Quelle réforme pour l’enseignement juridique ?
Entre science et politique, le projet du mouvement critique du droit1
p. 441-458
Texte intégral
1Les années 1970, sont des années de « bouleversements », de « construction », où la justice, le droit sont mobilisés de façon particulière comme terrain politique et de politisation (affaire de Bruay-en-Artois, discussions autour des « juges rouges », naissance du Syndicat de la magistrature). Le milieu juridique, perméable aux idées de mai 19682 et animé par les débats au sein du marxisme (Gramsci, Althusser), sort alors de son isolement. Les thèses marxistes connaissent alors un certain succès, notamment chez les économistes3 et plus largement chez tous les intellectuels qui, dans la mouvance de 1968, veulent redéfinir un vivre ensemble plus juste.
2Le Mouvement critique du droit apparaît dans les années 1970 et la question de l’enseignement du droit, la question de la formation juridique est au cœur de ce projet scientifique et politique particulièrement investie par de jeunes juristes, enseignants ou chercheurs. L’Association critique de droit naît sous l’impulsion de quatre personnes clairement identifiées : Jean-Jacques Gleizal, Philippe Dujardin, Jacques Michel et Claude Journès. Tous sont à cette époque des assistants ou professeurs titulaires. La forme sera autant subversive que le fond, puisqu’on rompt avec une hiérarchie universitaire, en mêlant les statuts et en discutant II s’agit pour eux, en créant ce petit groupe, de mettre en avant une véritable activité intellectuelle en refus des institutions universitaires qu’ils jugent trop conservatrices vis-à-vis des enseignements et des programmes mais aussi au niveau politique. Tous ont adhéré à cette époque au syndicat étudiant l’UNEF, qui regroupait différentes tendances de gauche, puis le SNESUP, véritable syndicat pluraliste. Tous les membres du mouvement « Critique du droit » sont syndicalisés avant d’être des militants politiques.
3« Critique du droit » a été un mouvement provincial (Lyon et le Sud de la France, notamment Montpellier, Toulouse et Nice), et il va se développer par le biais d’une revue, la Revue Procès, d’une collection d’ouvrages de pédagogie, fonctionnant comme des anti-manuels, de réunions et séminaires autour de lieux de rencontres (séminaires à l’Arbresle et plus tard à Coutelas en Forez) Quand l’Association « Critique du droit » naît en 1978, elle publie la même année son Manifeste, qui pose les bases du mouvement dans la perspective d’un travail théorique4.
4Le mouvement prend racine dans un champ juridique en pleine contradiction. Ainsi, on a affaire à un champ insensible au renouvellement de la pensée en général (et pas seulement au marxisme) donnant aux Facultés de droit une situation de grand isolement dans la recherche et la pédagogie. Le mouvement « Critique du droit » est ainsi né en opposition à la doctrine positiviste dominante et adopte une grille de lecture marxiste qui privilégie le matérialisme historique et dialectique.
Un grand chantier : la réforme de l’enseignement du droit
5Le Mouvement critique du droit a mis l’accent sur la nécessité de repenser le droit aussi bien dans sa dimension théorique que dans ses conditions ou ses implications pratiques. Pour les fondateurs du mouvement, l’objectif est de transformer les pratiques d’enseignement du droit en Facultés jugées trop conservatrices. L’intérêt des travaux réside essentiellement dans la prise en compte de l’enseignement en tant qu’objet d’une analyse critique.
6Toute une démarche pédagogique favorisant une réflexion approfondie sur les méthodes d’enseignement se met en place. En effet, si les différents auteurs sont bien des chercheurs, ils sont aussi pour la plupart des enseignants. La réalisation de leur objectif de transformation politique de la société passe par une autre formation pour les étudiants, notamment dans les disciplines juridiques5. Le but est de créer une véritable science du droit démontrant la nature idéologique des idées reçues.
7Le projet est bien de développer une autre vision du droit et de l’État, plus critique, de construire une véritable science du droit. Ils considèrent en effet que la théorie du matérialisme historique n’a fait qu’ouvrir la voie à la science du droit et qu’il reste donc encore à la construire en vue de pouvoir la proposer aux étudiants notamment. Et c’est bien là leur ambition lorsqu’ils décident de lancer la revue Procès.
8Il s’agissait pour eux de rompre avec le positivisme encore dominant à l’époque dans les Facultés de droit qui ne concevait l’étude du droit que par le droit lui-même, qui présentait toute règle comme une norme abstraite s’expliquant et se justifiant au sein d’un système abstrait, le droit, mais aussi en vue à terme d’un passage au socialisme. Alors que leur objectif initial annonçait un travail de construction théorique, force est de constater que les premiers numéros font bien plus état d’une réflexion théorique que d’une réelle construction théorique.
9Les thématiques abordées témoigneront de la qualité de pluridisciplinarité des approches et de la diversité et modernité des thèmes choisis comme supports des numéros. Les auteurs du mouvement « Critique du droit » veulent « travailler sur les présupposés du politico-juridique, approfondir les recherches théoriques, ouvrir un large débat sur le droit dans les formations sociales et forger les concepts sans lesquels il ne saurait y avoir de compréhension et de transformation de nos sociétés »6.
