Chapitre Ier. Le corps présidial dans la cité
p. 155-210
Texte intégral
1Les juridictions royales d’Ancien Régime et leurs officiers occupèrent une place très importante dans les villes qui en étaient pourvues. À Aurillac, le bailliage des Montagnes d’Auvergne érigé en siège présidial était l’administration royale prépondérante. Ses membres, notables de la ville, entendaient donc clairement affirmer leur position, tant dans leur vie privée que publique. Il en est résulté une multiplication des règles de préséance dont l’interprétation suscita bien des litiges.
2Trois « pouvoirs » ont cohabité dans la cité aurillacoise du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime. A côté de l’abbé du monastère1, héritier de saint Géraud et seigneur primitif de la ville, la communauté d’habitants s’était organisée en désignant des représentants. Les agents du pouvoir royal, intervenant en premier lieu pour arbitrer les différends opposant les habitants à leur seigneur, s’établirent à la fin du xivème siècle et s’imposèrent progressivement à tous les niveaux de la vie de la cité. Les principaux officiers royaux, en nombre et en dignité, étaient les officiers du bailliage et siège présidial. A un autre niveau, les officiers du siège de l’élection2 étaient aussi des notables de la ville, et l’on rencontre quelques-fois un cumul de charges entre le bailliage et l’élection. La fonction de subdélégué de l’intendant fut, quant à elle, très vite confiée à des magistrats de cette juridiction. Les rapports entre les différents corps sociaux et institutionnels évoluèrent au cours des siècles. Sans revenir en détail sur ce point, il convient cependant de rappeler que, du xiième au xivème siècle, le long contentieux opposant le seigneur aux habitants avait abouti à l’établissement des trois « paix » de la ville, véritables chartes résultant de l’arbitrage des agents du roi et réglementant l’administration de la cité par l’abbé et les consuls3. Le bailliage est fixé à la fin de cette période, mais les sources directes évoquant les conflits opposant gens du roi et officiers de l’abbé en cette fin de xivème siècle font généralement défaut. Le xvème siècle est, lui aussi, relativement peu documenté sur ces questions. En revanche, durant toute la période moderne, du xvième à la fin du xviiième siècle, les sources sont beaucoup plus riches, et il est possible de suivre ces questions au fil des années.
3Les relations les plus vivantes et conflictuelles durant l’ensemble de la période moderne, sont celles qu’entretenaient les magistrats du bailliage et siège présidial avec les habitants de la ville et leurs représentants, les consuls. En effet, l’organisation du consulat, dont les membres étaient élus, permit rapidement aux officiers royaux, malgré les interdictions royales, de s’immiscer dans les affaires de la cité. Il en découla, de la part des officiers du présidial, des abus dans l’administration urbaine, tant en matière d’élection des consuls que de police ou que de répartition des tailles, ce dont se plaignirent les habitants. Cette ingérence, tour à tour freinée puis encouragée, présentait un intérêt certain pour le pouvoir royal tout en satisfaisant le sentiment de supériorité des élites judiciaires. La qualité de « bonne ville » de la cité aurillacoise lui conférait en effet des liens particuliers avec le pouvoir royal, dont les agents furent très tôt amenés à jouer un rôle non négligeable4.
4De plus, la question de l’administration municipale paraît d’autant plus complexe qu’elle mettait en jeu, outre les pouvoirs des consuls et du bailliage, ceux du seigneur d’Aurillac. Il faut souligner les rapports existant entre les officiers présidiaux et ceux de l’abbé, seigneur de la ville. Les abbés du monastère, puis du chapitre collégial à partir de 1561, étaient très rarement présents dans la ville. Abbés commendataires, disposant de plusieurs bénéfices, parfois très éloignés les uns des autres, ils passaient seulement quelques jours à Aurillac au cours de leur abbatial5. En tant que seigneur de la ville, l’abbé disposait d’un droit de haute, moyenne et basse justice sur les terres dépendant de la seigneurie. La justice ordinaire de la ville lui revenait donc, ou plutôt à son juge présent dans la cité. Mais le bailliage et siège présidial, grâce à l’extension permanente des cas royaux et privilégiés, empiéta rapidement sur les compétences judiciaires originelles de l’abbé et de ses officiers. Bien que la répartition des pouvoirs entre l’abbé, le bailliage siège présidial et les consuls semble avoir été établie très tôt, elle donnait encore lieu à discussion au début du xviiième siècle, comme en témoigne un arrêt du Parlement de Paris du mois d’août 17066. Jean-Sébastien de Barral, abbé d’Aurillac de 1745 à 1752, finit par céder son droit de justice au roi en 17487. L’ensemble du contentieux ordinaire de la ville revint donc désormais au siège présidial.
5À partir de 1630, Aurillac devint également le siège d’une élection particulière de la généralité de Riom. Les charges d’élus étaient, elles aussi, parfois occupées par des magistrats du bailliage et siège présidial. Cependant, l’ingérence y fut moins marquée que dans les fonctions municipales. Elle fut également beaucoup moins conflictuelle. Néanmoins, la présence de familles de notables implantées dans les deux juridictions, mais aussi dans le consulat et parmi les avocats, procureurs et notaires de la ville, montre la perméabilité des différentes fonctions8. Ceci illustre peut-être moins la volonté du pouvoir royal d’être représenté dans toutes les villes du royaume, que l’expression de l’ascension sociale de familles entières, décidées à étendre leur influence sur les fonctions « clés » de la vie de leur cité, voire de leur
6province9.
7L’analyse des rapports entretenus par les officiers aurillacois avec les autres institutions de la ville, judiciaires ou non, est donc préalablement nécessaire pour appréhender dans son ensemble la vie de ces magistrats royaux et leur position sociale. L’importance des règles de préséance et les conflits qui découlent de leur application jalonnent l’histoire des rapports entre le consulat et les officiers du bailliage et siège présidial. Ils constituent une vivante illustration des luttes de pouvoir qui se déroulaient au cœur des cités. Le monopole auquel sont progressivement parvenus les officiers royaux du bailliage dans la gestion de la ville, notamment par l’accaparement de la place de premier consul pendant plusieurs dizaines d’années, leur permit d’agir directement sur la répartition de l’impôt entre les habitants. Ces abus s’observent aussi dans l’exercice de la police ordinaire de la ville et soulevèrent finalement la colère des habitants malgré le respect imposé dû à ces officiers de judicature, représentants du roi dans la cité.
Des rapports conflictuels avec le consulat
8L’organisation des municipalités du royaume, même non uniforme, était généralement tripartite : un corps de ville, un conseil et une assemblée générale d’habitants. Rappelons qu’à Aurillac, l’assemblée des habitants semble avoir préexisté à l’organisation municipale proprement dite10. Quant aux conseillers et aux consuls, leur désignation et leur nombre varient selon les périodes. Ainsi, avant 1447, les conseillers étaient désignés à vie et élisaient chaque année les consuls. En 1447, un arrêt tendit à limiter la durée du mandat des conseillers à un an. En 1463, un règlement établit un mode d’élection à deux degrés11. Les bailes12 des corps de métiers, le représentant des nobles et des bourgeois, celui des clercs et des notaires formaient un corps de quinze personnes13 qui, avec les trente conseillers et consuls sortants14, composaient un collège électoral de 45 membres qui désignait les vingt-quatre nouveaux conseillers parmi lesquels ils choisissaient les six nouveaux consuls15. Ce nombre, qui se situe dans la moyenne de l’ensemble des consulats du royaume16, resta pratiquement inchangé jusqu’au début du xviième siècle17. Jusqu’en 1583, l’élection des consuls se déroulait au mois de septembre, puis le roi ordonna qu’elle se déroulât en janvier18. A la suite d’une demande des consuls formulée en 160219, une réduction de moitié du nombre des consuls fut décidée par une ordonnance du mois de mars 160520, enregistrée le 5 mai. Il n’y avait désormais plus que trois consuls à Aurillac, à l’élection desquels ne participaient plus que les chefs des métiers21. Cette réforme fut appliquée dès l’élection des consuls de l’année 160622. A titre exceptionnel, le roi autorisa cependant les habitants à élire six consuls en 1615-161623 et le gouverneur de la province, Joinville, fit de même en 162224.
9Les consuls étaient majoritairement issus de la riche bourgeoisie d’Aurillac25. Les hommes de loi et les représentants des corps de métiers les plus influents occupaient une place prépondérante. Peu après l’installation du présidial dans la ville d’Aurillac, il est aisé de constater que les officiers de judicature et, plus généralement, les professionnels de la justice sont de plus en plus présents sur les listes consulaires26 et parmi les conseillers. L’édit de 1605, en permettant de ne plus appeler les bailes des frairies27 pour élire les consuls, rendit cette élection d’autant plus oligarchique28. La consultation des listes consulaires atteste nettement de la prise en main de la municipalité par les officiers royaux.
10En toute hypothèse, quelle qu’ait été la composition du consulat, le roi disposait toujours d’un officier présent lors des assemblées municipales puisque celles-ci étaient présidées par le lieutenant général du bailliage29. Cette situation se retrouve dans d’autres villes. Elle était identique dans des villes d’égale importance, comme Auch30. Mais dans une cité de taille supérieure comme Lyon, le lieutenant général de la sénéchaussée ne présidait que la séance durant laquelle avait lieu la reddition des comptes des deniers patrimoniaux de la ville et à laquelle assistaient aussi les avocats et procureur du roi du siège, ainsi qu’un chanoine du chapitre de l’église Saint-Jean31. Cette comparaison témoigne de la place privilégiée qu’occupait le siège présidial dans les villes moyennes où le pouvoir municipal était peu influent.
11Au cours des xviième et xviiième siècles, plusieurs conflits se sont déroulés entre officiers du bailliage et siège présidial et consuls et habitants d’Aurillac, tant pour des questions de préséance qu’au sujet des charges municipales, que les magistrats semblaient accaparer. Ces deux questions, fréquentes dans le royaume, étaient en fait étroitement liées. A Périgueux, par exemple, il semble que le procès intenté par les magistrats présidiaux aux consuls, vers 1661, ait été une réponse à l’exclusion des fonctions municipales que les bourgeois de la ville prétendaient leur imposer sous prétexte qu’ils avaient tenté d’usurper l’autorité des édiles32. Celle-ci étant souvent liée aux honneurs, son non respect constituait une atteinte à la fonction et à ses privilèges, et venait ainsi perturber l’ordre social.
12Cependant d’autres situations pouvaient troubler cette société de corps33, comme l’ingérence d’une institution dans les activités d’une autre. Durant la période moderne, dans les villes de moyenne importance mais où siégeait une juridiction royale ordinaire, comme à Aurillac, les officiers royaux et les édiles locaux étaient des notables dans les mains desquels se trouvait la ville à plusieurs niveaux. A Aurillac, la gestion de la cité et de ses deniers appartenait au corps municipal. Cependant, les conflits en matière fiscale étaient jugés par l’élection particulière dont les officiers occupaient également des fonctions au sein du conseil et du corps de ville. Les représentants du pouvoir royal les plus influents dans la ville étaient les officiers du présidial, surtout au xviième siècle. En effet, ce siècle fut marqué par l’aboutissement d’une ascension sociale locale de familles bourgeoises, d’abord enrichies par le commerce, dont la deuxième génération a pu faire des études, le plus souvent juridiques, pour accéder aux charges de notaires, de procureur puis à la profession d’avocat, avant de permettre à la troisième génération d’acquérir un office de judicature dans le bailliage et siège présidial de la ville.
13Le xviième siècle fut riche de profits de toutes sortes, donc d’évolution sociale. A Aurillac comme ailleurs, et sans qu’il soit pour autant une garantie contre les conflits entre corps, un réseau de notabilités s’est tissé autour des charges urbaines prestigieuses34. En réalité, seule la mainmise par les officiers royaux sur les fonctions municipales semble, de manière naturelle, avoir mis un terme à ces querelles. La majorité des consuls étant des officiers du bailliage et siège présidial, le même homme représentait alors les deux institutions dans les cérémonies publiques. Il est, dès lors, permis de s’interroger sur la mise en place des règles de préséance dans une telle situation !
14Les querelles de préséance n’étaient cependant pas la seule source de conflit entre ces deux corps. La présence des officiers royaux dans les fonctions consulaires fut, dans un premier temps, prohibée par le pouvoir royal, notamment par un édit d’octobre 154735. Dans le royaume, divers corps de magistrats obtinrent pourtant à plusieurs reprises des arrêts du conseil du roi confirmant un cumul de charges qu’ils pratiquaient avant les interdictions royales. Dès 1549, par exemple, le roi, sur l’avis du Conseil privé, excepta la ville de Toulouse de l’édit d’octobre 1547 et y autorisa l’élection de « gens de robe » aux fonctions de capitouls36. Les bourgeois s’insurgèrent parfois contre ces pratiques qui les privaient de l’administration de la cité. C’est au milieu du xviiième siècle que ces conflits furent le plus virulents à Aurillac. Ils succédèrent aux conflits de préséance du xviième siècle qu’ils vinrent, d’une certaine manière, relayer. En effet, le pouvoir grandissant des magistrats royaux dans la ville n’était plus limité au domaine judiciaire ni aux honneurs des cérémonies. Ceux-ci, qui participaient à la gestion municipale conservaient ou, selon Laurain, regagnaient « dans les villes un peu de l’ancien pouvoir administratif qu’avaient les baillis sur une portion considérable du territoire »37. Malmezat y voyait, lui aussi, un retour aux pouvoirs primitifs du bailli en tant qu’agent royal, ces compétences se manifestant autant en matière d’administration de son ressort qu’en matière judiciaire38. En effet, ce positionnement des officiers royaux dans le corps de ville permettait, indirectement, au roi de placer ses agents à plusieurs postes stratégiques de la vie urbaine. Mais l’importance des ambitions personnelles, l’appétit d’ascension sociale notamment, présidaient à cet investissement de la vie municipale par les magistrats royaux. Le pouvoir royal savait ensuite utiliser ce mouvement naturel de la société en ouvrant progressivement les fonctions municipales à ses officiers de judicature. Il ne fit ainsi que consacrer des situations de fait.
15Malmezat a rapidement présenté les conflits de préséance ainsi que ceux liés à la participation croissante des officiers de judicature au gouvernement de la cité, principalement grâce aux extraits de documents transcrits dans l’inventaire des archives communales d’Aurillac39. Les documents originaux, notamment les lettres échangées par la communauté d’habitants avec d’autres villes au sujet de leurs usages concernant la préséance, permettent d’approfondir ces deux questions. Les archives départementales du Puy-de-Dôme conservent également la trace des plaintes soumises par les habitants d’Aurillac à l’intendant de la province au sujet des abus commis, selon eux, par les magistrats présidiaux. L’immixtion de ces derniers dans l’administration communale s’inscrit dans la continuité des efforts de ces juges pour asseoir l’influence du roi, « leur maître »40. Cette position est celle de l’historiographie ancienne, voulant que, au xviième siècle, dans le cadre du « renforcement d’un État royal à prétentions absolutistes41 », les officiers royaux mettent sous tutelle les « municipalités ». Ces théories sont aujourd’hui nuancées, voire contestées42. En effet, cette implication croissante des magistrats dans la vie municipale s’inscrit aussi et surtout dans leur stratégie personnelle d’ascension sociale.
Les questions de préséance
16La préséance est « le rang, la place d’honneur qu’on a droit d’avoir, soit pour la marche, soit pour la séance dans quelque assemblée, ou dans quelque cérémonie. Suivant la Philosophie, & principalement suivant les regles du Christianisme, au lieu d’être jaloux d’aucune préséance, nous devons mépriser tous ces vains honneurs d’ici bas, qui certainement n’augmentent en rien le mérite de ceux qui en sont comblé ; mais cette morale n’est pas du goût de bien de gens »43.
17Tocqueville déplorera ces querelles où l’orgueil le dispute au ridicule et sources de « divisions infinies » de la bourgeoisie lorsque, dans la seconde moitié du xixème siècle, il décrira de manière satirique l’un parmi tant d’autres de ces fléaux d’Ancien Régime : « Tous sont séparés les uns des autres par quelques petits privilèges, les moins honnêtes étant encore signes d’honneur. Entre eux, ce sont des luttes étemelles de préséance. L’intendant et les tribunaux sont étourdis du bruit de leurs querelles. On vient enfin de décider que l’eau bénite sera donnée au présidial avant de l’être au corps de ville. Le parlement hésitait ; mais le roi a évoqué l’affaire en son conseil, et a décidé lui-même. Il était temps ; cette affaire faisait fermenter toute la ville »44.
18Pourtant, dans la société d’Ancien Régime, société d’ordres et de corps, où chacun veut tenir son rang, le respect de ces règles était impératif. Elles trouvaient leur application au sein d’un corps entre ses membres et touchaient donc à son organisation interne, mais aussi entre ces groupes eux-mêmes. « La préséance provient, ou de l’état & de la condition des personnes, ou de la qualité de leurs Charges & Emplois, ou enfin de l’ancienneté de leur réception dans leurs Compagnies »45.
19Si la préséance était très importante dans les relations internationales entre les princes ou leurs ambassadeurs, ou encore entre les grands du royaume46, elle s’appliquait aussi aux nombreuses cérémonies publiques qui rythmaient la vie des villes et donnait souvent lieu à des conflits découlant des usages locaux et des tentatives de tels ou tels pour les interpréter en leur faveur. Les codes la régissant apparaissaient comme autant de « signes marquant de la vigueur de la hiérarchie » sociale que les contemporains désiraient protéger47.
La remise en cause permanente du principe de supériorité générale des officiers présidiaux
20Dans la vie de la cité, les occasions de différends les plus fréquemment rencontrées furent la préséance dans les assemblées et processions, laïques comme religieuses. Certains lieux se prêtaient particulièrement à l’expression de ces règles, mais, dans la rue, déterminer qui devait céder le haut du pavé à l’autre pouvait aussi être source de bien des conflits.
Le principe
21Dans la France d’Ancien Régime, tout concourt à la multiplication des cérémonies48 tant laïques que religieuses, rythmant la vie urbaine, qu’elles soient dictées par l’administration royale, les rites religieux et notamment les honneurs rendus aux saints patrons des églises paroissiales, abbayes ou chapitres, ou encore les usages locaux, qu’ils soient seigneuriaux ou municipaux. A l’issue d’une guerre, la signature d’un traité de paix faisait, la plupart du temps, l’objet de réjouissances publiques, procession, feux d’artifices, Te Deum, où le religieux se trouvait souvent intimement mêlé au profane. Les entrées royales dans les villes donnaient lieu à de fastueuses solennités. Les évènements importants touchant la famille royale (naissance, mariage, sacre, décès) étaient célébrés dans tout le royaume. Lors de ces cérémonies, quelles qu’elles soient, les notables de la ville avaient un rang à tenir et chaque corps défilait dans un ordre déterminé.
22Dans le titre « préséance » de La bibliothèque des arrests de tous les parlemens de France, Laurent Jovet écrit que « ce titre est très nécessaire pour les officiers qui veulent maintenir le lustre de leurs charges et ne rien négliger de ce qu’ils doivent pour ne point estre méprisez »49. « L’ambition et la vanité »50 soulèvent des questions épineuses : quel corps, quel individu siégera aux places les plus en vue dans telle assemblée ? Lequel aura le pas sur l’autre dans telle procession ? A l’office religieux, quel banc occuper ? Quel ordre respecter pour présenter ou recevoir les offrandes ? L’établissement de règles précises s’avère donc nécessaire pour tenter de résoudre ces querelles et de les éviter à l’avenir, sans garantie aucune de succès définitif d’ailleurs.
23Domat présente en premier lieu les règles de préséance existant entre les ordres. Les officiers de judicature se trouvent en troisième position après les clercs et les militaires, et avant les professions de finances, celles des sciences et des arts libéraux, du commerce, les arts et métiers et enfin l’agriculture. Il faut constater que les officiers municipaux n’ont pas leur place puisque l’on ne considère pas leurs fonctions comme des professions. Cependant, les représentants des habitants des villes étant théoriquement des bourgeois, les personnes qui exerçaient des professions touchant au commerce pouvaient remplir ces charges municipales. Certaines professions étaient, malgré tout, incompatibles avec les charges municipales -ainsi les offices de judicature51- même si l’on sait que les dérogations restaient nombreuses. Si Domat n’aborde pas la question des rapports entre officiers municipaux et officiers de judicature, il traite en revanche en détail de tous ceux qui concernent officiers de justice et de finance52.
24Dès le milieu du xvième siècle, par le biais de textes normatifs, le pouvoir royal prit naturellement position en faveur de ses officiers au détriment des membres des corps municipaux. Un édit du mois d’avril 1557 règle la préséance dans les assemblées publiques entre officiers des cours de justice et officiers municipaux53 dans la ville de Paris. Selon des lettres patentes en date du 11 mai 1557, « les présidiaux dans les cérémonies publiques ont le rang au-dessus des Maires, Gouverneurs & Echevins de villes »54. Par la suite, un nouvel édit, donné en 1559 et applicable à tout le royaume, porte règlement « sur la préséance des officiers des présidiaux & des juridictions royales, sur les maires & échevins des villes »55. Le roi affirmant sa souveraineté, il est évidemment logique que ses représentants aient rang avant tous les autres.
25Mais ces textes ne suffirent pas à éloigner les conflits. Les règles se précisèrent, au fil des règlements de différends intervenus entre compagnies ici et là dans le royaume. Ainsi, peut-on lire que « les Présidiaux ont [aussi] la préséance en toute assemblée publique sur les trésoriers des bureaux des finances. C’est ce qui résulte de divers arrêts du conseil des 2 décembre 1622, 16 avril 1680, [...]. Il a pareillement été jugé, par divers arrêts, que les officiers des Présidiaux, même quand ils n’étoient pas en corps, devoient avoir la préséance sur les gentilshommes en toute assemblée publique & particulière »56.
26Dans son Traité de la jurisdiction des présidiaux, Jousse cite plusieurs arrêts et règlements rendus en conformité avec les lettres patentes de 155757. Il rappelle aussi que les officiers des sièges présidiaux « ont été maintenus dans cette préséance contre les gouverneurs et autres officiers municipaux des villes »58.
27Les privilèges honorifiques étaient attachés à des corps sociaux ou professionnels mais aussi, individuellement, à des charges. Le lieutenant général et le président d’un bailliage et siège présidial avaient des prérogatives honorifiques sur les consuls de la ville. Elles étaient le plus souvent permanentes, mais pouvaient parfois être ponctuellement associées à un événement pour lequel un officier de judicature avait été désigné par une instance supérieure afin de recevoir les honneurs.
