L’incorporation par renvoi et l’annotation des textes législatifs, deux enjeux légistiques qui se prêtent à l’exercice de la simplification du droit
p. 41-51
Texte intégral
1Plusieurs initiatives de simplification du droit portent sur les erreurs ou les débordements du passé. Soit qu’on veuille réduire le nombre de textes législatifs parce que, dans le feu de l’action, le dédoublement était considéré un moindre mal, soit qu’on veuille rétablir la cohérence qui faisait défaut parce qu’au moment critique l’intervention législative n’avait pas été bien conçue.
2Il n’est sans doute pas inutile de revenir sur ce qui a été fait, mais l’effort de simplification doit influencer le droit qui se fait si on veut qu’il ait un réel impact sur le justiciable. En matière de légistique, deux enjeux éminemment contemporains posent le défi de simplifier le droit qui se fait.
Sur le fond, l’incorporation par renvoi de normes externes dans les textes législatifs. notamment celles qui découlent des obligations internationales contractées par le gouvernement et qui doivent être transposées dans le droit interne.
Sur la forme, l’utilisation des nouvelles technologies pour diffuser un droit qui renseigne davantage le justiciable sur la portée de la norme, notamment par l’utilisation d’annotations administratives dans le texte officiel, qui peuvent être, par exemple, des hyperliens.
3Le texte qui suit est inspiré de l’expérience canadienne, à l’échelon fédéral. Mais on constate chez d’autres législateurs des problématiques semblables. Ainsi, cette croisée des chemins entre l’incorporation par renvoi et l’annotation des textes a été évoquée récemment en France dans des circonstances comparables par la Commission supérieure de codification dans son dix-neuvième rapport annuel : ne doit-on pas dire au lecteur français que les normes qu’il a sous les yeux viennent des obligations que s’impose la France du fait de son appartenance à l’Union européenne1 ? Il s’agit de transposition, non d’incorporation, mais le besoin d’informer le lecteur est le même.
I – L’INCORPORATION PAR RENVOI
4Le législateur d’aujourd’hui prend acte, bon gré mal gré, de l’interdépendance des activités entre États. Il prend aussi conscience qu’en créant la norme, il s’en remet de plus en plus à l’expertise d’organismes qui ne dépendent pas de lui et qui ont fait d’un champ d’activité humaine leur spécialité. Il est tenté d’“emprunter” cette expertise pour harmoniser ses normes (la construction automobile au Canada se fait essentiellement selon les normes étatsuniennes), pour une question d’efficacité (les lois mettant en œuvre les conventions qui permettent d’éviter la double imposition suivent le modèle développé par l’OCDE) ou simplement pour s’en remettre à une expertise déjà reconnue (le mode de production des aliments biologiques se fait au Québec suivant les prescriptions du Codex alimentarius). Le renvoi “atteste du lien indéfectible entre cette technique et la nécessaire coordination des règles au sein d’un – ou plusieurs – système juridique.”2
5C’est ainsi que le législateur est amené à utiliser la technique rédactionnelle de l’incorporation par renvoi : il fera sienne sans la répéter la norme élaborée par une autre administration ou par un organisme, qu’il ait ou non un mot à dire sur les délibérations de cet organisme.
6Si le législateur canadien, dans son Règlement sur l’aviation canadien, renvoie à la Convention de Chicago dans ces termes : “La Convention relative à l’aviation civile internationale, signée au nom du Canada à Chicago, le 7 décembre 1944, avec ses modifications successives”, c’est qu’il admet, chaque fois qu’il y fera référence, que la dernière version de la convention s’applique au Canada sans qu’il soit nécessaire d’en dire davantage. Ce qui est conforme au principe général qui veut que la règle de droit ait vocation permanente, mais qui, par ailleurs, suppose une certaine vigilance, un suivi efficace, pour assurer la mise en cohérence du droit canadien avec le droit de l’aviation civile internationale.
