La fin de la légitimité dynastique dans l’Angleterre des deux roses, 1399-1485
p. 45-100
Texte intégral
PLANTAGENET : Let him that is a true-born gentleman
And stands upon the honour of his birth,
If he suppose that I have pleaded truth,
From off this brier pluck a white rose with me.
SOMERSET : Let him that is no coward nor no flatterer,
But dare maintain the party of the truth,
Pluck a red rose from off this thorn with me.
WARWICK : And here I prophesy : this brawl today,
Grown to this faction in the Temple Garden,
Shall send between the Red Rose and the White
A thousand souls to death and deadly night.
PLANTAGENET : Que celui qui, né gentilhomme, tient à l’honneur de sa naissance, et croit que j’ai défendu la vérité, cueille avec moi sur ce buisson une rose blanche.
SOMERSET : Que celui qui n’est ni un couard ni un flatteur et ose soutenir le parti de la vérité cueille avec moi sur cette épine une rose rouge.
WARWICK : Et voici ce que je prédis : l’altercation qui a produit dans le jardin du Temple cette division entre la rose rouge et la rose blanche enverra des milliers d’hommes à la mort et dans la nuit funèbre.
SHAKESPEARE, I Henry VI, II, 4
(Trad. François-Victor Hugo)
1Le "défi des roses" dans le jardin du Temple à Londres a été forgé par Shakespeare ; la rose blanche est bien l’un des emblèmes de la maison d’York, mais la rose rouge de Lancastre semble n’apparaître que sous le règne d’Edouard IV1. Les contemporains ont plutôt parlé de "guerre des cousins". Sir Thomas Smith évoque en 1561 "the striving of the two roses", Sir John Oglander écrit en 1646 "The Quarrel of the Warring Roses", David Hume publie en 1761 "The Wars of the Two Roses", et la formule "Wars of the Roses" s’impose en Angleterre avec le roman de Sir Walter Scott, Anne of Geierstein (1829). Le thème des deux roses a été en réalité développé par la propagande d’Henri Tudor, vainqueur final du conflit, qui tentait de se créer une légitimité : prétendant unir par son mariage les maisons rivales d’York et de Lancastre, il fit représenter dès 1486 pour une fête à York "une rose rouge royale, à l’intérieur de laquelle apparaît une rose blanche : toutes les fleurs leur reconnaîtront la souveraineté et une couronne couvrant les roses sortira d’un nuage". La double rose des Tudors reparaît de façon obsédante dans les monuments du règne d’Henri VII, et décore les grilles de son tombeau à Westminster. Le génie de Shakespeare a popularisé l’idée et assuré le succès de la propagande.
2Mais qu’en est-il en réalité ? L’union des roses par le mariage d’Henri Tudor et d’Elisabeth d’York pourrait bien n’être qu’une double imposture. Elle sert en tout cas d’abord à masquer une prise du pouvoir par la force qui consacre la fin en Angleterre d’une légitimité dynastique.
3À vrai dire, l’idée même d’une légitimité dynastique n’avait pas en Angleterre la même force qu’en France et les règles de succession avaient toujours été floues. Les rois saxons de Wessex devaient nécessairement descendre du légendaire Cerdic, mais la succession n’est pas pleinement héréditaire, le roi devant être "reconnu ou proclamé tel par une fraction au moins des witan, c’est-à-dire par ceux qui sont à la fois les conseillers du roi et ses agents"2. Même quand l’hérédité semble se renforcer aux IXe et Xe siècles, on préfère parfois un frère adulte à un fils enfant. La conquête danoise complique à nouveau les choses, ajoutant des prétendants danois aux diverses branches saxonnes ; la lutte armée et les rapports de force au witenagemot font et défont les rois jusqu’à la "restauration saxonne" avec Edouard le Confesseur, pourtant contesté par sa propre mère. Le refus d’Edouard de consommer son mariage prive le royaume d’un héritier relativement incontestable ; les prétendants de 1066 sont tous deux étrangers à la dynastie issue de Cerdic, Harold tenant ses "droits" de sa grand-mère maternelle Thyra, soeur du conquérant danois Suénon "à la barbe fourchue", et Guillaume de Normandie se réclamant de sa grand-tante Emma, deux fois reine d’Angleterre par mariage mais non héritière du royaume ! Le witenagemot ne se souviendra qu’après Hastings de l’unique héritier saxon, Edgar "Aetheling", qui renoncera prudemment à défendre ses droits. Guillaume tiendra son trône de la conquête et d’une hypothétique désignation par le Confesseur3. Mais d’un point de vue "dynastique", la situation est désormais inextricable : la soeur de l’Aetheling, Marguerite, devient l’épouse de Malcolm III d’Ecosse, et la "légitimité saxonne" par le sang revient à leur postérité4. La volonté de Guillaume d’écarter son fils aîné du trône d’Angleterre, les luttes entre les fils du Conquérant et surtout la rapide extinction de sa lignée mâle empêchent toute stabilisation ; Henri 1er, troisième fils de Guillaume, a finalement réunifié l’héritage et épousé une fille de Malcolm et Marguerite, mais la mort de son unique fils légitime dans le naufrage de la Blanche Nef rouvre une crise ; à Mathilde, fille d’Henri, s’oppose le "prétendant mâle", Étienne de Blois, petit-fils du Conquérant par sa mère ; c’est au prix d’une guerre civile qu’Henri "Plantagenêt", fils de Mathilde et comte d’Anjou, devient roi d’Angleterre. Son fils Richard Coeur de Lion lui succède normalement, mais n’a pas d’enfant. Geoffroi, cadet de Richard, est mort prématurément, laissant deux enfants, Arthur et Aliénor. Jean sans Terre, dernier fils d’Henri II, évince son neveu en invoquant la "non-représentation" successorale, puis liquide Arthur et garde Aliénor prisonnière5 ; à plusieurs reprises, ses barons offriront sa couronne au prince héritier de France, époux de sa nièce Blanche6 ; à la mort de Jean toutefois, les barons, séduits par la perspective d’une longue minorité, se rallient à son jeune fils Henri III, dont les cinquante-six ans de règne consolideront le retour de l’hérédité. La primogéniture semble s’imposer, et même la déposition d’Edouard II en 1327 ne paraît pas ébranler le principe dynastique, puisqu’elle est faite au profit de son fils aîné. Les cinquante ans de règne d’Edouard III restaurent la monarchie et les choses semblent se clarifier : Richard II, âgé de dix ans, succède à son grand-père Edouard III en 1377 sans difficulté, le principe de représentation est admis, et on évite une crise comparable à l’avènement de Jean sans Terre.
4Tout va pourtant basculer assez vite, et le contraste avec l’évolution française est ici frappant. Charles VI et Richard II ont pratiquement le même âge, tous deux succèdent encore enfants, sous l’ombre tutélaire mais envahissante d’oncles peut-être trop nombreux. Charles VI, malgré son infirmité et le dénouement catastrophique de son règne, restera jusqu’au bout "le Bien-Aimé", et de la gravité même de la crise finale naîtra la loi de succession française, l’indisponibilité de la couronne et la théorie statutaire, première loi constitutionnelle d’Europe sur la désignation des gouvernants. Richard II, en butte à l’hostilité des magnats et aux ambitions de ses proches, est finalement déposé en 1399 par son cousin Henri de Lancastre, qui usurpe son trône et le fait assassiner en 1400 : une usurpation qui, durant trois générations, paraît un succès, bien que dépourvue de légitimité théorique, mais que les revers de la guerre continentale vont remettre en cause, l’héritier légitime finissant par revendiquer le trône par les armes en 1460 ; c’est à ce conflit, terminé en 1471 par la victoire yorkiste, que revient stricto sensu le nom de "guerre des deux roses". Toutefois, si les racines remontent au temps de Richard II, le dénouement véritable ne survient qu’en 1485 ; les "restaurations" yorkistes de 1461 et 1471 auraient pu signifier un retour à une dévolution dynastique, mais du côté lancastrien la légitimité s’est obscurcie au point que n’importe qui peut se poser en prétendant. La succession d’Edouard IV et le règne contesté de Richard III donnent le prétexte d’une nouvelle usurpation, qui n’a plus en réalité de base dynastique : à une légitimation hésitante succède une légitimité en éclats.
L’usurpation lancastrienne : une légitimation hésitante
5Afin de débrouiller l’écheveau dynastique, il convient de passer en revue l’abondante postérité d’Edouard III et il faudra même, un peu plus loin, remonter à celle de son bisaïeul Henri III. Il faut donc détailler ici cette généalogie (pour des raisons techniques, il n’a pas été possible de la présenter sous forme de tableau).
6Sur les huit fils7 d’Édouard III et Philippa de Hainaut, cinq ont atteint l’âge adulte et laissé postérité :
7À l’évidence, l’héritier légitime de Richard II, à défaut de descendance du roi, était le petit-fils de Lionel d’Anvers, Roger Mortimer, comte d’Ulster et de March : la couronne d’Angleterre était venue aux Plantagenêts par les femmes, et la représentation avait été admise pour Richard II lui-même. Roger fut d’ailleurs désigné comme héritier présomptif par le roi, et reconnu tel par le Parlement ; quand il périt dans une embuscade en Irlande en 1398, son fils Edmond fut reconnu à son tour, bien qu’il n’eût que 7 ans8, Henri "Bolingbroke" n’avait normalement pas de chances d’arriver au trône. Mais tôt dans le règne de Richard II, des ambitions se sont manifestées, et les "grandes manoeuvres" ont commencé, avec un mépris profond pour le principe dynastique.
8Jean de Gand, malgré les rumeurs hostiles, semble être resté loyal envers son neveu ; c’est après son départ pour son expédition espagnole9 que commence l’attaque. En 1386, un conseil imposé au roi met celui-ci en tutelle ; en 1387-1388, les "Appellants" et le "Parlement sans merci" liquident son entourage, malgré les prières de la reine10 À la tête des Appellants, le plus jeune des oncles du roi, Thomas, duc de Gloucester ; à ses côtés, même si son rôle est moindre, Henri Bolingbroke. En décembre 1387, à la Tour de Londres, Richard II aurait été déposé pendant trois jours, et "restauré" (mais impuissant) uniquement parce que Gloucester et Bolingbroke voulaient tous deux prendre sa place et ne pouvaient se départager11 : la menace de faire subir au roi le sort de son bisaïeul Edouard II, brandie en octobre 1386, aurait donc été momentanément exécutée, et si, comme le veut la Chronique de Westminster, les Appellants ont rappelé à Richard qu’il avait un héritier majeur et prêt à prendre le pouvoir en cas de nécessité12, cet "héritier" n’était évidemment pas l’héritier légitime Roger Mortimer. Il est clair que les visées de Bolingbroke sur le trône sont bien antérieures à 1399. Il les a tues cependant après cet épisode, lors de la reprise du pouvoir par Richard ; Jean de Gand, de retour en Angleterre, pouvait d’ailleurs gêner ces ambitions. Bolingbroke avait cependant un moyen de passer avant son père dans l’ordre successoral : la prétendue aînesse de son trisaïeul maternel, Edmond de Lancastre.
9La rumeur a fait de Jean de Gand le responsable de cette légende, dont on ne connaît à vrai dire ni l’auteur ni la date13. Edmond, comte de Lancastre, aurait été le véritable fils aîné d’Henri III, mais on l’aurait écarté du trône illégalement parce qu’il était bossu. Tous les souverains anglais depuis la mort d’Henri III étaient donc illégitimes, la couronne devant revenir à Bolingbroke, fils aîné de Blanche, l’héritière de Lancastre. En réalité, le surnom de "Crouchback" porté par Edmond de Lancastre ne signifierait pas "bossu", mais serait une déformation de "Crossback", allusion à la croisade où il avait accompagné son frère le futur Édouard Ier. Le mythe de l’héritier déchu pour un handicap physique ou mental reparaît d’ailleurs à diverses reprises au Moyen Âge14 Henri Bolingbroke a dû attendre pour l’exploiter. En 1398, à l’occasion de sa querelle avec Mowbray (autre Appellent), Richard II l’exile pour dix ans. Bien accueilli à Paris (bien que les Appellants aient été le parti de la guerre), il s’y comporte presque déjà en prétendant, nouant une alliance avec Philippe de Bourgogne, puis Louis d’Orléans, et recherchant en mariage une cousine germaine de Charles VI, Marie, fille cadette du duc de Berry15. Le projet échoua : Charles VI était depuis 1396 le beau-père de Richard II, qui souhaitait la paix avec la France16. Ni le roi, ni (quand il était "empêché") ses oncles n’envisageaient un renversement d’alliance où la France ne trouverait que des désavantages. La mort de Jean de Gand le 3 février 1399 précipite les choses. Richard II déclare perpétuel l’exil de Bolingbroke et confisque l’énorme héritage de Lancastre, tout en laissant entrevoir une possible restitution à Bolingbroke ou à son fils17. Mais Bolingbroke profite de l’absence du roi (qui fait la guerre en Irlande) pour revenir en Angleterre, réclamer son héritage, et très vite, dès qu’il s’est assuré un soutien suffisant, le trône. Invoquer le "mauvais gouvernement" de Richard et le traiter de tyran18 ne suffisait cependant pas à légitimer une prise de pouvoir, même une fois le roi forcé à l’abdication (et, pour faire bonne mesure, déposé solennellement). Quatre solutions s’offraient pour mettre "légitimement" Bolingbroke, et non March, sur le trône déclaré vacant.
10Le mythe Lancastre avait la faveur de Bolingbroke. Dès avant la déposition de Richard II, une commission de "docteurs, évêques et autres", dont le chroniqueur pro-lancastrien Adam d’Usk, fut mandatée pour "set aside King Richard and choose the duke of Lancaster in his stead, and how it was to be done". Elle dépouilla quelques chroniques, à la recherche de l’aînesse d’Edmond de Lancastre, ne trouva rien et dut écarter poliment le mythe. Déclarer rétrospectivement illégitimes tous les successeurs d’Henri III devait d’ailleurs inquiéter : leurs concessions de charges, titres ou fiefs seraient nulles, leur confirmation tenant au bon vouloir du nouveau roi, et le royaume serait dans l’instabilité foncière et politique. Un tel argument fut opposé au deuxième moyen de légitimation : à défaut d’une aînesse fictive, Bolingbroke songeait au droit de conquête, mais Sir Guillaume Thirning, président du Tribunal du Banc du Roi, lui représenta que cela engendrerait une grave inquiétude quant aux droits de propriété (il paraît sous-entendu que ce serait plus tyrannique que la confiscation par Richard II de l’héritage Lancastre, donc dangereux pour le prétendant). L’archevêque Arundel, qu’on a pu considérer comme précurseur des Whigs, tenait pour une désignation par le Parlement et le peuple : l’Anglais Guillaume d’Occam avait émis peu d’années plus tôt les premières théories sur la souveraineté populaire et le droit du peuple à déposer les rois, mais Bolingbroke, s’il traitait son cousin de tyran, tenait à exercer un pouvoir intact. Le seul moyen d’évincer les Mortimer était de réclamer la couronne comme héritier mâle : descendant d’Édouard III en ligne masculine, Bolingbroke passerait avant la postérité de Lionel d’Anvers et de sa fille. Mais comment importer la loi salique, franque donc étrangère, malgré l’histoire anglaise et l’origine des droits Plantagenêt au trône ? Même le Grand Juge lancastrien Jean Fortescue, après trois rois Lancastre, ne l’osera pas : pour lui, si un roi a une fille (qui a un fils) et un frère, le frère devra succéder, parce que la femme ne peut régner ni transmettre le droit de régner, l’homme étant pour la femme ce que l’âme est au corps (Adam était supérieur à Ève parce qu’il pouvait lui enseigner les vertus de prudence, courage et tempérance) ; mais Fortescue n’osait pas appliquer sa théorie à la couronne d’Angleterre, et suggérait de s’adresser sur ce point au pape. La masculinité aurait ridiculisé toute prétention au trône de France en vertu d’une succession féminine, et le parti de Bolingbroke, l’ancien parti des Appellants, était celui de la guerre en France ; Richard II avait à deux reprises menacé de requérir contre ses rebelles l’aide de Charles VI, et le prétendant savait qu’en tant qu’usurpateur il aurait besoin de succès militaires pour se fortifier. Aucune solution ne pouvait en vérité donner à Bolingbroke les "droits" anglais en France : ils venaient d’Isabelle, épouse d’Édouard II, et "l’aînesse Lancastre" ne les touchait pas ; venus par une femme, ils passaient aux héritiers d’une autre ; ni une conquête de l’Angleterre, ni une "élection" parlementaire du roi n’y faisaient rien, et il était trop tard pour le seul moyen de s’approprier ces droits, l’extinction de la postérité de Lionel. On pouvait condamner au célibat les enfants de Roger (comme jadis Aliéner, soeur d’Arthur de Bretagne, ou Gwenllian, fille de Llywellyn de Galles), voire leur oncle Edmond, mais leur tante Élisabeth était déjà mère : Bolingbroke ne pouvait s’avouer Hérode, et son indispensable partisan Northumberland était le beau-père d’Élisabeth.