10La revue Procès est alors parfaitement représentative du travail de construction théorique réalisé par le mouvement « Critique du droit » en France. Mais les pratiques de ces enseignants participent largement à leur réflexions, c’est ce que dit Jean-Jacques Gleizal : Le mouvement s’est construit d’abord à partir de nos pratiques. Pour ma part, j’ai fait beaucoup d’expérimentations pédagogiques. Cette démarche n’a jamais cessé. J’ai toujours organisé des enseignements « critique », en droit constitutionnel avec des équipes pédagogiques, dans le séminaire que j’ai dirigé pendant des années avec Pierre Blanc-Gonnet, « Sciences sociales et approches des institutions », et puis dans le DEA « Administration publique » de la Faculté de droit de Grenoble. Très vite, en arrivant à la Faculté de droit en 1975, j’ai eu la responsabilité du DEA Droit de l’Etat (ancien DES de droit public) que j’ai transformé pour construire un 3e cycle qui soit structuré sur un objet qui allait être celui de l’administration publique. Donc, dans toutes mes activités au sein des Facultés de Droit (on parlera après de ce que j’ai fait en dehors des Facultés de Droit), il y a toujours eu un axe « critique du droit ». Mais, que faut-il entendre par critique ? C’est une mise en perspective historique, une mise en perspective sociale du juridique, qui débouche sur des positions politiques, disons « antilibérales ».7
Les caractéristiques modernes de l’enseignement juridique universitaire
11Les contradictions entre droit et société capitaliste apparaissent dans l’enseignement juridique universitaire. Pour certains, le pluralisme de l’enseignement représente l’expression de la liberté de pensée dans les systèmes libéraux. Pluralisme certes, mais le changement s’effectue dans une remarquable continuité où se côtoient éclectisme et syncrétisme. Les juristes ne manquent pourtant pas de volonté de changement, mais le renouvellement de la science juridique semble voué à l’échec.
12En revanche, les réflexions nouvelles réussissent, a contrario et inconsciemment, à reproduire la forme de domination de la société existante. La difficulté pour les juristes d’innover s’explique par le fait que les présupposés et les concepts initiaux sont tirés des mêmes modèles de pensée8. Il est donc nécessaire de rechercher la philosophie implicite qui guide l’enseignement juridique universitaire pour comprendre cet immobilisme qui assure, in fine, le retour et la primauté du courant positiviste modernisé.
Quel enseignement du droit ?9
13L’idée que l’enseignement du droit présenterait une irréductible spécificité au regard des autres disciplines universitaires constitue un dénominateur commun, un élément fédérateur qui, pour la communauté des juristes, relève de l’évidence et leur permet de se reconnaître et de s’identifier. Cette idée s’enracine très loin dans l’histoire10.
14Jacques Chevallier analyse très bien le rapport Truchet où il montre les mentions faites autour de la spécificité de l’enseignement et de la recherche juridique et où il note que La professionnalisation est donc une question centrale pour les juristes car c’est sur elle que repose l’affirmation de la spécificité d’un enseignement, à la différence des autres disciplines universitaires11.
15Pour approfondir cette question, je vais m’appuyer sur les travaux de trois auteurs du mouvement, importants par leur rôle et leurs écrits II s’agit de Michel Miaille, de Jean-Jacques Gleizal et de Jacqueline Gatti Domenach.
16Michel Miaille est un auteur emblématique de Critique du droit12. Ses travaux et ouvrages ont amorcé les débuts de cette entreprise intellectuelle13, entre autres à partir de son expérience en Algérie. En fait, l’Université d’Alger fut le « laboratoire » d’une réforme des études universitaires (notamment des études de droit) et donc un passage initiateur, citoyen, politique et militant de 1971 à 197514 pour les juristes et pour beaucoup d’intellectuels15. Il faut noter le rôle important et formateur de ce passage algérien et l’influence sur ce questionnement d’un épisode fondateur, le cours d’introduction au droit de Michel Miaille à l’Université d’Alger.
17Il s’agit d’un enseignement de première année et plus précisément d’une « introduction à la science juridique » retraçant les grandes conceptions juridiques telles que la conception positiviste, religieuse, naturelle mais également marxiste, et fondant une véritable épistémologie juridique sur une base marxiste16. Ce cours sera la matrice de l’ouvrage pionnier de Michel Miaille écrit en 1976, Une introduction critique au droit17 au fondement de la notoriété du mouvement et qui marquera la littérature juridique critique des années 197018. Il est destiné, selon l’auteur, aux étudiants qui entrent en première année de droit. En fait, cet ouvrage s’adresse à un public beaucoup plus large puisqu’il est accessible à tout novice. Il poursuit un double objectif : un objectif pédagogique de réflexion sur le droit lui-même et l’univers juridique qui l’entoure, un objectif critique des introductions au droit traditionnellement proposées aux étudiants par les manuels conseillés ou dans le cadre des enseignements, et qui n’abordent que de manière simpliste la question du « qu’est-ce que le droit ? ». Le grand intérêt de cet ouvrage est de présenter à la fois une synthèse des théories critiques du droit ainsi qu’une grille de lecture, un manuel outillé de cette critique.
18L’entreprise de Michel Miaille est une remise en question de la classique introduction au droit proposée aux étudiants de première année dans les Facultés de droit, d’où le titre de son manuel. Son analyse critique porte principalement sur les quatre manuels de première année les plus utilisés19. Son objectif est résolument pédagogique. Il s’agit d’inviter l’étudiant qui commence l’étude du droit à s’interroger de manière réflexive sur son objet d’étude. Cet objectif est en réalité un véritable programme de transformation des pratiques d’enseignement et d’apprentissage du droit, dans la mesure où traditionnellement, l’introduction au droit est plus une annonce des connaissances qui seront enseignées durant le cursus juridique, qu’une invitation à la réflexion critique sur le droit. Mais la présentation classique n’est pas neutre pour autant ; elle serait propre au système capitaliste.
19L’objectif de Michel Miaille est d’introduire, dès le début de l’enseignement du droit, une méthode scientifique qui permettrait de faire apparaître les zones d’ombre qui ne sont pas dévoilées aux étudiants. La nécessité du questionnement épistémologique est soulignée pour fonder une véritable science juridique. A une pensée positiviste des introductions au droit qui se bornent à décrire ce qui est visible, Michel Miaille défend donc une pensée critique, dialectique, postulant que le monde est complexe et la réalité relative.