7De la même façon, si la Loi sur la procréation assistée prévoit que le consentement doit être “libre et éclairé, donné conformément au droit applicable en la matière et au document intitulé Recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines : Lignes directrices, publié en mars 2002 par les Instituts de recherche en santé du Canada”, c’est que le législateur s’en remet sur ce point à ce qu’ont dit les instituts en 2002. Il faudrait dans ce cas une modification de la loi pour mettre à jour cette incorporation.
8Notons tout de suite que bien des États sont plus frileux que le Canada à l’idée d’incorporer des normes étrangères dans leur droit interne. Leur réticence vient généralement du fait qu’ils perçoivent la pratique comme attentatoire à leur souveraineté, quand bien même les normes proviendraient d’organisations internationales reconnues et auxquelles le plus souvent ils participent. La situation du Canada mérite qu’on s’y arrête non pas parce que sa pratique est exemplaire mais parce qu’elle est très répandue, on voit maintenant des renvois à des sources externes dans tous les domaines du droit. Enfin, l’exigence constitutionnelle de bilinguisme dans les textes législatifs fédéraux3 donne une dimension particulière à l’incorporation des normes qui ne proviennent pas d’une émanation de l’État et qui ne sont donc pas assujetties aux mêmes obligations linguistiques.
9La technique de l’incorporation par renvoi pose un réel problème d’accès au droit parce que le texte qui est censé régir une situation donnée comporte une porte dérobée qui ouvre sur un ensemble de normes qui ne sont pas moins importantes, mais que le lecteur ne voit pas. C’est le principe même de la primauté du droit qui est en cause4.
10Si le législateur utilise souvent l’incorporation par renvoi pour dire le droit, paradoxalement, quand il s’agit de rendre justice, les juridictions supérieures préfèrent éviter la question, si ce n’est dans sa dimension linguistique5. Les juristes de l’État, qui se sont saisis du sujet par souci d’uniformité, de cohérence et de sécurité juridique, cherchent aujourd’hui à simplifier la technique. Deux écoles se sont fait jour, selon qu’on croit devoir simplifier au profit de l’État ou au profit du justiciable, les deux faisant valoir les motifs les plus légitimes.
A – Simplifier la technique du renvoi au profit de l’État
11La simplification au profit de l’Etat voudrait dire codifier les règles d’interprétation qui régissent cette technique dans la Loi d’interprétation, loi d’application générale et supplétive, artefact bien connu des pays héritiers du droit britannique6.
12Voici par exemple ce que prévoit cette loi sur deux points :
17. Sauf indication contraire y figurant, nul texte ne lie Sa Majesté ni n’a d’effet sur ses droits et prérogatives. [... ]
40. (1) Dans les textes ou des documents quelconques :
les lois peuvent être désignées par le numéro de chapitre qui leur est donné dans le recueil des lois révisées ou dans le recueil des lois de l’année ou de l’année du règne où elles ont été édictées, ou par leur titre intégral ou abrégé, avec ou sans mention de leur numéro de chapitre :
les règlements peuvent être désignés par leur titre intégral ou abrégé, par la mention de leur loi habilitante ou par leur numéro ou autre indication d’enregistrement auprès du greffier du Conseil privé.
(2) Les renvois à un texte ou ses mentions sont réputés se rapporter à sa version éventuellement modifiée.
13Or, peu de gens connaissent la Loi d’interprétation et encore moins savent en lisant un texte législatif particulier, qu’il faut le comprendre à la lumière des règles contenues dans une autre loi parce que celle-ci est d’application générale. C’est ce qui explique, par exemple, qu’il faille, dans pratiquement toutes les lois fédérales, contrecarrer la présomption d’irresponsabilité de l’État prévue à l’article 17, véritable anachronisme dans le monde d’aujourd’hui où l’État se mêle de tout.