11La "candidature" au trône de Bolingbroke le 30 septembre 1399, après la déposition de Richard II, reste floue sur la légitimité : "In the narne of Father, Son and Holy Ghost, I, Henry of Lancaster, challenge this realm of England and the crown with ail the members and the appartenances, as that I am descended by right Une of the blood cotning from the good lord Henry third, and through that right that God of his grace hath sent me with help of my kin and of my friends to recover it, the which realm was in point to be undone for de fault of governance and undoing of the good laws" 19. La conquête est maquillée en délivrance du royaume, et le mythe Lancastre fonde tacitement la revendication : comme "héritier mâle", Bolingbroke ne se référerait pas à Henri III, mais à Édouard III20. Le 6 octobre, le discours au Parlement de l’archevêque Arundel, sur le thème Vir dominabitur populo, justifie l’accession d’Henri parce qu’il est un homme, et non puéril comme Richard II : le refus du gouvernement d’un enfant légitime indirectement l’éviction de March. Le seul argument en faveur de la légitimité des rois Lancastre sera, en 1460, la prescription par une longue possession. Mais cette possession n’a jamais été paisible : l’évêque de Carlisle aurait rappelé lors de la déposition de Richard II l’impossibilité de renverser légitimement l’oint du Seigneur21. Henri IV a voulu paraître le bénéficiaire d’une faveur divine spéciale. Selon Froissart, il aurait pris une couronne fermée, "impériale", pour montrer la plénitude de son pouvoir. Le premier, il a fait utiliser pour l’onction la fiole miraculeuse remise par la Vierge à Becket et redécouverte par son grand-père, le duc de Lancastre Henri de Grosmont (signe de la prédestination royale des Lancastre), et le sacre eut lieu le 13 octobre, fête du saint "dynastique" Édouard le Confesseur. Rien n’y fit : l’huile miraculeuse fut versée sur des poux et les mauvais présages hantèrent le couronnement ; vrais ou faux, ils traduisent la conviction des chroniqueurs sur l’illégitimité du nouveau roi. Certes, pour la "Vulgate whig", finalement passée hors d’Angleterre, la chute du "tyran" Richard II et l’accession d’Henri IV ont été voulues par le peuple, et seuls quelques fous et irresponsables ont ensuite contesté ce choix populaire. La réalité est autre, et on sait aujourd’hui que le règne des Lancastre a été marqué par un sentiment de précarité et par la crainte d’un retournement de situation.
12Deux mois à peine après le sacre se noue un premier complot : Jean Holland, demi-frère de Richard II et beau-frère d’Henri IV, son neveu Thomas Holland de Kent, le comte de Rutland Édouard, fils du duc d’York et cousin germain d’Henri IV, le comte de Gloucester Thomas le Despenser, beau-frère de Rutland, associés à Jean de Montaigu, comte de Salisbury, l’un des derniers fidèles de Richard II, projettent de capturer Henri IV et ses fils à Windsor, lors des fêtes du nouvel an, puis de libérer et restaurer Richard II. Rutland prit peur et dénonça le plan : Salisbury fut lynché, Despenser capturé et assassiné, Jean Holland pris et décapité, et le soulèvement, sans chefs, s’effondra en janvier. Richard II fut liquidé en février (officiellement il mourut de chagrin, et la cause du décès est inconnue). L’exhibition du corps aux foules, sur le chemin de Londres, n’empêcha pas une longue croyance à la survie du roi. En 1402, frère Richard Frisby fut "hanged, drawn and quartered" dans son habit de moine, pour avoir voulu faire d’Henri "ce qu’il devrait être, le duc de Lancastre", déclarant au tribunal et au roi : "Je ne dis pas que Richard vit, mais s’il vit il est le vrai roi d’Angleterre. Vous avez usurpé sa couronne. S’il est mort, vous l’avez tué, et si vous avez causé sa mort, vous avez perdu tout titre et tout droit que vous aviez pu avoir à la couronne". Il courait bruit de la survie de Richard en 1407, et les faux Richard se succédèrent (il en resta un à la cour d’Écosse jusqu’en 1419).
13Parallèlement, d’autres menaces se levaient contre l’usurpateur. En 1401, on trouva dans son lit une chausse-trape à trois branches empoisonnées. Surtout, l’imprudence inquiète d’Henri allait lier à la question dynastique la rébellion galloise d’Owen Glendower : en 1402, Owen captura Edmond Mortimer, oncle de l’héritier légitime, et Henri, ravi d’être débarrassé d’un éventuel danger, interdit son rachat, même par son beau-frère Henri Percy "Hotspur". Mortimer épousa la fille d’Owen et annonça qu’ils allaient restaurer Richard, ou à son défaut faire roi l’héritier légitime. Hotspur et son oncle Worcester, sénéchal de la maison du roi, se joignirent à eux, avec le soutien du Cheshire et du Shropshire, où la fidélité à Richard restait vivace : ils furent vaincus, et Hotspur tué, à Shrewsbury, où les archers du Cheshire arboraient le cerf d’argent ricardien. En février 1405, Constance d’York, veuve du comte de Gloucester conjuré en 1400, fuit de Windsor avec les jeunes Mortimer qu’Henri lui a imprudemment confiés, pour faire proclamer l’héritier légitime au pays de Galles. Henri IV ne la rattrapa qu’à Cheltenham. Elle accusa son frère York, le dénonciateur de son mari, de vouloir assassiner le roi, mais il fut relâché neuf mois plus tard faute de preuves. Northumberland, le père de Hotspur, s’alliait à Edmond Mortimer et Owen, entraînant le comte-maréchal Mowbray, lord Clifford, lord Bardolf, et l’archevêque d’York Richard Scrope : le nord rejoignait l’ouest contre l’usurpateur. Capturés en mai à Shipton Moor, Mowbray et Scrope furent exécutés : malgré le grand juge Gascoigne, qui voulait le remettre au juge ecclésiastique, l’archevêque fut envoyé à la mort, d’ordre du roi, "ignominieusement monté à l’envers sur sa mule". La rébellion galloise continuait : en 1409 seulement, après six mois de siège où périt Mortimer, le château de Harlech fut pris, les enfants d’Owen et les trois filles de Mortimer capturés22. Etroitement gardé depuis 1405, privé de soutien, le jeune comte de March, héritier légitime, ne fut libéré qu’en 1410, quand le prince de Galles gouverna momentanément pour son père malade, et l’attacha à sa maison : une forme plus subtile de captivité.
14Henri IV se serait repenti de son usurpation, mais ses fils l’auraient empêché de la réparer ; quand Henri V lui succéda en 1413 sans apparente difficulté, bien des témoins du couronnement auraient pourtant pensé que March aurait eu plus de droit à cette couronne23, et l’astrologue Jean Fusoris rapportera la même opinion en 1415. March toutefois, plus ou moins ouvertement prisonnier dès l’âge de neuf ans, n’osait pas se révolter, ni même prendre une quelconque initiative après la violente réaction d’Henry V à son mariage secret24. D’autres étaient prêts à lutter : le complot de Sir Jean Oldcastle et des Lollards en 1413 était religieux, non dynastique, mais Oldcastle put fuir grâce aux moines de Westminster, abbaye "ricardienne", apparemment prête à aider un hérétique s’il était rebelle à l’usurpateur. Oldcastle se joignit à Meredith Glendower, le fils d’Owen, et les Lollards se mêlèrent en 1415 au "complot de Southampton", noué comme en 1400 dans la famille royale. Fils cadet d’Edmond de Langley, fait comte de Cambridge par Henri V en 1414 mais époux d’Anne Mortimer, la soeur et héritière présomptive de March25 Richard "de Conisburgh" voulait ranimer l’alliance avec les Gallois (Meredith, et Owen s’il vivait encore) et avec Henri Percy, le fils de Hotspur, qui soulèverait le nord avec l’aide de l’Écosse (dont le roi était captif en Angleterre depuis 1406). Les conjurés comptaient (à tort) sur Davy Howell pour leur livrer les forteresses galloises. Oldcastle et ses Lollards soulèveraient l’ouest. Si lord Clifford avait refusé d’entrer dans le complot (sans toutefois le dénoncer), on y trouvait Sir Thomas Grey de Wark, soldat expérimenté et figure influente du nord26, et Henri, lord Scrope de Masham. Riche, pieux (voire mystique) et bibliophile, Scrope avait refusé en 1405 de se rallier à son oncle l’archevêque. Désigné par Henri IV en 1406 pour mener sa fille Philippa à son mariage suédois, proche depuis 1410 du prince de Galles qui, devenu roi, le fit trésorier de la Maison, il semblait fidèle lancastrien, malgré son remariage avec Jeanne Holland, veuve d’Edmond de Langley et nièce de Richard II ; il ne fut pas payé par la France, comme on le prétendit en 1415. Lui-même affirma qu’on avait fait appel à lui en souvenir de son oncle "le martyr" ; peut-être les miracles attribués par la vénération populaire à "saint Richard Scrope" ont-ils converti ce dévot à la cause qu’il avait rejetée dix ans plus tôt. Les conjurés eurent du mal à fixer un plan, Scrope répugnant notamment à coopérer avec les hérétiques Lollards ; on décida enfin de dénoncer "Henri de Lancastre, usurpateur de l’Angleterre", et de le tuer le 1er août. Mais March, conspirateur hésitant, prit peur et révéla tout au roi ce 1er août. Cambridge, Grey et Scrope furent exécutés. Dans le tribunal de pairs qui jugea (en tant que lords) Cambridge et Scrope, siégeaient March et le duc d’York, frère de Cambridge et dénonciateur de 1400 (il allait être tué quelques mois après à Azincourt).
15Henri V l’avait échappé belle, et le complot a été plus dangereux qu’on ne le dit communément. En avril 1416, Richard Bruton, chanoine de Wells, comparut devant le Banc du Roi : il avait déclaré le 14 octobre 1415 (plus de deux mois après l’exécution des conjurés), qu’Henri V n’était pas vrai roi, que son père n’avait pas de droit au trône, que lui, Bruton, approuvait les conjurés et était prêt à verser 6 000 livres pour aider à déposer Henri V. Après Azincourt pourtant, le prestige guerrier d’Henri V consolida son trône, Oldcastle (qui s’agitait pour lui-même) fut exécuté en 1417, et March, dénonciateur de ses partisans, ne pouvait susciter l’enthousiasme. Mais en 1421, un de ses parents, Sir Jean Mortimer, soupçonné de trahison, fut incarcéré à la Tour. Évadé, il tenta de soulever les Galles pour March, en vain, malgré la maladie et la mort d’Henri V. Repris, il tenta encore de s’évader et fut la première victime de la nouvelle loi sur la trahison (novembre 1423) : tenter de s’évader, pour un accusé de trahison, valait désormais aveu. Mortimer fut "hanged, drawn and quartered” le 26 février 1424. Il était censé avoir voulu assassiner le duc de Gloucester et l’évêque Beaufort, et faire March roi, "bien que March fût un sot". Innocent de tout cela, March fut néanmoins forcé de rejoindre son poste de lieutenant du roi en Irlande, où il mourut de la peste dans les six mois : Gloucester trouvait excessifs son escorte et son train de vie, et préférait le voir loin. Henri VI avait deux ans, et son entourage ne pouvait prendre de risques.
16À la mort d’Edmond de March, le nouvel héritier, âgé de quatorze ans, tient ses droits de sa mère Anne Mortimer. Privé d’un rang conforme à sa naissance par l’exécution et l’attainder (voté en novembre 1415) de son père Cambridge, le jeune Richard, premier à relever pour nom de famille le surnom ancestral de Plantagenêt, est fait toutefois duc d’York en 1425 (titre vacant depuis la mort de son oncle à Azincourt), mais le conseil du roi confie à l’évêque Beaufort l’énorme héritage March, les comtés de March et d’Ulster, et Richard devra payer pour le récupérer en 1432. Après 1430, les généalogies rédigées pour les Lancastre "oublient" la descendance de Lionel de Clarence, comme en France Robert Jolivet, abbé du Mont-Saint-Michel, omettait Charles VII parmi les descendants de Charles VI27. Mais en 1444, une généalogie curieusement sélective inclut dans la famille royale de Lancastre les Beaufort, Stafford et Holland28.
17La France en revanche n’a pas reconnu l’usurpation lancastrienne. La demande d’Henri IV de marier son fils aîné à Isabelle de France, veuve de Richard II, a été rejetée. La France aida le soulèvement de Glendower. En 1415, aux pseudo-négociations de paix de Winchester29, l’archevêque de Bourges Guillaume Boisratier rappela à Henri V que Charles VI était vrai roi de France, mais que le seul roi d’Angleterre était "le vrai héritier de Richard II". Juvénal des Ursins rappelle inlassablement que les Lancastre sont des usurpateurs30. Seul le mariage d’Henri VI en 1444 avec Marguerite d’Anjou, nièce de la reine de France, fera abandonner à la France la défense de la ligne légitime, privée d’utilité politique : Charles VII (et Louis XI ici l’imitera) protégera son faible neveu Henri VI contre l’héritier légitime partisan de la guerre en France. Le scénario de 1399 s’inverse. En Angleterre, à la mort de Bedford en 1435, c’est sur les Lancastre que plane l’ombre de 1399. Autour du roi enfant, seul petit-fils légitime d’Henri IV qu’on n’a pourtant pas hâte de marier31, s’affrontent son oncle légitime Gloucester et son grand-oncle né bâtard, le cardinal Beaufort. Majeur en 1437, le roi choisit Beaufort, qui place ses neveux et son allié Guillaume de la Pole, fait duc de Suffolk. La duchesse de Gloucester est emprisonnée à vie en 1441 pour sorcellerie contre le roi ; le duc, accusé de trahison, meurt en février 1447 peu après son arrestation32. À la mort du cardinal en avril, Suffolk et Edmond Beaufort de Somerset gouvernent, alliés à la reine.