28Le manuscrit des « Annales d’Aurillac »59 relate le déroulement de ces cérémonies et signale quelques différends nés des règles de préséance.
Le contentieux suscité par le principe
29Au cours du xviième siècle se sont déroulés différents conflits de préséance opposant la compagnie présidiale ou l’un de ses officiers aux consuls de la ville. Un mémoire rédigé vers 166460 pour les consuls d’Aurillac contre les officiers du présidial laisse penser que les premiers différends sont apparus environ cinquante ans après l’érection du bailliage des Montagnes d’Auvergne d’Aurillac en siège présidial. Est-ce à dire que, antérieurement, il n’y aurait eu aucun désaccord ? Si le manque de source nous interdit de l’affirmer, il est possible que les querelles n’aient pas porté sur les mêmes questions. Peut-être le partage des pouvoirs entre les représentants du roi et les magistrats municipaux avait-il précédé le respect des droits honorifiques qui en découlaient. L’esprit de corps était-il pour autant moins vif ? Certaines études sur les présidiaux avancent l’idée que l’érection d’un bailliage ou d’une sénéchaussée en siège présidial ayant entraîné, la plupart du temps, une augmentation du nombre des conseillers, ceux-ci formèrent alors un corps61. Ce sentiment doit être nuancé car les officiers des bailliages et sénéchaussées formaient déjà un corps de juges royaux. Les consuls insistent cependant sur ce délai qui sépare l’installation du siège présidial et l’apparition des conflits.
« Quoyque dès mil cinq cens cinquante un le présidial d’Aurillac ait esté créé [...] jusques a present les officiers du présidial n’ont jamais troublé ny l’abbé ny les consuls en leur possession [...]. Depuis [...] que le présidial a esté estably, jusques en mil six cens onze les consuls ont paisiblement jouy de tous les droicts honorifiques [...]. En mil six cens onze quelques officiers du présidial ayant voulu troubler les consuls dans les cérémonies de l’enterrement d’un président et lieutenant général il y eust grande contestation entre eulx »62.
30Ce détail peut paraître insignifiant mais il est aussi en concordance avec la consolidation d’un corps d’officiers royaux conscient de sa force. En effet, ce délai correspond à la création de plusieurs offices au sein des sièges présidiaux63, notamment celui de président. La prise de conscience du prestige de la présidialité n’a sans doute pas manqué de donner à ces magistrats une assurance grandissante tandis que, de leur côté, les consuls tentaient de leur faire pièce en arguant de leur influence plus ancienne que celle des officiers du bailliage64.
31Le premier conflit de préséance entre officiers du présidial d’Aurillac et consuls de la ville est donc né au début du xviième siècle. Les registres des délibérations consulaires65, quelques pièces de procédures postérieures66 et un recueil manuscrit relatant les événements marquants de la vie de la cité aurillacoise jusqu’en 170367 permettent de suivre ce différend et ses suites. L’origine de la première affaire fut le déroulement de la cérémonie publique organisée pour l’enterrement de Guy de Chaumeil, président présidial. Le litige portait sur la question de savoir qui, des consuls ou des officiers présidiaux, devait tenir les cordons. « Lesd[its] sieurs du présidial s’en saisirent, et les consuls furent obligés de se retirer »68. Ces derniers adressèrent alors un procès-verbal au roi. Le souverain mandat le sieur de Genicourt, maître des requêtes et, à cette date, intendant d’Auvergne, afin de fixer un règlement pour l’avenir sur cette question de préséance. Les consuls prétendaient « etre en possession de porter lesd[its] cordons »69.
32Sur l’avis du gouverneur de Noailles, lieutenant général pour le roi en Haute-Auvergne et bailli des Montagnes, Génicourt rendit une ordonnance provisionnelle le 12 décembre 161170. Cette situation était fréquente, l’intendant de la province s’entremettant souvent pour arbitrer un conflit entre le corps de ville et les magistrats royaux sur ces questions71. Le texte porte que, pour la conduite des deuils des gouverneurs et lieutenants généraux au bailliage, les consuls tiennent les cordons de la main droite72 et les officiers du siège présidial de la main gauche ; inversement, pour les enterrements des baillis et présidents, les officiers du présidial tiennent les cordons de la main droite et les consuls de la gauche73. Cette ordonnance règle aussi, de manière plus générale, la préséance entre les deux corps dans toutes les cérémonies publiques auxquelles ils assistent simultanément. Ainsi, lors des processions, le président et le lieutenant général du bailliage et siège présidial doivent marcher les premiers74. Immédiatement après eux, viennent les consuls, « [...] et si l’un desdits sieurs président ou lieutenant général est absent, l’ancien consul tiendra sa place, et quant à porter le poisle du Saint-Sacrement les deux places les plus honorables appartiendront comme d’ancienneté auxdits sieurs président et lieutenant général, et les places suivantes auxdits consuls »75.
33Le pouvoir cherche la solution dans la transaction, l’équilibre donnant, autant que faire se peut, satisfaction à tout un chacun. Si les funérailles des gouverneurs et lieutenants généraux sont dirigées par les consuls, celles des baillis et présidents le sont par les officiers du présidial ; de plus, lors des cérémonies publiques, seuls les officiers de grade supérieur ont le premier rang, ensuite viennent les consuls. Ce n’est pas le corps présidial dans son ensemble qui précède les consuls dans les assemblées publiques, mais seulement les officiers supérieurs du siège. Cette ordonnance ne respecte donc pas à la lettre les prescriptions royales de 1557. Cette situation paraît cependant acceptée pendant quelques armées, puisque aucune altercation majeure ne semble être survenue jusqu’en 1629.
34Au cours de cette année 1629, le gouverneur de la province demanda « de la part du Roy de faire des actions de grace et remerciements publics à Dieu, pour la paix faicte entre sa Maiesté et le Roy de la Grande Bretaigne »76. Un nouvel incident opposa alors les consuls au lieutenant général du bailliage, avant de ranimer la querelle. Le président du présidial avait accepté de se rendre à la cérémonie si le lieutenant général y assistait, mais ne voulait laisser à personne d’autre que lui-même le soin d’embraser le feu de joie, estimant que cette prérogative lui revenait, ou, à défaut, aux consuls. Ces derniers revendiquèrent la priorité, arguant que la lettre du gouverneur leur était adressée. Le président du présidial accepta cette décision, prise lors de l’assemblée municipale générale du 18 juin 162977. Le lieutenant général, Gabriel de Broquin, quant à lui, protesta contre la tenue de cette assemblée dont il prétendit ne pas avoir été informé. Les consuls ne cédèrent pas. Ils prièrent le lieutenant général de se rendre à l’assemblée du 22 juin, le faisant quérir par le secrétaire du consulat. Mais l’officier refusa, sous prétexte qu’on ne lui avait envoyé que « le secretaire et les valets » ! Et, sur sa lancée, il intenta un procès aux consuls parce qu’ils n’envoyaient pas l’un d’eux le chercher à chaque réunion du conseil78. Sa requête semblait fondée puisqu’il obtint un arrêt qui le maintint dans les « honneurs et prérogatives » auxquels il avait droit dans la maison consulaire du fait de son office de lieutenant général79. Le dernier consul devait venir le chercher dans sa demeure avec le secrétaire et les valets du consulat et l’accompagner jusqu’à la maison commune pour l’assemblée. Les consuls décidèrent de faire appel de cet arrêt et, avant l’assemblée générale du 28 décembre 1633, par provocation, ils n’envoyèrent que le secrétaire et les valets chez Gabriel de Broquin. Ce dernier les accusa de ne pas respecter l’arrêt rendu en sa faveur, ce à quoi les consuls rétorquèrent qu’il n’était « pas en forme, et que, quand il le serait, il a[vait] été donné au préjudice des arrêts du conseil obtenus précédemment »80. Malmezat prétend que l’intendant d’Auvergne, Argenson, régla le conflit mais sans donner de référence81.
35A la suite de cet incident, les officiers du présidial d’Aurillac intentèrent, dans le courant de l’année 1634, un nouveau procès aux consuls. Assignés devant le parlement de Paris, les consuls réussirent à transiger avec les magistrats en échange de leur appui dans la lutte engagée contre l’érection d’un présidial à Saint-Flour82. Les intérêts des parties coïncidant, un accord fut conclu entre les consuls et les magistrats présidiaux le 3 mars 163683. Il y est principalement décidé qu’« aux processions, lesdicts s[ieu]rs du siège présidial tiendront la main droite, et les consuls la main gauche avec les officiers de ladicte ville, sans que lesdicts s[ieu]rs magistrats et consuls se puissent croiser et changer de main pour quelque cause que ce soit, que lesdicts s[ieu]rs consuls à la grand-messe iront à l’offrande et recepvront la paix, sans que lesdicts magistrats puissent aller à l’offrande ni prendre le baiser de ladicte paix. Pour les funéralies des grands corps, lesdicts consuls tiendront le rang accoustumé après les chaperons, et pour les petits corps, ils auront le second rang ». Il est ensuite prévu de s’en remettre aux usages des villes de Moulins, Riom et Lyon pour les autres circonstances. La faveur était donc aux magistrats présidiaux, la main droite étant la place d’honneur.
36Une accalmie de près de vingt cinq ans suivit ces débats. Pourtant, le procès se poursuivait. En effet, le conseil avait décidé, en juin 1660, que les consuls devaient faire les recherches nécessaires pour trouver les pièces relatives au différend les opposant aux officiers du présidial84. Soulignons, ce qui a son importance dans cette affaire, que le premier consul de l’année 1660 était Pierre de Boschatel, en même temps conseiller au bailliage et siège présidial de la ville. Or, si l’on consulte les listes consulaires des années 1637 à 1663, on constate en effet que, presque tous les ans, un conseiller du bailliage et siège présidial est non seulement élu consul mais encore, le plus souvent, premier consul. En l’espèce, ce cumul de fonctions parut contradictoire et permit aux consuls de 1664 de désavouer les procédures engagées en 1660 et d’assigner les officiers du présidial en raison des liens de parentés qui les unissaient la plupart du temps, ce qui les portaient évidemment à se protéger et à se favoriser les uns les autres85. Les hostilités furent relancées par de nouveaux magistrats du présidial qui, vers 166286, décidèrent de présenter une nouvelle requête. Ils s’appuyèrent sur l’appel interjeté en 1611 contre la « sentence de provision » donnée par l’intendant Génicourt, mais resté sans suite. Ils firent instruire l’affaire et utilisèrent les titres des consuls que Colinet, conseiller au bailliage et siège présidial, avait retiré du greffe de l’hôtel de ville lorsqu’il était lui-même consul. Malgré un mémoire détaillé présenté par les consuls le 26 mars 166287 pour faire opposition aux prétentions des magistrats, deux arrêts du parlement des 5 et 24 juillet 1663 furent rendus en faveur de ces derniers88. Cette étape annonçait le règlement des conflits de préséance de manière à ménager toutes les susceptibilités.
Le règlement des conflits de préséance aurillacois : un équilibre relatif
37Préparant leur opposition, les consuls ont cherché à obtenir des témoignages par écrit d’autres villes du royaume sur leurs usages en matière de préséance. Au cours du mois d’octobre 1663, ils échangèrent ainsi plusieurs lettres avec les corps municipaux de Tours, Périgueux et Lyon. Un règlement intervint en 1664 pour résoudre le conflit sans éteindre pour autant tout contentieux.
Les usages des villes voisines
38La première réponse vint du maire et des consuls de Périgueux, le 10 octobre 166389. Les consuls de l’année 1663 décrivaient à leurs homologues aurillacois le fonctionnement ou « gouvernement » de leur ville :
« Elle est gouvernée par un maire, six consuls de la ville et un de la citte, le maire est le chef qui est seig[neu]r, Comte Baron, Capitaine gouverneur de la ville fauxbourgs citte et banlieue. La livrée du maire est de velour rouge cramoysy et noir my parti, double d’hermines, et celle des consuls de satin rouge cramoysi my partie. Le maire precedé à la convocation des Estat generaux toute la noblesse du Periguord hors les quattre Barons auxquels il dispute le rang en qualité de Comte de Périgueux de qui nous avons le droict, la charge de maire rand noble celluy qui l’exerce avec toute sa postérité, le premier consul et le chef et preside aux Tierz Estat aux Estats generaux, et précède en cette qualité tous les présidantz et lieutenantz generaux des Bastilles qui sy trouvent, aux Entrées des Roys, princes, gouverneurs de province ou leurs lieutenants, nous ne souffrons point les présidiaux à nostre costé et nous seuls marchons avec eux devant tous les seig[neu]rs de la province lorsqu’on reçoit et installe le grand seneschal nous entrons au présidial avec nos livrées ou mess[ieu]rs les présidiaux tiennent le droict et nous le gauche et quand ont ensense deux coristes baillent l’ensans à mesme tamptz aux presidiaux et a nous. Aux sermons leur banc est a coste droict, et le nostre à gauche mais relevé au-dessus. [...] Lesdits mess[ieu]rs ne se meslent point de l’eslection desdits magistrats et n’y ont aucun droict et les appellations vont nuement au parlement, tous nos habitants sont examptz de tailles en quel lieu qu’ils soient, ne sont subjets aux francs fiefs, ny au ban ny arriere ban. Jouissent du franc alleu »90.
39A Périgueux, un conflit semblable à celui que connaissait la ville d’Aurillac était en cours entre consuls et magistrats présidiaux. Les magistrats royaux occupaient la place de droite dans les églises, les deux corps allaient « de pair aux offrandes, baiser de pais, processions mortuaires [...] » qu’ils fussent revêtus de « la livrée » ou non. Cependant, les consuls de Périgueux estimaient que leur situation différait quelque peu. Ils soulignaient en effet leur position de seigneurs « indépendants » de la ville, détenteurs de la haute, moyenne et basse justice. Il est vrai qu’à Aurillac, le seigneur haut justicier était l’abbé de Saint-Géraud, les consuls ne disposant que d’un pouvoir de police. En revanche, les Périgourdins conseillèrent aux consuls d’Aurillac d’orienter leur défense en se basant sur leur position de patrons de certaines églises pour réclamer, à l’intérieur de celles-ci, « le dessus » sur les officiers du présidial. En cela, ils furent suivis par les édiles aurillacois qui présentèrent leur requête en qualité de marguillier de l’église paroissiale91.
40Quant aux échevins de Tours, leur réponse du 24 octobre 166392 indique que, dans les assemblées publiques, les officiers du siège présidial et le corps municipal marchaient côte à côte : les officiers du présidial à droite, le corps municipal à gauche, les officiers du présidial venant derrière ceux de l’élection. L’ordre était identique dans l’église, « messieurs du présidial aux cheres hautes a la droitte et ce corps aussy aux autres cheres hautes a la main gauche ». Les officiers de l’élection le cédaient de nouveau aux officiers du présidial. Il faut par ailleurs noter que l’auteur de la lettre, conseiller du roi, juge et magistrat au bailliage et siège présidial de Tours écrivait ici en sa qualité de maire.
41La troisième et dernière lettre, celle du prévôt des marchands et des échevins de Lyon, datée du 31 octobre 166393, précisait que dans cette ville les officiers de la « sénéchaussée et siège présidial marchent à la main droite et le corps consulaire à la gauche » dans les assemblées, générales et particulières, ainsi que lors des processions. Les simples échevins cédaient la droite aux officiers du siège, dans l’église et en tout autre lieu.
42De manière générale, lorsque les deux corps allaient côte à côte, les officiers des sièges présidiaux occupaient la place d’honneur, c’est-à-dire à droite, situation correspondant aux dispositions légales privilégiant les officiers de judicature au détriment des officiers municipaux. Cependant, la situation n’était pas strictement identique dans toutes les villes du royaume, les juges présidiaux ne s’opposant pas systématiquement aux consuls dans le déroulement des cérémonies publiques ; dans certaines cités, en effet, d’autres pouvoirs l’emportaient sur les officiers municipaux. C’était souvent le cas des seigneurs, particulièrement lorsqu’il s’agissait du pouvoir épiscopal. Ainsi, le juge mage de la sénéchaussée siège présidial d’Auch et les consuls de la ville furent contraints de reconnaître la préséance naturelle de l’archevêque94.
La résolution des conflits
43Les consuls d’Aurillac obtinrent « des lettres en forme de requête civile » contre les deux décisions de juillet 1663, dont ils furent finalement déboutés95 par un arrêt du 5 janvier 1664 qui « maintient et garde lesdits officiers du bailliage et siège présidial d’Aurillac en la possession et jouissance de précéder les consuls de ladite ville en toutes assemblées publiques et particulières, processions générales, entrées des princes et gouverneurs, et feux de joye, d’avoir banc et séance au lieu le plus honorable dans les eglises et ailleurs, aller a l’offrande, a l’adoration de la croix, et prendre le pain beni et la paix avant lesdits consuls »96. Ces derniers, fort mécontents, députèrent le premier consul à Paris afin de se pourvoir contre cet arrêt. En cette occasion, et dans leur intérêt bien compris, ils se posèrent en défenseurs des intérêts de l’abbé, seigneur de la ville97, que les officiers de judicature entendaient « troubler [...] en la jouissance de quantité de droits honorifiques » en application de ce même arrêt. A l’appui de leurs prétentions, les consuls firent particulièrement valoir l’association les unissant à l’abbé pour l’administration de la ville. De ce fait, ils avaient des droits honorifiques communs avec l’abbé qui était, avec eux, « cogouvemeur et capitaine de la ville », « coopatron dotateur et restaurateur » de l’église paroissiale, dont il était aussi le curé primitif ainsi que le « premier et perpétuel marguillier d’honneur ». L’abbé avait en conséquence droit au premier rang dans toutes les cérémonies solennelles à côté des consuls, tandis que les droits honorifiques que les magistrats revendiquaient en application de l’arrêt du parlement, leur revenaient. Les magistrats n’avaient pas non plus le droit de s’attribuer les bancs réservés à la fabrique et aux assemblées des marguilliers. Echange de bons procédés, les consuls attendaient de l’abbé qu’il les soutînt, notamment par l’obtention d’un arrêt du conseil qui ferait cesser l’exécution de l’arrêt du parlement du 5 janvier 1664 ; ils proposaient même de former appel de cet arrêt en son nom. Les consuls de l’année 1664, Jean Lacarrière, écuyer, sieur de Monteilly, Guillaume Casses, avocat, et Jean Sauret, greffier, étaient par ailleurs, la même année, marguilliers de la fabrique de l’église Notre-Dame. Ils présentèrent une double requête : au parlement, en opposition à l’arrêt du 5 janvier98, en qualité de marguilliers et au conseil du roi, en qualité de consuls. Dans cette dernière requête, dont un compte rendu est conservé99, les consuls insistent sur l’impérieuse nécessité que soient respectées, en leur faveur, les règles de préséance afin que leur autorité n’étant pas remise en cause, la levée des tailles s’en trouve facilitée et la « conservation des intérêts publics des habitants » assurée ! La préséance, en tant que symbole d’autorité et de garantie des droits du roi, devient un pur et simple argument au service des prétentions des élites locales. Tandis que les consuls rappellent discrètement que la monarchie ne peut qu’y trouver un avantage financier, les magistrats du présidial, de leur côté, avancent leur qualité d’officiers royaux, garants du respect des droits de leur maître, chacun sachant, surtout depuis que la patrimonialité des charges est devenue complète, que leur soumission au roi -si tant est qu’elle soit toujours avérée- est loin d’être indispensable à leur prospérité.
44Dans leur lutte, les consuls avaient obtenu, le 25 janvier 1664, un acte introductif d’instance du conseil privé du roi qui assignait les officiers du présidial devant le conseil pour les entendre au sujet du règlement de la préséance entre eux et le corps de ville100. Par un arrêt du conseil du 15 février de la même année101 les consuls obtinrent, en qualité de marguilliers de l’église paroissiale pour l’année 1664, le droit de précéder les officiers présidiaux lors des cérémonies se déroulant dans l’église Notre-Dame. Les magistrats qui ne respectaient pas ce privilège étaient passibles d’une amende, payable par chaque contrevenant. Il était défendu aux parties d’avoir recours au parlement au sujet de cette affaire. Cette décision était provisoire puisque les parties devaient comparaître par la suite pour être entendues, afin d’inclure cet élément au procès opposant les consuls aux officiers du présidial.
45Effrayé par le coût de la procédure, le conseil de ville accepta, lors de l’assemblée du 17 septembre, que l’intendant arbitre le conflit102. Le 20 septembre 1664, les parties mirent ainsi un terme au différend devant Bernard de Fortia, intendant d’Auvergne103. La transaction suspendit l’application des arrêts précédemment obtenus et précisa point par point, selon des cas précis, la règle de préséance à suivre entre les officiers du bailliage et siège présidial et les consuls. Ces règles s’appliquaient à chacun des corps mais aussi à chacun de ses membres en sa qualité de représentant. A défaut, les arrêts des cours souveraines devaient être appliqués.
46La transaction modérait la prééminence des officiers présidiaux sur les consuls. Elle créa, à l’instar de l’ordonnance de 1611, un certain équilibre entre les deux corps, tout en favorisant quelque peu les magistrats royaux. L’article premier, respectant les édits royaux antérieurs, se présente comme un principe général ; les officiers du Présidial précèdent les consuls « en toutes les processions » auxquelles ils assistent, « comme aux processions generalles ordonnées par messieurs les abbés d’Aurillac [...] »104. Viennent ensuite des limitations à cette supériorité dans des cas déterminés. Les présidiaux sont parfois exclus de certaines processions, comme celle de la Chandeleur, celle du mois d’octobre qui célèbre la fin d’une épidémie de peste, celle encore qui se déroule pour commémorer la délivrance de la ville « des gens de la Religion prétendue réformée ». Seuls les consuls assistent à ces processions, car elles interviennent « en l’acquit des vœux de la ville ».
47L’application des règles de préséance dépendait du costume porté par les membres du corps présidial. Ainsi, lors des assemblées générales et particulières, si un ou plusieurs officiers du présidial revêt sa robe, « ou habit long », les consuls doivent lui céder le rang. Cet article atteste de l’importance du statut et de la tenue qui le symbolise. Lorsqu’un ou plusieurs consuls marchent dans la rue portant leur livrée, « faisant corps » avec d’autres consuls ou « quelques officiers de la ville, autres que leurs valets », ils n’ont pas à « prendre le dessous du pavé » face à un conseiller en robe ou habit long. Le corps des officiers de la ville marchant dans la cité n’est donc pas tenu de s’incliner en présence d’un officier royal, même si celui-ci porte son habit.