14La simplification, pour les tenants de cette école de pensée, viendrait de ce que les règles de l’incorporation par renvoi ainsi codifiées, une fois pour toutes et en un seul endroit, prévoiraient tous les scénarios et laisseraient donc moins de place à l’interprétation.
15La province de l’Ontario, qui a réformé ses textes en la matière en 2006 – abrogeant et refondant ses Loi d’interprétation, Loi sur les règlements. Loi de 1998 sur la refonte des lois et des règlements et Loi sur les textes de lois –, en a profité pour réunir les règles qu’elle croyait nécessaires à l’incorporation par renvoi. Si l’État croit y trouver son compte, on peut douter que le lecteur des lois ontariennes soit beaucoup plus avancé7
B – Simplifier le droit au profit du lecteur
16S’agissant de l’incorporation par renvoi, simplifier au profit du lecteur revient à choisir entre lui donner les indications les plus élémentaires tout en comptant sur le contexte pour révéler l’intention du législateur, ou lui dire au cas par cas les règles applicables à cette incorporation.
Prenons l’exemple suivant
17L’État fédéral, pour donner suite à ses obligations contractuelles négociées avec les dix provinces et les trois territoires du Canada, adopte en 1996 la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur le commerce intérieur, où on peut lire que l’accord visé est “l’Accord sur le commerce intérieur signé en 1994 et para dans la partie I de la Gazette du Canada”. Plusieurs protocoles ont depuis ce temps modifié la teneur de l’Accord. En 2009, le gouvernement fédéral présente un projet de loi au Parlement qui modifie la loi pour la première fois, et qui fait en sorte, notamment, que certaines ordonnances rendues par un “groupe spécial” soient assimilées à une ordonnance de la Cour fédérale.
18Comment, dans ce contexte, renvoyer à l’Accord en vigueur ? En tablant sur la mention “l’accord... signé en 1994 et paru dans... ?” L’accord incorporé par renvoi dans les lois fédérales paraît figé dans le temps, le temps de 1994. En réalité, chacune des quatorze parties à l’accord se sent liée par un accord destiné à évoluer au fil des ans. Malgré les apparences de statisme dans le renvoi, l’intention des parties, dans le contrat, était manifestement d’en permettre l’évolution. La question qui se posait au rédacteur était la suivante : faut-il modifier la définition d’“accord” et risquer de jeter un doute sur l’état du droit dans l’intervalle entre la loi de mise en œuvre (1996) et la première loi qui la modifiera (2009) puisqu’au moins 8 protocoles ont entretemps modifié l’accord ? Ou faut-il ne rien dire et compter sur le contexte pour convaincre du caractère dynamique du renvoi à l’“accord” ?
19Le rédacteur de 1996 a-t-il été négligent en identifiant l’Accord, qu’il se trouvait à incorporer dans la loi, sans tenir compte qu’il est dans la nature d’un accord commercial de changer avec le temps ? Le rédacteur de 2009 doit-il mettre les points sur les “i” ou laisser aux tribunaux le soin de dégager la solution, advenant litige ?
20Cet exemple montre bien l’enjeu de la primauté du droit qui se cache derrière la technique de l’incorporation par renvoi. Le lecteur ne devrait-il pas être mis au courant, dans les termes les plus simples, du fait que non seulement l’Accord commercial a reçu force de loi mais que les protocoles qui le modifient ou le complètent l’ont également reçue ? En dernière analyse, il est difficile d’imaginer, dans de telles circonstances, qu’un tribunal en arrive à une autre conclusion que celle qui reconnaît l’évolution de l’Accord, mais doit-on imposer au lecteur l’effort d’aller jusqu’au bout du raisonnement juridique pour comprendre l’état du droit, a priori si simple mais qu’on occulte dans le texte ?