18La succession légitime n’est pas totalement oubliée : dès 1440, un habitant de Chichester est accusé d’avoir dit que le roi n’était pas vrai roi et qu’on le verrait bientôt33. Mais York, connétable en 1430, comte de March, Ulster et Cambridge en 1432, chevalier de la Jarretière en 1433, est loyal envers Henri, bien que tenu loin du pouvoir. Lieutenant en France en 1435-1437 et 1440-1445, il doit payer lui-même administration et guerre, et l’incompétence et la rapacité des frères Beaufort paralysent ses efforts34. Pour l’entourage royal, il est l’homme à abattre, on l’accuse (sans succès) de malversations à son retour de France en 1445, on exécute en 1446 son armurier Davies (qui aurait dit qu’il devrait être roi). Loin de le déclarer héritier présomptif à la mort de Gloucester, ce qu’il est au moins comme petit-fils d’Edmond de Langley35, on lui préférerait Edmond Beaufort. Envoyé gouverner l’Irlande en 1448, il semble définitivement écarté. Mais en 1450, un homme est "drawn and quartered" à Ipswich pour avoir affirmé les droits d’York au trône ; l’évêque de Chichester Moleyns, ennemi d’York, est assassiné et un des assassins clame au roi les droits d’York36. Suffolk, accusé devant le Parlement, est exilé puis assassiné. Les paysans révoltés du Kent exigent que le roi s’entoure de ses vrais parents, York en tête, et renvoie les mauvais conseillers. Leur chef "Jack Cade", dont l’identité reste énigmatique, prétend s’appeler Jean Mortimer, et on le croit parent du duc, que l’entourage royal feint de croire complice. Mais York n’est revenu d’Irlande qu’après la rébellion, et parce que Somerset, rentré de France et fait connétable, a repris place au conseil. Il soutient les demandes de réformes des communes, et le roi se défie de lui. En 1451 aux Communes, Thomas Young, de Bristol, veut faire déclarer York héritier apparent ; on l’envoie aussitôt à la Tour, illégalement. En 1452, Oldhall, chambellan du duc, est accusé de préparer la déposition du roi. York proteste de son innocence, qu’il tente maladroitement de défendre en armes, puis se soumet sans combat et bénéficie peu après d’une amnistie royale. Jamais encore il n’a évoqué ses droits au trône.
19La situation s’alourdit en 1453 avec la grossesse de la reine et la "folie" du roi en août : il reste dix-huit mois inconscient de ce qui l’entoure. La maladie est tue, et on tente en octobre d’évincer York du conseil, où on le convoque en retard. La naissance du prince Édouard le 13 octobre lui a ôté le rôle, même officieux, d’héritier présomptif, et la reine est sa pire ennemie. Quand l’état du roi est révélé en mars, Marguerite n’obtient pas la régence, mais York n’est que "Protecteur", comme jadis Gloucester, prirnus inter pares sans les pleins pouvoirs d’un régent. Reprenant conscience à Noël 1455, le roi annule les mesures d’York, libère ses ennemis Somerset et Exeter37, et prépare son humiliation devant un grand conseil prévu pour le 21 mai à Leicester. Pour éviter le sort d’Onfroi de Gloucester, York prend les armes avec ses parents Neville. Avec les rechutes du roi et l’influence croissante de la reine, on glisse dans la guerre civile. Après une première série d’opérations en 1459-1460, York réclame la couronne comme héritier de Richard II au Parlement en octobre 1460. Il prouve son droit dynastique, rappelle qu’un tel droit peut rester dormant mais non se prescrire, affirme la nullité des allégeances à Henri VI, fondées sur un faux droit. Les lords tentent en vain de confier la décision aux juges, puis admettent la validité des droits du duc, mais rejettent à cinq voix de majorité un changement immédiat de dynastie. Le 24 octobre, l’Acte d’Accord décide qu’Henri VI restera roi sa vie durant, mais que York sera "rightful heir to the Crowns, Royal Estate, Dignity and Lordship, and after the death of the said Henry... the said Duke and his heirs shall immediately succeed to the said Crown, Royal Estate, Dignity and Lordship" 38, le prince Édouard étant écarté. Vieille solution : le 6 novembre 1153 déjà, à l’assemblée d’évêques, barons et magnats de Winchester, le roi Étienne reconnaissait le droit héréditaire d’Henri Plantagenet au trône anglais ; le duc Henri "concédait gracieusement que le roi garderait le royaume sa vie durant s’il le souhaitait, à condition que le roi, les évêques et les autres magnats déclarent sous serment que le duc aurait le royaume à la mort du roi, s’il lui survivait, paisiblement et sans contradiction"39. Le compromis avait réussi, mais Henri, à vingt ans, pouvait momentanément se contenter de la Normandie en espérant que le quasi sexagénaire Étienne ne le ferait pas attendre (il mourut le 25 octobre 1154). Mahaut de Boulogne, âme du parti de son mari, était morte en 1152. Leur fils aîné, violemment opposé au compromis qui le déshéritait, venait de mourir sans postérité ; le cadet, assuré de garder les domaines anglais de ses parents, renonçait aisément à un trône qu’il n’avait jamais espéré. Mais le traité de Troyes de 1420, réglant par un compromis comparable la guerre de cent ans, avait été un fiasco, et la situation anglaise de 1460 n’était pas plus propice : Marguerite ne laisserait pas évincer son fils ; York, de dix ans l’aîné d’Henri, ne pouvait guère espérer le trône pour lui-même. York est tué à Wakefield par les troupes de Marguerite le 30 décembre 1460. Son fils Édouard, aidé par son cousin Warwick, se fait proclamer roi à Londres (en rejoignant l’armée de sa femme, Henri VI a juridiquement violé l’Acte d’Accord), et le devient de façon incontestée après sa victoire à Towton le 29 mars. La légitimité est rétablie après 61 ans40.
20La brève restauration d’Henri VI n’est pas affaire de légitimité, mais résulte d’une erreur politique du roi, des intérêts blessés de Warwick et de la diplomatie de Louis XI. En septembre 1464, Édouard IV révèle qu’il a épousé secrètement le 1er mai Élisabeth Woodville. Cinq ans de plus que le roi, une petite noblesse par son père (même si sa mère est Luxembourg), douze frères et soeurs à établir41, deux fils d’un premier mariage avec Jean Grey (mort en 1461 dans les rangs lancastriens) : elle n’a pour elle que ses "cheveux d’or" et son "indestructible vertu"42. Scandalisées, la mère du roi et la noblesse43 se résignent pourtant au fait accompli. Mais Warwick, politiquement évincé, gêné par l’ascension des Woodville, tente en 1469 de faire roi son gendre Clarence44. Vaincu, réfugié en France en 1470, le "faiseur de rois" accepte l’invraisemblable condition à l’aide française : remplacer Édouard, non par Clarence, mais par Henri VI, dont on marie le fils à la fille cadette de Warwick. Ni Marguerite ni Warwick ne sont satisfaits, et l’alliance est fragile. Warwick restaure Henri VI, mais est battu et tué à Barnet, le jour de Pâques 1471. En mai, l’armée de Marguerite est écrasée à Tewkesbury, le prince Édouard tué, le parti Lancastre pratiquement anéanti. Henri VI meurt à la Tour le 21 mai, "de déplaisir", ce que nul n’a cru mais qui pourrait bien être vrai45. Henri Holland d’Exeter, héritier anglais de Lancastre, est enfermé à la Tour, où il mourra en 1475. L’héritier suivant, Raoul Neville, futur troisième comte de Westmorland, est rallié aux Yorkistes par le jeune frère du roi, Richard de Gloucester ; le suivant, Edmond Grey, comte de Kent, est passé à York en 1460 pendant la bataille de Northampton. Ils ne seraient d’ailleurs héritiers que par les femmes ; Édouard IV est héritier de Richard II par les Mortimer, et héritier mâle par Edmond de Langley. Les prétentions des Lancastre sembleraient bien mortes, s’il n’y avait... Clarence ! Déçu par la restauration d’Henri VI, il a certes regagné le camp de son frère avant Barnet. Mais il avait été désigné comme héritier si Henri VI et son fils mouraient sans enfant46. Veuf d’Isabelle Neville en 1476, il tente en 1477 d’épouser Marie de Bourgogne, pour (d’après Louis XI) "faire de grandes choses en Angleterre" grâce à la Bourgogne : Charles le Téméraire, Lancastre par sa mère Isabelle de Portugal, avait consigné ses droits anglais dans un acte secret du 3 novembre 1471 à Arras. Le mariage bourguignon pourrait être une tentative lancastrienne de Clarence, et pourquoi pas une "union des roses" ? Henri VII en 1485 aura des bases plus minces... Mais Édouard IV favorise le mariage Habsbourg, et refuse aussi l’offre de Jacques III de marier Clarence à sa soeur Marguerite d’Écosse : pas de risque dynastique ici47, mais les relations avec l’Ecosse n’ont pas besoin d’un trublion. Arrêté en juillet 1477, Clarence est jugé pour trahison en janvier, le roi menant lui-même l’accusation. D’après l’acte d’attainder, Clarence a prétendu qu’Édouard était bâtard, et cherché à dépouiller le roi et ses fils pour saisir le trône grâce à l’acte de l’ancien "roi de fait et non de droit" Henri48. Élisabeth Woodville aurait réclamé sa condamnation : pour Clarence, elle n’était pas selon les usages l’épouse légitime du roi, et elle craignait pour l’avenir de ses enfants49. Condamné, Clarence aurait été exécuté d’étrange façon, noyé dans un tonneau de vin doux pour Mancini (de malvoisie, diront les chroniqueurs Tudor), le 17 février.
21Les désastreux effets du mariage Woodville surgissent à la mort prématurée d’Édouard IV le 9 avril 1483 : son fils aîné, à douze ans et demi, est complètement sous l’influence de sa famille maternelle, qui tente d’écarter le Protecteur désigné par Édouard IV, Richard de Gloucester50. Venant du nord à Londres, Gloucester brise d’abord la mainmise Woodville sur le roi et l’État. Les rarissimes documents conservés font percevoir à Londres une atmosphère empoisonnée, lourde de rumeurs d’obscurs complots et projets d’assassinats51.
22Richard de Gloucester n’est évidemment pas le monstre bossu de Rous et Shakespeare, né avec des dents après deux ans de gestation52. Dévoué à Édouard IV, il lui a rallié le nord, qu’il a gouverné efficacement. L’hostilité qu’il rencontrera est dans une large mesure celle, classique, du sud envers ce nord auquel on l’assimile53. Il est en mauvais termes avec la reine, au moins depuis la mort de Clarence, à laquelle il s’est opposé54 ; il est d’ailleurs le rival naturel du clan Woodville, et le seul sérieux. Les circonstances de sa prise de pouvoir restent mal connues, et plusieurs controverses sont impossibles à dirimer.
23À une date imprécise en juin (le couronnement d’Édouard V étant prévu pour le 22) surgit la "révélation" de l’ancien chancelier Robert Stillington, évêque de Bath et Wells, "lequel évêque disait que le roi Édouard avait promis foi de mariage à une dame d’Angleterre (qu’il nommait) parce qu’il en était amoureux, pour en avoir son plaisir ; et en avait fait la promesse en la main dudit évêque, et sur cette promesse coucha avec elle : et ne le faisait que pour la tromper", "et dit cet évêque qu’il les avait épousés, et n’y avait que lui, et eux deux : il était homme de cour, et ne le découvrit pas, et aida à faire taire la dame"55. La dame, Aliénor Talbot, fille du "grand Talbot" et veuve de Sir Thomas Butler, n’est morte que le 30 juin 146856. Sur cette base se bâtit la "pétition des lords spirituels et temporels, et des Communes du royaume" du 25 juin 1483, que reprend en janvier 1484 au Parlement l’acte d’établissement de la couronne : le mariage Woodville est nul pour bigamie57, les enfants d’Édouard IV, bâtards, sont inaptes à succéder58. Les enfants de Clarence sont exclus par l’attainder de leur père59, Richard est donc "very inheritor to the crown and dignity royal". Aucune allusion dans ces textes officiels à une prétendue bâtardise d’Édouard IV, bien qu’on sache par ailleurs60 que cette vieille ineptie avait été ranimée. Richard d’ailleurs logeait alors chez sa mère, et comme notait déjà Walpole en 1768, "il ne paraît pas trop vraisemblable qu’il ait publiquement accusé sa mère d’adultère, lorsqu’il tint son premier conseil chez elle"61. La pétition souligne que Richard seul, des fils du duc d’York, est né en Angleterre62, ce qui le porte naturellement à en vouloir le bien-être, et permet aux trois états du royaume d’avoir "connaissance plus certaine de sa naissance et filiation" ; plus qu’une allusion voilée à l’illégitimité de ses frères63, on peut voir là "l’insularité" méfiante des Anglais en temps de crise, et le désir, manifeste dans tout le document64 d’accumuler les compliments à Richard.
24Que penser du "mariage Butler", base des prétentions de Richard III au trône ? La Chronique de Croyland est dubitative, moins sur le fait que sur le droit : canoniste, l’auteur défend ici la compétence des cours ecclésiastiques, "comme il s’agissait de droit matrimonial, ce corps de laïcs (le Parlement de 1484) n’était pas qualifié pour trancher la question"65. Le libertinage d’Édouard IV est bien attesté, et selon Mancini, il persuadait les femmes "par l’argent et les promesses, puis les renvoyait"66. Les circonstances du mariage Woodville le montrent prêt à épouser (clandestinement) pour conquérir67 Le mariage Butler ne repose que sur la parole de Stillington (comment, d’ailleurs, prouver un mariage clandestin après la mort des époux ?), mais on ne lui connaît pas de liens privilégiés avec Richard, et il n’a pas tiré profit de l’affaire ; son silence antérieur ne peut surprendre, il n’avait certes pas le goût du martyre68. On ne peut prouver ni l’authenticité ni la fausseté du mariage, mais en 1485, on le verra, il ne passait pas pour une simple absurdité.
25Il n’y a pas eu d’opposition immédiate à l’accession de Richard III. La quasi totalité de la pairie assiste au couronnement le 6 juillet. Le comte de Kent, oubliant ses droits lancastriens, porte une épée de justice ; Marguerite Beaufort, lady Stanley, tient la traîne de la reine, et son mari Stanley, pourtant mêlé au "complot" de Hastings, porte la masse du connétable, la charge étant vacante ; déjà fermement rallié69, Édouard Grey de Lisle, beau-frère d’Élisabeth Woodville, est là. On peine à croire que la peur seule ait ainsi réuni la noblesse anglaise, pour s’évaporer dès le mois suivant70. Que les "enfants d’Édouard" aient été ou non assassinés peu après n’est pas ici notre propos71. Il est douteux que Richard, en prenant le pouvoir, ait "condamné les princes", parce que "renvoyer un roi du trône n’est que le premier pas pour le renvoyer du monde. Un monarque déposé ne peut choir que dans la tombe, comme les usurpations de Mortimer et Isabelle, d’Henri IV, d’Henri VII, et le triomphe des Têtes Rondes l’attestent abondamment"72. Édouard II, Richard II, Richard III, Charles 1er, étaient crowned and anointed Kings, on ne pouvait s’en défaire que par la mort ; Édouard V, et a fortiori son frère, n’avaient pas ce caractère sacré. La conjuration de l’été 1483 apparaît d’abord comme une division dans la légitimité yorkiste : il s’agit de libérer les princes et de faire fuir leurs soeurs à l’étranger, pour que "s’il arrivait malheur aux princes, le trône puisse revenir un jour aux héritiers légitimes". Mais ce complot "ultra-yorkiste" bascule avec l’intervention de Buckingham ; la rébellion, par ses chefs, Buckingham ou Dorset plus encore qu’Henri Tudor, devient lancastrienne, avec un véritable "poker menteur" quant au bénéficiaire réel73.
