"Salut à la France"1 dans l’opéra italien (1789-1918) : sources françaises et histoire de France
p. 61-106
Texte intégral
1"... L’air de Casta Diva ; et d’autres chants de cette Norma qu’on retrouve en Italie sur tous les pianos, dans toutes les bouches ; cet opéra qui vous saisit dès la première note et vous berce longtemps de sa musique vaporeuse, puis vous réveille avec son admirable trio, et vous arrache des larmes dans ses dernières scènes, les plus touchantes scènes qu’une voix de femme ait chantées, qu’un orchestre ait soutenues de tous ses instruments en pleurs... Un fleuve de notes limpides, d’accords suaves, qui coule avec un divin murmure de voix aériennes et de timbres d’or. Bellini donne à la volupté une teinte de mélancolie, à la douleur un parfum de sérénité... Dans ce flot d’harmonie dolente éclate par intervalles une plainte sublime qui tinte et meurt comme un son de glas, et mêle ses dernières vibrations au funèbre chœur des druides. Une désolation calme et religieuse environne cette scène comme un crêpe diaphane semé de quelques fleurs. Le pardon est à côté du crime, la grâce à côté de la mort, le baume consolant à côté du désespoir. Ainsi s’éteint le drame"2. Visitant l’Italie en 1834, Joseph Méry découvrait dans les concerts mondains puis au Carlo Félice cette Norma que Paris entendit un an après. Méry et Norma : parfait prélude à notre thème. Les cinq actes en vers de la tragédie de Soumet, adaptés par Félice Romani pour Bellini, traitent un sujet sinon français, du moins gallo-romain. Quant à Méry, sa passion pour l’opéra égale son goût de l’exotisme, et il les mêle volontiers. Il cultive dans le livret d’Herculamim l’exotisme temporel : "Le Vésuve fut longtemps regardé comme un vengeur ; il incendiait des villes maudites où les contempteurs de l’arche sainte et les persécuteurs des Chrétiens s’établissaient dans de voluptueuses résidences, en oubliant les fétides exhalaisons du carnage, au milieu des roses de Paestum et des parfums de l’Arabie heureuse, selon les conseils de leur voisine Sybaris"3. Et au cœur de l’Inde, Gabriel de Nancy salue la beauté d’Héva : "Si je pouvais amener cette femme à Paris, seulement pour la faire figurer dans Fernand Cortez, je ferais la fortune de M. de Jouy"4.
2La part de Méiy dans La Croix de Berny 5 s’ouvre par une représentation de La Favorite, "œuvre charmante, pleine de grâce, de passion et d’amour" : "Le baryton chantait un air plein de volupté langoureuse et d’amour sensuel. Il y avait surtout deux vers que l’artiste faisait trembler sur ses lèvres, que l’orchestre accompagnait en vibrations mystérieuses, et qui me semblèrent en ce moment résumer cet ineffable délire de joie que l’amour d’une femme aimée entretient avec de perpétuelles extases au fond du cœur". Il définit "musicalement" les autres héros : Raymond fait "l’éloge d’un motet de Palestrina", Edgard "n’aime que la musique sensuelle, l’arnor, possente nome de Rossini" ; l’air des Puritains, Vien diletto symbolise Irène, la "femme au piano" qu’aiment les trois amis sans se savoir rivaux6. Dans son curieux roman La Juive au Vatican, Verdi et Rossini servent d’emblème aux factions de la Rome de Pie IX, "le jeune lauréat français soutenait que Verdi avait composé son œuvre (Nabwcco) avec de vagues réminiscences de Semiramide ; et Pacifico, qui s’était brouillé avec Rossini depuis la cantate à Pie IX, soutenait que l’astre naissant de Verdi faisait pâlir l’étoile du maestro de Bologne". La sombre idylle de Debora est scandée par le rappel des Masnadieri : "dans ce capo d’opéra, il y avait un chef d’œuvre encore plus chef d’œuvre, c’était un duo de tenore et prima donna, dont la beauté supprimait toute musique antérieure et même future ; c’était un écho de l’Hosanna in excelsis, recueilli par Verdi dans une partition de séraphin, c’était un plagiat céleste, le dernier mot de la mélodie, le chant du cygne de l’univers musical. Ceux qui ne connaissaient pas l’air de cet incroyable duo en récitaient les paroles, qui sont en effet ravissantes, et nous font dédaigner la poésie iroquoise qui déshonore nos opéras français et donne une physionomie si stupide aux artistes qui les chantent. Voici les paroles de ce duo des Masnadieri : Lassù risplendere Più lieta e bella Vedrem la Stella del nostro amore !"7. Dans son enthousiasme, Méry oublie la date des Masnadieri (1847, comme la cantate à Pie IX), et celle où se passe le roman, 1846...
3Méry touche de plus près à l’opéra : sa Bataille de Toulouse (1836) inspira La Battaglia di Legnano à Cammaranoet Verdi. Pour remédier au niveau des livrets français, il traduit la Semiramide de Rossini, et se fait librettiste du Don Carlos de Verdi8. II incarne la symbiose entre l’opéra italien, les sources françaises et l’histoire de France, et illustre les implications politiques de ces thèmes. Légitimiste devenu d’un coup bonapartiste en 1815, auteur avec Barthélemy d’un Napoléon en Égypte en huit chants9 et du Fils de l’Homme, de La Villéliade, La Peyronnéide et La Corbiéréide contre les ministres de Charles X, il connaît la censure, sait la tourner, et donne des conseils pour monter en Italie Robert le Diable, "éternellement exclu du théâtre à cause de l’acte des nonnes, et des moines, et de l’église de Païenne" : "il n’est pas strictement nécessaire de s’astreindre au libretto français ; au moyen de quelques variations qui ne changeraient rien au fond de la musique, vous pourriez vous faire un Robert épuré et admissible... Au lieu des nonnes, mettez les premiers fantômes venus ; je ne vois pas la nécessité que ces fantômes aient une large croix sur la poitrine et qu’ils dansent devant le tombeau de sainte Rosalie. Quant au cinquième acte, vous conviendrez que l’église de Palerme ne joue qu’un rôle accessoire d’apparition et de décor, comme le Vésuve dans La Muette. Supprimez l’église et terminez court au trio, l’opéra n’y perdra rien... À mon retour à Paris, je demanderai à monsieur Meyerbeer s’il approuve mon idée, et si le compositeur ne répugne pas à ces mutilations de la forme, je vous fais envoyer un libretto orthodoxe"10. Ces manipulations étaient courantes : Guillaume Tell de Rossini fut joué à Rome en version biblique, Giuda Maccabeo, puis en 1840 en version écossaise, Rodolfo di Sterlinga ; ce passage en Écosse, pour ménager les Habsbourgs, a été imaginé à Milan (Guglielmo Vallace) ; mais dans la très libérale Angleterre, James Robinson Planché fit de Tell une version moderne11, Hofer or the Tell of the Tyrol. La Vestale de Mercadante, adaptée d’une source française12, devint à Rome San Camille, azione sacra, en 1841 et 1851, avec des interprètes purement masculins : conciliation du respect formel du règlement et du désir d’entendre la musique nouvelle. Pie IX raillait ces combinazioni, rebaptisant Armonica la porte Angelica du Vatican lorsque sa censure changea arpe angeliche en arpe armoniche dans Poliuto 13. Les rapports avec la censure sont un rituel où chacun sait jusqu’où il peut manipuler l’autre, ce qui en minore l’impact politique.
4Sur un XIXe siècle "long", une certitude s’impose : politique et diplomatie n’affectent pas le rayonnement français, aussi vif qu’avant la révolution. La littérature française passe massivement les Alpes et nourrit l’opéra ; des librettistes se vantent d’adapter directement le texte français, on adapte le théâtre en italien, on traduit beaucoup ; l’histoire de France, avec des nuances, fait bonne figure dans le choix des sujets. On ne peut certes procéder à une étude exhaustive : si le dernier quart de siècle a ramené au jour, intégralement ou non, une énorme masse d’opéras, la majeure partie des œuvres composées reste inaccessible. On dispose de tous les opéras de Rossini, Bellini, Verdi, Puccini et Mascagni ; de Donizetti, seule Elvida n’est même pas représenté par un extrait14 ; mais des cinquante-huit opéras de Mercadante, dix à peine ont reparu ; de Pacini, quatre sur plus de soixante-dix ; de Cherubini, douze sur environ trente-cinq ; de Spontini, neuf sur plus de vingt15 ; de Mayr, Paer, Coccia, Morlacchi, Vaccai, Petrella, Ponchielli, un ou deux ; vers la fin du siècle, il reste des lacunes pour Catalani, Cilea ou Giordano, pourtant moins prolifiques que leurs prédécesseurs. La grande majorité des compositeurs est réduite aux extraits de la série anglaise Opéra Rara, A Hundred Years of Italian Opéra, dont sont publiés trois coffrets, de 1800 à 1830. De même, on ne peut connaître toute la littérature française : 257 pièces de théâtre pour la seule année 1832, 3 558 de 1809 à 1831, et pas toujours imprimées16 ! Si la source n’est pas nommée, il peut être difficile de l’identifier : on ignore encore de quelle "pièce française" est tirée Adelia de Donizetti17. S’il n’est pas besoin de lire ou d’entendre Andromaca e Pirro de G. Tritto, Cenerentola ou L’amore medico de Wolf-Ferrari ou Jocelyn de Tedeschi18 pour déceler des emprunts à Racine, Perrault, Molière ou Lamartine, il y a beaucoup d’opéras italiens oubliés tirés d’œuvres françaises oubliées. On se bornera, pour l’essentiel, aux œuvres actuellement accessibles, en tout ou en partie.
Les sources françaises d’opéras italiens
5Malgré l’arrivée massive des littératures anglaise et allemande, celle de France reste omniprésente, et c’est souvent par l’intermédiaire d’adaptations théâtrales françaises que des œuvres anglaises ou allemandes inspirent les opéras italiens. Quelques chiffres, pour les plus célèbres compositeurs de la période : sur les trente-neuf opéras de Rossini19, treize au moins ont une source française20, comme sept des dix opéras de Bellini21, treize sur vingt-huit chez Verdi22 et au moins quarante-et-un sur soixante-huit chez Donizetti23. On emprunte avant tout au théâtre, mais aussi aux romans, et souvent à d’anciens livrets d’opéras. Quant aux auteurs exploités, l’éclectisme règne ; on y trouve des gloires consacrées (pas toujours pour les œuvres qu’on attendrait), des auteurs que citent les histoires de la littérature mais qu’on ne lit plus (ou guère), et une foule d’auteurs totalement oubliés sur lesquels il est bien difficile de se renseigner. On relève aussi de grands absents, au moins en l’état actuel de nos connaissances, tels Marivaux24, Stendhal ou Balzac. Quant aux époques enfin, les auteurs classiques ou néo-classiques du XVIIe siècle à la période révolutionnaire et impériale, font preuve d’une popularité assez remarquable auprès des librettistes et des compositeurs, sinon toujours du public, dans la première moitié du siècle. Peu à peu cependant, les auteurs romantiques, ou au moins contemporains, tendent à les supplanter, relayés par les multiples écoles de la fin du siècle : il est très fréquent qu’une œuvre littéraire soit aussitôt adaptée à l’opéra.
6Des grands classiques, Corneille semble le favori ; on ne connaît plus les Cinna de Portogallo et d’Asioli en 1793 ou de Paer en 1795, l’Orazio de Portogallo en 1798, Gli Orazi e i Curiazi de Zingarelli ou de Capotorti à Naples en 1795 et 1800, le Cid de Farinelli en 1802 ni celui, tardif, de Pacini en 1853. Mais la Medea in Corinto de Mayr, créée par Isabelle Colbran et rôle favori de la Pasta, traduit souvent mot à mot la Médée de 1635, première tragédie de Corneille, à laquelle en revanche Médée de Cherubini n’emprunte que peu25. À un demi-siècle de distance, Cimarosa et Mercadante ont composé leur Horace 26, choix politique, dont les raisons divergent : Cimarosa, derrière l’alto genio di Roma nascente, salue l’ascension de Bonaparte, ce qui déplut aux Vénitiens. Mercadante, en pleine fièvre risorgimentale, intègre à la pièce la scène solennelle du serment, popularisée dès 1784 par le tableau de David, et l’amplifie en y joignant les Curiaces et les masses populaires ; le sublime lamenta du vieil Horace, croyant son fils honteusement fugitif et Rome perdue, s’inscrit dans une longue série de déplorations patriotiques préparant des sursauts vengeurs27 ; sans doute est-il logique que Cimarosa ait coupé la scène alors que commençait, par la conquête de la "Terre ferme", la destruction par son héros de la république du Lion. Cimarosa et Mercadante ont supprimé l’acte V de Corneille, impossible à mettre en musique, mais aussi politiquement superflu, voire gênant : Horace tue sa sœur par patriotisme et n’a pas à être justifié, surtout par un roi interprète de l’ordre divin28.
