchant d’une certaine manière, via l’argument des pouvoirs, l’établissement d’une identité positive des régions.
B – Les pouvoirs des régions
26Selon le Professeur Marcou, “Au cours des dernières années, le débat sur les régions s’est déplacé insensiblement des compétences vers les pouvoirs”113. Certaines déclarations lors de la dernière campagne présidentielle ou dans les mois qui la précédèrent ont relancé la thématique du pouvoir normatif, notamment réglementaire des collectivités territoriales, et particulièrement des régions. Cette thématique n’est pas nouvelle ; la nature du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales avait été un des points débattus lors d’un colloque à Angers en 1983.
27Le niveau d’exercice du pouvoir réglementaire par les collectivité décentralisées serait, selon le Professeur Chavrier, double et l’auteur de rappeler que le pouvoir réglementaire d’exécution des lois ou plus souvent désigné “pouvoir d’application des lois” provoque le plus de discussion114. “La seconde hypothèse d’intervention des collectivités territoriales nullement contestée (…) consiste à mettre en œuvre les compétences qui leur ont été transférées par l’édiction de normes générales et impersonnelles”115. À l’appui du premier cas de figure, le Professeur Chavrier évoque la décision no 2001-454 DC du Conseil constitutionnel du 17 janvier 2002, “le juge constitutionnel est donc clair : la combinaison des dispositions de l’article 21 et 13 de la constitution permet au législateur de renvoyer aux collectivités locales pour les mesures d’application de la loi”116. Toutefois la décision précitée n’omet pas les garde-fous117. “Les collectivités ne peuvent appliquer que les lois qui concernent leurs domaines de compétences”118. Selon l’auteur, la jurisprudence administrative serait “plus frileuse”119 ; pourtant reconnaître les collectivités territoriales comme autorités réglementaires d’application des lois dans le cadre des limites précédemment citées ne constitue pas le grand soir.
28Lors du discours de clôture du 8e congrès de l’association des régions de France, le Président Rousset a notamment déclaré : “Les régions seront chefs de file de grandes politiques avec un pouvoir réglementaire. Cela aboutira à l’élaboration de schémas régionaux prescriptifs – mais négociés – et concertés avec les autres collectivités”120. Cette revendication relève d’un véritable plaidoyer régional pro domo et d’un “type d’extension du pouvoir réglementaire (…) spécifiquement envisagé cette fois pour les régions”121, elle a reçu récemment le renfort de la ministre de l’Égalité des territoires et du logement désireuse de “documents régionaux opposables”122. Cette demande devrait être satisfaite car “rien ne s’oppose en droit et à Constitution constante, à ce que la loi attribue une portée réglementaire au SRADT ou à d’autres documents ayant des effets de droit sur d’autres collectivités territoriales”123. Plus sujette à débat est la revendication d’un pouvoir réglementaire délégué formulée lors du 7e congrès de l’ARF124 et renouvelée le 4 juillet 2012 lors de la conférence de presse des présidents des Régions125. Ainsi, “parallèlement à l’existence d’un pouvoir réglementaire “autonome” reconnu à l’État par l’article 37 de la constitution serait prévu un pouvoir réglementaire délégué à la collectivité régionale”126. Cette proposition au delà de son énoncé relativement simple renferme de fortes potentialités127 dont l’avenir dira si le futur projet de loi gouvernemental souhaite la retenir.
29La région française est une collectivité récente. Si certaines mauvaises questions comme celle de sa taille semble disparaître128, l’enjeu dimensionnel reste encore de mise et plus encore dans le cadre de pseudo comparaison au sein de l’espace européen. L’une des interrogations plus pertinente serait peut-être de reconsidérer les régions à l’aune de “l’évolution des bassins d’emplois, des aires urbaines, des dynamiques résidentielles”129 en s’appuyant sur la consultation des électeurs. En revenant à et sur elle-même, la question régionale pose et posera probablement celle de la forme de l’État. Comme le montre le Professeur Marcou, cette interrogation est épineuse130, mais chercher à l’éviter en préférant s’interroger sur le devenir des départements constitue une erreur. La région a des forces et un avenir, si on accepte de les ancrer et de les reconnaître par une démarche identitaire positive et ainsi donner toute sa force au processus décentralisateur.