20Construire une science du droit impose alors de dépasser la seule étude des normes juridiques : ce que l’on appelle la technique, et qui peut être définie comme reflétant le système juridique tel qu’il se présente en apparence sans en expliquer la forme et le contenu. La technique juridique permet certes de déterminer le contenu des normes, de les interpréter, de les comparer et de les appliquer aux cas qu’elles régissent, mais elle ne permet pas en revanche de dégager ce qui se cache derrière la façade juridique et d’en expliquer sa fonctionnalité économique et sociale que le mouvement « Critique du droit » se donne, au contraire, comme objectif.
21La phase de déconstruction joue un rôle de premier plan dans le projet de constitution d’une science du droit, notamment dans les écrits de Michel Miaille. Dans Une introduction critique au droit, le questionnement épistémologique sur les obstacles à la reconnaissance du caractère scientifique de la science juridique porte principalement sur l’identification des « fausses « données » du système juridique ». L’auteur relève en effet que le système juridique se caractérise par des fausses « données », qu’il est possible d’identifier en analysant les « fondements » du droit et les classifications juridiques. Les fondements du droit selon la doctrine positiviste se résument à trois éléments : le sujet de droit, l’État et la société internationale. En réalité, ces trois notions ne sont pas des données, mais des concepts historiques, c’est-à-dire spécifiques à une société particulière, à un moment et avec une fonction déterminés. Par ailleurs, Michel Miaille se livre à une déconstruction des classifications juridiques traditionnelles, notamment par la remise en question des oppositions que représentent les couples droits objectifs et droits subjectifs, droit public et droit privé, choses et personnes.
22Par ailleurs, l’opposition droit public – droit privé n’est pas universelle et ne vaut en fin de compte que dans la société capitaliste. Enfin, la distinction entre les choses et les personnes ne va pas de soi, dans la mesure où les personnes deviennent elles-mêmes des objets au sein d’un système où la production et la circulation des marchandises sont généralisées. Dans cette perspective, il affirme la nécessité d’introduire dans la réflexion juridique une logique dialectique. Dans L’État du droit. Introduction à une critique du droit constitutionnel20, Michel Miaille parvient, non plus sur le mode de la déconstruction mais de manière productive, à établir une classification des États en fonction des modes de production.
23Jean-Jacques Gleizal va s’intéresser à la dimension sociologique de la production du droit, intimement liée à la formation des juristes et à l’évolution d’une science administrative et montre les caractères d’un enseignement idéologique et peu critique. Les travaux de Jean-Jacques Gleizal sur Le droit politique de l’État21 constituent une approche historique du droit administratif. Il observe qu’au XIXe siècle, un changement de personnel s’opère dans la haute administration. La classe dirigeante de la IIIe République n’est pas la même que celle de l’Empire. Sous la IIIe République, la plupart des juristes sont issus de la petite bourgeoisie. Dans la même période, l’enseignement juridique devient autonome, afin de former un personnel politique distinct de la classe dominante. En dépit des cours privés de droit, les Facultés de droit restent les lieux d’enseignement principaux du droit en France.
24Cependant, l’École libre des sciences politiques demeure le lieu où sont formés les futurs agents de la haute fonction publique. Seuls les étudiants aisés peuvent la fréquenter car l’école est payante. Ainsi, la classe dominante contrôle l’enseignement du droit dans les Facultés de droit et par le biais de l’École libre des sciences politiques, où sont formés les hauts fonctionnaires. L’entre-deux-guerres se caractérise par un déclin du rôle des juristes dans la société française. Ils n’occupent plus une place centrale au sein personnel politique. Pourtant, le droit joue toujours un rôle central.
25Après la seconde guerre mondiale, l’État entreprend une réforme du système d’enseignement. Jean-Jacques Gleizal montre en effet que l’ordonnance du 1er octobre 1945 réforme l’enseignement du droit en modifiant le recrutement des agents publics. Il apparaît que les Universités ne sont pas suffisamment adaptées pour répondre aux nouveaux besoins.
26Mais l’élément central de l’ordonnance du 1er octobre 1945 est la création de l’École nationale d’administration, dont l’accès se fait par concours, ce qui manifeste clairement la volonté de démocratiser le recrutement dans la haute fonction publique. Cette ordonnance crée par ailleurs les Instituts d’études politiques, afin de compléter l’enseignement dispensé dans les Universités par une offre plus variée notamment en sciences sociales, en science administrative ou en science économique. Les Universités ripostent en instaurant dès 1954 un enseignement de science politique. Alors que la répartition des Instituts d’études politiques se veut égalitaire sur tout le territoire, un fossé se creuse rapidement entre les IEP de province et l’IEP de Paris, qui devient Science Po et qui acquiert très vite un mode de fonctionnement similaire à celui de l’École libre des sciences politiques en ne recrutant, par concours, que des étudiants issus des classes bourgeoises. Or, Science Po Paris reste « la voie royale » pour accéder à l’École nationale d’administration. La démocratisation de l’accès à la haute fonction publique doit dès lors être nuancée. Il aboutit à un bilan et une analyse sur les tentatives de réforme qui sont autant d’échecs.
27Jean-Jacques Gleizal étudie la formation des juristes en tant que phénomène social22. Le point de départ de sa réflexion consiste à montrer que la formation des juristes conditionne la production du droit, dans la mesure où ces juristes seront amenés à faire le droit. Dans cette perspective, l’auteur analyse la nature de cette formation dans la société capitaliste française. Il en résulte une critique sévère du système d’enseignement qu’il est urgent de réformer.
28Le monopole des ex-Facultés de droit dans le système d’enseignement révèle un pluralisme au niveau de la doctrine. Trois écoles principales coexistent. La première et la plus importante est l’école positiviste. Pour les tenants du positivisme, le droit se réduit aux normes en vigueur et il est neutre. Leur méthode d’analyse les a conduits à un formalisme rigide et à un étatisme étatique qui seront fortement critiqués par la deuxième école, celle des juristes sociologues.
