La réception de la question sociale à la faculté de droit de Grenoble : l’exemple du mutualisme de Marcel Porte
p. 319-347
Texte intégral
1Pour J. Donzelot, la période comprise entre la deuxième moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle est celle de « l’invention du social »1. Aux alentours de 1830 se développe en effet un mal nouveau : le paupérisme. Ce phénomène se caractérise par le fait que la croissance rapide, l’enrichissement de la France provoquent l’extension tout aussi rapide de la misère des travailleurs de l’industrie2. La prise de conscience des conditions d’existence des populations qui sont à la fois agents et victimes de la révolution industrielle et la menace que cette situation peut faire peser sur l’ordre public a fait naître explicitement la question sociale. Cest-à-dire la question de la place que peuvent occuper dans la société industrielle les franges les plus désocialisées des travailleurs. La réponse à cette question étant l’ensemble des dispositifs montés pour promouvoir leur intégration3.
2Les Facultés de droit n’ont pas été hermétiques à cette question. Plusieurs enseignants s’en sont emparés et ont tenté de la traiter que ce soit sur le plan doctrinal ou en s’engageant concrètement dans le mouvement social en vue d’atténuer les souffrances des classes laborieuses. On pourra citer entre autres, Joseph-Marie de Gerando, Léon Duguit, Charles Gide ou encore Emmanuel Levy qui auront marqué leur temps et leur ville.
3La Faculté de droit de Grenoble également compte dans ses rangs des enseignants sensibles à ce problème. Le plus célèbre est sans conteste Frédéric Taulier. « Vrai philanthrope » selon les mots de Gérard Chianéa, il fut à l’origine d’une politique municipale d’assistance d’envergure lorsqu’il était maire de Grenoble entre 1845 et 1851. A sa suite, les enseignants grenoblois se montrèrent plus timides. Malgré un contexte grenoblois caractérisé par une forte industrialisation et l’importante misère ouvrière qui l’accompagne, on ne trouve que quelques écrits épars relatifs à ce sujet4.
4Il faudra attendre Marcel Porte pour que la Faculté de droit de Grenoble connaisse à nouveau en son sein un enseignant aussi concerné que Taulier par la question sociale. Professeur d’économie politique et d’histoire des doctrines économiques de 1906 à 1935, il consacre sa vie autant professionnelle que personnelle à son traitement.
5Dans la perspective d’une étude de l’histoire d’une Faculté de droit de province consistant à « saisir ce que cette Faculté fait avec cet « espace provincial »»5 dans lequel elle est intégrée, l’étude du parcours de Marcel Porte paraît tout à fait pertinente. Il est en effet un personnage ancré dans son territoire. Tout d’abord, en tant qu’acteur incontournable de la vie sociale grenobloise. Figure du mouvement mutualiste de la région, il participe notamment à la fondation de l’Union mutualiste de l’Isère en 1901 dont il sera le président à partir de 19096 jusqu’à sa mort en 1935. Il s’inscrit ainsi de plain pied dans l’histoire sociale du département de l’Isère caractérisé par une « ancienne et solide implantation de la mutualité » qui apparaît dès les premières années du XIXe siècle7 et dans lequel Grenoble est considérée comme le « berceau de la mutualité »8. Par ailleurs, il manifeste une véritable volonté d’exercer sa profession sur son territoire d’origine. Après avoir obtenu son doctorat en droit à Grenoble en 1899 et un bref passage à la Faculté de Montpellier en 1901 il sera muté à sa demande à la Faculté de Grenoble. Une fois revenu sur ses terres il ne souhaitera plus en bouger. Paul Cuche note en effet qu’il « ne cédât jamais à l’attrait d’une carrière parisienne »9 qui aurait pu s’offrir à lui. Enfin, Porte est un acteur très impliqué dans la vie de la Faculté elle-même. Particulièrement actif au sein du conseil de Faculté, il intervient régulièrement pour donner son avis sur toutes les questions soulevées et est à l’origine de plusieurs rapports établis au nom de la Faculté.
6Très bon connaisseur de la question sociale tant au niveau local que national, impliqué fortement dans sa résolution, attaché à sa ville et moteur dans le fonctionnement de la Faculté, Marcel Porte apparaît comme une clé de lecture privilégiée de l’histoire de la Faculté de droit de Grenoble et en particulier de son rapport à la question sociale. Il ne s’agit donc pas ici de réaliser une simple biographie de cet enseignant mais bien de replacer Porte dans l’histoire de la Faculté et de montrer en quoi son appréhension de la question sociale et la réponse qu’il entend y apporter grâce au mutualisme semblent se situer dans une tendance historique existant au sein de la Faculté de droit de Grenoble entre la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle. Sans avoir la prétention de présenter un tableau définitif et figé de l’attitude de la Faculté de droit de Grenoble et de ses membres vis-à-vis de la question sociale, il nous apparaît cependant qu’à travers les positions de Porte mises en relation avec les éléments dont nous pouvons disposer à propos d’autres enseignants de la Faculté et avec les positions prises par l’institution sur ces questions, il est possible de déterminer une constante historique selon laquelle la question sociale est envisagée à la Faculté de droit de Grenoble.
7Aussi, il ressort de cette étude qu’au sein de la Faculté de droit de Grenoble est exprimé un certain positionnement idéologique face à la question sociale caractérisé par un souci distancié du sort de la classe ouvrière. Même s’il n’est pas affirmé explicitement, il transparaît des choix de l’institution et des écrits de ses enseignants qu’il y a un refus de s’engager au côté de la classe ouvrière de la part de la communauté enseignante et de l’institution elle-même (I). Ce n’est pas pour autant que les enseignants s’en désintéressent. Plusieurs d’entre eux participent, à des degrés divers, à la réflexion ou à l’action en faveur de la résolution de la question sociale. Ces initiatives se traduisant le plus souvent par des réalisations pragmatiques ou des incitations à ces réalisations fondées sur les principes mutualistes (II).
I – Le positionnement idéologique face à la question sociale : le refus de s’engager au côté de la classe ouvrière
8Ce refus de s’engager aux côtés de la classe ouvrière se traduit de deux manières. D’un point de vue doctrinal d’une part, il convient de constater la méfiance dont font preuve les enseignants de la Faculté à l’égard du socialisme (A). D’autre part, du point de vue institutionnel, la Faculté de droit refuse d’engager toute tentative de rapprochement avec les organisations représentant cette classe sociale (B).
A – Une méfiance envers le socialisme
9Le socialisme est assez peu évoqué au sein de la Faculté de droit de Grenoble. Mais lorsqu’il l’est, il fait l’objet de critiques vigoureuses dont Porte est le principal auteur. Ainsi, l’idéologie socialiste, en général, n’a que peu de crédit à la Faculté de droit (1) et le « socialisme juridique », en particulier, ne parviendra pas à s’y faire une place (2).
1 – Le combat de Porte contre l’idéologie socialiste
10Au début du XXe siècle, la Faculté de droit de Grenoble semble imperméable à la pénétration de l’idéologie socialiste alors en plein développement au sein de la classe ouvrière dans la région alpine depuis la fin du XIXe siècle10.
11Marcel Porte constitue à ce titre une illustration exemplaire. Sa thèse d’économie politique réalisée en 1901 sous la présidence d’Henri Capitant intitulée « Entrepreneurs et profits industriels » est directement dirigée contre les idées socialistes. Dès les premières lignes de son introduction il explique « qu’on ne pouvait porter de jugement réfléchi sur la légitimité du profit industriel que si l’on avait démontré au préalable que l’entrepreneur avait droit à cette rémunération à raison de la part qu’il avait prise à la production. Si cette démonstration faisait défaut, il faudrait logiquement conclure, avec les auteurs socialistes, que le profit est un revenu sans travail, et que l’entrepreneur est le vampire qui s’acharne sans trêve sur cette proie facile qu’est le salarié »11. Toute sa thèse est dirigée vers cette démonstration et se conclut en affirmant que le salaire de l’ouvrier n’est pas « un prélèvement fait par le patron sur le produit du travail de l’ouvrier ». Bien au contraire « ce sont les salaires qui sont payés sur le profit de l’entrepreneur ». En effet, Marcel Porte avance que les ouvriers « ont droit à une rémunération non pas à raison de ce qu’ils ont produit, mais à raison de ce qu’ils ont permis à l’entrepreneur de produire »12.
12Cette critique de l’idéologie socialiste traversera les écrits de Marcel Porte tout au long de sa carrière et notamment dans ses écrits relatifs aux assurances sociales. Comme nous le verrons ultérieurement, il va dénoncer leur « étatisation » c’est-à-dire la place trop importante selon lui prise par l’Etat dans la gestion des fonds provenant des cotisations des assurés. Or selon lui, cette étatisation a pour cause principale « la démocratie socialisante au ministère du travail »13 qui aboutirait à « sacrifier l’avenir à des préférences doctrinales et à un idéal de réglementation théorique »14. Il faut ici signaler que Porte se situe dans la mouvance attachée à la Revue d’économique politique dont il est un contributeur régulier entre 1911 et 1935. Revue dans laquelle, selon Marc Pénin, « le socialisme est pratiquement exclu et le socialisme révolutionnaire l’est complètement »15.
13Cette position vis-à-vis de l’idéologie socialiste ne semble pas trouver de contradicteurs au sein de la Faculté de droit de Grenoble. Bien au contraire elle s’appuie sur des précédents. Frédéric Taulier dans son Vrai livre du peuple, après avoir dressé le tableau de toutes les institutions de bienfaisance de la ville de Grenoble, propose une critique vigoureuse du socialisme16. Tout au plus a-t-il pu se poser la question de la valeur de la doctrine du socialisme juridique qui, malgré l’intérêt bienveillant que certains enseignants semblaient avoir à son égard, n’a donné lieu qu’à une éphémère controverse à laquelle Marcel Porte a activement contribué à mettre fin.