Notes de bas de page
1 “Les régions sont des collectivités territoriales. Elles sont administrées par un conseil régional élu au suffrage universel direct.
Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région. Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes. Il peut engager des actions complémentaires de celles de l’Etat, des autres collectivités territoriales et des établissements publics situés dans la région, dans les domaines et les conditions qui seront fixés par la loi déterminant la répartition des compétences prévue à l’article 1er de la présente loi. La région peut passer des conventions avec l’Etat, ou avec d’autres collectivités territoriales ou leurs groupements, pour mener avec eux des actions de leur compétence. La création et l’organisation des régions en métropole et outre-mer ne portent atteinte ni à l’unité de la République ni à l’intégrité du territoire”.
2 in Pouvoirs no 19, 1981, p. 131 et s.
3 Ibid. p. 131.
4 Ibid. p. 132.
5 L. Favoreu, P. Gaïa, R. Ghevontian, J.L. Mestre, O. Pfersmann, A. Roux, G. Scoffoni, Droit constitutionnel, 14e édition, Dalloz, Paris 2011, p. 442.
6 Ibid. p. 478.
7 “La région : une idée qui fait son chemin”, in P. Bodineau et M. Verpeaux, Histoire de la décentralisation, 2e édition, Que sais-je, PUF, Paris 1997, p. 77.
8 B. Rémond, La région, 3e édition, Montchrestien, p. 9
9 M. Rocard, art. préc. p. 131
10 “Plusieurs phénomènes vont contribuer à un réveil de ces consciences identitaires – en particulier les mutations économiques et culturelles qui s’accélèrent sous le Second Empire…”, J.M. Ohnet, Histoire de la décentralisation française, édition le livre de poche, Paris, 1996, p. 93.
11 Ibid. Voir en ce sens, p. 93 et s.
12 Ibid. p. 94. Selon MM. Bodineau et Verpeaux, “… cette association rassemblera des hommes politiques, des intellectuels, des écrivains d’origines diverses et que réunit l‘idée régionale. La fédération diffuse un journal “l’Action régionaliste”, tribune largement ouverte sur les questions d’administration locale (…) La lecture de ce programme, tel qu’il apparaît par exemple dans l’ouvrage de Charles–Brun (le régionaliste) montre bien que pour la plupart des régionalistes, la réforme ne consiste pas seulement à modifier les cadres de la vie politique et administrative : il s’agit aussi de créer les conditions d’une certaine autonomie régionale, qui s’exprimera dans des institutions représentatives, des attributions significatives dans le domaine économique, social et culturel, enfin dans une certaine capacité budgétaire”, op. cit. p. 79.
13 J.M. Ohnet, op. cit. p. 97. Concernant la fédération régionaliste de France, MM. Bodineau et Verpeaux expliquent : “Si l’accord n’est pas unanime sur le degré d’autonomie qu’il convient d’accorder aux régions, il ne l’est pas davantage sur le sort des départements : certains n’imaginent pas que l’on puisse conserver ces cadres artificiels ou dépassés ; d’autres, plus réalistes, s’accommoderaient d’une superposition de régions aux départements”, ibid. p. 79.