21Si on veut simplifier le droit au profit du lecteur, celui-ci doit percevoir dans la forme du droit toutes les implications de fond, la formulation du renvoi devrait donc lui révéler en toutes lettres l’existence de la “porte dérobée” et le mettre sur la piste pour qu’il puisse consulter, si cela lui dit, les normes auxquelles il n’a pas accès à première vue.
C – Pour inéluctable qu’elle soit comme technique rédactionnelle dans la légistique moderne, l’incorporation par renvoi pose de véritables problèmes juridiques
1) subdélégation illégale à une autorité réglementaire
22Les tribunaux ont déjà indiqué clairement que l’incorporation par renvoi n’impliquait pas forcément une subdélégation de pouvoirs, ce qui serait, le cas échéant, contraire à l’ordre constitutionnel canadien. Le fait d’habiliter – car c’est le plus souvent une question d’habilitation, l’incorporation étant faite au niveau réglementaire – le gouvernement ou un autre établissement public à “emprunter” des normes à une autre entité n’emporte pas abdication de pouvoir, il n’y a pas perte de souveraineté, le Parlement peut toujours révoquer ou modifier les dispositions en cause.
2) langue du texte incorporé dans des textes législatifs – au Canada – officiellement bilingues
23Quant au caractère bilingue des textes législatifs, toute incorporation d’une norme qui ne serait pas accessible en anglais et en français pose en principe problème. Car la norme fait désormais partie du droit canadien. Or, la réalité du commerce et des techniques est telle que les textes que l’on veut incorporer n’existent souvent qu’en anglais ou alors leur traduction en français est si déficiente qu’elle ne peut pas servir de norme intelligible. Il revient au législateur de s’assurer que tout est mis en œuvre pour que le lecteur des lois canadiennes s’y retrouve dans les deux langues officielles.
3) caractère dynamique ou statique du renvoi
24Les plus vieux renvois dans les textes législatifs fédéraux ne donnent pas toujours une indication claire quant à savoir si la norme incorporée l’était de façon évolutive (le renvoi étant alors qualifié de dynamique) ou, au contraire, dans son état à un moment donné (renvoi qualifié de statique). Aujourd’hui, le rédacteur ne voudra pas laisser le contexte dicter la conclusion ; il précisera, par exemple, le pouvoir habilitant :
Règlements
44. (1) [...] la Commission peut, par règlement :
o) fixer les exigences applicables à la possession, à l’utilisation, à l’emballage, au transport, au stockage provisoire ou permanent, à l’entreposage, à l’évacuation et à l’élimination, selon le cas, des substances nucléaires ou de l’équipement réglementé et celles qui s’appliquent à l’emplacement, à la conception, à la construction, à l’installation, à l’exploitation, à l’entretien, à la modification, au déclassement et à l’abandon d’une installation nucléaire ou d’un véhicule à propulsion nucléaire [...]
(4) Les règlements d’application de l’alinéa (1)o) qui incorporent des normes par renvoi peuvent prévoir qu’elles sont incorporées soit avec leurs modifications successives jusqu’à une date donnée soit avec toutes leurs modifications successives.
25Ou encore la version désirée :
Échelles portatives
3.11 (1) Les échelles portatives fabriquées commercialement doivent être conformes à la norme CAN3-Z11-M81 de l’ACNOR intitulée Échelles portatives, publiée dans sa version française en août 1982 (la dernière modification date de juin 1983) et publiée dans sa version anglaise en septembre 1981 (la dernière modification date de mars 1983).
D – L’incorporation par renvoi est en soi une méthode de simplification, mais elle ne simplifie le droit que sur la forme
26S’abstenir de reproduire au long, dans les textes législatifs, des normes produites ailleurs est une économie appréciable et un signe que le législateur agit en bonne intelligence avec les autres acteurs normatifs du monde qui l’entoure. Mais s’il ne s’agit que d’un expédient, d’une passerelle lancée vers des normes mal conçues ou inappropriées, la difficulté d’appréhension du droit reste la même.