2 – L’absence de pénétration du socialisme juridique à la Faculté de droit de Grenoble
14Le socialisme n’a jamais eu les faveurs des enseignants de la Faculté de droit de Grenoble. Toutefois, le socialisme juridique, une tendance née dans les premières années du XXe siècle, semble avoir suscité l’intérêt du professeur d’économie politique Joseph Hitier. Selon Carlos Miguel Herrera, cette expression désigne « une conception qui prétend construire à travers le droit les fondements du socialisme et, en même temps, la voie (réformiste) de sa réalisation »17. Cette doctrine a été en particulier portée par Emmanuel Lévy, enseignant de la Faculté de droit de Lyon18. Cette localisation géographique de la naissance du socialisme juridique explique certainement qu’elle ait rapidement atteint Grenoble. Carlos Miguel Herrera note même que c’est dans la Faculté de droit de cette ville que « la réception des théories du socialisme juridique par l’économie politique [a] commencé »19. En effet, Joseph Hitier rend compte en 1906 du contenu de cette doctrine qu’il qualifie d’« évolution doctrinale du socialisme »20. Sans se poser en partisan du socialisme juridique il la présente comme un progrès dans l’évolution théorique du socialisme dans la mesure où elle permet de passer d’une conception où le changement social ne pouvait se faire que par une « transformation brusque sans respect des transitions nécessaires » à une conception considérant qu’« un régime nouveau ne peut s’instaurer que progressivement »21 grâce au droit qui permettra « le passage de la société capitaliste à la société collectiviste »22. Mais cette doctrine ne trouvera que peu d’écho favorable à la Faculté de droit de Grenoble. Au contraire, elle fut même vigoureusement critiquée par Marcel Porte qui, répondant à son collègue, lui dénie le caractère de doctrine nouvelle et émet des doutes sur son caractère socialiste23. Ainsi, sur les trois critères relevés par Hitier comme distinctifs du socialisme juridique24, Marcel Porte serait « tenté de dénier toute signification caractéristique aux deux derniers à savoir à utiliser le droit moderne dans un sens socialiste et le refus d’indemnité fondé sur la théorie lassalienne des droits acquis »25. Plus généralement, il fustige « la construction laborieuse de M. Levy » et explique que son effort théorique lui « paraît insuffisant pour qu’on parle, à son sujet, de socialisme juridique »26. Il remet même en cause l’idée que la reconnaissance du droit à l’existence, du droit au travail et du droit au produit intégral du travail « aboutisse nécessairement à l’établissement d’un régime socialiste »27. En définitive, il conclut qu’à l’issue de la présentation de Joseph Hitier « nous nous sommes trouvés en face d’aspects juridiques du socialisme, [...], mais non pas en face d’un socialisme juridique, portant en lui le germe de destinées personnelles »28. Critique vis-à-vis du socialisme juridique, Porte n’en demeure pas moins attentif à ses évolutions et quelques années après dirigera la première thèse qui lui sera consacrée au sein des Facultés de droit29. Son auteur, M. Sarraz-Bournet, ne se privera d’ailleurs pas de critiquer les positions de son président de thèse et de se montrer plus proche de la position d’Hitier30. Mais malgré ce soutien, Hitier ne poursuivra pas ses recherches sur le socialisme juridique. Il faut signaler par ailleurs qu’en plus des critiques de la part de son collègue grenoblois, il a également dû subir celles d’auteurs non juristes mais spécialistes de la question. Ainsi, l’auteur socialiste Georges Sorel commet un article particulièrement virulent contre le professeur grenoblois lui déniant toute compétence pour parler de socialisme31.
15Suscitant au sein de la Faculté au mieux un simple intérêt intellectuel et au pire une opposition vigoureuse, le socialisme juridique ne donnera pas lieu à plus de développements à Grenoble. Ainsi, la doctrine socialiste alors en plein développement au sein de la classe ouvrière grenobloise n’a que très peu intégrée la Faculté de droit de Grenoble. Cette dernière a parallèlement toujours refusé de rentrer en contact avec les organisations la représentant.
B – Le refus de tout contact avec la classe ouvrière
16Cette opposition ouverte aux idéologies prenant partie en faveur de la classe ouvrière se double d’un refus de se lier avec les organisations ouvrières. En effet, l’institution a eu à se positionner au sujet de sa place vis-à-vis du reste de la société et Marcel Porte a été un moteur dans la construction de la réflexion sur le sujet. Il en ressort que la Faculté de droit de Grenoble prend une certaine distance avec la classe ouvrière et les organisations qui la représentent (I) alors qu’elle n’hésite pas à se mettre au service de nombre d’autres acteurs du monde économique et social grenoblois (2).
1 – La distance prise par la Faculté de droit de Grenoble vis-à-vis de la classe ouvrière
17Comme nous l’avons déjà évoqué, rares sont les articles des enseignants de la Faculté de droit consacrés à la question sociale entre la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle32. A l’exception de Raoul Jay33, c’est Marcel Porte qui a incontestablement le plus produit à ce sujet que ce soit à propos de la mutualité et des assurances sociales ou à propos de la situation concrète des classes populaires à travers ses études sur révolution des prix et des salaires au niveau national34 ou au niveau de la région grenobloise35.
18A cette distance provenant de la rareté des écrits des enseignants s’ajoute une distance provenant du regard qu’ils portent sur les conditions d’existence de la classe ouvrière. Il apparaît en effet que, s’ils conviennent de la difficulté de leurs conditions de vie, ils accompagnent toujours leur constat d’éléments relativisant cette situation36. Marcel Porte révèle ainsi son sentiment profond dans le discours qu’il prononce lors de sa réception à l’Académie delphinale en 192037, une des principales sociétés savantes de Grenoble. Dans sa communication intitulée « progrès économique et bonheur individuel » il affirme qu’il n’est pas à démontrer que les progrès de la production industrielle et de la production agricole ont permis un accroissement général de la richesse38 et par voie de conséquence « des possibilités de bonheur individuel »39. Et les classes les plus pauvres n’ont pas été oubliées. D’abord, selon Porte « il n’est [...] pas certain » que « le développement de la grande industrie ait augmenté l’instabilité et les risques de chômage » pour ce qu’il appelle « les grandes masses de population ». On peut même dire que leur situation s’est améliorée puisque « le grand mouvement d’idées qui se traduisait en fait par la généralisation progressive des assurances sociales tendait à éliminer peu à peu ces redoutables risques d’insécurité qui sont la maladie et la vieillesse »40. Par ailleurs, le bonheur pour Porte ne peut se résumer simplement à la constatation de l’amélioration de la situation matérielle de la classe ouvrière. Pour lui, en effet « le bonheur est d’ordre psychologique plus encore qu’économique »41 car il provient surtout de la comparaison avec le bien-être d’autrui. Et cela spécialement pour la classe ouvrière puisqu’il explique que « le point important pour les ouvriers est de savoir si leur salaire et leur bien-être se sont accrus plus ou moins rapidement que les profits des autres classes »42. L’ouvrier est, selon Porte, peu lucide sur sa situation, il « ne songe pas aux bienfaits du machinisme, à l’amélioration certaine de son sort depuis un siècle », en réalité il est « pareil à ces enfants à qui l’on ne donne pas exactement un jouet pareil, il ressente beaucoup plus le chagrin de ne pas avoir le revenu d’autrui que le plaisir de recevoir le sien »43. Aussi, Porte conclut que si misère de la classe ouvrière il y a, elle ne se situe pas dans les faits mais relève uniquement de la psychologie44.
19Ce processus de relativisation des conditions d’existence apparaît chez d’autres enseignants de la Faculté de droit de Grenoble. Ainsi, Paul Cuche, alors président de l’Académie delphinale au moment où Porte prononce son discours, lui répond en se rangeant complètement à son avis45. Intéressant est également le point de vue de Paul Fournier qui permet de mettre à jour un procédé consistant à relativiser les misères en les comparant à d’autres. Selon lui, si la classe ouvrière a des griefs respectables il ne faudrait pas les exagérer car ils sont beaucoup moins à plaindre que d’autres catégories sociales comme les paysans par exemple46. On trouve déjà cette tendance en 1848 sous la plume de Félix Berriat Saint-Prix dans ses Notes élémentaires sur le Code Civil. Il y commente l’article 1781 relatif au contrat de louage de service disposant que le maître est cru sur son affirmation pour tout ce qui concerne les gages et salaires. Il cherche une justification à cette disposition et se trouve bien mal à l’aise pour en trouver une solide. Il avance ainsi que cela permet d’éviter la multiplication des procès, que le maître est plus digne de foi du fait de sa position sociale et que les mœurs du domestique sont dégradés47. Puis, à court d’arguments, il termine en expliquant qu’« au surplus, la domesticité, telle qu’elle est encore, est un progrès si on la compare à l’esclavage »48. Le domestique aurait donc tort de se plaindre car il existe des situations pires que la sienne49.
20Cette distance prise avec la réalité des conditions de vie des ouvriers s’accompagne d’une mise à distance entre eux et l’institution de la Faculté de droit de Grenoble. Les enseignants sont tous d’accord pour considérer que leur place n’est pas au côté des organisations représentant la classe ouvrière. C’est l’idée qui ressort du rapport réalisé par Marcel Porte au nom de la Faculté de droit de Grenoble le 12 juin 1920. Ce rapport est réalisé en réponse à la circulaire du ministre de l’Instruction publique du 14 avril 1920 demandant aux Facultés de droit de donner leur avis sur les réformes qu’il y aurait lieu d’apporter aux études juridiques en général. Parmi les questions à envisager, le ministre demande notamment de réfléchir aux relations avec le grand public et en particulier de tenter « par des cours d’extension universitaire, d’atteindre les organisations ouvrières, de comprendre leurs besoins, de leur donner, sur les grands problèmes moraux que soulève et résout notre législation, des notions solides »50. Mais la Faculté de droit explique que « si elle admettrait volontiers un élargissement des conditions d’accès aux Facultés », il lui paraît « difficile d’atteindre, par des propositions de collaboration officielle, les organisations ouvrières ». Dans son rapport, Marcel Porte donne trois explications à cela. D’abord, il affirme que ces organisations ne voudraient probablement pas de l’aide de la Faculté51. Ensuite, ce serait faire des cours de mauvaise qualité ce qui risque de porter préjudice au prestige de la Faculté52. Enfin, il met en avant le fait que s’associer aux organisations ouvrières seraient de nature à compromettre l’indépendance de l’institution53. Raoul Jay pointait déjà cette qualité de la Faculté à préserver car selon lui, « nulle part les questions sociales ne pourraient être examinées et discutées avec plus de sang-froid et d’impartialité »54.