48On sait quelle importance revêtaient les cérémonies religieuses dans la société d’Ancien Régime. A cet égard, la transaction présente un subtil équilibre, tout en favorisant les magistrats présidiaux. Ainsi, lors des funérailles, les officiers du présidial pouvaient conduire le deuil « sy bon leur semble », sauf pour les obsèques d’un consul ou d’un autre membre du corps de ville auxquels les consuls assistaient seuls. De plus, certains usages restaient inchangés au profit des consuls qui conservaient les bancs qui leur étaient réservés dans les églises. Pour les entrées des gouverneurs et lieutenant du roi, la transaction renvoie aux usages locaux sans les rappeler. Les officiers du présidial avaient séance à main droite dans les assemblées lorsqu’elles avaient lieu dans les églises des Jésuites et des autres religieux de la ville. Le pain béni leur était offert en priorité et ils se présentaient encore les premiers pour l’offrande et l’adoration de la Croix. Toutefois, concernant « les reliques ou paix qu’on porte à baiser aux assistans, elles seront portées par deux personnes, scavoir aux officiers du présidial du côté qu’ils seront et de l’autre aux consuls »105. Il y a donc séparation des deux corps mais il n’est pas précisé lequel occupe de préférence le côté droit. En revanche, les consuls portaient seuls le poêle le jour de la fête Dieu et toutes les fois que le Saint-Sacrement était porté. De même, ils assistaient et allumaient seuls les feux de joie.
49La répartition des droits et privilèges de chacun selon les situations peut, en définitive, être synthétisée de la façon suivante :
Droits exclusifs :
officiers présidiaux seuls | aucun |
consuls seuls | – processions du jour Notre Dame de la Chandeleur, – processions du mois d’octobre pour la cessation de la maladie contagieuse, – procession du lundi de Pâques pour la délivrance de la ville des protestants, – processions du jour de notre dame de Neiges, et du lendemain – le poêle du Saint-Sacrement – obsèques d’un consul ou d’un membre du corps de ville – feux de joie |
Prééminence des officiers présidiaux :
Les officiers présidiaux précèdent les consuls : | – toutes les processions où ils assistent – toutes les processions ordonnées par les abbés d’Aurillac – assemblées générale ou particulière où un ou plusieurs officiers du présidial portent la robe ou l’habit long – pain béni – offrande et adoration de la Croix |
Les officiers présidiaux sont à main droite | – dans les églises des Jésuites et des religieux |
Equilibre entre officiers présidiaux et consuls :
Dans la rue quand les consuls sont en livrées et marchent en corps ils n’ont pas à céder le dessus du pavé à un officier du présidial même si celui-ci porte la robe ou l’habit long. |
Le baiser de paix est porté par chaque corps à la partie de l’assemblée qui se trouve de son côté. |
50Le dimanche suivant cette transaction, l’intendant, toujours présent à Aurillac, assista à la messe de la paroisse, se plaça à la tête des officiers du présidial, sur leur banc, et fit exécuter le règlement donné quelques jours plus tôt106. Cette transaction semble avoir été respectée jusqu’à la fin de l’Ancien Régime si l’on excepte les manœuvres de quelques officiers du présidial au cours de la messe du jeudi saint de l’année 1722, dans l’église paroissiale107. Ils demandèrent en effet au bedeau de venir les chercher à leurs bancs pour aller recevoir la communion au grand autel avant les consuls. Ces derniers leur signifièrent un acte de protestation contre cette pratique qui venait troubler leur droit d’aller seuls à la communion du jeudi saint avec les prêtres de la communauté.
51On constate qu’en marge du principe général de primauté des magistrats présidiaux dans les cérémonies publiques, cette transaction présente de nombreuses exceptions qui permettent aux consuls de faire valoir leur importance dans la vie de la cité. Ce document semble clore les différends de préséance entre consuls et magistrats présidiaux.
52Cependant, la préséance s’exerçait aussi entre une personne, au regard de sa profession, face à un corps, et le règlement de 1664 ne clôt pas tous les débats en cette matière. Ainsi, à la fin du xviième siècle, les consuls se trouvèrent-ils périodiquement en conflit avec les procureurs du roi successifs du bailliage et siège présidial de la ville. Les règles de préséance établies étaient censées s’appliquer à la compagnie présidiale dans son ensemble, et les avocats et procureurs du roi ne pouvaient s’en affranchir. Pourtant, un conflit, dont les origines sont antérieures à la transaction de 1664, opposait encore le procureur du roi Guillaume de Senezergues aux consuls aurillacois108 en 1668. Ce différend remonte à l’année 1645. Il s’agit d’une première demande du procureur du roi d’assister aux assemblées publiques du conseil de ville en prenant place après le lieutenant général et avant les consuls en charge. L’officier modéra ensuite sa requête en souhaitant seulement prendre place avant les anciens consuls. En réponse, le conseil de ville déclara, lors de l’assemblée générale du 15 décembre, que le procureur du roi ne pouvait prendre place qu’après les anciens consuls, comme les autres officiers du présidial109. Le procureur du roi refusa cette place, indigne de son rang, estimait-il. Il joignit alors sa requête à celle des autres officiers du présidial dans l’affaire de préséance déjà évoquée. Malgré ce, Guillaume de Senezergues continua à défendre ses droits et non uniquement ceux du corps présidial. Son attitude démontre avant tout que les conflits de préséance et leur issue étaient surtout des luttes d’influence et s’inséraient dans des stratégies de promotion sociale des notables locaux. Ainsi, lorsque le même Senezergues, toujours procureur du roi au bailliage et siège présidial, fut élu conseiller pour le quartier d’Aurinques en janvier 1661110, il fit remarquer, dès la première assemblée générale, qu’il n’entendait pas « que sa nomination comme conseiller porte atteinte à ses prérogatives de procureur du Roi »111 ! Cette protestation souligne, d’une part, la supériorité de la charge de procureur de roi et les privilèges honorifiques dont l’intéressé bénéficie et, d’autre part, la volonté d’un homme de ne pas abandonner ces droits pour une fonction municipale de moindre importance.
53Cette affaire se conclut également par une transaction passée entre les consuls et le procureur du roi devant Pipy, notaire royal de la ville, le 28 décembre 1668112. Le procureur du roi assistait à la nomination des consuls et autres officiers de la ville, à leur prestation de serment, ainsi qu’à toutes les assemblées de la ville113, générales et particulières dans lesquelles il tenait séance dans une chaire similaire à celles du lieutenant général et des consuls. Dans toutes les assemblées il pouvait faire des remontrances, signait les comptes rendus des délibérations de la maison consulaire sous le seing du lieutenant général avant la dispersion de l’assemblée. En revanche, il n’était pas présent lors des cotisations et redditions de compte des consuls.
54Cette place était réservée au bailli ou au lieutenant général du bailliage. En effet, dans l’ensemble de la ville, cet officier possédait de nombreuses prérogatives qu’il devait directement à la législation royale. Elles étaient attachées à sa charge et se retrouvaient dans toutes les villes du royaume où étaient installés des bailliages et sièges présidiaux. Elles ne firent apparemment pas l’objet de contestations de la part des consuls aurillacois. En effet, l’article 27 de l’édit de Crémieu dispose que « par nosdits baillis, seneschaux, ou leurs lieutenans seront examinés et clos les comptes des deniers communs et octrois, et auront la connaissance des procez et différens qui seront meuz pour raison d’iceux »114.
55Tous ces conflits de préséance, opposant les consuls aux officiers du bailliage et siège présidial, en corps ou en particulier, montrent comment le roi « favorise » ses agents tout en ménageant les pouvoirs en place. D’une manière générale, les usages et la jurisprudence tendaient à donner une préséance systématique aux officiers des sièges présidiaux sur ceux des corps municipaux. La prééminence des officiers royaux constatée à Aurillac se manifestait également à Angers où les magistrats présidiaux, « habitués à être reçus les premiers lors des hommages à rendre aux grands du royaume » avaient soutenu « leur rang à l’égard de la compagnie de l’Hôtel de ville »115. Cependant, la durée des conflits, leur coût et sa répercussion sur les contribuables de la ville expliquent que le roi ait souvent préféré céder sur quelques points pour faire revenir le calme, tout en maintenant sa protection à ses officiers. Ces derniers trouvèrent d’ailleurs un autre chemin pour asseoir leur autorité dans la ville : l’accession progressive à son administration en s’emparant des fonctions consulaires.
Le présidial et les élections consulaires : la mainmise des magistrats sur la municipalité aurillacoise
56Dans les premiers temps de l’émancipation municipale, le corps de ville disposait de pouvoirs notables destinés à lui permettre de gérer les intérêts des habitants. A l’origine, les membres de ce corps étaient des bourgeois et des marchands116. Durant la période moderne, cette situation évolua vers un accaparement des pouvoirs municipaux par les praticiens du droit puis les officiers de judicature en particulier117. Les représentants des habitants, élus à Aurillac par l’assemblée générale, ont peu à peu été, majoritairement, des représentants du pouvoir royal. Quels étaient alors leurs intérêts ? Celui des habitants, celui du roi ou, prioritairement guidé par un souci familial d’ascension sociale, purement et simplement le leur ? Il est certain que tous ces éléments ont joué un rôle important et créé des conflits au cœur des villes. De leur résolution peut naître un certain équilibre entre les pouvoirs. Le roi a su utiliser ces querelles locales pour renforcer sa présence dans l’étendue du royaume. Durant le mouvement d’émancipation, il a arbitré les conflits des habitants face aux seigneurs, ce qui lui a permis de lutter contre la féodalité. A Aurillac, il s’est d’abord fait l’arbitre du conflit opposant le seigneur à la communauté d’habitants puis aux consuls, et il a finalement doté la ville d’un règlement118. Les « bonnes villes »119 ont ensuite connu une certaine période d’autonomie, principalement au cours des règnes de Charles VII et de Louis x1120. A la fin du xvie siècle, les troubles religieux eurent des retentissements sur l’administration des villes dont certaines étaient dirigées tantôt par des réformés, tantôt par des ligueurs. Le droit d’élection fut ensuite accordé aux habitants des villes par l’ordonnance de 1579121, mais les requêtes du tiers état lors des États généraux de 1614 firent valoir que ces élections devaient être « pures » et « sans brigue ». En réalité, dès le début du xviième siècle, intendants et gouverneurs désignèrent très souvent les personnes qui devaient remplir les charges municipales. Ce fut très fréquemment le cas à Aurillac. L’intendant intervenait parfois opportunément dans la désignation des consuls. Il pouvait en révoquer un ou plusieurs ou conseiller d’élire tel ou tel. De plus, un consul élu pouvait se faire décharger de ses fonctions par l’intendant lui-même, qui choisissait parfois le remplaçant.
57En décembre 1670, des querelles s’élevèrent pour les élections au consulat, mettant en péril l’existence de la manufacture royale du point de France établie dans la ville. Celle-ci étant un atout économique pour la province, il était donc du devoir de l’intendant d’intervenir122. Celui-ci suggéra de nommer l’avocat du roi au siège présidial, Fargues, pour occuper l’une des places de consul. Cet officier fut élu par le conseil de ville, étant un « homme de probité connue, d’honneur et de vertu, et qui a toutes les qualités requises pour remplir dignement cette charge »123.
58Les exemples d’intervention de l’intendant sont nombreux et il est inutile de tous les énumérer124. Ils montrent que, durant l’époque moderne, le consulat aurillacois se trouvait comme mis sous la tutelle du pouvoir royal du fait de l’intervention croissante de l’intendant. Il s’agit d’ailleurs d’une situation générale dans le royaume et on la retrouve dans d’autres villes abritant un siège présidial. A Limoges et Périgueux, de 1630 à 1789, les magistrats présidiaux ont occupé une « place notable » dans les corps de ville125. A Rodez, la création des élections en 1627 et du siège présidial en 1635 correspond à « l’entrée en scène des officiers royaux » au sein du consulat et le retrait des marchands, jusque là majoritaires126. Cette mainmise progressive des officiers du siège présidial sur les fonctions consulaires finit par soulever la colère des habitants au milieu du xviiième siècle.
La prise de contrôle progressive par les agents royaux
59Initialement, le roi voulut limiter l’ingérence de ses officiers dans l’administration urbaine. En octobre 1547, un édit déclarait ainsi que les « offices » de prévôts, échevins et autres officiers de ville étaient incompatibles avec ceux des bailliages, cours souveraines et autres juridictions, et réservait l’élection aux bourgeois et notables127. Cette interdiction s’étendait aux élus ainsi qu’aux avocats et procureurs. Si elle n’était pas respectée, le contrevenant pouvait se voir privé de sa provision ou de son droit d’élection. Le but de cette interdiction était de favoriser une meilleure gestion des biens communs des villes. Selon le préambule de l’édit de 1547 les « bourgeois, et notables marchands desdites villes » qui avaient « cognoissance, soing et cure d’administration des deniers » n’étaient pas « si ordinairement occupez et détenus en autres affaires » comme les officiers royaux « et ministres de justice : lesquels outre qu’ils ont leur vacation ordinaire au fait de ladite justice, n’ont telle cognoissance et expérience au fait et maniement des deniers, et à les bien mesnager et dispenser que lesdits bourgeois et marchans »128.
60Malgré cette prescription royale, les registres de délibérations consulaires de la ville d’Aurillac des xvième, xviième et xviiième siècles contiennent un très grand nombre de noms de magistrats royaux, officiers du bailliage et siège présidial, d’officiers de l’élection ou d’avocat du ressort129. L’édit d’octobre 1547 était donc ignoré, à l’exception de quelques cas particuliers130. On peut citer celui du procureur du roi du bailliage et siège présidial d’Aurillac, Senezergues, qui, en 1618, refusa d’exercer des fonctions municipales auxquelles il venait d’être élu, jugeant sa charge incompatible avec les fonctions de consul de la ville131.
61Aurillac ne faisait pas exception en la matière puisque la même situation se rencontrait à Rodez132, Périgueux133, Limoges134, Nantes135, Auch136 ou encore Tours dont le maire de 1663, précédemment cité, était également juge au bailliage et siège présidial de la ville137. Le roi dérogeait donc lui-même à ses édits par des règlements ponctuels, établis pour une ville en particulier.
62L’interdiction de 1547 est donc bien souvent restée lettre morte dans tout le royaume. La législation royale évolua alors vers plus souplesse en autorisant ses officiers à remplir des fonctions municipales. Les autorisations, tout d’abord ponctuelles et venant bien souvent règlementer une situation de fait, devinrent de plus en plus fréquentes.
63Chaque année étaient nommés de nouveaux consuls. Ces nominations étaient bien souvent, surtout à partir de la fin du xviième siècle, prétexte à des brigues, des conflits entre partisans de chaque prétendant, auxquels prenaient activement part des officiers présidiaux. Même lorsque qu’ils ne briguaient pas eux-mêmes de fonctions consulaires, ils jouaient un rôle très important dans la nomination de ces derniers. A la fin du xviième siècle, les officiers du présidial s’opposèrent en deux camps lors de plusieurs élections consécutives. Le premier parti était celui du président présidial Darche et le second celui du conseiller Passefons et de la famille Cambefort, représentée au siège présidial et à l’élection. Ainsi, en 1679, si le premier consul, l’avocat François Leigonye, avait été nommé sur recommandation du gouverneur, le duc de Bouillon, les deux autres avaient été défendus, le deuxième, le médecin Géraud Lacarrière, par le président Darche, et le troisième, Jean Delzons, bourgeois, par le conseiller Passefons et la famille Cambefort. L’armée suivante, les débats se poursuivirent. « Les ligues subsistant, il fut procédé à la nomination des consuls de 1680. Le premier et le troisième furent faits par celle de messieurs Passefons et Cambefort, et le second (sic) par celle de Mrs Darches et Lacarrière ; quelques uns pourtant du parti des Passefons et Cambefort trahirent leur parti : a moins de cela, ils les auraient fait tous trois »138. Les ligues se maintenaient d’une année à l’autre, et les consuls se succédaient parmi lesquels les professions judiciaires étaient très bien représentées : deux avocats et un marchand en 1680 ; un conseiller au siège présidial, un avocat et un procureur postulant en 1681 ; un conseiller au siège présidial, un avocat et un marchand en 1682. Le climat de tension qui précédait ces nominations se maintenait durant l’année, car les consuls en venaient à se venger « de ceux qui ne les avaient pas nommés par de grosses augmentations de tailles, ou par des logements de gens de guerre »139. L’intendant et le gouverneur de la province finirent par être informés de ces abus et ils convoquèrent à Clermont plusieurs consuls, anciens et actuels, pour les réprimander publiquement. Le médecin Lacarrière, frère du conseiller Pierre Lacarrière qui était premier consul en 1682, fut emprisonné pendant une journée140. L’intendant les congédia en leur faisant promettre de nommer un bourgeois, Antoine Lafage, protégé par le gouverneur, comme troisième consul. Cette recommandation fut respectée lors de l’élection de 1683141. Cependant les années qui suivirent, les fonctions de consuls continuèrent à être occupées majoritairement par des officiers du siège présidial et des auxiliaires de justice et les mêmes partis continuèrent de s’opposer142.
64La création, en 1692, d’un maire perpétuel et d’assesseurs dans tous les hôtels de ville du royaume143 permit au pouvoir royal de fidéliser encore plus ses agents et d’augmenter sa présence dans les gouvernements municipaux. A Aurillac, en 1695, la charge de maire perpétuel fut réunie à celle de lieutenant général du bailliage à la requête d’Amable Delort144. Son fils Isaac Delort en hérita ensuite. Le roi légiféra sur les offices en mai 1702145 et en décembre 1706146. Par ce dernier édit, le roi créait également des offices de lieutenant de maire. A Aurillac, la charge fut achetée en 1705 par un bourgeois, Gabriel Jouvhomme, au prix de 2 000 livres147. Dans un édit de septembre 1714, le roi reconnaissait que « les conjonctures et la longue durée des guerres [...] » l’avaient « mis dans la nécessité de recourir aux moyens qui pouvoient [...] procurer des secours extraordinaires pour les dépenses » engagées, ce qui avait justifié la création des offices de maires perpétuels et de lieutenant de maire148. Mais la vente de ces offices n’avait pas eu « le succès »149 espéré. Le roi décida donc de les supprimer et de les rendre électifs afin « d’accorder aux communautés la liberté d’en faire faire les fonctions par les sujets qu’elles voudront nommer »150. En janvier 1715, la ville d’Aurillac décida donc de racheter « à Gabriel Jouvhomme son office de lieutenant de maire comme le plus onéreux au public et le plus inutile au service du roi »151. La charge de maire demeurait réunie à celle de lieutenant général du bailliage et siège présidial mais semble avoir été supprimée avant 1725152.
65Ces créations et suppressions d’offices n’avaient pas apporté d’importantes modifications dans l’organisation du consulat d’Aurillac et dans la tenue des assemblées de ville. Le maire perpétuel siégeait aux assemblées de ville, recevait les serments des nouveaux consuls, présidait à la reddition des comptes des deniers municipaux153, mais ces fonctions étaient déjà celles du lieutenant général du bailliage et siège présidial. Puisque ces deux offices avaient été réunis, la suppression de l’office de maire perpétuel n’occasionna pas davantage de changement. Comme cela se produisait depuis le début du xviième siècle, les charges de consuls continuaient à être occupées par des officiers royaux et par des avocats, au dépit des habitants qui auraient souhaité être représentés par davantage de bourgeois ou de marchands.
La plainte des habitants et les tentatives de réformes royales
66En septembre 1751, avant les élections consulaires, les habitants envoyèrent un mémoire à l’intendant d’Auvergne154 pour lui signaler les abus que commettaient les officiers du présidial dans la nomination au consulat, surtout depuis 1735 précisaient-ils, où les officiers avaient délibéré entre eux « qu’il leur convenoit d’etre consul chacun a leur tour » et « leur projet [ayant] eu eu entiere et parfaitte execution »155. Les consuls ajoutaient que les officiers du siège présidial estimaient de surcroît que leur qualité de conseiller du roi leur donnait la place de premier consul. Aux dires des habitants, le corps commun, bien que convoqué tous les ans, était écarté du choix, même en ce qui concernait les deux autres consuls, car le premier les choisissait parmi ses électeurs. Chaque conseiller avait été consul et les officiers tendaient à se maintenir dans ces fonctions. « Les appas du chapperon sont trop attrayants pour eux ; ne respirant qu’a se maintenir dans un privilege assés extraordinaire qui reduit leurs biens considerables a une tres petite cotte d’office ». Les habitants faisaient de plus valoir que le comportement des officiers était scandaleux, car ils se réunissaient dans une auberge pour délibérer et décider qui serait le prochain consul, puis se rendaient à l’hôtel de ville « dans un état indecent a des magistrats ». Alors, ils s’écriaient qu’ils voulaient « tels et tels pour consuls en insultant et menaçant ceux qui voudraient s’opposer à leurs desseins »156.
67La consultation des listes consulaires appuie effectivement ces plaintes. De 1735 à 1751, tous les premiers consuls ont été des officiers du bailliage et siège présidial. Quant aux deuxième et troisième consuls, ils étaient bien souvent avocat, notaire ou procureur. Il faut signaler cependant que quatre docteurs en médecine occupèrent la place de deuxième consul, six marchands157, un imprimeur et un apothicaire, celle de troisième consul. Il faut néanmoins rappeler que l’intendant, voire le roi, avaient bien souvent conseillé d’élire un magistrat à cette première fonction municipale afin que la ville fût administrée par une personne suffisamment instruite pour supporter cette position. Par contre, les habitants avaient été choqués de voir un chanoine et dignitaire du chapitre Saint-Géraud « forcé en qualité de conseiller clerc de souscrire au traitté » passé entre les officiers du siège présidial et être nommé consul158.
68Les habitants d’Aurillac demandaient à l’intendant de faire cesser les abus commis par les officiers présidiaux et proposaient de s’inspirer de l’usage qui avait lieu à Clermont où « les avocats travaillant doivent etre nommé 1er eschevin a leur tour »159. Selon eux, « cet exemple devroit prouver ce meme avantage pour le Consulat d’Aurillac, c’est a dire qu’un conseiller, ou un avocat passerait alternativement 1er consul, et les autres deux choisis parmi les bourgeois, notaire, praticiens et marchand, cet expediant remetroit les choses dans leur 1er etat ».