29Ces derniers refusent de voir dans la loi, le résultat d’un processus normatif abstrait séparé de la réalité sociale. Grâce à cette école, la pensée juridique a évolué mais elle a surtout permis le passage du capitalisme libéral au capitalisme néolibéral. La troisième école est celle du droit naturel, une des plus anciennes de la tradition juridique. Elle défend l’existence de normes supérieures au droit positif que celui-ci est tenu de respecter.
30Ce pluralisme doctrinal va de pair avec le fameux clivage entre publicistes et privatistes. Outre les différences d’objets étudiés, la méthode est différente. Les privatistes raisonnent largement dans l’abstraction. Les publicistes s’intéressant aux mutations de l’Etat et des institutions publiques ont une approche plus concrète. L’état d’esprit entre les deux constitue une troisième différence. La rigueur pour les privatistes et l’ouverture d’esprit pour les publicistes.
31Le clivage publicistes-privatistes reflète surtout les contradictions qui existent au sein de l’Etat libéral entre le droit privé et le droit public. Selon l’auteur, une nouvelle opposition se fait jour qui est encore plus profonde que la précédente. Il s’agit de l’opposition entre les juristes idéalistes et juristes matérialistes qui remettent en cause l’existence même de l’Etat libéral en posant les questions sur l’existence du droit lui-même. Cette nouvelle opposition est en prise avec la société elle-même. Les nouveaux juristes remettent en cause l’idéologie dominante. Dans cette perspective, l’analyse de l’enseignement juridique doit être dialectique, c’est-à-dire rendre compte des contradictions de la matière.
32Un constat s’impose : l’enseignement du droit en France est peu propice au changement. Le monopole des ex-Facultés du droit dans la diffusion de la science est toujours d’actualité. La création de nouvelles branches telles que les IUT de carrières juridiques, les Instituts d’études politiques n’a rien changé à la donne. Le maintien d’un tel système d’enseignement monopolisé par les Facultés de droit assure la fonction idéologique du droit. Cette caractéristique est à relier à l’histoire de l’enseignement juridique.
33La création des ex-Facultés s’inscrit dans un contexte particulier, celui de l’empire napoléonien qui vise à instaurer un Etat fort et centralisé. La domination des anciens juristes dans les Universités de droit constitue aussi un facteur de conservatisme du droit. Les nouveaux juristes qui développent une nouvelle approche de la matière juridique ont peu d’influence. L’intégration du droit public dans le système d’enseignement du droit a permis une ouverture d’esprit, mais le monde des Facultés du droit reste renfermé sur lui-même.
34Le bilan est clair. Hermétiques aux autres sciences sociales, les méthodes d’enseignement ont peu évolué. Aujourd’hui encore, le cours magistral constitue l’essentiel de la diffusion du savoir juridique. Abstrait et complètement déconnecté des réalités sociales, celui-ci ne prépare pas l’étudiant à affronter la complexité sociale. Pire, l’étudiant devient un récepteur passif des connaissances du droit. La création des travaux dirigés n’a rien changé à la situation. Subordonnés au cours magistral, ils ne visent qu’à compléter le cours qui est souvent un discours positiviste.
35Les manuels de droit constituent également un des supports de la connaissance juridique pour les étudiants. Ceux-ci présentent un droit purement technicien et peu ancré à la réalité sociale. Ce constat est encore d’actualité aujourd’hui. Les manuels de droit comme d’ailleurs les cours magistraux se contentent d’une démarche descriptive du droit. Toute dimension explicative ou critique est écartée. L’enseignement juridique universitaire n’a en fait pas beaucoup évolué depuis deux siècles et selon Jean- Jacques Gleizal l’enseignement du droit doit être totalement repensé.
36La question de l’enseignement du droit est également au cœur des interrogations de Jacqueline Gatti-Montain. Dans son travail23, l’auteur tente de retracer l’évolution de l’enseignement du droit en France d’un point de vue historique. Cependant, elle rappelle que le détour historique n’a pas pour objectif de décrire l’histoire des études de droit, mais de mettre en évidence des causes de leur évolution24.
37Son investigation se justifie en effet par l’existence d’un mouvement de réforme de l’enseignement du droit à partir des années cinquante, qui répond à la nécessité d’adapter le système à un environnement en mutation. Ainsi, son approche historique cherche à démontrer que les transformations de l’enseignement du droit s’inscrivent dans un contexte plus large, où interviennent de nombreux facteurs externes, comme l’évolution de la société française, les diverses crises politique, économique et sociale, qui sont autant de déterminations du changement.
38Jacqueline Gatti-Montain appréhende son objet d’analyse notamment dans la perspective du mouvement de réforme qui se développe après la seconde guerre mondiale. Elle s’interroge sur le sens du système d’enseignement du droit en tant que lieu de formation des élites. L’auteur souligne la relation problématique entre l’adaptation des Facultés de droit et leur rôle en tant que lieu de formation. Dans cette perspective, elle cite le rapport du Professeur Trotabas au Conseil supérieur de l’Éducation nationale sur le projet de décret modifiant la licence en droit en 1954 : La grande difficulté de l’enseignement du droit a toujours été de déterminer son équilibre entre un enseignement de culture, dans un esprit purement scientifique, et un enseignement de formation professionnelle25.
39Jacqueline Gatti-Montain utilise la notion de système dans une perspective historique26. Elle souligne l’intérêt théorique de l’approche historique qui permet de mettre en évidence que tout processus d’adaptation s’applique dans un milieu déjà constitué et qui détermine pour une large part le « devenir du système ». Dès lors, elle s’inscrit dans la continuité des travaux de L. Nizard qui précise le rôle de l’histoire dans une analyse en termes de système : si l’approche systémique permet d’analyser la multiplication des facteurs d’entropie et les difficultés qu’ils suscitent au maintien du système, elle ne peut rendre compte de la mutation du système, car celle-ci a sa source dans l’histoire réelle et dans une formation sociale réelle et non dans un système abstrait27.