14 Op. cit. p. 97. “Le Parlement sera effectivement saisi d’un certain nombre de propositions de lois qui ne rencontreront guère de succès : la majorité des parlementaires demeure en effet très attachée au département. La plupart de ces projets prévoient une large décentralisation, comme la proposition Hovelacque (1890) ou celle du député Hennessy (1916) mais le débat sur le cadre occulte souvent la discussion sur les pouvoirs. De son côté le gouvernement a eu, en plusieurs occasions, la volonté d’instituer un cadre régional, mieux adapté à certaines missions nouvelles de l’État : il n’a jamais donné suite à ces velléités, ni en 1860 où la circulaire du ministre de l’intérieur Persigny demeure dans les tiroirs des préfets, ni sous la IIIe République, lorsque les projets de Briand (1910) et de Maunoury (1922) rencontrent les mêmes réticences, aussi bien de la part des élus que du corps préfectoral”, P. Bodineau et M. Verpeaux, op. cit. p. 80.
15 F. Burdeau, Histoire de l’administration française du 18e au 20e siècle, éditions Montchrestien, Paris 1989, p. 188.
16 Ibid.
17 “Le néo-fédéralisme maurrassien occupera une place importante dans les débats intellectuels du début du XXe siècle sur la décentralisation. Toutefois, politiquement inséparable du renouveau de l’extrême droite monarchiste, il subira une rapide marginalisation, y compris dans le combat politique de Maurras lui-même. Jules Ferry ou Clemenceau reprocheront avec véhémence à certains républicains de se compromettre, sous couvert d’un consensus partiel sur la question des libertés locales, avec une doctrine ouvertement antiparlementaire et antirépublicain”, J.M. Ohnet, op. cit. p. 100.
18 Le parti radical une des formations clefs de la IIIe République, “pourtant plutôt favorable, à ses débuts, aux libertés locales, campera sur cette ligne intransigeante : oui à l’extension limitée de compétences locales de gestion, mais non à une décentralisation de caractère plus politique qui pourrait remettre en cause le principe de l’application uniforme de la loi et constituer une menace pour la République “une et indivisible””, ibid. p. 101
19 Ibid. p. 105.
20 Op. cit. p. 81.
21 F. Burdeau, op. cit. p. 201.
22 Ibid.
23 J.M. Ohnet, op. cit. p. 104.
24 “production, répartition et distribution des produits alimentaires et denrées ainsi que la fixation de leurs prix”, P. Bodineau et M. Verpeaux, op. cit. p. 82.
25 J. M. Ohnet, op. cit. p. 105.
26 Il “prévoyait, outre le rétablissement de conseils départementaux, l’élection au second degré, pour les deux tiers, d’assemblées provinciales consultatives, (il) ne devait jamais voir le jour”, ibid.
27 “Surtout l’idée régionale va désormais porter comme une tache indélébile la marque de cette expérience vichyssoise, dont vont faire les frais les successeurs des préfets régionaux, pourtant bien différents, même si leur cadre d’action demeure identique”, P. Bodineau et M. Verpeaux, op. cit. p. 82.
28 Ibid.
29 “une ordonnance du 10 janvier 1944 établit dans chaque région un Commissaire régional de la République (CRR) : en plus des pouvoirs de l’ancien préfet, il reçoit “jusqu’au rétablissement des communications avec l’autorité supérieure” des pouvoirs exorbitants lui permettant par exemple, de suspendre l’application des lois, les procédures judiciaires ou les fonctionnaires : il s’agit de lui permettre de rétablir l’ordre et notamment, d’empêcher l’épuration sauvage qui accompagnera souvent la libération du territoire”, ibid. p. 83.
30 J.M. Ohnet, op. cit. p. 106.
31 “L’établissement d’un échelon régional entre le département et l’État ne doit pas grand chose aux différentes doctrines régionalistes de tonalité décentralisatrice (…) il est le produit des circonstances”, F. Burdeau, op. cit. p. 176.
32 J.M. Ohnet, op. cit. p. 106.
33 “A) Les premières initiatives, B) l’aménagement spatial et le développement économique C) la naissance de l’organisation administrative régionale D) du flux au reflux”, op. cit. p. 140 et s.