21Cependant, cette volonté d’indépendance, si elle est fortement marquée lorsqu’il s’agit de lien avec les organisations ouvrières, est beaucoup moins évoquée à propos des liens que la Faculté tissera avec d’autres acteurs du monde économique et social.
2 – Une ouverture de la Faculté vers d’autres acteurs du domaine économique et social
22Si la Faculté de droit refuse de travailler avec les organisations ouvrières cela ne signifie pas qu’elle s’oppose à tout contact avec la société. Elle revendique d’ailleurs cette ouverture en affichant fièrement les cours publics à destination de toute catégorie de la population qu’elle a mis en place durant les quinze années précédant la première guerre mondiale55.
23La Faculté de droit va reconduire cette expérience en organisant à partir de 1923 un cours public sur la coopération. Ce cours a été créé sur initiative de la fédération nationale des coopératives de consommation. Cette dernière contacte le rectorat de Grenoble et lui propose d’organiser ce cours soit à la Faculté de droit, soit à la Faculté de lettres56. Le rectorat choisira la Faculté de droit et son doyen proposera Marcel Porte pour se charger de ce nouveau cours. Celui-ci n’acceptera toutefois pas sans conditions57. En effet, cet engagement de la Faculté auprès d’un acteur essentiel de l’économie sociale semble avoir fait naître certaines craintes chez le professeur grenoblois quant à son indépendance. Il exige que son cours puisse être réalisé en toute liberté, et que lui soit réservée « toute liberté d’appréciation sur le programme ou les méthodes de la coopération ». Cela implique également qu’il ne doit dépendre hiérarchiquement que des instances de l’Université comme pour tout autre cours et n’aurait aucun lien de subordination avec la fédération nationale des coopératives de consommation. Enfin, ce cours ne doit pas entraîner pour lui une quelconque obligation de s’engager aux côté des sociétés coopératives de la région et encore moins « de prêter son concours à la propagande coopérative »58. Toutes ces conditions seront acceptées par le rectorat et la fédération nationale des coopératives de consommation. Mais bien que Porte ait souhaité s’en défendre, son cours aura une influence sur l’organisation de la coopération dans la région. Tout d’abord, Porte indique dans sa lettre qu’il étudiera « ce mouvement d’idée [...] dans un esprit de sympathie compréhensive ». Il ne semble donc pas qu’il entende faire dans son cours une critique trop virulente du mouvement coopératif. Bien au contraire, il semble qu’il ait participé (volontairement ou non) à la promotion de l’idée coopérative dans la région qui connaissait déjà une implantation importante de sociétés coopératives de consommation59. On apprend par le biais d’un auditeur du cours de Porte qu’« à la suite du cours public de M. le professeur Porte sur la « coopération », un « Centre d’études coopératives » a été constitué avec l’appui bienveillant de professeurs de l’Université, de chefs d’établissements et de coopérateurs de la localité, en particulier M. Chiousse, secrétaire de la Fédération régionale des coopératives ». Ce centre aura notamment pour but « d’étudier les réalisations pratiques de la coopération dans des causeries faites avec le concours de coopérateurs compétents et de constituer une bibliothèque d’ouvrages se rapportant aux mêmes questions »60. Ce cours implanté dans une région connaissant une forte implantation du mouvement coopératif aura eu un certain succès61. La Faculté semble donc tout à fait disposée à s’intégrer dans son milieu économique et social. Cela sera encore plus net avec la création de l’institut des sciences commerciales.
24Si quelques réserves auront été manifestées par Marcel Porte concernant les conditions dans lesquelles le cours public de coopération devait se dérouler il n’y en aura aucune à propos de l’engagement de la Faculté de droit pour la mise en place d’un Institut de sciences commerciales. Cet Institut créé en 1912 à Grenoble sur initiative de l’Université se donne pour but « de grouper dans un même cadre universitaire et dans un temps d’études très court tous les enseignements dont un patron, un administrateur, un chef de bureau, un représentant de commerce, un employé désireux de s’élever au-dessus du commun ne sauraient se passer dans les conditions actuelles de complexité des affaires et de concurrence acharnée ». L’Université est convaincue que la France a besoin de « chefs instruits » non seulement pour mener à bien des affaires commerciales mais également pour diriger le pays. Elle affirme en effet que « aussi haut qu’on peut le faire, il faut élever le niveau intellectuel de cette classe des commerçants et des employés supérieurs qui, dans l’intérêt général, devraient jouer un rôle de premier ordre dans la direction de l’opinion et des affaires publiques, et pour cela être de plus en plus aptes à saisir et à juger les intérêts généraux de leur pays ». L’Université souhaite donc s’employer à être le soutien des industriels et commerçants de la région qui semblent se réjouir de la création de cet établissement62. Aussi est créé un Institut de sciences commerciales qui sera « une annexe de la Faculté de Droit, sous le patronage, avec la collaboration et, pendant les premières années, avec la garantie financière de la Chambre de Commerce de Grenoble »63. Y participeront ainsi plusieurs professeurs de la Faculté de droit dont Marcel Porte qui y enseignera l’économie et la gestion industrielle et qui en a été nommé directeur juste avant sa mort64.
25L’enthousiasme complet pour la création de cet institut peut surprendre au vu de la déclaration de principe que rédigera Marcel Porte en 1920 où est affirmé qu’« il n’est pas, à notre avis, dans le rôle de l’Université de faire cause commune avec telle ou telle organisation [...] patronale ou ouvrière, (souligné par nous) dont l’action serait par moments, de nature à compromettre notre indépendance ou notre dignité »65. L’Institut créé avec l’assentiment et sous la direction de la Chambre de commerce et d’industrie semble pourtant relever de cette cause commune avec des organisations patronales et il est permis de se poser des questions sur l’indépendance de la Faculté de droit. Mais pour la majorité des enseignants de la Faculté, le problème ne se pose pas car cette coopération avec les milieux d’affaire de la région fait partie de sa raison d’être. Marcel Porte est à ce titre en première ligne pour faire la promotion de cette idée. Ainsi en 1917, il propose « la création d’un enseignement complémentaire pratique spécialement adapté aux besoins locaux de la région siège de l’Université »66. Il est plus explicite en 1920 où il expose ses vues juste avant de rédiger le rapport de 1920. Il explique « qu’il y a lieu de maintenir l’organisation actuelle des Facultés de droit, sauf à l’adaptation sur certains points aux besoins économiques de leur ressort. Les Facultés doivent être à la fois des foyers de haute culture juridique et des centres d’éducation pour la pratique industrielle et commerciale. Il serait nécessaire pour cela de maintenir une très forte instruction générale et d’établir ensuite un choix entre certaines autres matières qu’il y aurait lieu d’enseigner pour répondre plus spécialement aux caractéristiques particulières de la région dans laquelle les Facultés sont placées »67. Il semble toutefois que certaines voix se soient élevées au sein de la Faculté « envisageant exclusivement les Facultés comme des établissements de haute culture désintéressée ». Mais, ce n’est pas cette position qui sera retenue pour exprimer les vues de la Faculté de droit. Dans son rapport Marcel Porte fait en effet valoir que la position souhaitant faire des Facultés des établissements dispensant « une culture supérieure, [...], mais une culture utilisable par eux pour des fins pratiques » est celle à laquelle s’est rangée la grande majorité de la Faculté. Pour Porte « ce n’est pas à l’heure où le pays a besoin d’utiliser toutes ses forces et toute son activité que nous pourrions sérieusement songer à nous désintéresser des exigences de la pratique pour nous cantonner dans des recherches d’érudition ou dans de pures spéculations de philosophie juridique » et il conclut en expliquant que « les établissements universitaires ne peuvent ni s’abstraire du milieu géographique et social dans lequel elles recrutent leurs étudiants, ni se refuser aux désirs de collaboration qui peuvent leur être exprimés par les associations ou les industries locales »68.
26Au vue de ses remarques, on peut conclure que la Faculté se pense comme un acteur à part entière du développement économique local mais en aucun cas de la résolution de la question sociale. Elle l’explique d’ailleurs clairement, l’institution ne peut s’engager dans ce domaine, ce ne peut être que le fait des enseignants à titre privé69. Il convient donc d’étudier l’action de ces enseignants en dehors de la Faculté dans ce domaine qui, à l’image de Marcel Porte, s’engagent souvent pour défendre et promouvoir les valeurs mutualistes.
II – La résolution de la question sociale : une approche pragmatique fondée sur les valeurs mutualistes
27En observant les discours et les actions de Marcel Porte, il apparaît que, pour lui, la question sociale est un problème qui doit se résoudre de manière pragmatique. S’il s’intéresse au socialisme juridique ce n’est pas parce qu’il constitue une évolution de la doctrine socialiste mais parce qu’il est une illustration de l’abandon d’un dogme et de la prise en compte de la réalité70. La résolution de la question sociale doit être apportée par des solutions pratiques ne reposant sur aucun dogme. Toutefois, elles reposeront sur certaines valeurs. Porte défendra ainsi avec vigueur les valeurs du mutualisme. Mais s’il se démarque des autres enseignants de la Faculté de droit de Grenoble par l’ampleur de son engagement dans le mouvement mutualiste, il n’en reste pas moins qu’il semble que Porte s’inscrive dans une tendance historique chez ces enseignants à promouvoir les valeurs mutualistes (A). Cela semble être confirmé par l’engagement de certains d’entre eux dans la réalisation concrète d’œuvres mutualistes (B).