26La légitimité yorkiste "ricardienne" s’obscurcit à son tour à la mort en 1484 du fils unique de Richard. L’attainder de Clarence pouvait être renversé, mais Richard préféra finalement au trop jeune Édouard de Warwick Jean de la Pole, comte de Lincoln, fils aîné de sa soeur Élisabeth. Ce choix, même en considérant Warwick et sa soeur comme definitivement écartés, n’était pas strictement "dynastique", Élisabeth n’étant que la 2e fille du duc d’York ; Anne, l’aînée, avait laissé une fille de son 2e mariage avec Thomas Saint-Léger, et l’attainder de celui-ci (exécuté comme rebelle en 1483) ne devait pas toucher des droits venus à sa fille en ligne maternelle. Personne n’a probablement pensé à une enfant qui n’avait pas dix ans, mais ses descendants futurs pouvaient être de nouveaux Mortimer. À vrai dire, tout cela pouvait être vain : veuf à trente-deux ans et demi en mars 1485, Richard pouvait normalement assurer sa descendance. Qu’il ait voulu épouser sa nièce Elisabeth d’York paraît absurde, même si une dispense était possible, et il l’a démenti74. Mais il ne manquait pas d’autres possibilités. L’invasion d’Henri Tudor, la défaite et la mort de Richard III sur le champ de bataille de Bosworth le 22 août 1485, en ont décidé autrement. Avec l’avènement d’Henri VII Tudor, la légitimité dynastique vole en éclats.
Henri Tudor ou la légitimité en éclats
27Qui est ce nouveau roi d’Angleterre, porté au trône par des mercenaires français, quelques Gallois, et, à Bosworth, l’abstention de Percy, la volte-face des Stanley, et surtout la chance75, et que le succès fera passer, contre toute attente, pour le légitime héritier de Lancastre ?
28Le fils d’Edmond Tudor et de Marguerite Beaufort n’avait certes pas ces prétentions à sa naissance. Son père, mort trois mois auparavant, était peut-être bâtard, en tout cas né d’une union bien inégale. Owen Tudor, Tewdwr, Tidir, Tidder, qu’on devrait transcrire "Eugène Théodore"76, avait pour quintaïeul paternel Ednyfed Fychan, sénéchal et fidèle compagnon de Llywellyn le Grand, et gendre du Lord Rhys ; sa grand-mère Marguerite avait pour quadrisaïeule Ankarette (Angharad) de Galles, fille de Llywellyn le Grand et de Jeanne, bâtarde de Jean sans Terre, un sang royal anglais bien dilué77. Ralliés à Édouard 1er au moins en 1296, les descendants d’Ednyfed tenaient une place honorable parmi les notables et propriétaires gallois, accédant sous Richard II à de hautes charges administratives et militaires, mais leur participation à la révolte de leur cousin Glendower les ruina. Owen apparaît, à un poste imprécis, dans la maison de Catherine de France, qui s’éprit de lui après la mort d’Henri V. De leur union, légitime ou non78, vinrent quatre enfants : la fille mourut jeune, le troisième fils devint moine, vécut et mourut obscurément, mais Henri VI, vers 1442, s’intéressa aux aînés, Edmond et Gaspard (Jasper), qu’il fit venir près de lui. En 1452, Edmond Tudor devint comte de Richmond et son frère comte de Pembroke, avec préséance sur toute la noblesse anglaise, les ducs exceptés. En 1453, sur pétition du Parlement, ils furent déclarés "frères légitimes du roi, nés de la même mère" et libérés de toute incapacité éventuelle liée à l’origine étrangère de leur père79. Dès 1455, Edmond épousait Marguerite Beaufort. Leur fils unique était bien le neveu d’Henri VI, dont il reçut le prénom. Mais une parenté par Catherine de France n’ouvrait évidemment aucun droit au trône d’Angleterre. Que le jeune Henri fût, par ses aïeux gallois, le descendant des anciens rois bretons et du légendaire Cadwallader n’aura d’importance qu’à Bosworth, où le dragon de Cadwallader flottera sur l’étendard de Tudor ; mais si les prophéties bardiques et la mémoire du roi Arthur pouvaient servir, il fallait pour le trône des droits plus concrets.
29Ces droits, on prétend généralement qu’Henri Tudor les tenait de sa mère Marguerite Beaufort. "L’épuration" déjà citée des généalogies met certes les Beaufort en bonne place dans la famille de Lancastre. Suffolk, qui avait marié son fils à Marguerite Beaufort enfant, fut accusé de vouloir mettre la fillette sur le trône pour régner sous son nom80 ; le scénario n’est pas invraisemblable, ce sera celui de Dudley en 1553. L’oncle de Marguerite, Edmond de Somerset, a paru un rival pour York jusqu’en 1453. Pourtant, il est évident que la parenté des Beaufort avec Lancastre, pour proche qu’elle soit, ne leur donne pas plus de droits au trône que Catherine de France n’en donnait aux Tudors. Les Beaufort sont des bâtards, nés d’un double adultère. Que le pape ait accepté de les légitimer est déjà une grande faveur. Que Richard II ait fait confirmer cette légitimation par acte du Parlement montre qu’il avait besoin de Jean de Gand ; qu’au milieu des dignités laïques ou ecclésiastiques auxquelles ils pourraient accéder, on n’ait rien dit en 1397 sur la dignité royale n’a en revanche rien de surprenant. Henri IV, en ajoutant en 1407 "excepta regali dignitate" n’a fait que formuler l’évidence, et il paraît bien superflu de demander s’il pouvait ainsi compléter valablement de son seul chef un acte du Parlement ; l’incise est plus une interprétation (redondante) qu’une innovation. À l’évidence, des princes légitimés ne pouvaient être appelés à succéder qu’après extinction de toute postérité légitime81. De plus, les Lancastre ayant usurpé le trône, les prétentions des Beaufort doivent être examinées par rapport aux justifications de l’usurpation, aux sources de la "légitimité lancastrienne". La qualité, timidement suggérée, d’héritier mâle, n’est plus utilisable ; après 1471, seuls les York descendent d’Édouard III en ligne masculine. Il faut donc se rabattre, bien que personne n’ait osé le dire, sur le mythe de l’aînesse Lancastre, mais ses bénéficiaires sont les descendants de la duchesse Blanche (non ceux des autres femmes de Jean de Gand) et plus généralement d’Edmond de Lancastre. Dans cette "aînesse Lancastre", Marguerite Beaufort n’est pas l’unique héritière, ni la première, il s’en faut de beaucoup.
30Qui serait, en 1483-1485, le "véritable" héritier selon la "légitimité lancastrienne" de 1399 ? Il faut ici revenir à la postérité d’Edmond "Crouchback". Des quatre enfants que lui donna Blanche d’Artois82, seul Henri laissa une descendance de son mariage avec Mahaut de Chaworth : un fils unique, Henri, premier duc de Lancastre, époux d’Isabelle de Beaumont, et père de la duchesse Blanche83. À la mort d’Henri VI, dernier descendant légitime d’Henri IV, l’aînesse lancastrienne passe à la postérité de Philippa de Lancastre, reine de Portugal, donc (après Alphonse V de Portugal, mort en 1481) à Jean II de Portugal. Si l’on écarte les descendants de Philippa comme princes étrangers (Portugais, Autrichiens, Bourguignons, Espagnols...), on passe à la postérité, bien anglaise, d’Élisabeth de Lancastre, duchesse d’Exeter : Neville, Grey, Greystock, Knyvett... (cf. supra). Henri Tudor n’en est pas, et ils ont été dans l’ensemble fidèle à Richard III. Viennent ensuite les descendants des filles d’Henri, comte de Lancastre. L’aînée, Blanche (1305-1357), mariée à Thomas Wake, et la quatrième, Isabelle (1317-1347), peut-être mariée à Henri de la Dale, mais religieuse dès 1337, n’ont pas eu d’enfants. Il en va tout autrement des quatre autres :
31Henri Tudor vient bien loin dans cette liste, et rien, jusqu’en 1483, ne l’a préparé à jouer les prétendants. Les Tudors étaient naturellement Lancastriens ; en 1461 après Mortimer’s Cross, Owen fut exécuté et Jasper, déjà redoutable guerrier, tenta une guérilla avant de rejoindre Henri VI en Écosse. Henri fut confié au nouveau comte de Pembroke, le yorkiste Guillaume Herbert, et à sa femme Anne Devereux. Repris par Jasper à la restauration d’Henri VI, il le suivit en 1471 dans sa fuite vers la France ; les vents contraires, cependant, les poussèrent en Bretagne, où le duc François II leur fit bon accueil. Jusqu’à la mort d’Edouard IV, oncle et neveu sont "des pions plutôt mineurs dans les relations diplomatiques entre l’Angleterre, la France, la Bretagne, et dans une certaine mesure la Bourgogne"84, Édouard cherchant à se les faire livrer, voire à les enlever, Louis XI réclamant ses cousins ou exigeant au moins pour eux une protection efficace. Marguerite Beaufort, remariée quand son fils avait quelques mois, n’avait revu Henri qu’en 1470-1471, mais, bien qu’il fût pratiquement un étranger pour elle, elle a consacré sa vie à ses intérêts. Comme ses maris successifs Henri Stafford et Stanley, elle a fait sa paix avec Édouard IV (dès 1471), et il est douteux qu’elle se soit dès lors imaginée en espoir des Lancastre, mais, ambitieuse pour son fils, elle veut le faire revenir en Angleterre : il pourra ainsi hériter d’elle et de sa mère, et aussi faire un brillant mariage. Édouard IV, avec qui elle négocie, lui aurait fait miroiter une union avec une de ses filles Rotherham, Morton et l’évêque de Worcester Alcock discutant de la dispense nécessaire) ; on parlait même d’Élisabeth. La sincérité d’Édouard IV est douteuse. Élisabeth avait été promise au Dauphin en 1475 ; de là à Henri Tudor, même après la rupture du mariage français en 1482, la chute serait trop grande85 Mais Marguerite, apparemment, y croyait, et aurait repris les négociations avec Richard III86, avant que l’évolution de la situation anglaise n’ouvre d’autres horizons. On ignore quand Marguerite (se souvenant sans doute de son premier mariage et des plans de Suffolk pour elle) a imaginé de faire son fils roi. Elle a en tout cas tôt entrepris de comploter avec Élisabeth Woodville (toujours réfugiée à Westminster) par l’intermédiaire de leur commun médecin et astrologue, Louis Caerleon, un Gallois. Hugues Conway, autre Gallois et cousin de Stanley, fut dépêché en Bretagne pour prévenir Henri. Ce complot fusionne avec celui de Buckingham, mais il convient ici de scruter de plus près les mobiles et les rapports des intéressés.
32Parmi les autres chefs du complot, Thomas Grey, marquis de Dorset, est le demi-frère d’Élisabeth d’York. Mais d’un point de vue "lancastrien", ses propres droits, par Jeanne de Lancastre et Isabelle Mowbray, valent mieux que ceux d’Henri Tudor ; s’il n’a pas eu d’enfants de sa première épouse, l’héritière lancastrienne Anne Holland, le fils aîné de son deuxième mariage est fiancé à Anne Saint-Léger, nièce d’Édouard IV87. Très conscient, on l’a vu, de sa propre importance, il ne comptait peut-être pas être seulement le beau-frère et lieutenant d’Henri Tudor. Réfugié en Bretagne puis en France après l’échec de la rébellion, il sera persuadé par sa mère, au début de 1485, de se rallier à Richard III, mais retenu en France, n’aura que le temps de changer à nouveau de camp, sans retrouver la confiance d’Henri VII88
33Buckingham a été le principal auxiliaire de Richard à la mort d’Édouard IV, et son aide a été richement récompensée. Le prétexte "officiel" de la rupture, le refus de Richard à propos de l’héritage Bohun, est faux89. Selon divers chroniqueurs Tudor, il aurait songé à renverser Richard pour son propre compte, mais Morton (dont le roi lui avait confié la garde) l’aurait convaincu de la supériorité des droits d’Henri Tudor90 En fait, il n’en dit rien dans sa lettre à Tudor du 24 septembre. En revanche, il attachait beaucoup d’importance à son propre sang royal et avait obtenu dès 1474 de porter les armes de son trisaïeul Thomas de Woodstock, "a coat near to the king and of his royal blood", "alone without any other artns to be quartered there-with" 91. Sa mère Beaufort passait évidemment après sa cousine et homonyme, mère de Tudor. Mais par sa quadrisaïeule Jeanne Fitzalan, fille d’Aliénor de Lancastre, Buckingham était mieux placé dans la "légitimité lancastrienne" que Tudor (descendant d’Alice Fitzalan, soeur cadette de Jeanne). Son père et son grand-père (tué à Wakefield) étaient lancastriens. Le bruit a tôt couru92 qu’il n’avait élevé Richard que pour éliminer les Yorkistes et prendre sa place. Il a probablement fait relancer les rumeurs sur la bâtardise d’Édouard IV93. Avec son entrée en scène, le complot destiné à restaurer Édouard V prend un tour "lancastrien"94, quand il "révèle" (et lui seul y avait intérêt) la mort des princes95 pour prendre la tête du complot. Qu’il l’ait sérieusement fait pour Henri Tudor est invraisemblable : si le complot avait réussi, et sans s’encombrer d’une "légitimité lancastrienne" complexe (les vrais héritiers lancastriens s’abstenant), le descendant légitime de Thomas de Woodstock avait des chances d’être mieux accepté qu’un descendant "légitimé" de Jean de Gand. Buckingham et Tudor espéraient chacun que l’autre tirerait les marrons du feu pour lui. Mais pour Richard III, le complot est bien celui de Buckingham, comme il ressort de l’attainder de Marguerite Beaufort : mère du "traître et rebelle Henri, comte de Richmond", elle l’a "incité à venir dans le royaume pour faire la guerre", a rassemblé de grandes sommes d’argent pour fomenter la trahison, conspiré et imaginé la destruction du roi "and was asserting and assisting Henry, Duke of Buckingham, in treason" 96. Peut-être à cause de sa diversité, le complot a échoué ; les soulèvements, désordonnés, ont été aisément réprimés, et le mauvais temps s’est chargé de retarder Henri Tudor. Buckingham a été exécuté le 2 novembre, et Tudor, qui n’avait pas débarqué, est retourné précipitamment en Bretagne sans avoir rien fait. Mais il est normal que le chroniqueur de Croyland, écrivant en 1486, au début du nouveau règne, ait vu le complot centré uniquement sur Henri Tudor.