34 Ibid. p. 140.
35 F. Burdeau op. cit. p. 176.
36 Ibid. p. 177.
37 Op. cit. p. 140.
38 “Cette organisation était fondée sur la mise en place d’un conseil régional : c’est la première apparition de ce terme aujourd’hui utilisé pour désigner non la réunion de représentants de compagnies consulaires, mais une assemblée délibérante composée d’élus territoriaux”, ibid.
39 Ibid.
40 “Plus tard, la fonction sera confiée au préfet du département chef-lieu de la région militaire et les pouvoirs du préfet IGAME (…) s’étendront par le décret du 24 mai 1951 au domaine économique” P. Bodineau et M. Verpeaux, op. cit. p. 83-84.
41 Ibid.
42 Voir en ce sens J.M. Ohnet, op. cit. p. 106.
43 “… les préoccupations régionales devaient rapidement réapparaître, et même se situer aux premiers plans de tous les débats sur la modernisation de l’État, la planification, le développement économique et social, les transports et l’aménagement du territoire”, ibid.
44 “Ces comités se regrouperont ultérieurement et donneront naissance à un organisme commun, le conseil national des économiques régionales et de la productivité (CNERP)”, J. Blanc et B. Rémond, op. cit. p. 141.
45 Ibid.
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Op. cit. p. 178.
49 J. Blanc et B. Rémond, op. cit. p. 141.
50 Ibid. p. 141-142.
51 F. Burdeau, op. cit. p. 178.
52 Ibid. p. 178-179.
53 “V.-Les occasions manquées”, op. cit. p. 90.
54 O. Dupéron, “Quelle conception de la régionalisation dans la nouvelle organisation territoriale ?”, in Quelle nouvelle réforme pour les collectivités territoriales françaises ? (sous la direction de J. C. Nemery), coll. Grale, éditions L’Harmattan, Paris 2010, p. 264.
55 Op. cit. p. 89.
56 J. Blanc et B. Rémond, op. cit. p. 145.
57 Ibid.
58 J.M. Ohnet, op. cit. p. 123.
59 Ibid. p. 124.
60 Ibid.
61 P. Bodineau et M. Verpeaux, op. cit. p. 91.
62 “La réforme régionale doit désormais porter le handicap supplémentaire du refus solennel du suffrage universel”, ibid.
63 O. Dupéron, op. cit. p. 265.
64 “La région doit être conçue non comme un échelon administratif se surimposant à ceux qui existent, mais avant tout comme l’union de départements permettant la réalisation et la gestion rationnelle des grands équipements collectifs. Elle est pour les départements ce que sont les syndicats intercommunaux pour les communes. Elle permet à l’État de déconcentrer les responsabilités en évitant de créer un écran supplémentaire…”, J. Blanc et B. Rémond, op. cit. p. 146.
65 Ibid. p. 147.
66 “Ce conseil comprend de droit les députés et les sénateurs de la région, et, en outre des membres élus par les conseils généraux et les agglomérations, un certain nombre de représentants des collectivités territoriales qui composent la région. Il découle de ce mode de composition que le conseil régional est partiellement renouvelé lors de chaque élection municipale, cantonale, législative ou sénatoriale”, ibid.
67 P. Bodineau et M. Verpeaux, op. cit. p. 93.
68 B. Rémond, La région : Une unité politique d’avenir, 3e édition, Montchrestien, p. 21.
69 Ibid. p. 23. “Cette ascension régionale, cette volonté d’émergence d’un pouvoir régional se retrouvent dans de nombreux domaines d’action : la planification, l’interventionnisme économique, l’irruption dans le domaine culturel, voire même la création de services ou d’associations dépendant du conseil régional”, ibid. p. 24.