27La technique doit donc être au service du fond :
qui communique avec le lecteur du droit doit lui avouer d’où viennent les normes qu’il incorpore ;
il doit donner accès à ces normes d’une façon ou d’une autre ;
les normes elles-mêmes doivent être compatibles avec le droit qui les intègre, par la langue mais aussi par les notions juridiques qu’elles contiennent ;
le lecteur doit être avisé que ces normes peuvent évoluer de façon indépendante ou, au contraire, qu’elles sont figées dans le temps par référence à une date ou à une édition.
II – L’ANNOTATION DES TEXTES LÉGISLATIFS
28L’annotation des textes législatifs peut aussi simplifier l’accès au droit. La technique peut d’ailleurs être utilisée pour rendre plus transparente l’incorporation par renvoi de normes étrangères. Ainsi, un renseignement complémentaire ajouté à la suite d’une disposition peut jeter un peu de lumière sur le contexte, rappeler un renseignement important lorsque c’est nécessaire ou ajouter ce qu’il faut pour répondre à l’interrogation qui point dans l’esprit du lecteur.
29Cela, bien entendu, sans remettre en cause les règles d’or de la rédaction, chères à Gérard Cornu, que sont la concision et l’unité intellectuelle de la disposition et du texte8 La note ne peut évidemment pas commenter la norme ni l’interpréter. Plus encore, elle ne doit pas se substituer à elle : si le renseignement doit figurer dans la norme elle-même, il n’y a pas lieu d’en faire une note administrative. Car si la norme relève du législateur, la note, elle, relève davantage de l’administration.
30Elle peut par exemple prendre les formes suivantes :
un hyperlien vers le site de l’organisme qui est l’auteur de la norme incorporée ;
le no du décret qui met en œuvre ou en vigueur la norme, et la date pertinente ;
rappel pour le bénéfice du lecteur de la teneur de l’habilitation ;
précision à l’effet, par exemple, que la norme fait l’objet d’un régime juridique spécial (non publication, etc.) prévu par une loi d’application générale.
31Un des avantages que présente la technique de l’annotation est d’intégrer les normes et ainsi de les rendre plus cohérentes. La multiplicité des sources du droit mais aussi des sources d’information juridique posent à cet égard, depuis plusieurs années déjà, un défi pour qui veut connaître l’état du droit sur une question. Le défi est encore plus grand dans les États "grands producteurs” de normes. Pour la plupart des pays européens ainsi que pour les États-Unis, la situation du Canada peut paraître enviable malgré l’étiolement de l’esprit de système, la dispersion, qui la caractérisent. Le Rapport Warsmann sur la qualité et la simplification du droit déplorait d’ailleurs que Légifrance, site internet assez performant à bien des égards, regroupe plusieurs bases de données qui ne communiquent pas entre elles9.
32Il y a peu de notes dans les textes législatifs fédéraux au Canada et celles qui existent se trouvent toutes dans des règlements. Mais le rédacteur législatif qui met au point son texte et surtout le fonctionnaire chargé éventuellement de l’appliquer ne demandent pas mieux que d’utiliser cette technique pour faciliter la communication. Il ne faut jamais perdre de vue, comme le rappelait Dominique Rousseau, que c’est là – communiquer – la grande affaire du législateur10.
33Parmi les motifs qui incitent à la prudence en matière d’annotation, il y a le manque de ressources pour créer, lors de la rédaction du texte ou ex post facto, la note appropriée, mais aussi la crainte que tous – y compris les parlementaires – n’apprécient pas également la ligne de démarcation entre ce qui constitue le texte officiel, la version sanctionnée par le Parlement ou prise par le gouvernement ou une autre autorité réglementaire, et la version annotée par l’administration publique.