34En 1485, avec un soutien français et non plus breton et un point d’invasion mieux choisi (le pays de Galles), Henri Tudor réussit ce qui a échoué en 1483, et il est seul chef et bénéficiaire de l’opération. Mais la "légitimité" sur laquelle il s’appuie reste floue.
35Dès la fin de 1484, il a adopté une signature royale et se comporte en roi97. Les lettres qu’il envoie en Angleterre pour recruter des soutiens parlent de "the furtherance of my rightful claim, due and lineal inheritance of that crown, and for the just depriving of that homidde and unnatural tyrant which now unjustly bears dominion upon you" 98 : d’explication sur le Urightful claim and due inheritance", même aussi vagues que celles de Bolingbroke, point. À peine débarqué, il commence ses proclamations par la formule royale”by the King", plaçant ainsi d’avance chacun devant le fait accompli. Dès lors, selon les termes d’un biographe moderne d’Henri VII, "learned discussions on the subjed of by what right Henry assumed the crown are largely otiose. There is no evidence of much if any overt discussion at the time. It was taken for granted that Henry was the male heir of the house of Lancaster through his mother Margaret Beaufort, whose own claims as heiress were ignored. The verdict of the God of battles had confirmed such hereditary right as existed, and acclamation on the field itself rounded off the traditional procedure for attainment of the throne"99.
36En fait, Henri s’est auto-proclamé, ce qui lui a permis non seulement de ne pas préciser ses titres, mais d’esquiver des barrages juridiques autrement insurmontables100, et de commettre en Parlement dès novembre 1485 une monstruosité juridique : par acte du Parlement, "Richard, "late duke of Gloucester”, and 28 other persons, having assembled a great host at Leicester on August the first year of the now sovereign lord, traitorously intending, imagining and compassing the destruction of the king’s royal per son, our sovereign liege lord, levied war against him, now stood convicted and attainted ofhigh treason" 101. En antidatant son règne Henri condamnait pour haute trahison à son égard le roi sacré et couronné contre lequel il s’était révolté102. Ni Bolingbroke ni York n’avaient osé une telle énormité. Le Parlement fut choqué, mais vota, chacun se demandant ce qu’il adviendrait des fidèles des futurs rois en cas de bataille103 : l’instabilité des propriétés, discutée en 1399, devenait manifeste104. Le même Parlement avait voté auparavant un acte enregistrant le titre du nouveau roi, sans aucune espèce de précision : "To the pleasure of Allmighty God, the wealth, prosperity and surety of this realm of England, to the singular comfort of all the King’s subjects of the same, and in avoiding of all ambiguities and questions, be it ordained, established and enacted, by the authority of this present Parliament, that the inheritance of the crowns of the realms of England and France, with all the preeminence and dignity royal to the same pertaining, and all other seigneuries to the King belonging beyond the sea, with the appartenances thereto in any wise due or pertaining, be, rest, remain and abide in the most royal person of our now sovereign lord King Harry the VIIth, and in the heirs of his body law fully corne, perpetually with the grace of God so to endure, and in none other” 105 En fait, "Henri était vrai roi d’Angleterre en vertu du fait qu’il était assis sur le trône"106. Dans son discours aux Communes d’ailleurs, Henri a affirmé tenir la couronne par juste titre héréditaire, mais aussi par verum Dei judicium, révélé par sa victoire sur le champ de bataille. C’est bien la conquête qui fonde son pouvoir, comme jadis celui de Guillaume de Normandie. La peur va pousser certains de ses sujets à lui inventer des droits auxquels il n’aurait pas songé lui-même : l’université d’Oxford en 1485 le compare pour la piété à son saint oncle Henri VI107 et pour la valeur militaire à son "grand-père" (sic) Henri V108
37Rien encore dans tout cela de l’autre rose, Élisabeth, "l’héritière d’York" qu’en 1483, à Rennes, il a solennellement promis d’épouser109. Il fallait certes obtenir une dispense pour parenté aux quatrième et cinquième degrés et peut-être pour affinité au quatrième degré110. Mais il fallait surtout "relégitimer" Élisabeth, officiellement bâtarde depuis l’acte de 1484 qu’il fallait donc annuler. Les juges de l’Échiquier estimaient qu’il valait mieux ne pas répéter dans le nouvel acte le contenu de celui de 1484, qu’on se contenterait d’annuler. L’annulation fut faite, complétée par l’ordre à toute personne possédant une copie de l’acte de Richard de la remettre au chancelier avant Pâques, sous peine d’emprisonnement et amende ; toutes les copies devaient être détruites111 ; l’acte de Richard n’a été redécouvert qu’au XVIIe siècle. Le contenu de l’acte de 1484 étant désormais séditieux, les chroniqueurs Tudor inventeront leurs propres versions de l’exclusion des enfants d’Édouard : pour More, Richard a prétendu qu’Édouard IV était engagé envers Élisabeth Lucy, l’une de ses maîtresses, ce que tout le monde savait faux. Que chacun ait réellement cru en 1485-1486 à la légitimité du mariage Woodville n’est pas certain, au contraire. En 1533 encore, l’ambassadeur de Charles Quint en Angleterre écrivait à son maître "vous avez plus de droits (à la couronne anglaise) que le roi actuel, qui ne tient le trône que de sa mère, déclarée bâtarde par sentence de l’évêque de Bath, parce qu’Édouard avait épousé une autre femme avant la mère d’Elisabeth d’York" (pour Charles Quint qui est l’un des "vrais" héritiers de Lancastre, le "titre lancastrien" Beaufort-Tudor ne mérite même pas d’être cité). En Angleterre, divers complots yorkistes se succèdent, prouvant qu’Elisabeth n’était pas universellement tenue pour légitime héritière. Mettons à part Perkin Warbeck, qui se présentait comme Richard, duc d’York, rescapé de la Tour : il est évident qu’un des frères d’Élisabeth l’aurait précédée dans l’ordre successoral. Mais dès 1487, une tentative est faite par l’héritier désigné de Richard, Jean de la Pole, comte de Lincoln, au profit du fils de Clarence, Édouard de Warwick ; le vrai Warwick était aux mains d’Henri VII112, à la Tour, ce qui n’empêcha pas les nobles irlandais de couronner leur prétendant à Dublin. Renforcés par des mercenaires allemands grâce à la duchesse douairière de Bourgogne, les rebelles furent vaincus à Stoke, où Lincoln fut tué. Warwick fut finalement liquidé le 28 novembre 1499 : officiellement, il avait conspiré avec Perkin Warbeck pour organiser une évasion113. Henri VII et Henri VIII s’acharnèrent à détruire les de la Pole114, et le même acharnement frappa sous Henri VIII "la dernière des Plantagenêts", Marguerite, comtesse de Salisbury, et ses enfants115. "L’union des roses", malgré la propagande, ne paraissait pas certaine à tous : "vers la fin du règne d’Henri VII, on produisait encore des généalogies pour soutenir des membres mineurs de la maison d’York. Elles rappelaient comment la maison de Lancastre avait saisi la couronne en 1399 contre tout droit et coutume ; comment le père d’Owen Tudor était un simple aubergiste de Conway et sa mère une fille d’obscure origine ; comment leur fils avait commis un adultère avec la reine Catherine ; et comment Henri Tudor lui-même, son père et son oncle Jasper étaient bâtards. Une généalogie proclamait même que la maison royale d’York avait été pratiquement éteinte par Henri lui-même, qui avait emprisonné puis pendu le duc d’York, frère cadet d’Édouard V"116. Ces allégations venaient en partie des agents de Marguerite d’York, mais trouvaient un écho en Angleterre : l’un des "traîtres" exécutés en février 1495 comme complices de Perkin Warbeck n’était-il pas Guillaume Stanley, dont l’intervention à Bosworth avait sauvé Henri Tudor ? La liquidation progressive des héritiers d’York par Henri VII ne pouvait que confirmer l’impression. Le 11 janvier 1500, Pierre d’Ayala, ambassadeur espagnol en Angleterre, écrivait cyniquement aux Rois Catholiques, "il ne reste dans ce royaume nulle goutte douteuse de sang royal, excepté le vrai sang du roi et de la reine et par dessus tout du prince Arthur"117 ; à vrai dire, il exagérait mais il est clair que Ferdinand d’Aragon, avant de donner sa fille Catherine au fruit de l’union des roses, avait tenu à des garanties sur la solidité du trône...
38Parmi les moyens de légitimation, Henri VII n’a pas oublié celui qu’avait suggéré Fortescue, le choix du pape118. La bulle d’Innocent VIII du 27 mars 1486, confirmant la dispense, confirmait aussi la légitimité des enfants de ce mariage et la déclaration du Parlement sur les titres du roi et de ses héritiers. Le pape interdisait en outre aux habitants du royaume de susciter de nouveaux troubles à propos des droits à la succession, sous peine d’excommunication ipso facto et d’anathème majeur, et précisait qu’à défaut d’enfants d’Élisabeth, ceux d’une autre femme légitime d’Henri succéderaient. Paradoxalement, même les frères d’Élisabeth n’auraient plus eu le droit de réclamer le trône. Marguerite d’York, soutenant Perkin Warbeck, a tenté d’obtenir d’Alexandre VI l’annulation de cette bulle, prise dans l’ignorance de divers éléments. Sa pétition présente d’intéressants développements sur la légitimité et sur la situation propre de l’Angleterre : "un peuple ne doit être gouverné que par un roi ayant de vrais droits à gouverner. Pour une véritable harmonie, le droit du monarque régnant à son trône doit être impeccable. Présentement, Henri Tudor tenait le trône, contrairement à la coutume anglaise, du droit de la guerre et d’un acte du Parlement... Les rois d’Angleterre n’étaient pas reconnus par vote, ni élection, ni bataille, "mais par propagation du sang". Ainsi, comme Richard d’York était vivant, et fils légitime d’Édouard IV, il avait bon droit au trône. Même si l’on maintenait qu’en tant que fils cadet, il ne pouvait pas succéder tant qu’un fils, ou le fils d’un frère, ou même une fille d’Édouard IV vivait, et même si le sang d’York disparaissait entièrement, il y avait encore des membres de la maison de Lancastre avec de meilleurs droits au trône qu’Henri VU"119. Mais en raison de l’évolution diplomatique, Alexandre VI ne se prononça pas et la bulle d’innocent VIII resta valable.
39Au total, l’union des roses est un joli mythe fondateur, mais n’est guère autre chose. Son caractère de propagande apparaît manifestement, bien que sans référence aux roses elles-mêmes, dans le titre-programme de l’ouvrage d’Édouard Hall, dans la première édition connue en 1548 : "The union of the two noble and illustre familles of Lancaster and York, being long in continual dissension for the crown of this noble realm, with all acts done in both the times of the princes, both of the one lineage and of the other, beginning at the time of King Henry the Fourth, the first author of this division, ans so proceeding to the reign of the high and prudent prince King Henry the Eighth, the indubitable flower and very heir of the said lineages”. Mais quand la postérité d’Henri VIII fut près de s’éteindre, à la fin du règne d’Élisabeth, circulait une liste de successibles difficilement compatible avec cette fiction : Philippe II d’Espagne, sa fille l’infante Isabelle120, les ducs de Bragance et de Parme (gendres d’Édouard de Guimaraës), Jacques VI d’Écosse, Arabelle Stuart, Édouard Seymour lord Beauchamp et son fils Guillaume, Henri Stanley comte de Derby et Henri Hastings, troisième comte de Huntingdon. Si les quatre premiers représentent la stricte légitimité lancastrienne, les cinq suivants diverses formes de légitimité Tudor121 Hastings, arrière-petit-fils de Marguerite, comtesse de Salisbury, est l’évident représentant de la légitimité yorkiste122. À titre anecdotique, on peut relever que ces divers personnages se retrouvent parmi les ancêtres d’Élisabeth Bowes-Lyon (mère de la reine Élisabeth II), de la feue princesse de Galles Diane Spencer ou de la duchesse d’York Sara Ferguson123. Mais les doutes sur la succession des Tudors confirment l’éparpillement de la légitimité dynastique124. Ils confirment aussi l’analyse parfaitement lucide de Philippe de Commynes : "le comte de Richement, aujourd’hui roi d’Angleterre, de la lignée de Lancastre, mais non pas le prochain de la couronne (quelque chose que l’on dise, au moins que j’entende)", qui "n’avait ni croix ni pile, ni nul droit à la couronne d’Angleterre..., lequel avec quelque peu d’argent du roi et quelques trois mille hommes pris en la duché de Normandie, et des plus méchants qu’on put trouver, passa en Galles... se rencontra avec ce cruel roi Richard, lequel fut tué sur le champ, et celui-ci couronné, qui encore aujourd’hui règne"125. La France n’avait pas d’illusions sur celui qu’elle avait mis sur le trône et qui l’en remercia en devenant un ennemi acharné.
Notes de bas de page
1 Notre propos n’est évidemment pas de détailler l’histoire politique, militaire ou diplomatique de l’Angleterre au XVe siècle (nous laisserons par exemple de côté les incidences des successions de Bourgogne et Bretagne). D’une bibliographie immense, on retiendra : ANGLO (S.), Images of Tudor Kingship, Londres 1992 ; BENNET (M.J.), Lambert Simnel and the battle of Stoke, Gloucester 1987 ; CARPENTER (C.), Locality and Polity, Cambridge 1992, The Wars of the Roses, Cambridge 1997 ; CHRIMES (S. B), English constitutional ideas in the 15th century, 1936, rééd. New York 1965, Lancastrians, Yorkists and Henry VII, Londres 1966 (2e éd.), Henry VII, Londres 1972 ; COOK (D R), Lancastrians and Yorkists : The War of the Roses, Londres 1984 ; COWARD (B.), The Stanleys, Lords Stanley and Earls of Derby, Manchester 1983 ; DOCKRAY (K.), Richard III : A Source Book, Stroud 1997, Edward IV : A Source Book, Stroud 1999 ; GILLINGHAM (J.), The Wars of the Roses, Londres 1981 ; GOODMAN (A.), The Wars of the Roses. Military Activity and English Society, 1450-1490, Londres1981, The New Monarchy : England 1471-1534, Londres 1988, John of Gaunt. The exercise of Princely Power in 14th Century Europe, Londres 1992 ; GRANSDEN (A.), Historical Writing in England, 11, c.1307 to the Early 16th Century, Londres 1982 ; GRANT (A.), Henry VII, Londres 1985 ; GRIFFITHS (R.A.), The Reign of Henry VI, Londres 1981, King and Country : England and Wales in the 15th Century, Londres 1991, Patronage, the Crown and the Provinces (éd), Londres 1981, Kings and Nobles in the Later Middle Ages (éd.), Gloucester 1986 ; HAMMOND (P.W.) (éd.), Richard III : Loyalty, Lordship and Law, Londres 1986 ; HANHAM (A.), Richard III and his early historians, 7483-7535, Oxford 1975 ; HICKS (M.), False, Fleeting, Perjur’d Clarence, Gloucester 1980, Richard III : The Man Behind the Myth, Londres 1991, Richard III and his Rivais : Magnates and their Motives in the Wars of the Roses, Londres 1991 ; HORROX (R.), Richard III : A Study in Service, Cambridge 1989, Richard III and the North (éd), Gloucester 1986 ; JONES (R.H.), The Royal Policy of Richard II : Absolutism in the Later Middle Ages, Oxford 1968 ; KENDALL (P.M.), Richard III, Londres 1955, Warwick the Kingmaker and the Wars of the Roses, Londres 1957, Louis XI, Londres 1971 (trad. Paris 1974) ; KIRBY, Henry V of England, Londres 1970 ; LANDER (J.R.), The Wars of the Roses, Londres 1965 et Gloucester 1990, Crown and Nobility 1450-1509, Londres 1976 ; Mc FARLANE (K.B.), Lancastrian Kings and Lollard Knights, Oxford 1972 ; POLLARD (A.J.), The Wars of the Roses, Londres 1988, Richard III and the Princes in the Tower, Stroud 1991 ; RAWCLIFFE (C.), The Staffords, Earls of Stafford and Dukes of Buckingham, 1394-1521, Cambridge 1978 ; ROSS (C.D.), Edward IV, Londres 1974, Patronage, Pedigree and Power in Later Medieval England (éd.), Gloucester 1978, Richard III, Londres 1981 ; SAUL (N.), Richard II, Londres-Newhaven 1997 ; SEWARD (D.), Richard III : England’s Black Legend, Londres 1983, Henry V as Warlord, Londres 1987 ; STOREY (R.L.), The End of the House of Lancaster, 1966, rév. Stroud 1999 ; WATTS (J.), Henry VI and the Politics of Kingship, Cambridge 1996 ; WEIGHT-MAN (C.), Margaret of York Duchess of Burgundy, Gloucester 1989 ; WILKINSON (B.), Constitutional History of England in the 15th Century, Londres 1964 ; WOLFFE (B.), Henry VI, Londres 1981 (nle éd. 2001).