A – Une défense non dogmatique des valeurs mutualistes
28L’engagement des professeurs de droit et de Marcel Porte dans la résolution de la question sociale passe avant tout par la promotion des valeurs mutualistes. En ce sens c’est essentiellement une fonction de propagandiste en faveur de ces valeurs qu’ils occuperont (1). En revanche, ils ne sont pas des idéologues, la défense du mutualisme n’est pas une défense d’un dogme à l’image de la position très nuancée de Marcel Porte sur la question des assurances sociales (2).
1 – La propagande des enseignants en faveur des valeurs mutualistes
29Entre la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle une pratique apparaît régulièrement chez les enseignants de la Faculté de droit de Grenoble. On peut remarquer que plusieurs d’entre eux se font les porteurs des valeurs du mutualisme et en font la promotion. Au premier rang de ceux-ci on trouve bien sûr Marcel Porte. Ce dernier est président de l’Union mutualiste de l’Isère dont un des principaux buts est celui de « propagandiste » c’est-à-dire qu’elle se donne pour fonction de « travailler à la propagation des idées mutualistes »71. Dès les premières années de sa présidence il développera cette fonction en créant une revue semestrielle, le Bulletin de l’Union mutualiste de l’Isère, à destination des diverses sociétés de secours mutuels et dont le premier numéro paraît en 1910. Ce bulletin permet de diffuser des documents officiels qui peuvent les intéresser, les décisions du bureau de l’Union mais elle est également une tribune pour Porte qui y écrit régulièrement et détermine quelle doit être la place de la mutualité par rapport aux dernières évolutions de la législation sociale. Porte fait donc œuvre de propagande à l’intérieur du milieu mutualiste isérois afin d’encourager et de faire vivre ces sociétés de secours. Il le fait également à l’égard du public. Il tient de nombreuses conférences publiques tout au long de sa vie dont certaines sont publiées dans les journaux locaux72. Enfin, il fait passer également ces idées mutualistes dans le milieu scientifique essentiellement à travers la Revue d’économie politique. Il tient en effet dans cette revue une chronique annuelle intitulée « Mutualité et assurances sociales » entre 1924 et 1934. Dans cette chronique il présente un bilan chiffré de l’année reprenant le nombre d’effectif de la mutualité, le nombre de sociétés créées etc. mais il donne également son sentiment sur l’avenir de la mutualité, commente les lois et émet des propositions de réforme73. A ce titre, il est un de ses réformateurs74 qui, à l’image de Raoul Jay75, sont soutenus par la Revue qui leur offre une tribune pour exprimer leurs idées76.
30Intégré dans le milieu réformateur que constitue la REP, Marcel Porte l’est aussi dans le milieu particulier que constitue la région grenobloise. Comme nous l’avons déjà évoqué, ce dernier est caractérisé par une très forte implantation du mouvement. Dans ce cadre l’apparition de personnages comme Marcel Porte n’est pas surprenante. Il n’est d’ailleurs pas le seul au sein de la Faculté de droit de Grenoble à faire la promotion de ce mutualisme ancré localement. La première trace de cette promotion du mutualisme par un enseignant de la Faculté de droit apparaît en 1830 sous la plume de Sabatéry, un professeur suppléant de la Faculté qui élabore un « projet d’ateliers de services mutuels » destinés à produire des objets nécessaires aux pauvres appelés à y travailler. Frédéric Taulier, professeur de droit civil, loue « le vaste et majestueux ensemble » que représentent les sociétés de secours mutuels dont il fait l’historique dans son Vrai livre du peuple de 186077. En 1866, M.G. Boissonade présentera très favorablement l’initiative d’étudiants de la Faculté de droit ayant constitué une société coopérative de consommation à Valence78. Il situera cette initiative dans les « traditions philanthropiques » du Dauphiné et notamment dans le courant mutualiste qui traverse cette région79. Le professeur Capitant enfin, est désigné par Giard-Rabatel comme un « mutualiste convaincu »80.
31Une tradition de promotion du mutualisme semble donc inscrite à la Faculté de droit de Grenoble. Toutefois, les enseignants n’apparaissent pas comme des défenseurs dogmatiques de ce courant. Ils sont porteurs des valeurs attachés au mutualisme mais sont prêts à des accommodements en fonction de l’évolution de la législation et des idées du temps. Marcel Porte est, là encore, un exemple de ce positionnement.
2 – L’attachement modéré aux principes directeurs du mutualisme
32Les écrits de Marcel Porte sont le plus souvent de nature technique. Etudiant les évolutions législatives et les modalités de leur application, il fait rarement œuvre de doctrine. Une fois pourtant, réagissant aux propos du président de la République déclarant que le projet d’assurances sociales était imprégné « de l’esprit et des traditions mutualistes », Marcel Porte décide de déterminer ce que recouvrent cet esprit et ces traditions mutualistes. Il publie ainsi en 1923 « une brochure de vulgarisation très remarquée » selon Jean Bennet81, intitulée Assurances sociales et traditions mutualistes dans laquelle il précise les traits distinctifs de la mutualité. Le premier d’entre eux, et certainement le plus important, est « la liberté individuelle de la prévoyance volontaire »82. L’assurance contre la maladie, la vieillesse ou le décès est librement conclue par l’individu, elle est le fruit de son effort personnel. Cela interdit toute contrainte étatique considérée comme « contraire à la nature de l’homme, attentatoire à sa dignité qui est toute entière dans sa liberté et sa responsabilité »83. Aussi cela est en théorie contradictoire avec l’idée d’une assurance obligatoire. Cette idée de prévoyance volontaire est également louée par Henri Capitant pour qui « le rôle de l’Etat est de développer l’esprit d’initiative et de prévoyance, de favoriser l’effort personnel [...]. Il faut donc que le travailleur soit le premier pourvoyeur de la Caisse qui lui fournira une retraite au jour de sa vieillesse »84. Cette idée de prévoyance individuelle s’accompagne de celle de « solidarité sociale »85. Le sociétaire peut, en cas de maladie par exemple, utiliser plus sur le fonds de la société que la somme de ses cotisations. Par ailleurs, les sociétés de secours mutuels assurent « l’égalité des prestations et des services »86 entre tous les adhérents. Enfin, le mutualisme a également une importante fonction de moralisation et d’éducation des sociétaires. Moralisation car l’indemnisation reçue ne doit jamais être complète et ainsi « susceptible de détourner le mutualiste de la reprise du travail dès que ses forces seraient revenues, ou de pousser au chômage volontaire, s’il était de naturel paresseux »87. Moralisation également car les sociétés mutuels très nombreuses quadrillant le territoire permettent d’« exercer sur le malade un contrôle local fréquent, indispensable pour écarter les fraudes et les simulations » et plus généralement « la connaissance [par] le président de la société de ses adhérents et de leur moralité au regard de l’assurance »88. Education ensuite car elle permet de développer le « sens de la prévoyance »89 chez les adhérents. Education morale encore « si l’on considère les dispositions statutaires relatives aux cas d’exclusion et qui étaient de nature à retenir les adhérents sur la pente de l’ivrognerie, de la débauche ou de l’improbité ». Education économique et sociale enfin « résultant de la participation de tous les intéressés à la gestion des intérêts sociaux »90.
33Mais de l’aveu même de Porte, le projet sur les assurances sociales « était presque sur tous les points, en contradiction avec ces principes et ces traditions mutualistes »91. En particulier, il introduit l’idée d’obligation, la gestion des fonds est bureaucratisée et centralisée et le rôle éducatif et social est fortement compromis notamment par l’absence de droit d’exclusion des assurés. Face à cette situation Marcel Porte voit une seule alternative pour la mutualité, soit « combattre héroïquement pour ses principes », soit « procéder elle-même à une révision attentive de ses principes »92. C’est la seconde solution qu’il choisira et avec lui la mutualité française. En effet, Michel Dreyfus note que la position du conseil supérieur de la mutualité est formulée par Marcel Porte qui « se résigne à l’obligation à condition de la limiter à l’indispensable » et qui cherche à « concilier ces deux formes en apparence contradictoire de la prévoyance moderne : l’assurance obligatoire et la mutualité libre »93. Marcel Porte fait ici preuve d’un grand pragmatisme. Il admet lui-même « qu’en se ralliant à l’idée d’obligation [...], la mutualité a fait le sacrifice d’un de ses principes essentiels ». Mais le maintien de ces principes l’aurait tenu « à l’écart d’un mouvement d’idées qui porte toutes les grandes nations à donner aux salariés la sécurité de l’existence » et le risque pour la mutualité aurait été « de voir les assurances sociales se réaliser sans elle, et peut-être contre elle »94. Et c’est bien là que va se situer désormais le combat de Porte. S’étant refusé à se battre pour le maintien des principes du mutualisme, il va désormais militer pour que les institutions de secours mutuels aient la plus grande place possible dans la gestion de ces assurances sociales95. Il ne cessera alors de vanter les vertus de la gestion décentralisée incarnée par les sociétés de secours mutuels et la nécessité de ne pas se priver de l’expérience acquise par leurs administrateurs. Aussi il dénoncera jusqu’à sa mort les tendances à « l’étatisation des assurances sociales en France »96.
