Avant-propos
p. 31
Texte intégral
1« Sur la courbe ascendante que connaît la construction de l’État depuis le règne de Philippe Auguste, la justice occupe une place de choix »1. Si les rois des XIVème et XVème siècles voyaient dans le principe d’inaliénabilité du domaine royal, exprimé dans la doctrine et perceptible dans la législation, « une règle fondamentale qui devait s’imposer aussi vigoureusement qu’une norme constitutionnelle »2, ils continuèrent cependant à user de pratiques qui le mettaient grandement en péril. Ainsi, la constitution d’apanages a généralement contribué à freiner la réunification du royaume3. Elle aurait également pu ralentir le mouvement d’extension de la justice royale. Cependant, l’exemple du bailliage d’Aurillac montre que, grâce aux sauvegardes royales données aux établissements ecclésiastiques et du fait des contraintes du relief, la constitution d’un apanage a pu favoriser l’installation durable de la justice du roi dans une ville dont ses juges avaient officiellement été tenus éloignés par le seigneur pendant plus d’un siècle.
2Le bailliage d’Aurillac sembla suffisamment important au roi pour qu’il fût compris dans la réforme présidiale du XVIème siècle. En effet, par un édit de janvier 15514 (a. s.) enregistré au parlement le 15 février de la même année, le roi Henri II érigea d’importants bailliages et sénéchaussées de son royaume en sièges présidiaux5. Plusieurs édits du mois de mars suivant précisèrent les soixante sièges touchés par la réforme. Trente-deux se situaient dans le ressort du parlement de Paris, parmi lesquels le bailliage des Montagnes d’Auvergne, qui se vit adjoindre le titre de siège présidial d’Aurillac, parfois aussi intitulé « siège présidial de Haute-Auvergne ». La réforme eut lieu dans une France relativement stable politiquement et socialement. Même si les guerres extérieures se poursuivaient6, si les tensions religieuses étaient déjà vives entre catholiques et protestants et l’inflation importante, dans la France d’Henri II régnait encore un certain calme7.
3Après avoir étudié la mise en place du bailliage d’Aurillac, ses évolutions et ses compétences judiciaires (chapitre I), nous présenterons les acteurs de la justice royale aurillacoise, magistrats et auxiliaires de justice (chapitre II).
Notes de bas de page
1 O. GuiLLOT, A. Rigaudiere, Y. Sassier, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale. Des temps féodaux aux temps de l’État, vol. 2, p. 203.
2 Id., p. 130.
3 Même si elle se voulait souvent « stratégie d’intégration », puisque les biens étaient « appelés à revenir un jour à la couronne ». Id. p. 130 et 133.
4 Isambert, op. cit., vol. 13, p. 248 à 254.
5 J.-P. Royer, op. cit., p. 49.
6 Avec Philippe II d’Espagne notamment, jusqu’au traité de Cateau-Cambrésis en avril 1559.
7 J. Delumeau (dir.), L’histoire du monde. De 1492 à 1789, Paris, Larousse, 1995, p. 114.
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