2 FOREVILLE (R), "Le régime monocratique en Angleterre au Moyen Âge, des origines anglo-saxonnes à la mort d’Edouard 1er (1307)", Recueils de la Société Jean Bodin, XXI, La Monocratie, Bruxelles 1969 (p. 119-200), p. 125.
3 STENTON (F.), Anglo-Saxon England, Oxford 1943, rév. 1971, p. 420-427, 552, 560-561, 571, 576-580, 622 ; FOREVILLE (R.), l.c., p. 124-126, 131-143.
4 D’où les efforts des rois d’Angleterre, normands ou angevins, pour faire des rois d’Écosse leurs vassaux. La postérité mâle de Malcolm et sainte Marguerite s’éteint en 1286 ; par les femmes, la descendance continue chez les Bruce et les Stuart.
5 Née en 1184/6, Aliénor est restée prisonnière (sans alliance, bien sûr) sous Jean sans Terre et Henri III, jusqu’à sa mort en 1241 (il y eut des rumeurs d’assassinat).
6 Dès cette époque, les barons anglais semblent estimer qu’en ligne féminine on peut choisir parmi les héritiers : si les crimes de Jean excluaient ses descendants du trône, les successeurs logiques étaient les descendants de sa soeur aînée Mahaut et d’Henri le Lion de Saxe et Bavière (les Brunswick, déjà !), non de la cadette Aliénor, dont Blanche de Castille n’était que la 3e fille. Mais aucun de ces "prétendants" possibles n’aurait eu les moyens, comme le prince Louis, d’entreprendre une conquête (qui faillit réussir).
7 Trois sont morts en bas-âge, Guillaume "de Hatfield" (13367-1337), Thomas de Windsor (1347-13487), Guillaume de Windsor (né et mort 1348). Il n’est pas utile d’étudier la postérité des filles. Dans les tables qui suivent, on a omis beaucoup d’enfants morts en bas-âge ou sans postérité, ou dont la postérité était éteinte avant 1483-1485. Il n’est d’ailleurs pas possible de dresser une liste exhaustive des descendants, surtout en ligne féminine, quand les filles ont été mariées hors de la pairie. D’une bibliographie immense, on citera The Complete Peerage of England, Scotland, Ireland, Great Britain and the United Kingdom (éd. G. WHITE), 13 vol., Londres 1910-1959, les guides généalogiques de "Burke’s" (Burke’s Peerage, Burke’s Extinct and Dormant Peerage, Burke’s Guide to the Royal Family) et Debrett’s, Royal Wedding (1973, mariage de la princesse Anne), Book of the Royal Wedding (VICKERS (H.), Londres 1981, mariage du prince de Galles), Book of the Royal Engagement (GOODMAN (J.) et WILLIAMSON (D.), Londres 1986, fiançailles du duc d’York), Royal Scotland (GOODMAN (J.), Londres 1983) ; DUFF (D.), Elizabeth of Glamis, Londres 1973 ; MONCRIEFFE (Sir lain), Royal Highness, Ancestry of the Koyal Child, Londres 1982 ; MONTAGUE-SMITH (P.), The Royal Line of Succession, Londres 1967 ; PEARSON (J.), Royal Blood, The Story of the Spencers and the Royals, Londres 1999 ; ROUND (J.H.), Studies in the English Peerage, Londres 1901 ; TAUTE (A), BROOKE-LITTLE (J.), POTTINGER (D.), Kings and Queens of Great Britain : A Genealogical Chart, Londres 1970 ; WEIR (A), Britain’s Royal Familles, Londres 1989. Les recherches des Mormons sont également précieuses (microfilms, B.N.).
8 Mais après 1395, Jean de Gand aurait tenté au Parlement de faire désigner son fils comme héritier, March réclamant ses propres droits et Richard II intimant silence à tous deux, cf. SAUL (N.), l.c., p. 397.
9 Il réclamait le trône de Castille du chef de sa 2e femme, bâtarde de Pierre Ier. Celui-ci avait été renversé au profit de son frère bâtard Henri de Transtamare, soutenu par la France.
10 Elle a vainement imploré la grâce de Simon Burley, qui avait pratiquement élevé Richard II. Robert de Vere, comte d’Oxford, et l’ancien chancelier Michel de la Pole, comte de Suffolk, qui ont pu fuir, sont morts en exil. Les descendants de Michel de la Pole sont (par prudence ?) passés dès 1399 du côté Lancastre.
11 Chronique de l’abbaye de Whalley (Lancashire), British Library, Harley Ms 3600, cf. CLARKE (M.V.), Fourteenth Century Studies, Oxford 1937, p. 91.
12 The Westminster Chronicle 1381-1394, éd. HECTOR (L.C.) et HARVEY (B.F.), Oxford 1982, p. 226-228.
13 HARDYNG (John), Chronicle, éd. ELUS (H.), Londres 1812, p. 353.
14 Sur la légende, en France et en Bretagne, de Robert de Dreux, voir notre "En marge de la loi salique : tentatives de subversion constitutionnelle (XVe-XVIIIe s.)", AFHIP XV, Aix-en-Provence 2001, p. 65-85 (particulièrement p. 72-73). Le "prototype" est peut-être la succession de Blois au début du XIIe siècle : la redoutable comtesse Adèle écarta son fils aîné Guillaume au profit du 2e, Thibaut, investi en 1107. Marié à Agnès de Sully, Guillaume a fondé la 2e maison de Sully ; il aurait été bossu ou imbécile ou d’une violence déséquilibrée, cf. DAVIS (R.H.C.), King Stephen, Londres 1967, p. 4.
15 Veuve de Louis de Châtillon-Blois et de Philippe d’Artois, comte d’Eu (1397), remariée (1400) à Jean, futur duc de Bourbon. Cf. AUTRAND (F.), Jean de Berry, Paris 2000, p. 291-295.
16 C’était l’un des griefs de ses adversaires, qui redoutaient un soutien militaire de Charles VI à son gendre.
17 Les concessions des terres confisquées étaient provisoires, "until Henry of Lancaster, duke of Hereford, or his heir, shall hâve sued the sanie oui of the king’s hands according to the law of the land", Calendar of Fine Rolls 1391-1399, Londres 1929, p. 293.
18 La prétendue "tyrannie" de Richard vient de sa haute idée du pouvoir royal, en partie inspirée par les romanistes et honnie des magnats. Il a pourtant attendu longtemps pour secouer l’illégale tutelle de ses oncles. En 1386, avant d’agir contre ses adversaires, il a consulté les juges, qui ont estimé que les usurpations politiques du Parlement de 1385 relevaient de la trahison. S’il a vraisemblablement fait mettre à mort sans jugement son oncle Thomas de Gloucester, cela relève de la légitime défense (compte tenu du passé du duc) La confiscation de l’héritage Lancastre était maladroite peut-être, mais non dépourvue de base juridique.
19 Rotuli Parliamentorum (éd. STRACHEY (J.) et alii, Londres 1767-1777, 6 vol.), III, p. 422-423 (le texte anglais a été modernisé).
20 On ne peut accepter l’interprétation de SAUL (N.), l.c., p. 420, "Possibly Henry was making a vague allusion to the Crouchback legend, but more likely he was laying claim as the nearest heir in the male line" : Henri III n’ayant eu pour fils qu’Edouard Ier et Edmond de Lancastre (dont la descendance masculine est éteinte), on ne voit pas l’intérêt de remonter jusqu’à lui.
21 L’épisode, mentionné uniquement par la Chronique de la traison et mort de Richart II (éd. Williams (B.), Londres 1846), a été mis en doute (cf. SAUL (N.), l.c., p. 422).
22 La guérilla galloise ne mentionne plus ensuite les Mortimer.
23 Sur les remords d’Henri IV, CAPGRAVE (John), The Chronicle of England (éd. F. C. HINGESTON), Londres 1858 ; MONSTRELET (Enguerrand de), Chroniques (éd. DOUET D’ARC (L.), Paris 1857-1862. Sur le couronnement d’Henri V et les droits de March, Chronique du religieux de Saint-Denis (éd. BELLAGUET (F.), Paris 1839-1854), IV, p. 770.
24 Pour avoir épousé secrètement sa cousine Anne Stafford sans avoir sollicité la permission royale, March fut condamné à la lourde amende de 6 666 livres.
25 Il ne faut pas exagérer à cette date l’intérêt de cette qualité d’héritière présomptive : March en 1415 a 24 ans et vient de se marier.
26 Grey est parent de la famille royale par sa mère Jeanne Mowbray. Sa femme Alice Neville est la demi-soeur d’Aliénor Neville, épouse de Percy. Son fils aîné est fiancé à la très jeune fille de Cambridge.
27 LABORY (G.), "Une généalogie des rois de France se terminant à "Henri VI roi "de France" et d’Angleterre", Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, Paris 1999, p. 521-536 : "en cestui Charles VI est faillie la lignée de Vallois quant à hoir masle" ; Jolivet omet aussi les soeurs aînées de Catherine. Voir aussi pour la France ROWE (B. H), "King Henry VI’s claim to France in picture and poem", The Library, 1933, p. 77-88. Sur les généalogies anglaises, GRIFFITHS (R.A.), "The sense of dynasty in the reign of Henry VI", Patronage, Pedigree and Power in Laler Médiéval England (éd. ROSS (C.D.), Londres 1979).
28 Les Holland descendent de Jean de Gand. Les Beaufort sont des Lancastre légitimés. Les Stafford, descendants de Thomas de Woodstock (et non de Jean de Gand) ne sont pas vraiment des Lancastre (il y a une connexion Beaufort par Anne Neville, épouse du 6e comte Stafford et fille de Jeanne Beaufort, mais elle est partagée avec la moitié de la pairie anglaise ; les 2e et 3e connexions, les mariages des deux Marguerite Beaufort avec Onfroi et Henri Stafford, ne datent que de 1455 et 1457).
29 L’énormité des exigences d’Henri V montre qu’il voulait la guerre.
30 Notamment dans Audite celi. Cf. Écrits politiques de Jean Juvénal des Ursins, éd. LEWIS (P.S.), Paris 1978, p. 176-183, 215-216.
31 Le "marché matrimonial" est à vrai dire peu fourni, sauf dans les royaumes ibériques où les princesses sont "pré-emptées" pour des mariages systématiquement endogamiques.
32 En 1419 déjà, Jeanne de Navarre, veuve d’Henri IV, accusée de préparer la mort d’Henri V par sorcellerie, avait été emprisonnée sans jugement, pour n’être libérée qu’à la mort du roi en 1422. Mais il s’agissait apparemment de mettre la main sur son douaire et de faire pression sur son fils Jean de Bretagne (cf. SEWARD (D), Henry V, p. 177-178). L’accusation contre Aliénor Cobham en revanche a été faite sérieusement, sans doute pour discréditer son mari. Le duc est mort officiellement de "désespoir et dépression", et son corps ne présentait pas de signes de violence. L’hypothèse d’une mort naturelle semble aujourd’hui largement admise (le choc et la peur ont pu suffire).
33 HUNNISETT (R.F.), "Treason by Words", Sussex Notes and Queries, XIV, Lewes 1954-1957, p. 118.
34 On demande à York d’attendre pour le remboursement de ses frais, en 1445, alors que Somerset se voit attribuer d’énormes appointements (pour ne rien faire...).
35 On peut s’étonner des doutes de WOLFFE (B), Henry VI, p. 241, "There may be some doubt whether York, distant relative as he was to Henry himself, was widely regarded as his heir presumptive in 1450" : York et le père d’Henri VI étaient cousins issus de germains, ce qui n’est pas "distant" !
36 Public Record Office, K.B .9/265/12-29 (VIRGOE (R.), The Parliament of 1449- 1450, thèse Londres 1964, p. 198-199). Paston Letters, éd. GAIRDNER (J.), Edimbourg 1910, Introduction, p. XCIV-XCV.
37 Henri Holland, duc d’Exeter, avait tenté de soulever le nord de l’Angleterre, vraisemblablement comme "candidat Lancastre" au "Protectorat" (GRIFFITHS (R.A.), "Local rivalries and national politics : the Percies, the Nevilles and the duke of Exeter, 1452-1455", Speculum, XLIII, 1968, p. 612 et s). Henri VI choisit de considérer qu’Exeter agissait seulement en loyal Lancastre contre les prétentions d’York.
38 Rotuli Parliamentorum, vol. V, p. 378-379.
39 ROBERT DE THORIGNY, Chronique, éd. DELISLE (L), Rouen 1872, et HOWLETT (R), Londres, 1889 (IV, p. 177).
40 La légitimité des droits yorkistes était bien connue hors d’Angleterre : Jacques II d’Écosse, écrivant à Charles VII le 28 juin 1456, considérait York comme le roi légitime.
41 Lionel Woodville fut évêque de Salisbury à 29 ans ; Jean épousa la riche duchesse douairière de Norfolk, qui avait 45 ans de plus que lui environ. Anne épousa Guillaume Bourchier, Sir Edouard Wingfiel, et Georges Grey, comte de Kent ; Marguerite, le comte d’Arundel ; Marie, Guillaume Herbert, comte de Pembroke ; Jacquette, le baron Strange de Knockyn ; Catherine, le duc de Buckingham ; Marthe, Sir Jean Bromley ; Aliénor (ou Jeanne), Antoine Grey, baron de Ruthyn.
42 Dès 1468, le poète milanais Cornazzano raconte qu’elle a refusé de céder au roi, qui exigeait ses faveurs à la pointe d’un poignard. Mancini reprend l’anecdote en 1483.