7Le choix de Polyeucte par Donizetti en 1838 peut surprendre : la censure écartait les sujets sacrés, et Poliuto fut finalement interdit. Le compositeur voulait sans doute préparer son séjour à Paris, par une œuvre qui s’apparente au "grand opéra français" : la grandiose scène du temple, où Poliuto renverse l’autel, et dont l’ampleur préfigure le triomphe d’Aida, n’a pas de précédent chez Donizetti. Mais la mort de Poliuto est due, non à la lâcheté de Félice, réduit à une simple silhouette, mais à un nouveau personnage, le prêtre Callistene : amoureux éconduit de Paolina, il persuade Poliuto qu’elle le trompe avec Severo. La jalousie et le dégoût de la vie, plus que l’ardeur du néophyte, animent Poliuto au temple. Enfin Paolina rejoint Poliuto à la prison pour se justifier ; elle se convertit et va mourir avec lui dans le cirque, où Callistene a excité la plèbe pour empêcher la clémence de Severo. S’il était nécessaire de réunir les époux dans la mort, pour finir par un duo29, leur trépas dans l’arène paraît emprunté aux Martyrs de Chateaubriand, comme le rôle de Callistene, qui rappelle Hiéroclès. La version parisienne de l’œuvre, Les Martyrs 30,revient à Corneille : Callisthène disparaît presque au profit de Félix, et Polyeucte abat les idoles en chantant "Je crois en Dieu" ; seule la fin est inchangée.
8Restent deux curiosités. La Lettera anonima de Donizetti31 décrit, comme Mélite de Corneille (1630), une trame jalouse pour rompre un mariage par une lettre anonyme ; mais le reste de l’intrigue diffère, et Melita est la jalouse, non l’héroïne. Dans La Sonnambula de Bellini, la plainte d’Elvino, Son geloso del zeffiro errante, traduit celle de l’Amour dans Psyché 32.
9Racine, populaire à l’opéra au XVIIIe siècle33, l’est bien moins au XIXe, dès avant les attaques de Stendhal. On note certes Andromaca de Paisiello en 1794 à Naples ou de Pucitta à Lisbonne en 1806, Andromaca e Pirro de G. Tritto, Atalia, oratorio de Mayr à Naples en 1822. Monima e Mitridate de Nasolini en 1797 et de Gnecco à Venise en 1803, et peut-être La Morte di Mitridate de Zingarelli à Venise en 1797 et de Portogallo à Lisbonne en 1806, Mitridate de Tadolini à Venise en 1827, viennent de Racine. Mais après la Pedra de Nicolini en 1803 et avec celle d’Orlandini en 1820, celle de Mayr34 en 1820 semble la dernière35 ; Oenone y devient Atide et Aride disparaît. En 1819, Lrmione de Rossini tombe à la première, et ne reparaît qu’en 1977, mettant fin apparemment aux adaptations d’Andromaque36.
10Assez fidèle à Racine, le livret ajoute un rôle mineur, Attalo, confident et messager de Pirro, et introduit les choeurs, troyens durant l’ouverture et l’introduzione, grecs ensuite37. L’ordre des scènes change, justifiant le nouveau titre ; à la veuve d’Hector appartient la première scène, dans les deux actes ; le reste met au premier plan la fille d’Hélène, dominant de plus en plus l’oeuvre, surtout le prodigieux deuxième acte. Nul romantisme, malgré le grand spectacle de l’ambassade et son ensemble à neuf voix ; même là, l’opéra reste radnien, décrivant l’implacable destruction d’Ermione par la passion ; "l’élégie" d’Andromaque, qui séduisait le XVIIIe siècle, disparaît, sauf dans les deux scènes d’Andromaca.
11Bizarrement, Molière est le grand absent. Peut-être inspire-t-il en partie diverses versions de Don Juan : Paisiello en 1790, Federici en 1794, Raimondi en 1818, P. Rossi et Camicer en 1822 ou Palmieri en 1881 (Il convitato di pietra de Pacini, en 1822, était destiné à être joué en famille). Mais après L’Avarode Fioravanti à Naples en 1800, ou d’Orlandi à Bologne en 1801 (tous deux sur le vieux livret de Bertati pour Anfossi en 1775), et la Muta per amore (Il medico per forza) de Lavigna en 1802 à Milan, on ne relève que des adaptations de Pourceaugnac : à Rome en 1821, Lo sposo di provincia de Cordella ajoute à la "bigamie" du provincial une accusation de désertion (le librettiste Schmidt sacrifie à l’air du temps). Il Giovedi Grosso o Il nuovo Pourceaugnac de Donizetti38, tiré en fait du Nouveau Pourceaugnac de Scribe (1817), est un Pourceaugnac inversé : le campagnard, homme fin et bon, informé de ce qui l’attend par une soubrette étourdie, retourne la farce contre ses auteurs avant de pardonner à tous et de marier les amants ; on peut douter que cette inversion rousseauiste ait une signification profonde.
12De Quinault, la Proserpine (1680) écrite pour Lully, inspire celle de Paisiello à Paris en 1803.
13Charles Perrault, paradoxalement, n’inspire pas de féeries : la marraine fée de Cendrillon fait place au sage précepteur du prince, qui organise le triomphe de la bonté dans Agatina et Cenerentola, où une rose magique et un bracelet remplacent la pantoufle de vair39.
14La relative absence de Fénelon surprend, au moins au début du siècle ; son "créneau” moralisateur semble occupé par Florian. On ne relève guère qu’un Telemacco all’isola di Calipso de Mayr en 1797 et les Nozze di Telemacco ed Antiope de Mercadante en 182440.
15Bien mieux servis sont les auteurs du XVIIIe siècle, Voltaire en tête, sans qu’il y ait pour autant triomphe du "voltairianisme" : l’œuvre favorite, Traire, passait dès avant Chateaubriand (à tort) pour une tragédie chrétienne que la censure laissait passer. En 1780 à la cour de Portugal, Sousa Carvalho lui donna une fin heureuse, et un déguisement grec, Testoride Argonauta, pour écarter l’aspect sacré. Dès 1797 à Venise, Zaira de Nasolini revient à l’Orient des croisades ; d’autres la suivent41. À Londres en 1805, dans le livret de Pananti pour Winter, Zaïra hallucinée croit voir l’ombre de son père. Dans la Zaira de Bellini42, Romani rend à Corasmino son "vrai" rôle de lago43 ; Nerestano et les chevaliers pleurent sur la mort de Lusignano ; Zaira rêve encore de tout dire à Orosmane, mais le billet fraternel et la procession funèbre de son père la ramènent à la réalité ; elle se croit maudite par Lusignano et appelle la mort ; Romani réunit les personnages avant le meurtre, Zaira, Nerestano et Fatima s’adressant à l’âme de Lusignano, Orosmane et Corasmino se scandalisant de la trahison, et c’est Zaira expirante qui révèle sa parenté avec Nerestano. La longue popularité de Zaïre tient à la vogue du style troubadour, mais aussi sans doute à la gêne que suscite son modèle Othello ; le XIXe siècle, dès avant le règne de Victoria, tend à se choquer de la passion de Desdémone, patricienne bien élevée, pour un Maure (certains acteurs refusaient de se grimer pour jouer Othello). Mais Orosmane, bien qu’Arabe, est sultan, et Zaïre, née en Orient et élevée au sérail, a des excuses qui manquent à Desdémone44 !
16Alzire visait officiellement à montrer la supériorité du vrai chrétien, qui regarde tous les hommes comme ses frères, fait le bien et pardonne le mal, sur les "barbares" ou les chrétiens mal instruits. Elle réfutait aussi le mythe du bon sauvage et montrait que la colonisation civilisait : rien qui pût choquer les censeurs. Zingarelli en 1794, Nicolini en 1796, Mayr en 1806 sous le titre Gli Americani, Manfroce et Portogallo en 1810, portent à l’opéra l’héroïne péruvienne et ses deux soupirants. Seule reste cependant, non sans mal, la version de Verdi : Gusmano, à la vérité, ne se rappelle qu’in extremis qu’il est chrétien, dans une fort belle scène il est vrai, et Zamoro s’est montré bien noble en libérant Alvaro45. Quant au Fanatisme, ou Mahomet le prophète, que Voltaire dédia au pape46, la censure milanaise n’y pouvait trouver à redire quand Winter le mit en musique à la Scala en 1817. Paradoxalement, Maometto est un cas où le respect des exigences officielles peut susciter un tragique subversif47 : Palmira ne se suicide pas, et reste donc au pouvoir de Mahomet, qui triomphe ouvertement, sans le fugitif remords que lui donnait Voltaire ; le mal l’emporte sans catharsis48.
17La révolution et l’empire ont interdit Merope, qui s’achevait par la mort du tyran et le triomphe de la monarchie légitime : pas de quoi gêner Nasolini en 1797, Pacini en 1849 et Zandomeneghi en 1871, mais ils ont pu utiliser la Merope de Maffei. Merope est plus intéressante comme probable source partielle de Sancia di Castiglia 49 : tel Polyphonte, Ircano a tué le roi qu’il feignait de protéger, et tente d’assassiner son fils pour accéder au trône en épousant la reine veuve. Garzia est un adolescent, non un bébé : point n’est besoin de reconnaissance, il n’a qu’à paraître pour reprendre son trône et empêcher les noces de Sancia et d’Ircano ; Rodrigo, fidèle et patriote conseiller, mêle des traits de Narbas et d’Euryclès. Mais Sancia, follement éprise d’Ircano, se croit aimée ; pour lui, elle tente d’empoisonner son fils, avant de préférer boire elle-même le poison50. Sémiramis aussi rétablit la légitimité et châtie les régicides ; le meurtre involontaire de Sémiramis par son fils a été admis pour La morte di Sémir ami de de Nasolini en 1790, chez Portogallo pour La morte di Semiramide à Lisbonne en 1801 et Semiramide en 1806 à Londres, à Venise en 1804 pour Arsace e Semiramide de Gnecco, sur un livret de Rossi. Dans Semiramide de Rossini51, un chœur joyeux console Arsace-Ninia après la mort de sa mère, fêtant la légitime restauration et la punition des coupables. Tancrède élimine les méchants et prouve l’innocence d’Aménaide, au prix de la mort du héros. Rossini a préféré le lietofine de la source première52, puis composé une fin tragique qui ne résout pas mieux la trame et ne plut pas53. Enfin Olympie, adaptée pour Spontini, renchérit dans le tragique, puis reçut une heureuse conclusion où seul périt l’assassin Antigone : Alexandre vengé, Statire bénit l’union d’Olympie et Cassandre ; le bien triomphe54. Des autres opéras voltairiens, on ignore pour l’instant à peu près tout55.
18De Rousseau, seul Pygmalion paraît avoir tenté les musiciens, Cherubini en 1803, qui ajoute le rôle de Vénus, Donizetti en 1816 pour une œuvre d’écolier, créée seulement en 1960. La Nouvelle Héloïse, comme Émile, restait sans doute trop sulfureuse.
19Beaumarchais en revanche est et reste à la mode. Moins révolutionnaire qu’il ne le dit et déjà édulcoré dans la deuxième version de Salieri, Tarare inspire Bianchi en 1792 sur un livret de Sertor, et Mayr en 1812 sous le titre d’Atar 56. Portogallo en 1799, L. Ricci en 1838, se risquent à refaire Le Nozze di Figaro après Mozart. Mais la gloire de Beaumarchais reste Le Barbier de Séville 57. Impossible à musicare, le discours politico-social disparaît ; il reste un amoureux aidé par son valet, thème vieux comme la comédie. Le prestige de Paisiello (précédé par Benda en 1776) n’a pas dissuadé Weigl en 1783, Schultz en 1786, Isouard en 1796, de refaire le Barbier, comme en 1816 Morlacchi, récemment rejoué, et surtout Rossini, que suivront des versions oubliées58.