69L’intendant entendit la plainte qu’il ne jugea « point sans fondement »160. Dans la lettre qu’il adressa à son subdélégué à Aurillac, il tint des propos qui traduisaient la volonté royale de maintenir une présence de ses officiers dans l’administration des villes. Il prenait également soin de ménager les officiers présidiaux « en conservant [...] les égards et la considération que méritent des officiers qui doivent tenir le 1er rang dans une ville, et qui par leurs lumières et leur probité ne peuvent qu’être utiles à leurs concitoyens »161. Il assurait qu’il était « convenable qu’ils soient placés souvent à la tête de la ville par leur nomination à la première place du consulat » tout en s’accordant sur le fait qu’il « serait certainement dangereux qu’elle se perpétuat toujours dans leur corps, et que les autres citoyens d’un rang inférieur, mais cependant honorable, n’y fussent point appelés à leur tour »162. Il proposa donc de suivre les règles d’élection qui se pratiquaient à Clermont, consistant à « nommer alternativement un magistrat, un avocat et un gentilhomme »163. Il pensait en effet qu’il était important de maintenir à la place de premier consul des personnes d’un certain rang, mais qu’une alternance était nécessaire entre officiers du siège présidial et avocats, ces derniers étant d’un « état honorable par lui-même », qui « les en rend susceptibles, et leur donne la confiance publique »164. Il ordonna à son subdélégué, qui se trouvait être également conseiller au bailliage et siège présidial d’Aurillac, de faire savoir aux consuls que les élections du nouveau corps municipal devaient attendre sa venue dans la ville, sous peine d’être annulées. Désireux d’éviter des représailles envers les signataires du mémoire, il lui adressa une lettre « officielle », à montrer aux consuls. Dans sa réponse à l’intendant, Cébié, malgré sa position délicate, tenta de n’accabler ni les uns ni les autres, restant prudent en tous points. Il rappela néanmoins à l’intendant que si les officiers du présidial occupaient des fonctions municipales c’était parce qu’on les y avait engagés et « qu’ils n’acceptèrent que par contrainte »165. Cébié ajoutait qu’il était « persuadé qu’ils se verr[aient] privés avec plaisir, quoyque si jaloux comme on les prétend des honneurs et des prérogatives qui y [étaient] attachés »166.
70Ce conflit aboutit, en novembre 1759, à un arrêt du conseil du roi qui établit un relatif équilibre entre les officiers de judicature et les bourgeois. « Le roi jugeant à propos pour le bien de son service que la place de premier consul de la ville d’Aurillac soit remplie alternativement par un officier du présidial et un avocat [...] Sa Majesté [...] a ordonné et ordonne que lorsqu’il sera procédé à l’élection desdits consuls, il sera nommé un avocat pour premier consul en mil sept cens soixante et un. En mil sept cens soixante et deux un officier au présidial, et qu’à l’avenir ces nominations seront ainsi faites, voulant que les second et troisième consuls soient pris parmi les bourgeois, notaires, procureurs et marchands suivant l’usage ordinaire »167. Cette décision n’est pas sans rappeler la prééminence des officiers de judicature que le roi privilégie en leur réservant la fonction de premier consul. Néanmoins, ce privilège est partagé avec les avocats du ressort, ce qui laisse transparaître une certaine volonté du pouvoir royal de voir les villes de son royaume administrées par des hommes capables et instruits.
71L’arrêt de novembre 1759 ne suffit pas à calmer toutes les querelles dont l’élection au consulat faisait l’objet, envenimées par les animosités personnelles. C’est ce dont témoigne la vive opposition entre les conseillers Capelle, Pagès de Vixouzes et Esquirou de Parieu en 1764168. Le premier se voyait toujours refuser l’accès aux assemblées du corps de ville et plus particulièrement à celle où avait lieu l’élection des consuls. Pensant qu’on l’avait tenu à l’écart parce qu’il aurait pu être élu, il présenta une requête devant l’intendant de la province afin de faire respecter ce qu’il considérait comme un droit attaché au statut de conseiller de siège présidial : avoir voix délibérative dans les assemblées municipales. L’intendant lui aurait répondu « de revendiquer voix delibérative à la première assemblée de ville, et que s’il étoit refusé, il recevroit prompte justice en envoyant son placet »169. Capelle présenta sa requête le 11 février 1764. Esquirou de Parieu, premier consul de l’année 1763, refusa de transcrire la revendication sur le registre de l’hôtel de ville et n’y répondit que trois jours plus tard, la tournant en dérision en des termes qui soulignent le peu de considération qu’il avait pour Capelle.
« D’abord le sieur Parieu commence par dire d’un ton méprisant que pour ce qui concerne la réquisition faitte par le sieur Capelle pour etre admis au nombre des conseillers et des vocaux dudit hotel de vile, l’assemblée pourrait se dispenser d’opiner sur cet objet. [...] Le sieur Parieu continue en disant que l’hôtel de ville pourrait se dispenser de faire mettre sur le registre une demande qui n’a rien de fondé, et qui présente un ridicule étonnant de la part dudit sieur Capelle, puisqu’il devoit sçavoir [...] qu’il faut passer pas le consulat pour etre du nombre des vocaux et avoir voix délibérative ».
72Capelle envoya donc un mémoire à l’intendant pour que justice lui fût rendue170. Il fonda sa requête sur l’arrêt du parlement du 5 janvier 1664171 et sur la transaction passée entre les officiers du siège présidial et les consuls, grâce à la médiation de l’intendant d’Auvergne Fortia, dans laquelle « les officiers relachérent quelqu’unes des prérogatives qui leur étoient accordées par le susdit arret, et conserverent neanmoins entre autres choses pour eux tous et pour chacun d’eux, le droit de precéder les consuls en touttes assamblées generales et particulieres ». Le conseiller citait l’article 2 de la transaction pour appuyer son propos :
« En touttes assamblées generalles et particulieres, et ou plusieurs officiers se trouveront en robbe, meme un seul avéc sa robbe les consuls ou le consul cedéront ».
73Capelle en déduisait « que les officiers du présidial en corps, ont chaqun deux en particulier, le droit d’entrer dans touttes les assamblées generalles ou particulieres, qui peuvent se faire dans la ville d’Aurillac, l’arrêt et la transaction leur assurent de maniere inconstestable celuy de préceder les consuls ».
74Il rapportait également une délibération du conseil de ville d’Aurillac du 9 septembre 1739 au cours de laquelle deux conseillers au siège présidial avaient eu voix délibérative alors qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre consul cette année-là172. Capelle en concluait que la « seule qualité de conseiller magistrat au bailliage et siege présidial d’Aurillac acquiert voix délibérative dans touttes les assemblées generalles et particulieres qui se font a l’hotel de ville, et par consequant celuy d’y entrer ».
75Cette affaire, dont nous n’avons pas la solution, est l’expression d’un conflit de personnes et d’autorité, qui montre la fragilité des tentatives de réglementation des pouvoirs des officiers de justice dans l’administration urbaine. Elle n’était qu’un prélude à un différend plus important qui survint en mai 1765, au moment de l’élection des consuls. Les voix se portèrent massivement sur des particuliers, dans une sorte de mouvement de rejet de cette domination des officiers royaux et des praticiens du droit sur la gestion de la cité. Les officiers du présidial, atteints dans leurs droits et privilèges, sortirent de la salle du conseil173. Le nombre de votants ne suffisait alors plus à la tenue de l’élection, poussant les consuls à saisir l’intendant174. Les habitants semblaient montrer un désintérêt croissant pour les élections consulaires. Les résultats paraissant décidés à l’avance, les assemblées électives étaient désertées.
76Intervint alors la réforme du contrôleur général Laverdy175 qui tenta d’uniformiser l’organisation municipale dans tout le royaume176. Une assemblée de notables devait être élue par les principaux corps de la ville, ces notables désignant ensuite librement les conseillers de ville et les échevins. Enfin, le roi conservait seul la désignation d’un maire, choisi sur une liste de trois noms. Dès sa première application à Aurillac, dans l’été 1765177, cette réforme provoqua une mésentente entre le procureur du roi et les administrateurs municipaux au sujet de l’élection des notables et des trois personnes proposées au roi pour la charge de maire178. Le procureur du roi demanda l’annulation de l’élection des notables dont le nombre, fixé à trente-deux, lui paraissait excessif. Il demanda aussi « la nullité du procès verbal [...] contenant la proposition de trois sujets pour en etre nommé un maire par sa majesté et l’élection des quatre échevins »179. Selon les dires du doyen des conseillers, Cortez d’Aulhac, notable représentant les officiers du siège présidial, « le choix des sujets à nommer tant pour la mairie que pour l’échevinage avoit été arrêté dans des assemblées tenues dans des maisons particulières, et notamment chez M. de Fontanges, doyen du chapitre » et chez « le sieur Rivière l’un des notables des marchands »180. Cortez d’Aulhac avait refusé de voter, « croyant son suffrage inutille »181. Sans connaître l’issue de cette opposition, on sait cependant que le maire choisi par le roi fut l’un des sujets proposés, représentant le corps des nobles182. Cette réforme avait incidemment abouti à exclure, temporairement, les officiers du siège présidial de la gestion de la ville. En effet, les trois sujets présentés au roi pour le choix du maire étaient issus de la noblesse183 et aucun officier du siège présidial ne figure parmi les quatre échevins et les six conseillers élus par l’assemblée de notables184. Cette réforme fut abrogée en 1771 sur la décision de l’abbé Terray, contrôleur général185. Le pouvoir royal reconnut l’échec de la réforme Laverdy. Avec celle-ci, il avait espéré « qu’en rendant aux villes et communautés la liberté de se nommer elles-mêmes leurs officiers, [...] les citoyens de tous les ordres se réunissant pour l’avantage commun, ne profiteroient de cette liberté que pour concourir unanimement au bien de leur communauté, et dépouilleroient tout autre intérêt dans le choix des sujets chargés d’y veiller »186. Au lieu des avantages espérés, l’application de cette réforme était devenue « dans toutes les villes une source d’inimitié et de divisions, sur le désir que des gens, souvent incapables, avoient de participer à l’administration, et par la cabale et les brigues qui s’introduisoient dans les élections, et qui donnoient souvent lieu à des procès ruineux pour lesdites villes, retardoient l’expédition de leurs affaires communes, et jetaient le trouble et la confusion dans leur administration »187. Pour cette raison, le roi créait et rétablissait, « dans toutes les villes et bourgs de notre royaume, des officiers municipaux qui, après avoir obtenu » son agrément, « n’étant point redevables de leurs charges aux suffrages des particuliers, et n’ayant plus rien à appréhender de leurs successeurs, en exerceraient] les fonctions sans passions, et avec toute la liberté qui leur est nécessaire pour conserver l’égalité dans la distribution des charges publiques »188. Cet édit fut enregistré dans les registres du corps municipal d’Aurillac lors de l’assemblée du 8 avril 1772189. En août 1773, le lieutenant général du bailliage et siège présidial, Géraud Gabriel Verdier du Barrat, fut nommé maire de la ville et le lieutenant particulier Pagès de Vixouze, lieutenant de maire190. L’administration de la ville se trouvait ainsi de nouveau en grande partie entre les mains des officiers présidiaux.
77L’occupation par les officiers royaux des places de consuls leur donnait l’occasion de s’immiscer dans la gestion de la ville. De cette situation de quasi-monopole, découlèrent des abus multiples, notamment dans des domaines primordiaux pour la vie urbaine : la répartition de la taille et l’exercice des pouvoirs de police.
Les abus dans l’administration urbaine
78Les questions financières et de police municipale sont la clé de toute administration communale et se trouvent donc au centre de nombreux conflits entre les différents pouvoirs en présence. A Aurillac, de la fin du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime, les principaux protagonistes de ces débats étaient l’abbé, les consuls et les officiers du bailliage et siège présidial. Le poids et la position de chacun évoluent selon les matières et les époques. La situation des officiers royaux intéresse plus particulièrement notre propos, les différends dans lesquels leur pouvoir est en jeu faisant l’objet de notre étude. Il est toujours nécessaire de revenir aux règles établies par les trois « paix » de la ville, et surtout par la « Paix Ancienne » de 1280191. Il semble possible de déterminer trois grandes périodes dans cette évolution. La première s’étend de la rédaction de la « Paix Ancienne », en 1280, au retour de l’Auvergne à la Couronne et à l’érection du bailliage des Montagnes d’Auvergne en siège présidial, au milieu du xvième siècle. Cette période correspond à une phase de consolidation du pouvoir royal dans tout le royaume. La deuxième commence au milieu du xvième siècle et s’achève lors de la cession par l’abbé de Saint-Géraud, seigneur de la ville d’Aurillac, de son droit de haute, moyenne et basse justice au roi, en 1748. La troisième et dernière période court de cette date de 1748 aux évènements de 1789.
79Dans le mémoire de 1751, précédemment cité, les habitants d’Aurillac se plaignaient à l’intendant de la province des abus des magistrats présidiaux « dans la nomination au consulat » et déploraient également « leur peu de zèle pour les interests de cette ville et les injustices qu’ils commett[ai]ent dans la repartition des tailles »192, et leurs « abus dans l’exercice de la police »193.
La répartition abusive des tailles
80Dans le mémoire de 1664 rédigé par les consuls contre les officiers présidiaux sur les questions de préséance194, les représentants municipaux estimaient que la protection de « l’intérêt public » leur incombait et considéraient donc devoir protéger les droits du roi et ceux des habitants. Depuis le milieu du xvème siècle, les consuls et l’assemblée générale des habitants d’Aurillac avaient le privilège de pouvoir imposer « sur eulx » (sur les habitants) par décision du conseil général de l’hôtel de ville les sommes qu’ils jugeaient nécessaires aux frais municipaux195. Les consuls et les conseillers de la ville assistaient à la répartition de la taille196. Il paraît nécessaire de rappeler rapidement les évolutions en matière de répartition et de perception des tailles dans la ville d’Aurillac. Il convient également de préciser le rôle des différents pouvoirs de la cité aurillacoise afin de mieux comprendre l’intervention et les abus commis par les officiers du bailliage et siège présidial en cette matière durant la première moitié du xviiième siècle.
Le principe de prélèvement de la taille
81« Cet impôt, le plus connu de l’Ancien Régime, fut d’abord une taxe seigneuriale, levée par le seigneur sur ses censitaires en rachat du service militaire qu’ils n’effectuaient pas, les tâches de défense étant monopole de la noblesse »197. Cette redevance qui prit le nom de taille, terme à l’étymologie incertaine198, fut ensuite bien souvent récupérée par les municipalités. Théoriquement, à partir du xvème siècle, la taille était cependant devenue une « exclusivité royale »199. Cependant, lors de leur émancipation médiévale, les communautés urbaines avaient bien souvent obtenu du souverain lui-même, le droit de prélever sur les habitants les sommes nécessaires au bon fonctionnement de la municipalité. De plus, le roi leur déléguait généralement la répartition et le prélèvement de la taille royale. A partir de la fin du Moyen Age, le vocable « taille » était employé « dans un sens très large pour désigner toute imposition directe levée par une autorité municipale, royale ou princière »200.
82A Aurillac, le premier conflit au sujet du prélèvement de la taille intervint entre l’abbé et les habitants durant la période d’émancipation municipale. L’abbé affirmait être le seul à pouvoir lever cette taxe sur la ville au titre de son droit de seigneurie, face aux consuls qui prétendaient également disposer de ce droit de « temps immémorial »201 ! L’issue de ce conflit se concrétisa par la signature des « paix » de 1280 et 1298 qui donnaient aux consuls le droit de lever des tailles sur les habitants pour l’administration de la cité202. D’après Roger Grand, c’est dans le domaine de la gestion financière que l’administration consulaire d’Aurillac bénéficiait de la plus grande indépendance vis-à-vis du pouvoir seigneurial203. En effet, dès la première « Paix », la question financière fut réglée au profit des consuls :
« Nous voulons et ordonnons que les consuls actuels et futurs puissent et doivent librement établir des tailles communes et les percevoir [...] de leur propre autorité [...] Et nous ne voulons pas que Mgr l’Abbé reçoive aucune plainte d’un contribuable au sujet de la taille qui lui aura été imposée par les consuls et les conseillers jurés. Et les consuls [...] n’auront à rendre raison ni compte à personne, mais seulement entre eux et au conseil spécialement établi à cet effet »204.
83Ces règles ne furent remises en cause qu’au xvième siècle qui vit la mainmise royale sur les finances municipales. Cette taille municipale n’était pas un impôt d’ordre public mais une contribution personnelle de chaque habitant, proportionnelle à sa fortune205. La répartition, la collecte et la mise sur les comptes se réalisaient par quartier206. Excepté quelques membres de l’administration abbatiale207, tous les habitants payaient la taille municipale, sans distinction d’ordre, contrairement au prélèvement de la taille royale, et les consuls eux-mêmes n’en étaient pas exemptés.
84Les prescriptions de la première « Paix » étaient rappelées dans la sentence arbitrale de 1288, confirmée par des lettres patentes de Charles V en 1367208, concédant aux consuls le droit de lever et percevoir des tailles sur les habitants, sans intervention de l’abbé ou de ses officiers, pour « la construction, l’entretien et le rétablissement des murs, portes et fossés de ladite ville, dont la garde leur est commise et autres besoins et nécessités publiques ». Un arrêt du Grand Conseil, qui met fin en 1447 à un procès intenté par les habitants à leurs consuls au sujet de la levée des tailles, rappelle les éléments essentiels de la répartition et perception de cet impôt : « pour l’imposition des tailles, les consuls et conseillers s’adjoindront douze habitants, personnes notables de plusieurs états et métiers dont ils prendront l’avis. [...] pour la répartition de ces tailles, on devra appeler de même six notables »209. Un règlement « pour l’administration du Consulat d’Aurillac » de 1463 se référant aux « anciens usages » permet de connaître avec plus de précision le système de répartition et de perception de cette taille municipale au cours des xivème et xvème siècles210. Les consuls ne pouvaient prélever « aucune taille en ladite ville oultre lesdits deniers du Roy qu’ils ne soient du voulloir et consentement desdits quinze personnaiges211 et apelez avecques eulx d’autres personnaiges et notables gens de ladite ville jusques audit nombre de cens ou plus s’il estoit de nécessité »212. La taille était ensuite répartie par un conseil plus restreint comprenant « deux consuls et quatre conseillers, six personnes desdits quinze desssus nommés et [...] seront esleuz douze personnaiges et deux laboureurs de la paroisse de ladite ville de Notre Dame pour la despartir et esgaller bonnement et loyaument »213. Le rôle était ensuite lu en présence du conseil et des « quinze personnaiges » pour s’assurer que la taille était « bien gérée et despartye »214. Un receveur se chargeait de recouvrer les sommes ainsi réparties entre les habitants, selon la capacité financière de chacun. Cette charge s’adjugeait chaque année, au plus offrant, à condition qu’il fût solvable, qu’il présentât des garanties sous forme de cautions, et qu’il ne fût pas consul215.
85A la fin du xiiième siècle, les habitants d’Aurillac ne payaient que cette taille, impôt communal direct et personnel qui frappait le représentant de chaque feu pour contribuer à l’administration et à la sécurité de la ville. Ce prélèvement était effectué librement par les consuls, sans aucune intervention royale. Au milieu du xivème siècle, la Haute-Auvergne ressentit l’extension du pouvoir royal, notamment lors de l’affirmation de l’autorité du bailli des Montagnes et de ses agents, installés à Aurillac en 1366. Ces derniers exigèrent alors une taxe supplémentaire de la population aurillacoise afin de participer aux frais de fonctionnement de l’administration royale et à la défense du royaume. Elle prit le nom de taille et ses modes de répartition et de perception furent identiques à ceux de la taille communale comme le montrent les délibérations consulaires de la fin du xvème siècle216. La demande de subsides se faisait par l’intermédiaire d’une lettre du roi présentée aux consuls par le bailli.
86Les troubles qui se développèrent dans l’ensemble du royaume en raison du conflit avec l’Angleterre entraînèrent la naissance d’un impôt royal permanent217. Albert Rigaudière constate le « synchronisme évident »218 de l’apparition d’un impôt de défense dans plusieurs villes d’Auvergne et du Velay. En effet, dans les années 1340, le roi autorisa les consuls à prélever quatre deniers par livre sur les denrées et marchandises vendues en ville « pour le fait des guerres que nous avons eues pour la défension de nostre royaume et de tout le peuple d’icelui contre le roy d’Angleterre et plusieurs autres grands prince qui se sont assemblés et alliés contre nous »219. A la même époque, des autorisations similaires furent données aux consuls de Saint-Flour220 et Montferrand221, ainsi qu’à la municipalité du Puy222.
87Mais le roi devait réunir les États Généraux afin que fût autorisée la levée d’un impôt exceptionnel pour les frais de guerre, notamment l’achat et l’entretien des armes223. En qualité de « bonne ville », Aurillac devait participer à ces Etats Généraux durant lesquels était consenti l’impôt royal. Face à la persistance du conflit avec l’Angleterre, la consultation devint annuelle et lors de la réunion tenue à Orléans en novembre 1439, probablement las de s’assembler chaque année, les États Généraux autorisèrent tacitement le roi à renouveler la taille d’année en année par le biais de « l’établissement d’une force militaire permanente à cheval »224. Les troupes ainsi créées par Charles VII devinrent permanentes ; par conséquent, leur financement le devint également. Les articles 43 et 44 du texte du 2 novembre 1439 interdirent à tous les « seigneurs, barons, capitaines ou autres officiers » d’imposer une taille supplémentaire à leurs sujets sans autorisation royale225.
Article 43 : « [...], le roy défend à tous seigneurs, barons, capitaines et autres officiers que doresnavant ils ne mettent aucune creüe, ne outre et pardessus taille du roy, soubz quelque cause ou couleur que ce soit, et sur peine de confiscation de corps et de biens, et spécialement de la seigneurie où ladicte creüe et pardessus aura esté mise sur ladicte taille ».
Article 44 : « [...] Et pour ce que plusieurs mettent tailles sus en leurs terres, sans l’auctorité et congé du roy, [...] le roy prohibe et défend à tous [...] ».
88Malgré cette interdiction théorique des tailles seigneuriales, celles-ci survécurent près d’un siècle encore. Les interventions royales, ponctuelles ou permanentes, se firent plus fréquentes à partir de la deuxième moitié du xivème siècle pour autoriser les consuls à taxer les habitants essentiellement à des fins militaires ou de défense de la ville, liées à la guerre contre l’Angleterre.
89La Haute-Auvergne appartient aux pays d’élection où, comme dans la plupart des provinces du domaine royal, les élus prennent en charge l’administration des impôts à partir du règne de Charles v11226. Jusqu’en 1630 il n’y a, pour l’ensemble de la Haute-Auvergne, qu’une élection dont le siège se trouve dans la ville de Saint-Flour. Les consuls, qui participent à la répartition des tailles pour leur paroisse, doivent déléguer l’un d’eux pour se rendre dans la cité épiscopale afin d’assister au département des tailles. Dès le milieu du xvième siècle, on rencontre des intendants commis au contrôle de l’administration, police, et surtout finance, dans la province d’Auvergne ; le premier d’entre eux semble être Jean Coutel, seigneur d’Artanne, originaire de Saint-Flour, intendant en 1555227. Progressivement, s’établit le principe de répartition suivant de la taille royale : le montant total à prélever dans le royaume est réparti entre les généralités, puis, dans chacune d’elle entre les élections et, au sein de celles-ci, entre les paroisses. A ce dernier niveau, les consuls prennent part à l’établissement du rôle des tailles.