70 Ibid. p. 29. “Valéry Giscard d’Estaing, dans le discours prononcé le 18 novembre 1975 à Dijon indiquait : “le rôle de la région n’est pas d’administrer elle-même, ni de gérer elle-même, ni de substituer son intervention au pouvoir de décision des collectivités locales qui doit être développé et renforcé. Ce rôle est d’assurer à un échelon approprié, la coordination de notre développement économique (…) elle comporte, dans les circonstances actuelles, l’application méthodique et complète de la loi de 1972 sur la région…”, ibid. p. 25.
71 “Si l’on cherche à déceler une unité entre les textes pris par le gouvernement, on peut noter qu’ils ont répondu pour la plupart à deux objectifs :
- déroger aux interdictions de subventionner une personne privée et de prendre en charge des frais de fonctionnement (…)
- permettre une participation financière de l’EPR (parcs régionaux, remembrement, transports…) aux actions financées par l’État (…)
Ce n’est qu’après une longue phase de coordination interministérielle que furent publiés treize décrets en date du 13 février 1981 (…) Ils habilitaient les EPR à participer : - à l’aide à l’innovation ; - à des actions en faveur des énergies nouvelles et des économies d’énergie (…) – au cautionnement de prêts consentis à certaines entreprises industrielles comme à celui des prêts participatifs…”, ibid. p. 28-29.
72 Ibid. p. 29
73 Ibid.
74 B. Rémond, “L’histoire de la région et la région dans l’histoire”, in (sous la direction de S. Barone) les politiques régionales en France, éditions La découverte, Paris 2011, p. 27 et s.
75 Le Professeur Sadran écrit : “… on peut montrer que la décennie qui vient de s’écouler a vu le ralliement des socialistes à la région. Ralliement progressif, parfois enthousiaste, souvent prudent, mais aussi solidement ancré dans les faits que dans les proclamations de foi”, “Les socialistes et la région”, in Pouvoirs no 19, 1981, p. 139 et s.
76 Ibid. p. 145.
77 J.C. Douence, “La région : collectivité à vocation générale ou spécialisée ?”, RFDA 1986, p. 539 et s.
78 G. Chavrier, “La vocation du niveau intermédiaire : stratégies et prospective”, in La réforme des collectivités territoriales, RFAP 2012, no 141, p. 87.
79 Ibid. p. 87-88.
80 Voir supra note no 1.
81 “D’une femme inconnue, et que j’aime et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre”, “Mon rêve familier”, poèmes saturniens.
82 Selon le Professeur Chavrier, “Il est ainsi reconnu que, intrinsèquement, la collectivité régionale n’est pas un niveau comme les autres”, op. cit. p. 88.
83 Ibid. Selon le Professeur Sadran : “On constate qu’en dépit de l’alinéa second (“le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région”) celle-ci reste soumise à un quasi-principe de spécialité. Sa mission est élargie mais ne change pas de nature.”, P. Sadran, “La région en devenir”, AJDA 1982, p. 339 et s.
84 “En marquant ainsi, sur le plan formel, l’absence de solution de continuité, elle (la loi du 6 janvier 1986) souligne que les ambiguïtés sur le statut de la région ne naissent pas avec son érection en collectivité territoriale mais remontent à ses origines mêmes”, J.-C. Douence, op. cit. p. 544.
85 Ibid.
86 M. Verpeaux, “La réforme territoriale et les nouveaux élus”, RFDA no 2, mars-avril 2011, p. 246 et s.
87 J. Chevallier, “La réforme régionale”, in le pouvoir régional, CURAPP, éditions PUF, Paris 1982, p. 109 et s.
88 Concernant l’unité interne (sic) le Professeur Chevallier écrit : “pour qu’il y ait identité régionale, il faut, non seulement que la région soit perçue comme différente des autres régions et distincte de la nation, mais encore que ses habitants aient conscience d’avoir des intérêts communs à défendre”, ibid. p. 169-170
89 Voir notamment en ce sens, S. Regourd, “La prétendu suppression de la tutelle”, RA 1982, p. 613 et s.
90 Les auteurs poursuivent : “Un semblable changement se vérifie-t-il dans le cadre de la décentralisation ?”, in “Réflexions sur la réforme régionale”, RFDA no 2, juillet-août 1986, p. 521 et s.