34La technique de l’annotation est une réponse moderne à un problème moderne. Bien utilisée11, elle permet à l’administration d’ajouter une plus-value au message du législateur en intervenant sur le vecteur par excellence de communication du droit, la version en ligne des textes législatifs. L’accès au droit se fait dorénavant par l’internet plus que par tout autre moyen et l’État canadien en a pris acte en donnant à compter du 1er juin 2009 un caractère officiel à la version en ligne de ses textes législaifs12.
35Exemple 1
Rapports de la Commission
23. (1) Dans les meilleurs délais suivant la fin de l’exercice, la Commission établit et transmet au ministre désigné par le gouverneur en conseil pour l’application du présent article un rapport – pour l’exercice – sur les questions qui relèvent d’elle. (2) Ce ministre fait déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.
Note : Le décret C.P. 2005-2046 du 21 novembre 2005 rend le ministre du Patrimoine canadien responsable de l’application de l’article 23. La mesure prend effet le 31 décembre 2005.
36Dans cet exemple, le lecteur de l’article 23 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique serait mieux renseigné si la note proposée suivait l’article. Le pouvoir de désigner le ministre responsable est délégué au gouvernement. Le résultat de l’exercice de ce pouvoir ne relève donc pas de la loi habilitante. Pour le lecteur privé de note, il ne connaîtra pas le renseignement qui lui manque (que c’est le ministre du Patrimoine canadien qui est responsable) tant qu’il n’aura pas complété sa recherche dans le Tableau des lois d’intérêt public et des ministres responsables de la Gazette du Canada. Le renvoi à l’instrument (le décret 2005-2046) informe le lecteur quant au titre du ministre désigné.
37Exemple 2
12. La proportion de coassurance que doit assumer une personne admissible est d’au plus 27,4 % du coût des services pharmaceutiques et des médicaments.
Note : À compter du 1er juillet 2004, le pourcentage de la coassurance est porté à 28,5 %. (2004) 136 G.O. 1, 568.
13. La contribution maximale pour une période de référence d’un an est d’au plus 822 $ par personne adulte ; ce montant comprend les sommes que cette personne paie à titre de franchise et de coassurance, le cas échéant, pour son enfant ou pour une personne atteinte d’une déficience fonctionnelle qui est domiciliée chez elle.
Note : À compter du 1er juillet 2004, la contribution maximale pour une période de référence d’un an est portée à 857 $. (2004) 136 G.O. 1, 568.
13.1. Le pourcentage prévu à l’article 12 et le montant prévu à l’article 13 sont modifiés le 1er juillet de chaque année, selon les taux d’ajustement fixés annuellement par la Régie en application de l’article 28.1.
[...]
28.1. Les montants prévus aux articles 23, 26 et 28 de même que le pourcentage prévu à l’article 27 sont modifiés le 1er juillet de chaque année, selon les taux d’ajustement fixés annuellement par la Régie suivant les règles déterminées par règlement du gouvernement, pour tenir compte de l’accroissement des coûts du régime pour les personnes dont la couverture est assumée par la Régie.
Les taux d’ajustement ainsi que les montants et les pourcentages modifiés sont publiés par la Régie à la Gazette officielle du Québec sauf lorsque les taux d’ajustement déterminés par la Régie sont nuls et que les montants et les pourcentages ne sont pas modifiés.
38Exemple 3
Règlements
12. (1) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant l’organisation, l’instruction, la discipline, l’efficacité et la bonne administration des Forces canadiennes et, d’une façon générale, en vue de l’application de la présente loi.
(2) Sous réserve de l’article 13 et des règlements du gouverneur en conseil, le ministre peut prendre des règlements concernant l’organisation, l’instruction, la discipline, l’efficacité et la bonne administration des Forces canadiennes et, d’une façon générale, en vue de l’application de la présente loi.
(3) Le Conseil du Trésor peut, par règlement :
fixer les taux et conditions de versement de la solde des juges militaires ;
fixer, en ce qui concerne la solde et les indemnités des officiers et militaires du rang, les suppressions et retenues ;
prendre toute mesure concernant la rémunération ou l’indemnisation des officiers et militaires du rang qu’il juge nécessaire ou souhaitable de prendre par règlement pour l’application de la présente loi.