43 Selon les ambassadeurs milanais, "la plus grande partie des nobles et le peuple en général semblent très mécontents de ce mariage, et pour trouver des moyens de l’annuler, tous les nobles tiennent de grandes consultations à Reading, où est le roi" (lettre de Bruges, 5.10.1464, Calendar of State Papers and Manuscripts exisling in the Archives and Collections of Milan, éd. HINDS (A.B.), Londres 1913,1 (1385- 1618), p. 113). La duchesse d’York, selon Mancini, "entra dans une telle frénésie qu’elle offrit de se soumettre à une enquête publique, affirmant qu’Édouard n’était pas le fils de son mari le duc d’York mais le fruit d’un adultère et n’était donc nullement digne du trône" (MANCINI (D.), The usurpation of Richard III, éd.-trad. ARMSTRONG (C.A.J.), Oxford 1969, p. 60) ; Mancini écrit en 1483 après un séjour d’un an en Angleterre, et ne sait pas l’anglais ; il a évidemment déformé de vieilles rumeurs. Cécile Neville, duchesse d’York, était comme pour sa vertu et sa piété mystique (ARMSTRONG (C.A.J.), "The Piety of Cecily, Duchess of York : A Study in Late Médiéval Culture", For Hilaire Belloc, éd. Woodruff (D.), 1942, p. 73-94), et Édouard est resté en bons termes avec elle, lui versant une pension (et nommant Cécile sa 3e fille). La duchesse a probablement dit qu’Édouard n’était pas digne de son père et ne se conduisait pas en roi... Pour Mancini encore, Georges de Clarence, frère du roi, aurait non seulement "dénoncé publiquement l’obscure famille d’Elisabeth", mais proclamé qu’en épousant une veuve et non une vierge, le roi violait la coutume établie (coutume manifestement imaginaire : sans remonter à Henri II et Aliénor d’Aquitaine, le Prince Noir, héritier du trône, avait épousé une veuve).
44 "L’invasion" Woodville ne laissait aux filles de Warwick comme bons partis que les frères du roi, ce qu’Edouard refusait. Warwick maria son aînée Isabelle à Clarence malgré le roi, en 1469 à Calais (qu’il commandait).
45 Ni Henri IV ni Henri V n’étaient parvenus, comme lui, à 50 ans. Le choc de la défaite et de la mort de son fils peut avoir provoqué une de ses crises : une chute et une fracture du crâne expliqueraient les cheveux ensanglantés trouvés à l’exhumation de 1910 (il serait curieux qu’on lui ait délibérément cassé la tête avant d’exposer le corps au public ; il y a des moyens plus discrets !). Mais sa mort, comme celle de Gloucester en 1447, tombait trop bien pour qu’on la crût naturelle. Selon une dépêche milanaise du 17 juin, Édouard IV aurait aussi fait tuer Marguerite d’Anjou... On peut douter que "the carejul preservation of his life in captivity was Edward’s best safeguard against a resurgence of the Lancastrian cause" de 1465 à 1470 (WOLFFE (B), Henry VI, p. 339) et qu’on l’ait laissé vivre par peur de son fils : Henri VI était sacré et couronné, et pouvait passer pour roi légitime si on le délivrait (ce qui fut fait) ; son fils, exclu par l’Acte d’Accord, était moins dangereux.
46 WARKWORTH (J.), A Chronicle of the First Thirteen Years of the Reign of King Edward IV, éd. HALLIWELL (J.O.), Camden Society, 1839, p. 6-11 : Henri "régnerait comme auparavant, et après lui le prince Édouard et sa postérité légitime, et s’il venait à mourir sans postérité légitime, le royaume reviendrait à Georges, duc de Clarence, et à ses héritiers" (nouvel Acte d’Accord !).
47 Les Stuart n’avaient de sang royal anglais récent que par Jeanne Beaufort, grand-mère de Jacques III.
48 Attainder de Clarence, Rotuli Parliamentorumyi, p. 193-194.
49 MANCINI, p. 62.
50 Même s’il est légal (ROSS (C D.), Richard III, p. 66), le conseil réuni par la reine dès les obsèques d’Édouard IV est dominé par la Woodville : Édouard Woodville est mis à la tête de la flotte (et embarque une part du trésor royal) ; Édouard V alors à Ludlow, sera couronné dès le 4 mai ; Rivers, son oncle maternel, l’amènera avec une armée, finalement réduite à 2 000 hommes sur la protestation de Hastings (malgré les volontés d’Édouard IV, la garde du roi ne sera pas remise à Richard), Gloucester ne sera pas régent mais Protecteur et contrôlé par le conseil (hostile). Le chancelier Rotherham remet illégalement le grand sceau à la reine peu après. Richard semble avoir appris la mort du roi par un messager de Hastings, non par un courrier officiel (même maneuvre qu’en octobre 1453). La reine a saisi illégalement le trésor royal. Son fils Dorcet (selon Mancini) proclamait : "nous sommes assez important pour prendre et imposer nos décisions sans l’oncle du roi".
51 Richard a écrit à la reine et au conseil, fait jurer fidélité à Édouard V à York, pris la garde du roi en arrêtant à Stony Stratford (sans combat, et avec des forces inférieures) Rivers et son neveu Richard Grey. À Londres (la reine s’étant réfugiée à Westminster avec ses enfants), il reporte le couronnement au 22 juin, récupère le sceau grâce à l’archevêque de Cantorbéry, et remplace le chancelier ; la flotte d’Edouard Woodville se rallie à lui. L’archevêque de Cantorbéry obtient que le duc d’York quitte Westminster le 16 juin. Mais dès le 10, Richard a demandé des troupes à Northumberland, à lord Neville et à la ville d’York. La lettre à York accuse la reine et sa famille de préparer l’assassinat de Richard, de son cousin Buckingham (son principal allié depuis la mort du roi), "et du vieux sang royal de ce royaume". Le 13 juin, Rotherham, l’évêque d’Ely Morton et lord Stanley sont arrêtés, Hastings exécuté. Le "complot" dénoncé par Richard est obscur, et pour certains imaginaire. Mais dans une note du marchand londonien Georges Cely, informé apparemment par Jean Weston (prieur des Hospitaliers de Saint-Jean et membre du conseil d’Édouard Ier), se mêlent la mort de Hastings, le changement de chancelier, la fausse annonce de la mort de Morton, et des bruits plus inquiétants : "if the king, God save his life, were deceased ; if the Duke of Gloucester were in any péril ; if my lord prince, which God defend, were troubled ; if my lord of Northumberland were dead or greatly troubled ; if my lord Howard were slain" (Public Record Office, S.C.l 53/19 ; HANHAM (A.), Richard III, p. 41). Ce laconisme extrême rend la note assez obscure. Il apparaît néanmoins qu’on parlait bien d’un complot tentaculaire (Northumberland, dont la mort semble envisagée, est encore dans le nord), menaçant le roi, son frère et Gloucester. Pour le chroniqueur Rous, Dorset et Edouard Grey de Lisle (beau-frère de la reine) ont fui, accusés de tramer la mort de Richard ; mais Lisle s’est rallié à Richard avant le couronnement (aurait-il révélé le complot ?). La situation paraît très confuse. S’il est invraisemblable qu’un complot d’Elisabeth Woodville ait menacé ses fils, il en va autrement à l’égard du Protecteur.
52 ROUS (J.), Historia Regum Angliae, éd. HEARNE, Oxford 1716, p. 120-121 : "Richard resta deux ans dans le sein de sa mère, et naquit avec des dents et des cheveux jusqu’aux épaules... Il avait l’épaule droite plus haute que la gauche". Rous, ayant fait l’éloge de Richard III vivant, s’empresse d’autant plus de le noircir mort. Shakespeare a inventé la bosse.
53 Cf notamment GILL (L.), Richard III and Buckingham’s Rebellion, Stroud 1999.
54 MANCINI, p. 62.
55 COMMYNES, Mémoires (Historiens et Chroniqueurs du Moyen Âge, coll. Pléiade), Paris 1963, p. 1273 et 1233.
56 Sur Aliénor Talbot, KENDALL (P.M.), Richard III, p. 475.
57 Rotuli Parliamentorum, VI, p. 240-242. Pour accumuler les arguments, la pétition ajoute que ce mariage résultait de la sorcellerie pratiquée par Elisabeth Woodville et sa mère, et qu’il a été conclu "privily and secretly, withoul edition of banns, in a private chamber, a profane place and not openly on the face of the church after the law of God’s church, but contrary thereunto and the laudable custom of the church of England". Mais la clandestinité n’est pas cause de nullité.
58 Sur ce point, LEVINE (M.), "Richard III : Usurper or Lawful King ?", Speculum 1959, p. 391-401. Mais on ne peur guère appliquer la théorie du mariage putatif à la succession au trône, quand le roi est ici nécessairement de mauvaise foi.
59 ROSS (C.D.), Richard III, p. 91-92, rejette l’argument : "there were precedents for attainted persons assuming the throne", Henri VI en 1470 (attainder de 1461), Édouard IV en 1471 (attainder de 1470). Mais dans les deux cas, l’intéressé ne pouvait admettre la validité d’un attainder contre le souverain. Rien de tel ne s’opposait à l’attainder de Clarence.
60 MANCINI, p. 61-62. La rumeur avait déjà été rappelée en 1475 par Charles le Téméraire nommant Édouard "Blayborgne" (un archer, son prétendu père).
61 WALPOLE (H.), Historic Doubts, or The life and Reign of King Richard III, Londres 1768 ; la traduction, Règne de Richard III ou Doutes historiques sur les crimes qui lui sont imputés, publiée à Paris en 1800, a été attribuée à Louis XVI (qui l’aurait achevée au Temple).
62 Édouard IV est né à Rouen, Clarence à Dublin
63 ROSS (C D), Richard III, p. 90 ; HANHAM (A), l.c., p. 48. Mais Mancini ne parle que de discours sur la bâtardise d’Édouard, pas de Clarence. De toute façon, prétendre que tous les enfants de Cécile Neville, sauf Richard, étaient bâtards, aurait tenu de la farce, même dans cette atmosphère troublée. Le chroniqueur londonien Fabyan, qui était probablement présent, n’évoque que la bâtardise des enfants d’Édouard.
64 Cf. le rappel élogieux de ses activités au service du royaume, et l’évocation de "the great noblesse and excellence of your birth and blood, as of him that is descended of the three most royal houses in Christendom, that is to say England, France and Hispanie", qui n’a assurément rien à voir avec la question...
65 Historiae Croylandensis Continuatio, éd. RILEY (H.T.), Londres 1854, p. 570 (et The Crowland Chronicle Continuations 1459-1486, éd. PRONAY (N.) et COX (J.), Londres 1986). Il s’agit en fait de la 2e continuation, dont l’auteur, d’après une mention marginale, est docteur en droit canon, membre du conseil royal et envoyé en Bourgogne en 1471 ; l’auteur dit aussi avoir rédigé cette continuation en 10 jours, terminant le 30 avril 1486. Il mentionne bien Aliénor Butler, et non comme Mancini (p. 97) une dame choisie par le duc (sic) de Warwick, épousée par procuration sur le continent (confusion probable avec le projet de Warwick de marier Édouard IV à la belle-soeur de Louis XI).
66 MANCINI, p. 67.
67 Qu’il ait pris soin de cacher le mariage au père d’Élisabeth laisse penser qu’il ne comptait peut-être pas d’abord s’engager durablement (d’après Commynes ce genre de promesses était courant).
68 Richard III ne semble pas lui avoir accordé de faveurs. Docteur in utroque, fondateur d’un collège à Acaster, évêque de Bath et Wells en 1460, Stillington aurait été loué pour ses vertus par Henri VI (mais n’aurait visité son diocèse qu’une fois en 26 ans). En 1466 il participe aux négociations commerciales avec la Bourgogne. Garde du sceau privé en 1460, chancelier de 1467 à 1475, il contribue à rallier Clarence en 1471. En 1476, il persuade le duc de Bretagne d’envoyer Henri Tudor en Angleterre (une maladie d’Henri fait rater le projet). En mars 1478, il est envoyé à la Tour pour "propos préjudiciables au roi", et grâcié après amende le 20 juin. En 1479, il négocie la reprise des versements français à Edouard IV. Commynes lui attribue un fils "qu’il aimait fort, à qui le roi Richard voulait de grands biens, et lui faire épouser l’une de ses deux filles (d’Édouard IV) dégradées de leur dignité, laquelle est à présent reine d’Angleterre... Le fils était en un navire de guerre par le commandement du roi Richard, fut pris sur la côte de Normandie, et par le débat de ceux qui le prirent, fut amené en Parlement et mis au petit Châtelet à Paris où il mourut de faim et de pauvreté" (p. 1273). On n’a pas trace de ce mariage projeté avec Élisabeth d’York ! Le jour de Bosworth, Henri VII ordonna l’arrestation de Stillington qui fut amnistié au Parlement de 1486 bien qu’il eût "imaginé et commis des offenses horribles et haïssables contre le roi" (non précisées ; pour QUENDALL, Richard III, p. 476, le crime de 1485 comme de 1478, serait le mariage Butler ; en 1478, Stillington l’aurait révélé à Clarence, d’où l’inquiétude la reine pour l’avenir de ses enfants, hypothèse intéressante mais invérifiable). Rallié en 1487 à Lincoln et Simnel, il fut enfermé à Windsor et relâché peu avant sa mort en 1491.
69 Lettre de S. Stallworth, 21 juin, Stonor Letters and Papers, 1290-1483, éd. KINGSFORD (C L), Camden Society 1919, n° 331.
70 MANCINI, p. 94-97, attribue à la peur la ratification de la pétition.
71 La "confession" de Sir Jacques Tyrrell en mai 1502 n’est plus prise au sérieux : Henri VII, en lutte contre les prétendants yorkistes, a fait endosser le meurtre à Tyrrell, déjà exécuté pour complicité avec de la Pôle (CHRIMES (S B), Henry VII, p. 93). Le débat sur la disparition des princes est obscurci par les ossements exhumés à la Tour en 1674 et considérés comme les leurs. L’étude scientifique faite en 1933 avec les moyens du temps n’est pas convaincante. Rien ne prouve le sexe des corps, ni leur date, ni même leur âge (d’assez forts arguments feraient penser qu’ils étaient plus jeunes que les princes, KENDALL, Richard III, p. 497-498, et ROSS (C.D.), Richard 111, p. 233-234). L’argument de ROSS, "if the bones now in the Abbey are not those of the princes, then whose are they ?” (l.c., p. 98) n’est pas sérieux (à la page précédente il mentionne deux corps qui auraient été trouvés en 1647...). Le récent refus de la reine d’Angleterre d’autoriser une nouvelle analyse retarde tout éclaircissement à cet égard. Un document du 9 mars 1485 (Harl. Ms.433) concerne des vêtements pour le "lord Bastard" (dans les documents comptables, après sa déposition, Édouard V est nommé the lord Edward ou bastard Edward) ; il pourrait aussi s’agir de Jean de Gloucester, bâtard de Richard III, mais rien ne l’assure. Enfin, si les rumeurs sur la mort des princes ont couru sous Richard III, les rumeurs de survie étaient apparemment tenaces sous Henri VII, à en juger par le succès de Perkin Warbeck en Irlande, en Angleterre et à l’étranger (reconnu comme Richard d’York par Charles VIII, puis par Marguerite d’York, douairière de Bourgogne, par l’empereur Maximilien qui pensa lui donner sa fille, et par Jacques IV d’Écosse qui le maria à sa cousine Catherine Gordon, cf. ARTHURSON (I.), The Perkin Warbeck conspiracy, 1491-1499, Stroud 1994). L’important ici est le lien en 1483 entre la rumeur d’assassinat et la rébellion.