20L’un des romans célèbres du XVIIIe siècle, l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, de l’abbé Prévost, semble n’avoir inspiré que tard l’opéra italien. Créée à Turin en 1893, Manon Lescaut de Pucdni, plus fidèle au roman que celles d’Auber ou de Massenet, rééquilibre les rôles de Des Grieux et de Manon. Le retard vient de la censure : même après l’unité et sous la monarchie piémontaise, le sujet, comme en France celui de Carmen, devait paraître inconvenant. On ne peut en revanche expliquer ainsi l’absence de popularité de Paul et Virginie, qui ne paraît avoir tenté que Pietro Carlo Guglielmi, à Naples en 1817.
21Au contraire, les romans de Florian ont joui d’un succès difficile à comprendre, surtout pour Numa Pompilius, second roi de Rome (1786) : Gonzalve de Cordoue ou Grenade reconquise profitait en effet de la mode "mauresque" relayée notamment par Chateaubriand. De Gonzalve viennent Les Abencérages de Cherubini59 ; les amours tragiques d’Abenhamet et Zoraide (devenus Almanzor et Noraïme) reçoivent une fin heureuse ; Gonzalve, disparu des adaptations postérieures, joue ici le deus ex machina ; incognito, il bat en duel judiciaire le vizir félon, se fait reconnaître et rapporte l’étendard de Grenade, livré aux Espagnols par le vizir lui-même pour perdre Almanzor ; Almanzor justifié épousera Noraïme. Nicolini adopte également un dénouement joyeux60 Pour Zoraida di Granata de Donizetti61, Merelli a utilisé le texte original et conservé d’autres péripéties ; Zoraida, surprise avec Abenamet alors qu’on vient de lui imposer un autre fiancé, est condamnée à mort ; Abenamet lui-même (et non des chevaliers chrétiens déguisés en Turcs 1) sauve Zoraida et prouve en même temps son innocence ; le champion royal vaincu avoue avoir livré l’étendard sur l’ordre du roi, pour perdre Abenhamet. Le héros magnanime sauve le roi de la fureur populaire et épouse Zoraida : un lieto fine qui, sans outrager la vraisemblance, fait triompher le bien, selon l’usage du XVIIIe siècle que Rome, comme Naples, aiment conserver. C’est pourtant à Naples, mais dans un opéra de salon, que Balducci en 1827 finit l’histoire tragiquement et sans catharsis, comme dans le romantisme noir : à la fin de Boabdil re di Granata, le roi tue Abenhamet et clame son triomphe tandis que Zoraide tombe.
22Balducci avait une passion pour Florian : il emprunte à Numa Pompilius le sujet de Tazia 62. Dans le roman, Numa, jeune Sabin rendu orphelin par Romulus et élevé comme Télémaque par un sage, se laisse néanmoins séduire par la gloire de Romulus et la beauté de sa fille Hersilie, dont il devient le fiancé. Mais l’assassinat de Tatius par Romulus et la dureté d’Hersilie le ramènent à ses devoirs de Sabin ; il rompt avec la princesse et épouse Tatia, douce fille de Tatius, qu’Hersilie empoisonne dans la coupe nuptiale. Fuyant Rome, il devient l’ami du vaillant Léo, chef des Marses, de son amante la reine Camille, de Zoroastre (réfugié de Perse dans l’Apennin et qui s’avère père de Léo !) et de sa fille Anais. Élu roi de Rome à la mort de Romulus, il accepte sur les conseils d’Anais, bat la coalition menée par Hersilie (qui se suicide), et règne en sage pacifique ; pour garder la paix religieuse, il cache son union avec Anais, qui passe pour la nymphe Egérie. De ce fatras en douze livres, Pazia retient le début63 : Tazia interrompt les noces de Numa et d’Ersilia et rappelle à Numa ses devoirs envers son peuple ; déjà mis en garde par l’ombre de son mentor Tullo, Numa renverse l’autel et décide d’épouser Tazia. À l’inverse, Numa Pompilio de Paer, créé en 1808 aux Tuileries64, ne conserve que la fin : Anais impose à Numa de régner, mais ses amis Lavinius (Léo) et Camille, ennemis de Rome, vont jusqu’à attenter à la vie du prince. Numa évidemment pardonne dans la joie générale, et le peuple romain brandit une banderole, Viva il législature ; Numa était bien considéré comme l’auteur des "lois royales" romaines, mais l’opéra, commande de Napoléon, semble plutôt célébrer un peu tard le code civil !
23La très leste nouvelle du chevalier de Boufflers, Aline reine de Golconde 65, où l’héroïne vole d’amant en amant, est aux antipodes des moralités de Florian ; elle s’en rapproche pourtant, via Sedaine, dans Alina Regina di Golconda de Donizetti66 ; de Boufflers, il n’y reste que la reconstitution à Golconde par Alina du décor de son premier amour ; elle s’y fait reconnaître par Volmar, qui retrouve sa fiancée ravie par les pirates dans la reine-veuve de Golconde à laquelle il apporte l’aide de la France ; l’armée française sauve Alina des complots politico-amoureux du vizir Seide, et tout finit bien, le patriotisme remplaçant l’ironie de Boufflers quant à l’armée.
24Jean-Baptiste Louvet, fils de papetier et futur conventionnel, s’est fait appeler "de Coudray" vers 1772 ; il a publié en 1787 Une année de la vie du chevalier de Faublas, dont le seul épisode "convenable" a enthousiasmé librettistes et compositeurs : l’histoire de Lodoiska, délivrée par son fiancé du traître Dourlinski avec l’aide des Tartares : prototype de la "pièce à sauvetage" et succès colossal en 1791, l’opéra de Cherubini inspira maints imitateurs67.
25Du roman de Marmontel Les Incas (1777), Mayr a tiré deux opéras sur le même sujet, Alonso e Cora en 1804 à la Scala, Cora en 1815 à Naples68. De Jouy y a puisé des idées pour le livret de Fernand Cortez 69, qui emprunte aussi à la tragédie oubliée d’Alexis Piron, Fernand Cortez (1744).
26Mais à côté de ces auteurs connus, d’autres ont eu chez les librettistes une longue popularité aux raisons parfois contradictoires. Précurseur dans le genre noir, Baculard d’Arnaud a anticipé bien des outrances romantiques ; portant à la scène les Mémoires du comte de Comminge de madame de Tencin70, il en a accentué le pathétique, frayant la voie à l’opéra ; Valentino Fioravanti en fit à Naples une trilogie, commencée sous l’occupation française et conclue par une fin tragique en 181771. La même année à Milan, Pacini donnait Adelaide e Comingio –, le livret de Rossi finit tragiquement, mais de façon plus banale que l’original : Adelaide est poignardée par son mari expirant ; Comingio se retire dans un ermitage. En revanche, l’idée de l’héroïne venant mourir, déguisée en moine, dans le couvent de son amant, a suggéré à Royer et Vaez le dernier acte de La Favorite72; peut-être le duc de Rivas a-t-il aussi puisé là des éléments du Don Alvaro dont Piave et Verdi allaient faire La Forza del destino73. De Baculard d’Arnaud vient aussi, extrait d’une nouvelle, Adelson e Salvini, opéra de Bellini à la sortie du Conservatoire de Naples ; l’intrigue, retouchée dès 1803 par Prosper Delamare, est profondément changée et "finit bien74. Enfin Fayel, mêlé à Gabrielle de Vergy de Belloy, a inspiré à Tottola un des livrets les plus noirs du XIXe siècle, que Carafa, Donizetti et Mercadante ont mis en musique75 : mince atténuation à l’horreur, Fayel ne fait plus manger à Gabrielle le coeur de Raoul, mais le lui offre dans une urne.
27De Belloy, la Zelmire (1762) a inspiré en 1822 le dernier opéra napolitain de Rossini. C’est un sujet fort légitimiste : un usurpateur est assassiné par un autre, renversé pour rétablir le vrai roi, le tout avant la guerre de Troie. Le siège de Calais est une source de L’assedio di Calais de Donizetti76 ; pièce patriotique, à la mode après la guerre de sept ans, elle a valu des récompenses royales à l’auteur. Belloy y "démontrait" la loi salique, mais Edouard III, optant pour la clémence, vertu royale, n’était pas un tyran : la censure de Naples ne pouvait s’inquiéter, mais comme Zelmira dans un autre ton, le sujet était dans l’air du temps.
28La Caccia di Enrico IV, de Pucitta, ressuscite à Londres en 1809 Lapartie de chasse d’Henri IV de 176477 : un choix politique (Collé s’inspirait ouvertement d’une pièce anglaise78, et on préféra l’oeuvre française). Collé donnait déjà d’Henri IV le portrait officiel de la Restauration, le père du peuple qui rétablit la justice avec bonhomie. Cette exaltation du premier roi Bourbon peut être un défi quand l’Espagne, troisième royaume Bourbon, semble après la France et Naples retomber sous le joug napoléonien79 : l’odieux "marquis de Conchiny" (Concini), conspirateur et débauché, n’est-il pas comme Italien une caricature de l’ogre corse ?
29Dans un ton plus léger, Le mariage conclu par lettre de change (1735) de Raymond Poisson, membre d’une dynastie d’auteurs-acteurs, est adapté en italien par C. Federici ; Coccia en fait Il matrimonio per lettera di cambio à Rome en 1807, Rossini La Cambiale di matrimonio à Venise en 1810 sur un livret de Rossi. Les Rivaux d’eux-mêmes de Pigault-Lebrun (1798) deviennent à Palerme en 1829 I rivoli di se stessi, mis en musique par Balfe. Enfin les comédies de l’ex-acteur Maillot, La poissarde parvenue (1797), et Les dernières folies de madame Angot (1803), relayées sous l’Empire à l’Ambigu-Comique par Madame Angot au sérail de Constantinople d’Aube, ont une suite à Naples en 1875 : poussé par le succès de Lecocq, Mugnone y donne Mamma Angot al seraglio di Costantinopoli.
30À la fin du XVIIIe siècle, bien des auteurs sont connus par leurs livrets, qu’on imite, plus que par leur oeuvre théâtrale80, tel François-Benoît Hoffman : Euphrosine ou le tyran corrigé, écrit pour Méhul en 1790, a inspiré plusieurs opéras, dont la délicieuse Matilde di Shabran de Rossini81. L’avocat Bouilly, ami de Mirabeau et membre du comité pour l’instruction publique, est l’auteur pour Gaveaux, en 1798, de Léonore, que reprendront Paer, Mayr82, et Beethoven. Spécialiste des pièces à sauvetage, il écrit en 1800 pour Cherubini Les deux journées ou le porteur d’eau, repris dès 1801 par Mayr. Son Héléna pour Méhul en 1803, inspire Mayr, et Meyerbeer débutant, et sa Françoise de Foix de 1809 pour Berton est adaptée par Gilardoni pour Donizetti83. Jacques Boutet, dit de Monvel, acteur au Français et père de mademoiselle Mars, s’est fait aussi librettiste : son Raoul de Créqui pour Dalayrac (1789) est repris par Mayr à Milan (1810), Morlacchi à Dresde (1811) et Fioravanti à Rome (1812) ; Sargine s (1788) pour Dalayrac, inspire dès 1803 Paer, à la cour de Dresde : le Sargines français étant alors interdit à Paris par Napoléon, pour qui Philippe-Auguste y était trop sympathique, la cour de Saxe avait peut-être des arrière-pensées. Pour Dalayrac toujours, Marsollier des Vivetières écrit le fameux Renaud d’Ast (1787), où figure Veillons au salut de l’empire-. Morlacchi après Cocda en 1816 donne en 1819 à Rome un Rinaldo d’Asti, sur un livret de Ferretti. De Dalayrac et Marsollier encore, Camille ou le souterrain (1791), pièce à sauvetage où l’héroïne est prisonnière dans les souterrains d’un château hanté, inspire à Paer à Vienne Camilla o il sotterraneo (1799). Le livret de Saint-Cyr pour Cherubini, Elisa ou le voyage au mont Saint-Bernard (1794), est repris pour Elisa de Mayr à Venise en 1804. Celui du millavois Eugène de Planard pour Gaveaux, L’échelle de soie (1808) donne dès 1812 La Scala di Seta de Rossini84. Claude Godard d’Aucour, dit de Saint-Just, fait des livrets pour Boïeldieu : Le Calife de Bagdad (1800) inspire le ténor et compositeur Manuel Garcia pour Il Califfo di Bagdad à Naples (1813) ; Jean de Paris (1812), repris par Romani, devient Gianni di Parigi chez Morlacchi (1818) et Donizetti (1839), tous deux à la Scala85.