90En dépit de leurs efforts, les officiers du siège présidial ne parvinrent jamais à se faire exempter de la taille. Tout au plus, certains obtinrent-ils, à titre purement individuel, une modération de la taille municipale ; ainsi, en 1641, le procureur du roi Senezergues ou le lieutenant général « en considération de son mérite et de ce qu’ils [les consuls] espèrent que ledict sieur vivra avec le corps de ladicte ville avec intelligence »228.
91En revanche, et au grand dam de leurs contemporains, les officiers des sièges présidiaux étaient ponctuellement exemptés de la taille royale à l’occasion des augmentations de gages. Ce fut le cas en 1635229 et en 1690230 :
« Le présidial fut taxé a 18 000lt qu’on appelloit augmentation de gages au denier 18, qu’on disoit etre héréditaires ; mais on trouva de l’argent a paris, ainsi, moyennant une subrogation aux hazards et fortunes dés subrogés, on en fut quitte pour environ 200lt chaque officier. [...] Moyennant la taxe cy dessus, la compagnie présidiale fut, conformément a l’édit, donnée exempte de taille, et tous autres subsides, et logemens de gens de guerre ; et pour indemniser la ville, le roy diminua la taille cette année de 600lt de pied royal comme l’édit devoit n’etre exécuté qu’au mois de janvier de cette année, les consuls cottisèrent les officiers dud[it] présidial pour le quart de la taille et les deux cinquièmes de l’unstancille cette edit y comprenoit non seulement la compagnie présidiale, mais encor le greffier d’appeaux, et celui des présentations : les consuls ne vouloient pas obéir, et il fallut leur faire des significations en forme, et des lettres de l’intendant de la province, qui leur manda que c’étoit l’intention du roy »231.
92Dans la première moitié du xviiième siècle, les rôles de tailles de la ville d’Aurillac et faubourgs de Saint-Etienne et Saint-Jean du Buis contiennent fréquemment une liste des « exemptés et privilégiés » ainsi que des nobles, exemptés de droit. Dans la première catégorie figurent les chanoines du chapitre Saint-Géraud, les curés et prêtres de la communauté, les prêtres non agrégés à la communauté, les officiers de l’élection et le maître des postes.
93Certains privilégiés ne sont pourtant pas totalement exemptés de la taille, et sont imposés pour certains de leurs biens. C’est en cela que la taille, en principe personnelle à Aurillac et dans les paroisses avoisinantes, est, par certains aspects, une sorte de taille réelle. Mais cette combinaison est en réalité pratiquée dans la plus grande partie du royaume ; il s’agit d’une taille mixte, à la fois réelle et personnelle232. Même s’il possède des biens dans différentes paroisses, chaque particulier paie une seule taille, dans la paroisse où il réside le jour de la saint Rémi, soit le 1er octobre, à la fin des récoltes. Les habitants roturiers des villes non franches, bourgs et villages s’acquittent de ces tailles mixtes « à proportion des biens du taillable, de quelque nature qu’ils soient assis »233. Ainsi, à Aurillac, certaines personnes sont imposées au titre de la taille « en leur nom » mais aussi pour certains de leurs biens234.
94Les règles de répartition et de prélèvement des tailles ainsi établies, il revenait aux consuls de les mettre en application. Les officiers du siège présidial, en accaparant la plupart des charges consulaires, en profitèrent pour commettre quelques abus dans l’administration des tailles qui provoquèrent un véritable tollé.
Les abus des officiers présidiaux
95A différents titres, les officiers du bailliage et siège présidial d’Aurillac ont été amenés à démêler des questions financières, avec plus ou moins de bonheur pour les habitants de la ville. Malmezat souligne leurs actions bénéfiques, en qualité d’agents royaux contrôlant les consuls, au cours des xvième et xviième siècles235. Il s’avère en effet qu’ils jouèrent également, et indéniablement, un rôle important dans l’obtention des modérations du montant de la taille prélevée sur l’ensemble de la ville ou de la Haute-Auvergne. À la fin du xvième siècle, le lieutenant particulier reçut ainsi mission d’implorer, pour la ville d’Aurillac, la clémence de l’assemblée réunie à Saint-Flour pour la répartition des tailles entre les paroisses de Haute-Auvergne, puis celle du « conseiller du roi et général des finances », Maître Assolent. Le fondement de cette requête résidait dans l’appauvrissement que connaissait la ville à la suite de la résidence de compagnies militaires que les seigneurs de Brezons et de Cailliac avaient fait venir au mois de septembre de l’année 1561236. Les officiers du présidial demandaient ces diminutions du montant de la taille dans leur intérêt autant que dans celui des habitants.
96Cependant, en matière de répartition de la taille, certains abus apparurent lorsque les officiers et avocats du ressort occupèrent massivement les places de consuls et de conseillers, principalement au xviiième siècle. En 1751, les habitants se plaignirent auprès de l’intendant des abus commis par les officiers du corps présidial investis de charges municipales, consul ou conseiller, dans la répartition des tailles, qui était selon eux arbitraire, car « [...] il dépend[ait] des consuls d’épargner ou d’accabler ceux qui leur plai[sai]t »237.
97La plainte de 1751 apporte, en cette matière encore, beaucoup de précisions sur le pouvoir des officiers du présidial au sein de la ville et sur les abus commis dans sa mise en oeuvre. Deux comportements abusifs de la part des officiers et avocats revêtus des fonctions de consuls depuis les années 1730 ne peuvent manquer d’être signalés. Dans un premier temps, il apparaît que certains consuls peu scrupuleux organisaient dans l’hôtel de ville des réjouissances nocturnes pendant lesquelles ils donnaient toute liberté à leurs clercs commis à l’établissement des rôles de taille. Ils ont été « assez téméraires » pour « introduire pendant la nuit et dans le temps des impositions, des instruments et des violons pour y former un bal, ou voisins et voisines ont été convoqués et ou plusieurs passants attirés par ce nouveau spectacle ont paru pour avoir part à la fête, laissant à leurs clercs des tailles la liberté de disposer des rolles à leur gré »238. Ce curieux procédé suscita bien évidemment quelques récriminations. Mais celles-ci furent portées à la connaissance des consuls qui n’hésitèrent pas alors à utiliser des moyens très convaincants pour les faire cesser. « En effet, avant la collecte des tailles ont eu dans cette ville la douleur de voir ces consuls à la tête de leurs domestiques, des valets de ville, des huissiers et des cavaliers de maréchaussée aller chez différents particuliers pour imposer silence à leurs plaintes. Et pour mieux y réussir ils firent constituer prisonnière dans les prisons royalles une femme qui n’avoit commis d’autre crime que celuy de se plaindre de l’injustice que l’on avoit pratiqué à son égard dans les impositions. La crainte d’un pareil sort fit aussy tot évanouir les murmures des autres plaignants »239. Ces comportements ne furent pas réprimés par la justice royale car les principaux acteurs de ces exactions occupaient des fonctions au bailliage et siège présidial ou étaient alliés à des officiers de ce siège.
98Le deuxième cas de figure abusif est celui du premier consul qui utilisait son domicile personnel pour les réunions visant à la répartition des tailles. Convoquant les deux autres consuls chez lui, aux dires des Aurillacois peut-être discrètement informés soit par les domestiques, soit par les deux autres consuls peu désireux de subir l’ire populaire et de l’administration royale, il s’y comportait en « maître despotique », obligeant ses deux collègues « à tremper leurs mains dans des injustices » dont il était le seul auteur240. Le seul ? Peut-être pas, car il semble que son épouse s’immisçait dans ces questions et favorisait certains de ses amis. « Madame sollicite pour celuy cy et conjure contre celuy la, devenue l’arbitre et la dispensatrice, elle protège, elle condamne a son gré »241. Ainsi, avoir pour ami un officier du siège présidial paraissait le moyen le plus assuré d’obtenir une modération de la taille. Pour atténuer ces propos tranchés, et peut-être aussi par crainte de représailles, les habitants qui présentaient leur plainte à l’intendant ne citèrent, au nom du respect qu’ils « conserv[ai]ent pour ces officiers », aucun nom, ni plus de détails dans la liste des injustices que ces agents royaux paraissaient leur infliger. Inversement, selon eux, le marchand et l’artisan subissaient en grande partie les caprices des magistrats du roi. « Ont-ils eu malheur de deplaire a quelqu’un de ces officiers, la punition est renvoyée dans les impositions. Un salut, une civilité a leur égard manquée sans attention fait regarder l’habitant comme un insolent qu’il faut réprimer dans la dispensation des tailles [...] »242.
99Cette plainte n’était pas la première et, déjà, l’intendant Rossignol243 avait été informé des « injustices que l’on exerçeoit sur les artisans et les marchands de cette ville »244. L’ordonnance qu’il publia alors pour corriger la situation ne fut jamais suivie d’effet. Une requête anonyme avait ensuite paru contre les officiers du siège présidial, qui avaient rapidement accusé les marchands. Ces derniers clamèrent leur innocence sans succès. Le courroux des officiers se trouva porté à son comble lorsque les marchands tentèrent d’établir une bourse dans la ville. La ville d’Aurillac ne disposant d’aucune juridiction consulaire, les conflits en cette matière étaient jugés par le bailliage des Montagnes245 dont les officiers ne souhaitaient pas perdre ce contentieux ou être concurrencés par une nouvelle juridiction246. Ils n’hésitèrent pas, une fois de plus, à faire « publiquement retentir leurs menaces jusques à déclarer que les marchands le leur payeroient soit dans les impositions ou dans les procès qu’ils pourroient avoir de leur compétence »247. Les plaignants de 1751 sollicitèrent l’appui de l’intendant Peyrenc de Moras pour l’établissement de ce tribunal qui aurait protégé les négociants des abus des « gens de robe et d’affaires », liés entre eux par « une union indissoluble ». « Les lumières des uns, le ministère des autres, leur obtiennent a touts une indulgence pleniere » quant à l’impôt. Les inégalités dans la répartition des tailles de l’année 1751 avaient donné lieu à des plaintes. Les consuls en exercice étaient alors Philippe Fortet, président du siège présidial, premier consul, Hébrard, avocat, deuxième consul, et Deaura, marchand, troisième consul qui ne semblait pas parvenir à faire entendre la voix de ceux qu’ils représentaient. Ne sachant à quel tribunal s’adresser dans la ville, les plaignants envoyèrent leurs doléances à l’intendant. Son subdélégué à Aurillac se trouvait être Cébié qui, malheureusement pour les habitants, était également officier du bailliage et siège présidial. Ils entourèrent donc leur plainte de multiples précautions oratoires destinées à ménager la susceptibilité du subdélégué tout en insistant sur sa position, pour le moins inconfortable :
« Monsieur votre subdélégué qui par sa probité et sa religion merité le premier rang dans cette ville, [...], connoit assés la désolation qui est introduite dans cette ville, il murmure en secret des injustices que ses confreres exercent, contre les marchands et artisans. Mais le rang qu’il tient dans le palais luy a empeché de les devoiler, la crainte qu’il a de deplaire luy meme a ses confreres, l’a sans doute porté malgré luy a leur communiquer les demarches que les opprimés s’avisoient de faire pour se mettre a couvert de la vexation que les officiers exercent dans cette ville ; en sorte que personne n’a osé jusques a aujourd’hui se plaindre par la certitude où l’on etoit que ces officiers en seroient instruits, et que par là l’on étoit inévitablement exposé a leur disgrace »248.
100Peyrenc de Moras, nous l’avons vu, sollicita malgré tout l’avis de son subdélégué. Pour remédier aux inégalités qui semblaient indéniables, il songea dans un premier temps à établir à Aurillac un commissaire d’office249 chargé de cette question, comme il l’avait déjà fait dans d’autres villes. Le subdélégué Cébié admit assez facilement qu’il y avait des abus. Mais la cause en aurait été « la difficulté de parvenir a une connoissance exacte des facultés d’un chacun »250. La désignation de commissaires d’office lui paraissait aussi être une bonne solution. Suivant la sollicitation de l’intendant, il proposa un certain Lalaubie, dont la probité était reconnue, pour remplir cette fonction.
101La mise en place de ce commissaire d’office ne paraît pourtant pas avoir suffi à empêcher tous les abus dans la répartition des tailles, puisqu’un arrêt du conseil d’Etat est intervenu sur cette question le 8 décembre 1785251. Il créait à Aurillac un office de receveur perpétuel des impositions royales dont le rôle était de réaliser la répartition des impositions conjointement avec quatre notables choisis parmi les habitants taillables.
102Etroitement liés, les abus dans la nomination au consulat et dans la répartition des tailles n’étaient pas les seuls excès reprochés aux officiers du siège présidial. La population les accusait également « d’abus dans l’exercice de la police »252.
L’exercice de la police générale, source permanente de conflits
103Sous l’Ancien Régime, le terme « police » désignait, de manière générale, le maintien de l’ordre public253. La police intéressait l’hygiène et la sûreté de la ville, la subsistance de ses habitants et la réglementation des métiers et du commerce. La distinction entre pouvoir administratif et pouvoir judiciaire était quasi-inexistante au Moyen Age et sous l’Ancien Régime. Le pouvoir de police comportait un double aspect, réglementaire et répressif. Son titulaire formulait des règlements et ordonnances dont il assurait lui-même le respect. Il lui incombait de prendre les mesures nécessaires à la sécurité publique. Ce dernier point imposait une surveillance de l’état des murs de la ville tant qu’ils existaient, de l’état des bâtiments et des conditions d’exercice des métiers de la ville, afin de veiller à sa salubrité et sa sécurité.
104Les questions de police étaient donc d’une très grande importance pour la vie quotidienne de toute cité et, à Aurillac, chaque pouvoir semblait y participer. La répartition des compétences en matière de police dans la ville faisait intervenir l’abbé, au moins jusqu’en 1748, les consuls, les officiers du siège présidial et à partir de 1699 le lieutenant général de police254. Cette charge avait été réunie à l’office de lieutenant général par Amable Delort en 1700255. Cette situation accrut le rôle déjà important joué par le siège présidial et ses officiers. En effet, au xviième siècle, ces derniers s’étaient investis dans l’installation puis le difficile maintien de la manufacture de dentelle256. Ils étaient également appelés, par l’intermédiaire de l’intendant de la province, à participer au contrôle du trafic des denrées et, lors des périodes de famines257, au ravitaillement en grain de la Haute-Auvergne. Leur connaissance de la vie économique locale était très utile au roi qui n’hésitait pas à solliciter leur avis sur la qualité des récoltes et la manière de faire payer les fermages dûs en grains258, matières dont les mêmes magistrats avaient ensuite à connaître dans les conflits qui ne manquaient pas de voir le jour concernant le paiement des fermages. Les officiers du siège présidial étaient également chargés de la surveillance de la bonne tenue des registres paroissiaux de leur ressort. Chaque page des registres devait être paraphée par le lieutenant général ou un lieutenant particulier.
105Cette position de contrôle leur donnait une certaine prééminence sur l’abbé et les consuls, eux-aussi détenteurs du pouvoir de police. Cependant, jusqu’à la cession par l’abbé de son droit de justice au roi en 1748, les officiers du siège présidial n’avaient de compétence répressive en matière de police qu’en appel. L’abbé, les consuls et le lieutenant général de police demeuraient seuls compétents en première instance. Un arrêt du parlement de Paris du mois d’août 1706259 ordonne que « pour l’exercice de la police dans ladite ville [...] les officiers dudit Potier abbé d’Aurillac, le lieutenant général de police et lesdits consuls connoistront de la police particuliere de l’execution des ordonnances randues dans les assemblées generalles de police et des contrevantions faites tant auxdites ordonnances qu’à l’exécution des esdits et déclarations du roy arretz et reglemens de la cour concemans la police, recevront les maistres des artz et mestiers lorsqu’il y aura mestrize ou communauté establie par les lettres patentes du Roy registre de la Cour et donneront les permissions de leur bans et theatres publics jouir des violons ou autres instrumens ouvrir boutiques espendre bassins ou enseignes le tout en la maniere acoustumée ». Le même arrêt « ainsy qu’il s’est pratiqué par le passé, a maintenu lesdits officiers du bailliage au droit de possession de connoistre de touts les appellations des jugemens rendus en matière de police, par lesdits officiers dudit Potier abbé d’Aurillac, lieutenant de police et consuls d’Aurillac » et « ordonne que les amendes prononcées et adjugées audit Potier par sentences et jugemens de sesdits officiers luy appartiendront »260.
106Cet arrêt ne mit pas un terme au procès qui, durant plusieurs années, opposa l’abbé d’Aurillac aux consuls de la ville au sujet de la police. Le 8 septembre 1725261, les parties consentirent à une transaction qui reprenait l’arrêt de 1706. En effet, suivant cette transaction, « la police doit être exercée par les officiers du seigneur abbé conjointement avec les consuls moyennant cependant que les premiers présideront aux assemblées de police »262.
107A Aurillac, jusqu’à la cession au roi du droit de justice seigneuriale sur la ville en 1748, les conflits en matière de police ont opposé les consuls à l’abbé. Il convient à présent d’étudier, dans un premier temps, les conflits postérieurs à cette date qui virent s’affronter officiers du siège présidial et consuls et, dans un deuxième temps, ces même officiers aux trésoriers du bureau des finances de Riom.
Les officiers du siège présidial contre les consuls
108Au milieu du xviiième siècle, le conflit entre officiers présidiaux et consuls découle du différend qui, au début du siècle, avait opposé ces derniers à l’abbé. En effet, la transaction de 1725 avait donné la présidence des assemblées de police aux officiers du seigneur-abbé et cette préséance avait à tel point courroucé les consuls qu’ils n’y avaient plus assisté depuis lors263. Puis, le roi réunit la justice seigneuriale de la ville, que l’abbé lui avait vendue en 1748, à celle de ses officiers du bailliage. « En conséquence de cette réunion » ces derniers exercèrent « seuls la police dans leur palais »264. Dans le mémoire de 1751 les consuls protestaient donc contre cette situation, arguant que « le seigneur abbé en se dépouillant de son droit dans la police » ne pouvait « disposer de celuy qui ne luy appartenoit pas ». « Le corps commun n’est-il pas en droit de réclamer l’exécution de l’arrêt de 1706 et de la transaction de 1725 suivant laquelle la police doit être exercée dans l’hôtel de ville par les officiers du seigneur abbé conjointement avec les consuls ? ». Les consuls affirmaient ensuite que « les officiers du bailliage ne tenaient « que la place de ceux du seigneur abbé » et ne pouvaient donc « tout au plus que présider aux assemblées de police » qu’ils devaient « tenir en l’hôtel de ville suivant ladite transaction, et non dans leur palais ».
109Dans cette situation, le premier consul, qui était souvent un conseiller du siège présidial, « craignant de déplaire à son corps [...] oublie les engagements qu’il a contracté de soutenir les interests de la ville [...]. Ses collègues quoyque intéressés à s’opposer à cette usurpation, par la crainte de déplaire aussy à leur premier restent dans un aussy blamable silence et n’oseroient convoquer une assemblée où il fut question de discuter le droit dans la police »265.
110Les habitants considéraient que c’était pour « empêcher l’exécution » de l’arrêt de 1706 et de la transaction de 1725 « et par la crainte que le corps commun ne voulut rentrer dans ses droits » que les officiers du siège présidial « ont jugé à propos de continuer les fonctions consulaires », « le chapperon du consulat » leur ayant « jusqu’à présent maintenu la direction de la police ». Tous les abus dont les officiers du siège présidial étaient accusés en matière de répartition des tailles266 et pour l’exercice de la police trouvaient leur origine dans l’usurpation des places de consul. Les habitants avaient conscience que tant que les officiers de judicature rempliraient tous les ans au moins une des fonctions de consul, les deux autres représentants du corps commun n’oseraient pas s’opposer à lui. Ce mémoire donne donc l’image d’un corps présidial tout puissant dans la cité, qui n’hésitait pas à favoriser certains particuliers :
« Icy ce sont certains particuliers qui quoyque ils ayent formellement contrevenu à leurs ordonnances, trouvent cependant un parfait ménagement parce qu’ils ont le bonheur d’avoir quelqu’un de ces officiers pour protecteur. Là au contraire sont d’autres habitants qui par le deffaut de protection ont le malheur d’être punis avec toute sévérité. Tantôt ce sont des pauvres artisans qui sont condamnés à démolir les hauts vents ou saillies de leur maison »267.
111Les habitants accusaient encore les officiers du siège présidial de mauvaise gestion dans l’entretien de la ville, alors que le pouvoir de police qu’ils avaient accaparé leur imposait cette tâche :
« La fontaine publique depuis longtemps ne fournit plus de l’eau aux habitants, ils ont beau en exposer la nécessité, les dangers des incendies et son utilité, cet élément si nécessaire ne mérite pas les soins de ces officiers, ils s’embarrassent fort peu du murmure des habitants, plus attentifs à l’embellissement qu’aux avantages de cette ville, ils préfèrent l’agréable à l’utile ».
112Face à tous ces abus, les plaignants demandèrent à l’intendant d’« ordonner une assemblée publique ou seraient convoqués touts les vocaux et bourgeois notables a l’exclusion cependant des officiers du bailliage comme parties interessées [...] Le corps commun ranimerait son zèle pour l’intérêt public et réclameroit le droit incontestable que donnent aux consuls dans cet exercice de police, l’arrêt de 1706 et la transaction de 1725 ».
113L’intendant, cependant, refusa de répondre aux contestations des habitants « pour l’exercice de la police », comme n’étant pas « de son ressort ». Il les renvoya devant le parlement ou le conseil. Vingt-cinq ans plus tard, les oppositions n’étaient toujours pas apaisées.
114En effet, les officiers royaux refusaient désormais strictement l’accès des assemblées de police aux consuls. Lors de l’assemblée municipale du 29 juillet 1765, les échevins décidèrent de s’opposer aux prétentions des officiers de judicature et de poursuivre l’exécution de la transaction de 1725 qui maintenait les officiers municipaux dans le droit d’assister aux séances de police268. Deux ans plus tard, l’affaire ne paraissait pas jugée puisque, en 1767, les décisions en matière de police étaient toujours rendues par les officiers du siège présidial. Les audiences étaient présidées par le lieutenant général entouré de plusieurs conseillers, dont le nombre était variable, mais aucun officier municipal n’y participait269.