34Cet attachement aux institutions mutualistes plus qu’aux principes mutualistes est révélateur de ce pragmatisme rencontré chez les enseignants de la Faculté de droit de Grenoble lorsqu’il s’agit du traitement de la question sociale. On peut d’ailleurs émettre l’hypothèse que leur adhésion au mutualisme provient pour une grande partie de l’attachement à une valeur cardinale du mutualisme qui, elle, n’a jamais été discutée, c’est celle de neutralité politique97. Nous l’avons déjà évoqué plus haut, les enseignants affichent volontiers leur exigence d’indépendance dans l’exercice de leur métier. Nous pouvons penser que nombre d’entre eux recherche également un engagement qui ne les fasse dépendre d’aucun parti ou école de pensée. C’est d’ailleurs un argument qui est souvent mis en avant par Marcel Porte qui demande aux adhérents mutualistes et aux adhérents en puissances de ne pas avoir « l’arrière-pensée qu’il s’agit d’une oeuvre de parti. Toute politique est bannie de la Mutualité »98. Appartenir à une institution qui déclare se situer au-dessus de la mêlée politique a probablement séduit une partie des enseignants engagés ou soutenant simplement le mouvement mutualiste.
35Aussi, plusieurs d’entre eux, mus par ce désir d’apporter une solution pragmatique à la question sociale, ont contribué à la réalisation d’œuvres mutualistes.
B – Des enseignants moteurs dans la réalisation d’œuvres mutualistes
36Les enseignants de la Faculté de droit se sont montrés actifs dans la mise en place d’œuvres mutualistes dans la région grenobloise. Du simple encouragement à leur création à leur organisation effective, on trouve divers degrés d’engagement des enseignants. Ces initiatives se situent autant dans la sphère publique (1) que dans la sphère privée (2).
1 – Les initiatives dans le cadre public
37Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, la première manifestation d’un engagement d’un enseignant de la Faculté de droit en faveur d’institutions mutualistes est le « projet d’ateliers de services mutuels » élaboré par A.T. Sabatéry. Il soumet ce projet à la municipalité de Grenoble en 1830. Ce projet d’une quinzaine de page entend promouvoir une assistance non fondée sur la charité car selon lui « l’homme a dans ses bras des ressources plus que suffisantes pour pourvoir à tous ses besoins, si l’on pouvait lui trouver des moyens de les employer utilement » et il est convaincu que « le travail est plus utile au peuple que la charité ». Aussi conçoit-il un projet dans lequel il propose de mettre en place des ateliers dans lesquelles seraient employés les pauvres de la ville pour fabriquer des objets nécessaires à ces mêmes pauvres tels que du pain, des vêtements, des meubles et des combustibles. Ne seraient employées à ces ateliers que des « personnes qui auraient besoin de gagner leur vie ». Ces personnes seraient rémunérées à la fois par un salaire en argent et par un salaire en nature composé d’objets à bon marché nécessaires à sa famille. Toutefois, ce projet ne semble pas avoir eu d’écho au sein de la municipalité.
38La réalisation la plus certaine a été sans conteste celle de Frédéric Taulier. En tant que maire de Grenoble entre 1845 et 1851 il est à l’origine de nombreuses mesures destinées au soulagement de classe indigentes : ateliers de charité, chauffoirs publics, soupes économiques, etc. Mais l’œuvre qui sera la plus fameuse est l’Association alimentaire qu’il fonde en 1851. Selon Anne Lhuissier, cette institution fonctionne sur le mode des sociétés de secours mutuels99. Elle a en effet pour objet de fournir à la population ouvrière des repas et du vin, que les sociétaires peuvent consommer sur place ou emporter chez eux. L’accès au restaurant est subordonné à l’achat d’une carte de sociétaire, qui permet d’acheter des jetons correspondant à six familles de produit100. Cette association, Frédéric Taulier l’a portée personnellement101 mais il n’aurait pu la mettre en place sans le soutien du Conseil municipal qui a mis à sa disposition gratuitement un local et a voté des crédits afin d’acheter le matériel nécessaire à son fonctionnement102. Le Conseil municipal n’est toutefois pas le seul soutien dont a bénéficié Taulier. Anne Lhuissier évoque également le rôle des multiples réseaux auxquels Taulier est lié103.
39L’autorité municipale apparaît donc pour les enseignants de la Faculté de droit comme un moyen de mener à bien leurs projets. Cependant les projets sont également réalisés dans la sphère privée.
2 – Les initiatives dans le cadre privé
40Dans le cadre privé, c’est bien sûr Marcel Porte qui a accompli l’œuvre la plus importante. Comme nous l’avons vu, il a rempli un rôle important de propagandiste en faveur de l’idée mutualiste. Il sera également un acteur central du développement des institutions mutualistes en Isère. En tant que président de l’Union mutualiste de l’Isère entre 1909 et 1935 tout d’abord. Il a été à l’origine de la création de plusieurs structures permettant de coordonner les sociétés de secours mutuels entre elles104. Il a aussi mis en place les organismes nécessaires à l’application des régimes d’obligations tels que les retraites ouvrières et paysannes et les assurances sociales105. Enfin, il aura également favorisé la mise en place d’œuvres sociales et notamment de la « Mutualité maternelle » en 1912106. Cette expertise à la fois technique et théorique acquise dans le domaine de la mutualité l’a, par ailleurs, amené à occuper de hautes fonctions au niveau national107. Il acquit ainsi une certaine renommée qui le conduisit à être sollicité pour mener des actions dans d’autres domaines tels que celui de la lutte contre le chômage. Un des membres du « Comité départemental d’aide aux chômeurs » de l’Isère explique ainsi que « l’autorité attachée à son nom et à sa profession [...] son esprit d’organisation et de méthode » ainsi que « son prestige » ont conduit le comité à le choisir à l’unanimité pour président108.
41Si Porte est celui qui, après Taulier, a laissé le plus de trace de son action, il est probable que d’autres enseignants aient participé plus discrètement au développement d’institutions mutualistes. Nous avons pu voir plus haut que l’activité la mieux partagée par ces enseignants est celle de propagandiste. Or, il arrive parfois que cela débouche sur des réalisations pratiques. Ainsi, les étudiants de la Faculté de droit à l’origine de la mise en place à Valence d’une société coopérative de consommation en ont eu l’idée, selon Boissonade, après avoir suivi le cours d’économie politique professé par M. Couraud109. Comme nous l’avons vu plus haut, c’est également à l’issue du cours de Marcel Porte sur la coopération que s’est formée un centre d’études coopératives.
42Ainsi, depuis Sabatéry jusqu’à Porte en passant par Taulier, une constante semble se dessiner au sein de la Faculté de droit de Grenoble quant à l’appréhension et au traitement de la question sociale. Un refus d’engagement au côté de la classe ouvrière et la promotion du mutualisme comme moyen privilégié pour agir dans le sens de l’amélioration des conditions d’existence des plus faibles. Cette position de la Faculté de droit et de nombre de ses enseignants ne semble toutefois pas isolée. On peut la rapprocher par exemple de celle de Bordeaux dans laquelle s’est fortement développé le mouvement coopératiste sous l’influence de Charles Gide. Comme à Grenoble, dans le domaine social « l’action concertée des individus à travers l’association et la coopération était généralement soutenue et préférée à l’intervention directe de l’Etat »110. La Faculté de droit de Grenoble n’en garde pas moins sa spécificité, implantée dans une région où le mutualisme a connu une vigueur exceptionnelle, elle est donc bien la Faculté de sa région promouvant les valeurs qui y sont dominantes.
Notes de bas de page
1 Jacques DONZELOT, L’invention du social, Paris, Le Seuil, 1994.
2 Francis DEMIER, La France du XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 2000, p. 198.
3 Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Gallimard, 1995, p. 26.
4 On a pu recenser six articles écrits par les enseignants de la Faculté de droit de Grenoble sur cette question en dehors des textes de Marcel PORTE : M.G. BOISSONADE, « Le code Napoléon et les sociétés coopératives du Dauphiné », Revue critique de législation et de jurisprudence, t. XXVIII, mars 1866 ; Charles TARTARI, « L’assistance médicale gratuite, application de la loi du 15 juillet 1893 », Annales de l’Université de Grenoble, 1896, p. 191 à 203 ; Raoul JAY, « L’enseignement supérieur et la question ouvrière », in Revue internationale de l’enseignement, t. XX, 1890, p. 409 à 414 ; Henri CAPITANT, « Les retraites ouvrières », Annales de l’Université de Grenoble, 1899, p. 413 à 438 ; Paul CUCHE, Les lacunes de la législation de l’enfance moralement abandonnée, Paris, 1906 ; Paul CUCHE, « Du rapport de dépendance, élément constitutif du contrat de travail », Revue critique de législation et de jurisprudence, juillet – août 1913. Il est à noter également que le cours de droit administratif de Jules Mallein contient un titre consacré aux établissements de bienfaisance, cours dont nous n’avons à notre disposition que le plan et non le contenu, cf. Jules MALLEIN, Considérations sur l’enseignement du droit administratif, Paris, Henri Plon, 1857.
5 Frédéric AUDREN, « Qu’est-ce qu’une Faculté de Province au XIXe siècle ? », in Philippe NELIDOFF (sous la direction de), Les Facultés de droit de province au XIXe siècle, bilan et perspectives de la recherche, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2009, p. 21.
6 Il exerce également des responsabilités au niveau national puisqu’en 1919 il devient un des six secrétaires de la fédération nationale de la mutualité française et en 1921 il sera élu au conseil supérieur des sociétés mutuelles de secours. Pour une biographie complète de Marcel PORTE, cf. Jean BENNET, Biographies de personnalités mutualistes (XIXe et XXe siècles), Paris, Mutualité française, 1987, p. 355 à 360.
7 Robert Chagny explique que « la mutualité dans le département de l’Isère a connu un essor précoce et une remarquable stabilité de ses organisations ». Il cite en exemple la société de secours mutuels des gantiers de Grenoble fondé en 1803 et disparu en 1959. Cf. Robert CHAGNY, « La mutualité française au XIXe siècle. L’exemple du département de l’Isère », in Cahiers d’histoire de l’institut de recherches marxistes, n° 33, 1988, p. 63.
8 Pierre BARRAL, Le département de l’Isère sous la Troisième République (1870- 1940), Paris, Armand Colin, 1962, p. 59.
9 Discours de M. CUCHE, doyen de la Faculté de droit en hommage à Marcel Porte, Annales de l’Université de Grenoble, série lettres-droit, XII-1935, p. 2.