31Ce mouvement se poursuit au long du XIXe siècle. Bien des livrets de Scribe sont adaptés en Italie ; si l’on en croit Dumas, Scribe était pour la censure un auteur moral, ce qui pourrait expliquer ce pillage systématique86. La Dame blanche de Boïeldieu devient La Donna bianca d’Avenello de Pavesi à Milan en 1830 ; d’Auber, La Muette de Portici, Le Philtre, Fra Diavolo, Le Domino noir et Les Diamants de la couronne vont donner Fenella o La Muta di Portici de Pavesi, à Venise en 1831, L’elisir d’amore de Donizetti87, L’osteria d’Andujar de Lillo, sur un livret deTarantini, à Naples en 1840, Il Domino nero de Lauro Rossi sur un livret de F. Rubino, en 1849 à Milan, et I Diamanti délia corona de Carlo Romani à Florence en 1856 : à l’exception de L’elisir d’amore, qui a complètement éclipsé Le Philtre, aucune de ces oeuvres n’est restée, alors que leurs modèles ont reparu l’un après l’autre. D’Auber encore, Gustave III, récemment exhumé, a inspiré Mercadante en 1843 pour Il Reggente, et surtout Verdi pour Un ballo in maschera 88 : la censure italienne n’admettant pas à la scène le meurtre du roi de Suède, l’intrigue a été déplacée par Cammarano en Écosse en 1570 ; le régent "Murray" (Jacques Stuart de Moray) est assassiné par "le duc de Hamilton" ; Somma, par la volonté de Verdi, a laissé l’action au XVIIIe siècle et l’a transportée à Boston avant l’indépendance. Le Chalet, que Scribe a écrit en 1834 pour A. Adam, donne Betly de Donizetti89. Il existe deux versions de La Somnambule : la seconde, écrite en 1827 pour un ballet d’Hérold, est la source de l’opéra de Bellini90. Destinée à Halévy en 1835, La Juive devient L’Ebrea pour Pacini en 1844. Scribe a aussi fait des livrets français pour des compositeurs italiens : il adapte pour Rossini la légende du comte Ory91 ; il fournit à Donizetti Le Duc d’Albe en 1839, mais l’oeuvre reste inachevée92, et Scribe s’estime en droit de réutiliser le livret en l’offrant à Verdi en 1855. À la demande de Verdi, le titre et le lieu de l’action changent, on passe des Pays-Bas du XVIe siècle à Païenne en 1282, un cinquième acte est ajouté et le quatrième profondément remanié ; Verdi est néanmoins resté mécontent du dénouement trop sec des Vêpres siciliennes 93, que Scribe a refusé de modifier. Enfin, des comédies ou drames de Scribe ont été adaptés à l’opéra, et sa popularité a continué après sa mort : sa Visite à Bedlam a donné I pazzi per progetto de Donizetti94 ; son Adrienne Lecouvreur inspire Cilea en 190295 et en 1919 encore c’est à lui qu’Adami emprunte pour Zandonai le sujet de La Via délia finestra 96.
32Jules-Henri Vemoy de Saint-Georges, fort prolifique lui aussi, a également vu reprendre ses œuvres : Le Val d’Andorre passe de Halévy à Cagnoni97, La Reine de Chypre de Halévy à Pacini et à Donizetti, dont la Caterina Cornaro seule est revenue au répertoire98 ; le livret a été quelque peu modifié, Donizetti composant même deux dénouements : Lusignano est toujours blessé à mort, mais Gerardo est tué ou survit et retourne à Rhodes.
33Très fécond aussi, auteur de vaudevilles et collaborateur de Scribe, Mélesville99 traite en 1818 dans Le bourgmestre de Sardam ou les deux Pierre un thème à la mode, les aventures du tsar Pierre le Grand incognito en Occident, dont Gilardoni fait un melodramma giocoso pour Donizetti100. En 1833 avec Scribe, pour l’ultime opéra de Cherubini, il enrichit Ali Baba de diverses péripéties et d’une intrigue amoureuse101.
34Victor Joseph Etienne, dit Victor de Jouy, est devenu écrivain après des aventures outremer et aux armées. Royaliste séduit par Napoléon, il eut des déboires sous Louis XVIII et son Bélisaire 102, interdit en 1818, ne fut créé qu’en 1825. Il a écrit pour le théâtre et l’opéra, s’opposant au romantisme naissant lors d’Henri III et sa cour. Son livret pour Milton de Spontini semble original, comme pour l’essentiel celui de La Vestale103, aussitôt imité dans toute l’Europe : ses fastes guerriers s’adaptent aisément. À Paris, "Mars a guidé nos pas aux champs de la victoire" salue Napoléon et fête, en retard, Austerlitz. Le 3 mai 1810 à Londres dans La Vestale de Pucitta, Guido Marte i nostri passi, Là nel campo délia gloria, chante Wellington vainqueur à Talavera. Mais le sujet séduit même après 1815. Generali et Rossi le reprennent à Venise en 1816. Pacini écrit une Vestale pour la Scala en 1823 sur un livret de Romanelli, Mercadante pour Naples en 1840 sur un poème de Cammarano : les personnages empruntent de nouveaux noms à un ballet de Vigano de 1818. Cammarano introduit de nouveaux rôles : le père inflexible du héros se substitue en partie au grand pontife, et Giunia, qui s’accuse à la place de son amie, à la grande Vestale ; mais il n’y a plus de miracle, et l’amant se suicide sur la tombe refermée. Arminia la Vestale de Pavesi, créée à la Scala en 1810 sur un livret de Landi, et dont on ne connaît pour l’instant que le titre, se rattache sans doute à la même "famille". Avec Balocchi, de Jouy a transformé Mosè in Egitto en Moïse et Pharaon 104. Enfin il a modifié profondément pour Rossini le Guillaume Tell de Schiller : Jean le Parricide et les épisodes mineurs sont éliminés ; le noble Ulrich allié des Autrichiens, que seule Berta ramène à sa patrie, devient le paysan Arnold, rêvant de gloire pour s’élever jusqu’à la princesse Mathilde, mais qui renonce à son ambition pour venger son père tué par Gessler ; Berta devient Mathilde de Habsbourg, légitimant l’action des insurgés contre le tyran ; surtout, Tell devient l’initiateur de la révolte, l’instigateur du serment des confédérés. Pour ce finale du deuxième acte, Jouy a eu recours à l’orléaniste Bis et aux républicains Marrast et Crémieux105. Moins d’un an avant la révolution de 1830, Tell fut cependant autorisé sans difficulté : on n’y renversait qu’un pouvoir illégitime, et Rossini reçut du roi la Légion d’Honneur ; la portée politique reste ambigüe.
35D’Hippolyte Bis, employé des droits réunis se voulant dramaturge, Romani a adapté pour Donizetti Blanche d’Aquitaine ou le dernier des Carlovingiens 106 ; la nécessaire suppression du régicide, donc du changement dynastique, fit d’un drame orléaniste un opéra légitimiste ; Romani fit d’un terne pamphlet politique une tragédie de la passion.
36Jars, auteur de Julie pour Spontini, Alissan de Chazet et Ourry, dont Le fils par hasard ou Ruse et folie (1809) inspira à Rossini II Signor Bruschino 107, Milcent, dont Schmidt a traduit Hécube pour Manfroce108, ne sont guère que des noms. Plus connu est Alexandre-Vincent Pineux-Duval, dit Alexandre Duval ; volontaire en Amérique, passé des ponts et chaussées à la Comédie française, il écrit à partir de 1795 et devient sous l’empire gloire littéraire, académicien et anti-romantique. Son Menuisier de Livonie romance en 1805 les aventures de Pierre le Grand : Pacini et Donizetti en font chacun un Falegname di Livonia en 1819109. De son Faux Stanislas (1808) viennent Il finto Stanislao de Rossi pour G. Mosca en 1812 à Venise, puis celui de Romani pour Gyrowetz, aménagé pour Verdi sous le titre Un giorno di regno 110 Sa Jeunesse de Henri V, d’après Shakespeare, inspira Hérold débutant à Naples, puis Morlacchi, Pacini et Mercadante111. Son Édouard en Écosse sur "Bonnie Prince Charlie”, jugé royaliste en 1802, doit être la source d’Edoardo Stuart, re di Scozia de Coccia à Naples en 1831.
37Autre pourfendeur du romantisme, Antoine-Vincent Arnault, qui avait connu Dumas enfant et l’apprédait, rompit avec lui lors d’Henri III. Son hostilité paraît surtout formelle. Quant aux sujets en effet, à côté de tragédies romaines, Marius à Minturnes ou Germanicus, il écrit en 1798 Blanche et Montcassin ou Les Vénitiens, digne des plus noirs drames hugoliens : durant le procès au Conseil des Trois, Montcassin a la tête couverte d’un capuchon que Contarini ôte enfin, révélant qu’il a été étranglé ; Blanche meurt sur le corps de son fiancé. Mais, dit Dumas, "le dénouement fut regardé comme une si grande hardiesse, que les âmes sensibles ne pouvant le supporter, l’auteur fut obligé, à l’usage de ces bonnes âmes, de faire une variante grâce à laquelle, comme l’Othello de Ducis, sa pièce maintenant finit par une mort ou par un mariage, au choix du spectateur". Romani, adaptant en 1819 Les Vénitiens pour Rossini, écarta de Bianca e Falliero ce dénouement de grand guignol ; Falliero vivant permit à Rossini de composer le sublime quatuor repris plus tard dans La donna del lago112.
38Avocat au Conseil d’Artois ruiné par la révolution, Louis Charles Caigniez commence à écrire à quarante-deux ans. De son énorme production, La Pie voleuse, grâce à La gazza ladra de Rossini, reste le seul titre célèbre ; renouant avec ses origines, Caigniez y exploitait un mémoire judiciaire sur un prétendu fait divers authentique : l’innocence de la servante de Palaiseau, accusée du vol commis par la pie, aurait été découverte trop tard ; en fait l’histoire est fausse113 et Rossini pouvait sans remords adopter un lieto fine après avoir caricaturé les pompes judiciaires114. La forêt d’Hermanstadt ou la fausse épouse (1805) reprend le vieux thème de l’aventurière substituée à la vraie fiancée, mais le bien triomphe ; Coccia et Rossi en ont tiré Clotilde à Venise en 1815. En 1816, La petite bohémienne, d’après Kotzebue, dont Donizetti fit une triomphante Zingara115, est aussi une pièce à sauvetage : la "bohémienne" déjoue les criminels projets du traître et se découvre fille de celui qu’elle a sauvé. Jean de Calais (1810) narre les aventures d’une princesse dont le royal père ratifie le mariage avec un corsaire, malgré les trames d’un rival éconduit : Rubini eut un vif succès dans Gianni di Calais de Donizetti116. Donizetti et Naples affectionnaient Caigniez : de son Androclés ou le lion reconnaissant (1804) vint L ’esule di Roma, premier opéra "antique" de Donizetti117 : Androclés y devient Settimio, noble romain condamné par la trahison de Murena, père de sa fiancée ; le lion sauvé par lui au désert le défend dans l’arène, et Tibère, ému par ce miracle et par l’aveu de Murena, fait grâce à tous ; les remaniements ont parfois supprimé le lion, conservé à la reprise londonienne de 1982118.
39Les romans de Marie-Sophie Risteau, madame Cottin, ont fait pleurer Dumas enfant. Leurs adaptations lyriques sont souvent oubliées, comme les romans mêmes : Malvina (1800) et Matilde (1807) ont pu inspirer Vaccai et Michael Costa119. D’Élisabeth ou les exilés de Sibérie (1806), Pixérécourt fit un drame, La fille de l’exilé ou Huit mois en deux heures (1819), et Donizetti GH esiliati in Siberia ossia Otto mesi in due ore, dont la version complète fut créée au festival de Radio France et de Montpellier en 1999120 : hymne à l’amour filial, l’opéra n’a pas d’intrigue amoureuse, mais des péripéties spectaculaires : l’héroïne est sauvée des Tartares par une crue qui emporte la tombe à laquelle elle se cramponnait...