115Le procès prit fin devant le parlement de Paris par un arrêt rendu le 28 août 1769270. « Les audiences de police seront tenues à l’Hôtel de Ville d’Aurillac par le lieutenant de police qui y présidera et prononcera [...]. Deux officiers du bailliage suivant l’ordre du tableau, et trois officiers municipaux assisteront aux audiences avec le lieutenant de police, [...] lesdits trois officiers municipaux auront voix délibératives » [...]. En cas d’absence ou d’empêchement dudit lieutenant de police un des officiers dudit bailliage suivant l’ordre du tableau présidera [...]. En cas de partage d’opinions il sera appelé un officier du bailliage [...]. Les sentences qui seront rendues seront redigées par le greffier dudit bailliage, et intitulées, extrait des registres de la police ordinaire de la ville d’Aurillac [...]. Les amendes qui seront prononcées seront partagées en trois portions, dont une pour le roi, une autre applicable au proffit de l’hotel Dieu de ladite ville, et l’autre au proffit de l’hotel de ville pour être employé aux réparations dudit hotel de ville ». Il est également ordonné « que les ordonnances et règlements pour la police [...] seront faits et rendus en l’auditoire ou chambre du conseil de ladite ville tant par le lieutenant de police et deux officiers du bailliage que par trois officiers municipaux ».
116Cet arrêt rétablit les règles de 1706 et 1725, donnant une prééminence naturelle au lieutenant de police et une certaine supériorité aux officiers du bailliage qui le suppléaient en son absence. Malgré un certain équilibre entre ces officiers royaux et le pouvoir municipal, le roi surveillait l’exercice de la police municipale par l’intermédiaire de ses agents. Cette situation était encore plus marquée dans certaines villes du royaume comme Angers, où les membres du siège présidial exerçaient la police, « à condition de la faire gratuitement et à tour de rôle, selon l’ordre du tableau »271.
117La consultation du registre des audiences de police de la ville d’Aurillac, conservé pour les années 1769 à 1778 uniquement272, confirme l’application de l’arrêt de 1769 durant cette dizaine d’année au moins. Pendant plusieurs armées l’office de lieutenant général de police resta vacant aux parties casuelles273. Puis, en 1783, le roi accorda au lieutenant général du bailliage et siège présidial la réunion des deux charges274.
118Avant août 1769, alors que le procès opposant les consuls aux officiers présidiaux dans l’exercice de la police urbaine n’était pas encore jugé, cette même matière donnait lieu à un autre conflit entre les juges royaux d’Aurillac et les trésoriers du bureau des finances de Riom.
Les officiers du siège présidial contre les trésoriers du bureau des finances
119À la fin des années 1760, une contestation vit le jour entre les officiers du siège présidial et les trésoriers de France qui revendiquaient les uns contre les autres le droit d’inspection et de police des murs de la ville275. Il s’agissait de savoir à qui appartenait le droit de police et de voirie dans une ville seigneuriale, éloignée de trente lieues de l’établissement du bureau des finances.
120Le caprice d’un trésorier des finances de Riom résidant à Aurillac semble être à l’origine de ce litige. Il s’agissait de Louis-François de Leigonye, qui succédait dans cette charge à son père, François de Leigonye, et à son grand-père, Guillaume de Leigonye276. Les officiers des bureaux des finances avaient une obligation de résider au moins sept mois de l’année dans la ville où siégeait leur juridiction. Pour contourner cette obligation, Louis-François obtint, dans un premier temps, de ses collègues du bureau de Riom, une ordonnance organisant la création à Aurillac d’un tribunal en sa faveur, l’autorisant à « prendre connaissance de toutes les matières de la voierie »277. Le mois suivant, les mêmes trésoriers des finances rendirent une deuxième ordonnance278 qui attribuait à Louis-François de Leigonye « le droit de statuer sur les saillies, clôtures, étaux, rétablissemens des maisons, encoignures, enlèvemens des décombres, terreaux, fumiers, boues, vuidanges, gravoirs, réfection des pavés, canaux de la ville, et permissions d’étaler, pour lesquelles le Général de Leigonye est autorisé à percevoir des droits »279. Les officiers du bureau des finances de Riom motivaient leur ordonnance sur le principe « qu’au Roi seul appartient la seigneurie foncière desdites rues, places & marchés »280. Or, la seigneurie foncière restait entre les mains du seigneur abbé. Le procureur du roi du bailliage et siège présidial d’Aurillac obtint de son siège une ordonnance, le 7 juin 1766, dans laquelle celui-ci se déclarait seul compétent pour connaître en première instance des conflits en matière de police et voierie ainsi que pour octroyer, gratuitement, les permissions d’étaler.
121Leigonye, quant à lui, persévérait dans ses excès, en faisant démolir, sans autorisation, une partie du mur de la ville courant le long de son jardin pour y construire une terrasse et deux cabinets281. Assigné en audience de police par le procureur du roi, Leigonye se vit préciser par les officiers du bailliage, sans doute désireux de souligner leur patience ou leur clémence envers ce trésorier général, qu’il aurait pu être assigné au criminel, sur le fondement de la loi si quis violaverit muros Capite pimitur282. En effet, la permission du roi ou du seigneur était nécessaire pour démolir les murs d’enceinte d’une ville seigneuriale. Une sentence de police de la ville d’Aurillac du 20 juin 1766 le condamna à « reconstruire le mur » et à 150 livres d’amende283. Mais, dans un jugement du 4 juillet suivant284, Leigonye s’en fit « décharger avec éclat [...] par ses propres confrères [...] ».
122Le procureur du roi fit appel de ce dernier jugement devant le parlement de Paris et obtint une nouvelle sentence du siège présidial d’Aurillac, le 12 juillet 1766 ordonnant aux huissiers d’exécuter le jugement rendu contre Leigonye et de faire « visiter » le mur de la ville285. Mais les trésoriers du bureau des finances refusant de reconnaître le parlement comme leur cour supérieure et comme réformateur de leurs décisions, introduisirent une requête devant le conseil du roi. Cette cour ordonna l’exécution des ordonnances du bureau des finances dans un arrêt signifié le 9 août 1766, que le trésorier Leigonye, décidément aussi original que son frère, le chevalier d’honneur, fit afficher dans la ville d’Aurillac, « comme un monument à son triomphe »286. Le procureur du roi du siège présidial s’opposa à l’évocation de son appel devant le conseil.
123Ce conflit de compétence n’était pas encore résolu en 1768, lorsque les officiers du siège présidial demandèrent une consultation à plusieurs avocats parisiens pour lutter contre les prétentions des trésoriers de France du bureau des finances de Riom287. Dans un mémoire très fourni, les avocats basèrent leurs conclusions sur plusieurs décisions interdisant aux trésoriers de France des bureaux des finances de connaître de l’exercice de la voirie dans des villes seigneuriales voisines de celle où ils étaient installés. « Un premier arrêt du 23 janvier 1745, rendu au Conseil a maintenu les officiers de police de Sens dans le droit exclusif de connoître des objets de la Voirie, contre les Trésoriers de France de Paris, par la seule raison qu’il n’y a point de Bureau établi à Sens »288. De plus, ajoutaient-ils, « l’exclusion des trésoriers de France » était « bien plus constante encore dans les villes seigneuriales et éloignées de l’établissement du bureau des Finances : elle a été prononcée au conseil contre les Trésoriers de France de Limoges, qui voulaient exercer la Voierie à Brive, ville seigneuriale éloignée d’environ vingt lieues de Limoges »289. Un arrêt du parlement de Paris enfin, s’était prononcé dans le même sens le 1er septembre 1760 « en faveur de la justice de Gentilly près Paris, contre le bureau des Finances »290. Les avocats parisiens conseillèrent également aux officiers du siège présidial d’Aurillac de solliciter le soutien de l’intendant de la province. Sensible à cette requête, ce dernier demanda au secrétaire d’état chargé de rapporter l’affaire « de faire rendre un arrêt » pour clore ce conflit291.
124L’issue de ce procès demeure inconnue. L’arrêt du mois d’août 1769292 qui règlemente l’exercice de la police urbaine à Aurillac ne fait pas référence à cette affaire. Cependant, une délibération consulaire du 5 mars 1774 indique que « les officiers du bailliage et siège présidial [...] sous le nom du procureur du roy auxdits sièges, étoient en instance au conseil du roy, depuis l’année 1766 avec les officiers du bureau des finances de Riom au sujet du droit de voirie. ». L’arrêt de 1769 n’a donc pas permis d’éteindre la querelle en la matière. En revanche, le conseil du roi semble avoir été jugé compétent pour traiter de cette affaire au détriment du parlement.
125A Aurillac, l’ascension des officiers de judicature dans la vie municipale a trouvé son apogée à la fin du xviième siècle, donc plus tardivement que ce qui a pu être constaté dans d’autres villes où, selon la formule de Bernard Chevalier293, la « trahison des bourgeois », même si elle était annoncée dès le xvième siècle avec l’arrivée de praticiens du droit et de quelques officiers royaux au sein de l’administration municipale, ne s’est concrétisée qu’au xviième siècle. Les magistrats des sièges présidiaux retrouvaient d’une certaine manière les anciens pouvoirs du bailli. Cette participation active à la vie municipale s’est poursuivie pendant la première moitié du xviiième siècle. À compter de cette époque, le monopole des places stratégiques organisé au profit de ces élites judiciaires et les abus qu’il a parfois provoqués poussèrent les bourgeois à réagir. Mais la solidarité des gens de robe leur permit de maintenir leur position dominante. Elle peut aisément être analysée, non seulement comme une réaction de corps, mais aussi comme une manifestation de la solidarité familiale induite par les liens étroitement tissés entre notables locaux. Ce tableau du rôle déterminant des officiers du siège présidial aurillacois dans la vie des institutions urbaines doit être prolongé par l’étude de leur vie sociale, d’ailleurs étroitement liée à celle des auxiliaires de justice.
Notes de bas de page
1 Le monastère de bénédictins fut sécularisé en 1561.
2 Les premières élections apparaissent en même temps que les premières cours des aides. Le terme élection désigne à la fois la juridiction qui juge, en première instance et à charge d’appel devant une cour des aides, les conflits liés aux impôts (taille, aides, etc.), mais également la circonscription soumise à cette juridiction. Les élus étaient dans un premier temps désignés par les États Généraux afin d’assurer la répartition et la levée des subsides accordés par ces assemblées et destinés à payer les gens de guerres. Marion prétend qu’ils existaient déjà sous le règne de Louis IX et qu’ils se trouvèrent régularisés par les États Généraux de 1355. Avec la permanence de l’impôt, les élus deviennent des officiers royaux dont les charges suivent l’évolution patrimoniale des autres offices tout en conservant le nom d’élus. Une élection comprend en général un président, un lieutenant, deux élus et un procureur du roi. (ADC, 27 J 105 p. 27).
3 Voyez supra, p. 21.
4 La Basse-Auvergne comptait treize « bonnes villes » : Clermont, Montferrand, Riom, Billom, Issoire, Saint-Germain-Lembron, Brioude, Ozun, Ebreuil, Aigueperse, Saint-Pourçain, Cusset et Langeac ; la Haute-Auvergne, six : Aurillac, Chaudes-Aigues, Mauriac, Maurs, Saint-Flour et Salers. P.-A. Mazure, L’Auvergne au quatorzième siècle, tableau historique de cette province durant l’invasion anglaise, 1356-1392, Clermont, 1845, p. 60 ; A. RIGAUDIERE, Saint-Flour ville d’Auvergne au bas Moyen-Âge..., p. 608. L’auteur donne un « essai de définition de la bonne ville dans le cadre de la province » dans lequel il indique qu’« il n’est pas un texte qui fasse allusion au nombre d’habitants, ou même au rôle administratif et judiciaire de telle ou telle cité, dans le cadre de la province. [...] Le cas n’est pas douteux pour Aurillac et Montferrand, avec leur tribunal de bailliage -ou pour Clermont avec son officialité- [...] et il est bien des régions, le bailliage de Senlis par exemple, où la notion de bonne ville paraît avoir été intimement liée tant à la permanence qu’à l’importance d’une cour de justice ».
5 G.M. F. Bouange (Mgr), Saint-Géraud d’Aurillac et son illustre abbaye, vol. I et II, Aurillac, 1881 ; E. Joubert, Le Chapitre de Saint-Géraud d’Aurillac (1561-1790), Impr. Moderne, 1975 et L’abbaye bénédictine de Saint-Géraud d’Aurillac, Imprimerie Moderne 1981 ; B. Fourniel, Le chapitre Saint-Géraud d’Aurillac, mai 1561-décembre 1790 : une seigneurie ecclésiastique de l’époque moderne, Mém. de DEA, Histoire du droit et des institutions, Université de Toulouse I-Sciences sociales, 2001.
6 AMA, AA 12 (E DEP 1500 12), copie d’un arrêt du 28 août 1706.
7 Id., 10 septembre 1748 ; ADC, 4 G 88 ; ADPdeD, 1 C 1929, Lettres patentes sur arrêt, du 10 septembre 1748, qui acceptent la cession et abandon faits au roi par le sieur de Barral, abbé comte d’Aurillac, du droit de justice, tant dans la ville, faubourgs et banlieue d’Aurillac, et réunion desdites justices aux bailliages dont ils ressortissent (P.-G. Simon, impr. du Parlement, in-4°, 3 pages).
8 Voyez infra, p. 227.
9 Voir les travaux réalisés sur les officiers « moyens », principalement : M. Cassan (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne. Pouvoir, culture, identité, actes du colloque, Limoges, 11-12 avril 1977, Limoges, Pulim, 1998 ; M. Cassan (dir.), Offices et officiers « moyens » en France à l’époque moderne : profession, culture, Limoges, PULIM, 2004 ; V. Meyzie, Les illusions perdues de la magistrature seconde. Les officiers « moyens » de justice en Limousin et en Périgord (vers 1665-vers 1810), Limoges, PULIM, 2006. F. Consandey (dir.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’ ’Ancien Régime, Paris, Ed. EHESS, 2005, W. Reinhard (dir.), R. Descimon (éd. scientifique), Les élites du pouvoir et la construction de l’état en Europe, PUF, 1996 ; N. Bulst, R. Descimon, A. Guerreau, L ’état ou le roi : les fondations de la modernité monarchique en France, XIVème-XVIIème siècles : table ronde du 25 mai 1991 à l’Ecole normale supérieure, Paris, Ed. Maison des sciences de l’homme, Paris, 1996.
10 J.-L. Harouel, J. Barbey, E. Bournazel, J. Thibaut-Payen, Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, p. 178 ; voyez surtout R. Grand, Les "paix" d’Aurillac, étude et documents sur l’histoire des institutions municipales d’une ville à consulat (XIIème-XVème siècles), Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1945 ; C. Rivain, Notice sur le Consulat et l’administration consulaire d’Aurillac, Aurillac Impr. L. Bouret Picut, 1874, et A.-M. Boisset, La vie municipale à Aurillac de 1360 au début du xvlie siècle, Ecole des chartes, thèse, 1938. Le consulat d’Aurillac est une commune jurée dans la mesure où il y a, à son initiative, une assemblée d’habitants qui jurent de défendre les droits de la ville. AMA, BB 2 (E DEP 1500 23), 1274, « Délibération par laquelle les consuls d’Aurillac, au nom du conseil tout entier et après avis des prud’hommes de la ville, décident par serment que si l’un d’eux ou quelque membre du Conseil, ou même un simple particulier, vient à être cité ou poursuivi pour avoir défendu les franchises et libertés communales, tous les consuls en charge cette année-là devront prendre solidairement ses fait et cause, et poursuivre le procès aux frais de la communauté jusqu’à jugement définitif ».
11 AMA, AA 1 (E DEP 1500 1), F° 16, « Statut et règlement pour l’administration du consulat d’Aurillac », copie de 1512 réalisée à partir de l’original par Jean Palach, lieutenant « second » du bailli des Montagnes d’Auvergne.
12 C’est-à-dire les délégués.
13 AMA, AA 1, (E DEP 1500 1), « Statut et règlement pour l’administration du consulat... », « [...] c’est assavoir deux bailles de la confrerye de Sainct Gérauld, deux bailles de Sainct Jacques, ung baille du corps de Dieu, ung bayle de Sainct Blaise, ung baille de Sainct Martin, ung baille de Notre Dame, ung baille de Sainct Jehan, deux bailles de Sainct Michel, deux nobles ou bourgeoys, deux clercz ou notaires, qui sont quinze personnaiges lesquels tous ensembles après que auront preste le serement en tel cas acoustumé ».
14 24 conseillers sortants et 6 consuls sortants.
15 II y avait deux consuls par quartier. La ville d’Aurillac comprenait trois quartiers : Les Ponts, aussi appelé Saint-Etienne, certainement en raison de la proximité avec le château du même nom ; Aurinques et l’Olmet, situé le long de la Jordanne. L’Olmet tirait son nom d’un ormeau planté sur ses rives, AM A, BB 8 (E DEP 1500 29). Durant la période moderne, on lui donna le nom de quartier des Frères ou des Cordeliers, en raison de l’implantation de cet ordre dans cette partie de la ville.
16 Entre 3 et 12 consuls ; P. Viollet, Les communes françaises au Moyen Âge, Paris, 1900 (Mém. De l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, xxxvi, 2ème partie, 345-503), p. 63 ; il y avait 4 consuls à Brive, Aubusson, Bellac, Saint-Flour, Villefranche-de-Rouergue, 5 à Moulins, 6 au Puy, 8 à Rodez, comprenant 4 consuls pour la cité et 4 pour le bourg, S. Mouysset, op.cit., p. 45.
17 On peut noter qu’en 1555 les nouveaux consuls décident « que pour plusieurs causes et raisons mouvant le conseil de la ville, et affin que les affaires d’icelle en fussent mieulx régies et gouvemeez, avoit esté délibéré en ladite maison en conseil général, que doresnavant l’on feroit ung conseil perpétuel de 12 conseillers que demeureront conseillers leur vie durant et aultres douze qui se feroient annuellement en la manière acoustumée, lesquels conseillers avec les consuls vieulx et nouveaux ou les deux tiers d’iceulx, pourront délibérer et conclure tout, ainsin qu’estoyt pourté par ladite délibération, et ce, soubz le bon plaisir du roy ». AMA, BB 8 (E DEP 1500 29), lundi 2 septembre 1555.
18 ADC, 101 F 5, « Les susdits consuls (de 1583) furent les derniers que l’on créa le premier vendredy de septembre, d’autant que le roy henry 3 par edit ordonna a toutes les villes du royaume de les nommer le premier janvier suivant, et en conséquence d’un arret de la cour des aydes de montferrand a la diligence dudit sieur Moynac, fut dit qu’ils ne seroient faits que le premier janvier tellement que lesdits Tremoulet et autres continuèrent jusques au 1er janvier 1585 ».
19 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 53, « Le sieur de Combes ayant été député à Paris pour les affaires de la ville, il obtint entre autres choses, la réduction des six consuls de la ville à trois, mais cela ne fut exécuté qu’en 1605 ».
20 Ordonnance du mois de mars 1605, AN, X 1 A 8645, 242 v°-243 r°.
21 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 55.
22 Ibid.
23 Cependant, le lieutenant général du Haut Pays introduisit une instance devant le Conseil contre ces élus. Le 16 décembre 1616, un arrêt cassa l’élection de décembre 1615. C. Boisset, op. cit., p. 83. Il semble que ces consuls n’aient pas plu au nouvel abbé, Charles de Noailles, et qu’il ait fait obtenir cette interdiction d’élire plus de trois consuls dans la ville d’Aurillac. ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 58.
24 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 60 ; en 1621 « il fut promis aux habitans par monsieur de Joinville gouverneur, de faire six consuls l’année suivante à cause des [...] troubles » liés aux guerres religieuses ; AMA, BB 14 (E DEP 1500 36), délibération du 29 décembre 1622.
25 A.-M. Boisset, op. cit., p. 89.
26 Id., p. 92 et les listes consulaires AMA, série BB.
27 Frairie : de fratreia, confrérie, oufratria, congrégation, confrérie. C. Du Fresne du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, vol. 3, p. 600.
28 Ibid. En ce qui concerne le vêtement des consuls, on peut noter qu’il s’enrichit à cette même époque. ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 55, année 1606, « Les robes consulaires qui n’étoient parées que de satin, le furent de velours ».
29 AMA, série BB, les registres des délibérations consulaires attestent de la présence du lieutenant général lors des assemblées du conseil de ville, au moins à partir de la fin du xvème siècle, AMA, BB 5 (E DEP 1500 25).
30 J.-F. dubois, op. cit., p. 207.
31 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), lettre du prévôt des marchands et des échevins de Lyon aux consuls d’Aurillac, 31 octobre 1663.
32 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 2. Lettre du maire et des consuls de Périgueux aux consuls d’Aurillac, 10 octobre 1663. « [...] la Bourgeoisie a voulu exclure lesdits officiers presidiaux de la magistrature politique ».
33 L. Bely, « Corps, compagnies, communauté », Dictionnaire de l’Ancien Régime. « Les historiens français se sont longtemps affrontés sur les traits fondamentaux du monde d’Ancien Régime : société d’ordres ou société de classes ? L’importance des corps a été rappelée par les historiens du droit et l’idée d’une « société de corps » s’est peu à peu affirmée ».
34 Ibid.
35 Isambert, op. cit., vol. 13, p. 34-35, « Édit qui déclare les officiers de prévôts, échevins, majeurs et autres officiers de ville, incompatibles avec ceux des bailliages, cours souveraines et autres juridictions, et qui réserve l’élection aux bourgeois et notables », Fontainebleau, octobre 1547, enregistré au parlement de Paris le 28 novembre, préambule : « Comme pour le désir que nous avons de voir les villes de nostre royaume bien policées et gouvernées, et les deniers communs d’icelles tellement administrez, régis et mesnagez, [...] ayons advisé que le mieux que nous pourrions faire en cela, est d’en laisser l’administration aux bourgeois, et notables marchans desdites villes, qui ont cognoissance, soing et cure d’administration des deniers, et qui ne sont si ordinairement occupez et détenus en autres affaires, que nos officiers et ministres de justice : lesquels outre qu’ils ont leur vacation ordinaire au fait de ladite justice, n’ont telle cognoissance et expérience au fait et maniement des deniers, et à les bien mesnager et dispenser que lesdits bourgeois et marchans : nous à ces causes [...] disons, statuons et ordonnons par édict, statut et ordonnance irrévocable, que d’oresnavant nos officiers ès cours souveraines, jurisdictions ordinaires, tant des prévotez que bailliages, séneschaussées, et semblablement des juridictions extraordinaires, [...] et aussi tous advocats et procureurs esdites jurisdictions, ne pourront estre par cy après promeuz en charges ou estats de prévosts, majeurs, eschevins, ou autres estats de ville [...] ».