10 Pierre Barral explique dans son chapitre concernant l’affirmation du socialisme entre 1880 et 1905 qu’« un véritable parti ouvrier apparut dans la région alpine à la fin du XIXe siècle. Né dans les métiers traditionnels du textile et du cuir, il se développa surtout quand la houille blanche eut suscité une industrie moderne et fortement concentrée ». Au cours de cette période « le socialisme devint une force politique appuyée sur une doctrine précise ». Pierre BARRAL, op. cit., p. 424 à 425.
11 Marcel PORTE, Entrepreneurs et profits industriels, thèse pour le doctorat ès sciences politiques et économiques, 1901, p. IX.
12 Marcel PORTE, Entrepreneurs..., op. cit., p. 218.
13 Marcel PORTE, « Vers l’étatisation des assurances sociales en France », in Revue économique internationale, septembre 1935, p. 7.
14 Marcel PORTE, « Vers l’étatisation... », art. cit., p. 15.
15 Marc PENIN, « Un solidarisme interventionniste : la Revue d’économie politique et la nébuleuse réformatrice, 1887-1914 », in Christian TOPALOV (sous la direction de), Laboratoires du nouveau siècle, la nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, 1880-1914, Paris, éditions des Hautes études en sciences sociales, 1999, p. 109.
16 La longue conclusion de l’ouvrage de Frédéric Taulier est consacrée à la réfutation des thèses de ceux qu’il appelle les « socialistes modernes » à qui il reproche d’avoir « la prétention de tout changer, de tout refaire ; ils suppriment le culte ; ils suppriment la famille, l’hérédité, la liberté, la personnalité. Pour arriver à ce merveilleux résultat, ils commencent par supprimer la propriété, sentant bien qu’elle est le point de départ et la base de l’ordre social ». Après cette introduction combative, Taulier va dans un premier temps légitimer la propriété pour ensuite s’attaquer aux différents théories socialistes, le communisme, la doctrine de Proudhon, celle de Saint-Simon et enfin celle de Fourier. Cf. Frédéric TAULIER, op. cit., p. 556-594.
17 Carlos Miguel HERRERA, « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », in Droit et Société, 2004/1, n° 56-57, p. 114.
18 Selon C.M. Herrera, Emmanuel Levy est « le seul agrégé de droit entré en socialisme juridique en ce début du XXe siècle, le seul en tout cas qui essaye de faire œuvre de doctrine en tant que juriste socialiste ». Cf. Carlos Miguel HERRERA, « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », in Droit et Société, 2004/1, n° 56-57, p. 112.
19 Carlos Miguel HERRERA, « Droit et socialisme à la Faculté de droit de Lyon », in David DEROUSSIN (contributions réunies par), Le renouvellement des sciences sociales et juridiques sous la IIIe siècle. La Faculté de droit de Lyon, Paris, éd. la mémoire du droit, 2007, p. 293.
20 Joseph HITIER, « La dernière évolution doctrinale du socialisme : le socialisme juridique », in Revue d’économie politique, 1906, p. 209 à 228, p. 345 à 367 et p. 452 à 466.
21 Joseph HITIER, « La dernière évolution... », art. cit., p. 219.
22 Se référant aux auteurs socialistes ayant théorisé le socialisme juridique, Hitier explique que « la forme actuelle se traduit et se condense en rapport juridiques et que d’ici longtemps encore suivant toute vraisemblance, les transformations qui se produiront se traduiront elles aussi en rapport juridiques. [...] Si le socialisme veut travailler à hâter l’éclosion d’une transformation qui doit se traduire juridiquement, il lui faut devenir lui-même juridique ; ses docteurs doivent penser en juristes, parler en juristes ; ses constructions doivent être juridiques ; ses aspirations se doivent formuler en termes de droit. [...] Le droit n’est pas nécessairement un instrument de conservation et de consolidation des situations acquises. L’appareil juridique peut fournir, bien manié, les moyens propres à réaliser un programme socialiste, c’est-à-dire le passage de la société capitaliste à la société collectiviste ». Cf. Joseph HITIER, « La dernière évolution... », art. cit., p. 219.
23 Marcel PORTE, « Le socialisme juridique d’après une étude récente », in Revue générale du droit, 1907, p. 541 à 550.
24 Marcel PORTE, résumant l’article d’Hitier identifie trois caractères du socialisme juridique : la formulation d’une déclaration des droits économiques de l’homme et du citoyen, l’utilisation du droit dans un sens socialiste pour une transformation progressive et l’utilisation de la théorie des droits acquis de Lassalle pour justifier l’expropriation des propriétaires sans indemnités. Cf. Ibidem.
25 Marcel PORTE, « Le socialisme juridique... », art. cit., p. 544.
26 Marcel PORTE, « Le socialisme juridique... », art. cit., p. 545.
27 Marcel PORTE, « Le socialisme juridique... », art. cit., p. 546.
28 Ibidem.
29 Carlos Miguel HERRERA, « Droit et socialisme... », art. cit., p. 294.
30 M. Sarraz BOURNET, Une évolution nouvelle du socialisme doctrinal : le socialisme juridique, thèse de droit, Grenoble, 1911.
31 Le début de l’article de G. Sorel donne le ton : « Les professeurs des Facultés de droit auraient-ils juré de ne jamais parler de socialisme que de manière à tromper leurs auditeurs bourgeois ? On pourrait le croire en lisant les articles que M. Hitier, professeur de l’histoire du droit français à l’Université de Grenoble, a écrits dans la Revue d’économie politique, sous le titre : La dernière évolution doctrinale du socialisme : le socialisme juridique ». Georges SOREL, « Le prétendu « socialisme juridique »», in Le Mouvement socialiste, t. XXI, janvier-juin 1907, p. 321.
32 Cf. supra.
33 Jay a débuté sa carrière à Grenoble en 1885 pour y rester jusqu’en 1893 avant de rejoindre Paris. La majorité de ses écrits l’ont été durant sa carrière parisienne. En tant qu’enseignant à Grenoble il a laissé quelques écrits concernant notamment le droit du travail en Suisse.
34 Voir notamment, Marcel PORTE, Les budgets de famille, Montpellier, imprimerie Serre et Roumégous, 1905 et Marcel PORTE, « Budgets de familles et consommations privées », in Annales de l’Université de Grenoble, 1912 et 1913, p. 419 à 480 et p. 201 à 255.
35 Marcel PORTE tient une chronique annuelle dans la revue Alpes économiques dans laquelle il dresse un état des lieux du « coût de la vie à Grenoble ». Cf. Marcel PORTE, « Le coût de la vie à Grenoble en 1928 », in Alpes économiques, 1928.
36 Ces difficultés sont pourtant bien réelle si on en croit Pierre Barral pour qui, entre 1860 et 1940, « ouvriers et petits salariés du commerce et de la fonction publique connurent donc des difficultés qui ne s’atténuèrent que lentement. Surtout, elles s’accompagnaient d’une grande incertitude quant à l’avenir. La crainte du chômage, la précarité des revenus, l’absence de réserves ont toujours profondément marqué la mentalité populaire ». Cf. Pierre BARRAL, op. cit., p. 240.
37 Il est membre titulaire de l’Académie delphinale depuis sept ans déjà mais la guerre a repoussé jusqu’en 1920 le prononcé du traditionnel discours de réception du membre nouvellement nommé.
38 « Sur la réalité de ce progrès économique moderne, il n’y a guère de contestation possible, et si le mot de progrès peut avoir en quelque matière un sens précis et un contenu réel, c’est bien ici. Prodigieux accroissement de la production industrielle par le machinisme, de la production agricole par les engrais chimiques et les méthodes de culture intensive, possibilités plus larges de consommation offertes aux catégories les plus nombreuses de la population par le relèvement des salaires et l’amélioration des conditions d’existence, épargne croissante augmentant sans cesse la masse de capitaux disponibles, souci de confortable et de raffinement dans toutes les classes, ce sont là des faits d’évidence et sur lesquels il n’est pas besoin d’insister longuement ». Cf. Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 91.
39 Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 94.
40 Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 94. On peut toutefois noter un doute chez PORTE lorsqu’il évoque « le seul point qui pourrait prêter matière à discussion » à savoir si « dans cet accroissement général de la richesse qui a marqué le XIXe siècle, la part prise par les diverses catégories sociale a été ou non proportionnelle ». Mais il n’y répond pas dans la mesure où il estime que c’est une discussion « dans laquelle ce n’est pas ici le lieu d’entrer ». Cf. Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 91.
41 Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 101.
42 Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 95.
43 Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 96.
44 « Voilà peut-être ce qu’il y a de vrai dans la théorie marxiste de la misère croissante des masses populaires ; incontestablement démentie par les faits si on l’envisage en son sens absolu, elle peut avoir quelque portée psychologique si on l’envisage en un sens purement relatif ». Cf. Marcel PORTE, « Progrès économique... », art. cit., p. 96.
45 Paul CUCHE, « Réponse au discours de M. Marcel Porte », in Bulletin de l’Académie Delphinale, 5ème série, n° 12, 1920, p. 103 à 107.
46 « Si sérieux et respectables que soient les griefs de la classe ouvrière, on les exagérerait, je crois, si l’on considérait les ouvriers comme une classe particulièrement maltraitée ; c’est à quoi l’observateur arriverait, je crois, s’il concentrait uniquement son attention sur les plaintes des ouvriers industriels. Certes leur vie est pénible ; mais le paysan dont on s’occupe bien moins, a la vie souvent plus dure, et, au point de vue de l’assistance, il se trouve dans des conditions plus défavorables. Il est fâcheux que dans les pays de suffrage universel, l’opinion des grandes agglomérations ait fasciné les hommes politiques au point de leur faire négliger d’autres catégories de citoyens très dignes de leurs préoccupations ». Cf. Paul FOURNIER, « Réponse au discours de M. Merceron-Vicat », in Bulletin de l’Académie Delphinale, 4ème série, n° 4, 1890, p. 47.