40Si Jacqueline Gatti-Montain ne se réclame pas de la théorie marxiste et du matérialisme, elle suppose néanmoins l’existence d’un mouvement dialectique complexe entre « histoire réelle » et « formation sociale ». Ainsi, l’histoire montrerait le déclin ou la crise du droit, qui résulte des transformations de la société. En effet, l’enseignement des disciplines juridiques est directement lié au droit qui s’est considérablement modifié.
41L’autorité du droit dans la société française est liée à une multitude de principes qui assurent une adhésion efficace au système d’organisation sociale. Beaucoup de ces principes sont désormais considérés comme appartenant au passé. La cohésion sociale exige que soient formulées des idées nouvelles. L’idéologie juridique ne peut plus fonctionner à partir des bases élaborées au XIXe siècle, où l’harmonie régnant entre la conception dominante de l’enseignement du droit et les bases sur lesquelles fonctionne la régulation juridique de la société française est peu à peu remise en question.
42Le nouvel ordre social, instauré par la bourgeoisie dans son ascension économique, sociale et politique, cherche à promouvoir une nouvelle représentation globale de l’Homme, de la société et de l’État. Le droit forme l’essentiel de cette représentation, et l’enseignement du droit répond parfaitement aux exigences de ce modèle28.
43La cohérence entre ces deux éléments est alors non seulement possible, mais aussi réalisée. Cependant, les conditions de cette homogénéité vont peu à peu se dissoudre. À leur tour, les mutations qui affectent l’ordre des savoirs bouleversent la conception même des Facultés de droit. Il y a ici un « recours » au traitement historique29 qui permet de mieux appréhender l’évolution des savoirs, les adaptations successives des Facultés de droit et la nature du nouveau dysfonctionnement. La mise en présence de deux logiques, celle de l’enseignement et celle de la science, conduit à s’interroger sur le statut scientifique des disciplines enseignées dans les Facultés de droit et sur le rôle des juristes dans la production des connaissances.
44Les équilibres successifs qui se constituent autour de cette interaction rendent compte à la fois des orientations de l’enseignement et des modifications de la capacité structurante des Facultés de droit sur l’ensemble de disciplines.
Les apports du Mouvement critique du droit
45Ainsi, les auteurs du Mouvement critique du droit cherchent à fonder une science du droit, sans pour autant nier l’existence de divers champs disciplinaires et de différentes branches du droit. Ils affichent cette volonté dès le premier numéro de la revue Procès, où ils précisent leur objectif. « Critique à entreprendre, moins par allergie aux contraintes des justement nommées « disciplines », que par nécessité de constituer ce qu’aucune n’englobe et ne réalise : une science de l’État, mieux encore une science du politique qui rende enfin possible une science du droit »30. Cette science du droit ne peut cependant pas se passer des logiques disciplinaires et les apports du mouvement s’inscrivent dès lors dans des champs variés.
46La refondation de la formation juridique doit passer par une réflexion théorique, épistémologique et pédagogique. Il s’agit de s’attaquer aux manuels (ce que fera Michel Miaille) et de mettre en place des contre manuels (ce qui sera un des objectifs de la collection d’ouvrages de Critique du droit). Il s’agit aussi de se « débarrasser » des rituels comme la toge et tenter de mélanger les statuts, de « briser » les modes d’échanges entre professeurs et étudiants.
47La pluridisciplinarité est aussi au cœur du projet de Critique du droit et sera véritablement mise en œuvre dans la revue Procès. Ce choix scientifique est également politique car il est encore actuellement l’objet de fortes résistances au sein de la discipline qui se barricade et reste fermée à toute ouverture possible aux autres disciplines et aux sciences sociales en particulier.
48Le poids de la dogmatique juridique est très important. Jacques Chevallier l’explique ainsi : Cette prédominance d’un point de vue dogmatique se traduit sur le plan didactique par la convergence d’un ensemble d’aspects : la relégation de la sociologie, de la philosophie et plus généralement de la théorie du droit, qui constituent les points d’appui indispensables de la science du droit, au rang de disciplines marginales, dont l’enseignement même est devenu problématique ; la place « auxiliaire » dévolue aux disciplines relevant des sciences sociales et la déconnexion de celles-ci d’avec les matières juridiques ; la conception de l’enseignement de ces dernières qui privilégie la connaissance du droit positif. L’interrogation sur les valeurs, croyances, représentations qui sous-tendent le dispositif juridique ainsi que la mise en évidence des enjeux sociaux et politiques sous-jacents, sont considérées comme ne relevant pas de l’enseignement du droit mais des sciences sociales, qui sont, on l’a vu, reléguées à la portion congrue dans le cursus juridique : le souhait d’introduction d’une perspective relevant de la science du droit, non seulement par le renforcement des enseignements de théorie, sociologie et philosophie du droit, mais encore et surtout dans chacun des enseignements juridiques classiques, que formulait « Critique du droit », reste à l’état de vœu pieux31.
Un bilan mitigé en matière de transformation des pratiques
49Il est possible de mettre en évidence le caractère créateur du Mouvement, dans la mesure où il se livre à une critique constructive. Par ailleurs, le Mouvement critique du droit n’a pas abouti à une transformation des pratiques d’enseignement, il a cependant le mérite d’avoir contribué à leur remise en question en les intégrant dans son champ d’investigation et en les posant comme objet d’étude.