91 “S’agissant de la région, et dans la problématique actuelle, ce n’est pas le couple région-État qui soulève le plus d’interrogations, sans pour autant nier ni l’intérêt ni l’importance, administratifs, juridiques et politiques, de cet aspect”, ibid. p. 522.
92 C. Marzelier, Décentralisation acte II, chroniques des assises des libertés locales, éditions l’Harmattan, Paris 2004, p. 98. Voir également G. Chavrier, “La vocation du niveau intermédiaire : stratégies et prospective”, art. préc. p. 88.
93 Ibid.
94 Op. cit. p. 522.
95 “On peut retenir ici une constatation qui débouche sur une interrogation. Le constat, c’est une région qui procède largement du département, l’interrogation, c’est la concurrence éventuelle que l’on peut déceler entre les deux institutions”, ibid.
96 C. Grémion, “Les décentralisateurs déstabilisés”, in Pouvoirs no 49, 1989, p. 81 et s.
97 Selon l ‘ auteur, “Finalement, le seul texte qui a cherché à régionaliser pleinement le conseil régional a été la loi du 19 janvier 1999 qui prévoyait une élection au scrutin de liste à deux tours, combinant scrutin majoritaire et représentation proportionnelle, dans le cadre de la circonscription régionale”, O. Dupéron, op. cit. p. 265
98 Op. cit. p. 522.
99 “Rappelons que le Club Jean-Moulin, en 1968 et 1969 (…) évoque aussi les régions trop petites qu’il faut réduire à 12. Les départements sont remis en cause, en montrant bien que plaquer 22 régions sur les 95 départements d’alors revient à “refuser aux premières tout espoir de vie propre””, F. Hulbert, Le pouvoir aux régions, éditions L’Harmattan, Paris 2010, p. 16
100 Ibid. p. 116. Le Professeur Pontier écrit : “Le département est la seule catégorie à propos de laquelle la contestation porte sur son existence même : quoi qu’il en soit du bien-fondé de la contestation (…), il se trouve que de manière plus ou moins forte selon les moments, le département fait l’objet d’un questionnement sur son existence même”, “Les métamorphoses d’une institution”, AJDA 3 octobre 2011, p. 1817 et s.
101 G. Marcou, “Changements et permanences dans le système français d’administration territoriale”, in La réforme des collectivités territoriales, RFAP no 141, p. 5 et s.
102 G. Chavrier, “Les relations entre les départements et les régions. Faux problèmes et vraies menaces”, AJDA 3 octobre 2011, p. 1824 et s
103 Ibid.
104 Ibid. p. 1824-1825.
105 Ibid.
106 “Lorsque leurs action se croisent, elles peuvent prendre quatre formes : l’exercice de compétences partagées, la coordination imposée, les coopérations volontaires et la demande de subventions”, ibid. p. 1825.
107 “En l’absence de relations institutionnelles entre les départements et la région, le conseiller territorial a donc vocation à assurer mécaniquement une coordination des actions. Il apparaît pourtant probable qu’un conseiller territorial siégeant au conseil général ne se privera pas de voter en faveur de certaines mesures déjà décidées par la région, ou contrariant d’autres mesures déjà adoptées par le conseil régional, s’il estime que c’est dans l’intérêt de son département” ibid. p. 1826
108 Ibid.
109 Ibid. p. 1827.
110 “… en créant le couple départements/région et ainsi le conseiller territorial pour assurer une harmonisation des actions, la nouvelle réforme incrimine deux fois les régions. En premier lieu, en effet, les justifications du conseiller territorial fondées sur les incohérences et les concurrences constituent une dénonciation implicite de l’incapacité des régions à générer de la coordination alors même que cette dernière est au cœur de leurs compétences : collectivité chef de file pour le développement économique, responsabilité des contrats de projet et de la conférence des exécutifs locaux etc”, l’auteur indique que cette dénonciation apparaît assez injuste, voir p. 1828 et s.