47 « On a voulu couper court à une foule de petits procès qui naîtraient de l’usage où l’on est de ne jamais constater par écrit les louages de services. L’affirmation du maître a d’ailleurs paru plus digne de foi, à raison de son éducation et de sa position sociale. Peut-être aussi le législateur s’est-il laissé influencer par l’infériorité dans laquelle les mœurs laissent le domestique, soit à cause de la nature peu relevée de ses services, soit à cause de l’obligation qu’il contracte d’exécuter immédiatement et sans examen tout espèce d’ordre ». Cf. Félix BERRIAT SAINT-PRIX, Notes élémentaires sur le code civil, Paris, Videcoq, 1848, p. 338.
48 Ibidem.
49 Il faudrait également citer les proclamations de Frédéric Taulier à la fin de son Vrai livre du peuple dans lesquelles il compare les tourments du pauvre à ceux du riche. Après avoir enjoint le riche à poursuivre ses œuvres de charité, il demande aux pauvres de ne pas se plaindre, « de renoncer à l’envie, qui blesse et qui dès lors réagit contre vous-mêmes » car le riche n’a pas non plus la vie facile. Il leur demande ainsi « croyez-vous que la richesse n’ait pas ses sollicitudes, ses amertumes, ses dégoûts ? Croyez-vous que l’embarras de conserver, que la crainte de perdre suscite au cœur de l’homme de moindres tourments que le désir de posséder ? ». Cf. Frédéric TAULIER, Le vrai livre du peuple ou le riche et le pauvre, Grenoble, Maisonville et fils et Jourdan, 1860, p. 593.
50 Archives départementales de l’Isère (ci-après ADI) 20T360, séance de l’assemblée de la Faculté de droit du 12 juin 1920.
51 Porte explique que si la Faculté tentait un rapprochement avec ces organisations ouvrières « celles-ci refuseraient probablement ces avances ». De plus, il serait difficile d’intégrer « des milieux naturellement portés à suspecter le but d’une intervention officielle de l’Université ». Cf. Ibidem.
52 Pour Porte il est essentiel de « conserver à nos enseignements publics un caractère purement universitaire et une certaine tenue scientifique », or des enseignements avec ces organisations ne permettraient pas de garantir le respect de ces exigences. De plus, il a pu constater que « les essais d’Universités populaires tentés, dans divers centres, et à Grenoble même, ne sont pas de nature à nous laisser beaucoup d’illusions sur l’efficacité de ces enseignements populaires, nécessairement très superficiels et dont les auditeurs sont portés à ne retenir que ce qui paraît favorable à leur cause ». Porte termine son rapport en affichant le plus grand mépris vis-à-vis de l’éventualité d’une extension universitaire envers les organisations ouvrières en expliquant que « ce n’est pas en faisant de la vulgarisation élémentaire que les Facultés de Droit contribueront au prestige intellectuel de notre pays, ni aux progrès sociaux à l’intérieur ». Cf. Ibidem.
53 « Il n’est pas, à notre avis, dans le rôle de l’Université de faire cause commune avec telle ou telle organisation politique ou sociale, patronale ou ouvrière, dont l’action serait par moments, de nature à compromettre notre indépendance ou notre dignité ». Cf. Ibidem.
54 Raoul JAY, « L’enseignement supérieur... », art. cit., p. 414.
55 « La Faculté ne voit que des avantages à ouvrir plus largement ses portes à tous ceux qui veulent travailler et s’instruire. Elle a déjà indiqué qu’elle admettrait volontiers un élargissement des conditions d’accès aux Facultés. Et elle peut rappeler, d’autre part, avec quelque fierté, qu’elle a pratiqué d’une manière suivie, pendant une quinzaine d’années et jusqu’à la veille de la guerre un régime de cours publics, professés à une heure tardive de la journée, de façon à pouvoir être suivis par toutes les catégories de la population et dont les résultats ont été extrêmement satisfaisants. Elle est prête à reprendre ce qui est devenu pour elle une tradition ». Cf. ADI 20T360, séance de l’assemblée de la Faculté de droit du 12 juin 1920.
56 ADI 21T216, lettre du président de la commission nationale d’enseignement de la coopération à M. le Recteur de l’Académie de Grenoble du 7 novembre 1923.
57 ADI 21T216, lettre du doyen de la Faculté de droit au recteur de l’Académie de Grenoble du 16 novembre 1923.
58 ADI 21T216, lettre de Marcel Porte au doyen de la Faculté de droit du 15 novembre 1923.
59 André Gueslin explique en effet que Grenoble a été un des lieux de l’éclosion de la coopération à la fin du XIXe siècle et cite « la coopérative de Grenoble créée, en 1888, par un modeste employé Casimir Chiousse (1857-1928) : 700 membres en 1893 bénéficiaient de magasins divers, charcuterie, boulangerie... Dès 1889 le mouvement est suffisamment puissant pour que Chiousse prenne l’initiative de fonder une Fédération des sociétés coopératives PLM ». Cf. André GUESLIN, L’invention de l’économie sociale, Paris, Economica, 1998, p. 292.
60 ADI 21T216, lettre de M. Jéry au recteur de l’académie de Grenoble du 25 mars 1924.
61 Le président de la Commission nationale d’enseignement de la coopération parle des « élèves très nombreux du cours de M. Porte, plus nombreux que partout ailleurs ». Cf. ADI 21T216, lettre du président de la Commission nationale d’enseignement de la coopération au recteur de l’académie de Grenoble du 13 mars 1924. On apprend en effet que son cours compte 120 auditeurs. Cf. ADI 21T216, lettre du président de la Commission nationale d’enseignement de la coopération au maire de Grenoble du 17 mars 1924.
62 Ces derniers sont apparemment enthousiastes puisque l’on apprend que l’idée a « reçu l’accueil le plus chaleureux de la part des hommes qui dirigent dans la région le mouvement industriel et commercial : la Chambre de commerce de Grenoble, la Société pour le développement de l’enseignement technique près l’Université de Grenoble, les Syndicats de fabricants, des personnalités notables du commerce, de l’industrie et de la banque se sont efforcés de la faire réussir, promettant à l’Université leur appui moral et leur concours financier ». Cf. ADI 21T230, plaquette de présentation de l’institut des sciences commerciales éditée par la Faculté de Droit, 1912.
63 ADI 21T230, plaquette de présentation de l’institut des sciences commerciales éditée par la Faculté de Droit, 1912.
64 On trouve également M. Rougier pour un cours de droit commercial, M. Reboud pour un cours d’économie politique et législation fiscale, M. Beudant pour un cours sur l’organisation et le fonctionnement des grandes administrations, M. Basdevant pour un cours de droit commercial et international et M. Balleydier qui donne un cours sur les brevets et les marques de fabriques.
65 ADI 20T360, séance de l’assemblée de la Faculté de droit du 12 juin 1920.
66 ADI 20T360, séance de l’assemblée de la Faculté de droit du 10 novembre 1917.
67 ADI 20T360, séance de l’assemblée de la Faculté de droit du 30 avril 1920.
68 ADI 20T360, séance de l’assemblée de la Faculté de droit du 12 juin 1920.
69 « Ce que la Faculté, en tant que corps constitué, ne paraît pas pouvoir entreprendre, il est loisible à chacun de nous de le faire à titre privé. Et l’efficacité de l’œuvre de propagande scientifique dans les milieux populaires est précisément liée à l’autorité personnelle ou à la confiance acquise personnellement par le conférencier. Les professeurs de la Faculté de droit de Grenoble ne se sont jamais désintéressés de cette tâche, qu’ils ont volontairement considérée comme faisant partie, en quelque sorte, de leur fonction sociale. Suivant leurs goûts, leurs tendances ou leurs opinions, on les trouverait mêlés à la vie de bien des associations populaires de notre ville ou de la région. La culture juridique ou économique qu’ils peuvent ainsi répandre autour d’eux, sous forme de simples causeries familières, a plus d’importance et de valeur pratique que des conférences organisées dans des milieux naturellement portés à suspecter le but d’une intervention officielle de l’Université ». Cf. Ibidem.
70 En concluant son article consacré au socialisme juridique Marcel Porte reconnaît comme Hitier qu’il s’agit d’une tendance nouvelle mais s’en démarque aussitôt en expliquant que « tandis que M. Hitier y voit l’explication de la politique réformiste à laquelle se sont ralliés certains partis socialistes, tandis que pour lui « l’évolution doctrinale explique et commande la transformation tactique », je serai tenté de penser exactement le contraire. Soumis à la critique scientifique et à l’épreuve des faits, le socialisme devait nécessairement perdre en netteté dogmatique ce qu’il gagnait sur le terrain de la réalisation pratique ». Cf. Marcel PORTE, « Le socialisme juridique... », art. cit., p. 550.
71 Thérèse GIARD-RABATEL, La mutualité dans l’Isère de 1898 à 1968, Grenoble, Editions mutualistes des travailleurs, 1977, p. 56.
72 Voir par exemple la conférence de Marcel PORTE sur « l’organisation pratique des assurances sociales par la mutualité » tenue à Grenoble le 17 mai 1929 publié dans le quotidien local le Petit dauphinois du 18 mai 1929. Cf. ADI 44X6.
73 Pour le détail sur le fonds. Cf. infra.
74 Ce qualificatif semble pouvoir être attribué à Marcel Porte qui, en plus de ses fonctions locales, a occupé des positions importantes au niveau national. Il a été élu membre du « conseil supérieur des Sociétés de secours mutuels » de 1920 à sa mort. Il a été également nommé pour faire partie du « Conseil supérieur des retraites ouvrières et paysannes » chargé du suivi de l’application de la loi et du « Conseil supérieurs des assurances sociales ». D’après Jean Bennet, ces différentes nominations ont été faites « en raison de ses compétences théoriques et pratiques en la matière ». Cf. Jean BENNET, op. cit., p. 356.