36 Archives Municipales de Toulouse (désormais AMT) AA 6 pièce 193 et AA 41 pièce 6, Lettres patentes du roi Henri II. Saint-Germain-en-Laye, 15 mars 1549 ; enregistrées au parlement de Toulouse le 16 septembre 1549. Lettres patentes du roi Henri II, Saint-Germain en Laye, 15 mars 1549 ; à l’occasion de l’édit de 1547 interdisant les fonctions municipales aux officiers de justice, avocats et procureurs, les délégués de la ville de Toulouse sont venus représenter au roi les inconvénients particuliers de cette exclusion pour une ville où « affluent et fréquentent grande multitude de peuple de plusieurs et diverses contrées, nations et régions » à cause du parlement, du sénéchal et de l’Université ; les écoliers n’ont crainte des marchands et ne leur portent l’honneur dû à l’etat de capitoul ; il se retire aussi ordinairement en cette ville et aux environs plusieurs vagabonds, voleurs et autres malvivans, descendant des monts Pyrenees et lieux circonvoisins « pour la punition et correction desquels et exercice de la juridiction civile et criminelle est nécessairement requis lesdits capitolz estre personnaiges doctes, scavans et expérimentez aux lettres » ; le roi, sur l’avis du Conseil privé, excepte la ville de Toulouse de l’édit de 1547 et autorise les capitouls sortants à porter chaque année aux élections capitulaires « gens de robe longue, tels qu’ils verront estre les plus ydoines pour l’administration de la justice et chose publique selon l’ancienne coutume ».
37 E. Laurain, Essai sur les Présidiaux, Nouvelle Revue d’Histoire du Droit, année 1894- 1895, p. 523.
38 J. Malmezat, op. cit., p. 190.
39 G. Esquer, Inventaire des archives communales antérieures à 1790, Aurillac, Imprimerie Moderne, 1906, 2 vol.
40 J. Malmezat, op. cit., p. 133.
41 V. Meyzie, op. cit., p. 407.
42 M. Cassan, « Pour une enquête sur les officiers « moyens » de la France moderne », Annales du Midi, vol. 108, janvier-mars 1996, p. 89-112 ; p. 101-102 ; G Saupin (coord.), Le pouvoir urbain dans l’Europe atlantique du xvième au xviième siècle, Colloque international de Nantes, 21 et 22 janvier 2000, Nantes, Ouest Editions, 2002, notamment « Fonctionnalisme urbain et sociologie des corps de ville français (xvième-xviième siècles) », p. 235-258 et p. 240- 242 en particulier.
43 C.-J. de FERRIERE, Dictionnaire..., vol. 2 p. 345.
44 A. de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, 7ème éd. 1866, Paris, p. 141.
45 C.-J. de Ferriere, op. cit., vol. 2, p. 346.
46 « La place du cérémonial dans la société rendait nécessaire la tenue de registres ou de journaux qui servaient de référence. Les cérémonies elles-mêmes étaient l’objet de publications qui tantôt expliquaient le programme des réjouissances, tantôt en faisaient le récit détaillé pour en fixer la mémoire. Mais le besoin se faisait également sentir de textes normatifs. Dès 1548, Henri II avaient demandé à Jean du Tillet, greffier civil du Parlement de Paris, un recueil touchant les rangs et les « séances » des Grands du royaume [...]. En 1585, Henri III instituait la charge de Grand maître des cérémonies de France [...]. Au XVIIème siècle, le travail des Godefroy s’inscrivit dans cet effort pour clarifier, fixer et ordonner le cérémonial. Ce fut le cas de l’œuvre de Théodore Godefroy, publiée dès 1619 : Le cérémonial français ». L. bely, « Cérémonies publiques, cérémonial », in Dictionnaire de l’Ancien Régime, p. 221-223.
47 J.-F. Solnon, « Hiérarchie et mobilité sociales », in Dictionnaire de l’Ancien Régime, L. Bely (dir.), p. 636.
48 II vaut peut-être de rappeler qu’initialement le terme est réservé aux célébrations religieuses. Ce n’est qu’à partir du xivème siècle environ, qu’il est utilisé pour les fêtes profanes. Trésor de la langue française, article « cérémonie ».
49 L. Jovet, La Bibliothèque des arrests de tous les parlemens de France, A Paris : chez Guilleaume de Luynes, 1669, p. 94.
50 J. Domat, Les Loix civiles selon leur ordre naturel, ... liv. 1, tit. 9, sect. 3.
51 Isambert, op. cit., vol. 13, p. 34-35, « Édit qui déclare les officiers de prévôts, échevins, majeurs et autres officiers de ville, incompatibles avec ceux des bailliages, cours souveraines et autres juridictions, et qui réserve l’élection aux bourgeois et notables », Fontainebleau, octobre 1547, enregistré au Parlement de Paris le 28 novembre, préambule.
52 Voyez supra, p. 165.
53 Isambert, vol. 13, p. 483, « Édit qui règle l’ordre de préséance dans les assemblées publiques entre les cours de justice et les officiers municipaux », Villers-Cotterêts, avril 1557, enregistré au Parlement de Paris le 11 mai 1557. « [...] notredite cour de parlement ira et marchera la première, et après elle, immédiatement ira et marchera notre chambre des comptes ; et après ladite chambre, ira et marchera notredite cour des aides ; et après la chambre de nos monnoyes, et après elle le prévot de Paris et officiers du châtelet, et après eux le prévot des marchands, échevins et officiers de notredite ville de Paris, chacun à part et séparément sans que l’une coustoye ni puisse coustoyer l’autre, ne se aucunement mêler ».
54 D. Jousse, Traité de la jurisdiction des présidiaux..., p. 365-366.
55 F.-J. Chasles, Dictionnaire universel, chronologique et historique de Justice, Police, et Finances, Paris, 1725, vol. 2, p. 758 et s. Édit du mois de mai 1559, enregistré le 5 juin 1559, Paris.
56 Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéftciale, vol. 13, Paris, 1784, p. 467.
57 D. Jousse, Traité de la jurisdiction des présidiaux..., p. 366. Le 7 avril 1564 un arrêt est rendu en faveur des officiers du présidial de Bordeaux contres les maires et jurats de cette ville (Joli, op. cit., vol. 2, p. 1849.) ; le 8 juin 1581 faveur est donnée aux officiers du présidial de Tulle contre les Maire et consuls de cette ville (ibid.). Le 11 mars 1609, un arrêt est rendu en faveur des officiers du présidial de Toulouse contre les Capitouls (ibid.), confirmé par arrêt du conseil du 19 décembre de la même année, rapporté par Chenu, t. 2, p. 1097. Un arrêt du Parlement de Paris, du 16 mars 1598, est rendu en faveur des officiers du présidial d’Amiens contre les maires et échevins de ladite ville (Chenu, vol. 1, tit. 32, chap. 172) ; Arrêt du Parlement de Paris du 11 février 1606 en faveur des officiers du présidial de Chaumont en Bassigny contre les Maire & Echevins de la même ville (id., vol. 2 p. 1099) Arrêt du Conseil du 3 mai 1699 en faveur des officiers du Présidial d’Auxerre contre les maire & échevins de la même ville, (rapporté dans le Recueil des Arrêts d’Augeard, vol. 1) qui porte que « dans les processions & cérémonies publiques les Officiers du Présidial & ceux de l’Hôtel de ville marcheront sur deux lignes, sçavoir les officiers du présidial toujours à droite, & ceux de l’Hôtel de ville toujours à gauche, sans se croiser ni s’entrecouper ». (voyez aussi l’article 13 de la Déclaration du 19 août 1702 & l’article 37 de l’édit du mois de décembre 1706 servant de règlement pour les rangs des maires et échevins).
58 D. Jousse, op.cit., p. 367, « ainsi jugé pour Rennes, par arrêt du Parlement de Bretagne du 18 décembre 1637 confirmé par arrêt du conseil du 3 mai 1639 ».
59 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac ».
60 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 5.
61 C. Blanquie, Les présidiaux de Richelieu : justice et vénalité, 1630-1642, Paris, 2000, p. 4.
62 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 5, mémoire des consuls contre les officiers du siège présidial, manuscrit, s. d. (vers 1664).
63 Voyez supra, p. 87.
64 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 5, mémoire des consuls contre les officiers du siège présidial, manuscrit, s. d. (vers 1664) : « [...] jusques en 1611 les consuls ont [...] precedé les officiers du presidial tant en general qu’en particulier, a l’exception du lieutenant general seul parce qu’il preside en tout lesdits consuls ».
65 AMA, BB 14, (E DEP 1500 36), principalement.
66 AMA, FF 54, (E DEP 1500 184).
67 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac ».
68 Id., p. 56.
69 Ibid.
70 BNF, fonds français, ms 16525, F° 149, « Règlement entre les officiers du siège royal et les consuls d’Aurillac », 12 décembre 1611. Il est regrettable que manquent les registres de délibérations consulaires de l’année 1611.
71 F. Olivier-Martin, L’administration provinciale à la fin de l’Ancien Régime, Paris, éd. Loysel. 1988, p. 145, « L’intendant réglait par provision les conflits de préséance entre le tribunal et la municipalité. Les conflits étaient fréquents autrefois ; ainsi le clergé était quelques fois obligé de faire des processions différentes, les unes, pour les membres des tribunaux, les autres, pour la municipalité ; car personne ne voulait marcher au second rang dans la procession. L’intendant de Soissons, en 1683, décide que dans les cérémonies publiques le présidial sortirait du chœur par la droite et le corps de ville par la gauche afin qu’il n’y ait pas de conflits à cet égard ». Précisons que cette décision est postérieure à l’ordonnance de Génicourt rendue pour Aurillac.
72 Il faut rappeler qu’en France, la première place est à main droite. L. Bely (dir.), Dictionnaire..., article « Préséances », p. 1010. La date du 22 décembre utilisée par Malmezat est celle de la signification de l’ordonnance aux officiers du présidial.
73 BNF, fonds français, ms 16525, F° 149, « Règlement entre les officiers du siège royal et les consuls d’Aurillac », 12 décembre 1611 ; « [...] ordonnons que la conduite d’un [blanc] gouverneur baillif président et lieutenant général appartiendra auxdits sieurs consuls, qu’aux enterrements des sieurs gouverneurs et lieutenants généraux au bailliage lesdits sieurs consuls tiendront les cordons du drap mortuaire a la main droite et lesdits sieurs du présidial ceulx de la main gauche, et réciproquement aux enterrements des sieurs baillis et présidents lesdits sieurs du présidial tiendront les cordons à la main droite et lesdits sieurs consuls ceulx de la main gauche, et au cas que les deux qualités de gouverneur et de baillif, ou de président et de lieutenant général se rencontreraient en une même personne lesdits consuls tiendroient la main droite et lesdits sieurs du présidial la main gauche ».
74 Ibid., « Aux processions lesdits sieurs présidents et lieutenant général marcheront l’un premier comme d’ancienneté et après eux immédiatement lesdits consuls ».
75 Ibid.
76 AMA, BB 14 (E DEP 1500 36), assemblée du 18 juin 1629, F° 93 v°.
77 Ibid.
78 Id., assemblée du 17 mai 1630, F° 154 r°.
79 Id., arrêt cité lors de l’assemblée générale de l’hôtel de ville du 28 décembre 1633, F° 199 v°.
80 Id., délibération du 28 décembre 1633.
81 J. Malmezat, op. cit., p. 229.
82 AMA, BB 14 (E DEP 1500 36), F° 213 v°, assemblée du lundi 3 décembre 1635.
83 Id., F° 220 r°, assemblée générale du 3 mars 1636.
84 AMA, BB 16, (E DEP 1500 38), assemblée générale du 4 juin 1660, F° 60 v°.
85 Ibid., assemblée générale du 28 avril 1664, F° 90 r°. « [...] lesdits consuls depuis l’an 1660 [...] estaient du corps du pré[sidi]al [...]. De plus [...] lesdits officiers pré[sidi]aulx sont pour la plus part proches parents ou alliés entre eulx et [...] par la faveur et support qu’ils se portent les uns aux aultres les crimes commis par leurs proches et mesmes par quelques uns de leur corps demeurent impunis, ou du moins leur donnent lieu d’esviter la punition qui leur est deüe par des faulsses informa[ti]ons toutes palliees et changees ce qui est souvant arrivé en ceste ville despuis quelques annes au grand escandalle du public qui attandoit avec justice le chastiment de telles violances [...] ».
86 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184). Il faut cependant évoquer le différend qui, dans les années 1645, oppose les consuls au procureur du roi Guillaume de Senezergues auquel se joignent les officiers du présidial au sujet du rang que celui-ci voulait tenir dans les assemblées publiques du conseil de ville. Voyez infra p. 178.
87 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), 26 mars 1662.
88 Ibid., cités dans un arrêt du conseil du roi, juillet 1664.
89 AM A, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 2, lettres des consuls de Périgueux aux consuls d’Aurillac, 10 octobre 1663.
90 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 2.
91 Un accord avait été conclu en décembre 1436, aux termes duquel la communauté des prêtres, en leur qualité de desservants de l’église paroissiale, reconnaissait « que les habitants et les consuls d’Aurillac [étaient] les fondateurs et les vrais patrons, protecteurs et défenseurs de ladite église ». AMA, FF 31 (E DEP 1500 161).
92 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 3, lettre des consuls de Tours aux consuls d’Aurillac du 24 octobre 1663.
93 Ibid., pièce n° 4, lettre des consuls de Lyon aux consuls d’Aurillac du 31 octobre 1663.
94 J.-F. Dubois, « La sénéchaussée siège présidial d’Auch... ». On peut signaler cependant que les querelles existant entre les officiers royaux et l’archevêque s’étendaient parfois aux membres du corps municipal. D’après une délibération de la jurade de la ville, en 1649, les magistrats présidiaux ont voulu humilier les consuls au cours d’une procession pour la Saint-Orens. Anonyme, « Une délibération de la jurade d’Auch, du 4 juin 1649 », Revue de Gascogne, 1872, vol. 12, p. 133. Mais il ne s’agissait pas d’une question de préséance. Il y avait des conflits de préséance entre les officiers du présidial et les chanoines du chapitre dans cette ville. Le pouvoir de l’archevêque et du chapitre étaient plus important que celui des magistrats municipaux.
95 Ils furent aussi condamnés à payer une amende de 75 livres tournois à verser pour moitié au roi et l’autre aux magistrats, ainsi qu’aux dépens.
96 Copie de l’arrêt du 5 janvier 1664 dans les « Annales d’Aurillac », ADC, 101 F 5, p. 82. Exemplaire imprimé, BCIU Clermont, A 11169.
97 Le temps des conflits opposant le seigneur-abbé à la communauté d’habitants semble alors bien loin !
98 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 7.
99 Ibid., pièce n° 6.
100 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 7, arrêt du Conseil privé du roi du 25 janvier 1664.
101 Ibid., pièce n° 9, arrêt du Conseil privé du roi du 15 février 1664.
102 AMA, BB 10 (E DEP 1500 31), délibération du 17 septembre 1664.
103 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), plusieurs copies de la transaction.
104 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), transaction du 20 septembre 1664.
105 Ibid.
106 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 84.
107 AMA, BB 29 (E DEP 1500 57), assemblée du 16 mars 1722.
108 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 89.
109 AMA, BB 15 (E DEP 1500 37), F° 122 r°, assemblée générale du 15 décembre 1645.
110 AMA, BB 16 (E DEP 1500 38), élection des conseillers le 14 janvier 1661.
111 Ibid., assemblée générale du 21 janvier 1661.
112 ADC, 3 E 79 42, F° 134 r°. Transaction passée entre les consuls et le procureur du roi le 28 décembre 1668.
113 Il assiste aussi aux assemblées des prévôtés, article 2 de la transaction du 28 décembre 1668.
114 Isambert, op. cit., vol. 12, p. 509. Edit de Crémieu, 19 juin 1536, art. 27. Ce droit a été utilisé par tous les lieutenants généraux du bailliage des Montagnes d’Auvergne. En 1546, Géraud de Saint-Mamet y assistait régulièrement. AMA, BB 7 (E DEP 1500 28).
115 S. Soleil, op. cit., p. 207-208.
116 A.-M. Boisset, op. cit., annexe « liste des consuls d’Aurillac de 1360 à 1610 ».
117 P. Guignet, « Municipalités », Dictionnaire de l’Ancien Régime, L. Bely (dir.). Le phénomène a été constaté par S. Mouysset à Rodez. « [...] les quarante premières années du XVIème siècle reflètent une distribution traditionnelle du consulat à forte proportion marchande [...] ». Vient ensuite une période d’« irrésistible ascension des gens de justice ». S. Mouysset, op. cit., p. 95.
118 Les Paix de la ville. Voyez supra, introduction générale p. 21.
119 A la fin du Moyen Âge, la chancellerie royale prend l’habitude d’englober sous l’expression « bonnes villes » l’ensemble des communes, villes de consulat et villes simplement franche. P. Guignet, « Municipalités », Dictionnaire de l’Ancien Régime, L. Bely (dir.).
120 Ce que B. Chevalier appelle l’« âge d’or des la conciliation ». B. Chevalier, Les bonnes villes de France du xive au xvie siècle, Paris, 1982.
121 Isambert, op. cit., vol. 14, art. 363, p. 461, « Nous voulons que toutes eslections des prévosts des marchands, maires, eschevins, capitouls, jurats, consuls, conseillers et gouverneurs des villes se fassent librement ; et que ceux qui par autres voyes entreront en telles charges, en soient ostez et leurs noms rayez des registres ».
122 A la fin du xviième siècle, l’intendant d’Ormesson mettait au premier rang des manufactures celle des points de France située à Aurillac et dans les environs qui aurait consommé jusqu’à 60 000 et 70 000 livres pour payer leurs ouvriers lorsque cette dentelle était à la mode. Mais depuis qu’elle ne l’était plus, les salaires n’atteignaient pas 30 000 livres. Adc, 8 BIB 18910, Lefevre d’Ormesson, Etat de la France. Extrait du mémoire de la province d’Auvergne ou généralité de Riom, 1697, p. 168.
123 AM A, BB 17 (E DEP 1500 39), assemblée du 27 décembre 1670.
124 En janvier 1708, Louis Cortès, avocat, est désigné par l’intendant [AMA, BB 19 (E DEP 1500 44)], élection des consuls le 12 janvier 1708 ; en octobre 1727, Raymond Destanne, avocat, est élu premier consul à la place de Textoris de Pouzols, déchargé de sa fonction par ordonnance de l’intendant [AMA, BB 20 (E DEP 1500 46), assemblée du 12 octobre 1727] ; en 1718, l’élection des consuls donna lieu à une nouvelle intervention de l’intendant. Par une ordonnance du 1er mars, il demanda à l’assemblée « si elle veut maintenir les consuls élus le 8 janvier, ou élire les sieurs Boschatel, Peitavy et Laporte aîné, nommés d’office par ladite ordonnance ». Après délibération, l’assemblée s’en remet à l’avis de l’intendant, [AMA, BB 19 (E DEP 1500 44), Assemblée générale du 3 mars 1718].
125 V. Meyzie, op. cit., p. 409-419, de 1630 à 1789 les officiers du siège présidial étaient toujours représentés en plus grand nombre que les autres professions ou états dans les consulats de Limoges et de Périgueux.
126 S. Mouysset, op cit., p. 104.
127 Isambert, op. cit., vol. 13, p. 34-35, « Édit qui déclare les officiers de prévôts, échevins, majeurs et autres officiers de ville, incompatibles avec ceux des bailliages, cours souveraines et autres juridictions, et qui réserve l’élection aux bourgeois et notables », Fontainebleau, octobre 1547, enregistré au Parlement de Paris le 28 novembre.
128 Isambert, ibid. préambule de l’édit.
129 A.-M. Boisset, op. cit., annexe « liste des consuls d’Aurillac de 1360 à 1610 ».
130 J. Malmezat, op. cit., p. 135.
131 AMA, BB 14 (E DEP 1500 36), assemblée générale du 28 décembre 1618.
132 Voyez supra, p. 181.
133 Ibid.
134 Ibid.
135 J. hautebert, op. cit., p. 21 « Comme dans d’autres villes du royaume, le siège présidial a développé des relations privilégiées avec le corps de ville, en fournissant une bonne partie de ses membres et de ses maires ».
136 M. Bordes, Les institutions municipales d’Auch au XVIIIe siècle, Bulletin de la Société Archéologique Historique du Gers, 1964, p. 16. Arrêt du Conseil du 15 juin 1759.
137 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184).
138 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 100.
139 Id, p. 102.
140 Id, p. 104.
141 Ibid.
142 Id, p. 128.
143 AMA, AA 2 (E DEP 1500 2). Isambert, op. cit., vol. 20, p. 158, « Édit portant création de maires et assesseurs en chaque ville et communauté du royaume, à l’exception de Paris et Lyon », Versailles, août 1692. « [...] établissons en titre d’office formé et héréditaire en chacune ville et communauté de notre royaume et pays, terres et seigneuries de notre obéissance, un notre conseiller maire de la ville et communauté, à l’exception de notre bonne ville de Paris et de celle de Lyon, où les prévôts des marchands seront nommés en la manière accoutumée ».
144 ADPdeD, 1 C 7086, pièce n° 3, référence à un arrêt du conseil d’État du 1er février 1695.
145 Isambert, op. cit., vol. 20, p. 410, « Édit portant création de lieutenant de prévôt des marchands à Paris et à Lyon, et d’assesseurs des maires dans les maisons consulaires », Versailles, mai 1702.
146 Isambert, op. cit., vol. 20, p. 492, « Édit portant création d’un maire perpétuel et d’un lieutenant de maire, alternatifs et triennaux dans chaque ville », Versailles, décembre 1706.
147 AM A, BB 19 (E DEP 1500 44), 21 octobre 1705.
148 Isambert, op. cit., vol. 20, p. 637, « Édit portant suppression des offices de maires, lieutenans de maires, etc. et rétablissement des dits offices pour être élus comme par le passé », Fontainebleau, septembre 1714, préambule.
149 Ibid.
150 Isambert, op. cit., vol. 20, p. 637, « Édit portant suppression des offices de maires, lieutenans de maires, etc. et rétablissement des dits offices pour être élus comme par le passé », Fontainebleau, septembre 1714, préambule.