40Les mélodrames de René Charles Guilbert de Pixérécourt, "Corneille du boulevard", ont plu aux librettistes, sinon aux critiques121 Pour le début de Donizetti à la Scala, Romani fit de La citerne (1809) un Chiara e Serafina avec pirates, souterrains et fausses identités... que le public bouda122. Sans rancune, Donizetti revint à Pixérécourt pour Gli esiliati in Siberia. Romani avait un faible pour Pixérécourt, à qui il doit son premier livret, La rosa bianca e la rosa rossa, cinquante-sixième opéra de Mayr. L’Histoire y était malmenée, moins dans les tribulations des héros que dans la prefazione : en 1399, après le règne d’Henri VI, Richard VI ( !) aurait fait de la rose blanche un ordre royal et condamné à la mort ou à l’exil les tenants de la rose rouge123. Richard III y était clément, en coulisse. Marguerite d’Anjou, revue par Romani pour Meyerbeer, le montre plus près de son image shakespearienne, comme duc de Gloucester : il poursuit à travers l’Écosse Marguerite, veuve d’Henri VI, son fils de cinq ans et quelques fidèles ; la reine est restaurée124 ! Pacini refit une Margherita regina d’Inghilterra ou Margherita d’Angio à Naples en 1827.
41Jacques Ancelot faillit battre Hugo à l’Académie, mais, privé de ses charges par Louis-Philippe, écrivit, disait-il, pro famé, non pro fama, après 1830. Comme Romani et Pixérécourt, il aimait les sujets anglais. D’Élisabeth d’Angleterre (1829), Romani fit Il conte d’Essex de Mercadante125, et Cammarano Roberto Devereux de Donizetti, en 1837 à Naples. Têtes rondes et cavaliers, autre sujet anglais, fit triompher Bellini avec I Puritani126. De Maria Padilla (1838), l’Espagne rivalisant de mode avec l’Angleterre, Donizetti fit un opéra ; l’héroïne d’Ancelot se suicidait ; à l’opéra elle mourut de joie, pour apaiser la censure, puis resta vivante et triomphante, comme dans l’Histoire127.
42Ni Pixérécourt ni Ancelot ne sont romantiques ; l’un prolonge la comédie larmoyante, l’autre une tradition tragique. Mais le romantisme n’est pas négligé à l’opéra.
43Chateaubriand a inspiré des auteurs oubliés ; nul ne connaît les Atala, L ’ultimo degli Abenceragi ou Velléda que révèlent les encyclopédies musicales128. Son influence est perceptible, peut-être, comme celle de madame de Staël, autre pilier du romantisme naissant, dans II Viaggioa Reims de Rossini129. Mais on lui doit la mode des forêts gauloises, et la version barbare des Vestales parjures ; si Romani écrit La sacerdotessa d’Irminsul pour Pacini130, l’ombre de Velléda est plus visible dans Norma.
44Académicien, ami de Dumas, témoin au mariage d’Hugo, le chaurien Alexandre Soumet ne se voulait pas romantique : féru de sujets antiques – Clytemnestre, Une fête chez Néron, Cléopâtre 131- fl penchait vers le néo-classicisme. Norma ou l’infanticide n’est pas un drame romantique ; ce sujet gallo-romain a des racines plus lointaines et mythologiques, l’ombre de Médée. Norma doit être l’oeuvre passée le plus vite du théâtre à l’opéra : la tragédie est créée le 6 avril 1831, l’opéra répété le 5 décembre et créé le 26 : huit mois pour que Romani, lent à fournir ses livrets, découvre la pièce, la fasse accepter à Bellini, opère les importants remaniements nécessaires et rédige le livret, et pour que Bellini, lent à composer, écrive sa partition ; le résultat est un miracle. Romani a ajouté Costa diva et la scène d’Oroveso au deuxième acte, et refait la fin. Norma ne tue plus un de ses fils avant de se jeter avec l’autre dans un ravin, elle obtient le pardon de son père et le salut des enfants, reconquiert Pollion et se purifie par une mort qu’elle-même ordonne : fin sublime, loin du mélodrame premier132. Dans Le Siège de Corinthe, écrit par Soumet et Balocchi pour Rossini, le néo-classicisme paraît dans les noms des héros, le romantisme dans la prophétie de Hiéros sur la résurrection de la Grèce133.
45Chateaubriand et la forêt bretonne reparaissent chez Charles Victor Prévost, "vicomte" d’Arlincourt, soldat bonapartiste en Espagne, rallié au roi en 1814 et fidèle en 1815, magistrat, historien, poète, romancier, dit "le prince des romantiques"134. Son roman Le Solitaire inspira Pavesi et Persiani135. Passant de L’Étrangère (1825) à La Straniera pour Bellini136, Romani a adapté une source difficile, ramenant douze livres à une masse convenable, élaguant les longueurs historiques pour concentrer l’intérêt sur le "héros fatal" Arturo, et sur Alaide "l’étrangère", à laquelle il a presque entièrement laissé son mystère.
46De la chasse de La Straniera, Alaide est le vrai "gibier” ; ce thème fréquent revient dans Rosemonde, que François Paul Boisnormand de Bonnechose écrit à vingt-six ans en 1826. Ancien militaire, parent du sénateur cardinal archevêque de Rouen, futur bibliothécaire de Saint-Cloud, cet auteur oublié a choisi encore un sujet anglais, la légende de la belle Rosemonde Clifford, favorite d’Henri II tuée par Aliéner d’Aquitaine ; peignant sans pitié le couple royal, il accroît l’horreur finale, Eléonore frappe Rosemonde sans lui offrir le choix entre poison et poignard ; Henri II tue Clifford qui lui reproche d’avoir séduit sa fille sous un faux nom, par une fausse promesse de mariage. Le livret de Romani pour Cocda fut remanié pour Donizetti137 : la chasse de Leonora, en quête surtout de sa rivale, disparaît ; Clifford survit ; le rôle d’Arturo, lié par la gratitude à la reine mais épris de Rosmonda, est abrégé ; curieusement, Rosmonda meurt en silence, et l’aria finale, que Donizetti voulait donner à Enrico, revient à Leonora.
47Si Casimir Delavigne a écrit ses premiers drames avant Cromwell, ses oeuvres adaptées à l’opéra tendent au romantisme. Son Paria inspira Rossi et Carafa, Gilardoni et Donizetti, dont ce fut le premier finale tragique138. Son Marino Faliero (1829), modifiant profondément Byron, fut revu pour Donizetti par Bidera, qui glissa dans le rôle d’Israele des accents bonapartistes plaisant au Paris louis-philippard139.
48Des grands romantiques, Lamartine ne paraît qu’avec un tardif Jocelyn ; Graziella, adaptée en France, n’a pas attiré les Italiens. Vigny ne semble présent qu’avec Chatterton de Leoncavallo en 1896. Musset, hors un Rolla et un Don Paez obscurs, survit par La coupe et les lèvres (1832), devenu Edgar chez Puccini. Frank devient Edgar, Belcolore Tigrana, Deidamia Fidelia ; Stranio, un soldat, Gunther et l’officier se fondent en Frank, frère de Fidelia et ancien amant de Tigrana. On ajoute le sage Gualtiero, père de Fidelia. Du Tyrol on passe en Flandre en 1302 ; Fidelia et Tigrana se disputent d’emblée Edgar ; aux fausses funérailles, Fidelia défend la mémoire d’Edgar, Tigrana se laisse acheter pour le calomnier. Les longs monologues philosophiques du héros ont disparu : Orgia, Chimera dall’occhio vitreo, inspiré de vers épars, remplace au début de l’acte II le monologue sur l’or140.
49Victor Hugo est en revanche abondamment présent, par ses drames, ses romans, voire ses poèmes141. Mais lors du centenaire de sa mort, sept seulement de ces opéras étaient accessibles, et seul Ruy Bios de Marchetti a rejoint depuis Ernani, Rigoletto, les deux Maria Tudor, La Gioconda, 11 Giuramento et Lucrezia Borgia 142. Les librettistes, très fidèles, traduisent souvent mot à mot, se bornant à limiter les rôles, à resserrer certaines scènes et à supprimer les discours impossibles à chanter. La censure a touché la forme plus que le fond et les plus lourds changements ont été imposés par Hugo et ses procès pour plagiat, transformant à Paris Lucrezia Borgia en une Rinnegata déplacée dans le temps et l’espace. La censure de Palerme n’a pas mutilé Marie Tudor ; celle de Milan a autorisé une bonne part d’Angelo sous le déguisement sicilien et médiéval d’il Giuramento 143. Ruy Bios a subi le même genre de modifications ; Don César, marginal pour le drame, disparaît ; les ministres changent de nom et sont réduits à deux, le discours au conseil et l’invocation à Charles-Quint sont ramenés à des longueurs normales ; en revanche, Don Sallustio reçoit en scène son ordre d’exil ; une scène nouvelle, où la reine remet à Ruy Blas la Toison d’or, tandis que complotent ses adversaires, conclut l’acte III ; les actes IV et V sont réunis, Ruy Blas tuant Don Guritano et Casilda remplaçant en partie la duègne. Le reste est souvent traduit mot à mot, particulièrement au deuxième acte.
50Beau-frère d’Hugo, Paul Foucher écrit en 1838 Dont Sébastien roi de Portugal, adapté par Scribe pour Donizetti et où se retrouvent tous les ingrédients du mélodrame144.
51Alexandre Dumas figure id surtout par ses drames145. Certes, il existe au moins deux opéras tirés des Trois mousquetaires, par Visetti en 1871 et Dionesi en 1888, et un Edmondo Dantes de Dell’Aquila en 1876, sur un livret de Praga. Ascanio (1843) peut être la source de Cellini a Parigi de Lauro Rossi146 ; la Blanca de Beaulieu de Cesare Stiattesi que chantait Supervia en 1900, vient de la nouvelle "vendéenne" inspirée par la mort d’Angélique Desmesliers, et Caterina Blum de Bevignani147, de l’idylle muée en roman policier avec un forestier détective qu’est en 1853 Catherine Blum. De ces opéras, on ne connaît plus une note. Ceux qu’inspirent des drames de Dumas peuvent être aussi oubliés : Kean de Sangiorgi (1855), Cristina di Svezia de Thalberg (1855) sur le dernier livret de Romani148, les Caterina Howard de Lillo et Petrella149, et sans doute les Lorenzino de Medici de Pacini et Marenco150. De Mademoiselle de Belle Isle du corfiote Samaras, créée à Gênes en 1905, on trouve l’air de d’Aubigny, Si, io t’amo. Mais la Caterina di Guisa de Coccia a été donnée à Savone en 1990 : d’Henri III et sa cour 151, il reste le duc et la duchesse de Guise, Saint-Mégrin et Arthur ; l’affection du roi pour San Megrino, la lutte de San Megrino contre la Ligue, les ambitions de Guisa, sont résumées par les choeurs, dialoguant parfois avec Guisa. Du drame romantique modèle, Romani a fait une adaptation néo-classique, concentrant l’intérêt sur la rivalité amoureuse ; autant que la censure, il devait en être satisfait ; les incidents célèbres, la provocation en duel, le mouchoir perdu de la duchesse (égaré au bal et non chez Ruggieri), la lettre dictée sous la pression du gantelet de fer, et le dénouement sont ainsi mis en relief ; le livret traduit souvent Dumas de très près, surtout dans le grand affrontement entre Guisa et la duchesse. Charles VII chez ses grands vassaux a été allégé de même par Bidera dans Gemma di Vergy 152 ; plus de roi ni d’Agnès Sorel, tout est resserré autour de Gemma, du comte de Vergy et de Tamas (Bérengère, Savoisy et Yaqoub chez Dumas) ; Ida (Isabelle), Guido et Rolando ne sont plus que de brèves silhouettes. Le drame central même a été modifié, dans le soud d’apaiser la censure. Bérengère, telle Hermione153, se promettait à Yaqoub s’il tuait Savoisy, et le rejetait ensuite ; Gemma demande la mort à Tamas, puis, délirante, accepte de fuir avec lui, mais exige un départ immédiat, pour ne pas mourir de désespoir ; Tamas préfère tuer le comte ; maudit par Gemma, il révèle son amour et se tue ; Gemma clame son innocence et son éternel amour pour le comte. Bidera a cependant traduit, même dans ces scènes, certains vers de Dumas : "Ah ! demain ! mais tu railles ! Et si ce jour était le dernier de nos jours ?... Demain ? Et si je suis morte de jalousie ? Tu n’es donc pas jaloux, toi ? tu ne l’es donc pas ?", Domani ? Oh ! doman io saro morta ! Gelosia mi strazia a brani.. Tu non sai che cosa e amore ?... Ah ! mai geloso non tu fosti ?154.
52Comme son père, Alexandre Dumas fils a inspiré des opéras. La Traviata et son modèle Marguerite Gautier, La Dame aux camélias155, sont trop connus pour qu’il soit besoin d’insister. Bien oubliés, en revanche, sont Les Danichejf ; Catalani en fit Edmea, rejouée en 1989 à Lucques ; il ne paraît pas qu’elle doive rester au répertoire ; l’héroïne, contrainte par le père de son soupirant à un mariage sans amour, y est sauvée par la magnanimité de l’époux imposé, qui se tue pour permettre la réunion des amoureux156.