75 Raoul Jay, professeur de droit à la Faculté de Grenoble entre 1885 et 1893 est notamment un des rédacteurs du code du travail et de la prévoyance sociale à partir de 1904. Il est considéré par Marc Pénin comme un des « piliers de la revue ». Cf. Marc PENIN, « Un solidarisme interventionniste... » art. cit., p. 105.
76 Marc Pénin définit la fonction de la Revue d’économie politique comme telle : « la REP est partie prenante dans tous les débats qui débouchent progressivement sur la création du droit social français moderne, soutenant le mouvement de réforme et offrant une tribune aux réformateurs ». Cf. Ibidem.
77 Frédéric TAULIER, Le vrai livre du peuple ou le riche et le pauvre, Grenoble, Maisonville et fils et Jourdan, 1860, p. 3.
78 M. G. BOISSONADE, « Le code Napoléon et les sociétés coopératives civiles du Dauphiné », in Revue critique de législation et de jurisprudence, tome XXVIII, 1866, p. 252-274.
79 Boissonade fait référence à l’Association alimentaire de Taulier et explique que « nos sociétés coopératives de consommations et de production ont un but analogue à celui des assurances mutuelles contre les sinistres de la nature et des secours contre les maux de l’humanité ». Cf. M. G. BOISSONADE, « Le Code Napoléon... », art. cit., p. 261.
80 Il apparaît que Henri CAPITANT participe aux réunions organisées notamment par les organisations mutualistes de l’Isère. Cf. Thérèse GIARD-RABATEL, op. cit., p. 57.
81 Jean BENNET, op. cit., p. 356.
82 Marcel PORTE, Assurances sociales et traditions mutualistes, Grenoble, allier père et fils, 1923, p. 3.
83 Ibidem.
84 Henri CAPITANT, « Les retraites ouvrières », in Annales de l’Université de Grenoble, 1899, p. 421.
85 Marcel PORTE, Assurances sociales... op. cit., p. 4.
86 Marcel PORTE, Assurances sociales... op. cit., p. 7.
87 Marcel PORTE, Assurances sociales... op. cit., p. 9.
88 Marcel PORTE, Assurances sociales... op. cit., p. 10.
89 Ibidem.
90 Marcel PORTE, Assurances sociales... op. cit., p. 11.
91 Ididem.
92 Marcel PORTE, Assurances sociales..., op. cit., p. 14.
93 Michel DREYFUS, Liberté, égalité, mutualité : mutualisme et syndicalisme 1852- 1967 », Paris, Les éditions de l’Atelier, 2001, p. 129.
94 Marcel PORTE, Assurances sociales..., op. cit., p. 18.
95 Après avoir acté « le sacrifice de quelques-unes des notions fondamentales » du mutualisme, « au moins faudrait-il que ce sacrifice ne fût pas vain et que les sociétés existantes reçussent en échange quelques garanties d’existence et de prospérité pour l’avenir ». Cf. Marcel PORTE, Assurances sociales... op. cit., p. 27.
96 Marcel PORTE, « Vers l’étatisation... », art. cit., p. 597.
97 Thérèse GIARD-RABATEL, op. cit., p. 188-189.
98 Marcel PORTE, Conférence sur la caisse mutualiste de l’Isère, Grenoble, imprimerie Louis Ginier, 1913, p. 11. Porte explique également que « l’union mutualiste de l’Isère entend se tenir, comme elle l’a toujours fait jusqu’ici, sur le terrain d’une neutralité absolue en matière politique ou confessionnelle et d’une complète impartialité en matière sociale. Sincèrement respectueuse de toutes les croyances et de toutes les opinions compatibles avec le maintien de l’ordre social, résolue à tenir la balance entre les intérêts patronaux et les intérêts ouvriers, elle ne se laissera pas détourner de son rôle traditionnel : contribuer à la paix sociale par la collaboration, à une même œuvre de solidarité humaine, de toutes les bonnes volonté sociale ». Cf. Bulletin de l’union mutualiste de l’Isère, n° 21, janvier 1929, p. 5.
99 Anne LHUISSIER, « Le restaurant sociétaire de Grenoble sous la Seconde République. De l’initiative politique à l’institution réformatrice », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 26-27, 2003, p. 85.
100 Martial MATHIEU, « Entre Code civil et philanthropie : Frédéric Taulier ou le rêve d’un modèle grenoblois de solidarité municipale », in Nader HAKIM, Marc MALHERBE, Thémis dans la cité : contribution à l’histoire contemporaine des Facultés de droit et des juristes, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2009, p. 23.
101 Anne Lhuissier évoque l’activisme de Taulier et son important engagement dans la mise en place de ce restaurant : « Les six premiers mois de l’année 1850 sont consacrés à étudier l’exemple genevois et la possibilité de l’imiter. Entre janvier et juillet 1850, le maire Frédéric Taulier correspond avec son homologue genevois Antoine Carteret, afin de prendre tous les renseignements sur l’Association alimentaire de Genève, et cet échange aboutit, le 9 juillet, à former une commission municipale chargée de réfléchir à la création d’un restaurant sociétaire à Grenoble. Le 29 juillet, le maire fait au conseil un rapport favorable au nom de la commission et le conseil vote, en principe, la fondation d’une société alimentaire à Grenoble. Du 2 au 12 août, Taulier se rend à Genève pour visiter l’association modèle. Le 14, à la suite du compte rendu de son voyage, le conseil municipal adopte le principe de l’Association alimentaire. Suit une seconde phase pendant laquelle Taulier va conduire seul, et rapidement, la mise en place technique du restaurant ». Cf. Anne LHUISSIER, « Le restaurant... », art. cit., p. 86 à 87.
102 Lhuissier évoque en effet « le rôle majeur joué par le Conseil municipal dans la genèse du restaurant : ses membres sont non seulement les initiateurs du projet, mais en cautionnant les décisions de Taulier et l’engagement financier de la mairie, ils sont aussi les principaux garants de sa mise en œuvre pratique ». Cf. Anne LHUISSIER, « Le restaurant... », art. cit., p 86.
103 Cf. Anne Lhuissier, « les restaurant... », art. cit., p. 90 à 92.
104 Dès les premières années de sa présidence, Porte a été à l’origine du développement de services dits supérieurs ou de second degré. Il faut citer ainsi la création d’un service de mise en subsistance. Grâce à lui le mutualiste quittant le lieu de sa résidence retrouve, dans la localité où il va se fixer, les droits dont il jouissait dans la société dont il faisait partie et à laquelle il continue d’appartenir malgré la distance. Cf. Bulletin mutualiste de l’Isère, n° 8, janvier 1914, p. 32 à 33. Porte a également créé une caisse départementale de réassurance qui permet de prendre en charge des risques trop lourds pour qu’une société locale puisse les assumer seule comme la longue maladie ou l’invalidité. Cf. Thérèse GIARD-RABATEL, op. cit., p. 57. Il a également créé en 1913 une union pharmaceutique des Sociétés de secours mutuels, en 1929 une Union mutualiste interprofessionnelles des Ateliers de Grenoble et sur son initiative, après son décès, sera créée la caisse chirurgicale mutualiste de Grenoble et de la région. Cf. Jean BENNET, op. cit., p. 355 à 356.
105 Il créera en 1913 la caisse mutualiste des retraites ouvrières et paysannes. En 1929, il crée également la « caisse autonome mutualiste de Retraites » qui gèrera, un an après, « la caisse de capitalisation Dauphiné-Savoie » pour la couverture des risques vieillesse-invalidité-décès, au titre du régime obligatoire des assurances sociales en même temps qu’est mise en place la « Caisse Primaire Mutualiste de Répartition ». Cf. Jean BENNET, op. cit., p. 357.
106 Elle est définie comme « une œuvre à la fois de prévoyance et de bienfaisance, ayant pour objet de fournir à ses adhérentes, en échange de cotisations versées par elles et majorées par les cotisations des membres honoraires et des subventions des pouvoirs publics, une aide pécuniaire suffisante pour qu’elles puissent s’abstenir, à la fin de la grossesse, de tout travail préjudiciable à leur santé et à celle de leurs enfants, se reposer pendant le mois consécutif à l’accouchement et donne à leurs enfants, jusqu’à l’âge de deux ans, les soins nécessaires ». Cf. Bulletin de l’Union Mutualiste de l’Isère, n° 6, 1912, p. 29.
107 En 1920, Porte est élu membre du « conseil supérieur des Sociétés de secours mutuels » siégeant à sa section permanente. Réélu en 1924, il occupera ces fonctions jusqu’à son décès et sera désigné pour le représenter au « Conseil supérieur des retraites Ouvrières et Paysannes », en 1929. Il deviendra, par ailleurs, vice-président du « conseil supérieur des assurances sociales » en 1931. Cf. Jean BENNET, op. cit., p. 356.
108 Discours du colonel MICANEL en hommage à Marcel Porte, Annales de l’Université de Grenoble, série lettres-droit, XII-1935, p. 6 à 7.
109 « C’est au cours même d’économie politique, si utilement institué au sein de notre Faculté par Son Exc. le ministre de l’instruction publique, que nos élèves ont puisé cette pensée généreuse, ou tout au moins, qu’ils s’y sont affermis ; c’est le saisissant tableau que leur a présenté M. Couraud des luttes et du triomphe des pionniers anglais de Rochdale, qui les a décidés à fonder à Valence une société coopérative de Crédit sur laquelle je désire appeler l’attention des lecteurs de la Revue ». Cf. M. G. BOISSONADE, « Le Code Napoléon... », art. cit., p. 252 à 253.
110 Nelly HISSUNG-CONVERT, « L’économie politique à la Faculté de droit de Bordeaux, un enseignement nouveau vecteur d’affirmation et de rénovation », in Philippe NELIDOFF (sous la direction de), Les Facultés de droit de province au XIXe siècle, bilan et perspectives de la recherche, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2009, p. 472.
Auteur
Doctorant en histoire du droit à l’Université Pierre Mendes France
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