72 KENDALL, Richard III, p. 418.
73 Chronique de Croyland, éd. PRONAY, p. 163. À ce moment, le duc de Buckingham se repent d’avoir aidé Richard et décide de conduire ce mouvement. C’est alors qu’il est "révélé (vulgatus) que les fils du roi Édouard ont péri (par quel moyen violent, on ne sait). Pour cette raison, tous ceux qui avaient commencé ce mouvement, voyant que tout serait bientôt perdu s’ils ne trouvaient pas un nouveau chef, pensèrent à Henri, comte de Richmond". Il est difficile de croire avec HANHAM (A), l.c., p. 13-14, que c’est Richard qui a révélé par une rumeur la mort des enfants : les filles étant vivantes, il n’y gagnait rien, et une annonce officielle de mort naturelle (même si personne n’y avait cru) aurait été plus habile.
74 Pour la Chronique de Croyland, Richard avait réellement l’intention d’épouser sa nièce, malgré son démenti au conseil. Mais ses conseillers Ratcliff et Catesby lui auraient fait craindre la colère de ses fidèles du nord, qui l’auraient soupçonné d’avoir assassiné son épouse, la fille de Warwick (le nord restait attaché aux Neville). Les conseillers auraient fait appel à "plus d’une douzaine de théologiens" qui auraient affirmé que le pape ne pouvait accorder de dispense dans ce cas. Sur ce point, KELLY (H.A.), "Canonical Implications of Richard III’s Plan to Marry his Niece", Traditio, 1967, p. 269-311. En fait, les dispenses oncle-nièce allaient devenir courantes chez les Habsbourgs, et dès 1424 au Portugal, Jean de Béjà avait épousé sa nièce Isabelle de Bragance (fille, il est vrai, d’un demi-frère bâtard). Sur les rumeurs les plus délirantes à propos de Richard et d’Élisabeth, GILL (L.), l.c., p. 125. La lettre d’Élisabeth à Norfolk exprimant son désir de ce mariage, citée par Buck au XVIIe s., a disparu ; si elle était authentique, elle ne prouverait rien en ce qui concerne Richard et pourrait n’être qu’une manoeuvre "Woodville" dans le jeu très complexe du moment.
75 Malgré les controverses, il semble que le duc de Northumberland, avec l’arrière-garde, n’a pas participé au combat, lord Stanley non plus, Guillaume Stanley étant passé du côté de Tudor au moment décisif : Richard avait mené la charge au coeur des troupes d’Henri, dont il a tué le porte-étendard Brandon. Il s’en est apparemment fallu de peu qu’Henri soit tué.
76 POOLE (A.L.), From Domesday Book to Magna Carta, 1087-1216 (Oxford History of England, t. III), Oxford 1951, p. 283-284. Une branche de la famille Tudor, à Anglesey, s’est effectivement fait appeler Théodore (GRIFFITHS (R.A.) et THOMAS (R.S.), The Making of the Tudor Dynasty, Stroud 1985, rév. 1993, p. 192).
77 Cf. GRIFFITHS et THOMAS, l.c. ; TAUTE (A.) et MONTAGUE-SMITH (P.) (cités plus haut), et WALKER (D.), Medieval Wales, Cambridge 1990.
78 On n’a aucune trace d’un mariage, qui aurait manifestement été secret (l’union semble n’avoir été connue qu’à la mort de Catherine en 1437). On voit généralement dans la faveur que leur montra Henri VI un indice d’union légitime. On peut aussi penser qu’il a voulu protéger la mémoire de sa mère. Le conseil privé en 1437 mentionne simplement "Owen Tidir dwelt with Queen Catherine" (CHRIMES (S.B.), Henry VII, p. 325). La pétition de 1453 pourrait équivaloir à une légitimation. La proclamation de Richard III contre Henri Tudor le 21 juin 1485 qualifie Tudor de bâtard, mais c’est un document de propagande.
79 Owen Tudor avait déjà été "naturalisé" en 1432, sicut verus Anglicus ligeus (CHRIMES (S.B.), Henry VII, p. 6).
80 Selon l’acte d’accusation (7 février 1450), le 20 juillet 1447, dans la paroisse du Saint-Sépulcre, il avait conspiré avec l’ambassadeur de France pour faciliter une invasion française, tuer le roi, et faire son propre fils roi, en vertu de son mariage avec la pupille de Suffolk Lady Marguerite Beaufort, prétendant qu’elle était la première dans l’ordre de succession au trône à défaut de postérité d’Henri VI (cf. WOLFFE (B), Henry VI, p. 224).
81 C’est ce que prévoyait Louis XIV quand il voulut rendre successibles les "princes légitimés".
82 Veuve d’Henri de Champagne et Navarre, et mère de Jeanne, l’épouse de Philippe le Bel.
83 La soeur aînée de Blanche, Mahaut (1339/41-1362), mariée successivement à Raoul de Stafford et à Guillaume V de Bavière-Hainaut, n’a pas eu d’enfants.
84 GRIFFITHS et THOMAS, The Making..., p. 78.
85 On ne voit pas bien laquelle des princesses il aurait réellement pu épouser : Marie, jusqu’en 1482, devait épouser le Dauphin si Élisabeth mourait ; Cécile était fiancée au futur Jacques IV d’Écosse, et Anne à Philippe le Beau. Sur Élisabeth, Henri Tudor et les plans de Marguerite Beaufort, Calendar of Entries in the Papal Registers relating to Great Britain and Ireland, 1484-1492, éd. TWEMLOW (J.A.), 1960, vol. 14, p. 18. GRIFFITHS et THOMAS, The Making..., p. 82-85. JONES (M.K.) et UNDERWOOD (M.G.), The King’s Mother : Lady Margaret Beaufort, Counless of Richmond and Derby, Cambridge 1992.
86 JONES (M.), "Richard III and Lady Margaret Beaufort, a reassessment", Richard III : Loyalty, Lordship and Law ; GRIFFITHS et THOMAS, The Making..., p. 88.
87 Ce mariage ne s’est pas fait. Canoniquement, le projet était étrange, Anne Saint-Léger étant la demi-soeur d’Anne Holland, donc par affinité tante de Thomas Grey le jeune...
88 CHRIMES (S.B.), Henri VII, p. 38 ; GRIFFITHS et THOMAS, The Making..., p. 126-127.
89 Le roi s’est solennellement engagé le 13 juillet à lui faire donner les terres en question au prochain Parlement, ROSS (C.D.), Richard III, p. 114.
90 Cf. KENDALL, Richard III, p. 261-263, sur les récits de Hall et More.
91 De tels rappels héraldiques enverront en 1547 son arrière-petit-fils Henri Howard, comte de Surrey, à l’échafaud (ROBINSON (J.M.), The Dukes of Norfolk, Oxford 1983, p. 49-51).
92 L’historien officiel d’Henri VII le rappelle pour le démentir.
93 Le 22 juin, le sermon du frère Sha (ou Shaw, frère du maire de Londres) sur le thème Spuria vitulamina non agent radices altas ne concernait, d’après Fabyan, que la bâtardise des enfants d’Edouard. Buckingham lui-même, dans son discours du 24 juin au Guildhall n’a pas dit autre chose. Mais il semble y avoir eu d’autres sermons, évoquant la bâtardise d’Édouard IV (MANCINI, p. 117) ; Buckingham paraît le mieux placé pour les avoir inspirés (faute d’un "bloc" lancastrien organisé à cette date).
94 Il a pu apprendre le complot Woodville-Beaufort par Morton, ou par son épouse Catherine Woodville (selon MANCINI, p. 75, "il la dédaignait à cause de son humble origine" ; elle n’assistait pas au couronnement de Richard III, mais nous ignorons pourquoi ; rien n’interdit qu’elle ait servi de contact entre sa soeur à la recherche de partisans et son mari).
95 Une mort que certains lui attribuent : "This year (1483) King Edward the Vth, late called Prince of Wales, and Richard duke of York his brother, King Edward IV’s sons, were put to death in the Tower of London by the vise of the duke of Buckingham" ("Historical Notes of a London citizen, 1483-1488", éd. GREEN (R.F.), English Historical Review, 96 (1981), p. 588.
96 Rotuli Parliamentorum, VI, p. 251. L’acte d’attainder, bien que confisquant les biens de Marguerite, les confiait à son mari Stanley, qui avait eu la prudence de s’abstenir. Cette mansuétude envers Marguerite semble confirmer que l’aspect Tudor n’apparaissait pas au roi comme le principal.
97 GRIFFITHS et THOMAS, l.c., p. 125-126.
98 Ibid., p. 120.
99 CHRIMES (S. B), Henry VII, p. 50. Id., English constitutional ideas..., p. 32- 34. Marguerite Beaufort a survécu deux mois à son fils, qui (d’un point de vue dynastique) n’aurait donc pas dû régner. Mais elle avait abandonné ses droits à Henri, qui lui concéda toutefois le droit de signer "royalement", Margaret R.
100 Les juges de l’Échiquier ont estimé (avec une légalité plus que douteuse) qu’en devenant roi de facto il avait annulé son propre attainder : ils brisaient un cercle vicieux, l’attainder ne pouvant être annulé que par un Parlement, et un Parlement légal ne pouvant être convoqué que par un roi légitime (CHRIMES (S.B.), Henry VII, p. 61).
101 CHRIMES (S.B.), Henry VII, p. 63, d’après Rotuli Parliamentorum, p. 275-278. Le même acte évoquait, pour justifier l’attainder de Richard, "the unnatural, mischie-vous and great perjuries, treasons, homicides and murders, in shedding of infants’ blood, with many other wrongs, odious offences and abominations against God and man, and in especial our said sovereign lord, committed and done by Richard, late duke of Gloucester".
102 À rapprocher du traitement ignominieux réservé au cadavre de Richard, jeté nu sur un cheval, exposé ainsi dans l’église des Franciscains de Leicester et enterré deux jours plus tard à la sauvette dans une tombe sans inscription.
103 Chronique de Croyland, p. 511 (éd. RILEY).
104 Rappelons que l’attainder entraîne confiscation des biens du condamné au profit de la couronne.
105 Rotuli Parliamenlorum, VI, p. 268-270.
106 KENDALL, Richard III, p. 377.
107 Sur un culte d’Henri VI et les efforts d’Henri VII pour obtenir sa canonisation, WOLFFE (B.), Henry VI, p. 351-358.
108 GRIFFITHS et THOMAS, l.c., p. 168.
109 Pour Henri Tudor, l’intérêt d’Élisabeth n’était pas de renforcer ses droits au trône, mais de lui apporter des partisans. En apprenant la rumeur de son mariage avec Richard III, Henri, bien que furieux (cf. Polydore Vergil), s’empressa de chercher une autre fiancée, ranimant le projet (conclu dans son enfance) d’un mariage Herbert : la famille était yorkiste et galloise avec une alliance Woodville ; le chef de maison étant marié à la bâtarde de Richard III, Henri chercha l’appui de son cadet, en s’adressant à Northumberland (marié lui-même à Mahaut Herbert, l’ancienne fiancée prévue pour Tudor). Mais le message n’arriva pas (GRIFFITHS et THOMAS, l.c., p. 128- 129). Le projet paraît bien irréaliste, mais relativise l’importance de "l’union des roses".
110 Calendar of entries in the papal registers... 1481-1492, XIV (1960), p. 1-2, 14-28. On a visiblement tenu à prendre toutes les précautions : le 5e degré de parenté n’était plus empêchement à mariage depuis le IVe concile de Latran en 1215.
111 Rotuli Parliamentorum, VI, p. 288-289.
112 Lambert Simnel, qui jouait son rôle dans l’insurrection, devint marmiton dans les cuisines royales après Stoke.
113 ARTHURSON (I.), The Perkin Warbeck Conspiracy, p. 205-215.
114 Edmond de la Pole, comte de Suffolk, s’est enfui en Flandre en 1499 ; en 1506 Philippe le Beau et sa femme furent jetés par la tempête sur la côte anglaise. Henri VII les reçut fort bien mais ne les laissa repartir qu’après que Philippe se fût formellement engagé à livrer Edmond (l’aventure rappelle celle d’Harold chez Guillaume le Conquérant). Edmond resta à la Tour jusqu’en 1513, où il fut exécuté, son frère Richard ayant été reconnu par Louis XII comme Richard IV. Guillaume de la Pole, arrêté en 1501, resta à la Tour jusqu’à sa mort en 1539.
115 Comme les filles d’Édouard IV, Marguerite, fille de Clarence, fit un mariage modeste, avec un cousin d’Henri VII (Marguerite Beauchamp, grand-mère d’Henri VII, avait eu de son 1er mariage Edith Saint-John, mariée à Sir Geoffroi Pôle, dont Richard Pole, époux de Marguerite Plantagenêt ; ce Pole n’a rien à voir avec les de la Pole). Son procès pour trahison en 1541 fut une mascarade judiciaire. Son fils aîné, le marquis Montagu, avait été exécuté en 1538, comme le marquis d’Exeter, fils de Catherine d’York et seul petit-fils d’Édouard IV excepté les Tudors.
116 GRIFFITHS et THOMAS, l.c., p. 182. La dernière phrase fait évidemment allusion à l’affaire Warbeck.
117 Letters and Papers illustrative of the reigns of Richard III and Henry VII, éd. GAIRDNER (J.), 2 vol., 1861-1863, I, p. 113-119.
118 Évidemment son fils, à partir de 1535, ne pouvait plus se prévaloir de ce titre pour se débarrasser de ses rebelles.
119 ARTHURSON (L), l.c., p. 107.
120 Fille d’Élisabeth de France, elle fut aussi la candidate de son père et en partie de la Ligue à la succession d’Henri III.
121 Le testament d’Henri VIII préférait les descendants de sa soeur cadette Marie à ceux de l’aînée Marguerite, mais l’aînesse triompha finalement. Édouard Seymour de Beauchamp était considéré par certains comme illégitime, la validité du mariage de Catherine Grey et d’Édouard Seymour, comte de Hertford, étant discutée. Stanley tient ses droits de sa femme Marguerite Clifford, fille d’Aliénor Brandon (lui-même descend en outre d’Aliénor de Lancastre).
122 Sa mère Catherine Pole était la fille et héritière d’Henri, lord Montagu. Son père, François, était fils d’Anne Stafford, fille de Buckingham. Cette "liste des prétendants", établie par le Jésuite Robert Parsons, fut publiée à Anvers en 1594 sous le titre A Conference about the Next Succession to the Crown of England et dédiée au "Most Noble Earl of Essex", invité à jouer les faiseurs de rois. Essex étant protestant, il s’agissait de le compromettre ; il crut fermement à un complot du ministre Cecil pour faire reine l’infante, ce qui fut l’une des causes de sa propre rébellion. On l’accusa, quand il fit jouer le Richard II de Shakespeare, de se voir en Bolingbroke, et de fait il avait des droits au trône.
123 Peut-être même Sophie Rhys-Jones, comtesse de Wessex, descend-elle aussi d’Edmond de Lancastre par Elisabeth Scrope (arrière-petite-fille de Marguerite Mowbray) et les Saint John.
124 L’acte d’établissement de 1701 excluant les catholiques a évidemment achevé la tâche.
125 COMMYNES, Mémoires, p. 1234 et 1273.
Auteur
Professeur à l’Université des sciences sociales de Toulouse
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