53Les péripéties des romans d’Eugène Sue pourraient séduire les librettistes ; il aurait toutefois été difficile de faire accepter le "dandy socialiste" à la censure, sanf à l’expurger considérablement ; en relevant un Pipelet parmi les oeuvres données au San Carlo, on se demande évidemment s’il s’agit du concierge des Mystères de Paris, bien qu’il paraisse un curieux choix pour un héros d’opéra157. De même, le titre Vittoria, madré degli eserciti fait penser à un épisode "antique" de l’épopée gauloise et populaire que sont Les Mystères du peuple : peut-être la lutte des Gaulois et des Francs au Ille siècle et son héroïne guerrière étaient-elles acceptables, à condition d’éliminer le sombre projet prêté au pape par le traître Tétrik. Avec jacquerie de Marinuzzi, l’emprunt aux Mystères du peuple est affirmé par l’auteur lui-même, qui signale les différences entre le livret et sa source ; dans cette sombre histoire de jus primae noctis, ce n’est plus Mazurec, l’époux d’Isaura (Aveline), qui doit s’humilier devant le seigneur, mais Guglielmo, le père de la jeune femme. On peut ajouter que le livret a éliminé quantité de personnages secondaires, et changé le dénouement : Mazurec n’est pas exécuté par Charles le Mauvais ; ayant renoncé à venger Isaura sur Glorianda, il se jette dans le château en flammes, croyant y voir Isaura qui l’attend. Malgré les changements, l’esprit est le même. Marinuzzi définit jacquerie comme symboliste plutôt que vériste ; le symbole est celui "des siècles d’oppression et du Moyen Âge, époque où les puissants usaient d’un gant de fer, celui aussi de la patience et de la souffrance de l’agneau (le peuple), qui à la longue, incapable de souffrir davantage, devient un loup" : le doux Mazurec, dit l’Agnelotto, réclame après la mort d’Isaura le nom de loup158.
54Henry Murger a au contraire inspiré des véristes. Ses Scènes de la vie de bohème (1851) ont été adaptées par Illica et Giacosa pour Puccini, et par Leoncavallo qui fut son propre librettiste159, et plus fidèle à l’original, conservant entre autres Eufemia, maîtresse de Schaunard.
55Parmi les romanciers célèbres, Flaubert avec Salammbô (1862) et Gautier avec Le Capitaine Fracasse (1863) n’ont guère tenté que des musidens oubliés160. En revanche, de façon assez inattendue, Erckmann-Chatrian et leurs romans alsadens ont attiré Mascagni pour deux opéras, L’Amico Fritz et I Rantzau 161. La même veine "régionaliste” peut expliquer le choix par Cilea de l’Artésienne de Daudet (1872), devenue L’Arlesiana à Milan en 1897, sur un livret de Marenco. De France vint aussi le Silvano de Mascagni, d’après Romano, nouvelle d’Alphonse Karr, mais le livret dut être remanié, Karr refusant son autorisation162. Enfin, le roman Masaniello de Jean-Baptiste Jacquot, dit Eugène de Mirecourt, inspira à Gomes Salvator Rosa163.
56Mirecourt était l’ennemi de Dumas, mais on trouve divers collaborateurs de celui-ci parmi les dramaturges inspirateurs d’opéras. Auguste Anicet-Bourgeois, qu’il qualifie de "chercheur infatigable, travailleur consciencieux", a adapté avec lui le roman de Fennimore Cooper, The Bravo, a Venitian story (1831), en un drame en dnq actes, La Vénitienne ; Mercadante en fera II Bravo, avec une introduzione ajoutée par Rossi164. C’est avec Mallian qu’Anicet-Bourgeois fait La Nonne sanglante (1835), dont Cammarano tira pour Donizetti son livret le plus noir. La Nonne sanglante finit par la mort des quatre protagonistes : Marie tue Henri, Matilde et Conrad, et se suicide. Pour Maria de Rudenz 165, l’imprésario Lanari et la censure obtinrent des atténuations. Corrado est puni "par la vie", après avoir tué Enrico en duel. Maria ne tue que Matilde, mais reste sans doute la seule héroïne à mourir trois fois : laissée pour morte dans les catacombes avant le début de l’opéra, poignardée par Corrado à l’acte II, elle rouvre enfin sa blessure et expire pour de bon. Cammarano a supprimé des intrigues secondaires et le rôle de Cagliostro, fait d’Enrico un amoureux de Matilde, cru frère de Corrado, et simplifié le dénouement : Conrad tuait Matilde qu’il prenait pour Marie, et Marie incendiait le château, où elle mourait avec Conrad ; Maria poignarde elle-même Matilde. En 1836, Anicet-Bourgeois et F. Cornue donnent Nabuchodonosor. Le 9 mars 1842 à la Scala, Nabucco inaugure la gloire de Verdi. Le librettiste Solera fait Abigaille et Fenena rivales pour l’amour d’Ismaele, supprime la mort d’Ismaele et surtout à la fin la résurrection de Fenena, qui risquait le ridicule autant que la censure. Il laisse dans l’ombre l’origine d’Abigaille : le document qu’elle vole à Nabucco la dit seulement fille d’esclave ; impossible d’évoquer l’adultère de la reine. Solera a ajouté Va pensiero..., et à la demande de Verdi, la prophétie de Zaccaria.
57Adolphe d’Ennery, qui travailla peu avec Dumas, reste surtout l’auteur des Deux orphelines. Mais son drame La Grâce de Dieu a inspiré Linda di Chamounix à Donizetti166 ; par souci de morale, Linda n’est plus la maîtresse de Carlo, et son père est trompé par les apparences.
58Comédien créateur de divers rôles de Dumas, Joseph Philippe Simon, dit Lockroy, passe en 1830 de la scène à la plume : Un duel sous le cardinal de Richelieu narre l’amour tragique de Marie de Chevreuse et de Chalais, sur fond de Journée des Dupes. Quatre opéras au moins en dérivent167, dont seule est connue Maria di Roban. Cammarano y conserve le décor politique, mais insiste surtout sur les passions des protagonistes, amour, amitié fervente puis trahie, désir de vengeance. Curieusement, Claude de Chevreuse est devenu Enrico, et Henri de Chalais, Riccardo !
59Eugène Bourgeois n’a fait avec Dumas que Jeannic le Breton, sa première pièce. Il a souvent collaboré avec Charles Emile Souvestre, poète et auteur d’études et romans bretons. De leur drame Le Pasteur, Verdi fit Stiffelio qui échoua, défiguré par la censure. Le livret commence in médias res, au retour de Stiffelio, et ce qui précède est flou : le séducteur, Raffaele, est à peine esquissé ; Lina dit ne pas l’aimer, avoir été "surprise" (un viol ? mais elle se sent coupable et elle lui a écrit). Verdi a soigné la confession de Lina à Stiffelio et le pardon final inspiré de l’Évangile, et s’est peu soucié de faire éclaircir le reste. La version censurée, Guglielmo Wellingrode, où le héros n’est plus pasteur mais homme d’Etat, s’éloigne encore de la source, devenant plus incompréhensible. La réfection de 1857, Aroldo, met l’action au temps des croisades, où le divorce offert à l’épouse adultère devient invraisemblable168.
60Léon Lévy a écrit sous les noms de Brunswick et Lhérie. Il a fait avec Dumas Mademoiselle de Belle Isle. Donizetti, séduit par sa Sonnette de nuit, a écrit en une semaine le bouffon Campanello, sur son propre livret169.
61L’éclosion, dans la seconde moitié du siècle, de nouvelles écoles tant littéraires que musicales n’interrompt pas ce flux : le parnassien François Coppée inspire Zanetto à Mascagni170. Le poète Louis Bouilhet, ami de Flaubert, écrit Mélaenis, conte romain, où il se proclame "fatigué des héros vertueux" ; Zandonai en fait un opéra néo-classique171. Librettiste fréquent de Massenet, mais aussi du Quo Vadis ? de Nouguès, Henri Gain fournit un sujet antique à Giordano pour Marcello 172. Long, puis Belasco, et enfin Giacosa et Illica empruntent pour Madama Butterfly des traits de Madame Chrysanthème de Loti173. Du côté du naturalisme, Leoncavallo emprunte à C. Simon et P. Berton Zaza, nouvelle demi-mondaine au grand coeur, et Didier Gold avec sa Houppelande donne à Puccini le sujet d’Il Tabarro174. La femme et le pantin de Pierre Louys fournit à Zandonai le thème de Conchita 175. On voit même l’éditeur Choudens se faire librettiste, sous le nom de P. Bérel, pour l’Arnica de Mascagni176.
62Enfin Victorien Sardou fait revivre l’esprit du drame romantique, avec ses sujets historiques à grand spectacle et ses personnages broyés par un ténébreux destin : le sujet flamand de Patrie ! (1869) a été refusé par Verdi, mais saisi par Lauro Rossi, dans La Contessa di Mons à Turin en 1874. En 1892, Fedora, sur fond de complot nihiliste, est un thème d’actualité : le tsar Alexandre III et le président américain Garfield ont été assassinés en 1881 par des anarchistes ou nihilistes ; Giordano l’adaptera en 1898. Tosca (1887), considérée par Verdi comme un bon sujet, inspirera Puccini. Giordano, encore, sera séduit en 1915 par Madame Sans-Gêne (1893), sur un mode plus léger177. Dans l’ensemble, les librettistes n’ont pas à modifier des intrigues habilement agencées, mais seulement à supprimer les personnages superflus (la reine de Naples ou Paisiello, dans Tosca) et les détails sur le passé des personnages, dans Tosca ou Fédora, inutiles en musique.
63Ni la conclusion de la Triplice, ni sa rupture, ni l’influence wagnérienne, ne semblent donc avoir eu d’effets sur la communication, en la matière, entre les "soeurs latines". L’intérêt pour l’histoire de France présente la même image.
L’histoire de France à l’opéra
64Si l’on excepte l’époque proprement gauloise, toutes les périodes de l’histoire de France semblent avoir suscité des opéras, dont beaucoup toutefois ne sont pour nous que des titres : Cesare nelle Gallie (1815) et Giulio Cesare nelle Gallie, de Nicolini, I Romani nelle Gallie de Bemardi, évoquent bien sûr le temps de la conquête, Epponina de Cherubini et Giulio Sabino in Langres de Trento, la rébellion de Sabinus178. On note un Carlo Magno de Nicolini en 1813, un de Pietro Romani en 1823, un autre, non représenté, de Melesio Morales (1838-1908). Gli Arabi nelle Gallie de Pacini doit concerner le temps de Charles Martel ou de Pépin le Bref, I Normanni a Parigi nécessairement le siège de 885. On relève une énigmatique Maria di Francia en 1846, un Luigi XI en 1875 (s’inspire-t-il de celui de Delavigne en 1832 ?), la Marion Delorme de Bottesini en 1862, une Ninon de Lenclos en 1896179. Mercadante laisse inachevée une Caterina de’Medici. On aimerait en savoir plus sur Elena di Tolosa ou Béatrice di Tolosa 180 : historiquement, on ne connaît qu’Hélène ou Electe de Bourgogne, mariée à Bertrand, comte de Toulouse et de Tripoli (mais Petrella a pu reprendre l’imaginaire Hélène de Jérusalem), et Béatrice, une Trencavel, seconde femme de Raymond VI ; on ne les imagine guère en héroïnes d’opéra. Enfin, les sujets français peuvent émigrer : François Ier est devenu duc de Mantoue, et Triboulet Rigoletto. Plus intéressante, car volontaire, est la mutation de La bataille de Toulouse en Battaglia di Legnano. Cammarano a conservé l’intrigue sentimentale de Méry : Lida (Isaure) croyant son fiancé Arrigo (Gaston) mort au combat, épouse, sur l’ordre de son père mourant, Rolando (Duhoussais). Arrigo reparu, la jalousie de Rolando est éveillée par Marcovaldo, prisonnier allemand éconduit par Lida (le logeur de Gaston) ; croyant surprendre une entrevue coupable, Rolando veut punir Arrigo par l’infamie et l’enferme pour l’empêcher de participer à la bataille. Arrigo saute par la fenêtre ; au lieu de se tuer, comme Gaston chez Méry, il va se battre, se couvre de gloire, et, blessé à mort, jure à Rolando que Lida et lui sont innocents. L’idée de génie de Cammarano a été de faire passer l’histoire de Toulouse en 1814 à Milan en 1176, la victoire de la Ligue lombarde sur Frédéric Barberousse à Legnano étant un grand thème du Risorgimento qui touchait évidemment plus les spectateurs que la relativement obscure bataille de Toulouse ; Verdi fit ajouter "l’acte de Côme", où Arrigo et Rolando, essayant de rallier les Comasques à la Ligue, affrontent Barberousse survenu incognito. Le résultat est l’opéra le plus patriotique de Verdi, ce qu’il n’aurait pu être en conservant un sujet d’histoire de France. Parmi les opéras évoquant l’histoire de France, on peut distinguer ceux qui retracent des événements historiques plus ou moins aménagés, et ceux qui mettent en scène des personnages historiques dans des aventures imaginaires, la distinction n’étant pas strictement étanche.