50Jean-Jacques Gleizal a expliqué avec lucidité les difficultés du moment et les expériences posées. D’abord manifestement, nous n’avons pas eu beaucoup d’échos à l’époque, en tout cas très peu d’échos en France. Sauf que, dans nos pratiques individuelles, nous avons pu former des générations d’étudiants qui paradoxalement, avec notre point de vue critique, ont été mieux préparés à la vie active que par des formations classiques. ]e me souviens des imbéciles qui parlaient toujours d’« enseignements professionnels ». Qu’est ce que ça voulait dire des enseignements professionnels ? C’était faire apprendre par cœur les différents codes ? Or, pour nous, former les étudiants c’était faire en sorte qu’ils aient une attitude active dans la pédagogie en ne se contentant pas de prendre des notes et en ayant leur propre production.32
51Si l’écho du Mouvement critique du droit dans les disciplines juridiques semble relativement faible, son intérêt est peut-être plus important pour la science politique ou la philosophie politique. Lorsque le droit est posé comme objet de la critique, il ne s’agit pas du droit en soi, mais du droit de la société capitaliste, un mécanisme de régulation sociale qui permet au système capitaliste et donc à l’hégémonie de la classe dominante de se maintenir. Or l’objectif principal de la critique est de comprendre son objet, pour mieux le combattre. Ainsi, le droit apparaît comme horizon, sinon de la transformation, du moins de la compréhension marxiste par le Mouvement critique du droit.
52Les pratiques d’enseignement au sein des Facultés de droit n’ont pas été transformées de manière radicale sous l’influence du mouvement « Critique du droit » et son influence sur les pratiques d’enseignement sera sans doute plus perceptible sur un mode théorique que véritablement pratique. Malgré la volonté affichée de transformer l’enseignement du droit, il semble que les auteurs aient surtout conduit des réflexions sur ces pratiques, en particulier dans une perspective historique. Mais il ne s’agit pas de remettre en question cette démarche. Elle se conçoit en effet comme la première étape d’un processus de transformation, qui se trouve peut-être bloqué par une orientation politique différente de la société française.
53Les divers acteurs et auteurs ont contribué à l’évolution des connaissances au sein de leur discipline et ont tenté de transformer, de travailler différemment le droit, revendiquant de nouvelles pratiques juridiques en combattant le positivisme ambiant et la pauvreté de la pensée juridique. Ici, on est dans une idée de « politisation de la science » et du savoir ; un savoir juridique mis en situation critique dans une analyse où la thèse majeure est de dire que le droit participe à la constitution, au fonctionnement et à la reproduction des rapports de production en les représentant de manière déformée, c’est-à-dire par cette dimension que l’on dit volontiers idéologique.
54Ils adhèrent à l’idée que la société capitaliste est essentiellement juridique, et que le droit apparaît comme la médiation spécifique et nécessaire des rapports de production qui la caractérisent. Ainsi l’objet pertinent de recherche ayant l’ambition de rendre compte de l’avènement des fonctions, des transformations du juridique ne saurait être que ce mode de représentation, d’agencement et de reproduction des rapports sociaux de production de la vie sociale qui est le politico-juridique.
55Par ailleurs, il est possible de s’interroger sur la place du Mouvement critique du droit au sein de la doctrine juridique. La référence au mouvement dans le récent ouvrage de Philippe Jestaz et Christophe Jamin consacré à La doctrine33 semble plaider pour sa reconnaissance. En effet, les auteurs estiment que : Les théories critiques du droit développées dans une perspective marxiste au cours des années 1970 ont donné lieu à quelques écrits intéressants (avec publication de livres et création de la revue Procès)34.
56Mais ils soulignent par ailleurs que ces théories n’ont guère pénétré les Facultés de droit, telles que reconstituées au sein des nouvelles universités, ce qui confirme la faiblesse supposée des répercussions pratiques des conceptions du Mouvement critique du droit.
57Le projet pédagogique ambitieux porté par le mouvement « Critique du droit » n’a pas remporté le succès escompté et ce groupe a dû finalement interrompre ses activités, avant que ses membres ne finissent par choisir des voies différentes35.
58Jacques Chevallier explore et approfondit cette analyse36. La critique effectuée par Jean-Jacques Gleizal et le mouvement « Critique du droit » il y a trente ans, n’a donc guère eu d’influence sur l’enseignement juridique dont la spécificité reste réaffirmée et la conception inchangée. Cette persistance témoigne de la profondeur de l’enracinement d’une tradition juridique qui, comme l’avait d’ailleurs montré « Critique du droit », est indissociable d’un modèle d’État que le droit et les juristes ont contribué à édifier. Tout le problème est de savoir dans quelle mesure cette tradition pourra être maintenue, compte tenu de l’ébranlement de ce modèle, notamment sous la pression de la mondialisation.
59Aujourd’hui, des initiatives émergent. L’initiative du CLUD à Nanterre (collectif « l’Unité du droit » avec son atelier des 13 mars 2009 et 4 mai 2009 dont le thème était A quoi sert l’enseignement contemporain du droit ? et où ont été posées des questions importantes37 reprenant les enjeux soulevés par le Mouvement.
60On peut aussi évoquer la revue Nouvelle revue : Jurisprudence – Revue critique qui se donne pour objectif, l’activité de transmission du savoir juridique et s’interroger sur l’enseignement du droit38.