Note : Les règlements pris au titre du paragraphe (3) ne sont pas publiés dans la Gazette du Canada (voir alinéa 7a) du Règlement sur les textes réglementaires). On peut les consulter sur le site du ministère de la Défense nationale à l’adresse suivante : http:/www.admfincs.forces.gc.ca//qr_o/intro_f.asp.
Notes de bas de page
1 “Au-delà de cet inachèvement, de grandes questions restent posées qui engagent la conception même de la codification. Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, nous nous bornerons ici, en guise de conclusion, à suggérer une nouvelle piste qui prolonge les pratiques actuelles. Celles-ci conduisent aujourd’hui à identifier non seulement la nonne utile, mais aussi l’auteur de la nonne : les lettres L et R, le signal * permettent de reconnaître aussitôt la place de l’article dans la hiérarchie des nonnes. Or, dans cette hiérarchie, les institutions européennes tiennent leur place. Et il n’est plus possible aujourd’hui de raisonner en droit sans saisir précisément l’influence des directives et leur transposition. On peut à cet égard imaginer deux évolutions. La première tient à la codification des textes européens, des règlements comme des directives ; elle relève des autorités communautaires et elle est en cours. La seconde est encore à imaginer. Il s’agirait de signaler dans les codes l’origine du droit français issu de transpositions obligatoires, soit par mention supplémentaire, comme les éditeurs le font en portant la date de la modification au niveau de l’article ou du paragraphe, soit en ajoutant après l’article une mention signifiant la transposition. Nous aurions des articles L. 533-1 (T) ou R. 2343-2 (T) informant immédiatement le lecteur de l’origine du texte. La clarté de la codification passe aussi par la désignation du véritable initiateur du droit applicable. Cette exigence contribuerait non seulement à une bonne lecture des textes, mais aussi à une meilleure évaluation de nos relations juridiques. Il n’y a là, bien sûr, qu’une suggestion qui mérite le débat, une parmi tant d’autres qui restent encore à imaginer.” Commission supérieure de codification, Dix-neuvième rapport annuel, 2008. p. 10
2 N. Molfessis, Les mots de la loi, Paris, Economica, 1999
3 C’est ainsi que les tribunaux ont interprété l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il faut souligner que seule la version anglaise de cette loi, à part le titre, est officielle. 133. [...] Les lois du Parlement du Canada et de la Législature du Québec sont imprimées et publiées dans les deux langues.
4 Le préambule de la partie 1 (qui est la Charte canadienne des droits et libertés) de la Loi constitutionnelle de 1982 fait allusion à ce principe général du droit : Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit.
5 Voir l’arrêt Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1992] 1 R.C.S. 212, http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/1992/1992rcsl-212/1992rcsl-212.html.
6 R. Tremblay, L’essentiel de l’interprétation des lois, Montréal, Éd. Yvon Blais, 2004, p. 43. “[...] la quasi-totalité des dispositions des lois d’interprétation sont une codification de règles de logique, de règles linguistiques, de principes de droit, voire de simples règles de bon sens, ou des applications particulières de ces mêmes règles ou principes. La majorité des dispositions des lois d’interprétation sont en fait des truismes.” L’auteur fonde son point de vue sur la loi québécoise mais affirme qu’il vaut également pour toutes les autres lois d’interprétation.
7 Renvois :
58. La mention d’une loi ou d’un règlement vise également chacune de leurs dispositions.
59. (1) Le renvoi, dans une loi ou un règlement, à une disposition d’une autre loi ou d’un autre règlement est un renvoi à la disposition :
a) soit telle qu’elle est modifiée, réédictée ou prise de nouveau ;
b) soit telle qu’elle est modifiée comme l’autorise la partie V (Modifications autorisées).