65Ugo, conte di Parigi, semblait beaucoup moins fantaisiste en 1832 qu’aujourd’hui ; la principale source sur Louis V et Hugues Capet, Richer, n’a été retrouvée qu’en 1833. Bis et Romani ont repris des légendes forgées parfois dès le Xle siècle : empoisonnement de Lothaire et de Louis V par leurs femmes, Emma et "Blanche d’Aquitaine", règne de six ans (et non un) pour Louis V, cinq ans de régence d’Hugues181, legs du royaume (voire de Blanche) par Louis à Hugues182. Que la censure ait changé Charles de Lorraine, oncle du roi, en Folco d’Angio, prince du sang, obscurcit inutilement le jeu. Le régicide supprimé, en revanche, Hugues, amoureux de la soeur de Bianca, Adelia, est un parfait défenseur du roi et du royaume ; rien n’indique qu’il succédera à Luigi et fera échec à l’ambition de Folco. Mais dans le superbe ensemble patriotique L’orifiamma ondeggi al vento, l’orifiamma vincitrice, même Folco souhaitait la gloire de la France...
66Jérusalem, comme I Lombardi, évoque la croisade, avec des héros plus authentiques183 ; le comte de Toulouse (il n’est jamais désigné par son nom de Raymond, attribué à l’écuyer de Gaston), le vicomte de Béarn, Gaston, qui fut effectivement l’un des premiers à entrer dans Jérusalem, et Adhémar de Monteil, évêque du Puy et légat d’Urbain II (mort le 1er août 1098, mais que le livret conserve en vie jusqu’à la prise de la Ville Sainte). Le frère et la fille du Comte, Roger et Hélène (prénoms inconnus dans la maison de Toulouse), sont imaginaires, tout comme la captivité de Gaston à Rarrda et la prise d’assaut de cette ville (abandonnée avant l’arrivée des croisés)184. À vrai dire, les amoureux et le traître repenti pourraient aussi bien faire partie des croisés lorrains ou français, voire normands, et le rapport à l’histoire de France est ténu.
67Il est ténu encore dans Les Vêpres siciliennes. La duchesse Hélène d’Autriche, soeur de Frédéric le malheureux compagnon de Conradin, n’a pas plus existé qu’Henri, fils naturel de Montfort. Guy de Montfort ne fut d’ailleurs pas gouverneur de Sicile. Mais il est amusant de constater que Scribe, sans le faire exprès, est plus près de la réalité que la version des faits traditionnellement reçue en France. Selon celle-ci, le massacre éclata à Palerme devant l’église du Saint-Esprit, alors qu’on sonnait les vêpres, parce qu’un Français outrageait une jeune sicilienne : un geste et un soulèvement spontanés, dont on voit mal comment ils auraient pu s’étendre au reste de l’île, et dont la spontanéité se concilie mal avec la présence toute proche d’une flotte aragonaise. Les machinations de Procida, qui a parcouru Byzance et l’Espagne, rapportant la promesse d’un soutien aragonais à l’insurrection, et qui organise la provocation dans laquelle tombent les soldats français, sont plus vraisemblables, sauf à la fin : pourquoi révéler à Hélène que les cloches de son mariage (et non plus des vêpres) déclencheront le massacre ?
68Si l’on revient en France même, on rencontre dans Sargino Philippe-Auguste à la bataille de Bouvines ; le roi y est sauvé par "un chevalier inconnu", en réalité Sargino qui fait là brillamment ses premières armes, avec sa cousine et fiancée Sofia déguisée en homme. Le rôle du roi est secondaire, mais le Sargines français avait été considéré en 1797 comme "un opéra tout entier rempli de l’idolâtrie des rois", qu’il fallait interdire à l’approche des élections ! Un roi glorieux, victorieux et bienfaisant (il s’empresse de récompenser ses jeunes sauveurs) : on verra que c’est à peu près aussi l’image de Philippe-Auguste dans ses aventures fictives.
69L’Assedio di Calais offre au contraire des héros bourgeois : Aurelio, fils d’Eustache de Saint-Pierre, s’introduit dans le camp anglais pour y voler du pain, au lever du rideau, et échappe de justesse aux archers : malgré la faim, Calais résiste et se prépare, sous l’impulsion d’Eustachio, à une ultime sortie, Cadrem raggianti d’eterna glorial Soudain s’élèvent des cris, Muoia Eustachio ! Excité par un inconnu, le peuple fait irruption, mais hésite et recule devant la dignité du vieillard (Verdi s’est-il souvenu de cet ensemble pour l’émeute de Simon Boccanegra ?). Accusé par l’inconnu d’être par son obstination le seul obstacle à la clémence d’Edouard III, Eustachio, en un éclair comprend : Franco non è costui !... Un Anglo egli è, di fraudi macchinatore astuto. L’espion promet que le sang d’un peuple entier lavera seul le sien, tandis que les Calaisiens jurent de mourir pour la patrie et le roi. Au troisième acte, Cammarano a rétabli la vérité historique, l’intervention de la reine d’Angleterre185 ; le livret garde cependant une trace du dénouement de Belloy. Aurèle y demandait à "mourir le premier, loin des yeux de [son] père", ajoutant "Seigneur, songez au vôtre... Si, tombant aux genoux de son juge inflexible, Vous eussiez vu ce tigre, à vos pleurs insensible, Le frapper, vous couvrir de son sang paternel... Vous fûtes malheureux, et vous êtes cruel !". Le rappel de l’assassinat d’Edouard II n’aurait pas été toléré par la censure, mais l’adieu d’Aurelio à son fils (qui n’existait pas chez Belloy) émeut de la même façon Edoardo lui-même, le préparant à céder à la reine. Edoardo (au contraire de l’Edouard de Belloy) ne renonce pas au trône de France, mais le choeur de louange est quelque peu ambigü : Fin che i secoli vivranno Le tue laudi un eco avranno, Non ti prenda più desio D’altri serti e d’altri allori, Trionfasti dell’obblio, Regnerai su tutti i cori ! Comme ses sources en tout cas, L’Assedio di Calais est un hymne au patriotisme et à la France : Quando accolti in ciel saremo, Del sangue in premio domanderemo Che volga il ciglio sul Franco Regno In sua pietade il Re dei Re, proclamaient les otages à l’acte IL
70La pitié du roi des rois pour le royaume de France : on retrouve le thème à propos de Jeanne d’Arc. Parmi les nombreux opéras qu’elle inspire à partir de 1789186, seul celui de Verdi a été repris. Mais au début de Gemma di Vergy, Rolande et les archers chantent d’Orléans la donzella, nostra speme e nostro amor : elle è senno, è brando, è duce, per cittadi e per castella : strage e morte all’Anglo adduce, è cometa che flagella coll’infausto suo splendor. Dei Francesi ell’è la Stella, scudo immense e difensor : c’est tout ce qui reste pour rappeler que l’opéra se passe sous Charles VII et cela fait un peu pièce rapportée, mais Bidera et Donizetti n’ont manifestement pas pu résister au couplet patriotique. Rossini a de son côté consacré à Jeanne une longue cantate pour voix et piano187 ; le librettiste inconnu présente Jeanne méditant seule avant l’aube sur sa mission : Muta ogni cosa ed afflitta corne l’ora che segue alla sconfitta. O Patria ! O Re ! Novella un’aita verra. L’Onnipossente del gregge suscita la pastorella... Elle pense au jour où chacun enviera sa mère, qui pourtant pleurera. Non è il sole che s’ alza, sei la mia vision, io ti conosco... angiol di morte, tu mi chiami, io vengo. Ah, la fiamma che t’esce dal guardo già m’ha tocca, m’investe, gia m’arde, mais ce n’est pas sur cette vision de mort et de flammes que s’achève la cantate. Jeanne revient à sa mission guerrière, presto un brando, marciamo pugnando, viva il Re, la vittoria è con me... Corre la gioia di core in core, ma quêta e timida fra lo stupore, chi se’, domandano, che il Re salvo ? Ah ! Vinse la vergine che in Dio spero. C’est la victorieuse, non la martyre, qui intéresse avant tout. On peut en dire autant de la Giovanna d’Arco de Verdi188. On a beaucoup médit du livret de Solera, infidèle tant à l’Histoire qu’à Schiller. En fait, il est plus conforme que le drame de Schiller à l’esprit de l’Histoire, voire à sa lettre : Agnès Sorel, par exemple, âgée d’environ sept ans en 1429, et qui n’arriva qu’en 1444 à la cour, ne risquait pas de distraire le roi du siège d’Orléans ! Et s’il fallait absolument faire Jeanne amoureuse, il est beaucoup plus logique que ce soit de son roi que d’un chevalier ennemi imaginaire ; l’amour de Carlo est d’ailleurs bien désincarné et tient plutôt de la vénération, comme le prouvent ses mots à la sortie du sacre, Io primo a te mi prostro, inviata del Ciel. Ornai due patroni ha la Francia. Al gran Dionigi fean sorger monumenti i padri nostri : ne imiterem l’esempio. Diva donzella, avrai tu pure un tempio. L’anticipation est assez remarquable : Jeanne ne fut béatifiée que par Pie X, canonisée par Benoît XV en 1920 et proclamée seconde patronne de la France189 par Pie XI en 1922. Le voyage de Carlo à Domrémy au premier acte est une curieuse idée, qui facilite cependant la rencontre avec Giovanna et surtout les doutes funestes de Giacomo, son père, accrus par la mauvaise réputation de la forêt. Plus étrange pourrait paraître, à un historien du droit, le projet d’abdication de Carlo dans ce même acte ; mais Solera ni Verdi n’étaient juristes (on connaissait d’ailleurs fort mal les lois fondamentales en France même en 1845) ; l’idée traduit en fait les doutes du roi sur sa qualité de vrai roi de France, doutes que Jeanne avait pour mission d’écarter. D’un bout à l’autre, Giovanna d’Arco exalte le patriotisme (comme la plupart des opéras de Verdi de la période) et la France. Renonçant, comme Schiller, au procès et au bûcher, d’ailleurs peu scéniques, Solera fait délivrer Giovanna par son père, qui comprend son erreur en l’entendant prier ; elle court au combat, sauve le roi et remporte la victoire ; blessée à mort, elle expire entre son roi, son père et son armée, réclamant son étendard : Ch’io la riporti al cielo, fidata messaggera. Oh mia bandiera ! S’âpre il cielo, discende la Pia, che parlarmi solea dalla balza, mi sorride, m’addita la via, pare accenni che seco mi vuol, tandis que le choeur conclut Quai patrio retaggio tu vivrai d’ogni franco nel cor. Les libertés prises avec l’Histoire répondent à un sentiment de sympathie.
71Charles le Téméraire apparaît au moins deux fois à l’opéra. Il joue un rôle assez peu sympathique dans Adelia 190, avant son revirement final, mais il y est à plusieurs reprises salué comme un grand guerrier : il arrive en effet vincitor de’superbi Liegesi. Mille cogliea l’indomito lauri del Reno in riva ; in lui sorpresi intenti stavan più re possenti ; ei fra i ribelli eserciti passava vincitor ! La victoire sur les Liégeois ne vaut peut-être pas tant d’enthousiasme... Carlo di Borgogna191 nous le présente aussi dans son rôle guerrier, mais près de sa fin, alors qu’il pénètre en Suisse avec son armée : Del Leone di Borgogna le bandiere vincitrici sull’Elvetiche pendici vegga Europa sventolar ; serti a me più non contenda, Carlo apprenda a paventar. L’avertissement d’Estella, qui l’adjure de rebrousser chemin s’il ne veut pas être anéanti dans l’heure avec les siens, ne suscite qu’une cabalette de défi, Sfidiam la sorte, la morte, gli orror. Dans les deux cas, l’image est conforme à l’historiographie française traditionnelle, c’est bien "le Téméraire" qui est en scène.