61Ces expériences répondent à ces propos de Jean-Jacques Gleizal qui, rappelant une conférence conduite avec Antoine Jeammaud, évoquait ainsi l’accueil reçu par les étudiants et jeunes universitaires. Un autre souvenir : avec Antoine Jeammaud nous avons été invités il y a quelques années par de jeunes chercheurs de Lille pour parler de Critique du Droit. Ils nous voyaient surtout comme des personnes libres, faisant des projets et se sentant bien parce que prenant en main les choses, pratiquant une pédagogie conforme à leur vision du droit et surtout en accord avec leur responsabilité d’enseignants. Lorsque nous les avons quittés, ils nous ont offert à chacun un pavé. Pour eux, nous avions l’image de mai 68. Indépendamment du pavé, ils nous posaient cette question : « mais comment faisiez vous ? ». C’était comme si, encore en 2006-2007, ils étouffaient dans ces Facultés de droit et que Critique du droit était une fenêtre ouverte sur le monde.39
62Il y a donc un « sursaut, une volonté renouvelée de « repenser » le droit, l’enseignement, et s’attacher à la formation des juristes pour reprendre le titre de l’article de Jean- Jacques Gleizal qui avançait que Les jeunes juristes, enfin beaucoup de jeunes juristes, sont encore enfermés dans des modèles traditionnels. La formation juridique apprend à reproduire alors que le juriste devrait être un créateur. Autrement dit, cette idée de ne pas être dans la reproduction, mais bien dans l’imagination et la création, me semble essentielle. (...) Il devient en effet urgent de sortir des recettes du passé, juridiques ou non, et d’imaginer un monde nouveau avec un pied dedans et un pied dehors. En somme, être décalé pour mieux voir et agir avec justesse40.
Notes de bas de page
1 En accord avec les éditeurs, ce texte est également en voie de publication dans la revue Clio et Thémis, 2011.
2 Voir entre autres, Pascal ORY, L’Entre-deux-mai. Histoire culturelle de la France 1968-1981, Paris, Le Seuil, 1983 ; François HOURMANT, Le Désenchantement des clercs, Presses universitaires de Rennes, 1997 ; Michel WINOCK, Le Siècle des intellectuels, Paris, Éditions du Seuil, 1997 ; Le Débat, « Matériau pour servir à l’histoire intellectuelle de la France », mai-août 1988, n° 50 ; Hélène HATZFELD, Faire de la politique autrement : les expériences inachevées des années 1970, Rennes, PUR.
3 Thierry POUCH, Les économistes français et le marxisme. Apogée et déclin d’un discours critique (1950- 2000) ; voir les travaux de François Perroux (1903-1987), un économiste français qui a développé des thèses hétérodoxes dont l’inspiration essentielle vient de Schumpeter. Son originalité et la fécondité de ses analyses tiennent à ce que les rapports de pouvoir y occupent une place centrale, qu’il s’agisse de l’analyse du marché, des décisions, des firmes motrices, des pôles de développement ou du développement. Il a écrit de nombreux ouvrages et articles dont Le capitalisme (1948), L’Europe sans rivages (1954), L’économie des jeunes nations (1962), Industrialisation et groupement de nations (1962), L’économie du XXe siècle (1961) et Pouvoirs et économie (1973). Voir aussi les travaux d’Henri DENIS, Histoire de la pensée économique en 1966 ; L’économie de Marx : l’Histoire d’un échec aux Presses Universitaires de France, 1980 ; et aussi G.E. COHEN, Karl Marx’s Theory of History, 1978.
4 Voir Martine KALUSZYNSKI, « Sous les pavés, le droit /Le mouvement critique du droit : ou quand le droit retrouve la politique », Droit et Société, 76/ 2010, p. 523-541 et Martine KALUSZYNSKI, « France, années 70. D’un projet contestataire mobilisateur à un impossible savoir de gouvernement. Le mouvement « Critique du droit » in Xavier DUPRE DE BOULOIS, Martine KALUSZYNSKI, (sd), Le Droit en révolution(s). Regards sur la Critique du droit des années 70 à nos jours. Paris, LGDJ, collection Droit et Société, 2011
5 Jean-Jacques Gleizal a ainsi pu dire « Il s’agit d’un mouvement né d’une insatisfaction qui tenait à ce qu’étaient les Facultés de droit à la fin des années 60 et au début des années 70. Nous avons d’abord voulu développer un autre type de rapport aux étudiants, et notre première réflexion a porté sur la pédagogie à un moment où nous avions aussi des prétentions théoriques dont le fil directeur était une approche non positiviste de l’Etat, du droit. Nous sommes donc partis d’un « mal être » par rapport à ce qu’était la pédagogie, ce qui a alimenté nos ambitions théoriques. » Martine Kaluszynski, « Autour de Critique du Droit : Jean-Jacques Gleizal : intellectuel critique », Une pensée critique et sans frontières sur l’Administration et la Politique, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2009, p. 85.
6 « Crise et droit, Droits et crise », Procès, n° 6, 1980.
7 Martine KALUSZYNSKI, « Autour de Critique du Droit : Jean-Jacques Gleizal, intellectuel critique », Une pensée critique et sans frontières sur l’Administration et la Politique, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2009, p 86.
8 André-Jean ARNAUD, Les juristes face à la société. PUF, 1975.
9 Voir Jacques CHEVALLIER, « Critique du droit et la question de l’enseignement du droit », in Xavier DUPRE DE BOULOIS et Martine KALUSZYNSKI, (sd), Le Droit en révolution(s). Regards sur la Critique du droit des années 70 à nos jours. Paris, LGDJ, collection Droit et Société, 2011, à paraître.
10 Christian CHENE, « Enseignement du droit », in Denis ALLAND et Stéphane RIALS, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 617 cité par Jacques CHEVALLIER.
11 Jacques CHEVALLIER, « Critique du droit et la question de l’enseignement du droit », op. cit.
12 Voir le très bel article d’Eric SORIANO, « Entre l’esprit et la lettre. Une trajectoire universitaire entre droit et politique », in Jean-Louis AUTIN & Laurence WEILL, Le droit, expression du politique. Mélanges offerts à Michel Miaille, Presses universitaires de la Faculté de droit de Montpellier, 2009 ; Martine KALUSZYNSKI, « Autour de Critique du Droit : Michel Miaille ou l’élégance critique. Plus à me frapper on s’amuse, tant plus de marteaux on y use”, in Jean-Louis AUTIN & Laurence WEILL, Le droit, expression du politique. Mélanges offerts à Michel Miaille, Presses universitaires de la Faculté de droit de Montpellier, 2009, p. 111-123
13 Michel MIAILLE, Une introduction critique au droit Paris, Maspero, 1976 ; Michel MIAILLE, L’État du droit. Introduction à une critique du droit constitutionnel, Paris, Maspero, Grenoble, PUG, 1978, 266 p. ; Michel MIAILLE, « Sur l’enseignement des facultés de droit en France », Procès, 1979, n° 3 ; Maurice BOURJOL, Philippe DUJARDIN, Jean-Jacques GLEIZAL, Antoine JEAMMAUD, Michel JEANTIN, Michel MIAILLE, Jacques MICHEL, Pour une critique du Droit, Grenoble, Paris, PUG, Maspero, 1978, 148 p.