151 AMA, BB 19 (E DEP 1500 44), assemblée du 11 janvier 1715.
152 ADPdeD, 1 C 7086, pièce n° 3, lettre d’Isaac Delort, lieutenant général au siège présidial d’Aurillac à l’intendant pour réclamer le paiement des 60 livres de gages assignés et prenables sur les deniers patrimoniaux et d’octroi de la ville qui étaient attachés à l’office de maire perpétuel.
153 Isambert, op. cit., vol. 20, p. 158, « Édit portant création de maires et assesseurs en chaque ville et communauté du royaume, à l’exception de Paris et Lyon », Versailles, août 1692.
154 Peyrenc de Moras (1750-1752).
155 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4. Cette plainte de 1751, présentée à l’intendant d’Auvergne par les habitants d’Aurillac, [trente-huit signatures figurent à la fin] présente trois types d’abus importants commis par les officiers du siège présidial : en matière de nomination au consulat, ce qui est examiné dans ces lignes, mais aussi dans la répartition des tailles et en matière de police, thèmes qui seront abordés plus loin dans ce chapitre. Cette affaire est très intéressante pour appréhender la position sociale et le pouvoir des officiers présidiaux dans la ville.
156 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4.
157 Dont un orfèvre.
158 « Pourroit-on penser et le croirait ! Qu’un pretre docteur de Sorbonne, dignitaire du chapitre St Géraud de cette ville ait été forcé en qualité de conseiller clerc de souscrire au traitté entre eux passé, et que le corps commun obligé d’oublier les privileges qu’accordent les institutions canoniques, n’ait pu s’empecher d’accorder a un pretre son suffrage pour le consulat ». ADPdP, 1 C 7087, id.
159 ADPdP, 1 C 7087, pièce n° 5.
160 ADPdP, 1 C 7087, pièce n° 7.
161 Ibid.
162 Ibid.
163 Ibid.
164 Ibid.
165 ADPdP, 1 C 7087, pièce n° 9, lettre du subdélégué à l’intendant, 8 octobre 1751.
166 Ibid.
167 AMA, BB 23 (E DEP 1500 51), F° 51 r°, « extrait des registres du conseil d’État », arrêt du 22 novembre 1759, enregistré au greffe de l’hôtel de ville d’Aurillac le 7 décembre 1759.
168 ADPdeD, 1 C 7087, n° 18. « Requête d’Antoine François Capelle, conseiller du roi aux Bailliage et siège présidial d’Aurillac, reçu au parlement au mois de juillet 1758, à l’intendant d’Auvergne. 6 mars 1764 ».
169 Ibid.
170 ADPdeD, 1 C 7087, n° 18.
171 Voyez supra, p. 174, « qui maintient, et garde les officiers du Baillage et siége presidial de la ville d’Aurillac en la possession et jouissance de preceder les Consuls de ladite ville en toutes les assemblées publiques, et particulieres ».
172 ADPdeD, 1 C 7087, n° 18. « Par une délibération de l’hôtel de ville d’Aurillac du 9 9bre 1739 duement expediée, il est prouvé que Mr Capelle de Longuecamp vivant conseiller aux Ba[illi]age et siège présidial de lad[i]te ville auquel le suppliant appartient par le lien du sang, et Mr Verdier de Puicastel alors conseiller, et a presant lieutenant general au meme siege eurent voix deliberative dans l’assemblée du meme jour ; quoiqu’ils n’eussent jamais été consuls, et qu’ils ne Payent été, sçavoir Mr Verdier, qu’en l’année 1741, et Mr Capelle en 1744 ».
173 AMA, BB 23 (E DEP 1500 51), F° 132 r°, assemblée du 18 mai 1765.
174 Id., F° 135 r°, assemblée du 20 mai 1765.
175 Edits d’août 1764 et mai 1765.
176 Seule la taille de la ville influe sur le nombre de représentants. Voyez M. Bordes, La réforme municipale du contrôleur général Laverdy et son application (1764-1771), Toulouse, Association des publications de la Faculté des lettres et sciences de Toulouse, 1968. L’application de cette réforme « ne va pas [...] sans soulever les mêmes questions de préséance et de répartition du pouvoir qu’auparavant », P. Bonin, Bourgeois, bougeoisie et habitanage dans les villes du Languedoc sous l’Ancien Régime, thèse histoire du droit, Paris II, 2000, p. 778-779.
177 L’application de cette réforme n’a pas été immédiate dans tout le royaume. Ainsi, à Dax, elle ne fut mise en place qu’en février 1768, voyez J. Pontet, « Officiers et corps de ville à Dax au XVIIIème siècle », dans Les officiers « moyens » à l’époque moderne, M. Cassan (dir.), PULIM, 1998, p. 115 et s.
178 AMA, BB 23 (E DEP 1500 51) F° 162 r°-165 v°, assemblée du 1er août 1765.
179 179Id., F° 163 v°.
180 Id., F° 141 r°, assemblée du 19 juillet 1765.
181 Ibid.
182 II s’agissait de Pierre de Passefons, représentant du corps des nobles. Mort quelques mois plus tard, il fallut procéder à son remplacement. AMA, BB 24 (E DEP 1500 52), décembre 1765.
183 AMA, BB 23 (E DEP 1500 51), F° 140 r°, assemblée du 19 juillet 1765.
184 Deux avocats, un marchand et un orfèvre constituaient le corps des échevins ; un prieur, un noble, un avocat, un médecin, un marchand et un procureur postulant composaient le corps des conseillers.
185 Isambert, op. cit., vol. 22, p. 539, « Édit portant rétablissement, dans chacune des villes et communautés où il y a corps municipal, d’offices de conseillers, maires, lieutenant de maires, secrétaires, greffiers, conseillers, échevins, jurats, consuls, capitouls et assesseurs », Fontainebleau, novembre 1771.
186 Ibid., préambule de l’édit.
187 Isambert, op. cit., vol. 22, p. 539, « Édit portant rétablissement, dans chacune des villes et communautés où il y a corps municipal, d’offices de conseillers, maires, lieutenant de maires, secrétaires, greffiers, conseillers, échevins, jurats, consuls, capitouls et assesseurs », Fontainebleau, novembre 1771, préambule de l’édit.
188 Ibid.
189 AMA, BB 25 (E DEP 1500 53), F0 50, assemblée du 8 avril 1772.
190 AMA, BB 26 (E DEP 1500 54), F° 65, assemblée du 12 août 1773. Le corps des échevins était composé d’un conseiller de l’élection, d’un avocat, d’un notaire et d’un procureur postulant.
191 Voyez supra, introduction générale, p. 21.
192 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4.
193 Ibid.
194 AMA, FF 54 (E DEP 1500 184), pièce n° 5.
195 C. Grimmer, Vivre à Aurillac au xviiième siècle, p. 64. « En 1463, on précise qu’avant d’imposer, les consuls et conseillers doivent prendre l’avis de cent notables pour despartir et esgaller bonnement et loyalement entre tous les contributions, le fort portant le faible ».
196 AMA, CC 2 (E DEP 1500 63), « Ordonnance de Charles VII concernant l’imposition des tailles », 14 septembre 1447. Les consuls et les conseillers d’Aurillac assistent à la répartition de la taille et autres impositions.
197 L. Bely (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, M. Touzery, « Taille », p. 1200.
198 Le mot taille pourrait venir du latin médiéval tallia, couper ou tolta de tollere, enlever, prendre.
199 L. Bely (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, M. Touzery, « Taille », p. 1200.
200 R. Fedou (dir.), Lexique historique du Moyen Age, Armand Colin, 1995, p. 154.
201 R. grand, Les Paix d’Aurillac, p. 56-57.
202 R. grand, Les Paix d’Aurillac, p. CLVI
203 Id., p. CL.
204 Id., p. cli, transcription de la première Paix, 1280, p. 40-41, article ix : « Item, dicimus et arbitrando pronunciamus quod consules dicte ville de Aureliaco qui minc sunt et qui pro tempore fuerint, possint et debant libere comunes tallias facere et per se levare ; et quod, auctoritate propria, sit eis licitum ad solvendum dictas tallias compellere renitentes, nec contra inpositam talliam factam per consules et juratos consiliarios vel compulsionem factam pro dicta tallia levanda per consules supradictos dominus abbas vel ejus curia quemquam audiant super hoc querelantem. Neque dicti consules de talliis qui fient, ut dictum est, ab eisdem, nisi inter se et ville consilio ed hoc specialiter deputato habeant reddere rationem ». AMA, AA 4 (E DEP 1500 4), sentence arbitrale, première Paix, rendue le 15 juillet 1280 par Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse, entre Guillaume, abbé d’Aurillac, et Durand Roland, Durand Delpon, Mathieu Brun, Pierre Delborn et Vital Fabre, consuls.
205 R. GRAND, op. cit., p. CLI.
206 Id., p. LX, CLI.
207 Id., p. CLII. Le baile, les messagers, les « trotteurs », les cuisiniers de l’abbé, son meunier du Moulin-Neuf, près de la porte Saint-Etienne, le cuisinier du camérier, le meunier de ce dernier, le cuisinier du cellerier, de l’infirmier et de l’hôtelier du couvent, trois oblats qui se dévouent au service des pauvres de l’hôpital Saint-Géraud. Transcription de la première Paix, 1280, p. 41, article ix : « A predicta vero comuni tallia bajulum domini abbatis dicte ville, coquum et ejus messatgerium seu troterium qui pedes vadit, coquum camerarii et coquum cellararii, coquum infirmarii et coquum hostalarii, donatos etiam servitio pauperum hospitalis dedicaverint, ad dandum et contribuendum dicimus non teneri et eosem immunes esse volumus super hoc et exclusos ». AMA, AA 4 (E DEP 1500 4), première Paix.
208 AMA, CC 9 (E DEP 1500) « Lettres patentes de Charles V qui dispense les consuls et habitants d’Aurillac de rendre aucun compte de l’emploi des impositions par eux levées sur ladite ville, en conséquence de la sentence arbitrale de 1288, depuis observée sans contradiction ».
209 AMA, AA 11 (E DEP 1500 11), arrêt du Grand Conseil, 14 juillet 1447.
210 AMA, AA 11 (E DEP 1500 11), « Statut et règlement pour l’administration du consulat d’Aurillac », copie de 1512, réalisée à partir de l’original par Jean Palach, lieutenant « second » du bailli des Montagnes d’Auvergne.
211 Ibid. Deux bailes de la frairie Saint-Géraud, deux de la frairie Saint-Jacques, deux de la frairie Saint-Marcel, un baile de chaque autre frairie (du Corps de Dieu, de Saint-Blaise, de Saint-Martin, de Notre-Dame et de Saint-Jean), ainsi que deux nobles ou bourgeois et deux clercs ou notaires.
212 AMA, AA 11 (E DEP 1500 11), « Statut et règlement pour l’administration du consulat d’Aurillac ».
213 Ibid.
214 Ibid.
215 Ibid.
216 AMA, BB 5 (E DEP 1500 26), registre des délibérations consulaires, 1493-1494 ; BB 6 (E DEP 1500 27), registre des délibérations consulaires, 1494-1495.
217 Glenisson & Higounet, Remarques sur les comptes, p. 43 et s. ; P. Contamine, Les fortifications, p. 28 et s. ; A. Rigaudiere, Saint-Flour ville d’Auvergne au Bas Moyen-Âge, p. 788 et s.
218 A. RIGAUDIERE, op. cit., p. 789.
219 AMA, CC 3 (E DEP 1500 64), « Vidimus et copie par Guillaume de Chaberroc, garde du scel au bailliage des Montagnes, de lettres patentes de roi Philippe VI », datées du 27 août 1341 ; la copie est du 23 novembre 1345.
220 A. Rigaudière, op. cit., p. 789 ; AM Saint-Flour, ch. II, art. 2, n° 13.
221 AM Clermont-Ferrand, Fonds de Montferrand, CC 2.
222 Delcambre, Une institution consulaire languedocienne, le consulat du Puy en Velay, des origines au XVIème siècle, Le Puy, 1933, p. 162-163.
223 C’est pour cette raison qu’on appelle aussi ce prélèvement la « taille des lances ».
224 Isambert et allii, op. cit., vol. 9, « Loi, édit ou pragmatique-sanction sur l’établissement d’une force militaire permanente à cheval, et la répression des vexations des gens de guerre », p. 57 et s.
225 Ibid., « Loi, édit ou pragmatique-sanction sur l’établissement d’une force militaire... », p. 70.
226 M. Marion, Dictionnaire des institutions de la France..., p. 526.
227 G. Bonnefoy, Histoire de l’administration civile dans la province d’Auvergne, Paris, 1895, vol. 1, p. 16. Voyez aussi M. Antoine, Genèse de l’institution des intendants, Paris, 1983.
228 AMA, BB 15 (E DEP 1500 37), assemblée générale du 15 juillet 1641, F° 20 r°.
229 F.-J. Chasles, Dictionnaire universel, chronologique et historique de Justice, Police, et Finances, Paris, 1725, vol. 2, p. 758, « Déclaration, portant exemption de tailles et augmentation de gages en hérédité aux offices des présidiaux, donnée à Saint-Germain-en-Laye, le 20 décembre 1635 ».
230 ADC, 101 F 5, Manuscrit « Annales d’Aurillac », p. 123.
231 Ibid.
232 C.-J. de Ferriere, Dictionnaire de droit et de pratique..., vol. 2, p. 660.
233 Ibid.
234 ADC, C 53 principalement, quelques rôles de taille de 1691 à 1750.
235 J. Malmezat, op. cit., p. 210.
236 AMA, BB 9 (E DEP 1500 30), assemblées générales du 15 décembre 1561 et du 18 décembre 1562.
237 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4. Ce mémoire contenait aussi la plainte des habitants au sujet des abus des officiers présidiaux dans les élections consulaires.
238 Ibid.
239 Ibid.
240 Ibid.
241 Ibid.
242 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4, « [...] Un soupçon mal fondé sur certains rapports ose des imaginations, destine pour les accusés un orage inevitable dans les repartitions. Une petite propritété si necessaire au commerce et a la société civile allume leur jalousie et leur inspire les sentiments de la plus cruelle vengeance. Le moindre deplaisir occasionné par quelque petit reffus ou par quelque leger discours excite leur courroux et n’est point oublié dans les impositions. Enfin l’artisan et le marchand sont toujours les seuls opprimés, et ne peuvent esperer aucun soulagement que lorsque le premier consul a besoin de leurs services, ou qu’ils ont le bonheur d’être son créancier ! Mais quel malheur pour celui qui luy aura refusé crédit ! ».
243 Bonaventure-Robert Rossignol fut intendant d’Auvergne de 1734 à 1748.
244 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4, F0 5 r°.
245 Voyez supra, p. 67.
246 Une juridiction dont les juges élus rendaient une justice gratuite, à procédure simplifiée.
247 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4, F° v°.
248 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4.
249 Il faut souligner qu’au début du xviième siècle il y avait déjà deux offices de commissaire des tailles, puisqu’il est acquis par Deluguet, Jourdain Leigonye et Cavanac le 17 janvier 1626, sous le nom d’un tiers. AMA, BB 14 (E DEP 1500 36).
250 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 9, lettre du subdélégué Cébié à l’intendant Peyrenc de Moras, 8 octobre 1751.
251 AMA, BB 28 (E DEP 1500 56), F° 6 v° et s.
252 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4.
253 Voyez supra, p. 62.
254 Isambert, op. cit., vol. 20, p. 346. Voyez supra, p. 112.
255 Voyez supra, p. 106.
256 AN, G7 105.
257 Ibid.
258 ADC, 1 B 23, F° 183. « Arrêt de la cour de Parlement qui ordonne que les lieutenants généraux des bailliages et sénéchaussées du ressort du parlement de paris et les substituts du procureur général du roi dans ces sièges donneront leurs avis sur la manière en laquelle ils estimeront eu égard à la qualité de la récolte que l’on doit pourvoir pour la présente année 1740 au payement des fermages qui sont payables en grains suivant les baux ».
259 AMA, AA 12 (E DEP 1500 12), copie d’un arrêt du parlement du 28 août 1706 établissant les droits respectifs des officiers de l’abbé, du bailliage et des consuls d’Aurillac.
260 Ibid.
261 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4, citée dans le mémoire des consuls, en 1751. AMA, FF 57 (E DEP 1500 187), Enregistrement de l’arrêt « de la cour du parlement rendu entre les maire et echevins de la ville d’Aurillac et les officiers du baillage et siege présidial de ladite ville le 28 aoust 1769 a ete ordonne l’enregistrement » ; cet arrêt fait également référence à cette transaction du 8 septembre 1725.
262 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4.
263 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4.
264 Ibid.
265 Ibid.
266 Voyez supra, p. 291.
267 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 4, F° 3 v°. « [...] En vain exposent ils le peu de necessité de cette démolition, la misère du temps, leurs affaires et leur indigence, il n’y aucun égard pour eux, tandis que bien d’autres mieux en état, par exprès de leurs corps, dont même la démolition est plus urgente, ne sont pas exposés à une pareille inquiétude ».
268 AMA, BB 23 (E DEP 1500 51). « Et sur ce que le sieur Me Textoris [avocat, maire en exercice] a observé qu’on lui a remis la copie d’une transaction du 8 septembre 1725, passée à Paris entre Mgr le Cardinal de Gesvres pour lors abbé d’Aurillac, et Me Jacques Salvage de Clavières conseiller au bailliage et siège présidial de cette ville, premier consul et fondé de procuration du corps et communauté de la ville, qu’en aiant pris lecture il a trouvé que les audiences de police devoient se tenir à l’ordinaire à l’hôtel de ville, que les officiers du seigneur abbé d’Aurillac devoient s’y trouver avec les consuls dont deux seulement auraient voix délibérative, en cas que Mr le lieutenant général de police fut présent, et en cas d’absence de sa part le juge du seigneur abbé devoit présider, et pour lors les trois consuls avoient voix délibérative, il est dit dans la même transaction qu’il serait permis aux consuls de nommer neuf commissaires pour la police, qu’il ignore si cette transaction a eu son exécution, et pour quelle raison longtemps avant l’abandon que le seigneur abbé d’Aurillac a fait au Roy des droits justice qu’il avoit, les audiances de police ont cessé d’être tenues à l’hotel de ville. Il n’en scauroit immaginer d’autres que la répugnance qu’on eue les premiers consuls qu’on prenoit toujours parmi les officiers du présidial, d’assister a une audiance dans laquelle ils étoient présidés par le juge de M. l’abbé, que cependant l’inexécution de cette transaction a fait un grand tort à la ville puisqu’elle a été privée par la de l’exercice de la police qu’elle avoit le plus grand intérêt de conserver, et comme il y a toute apparence que la ville reclamera tôt ou tard un droit aussi prétieux et qui le temps pour faire sa réclamation est sur le point d’expirer ; ledit Me Textoris a crû que pour conserver les droits que la ville avoit à cet égard il lui convenoit de délibérer sur les moiens qu’il y auroit à prendre la dessus. Sur quoy, la matière mise en délibération, [...] il a été décidé à la pluralité des voix qu’on s’adresserait incessament à un procureur au parlement pour obtenir une commission qui permettra au corps commun de la ville de faire assigner Mrs les officiers du bailliage ou autres qu’il appartiendra pour voir dire que la transaction de 1725 sera exécutée, et qu’en conséquence les officiers municipaux seront maintenus dans le droit d’assister aux audiences de police qui seront tenues en l’hôtel de ville dans la forme prescrite par la susdite transaction, et qu’au surplus la ville sera maintenue dans les autres droits y mentionnés, et tous autres qu’elle pourroit avoir concernant la police et autres articles ».
269 AMA, FF 60 (E DEP 1500 190), sentences rendues en matière de police par des officiers du siège présidial, 1767. « Coram ms Verdier Depuycastel lieutenant general, Esquirou Deparieu, Bastid, Capelle, Delolm de Lalaubie, Carrière et Fortet conseiller. »
270 AMA, FF 57 (E DEP 1500 187). Lundi 18 décembre 1769. Enregistrement de l’arrêt « [...] de la cour du parlement rendu entre les maire et echevins de la ville d’Aurillac et les officiers du baillage et siege présidial de ladite ville le 28 aoust 1769 a ete ordonne l’enregistrement ».
271 S. Soleil, op. cit., p. 99.
272 AM A, FF 57 (E DEP 1500 187).
273 ADPdeD, 1 C 7087, pièce n° 28, « Edit portant réunion de l’Office de Lieutenant Général de Police de la ville d’Aurillac, à celui de Lieutenant Général du Bailliage et Siege Présidial de la même Ville », Versailles, août 1783.
274 Ibid. Voyez supra, p. 106.
275 ADC, C 6, « Assemblée des notables convoquée en l’Hôtel-de-Ville d’Aurillac par Me Philibert, J.-B. Lolier de Lascanaux, avocat au Parlement, 1er échevin de la ville, au sujet de la contestation mue entre les officiers du présidial et les trésoriers de France, qui revendiquaient l’un contre l’autre le droit d’inspection et de police des murs de la ville ». « L’assemblée décide de soutenir les droits de la ville sur les murailles, tours, fossés, places, devant l’intendant et toutes les juridictions ». 16 mai 1768.
276 Louis-François est le frère du chevalier d’honneur au bailliage et siège présidial d’Aurillac, Jean-Joseph-Georges de Leigonye de Rangouse de La Bastide.
277 ADC, C 6, « Mémoire des officiers du Bailliage et siège présidial d’Aurillac contre les officiers du Bureau des Finances de Riom », 9 juin 1768. Ils font référence à une ordonnance du 11 avril 1766 qui créait cette juridiction en faveur du trésorier Leygonie.
278 ADC, C 6, ibid. Référence à l’ordonnance du 28 mai 1766.
279 ADC, C 6, ibid.
280 Ibid.
281 Ibid.
282 D. 1.8.11
283 ADC, C 6, « Mémoire des officiers du Bailliage et siège présidial d’Aurillac contre les officiers du Bureau des Finances de Riom », 9 juin 1768.
284 Ibid.
285 Ibid.
286 ADC, C 6, « Mémoire des officiers du Bailliage et siège présidial d’Aurillac contre les officiers du Bureau des Finances de Riom », 9 juin 1768.
287 ADC, C 6, consultation donnée à Paris le 9 juin 1768.
288 Ibid.
289 Ibid., « M. le duc de Noailles, seigneur de Brive, a obtenu cet arrêt, rendu après une ample instruction ».
290 Ibid.
291 ADC, C 6, lettre de l’intendant à son subdélégué à Aurillac, du 13 août 1768.
292 Voyez supra, p. 206.
293 B. Chevalier, Les bonnes villes, l’État et la société dans la France de la fin du XVème siècle, Orléans, 1995, chap. intitulé « La trahison des bourgeois ».
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