111 “… cette réforme est facteur de banalisation du niveau régional dans la mesure où elle signifie que les compétences des départements et des régions se croisent et ainsi que la région constitue un niveau de gestion au même titre que le département. Loin d’être symbolique, cette banalisation est préjudiciable à l’image des régions auprès des Français et les empêche de prendre conscience de leur spécificité de niveau intermédiaire”, ibid. p. 1828.
112 G. Marcou, op. cit. p. 10.
113 G. Marcou, “Les trente ans de la région : et demain ?”, op. cit. p. 749
114 “… Lorsque la loi est votée et promulguée, pour compléter les normes générales que celles-ci a adoptées. C’est le point le plus discuté, en dépit d’une décision claire du Conseil constitutionnel en ce sens”, G. Chavrier, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, coll. Systèmes, LGDJ Lextenso éditions, Paris 2011, p. 117.
115 Ibid.
116 Ibid. p. 121
117 “un tel pouvoir réglementaire n’est ni autonome, ni général, comme l’est, en vertu de l’article 21 de la Constitution, celui du Premier Ministre. Il est doublement limité : parce qu’il s’exerce dans les bornes d’une compétence définie par la loi ; parce qu’il emprunte des formes fixées par la loi (…) à cette première condition, la jurisprudence en a ajouté une autre : que les conditions essentielles d’application d’une loi relative à une liberté publique ne dépendent pas des décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent varier sur l’ensemble du territoire…”, Les cahiers du Conseil constitutionnel no 12.
118 Le Professeur Marcou précise : “le renvoi par le législateur à la collectivité territoriale compétente pour l’adoption des mesures d’application d’une loi demeure exceptionnel. On peut citer le renvoi à la région, en matières d’aides aux entreprises, mais non pour les aides à l’immobilier d’entreprise pour lesquelles l’intervention du pouvoir réglementaire gouvernemental est prévue”, AJDA 2012, op. cit. p. 750
119 G. Chavrier, op. cit. p. 124.
120 Clarification des compétences : l’ARF marque son territoire, http://infos.courriersdesmaires.fr
121 “L’ARF propose que le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT) devienne prescriptif (…) et que lui soit attribuées l’élaboration et la mise en œuvre du schéma régional de cohérence écologique (…) du schéma régional climat/énergie (…) du schéma régional d’organisation des soins (…) et du schéma directeur d’aménagement numérique”, G. Marcou, AJDA 2012, op. cit. p. 750
122 Tout en louant l’échelon régional pour “l’élaboration des documents structurants nécessitant une cohérence spatiale mais aussi entre les différentes politiques thématiques (…) elle a déploré qu’un certain nombre de ces documents régionaux n’aient “ni la même portée, ni la même opposabilité”, infos. courriersdesmaires, op. cit.
123 G. Marcou, AJDA 2012, op. cit. p. 750.
124 “Reconnaître aux Régions un véritable pouvoir normatif, sous forme d’une capacité réglementaire déléguée”, in Des régions plus fortes pour une France plus efficace, ARF 2011, p. 6
125 Les Régions au cœur du nouvel acte de décentralisation, ARF.
126 Des Régions plus fortes pour une France plus efficace, op. cit. p. 6
127 “Ce pouvoir serait alors détaché de l’exercice des compétences de la région, c’est-à-dire de ses domaines de compétences”, G. Marcou, AJDA 2012, op. cit. p. 751.
128 Voir notamment G. Marcou, AJDA 2012, op. cit. p. 748-749.
129 Ibid. p. 748.
130 Ibid. p. 752.
Auteur
Maître de conférences de droit public, Université Toulouse 1 Capitole, co-directeur du CERCT – (IDETCOM EA 785)/GRALE
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