14 Pour Michel Miaille, Claude, Journès, Antoine Jeammaud, et Jean Louis Autin.
15 En sociologie, Pierre Bourdieu, etc.
16 Michel MIAILLE, « Le volontarisme à l’épreuve. La refonte des études juridiques algériennes en 1971 », De l’étatisme à l’Etat de droit. Etudes en l’honneur de Ahmed Mahiou, Publisud 2009, p. 190-204.
17 Jean Carbonnier y décèle le manifeste initial, J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, PUF, 1978, p. 126.
18 Eric Soriano montre très bien dans son article que c’est dans cette période qu’il (re)lit Althusser et Pasukanis, et je lui vole cet extrait fabuleux tiré d’un manuscrit non publié du 3 février 1978 de Michel Miaille intitulé « Autocritique d’une Critique du droit » : Cet univers de l’enseignement m’obligeait à investir dans les ’théories’ que l’on développe dans ses cours, d’autant plus que les conditions de l’enseignement en Algérie sont très différentes de celles de la France. Dans la mesure où je voulais ne pas répéter du droit français et donc ’inventer’ un enseignement original sur la réalité algérienne, je devais revoir complètement les cadres de ma réflexion juridique. C’est alors qu’intervient l’autre aspect des pratiques universitaires algériennes : le marxisme, sans être dominant, était étudié par les juristes et les économistes sans ostentation mais sans timidité. Je pouvais me lancer dans une telle perspective sans avoir à affronter les milles obstacles nécessairement présents dans une université française. Eric SORIANO, « Entre l’esprit et la lettre. Une trajectoire universitaire entre droit et politique », in Jean-Louis AUTIN & Laurence WEILL, Le droit, expression du politique. Mélanges offerts à Michel Miaille, Presses universitaires de la Faculté de droit de Montpellier, 2009, p. 11.
19 Il s’agit des manuels de Mazeaud, de Weill, de Carbonnier et de Starck.
20 Michel MIAILLE, L’État du droit. Introduction à une critique du droit constitutionnel, Paris, Maspero, Grenoble, PUG, 1978, 266 p.
21 Jean-Jacques GLEIZAL, Le droit politique de l’État. Essai sur la production historique du droit administratif, Paris, PUF, 1980.
22 Jean-Jacques GLEIZAL, « La formation des juristes dans l’État français », Procès, n° 3, 1979, p. 50-77.
23 Jacqueline GATTI-MONTAIN, Le système d’enseignement du droit en France, Lyon, PUL, 1987, 312 p
24 Idem, p. 25.
25 L. TROTABAS, La reforme de la licence en droit, rapport du Conseil supérieur de l’Education Nationale, Paris, Dalloz, 1953, p. 75.
26 Jacqueline GATTI-MONTAIN, Le système d’enseignement du droit en France, Lyon, PUL, 1987.
27 Lucien NIZARD, « Théorie des systèmes, reproductions et mutations », Cahiers internationaux de sociologie, volume XIII, 1972, p. 287.
28 Jacqueline GATTI-MONTAIN, « Le droit et son enseignement : un demi-siècle de réflexion », Droit, 1986, n° 4.
29 Mais c’est également vrai chez Jean-Jacques Gleizal et Michel Miaille et chez beaucoup d’auteurs de la revue Procès
30 Du juridique au politique, Procès, n° 1, 1978, p. 2.
31 Jacques CHEVALLIER, op. cit.
32 Martine KALUSZYNSKI, « Autour de Critique du Droit : Jean-Jacques Gleizal, intellectuel critique », Une pensée critique et sans frontières sur l’Administration et la Politique, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2009, p. 89.
33 Philippe JESTAZ, Christophe JAMIN, La doctrine, Paris, Dalloz, 2004, 314 p.
34 Idem, p. 155.
35 Ibidem.
36 J. CHEVALLIER, op. cit., p. 10.
37 Le 1er atelier de refondation du CLUD s’est (donc) tenu à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense (ex Paris X Nanterre) 13 mars 2009. Ils se disent rattachés « au groupe « originel « de « Critique du droit « et veulent développer les points suivants : « l’importance d’une réflexion future et collective sur les points suivants comme la nécessité d’une introduction au droit digne de ce nom (et qui n’introduise pas qu’au droit des obligations) ; la pertinence de la notation dans le système d’enseignement contemporain du droit ; la force de la dichotomie cours magistraux / travaux dirigés ; la part à donner aux matières dites périphériques comme la philosophie, l’histoire, la théorie ou encore la sociologie du droit ; les liens à former entre théories et pratiques du droit, la place du contentieux et de la contradiction dans l’enseignement ».
38 Jurisprudence – Revue Critique, Université de Savoie, Faculté de droit et d’économie, Domaine universitaire de Jacob-Bellecombette, BP 1104, 73011 Chambéry Cedex.
39 Martine KALUSZYNSKI, « Autour de Critique du Droit : Jean-Jacques Gleizal, intellectuel critique », Une pensée critique et sans frontières sur l’Administration et la Politique, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2009, p. 89.
40 Idem, p. 90.
Auteur
Pacte-CNRS-IEP Grenoble
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