(2) Le paragraphe (1) s’applique, que la disposition soit modifiée, réédictée ou prise de nouveau ou modifiée comme l’autorise la partie V avant ou après l’entrée en vigueur de la disposition qui contient le renvoi.
(3) Si la disposition visée par le renvoi est abrogée sans être remplacée :
a) d’une part, la disposition abrogée continue d’avoir effet, mais seulement dans la mesure nécessaire pour donner effet à la loi ou au règlement qui contient le renvoi ;
b) d’autre part, le renvoi vise la disposition telle qu’elle existait immédiatement avant l’abrogation.
60. (1) Le renvoi, dans une loi ou un règlement, à une disposition d’une loi ou d’un règlement du Canada ou d’une autre province ou d’un territoire du Canada est un renvoi à la disposition :
a) soit telle qu’elle est modifiée, réédictée ou prise de nouveau ;
b) soit telle qu’elle est modifiée dans l’exercice d’un pouvoir, prévu par une loi, d’apporter des modifications qui ne touchent pas au fond.
(2) Le paragraphe (1) s’applique, que la disposition soit modifiée, réédictée, prise de nouveau ou modifiée de la façon visée à l’alinéa (1) b) avant ou après l’entrée en vigueur de la disposition qui contient le renvoi.
(3) Si la disposition visée par le renvoi est abrogée sans être remplacée, le renvoi vise la disposition telle qu’elle existait immédiatement avant l’abrogation.
61. Le renvoi, dans une loi ou un règlement, à une disposition d’une loi ou d’un règlement d’une autorité législative à l’extérieur du Canada est un renvoi à la disposition telle qu’elle existait lorsque la disposition ontarienne comprenant le renvoi a été édictée, prise ou modifiée le plus récemment.
62. (1) Le pouvoir de prendre des règlements peut être exercé en incorporant par renvoi, en tout ou en partie, un document existant.
(2) L’auteur du règlement peut incorporer le document sous réserve des modifications qu’il estime nécessaires.
(3) Le renvoi au document est un renvoi à celui-ci tel qu’il existait lorsque la disposition comprenant le renvoi a été édictée, prise ou modifiée le plus récemment.
(4) Lorsqu’un document est incorporé par renvoi conformément au paragraphe (1), le ministre chargé d’appliquer la loi en application de laquelle est pris le règlement fait en sorte que :
a) d’une part, le document incorporé soit facilement accessible au public à compter du jour de l’entrée en vigueur de la disposition qui contient le renvoi ;
b) d’autre part, le document incorporé et les versions antérieures de celui-ci qui ont déjà été incorporées dans le règlement ou un règlement qu’il remplace continuent d’être facilement accessibles au public.
(5) Le paragraphe (4) s’applique à l’égard des documents qui sont incorporés par renvoi conformément au paragraphe (1) le jour où la Loi de 2006 sur l’accès à la justice reçoit la sanction royale et par la suite.
8 G. Cornu, Linguistique juridique, 3ème éd. Paris, Éd. Montchrestien, 2005, p. 289.
9 Il recommandait aussi que le Journal officiel publie concomitamment au texte de loi intéressant le grand public un document explicatif, idée voisine de l’annotation administrative des textes. J.L. Warsmann, Rapport sur la qualité et la simplification du droit, décembre 2008, http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/rapport-warsmann-sur-la-simplification-du-droit-remis-au-premier-ministre
10 D. Rousseau, “La Loi” ? Un instrument de communication, Le Monde, 3 février 2005.
11 L’État québécois met à profit cette technique depuis plusieurs années, voir http://www3.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/loisreglements/loisrefondues.fr.html
12 http://laws.justice.gc.ca/fr/index.html
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Tome 1 : Bilans et Tome 2 : Réformes-Révolutions
Maryvonne Hecquard-Théron et Jacques Krynen (dir.)
2005