72François Ier ne paraît que dans Francesca di Poix, assez mince historiette que Gilardoni, après Bouilly, a dépouillée de sa légende tragique. Il ne s’agit, pour le roi, que de guérir le comte de sa jalousie, qui lui a fait prétendre que sa femme était trop laide pour paraître à la cour ; le roi fait venir secrètement Françoise de Foix, s’amuse de la déconfiture du mari qui n’ose avouer son mensonge et assiste impuissant au succès de sa femme, et offre la main de Francesca au vainqueur d’un tournoi : le comte alors ne peut se contenir, avoue ses mensonges et se fait morigéner pour sa folle jalousie. Rien ne reste des récits de Brantôme faisant de Françoise l’une des maîtresses du roi, ni de la tradition selon laquelle son mari, le sire de Chateaudriand, l’aurait tuée par jalousie192 ! L’Histoire, dans cet acte unique, se borne à enregistrer le succès de Francesca à la cour, présentant le roi-chevalier comme amateur de jolies femmes (tel son petit neveu Henri IV) mais de façon fort convenable : à Naples en 1831, moins encore qu’à Venise en 1851 pour La Maledizione transformée en Rigoletto, il n’était pas imaginable de mêler le roi à une histoire indécente.
73Don Carlos ne concerne l’histoire de France que dans son premier acte, souvent supprimé ou largement "caviardé" depuis la création, où Elisabeth fait espérer au peuple le retour de la paix : "Bientôt la triste guerre finira. De beaux jours pour nous luiront encore ! Vers le roi Henri deux, mon père, un envoyé d’Espagne est venu... De la paix bientôt, s’il plaît à Dieu, renaîtront les bienfaits !”
74Comme on l’a dit, Romani, élaguant Henri III et sa cour, a conservé dans Caterina di Guisa peu d’éléments politiques. Le rideau se lève cependant sur un choeur de nobles ligueurs, irrités de la faveur de San Megrino : ei tutto puote, a suo voglia Enrico piaga... Sciolta fia la santa Lega. E il soffriamo ? Le débat politique se réduit au bref affrontement entre San Megrino et Guisa qui débouche sur la provocation en duel. Le comte dénonce quel che nemici al trono tentan coprire di pieta col manto lor mire inique. Avec dédain, le duc répond Altri nemici al trono che i faziosi non conosco in Francia, i faziosi che non solo in campo han partigiani, ma fautori in Carte, il cui scaltrito consigliar fallace il Re seduce. Et San Megrino explose, Essi consiglian pace ! Fera chi vuol turbarla, pera qualunque ei sia. Quiconque connaît peu le règne d’Henri III aurait du mal à déchiffrer les allusions. Mais indépendamment de la censure, un débat sur la Ligue passerait mal à l’opéra.
75Maria di Rohan se déroule pendant la "journée des dupes", à laquelle Maria, Chalais, Chevreuse ont chacun un intérêt. Aucun des protagonistes cependant n’apparaît, ni le roi, ni Anne d’Autriche, ni la reine-mère ni Richelieu. L’oeuvre est rythmée par des annonces politiques : Del ministro la Stella déclina, ei dal seggio eminente rovina, murmurent les courtisans ; certa ed imminente la sua caduta, se réjouit Armando di Gondi ; Deposto e Richelieu, l’annunziava la regina, ella stessa, triomphe Maria ; Di voi, primiero suo ministro, chiede il Re, annonce le vicomte à Chalais, que tous acclament : Sparve il nembo minaccioso che atterria la Francia intera, Sorge un astro luminoso, qui ciascun esulta e spera. Et ainsi s’achève l’acte I. Mais vite au deuxième acte, Maria annonce à Chalais, Richelieu in alto ritorno, il re l’udia ; scolparsi fu lieve a quell’accorto. Et au début du troisième acte, le serviteur de Chalais vient l’avertir, invase drappel di arcieri il vostro albergo, e tutte le più riposte carte sorprese. Mais de ces papiers secrets, seule comptera la lettre de Maria que Richelieu fait tenir à Chevreuse, et qui révèle l’amour secret de Chalais et de Maria. Toute la journée des dupes se réduit à la rupture de l’amitié entre Chalais et Chevreuse, comme de l’amour de Chevreuse pour sa femme. Seulement, bien sûr, la conspiration de Chalais est de 1626, et la journée des dupes de 1630. Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, a certes été la grande instigatrice de la première, et mêlée de près à la seconde. Le brutal revirement de 1630 faisait de plus un cadre séduisant pour un drame. Mais l’histoire y est passablement malmenée. Ajoutons, bien sûr, que le mariage de Marie et de Chevreuse n’a pas été secret, et qu’il n’a pas été imposé à Marie par sa mère, morte quand elle avait deux ans ; c’était d’ailleurs un second mariage, et elle avait trompé son premier mari avec celui qui devait être le second. Tout ceci est naturellement "idéalisé" à l’opéra, où la conspiration n’apparaît pas et où Chalais, loin d’être exécuté dans les horribles conditions que l’on sait, est apparemment tué par Chevreuse (le livret précise qu’on entend deux coups de feu), qui revient pourtant en annonçant à Fiesque Del carnefice onde evitar la mano, egli s’uccise : est-ce pour échapper lui-même à l’édit sur les duels ?
76Pas plus qu’on ne voit Richelieu dans Maria di Rohan on ne voit Mazarin dans Les deux journées de Cherubini. Mais c’est sa haine qui poursuit Armand, lequel a osé dénoncer ses méfaits. Bouilly nous montre des soldats italiens de Mazarin, gardant les portes de Paris ( !) ; le comte Armand est finalement sauvé par l’émeute parisienne qui exige sa liberté et celle de Broussel, et obtient sa grâce d’Anne d’Autriche. Mais nous n’entendons que le récit de l’émeute : nous n’assistons donc pas à la Fronde. Le reste du règne de Louis XIV semble pour l’instant remarquablement absent de l’Opéra.
77L’Histoire est fort déguisée dans Il finto Stanislao ou Un giorno di régna ; il est vrai que le "prétexte" historique est précisément une mascarade. En 1733, Stanislas Leszczynski regagne la Pologne en voiture, déguisé en marchand, tandis que monsieur de Thianges, son sosie, s’embarque sous son nom à Brest sur le navire amiral : officiellement, le roi de Pologne regagne son royaume sous la protection de la flotte française. Le vrai Stanislas peut ainsi arriver sans encombre à Varsovie le 8 septembre pour sa brève restauration. Duval, puis Romani, n’ont retenu que la substitution. Mais il n’est pas question pour le chevalier Belfiore de courir les mers ; il joue son rôle dans le château du baron de Kelbar, en Bretagne, où il se fait le protecteur d’un couple d’amoureux et réussit à sauver de l’imbroglio ses propres amours ; l’annonce de l’arrivée à Varsovie du vrai roi ne sert qu’à dénouer l’intrigue.
78La révolution et l’empire apparaissent tard à l’opéra : l’histoire moderne est mal vue de la censure, pour des raisons politiques et diplomatiques, et cette histoire-là a tout contre elle ; même les restaurations seront placées, par prudence, dans des royaumes antiques ou imaginaires. En France toutefois, la monarchie de juillet voit d’un bon oeil les souvenirs bonapartistes, et la Fille du régiment en est l’illustration. Non seulement Marie chante la gloire de l’armée française et du "beau vingt-et-unième", qui l’a élue "vivandière à l’unanimité" : "le régiment par excellence, le seul à qui l’on fasse crédit dans tous les cabarets de France... Il a gagné tant de combats que notre empereur, on le pense, fera chacun de ses soldats, à la paix, maréchal de France". Mais cette même armée sauve Marie d’un manage redouté, et tout finit par le fameux "Salut à la France ! À mes beaux jours ! À l’espérance ! À mes amours !.. Salut à la France ! Salut à la gloire !"193. II ne s’agit pas cependant de ratifier toute la politique impériale : l’histoire se passe au Tyrol, et quand Sulpice lui propose "Trinquons à la Bavière, qui va devenir ton pays", le tyrolien Tonio proteste "Jamais ! plutôt briser mon verre !" et n’accepte de boire que "À la France ! À (ses) nouveaux amis !"
79En Italie, c’est seulement vers la fin du siècle qu’apparaissent les opéras, tragiques ou non, sur ces périodes. Les livrets véhiculent désormais l’image française "officielle" de la révolution : elle était nécessaire et bienfaisante, mais elle a été dévoyée par Robespierre. C’est ce que montre Andrea Chénier 194, qui s’ouvre en 1789 par la dénonciation de la société "d’Ancien Régime”, et s’achève sur le départ de la charrette emportant Chénier et Maddalena, Gérard restant seul avec le billet de Robespierre, Perfine Platone bandi i poeti dalla sua Repubblica. Entretemps, le livret présente en s’efforçant de les distinguer la révolution libératrice et patriotique (avec la scène de la vieille Madelon), et la Terreur, révolution des arrivistes, des corrompus ou des sots comme le sans-culotte Mathieu "Populus" ; Gérard, par ses revirements, symbolise l’engrenage qui fait si facilement passer de l’une à l’autre. La même distinction se retrouvera plus tard, en 1921, dans II piccolo Marat de Mascagni, où les noyades de Nantes contrastent avec le personnage du Soldat195. Madame Sans-Gêne, qui est avant tout une oeuvre buffa, s’embarrasse moins de nuances. Au premier acte, le 10 août 1792, dans la boutique de blanchisseuse de Caterina Hubscher, "Madame Sans-Gêne", les lavandières, puis Fouché et enfin Caterina elle-même suivent avec anxiété les nouvelles contradictoires qui se succèdent : È il re che voglion mettere alla porta... I patrioti hanno le baffe e il danno, e trionfa il tiranno... Il disastro è compléta, e trionfa Capeto... Il popolo vince ed hanno la peggio l’Austriaca e il Re.. Popolo di Parigi ! L’Austriaca e suo marito han dovuto sloggiare dalla reggia ! Il palazzo è del popolo, ed il popolo governa ! La Prancia va scalza alla vittoria, con le mani tinte di sangue... Evviva il sangue e la Francia novella ! Viva la Nazione !... le tout sur fond de Marseillaise, de Ça ira, de Carmagnole. Caterina se moque des ambitions ministérielles de Fouché, Ministro voi sarete quando saro duchessa, souhaitant ironiquement que, devenu ministre, il paie sa note de blanchisserie ; elle défend contre les critiques de Fouché un autre mauvais payeur, corso selvatico, dall’occhio enigmatico, dal naso che è un becco... Napoleone Buonaparte ! Voi siete un fannullon, quello è un soldato ! Bien qu’hostile aux royalistes et à l’Autrichienne, elle cache Neipperg blessé aux Tuileries, et Lefebvre l’y aide, une fois sa jalousie rassurée. Tous deux incarnent le "bon peuple", ennemi des tiranni mais pitoyable aux vaincus. Ils le restent dans les actes suivants, dix-neuf ans plus tard, devenus duc et duchesse de Dantzig. Face à l’ironie d’Elisa et Caroline Bonaparte, Caterina se révolte : Ho il gergo del popolo e del popolo ho il gesto, perché popolo sono ! Siamo in tanto del resta, tutti usciti dal nulla !... Fu garzon d’osteria Murat, vostro marito, si che molti di quelli che lo chiamano "Maesta", gli avran detto, "ragazzo, porta un piatto pulito !"... Délia Rivoluzione tutti figli si è, ed in questo palazzo ch’Ella sola ci dié, chi rinnega la madré, è un perverso e un vigliacco ! Elle se glorifie de son passé de vivandière, Ho trottato dal Reno al Danubio, di battaglia in battaglia con la santa canaglia, sotto neve, pioggia e mitraglia... chiudendo gli occhi ai morti ! E versando un goccia di liquore ai soldat ! che vi davano un regno, faticavo per voi, per la vostra corona ! A voi facile fu poi chinarvi, tuffare dentro al sangue le dita e raccoglierla su ! Face à Napoléon, elle proteste : Le sorelle di Vostra Maestà schernir cosi l’esercito nella mia persona, visto che servii sotto la bandiera. Et elle n’hésite pas à rappeler à l’empereur que Lefebvre est figlio délia gloria, certes, ma un villan rifatto, corne Vostra Maesta. Elle rappelle aussi son passé de blanchisseuse, donne à Napoléon la note impayée de Bonaparte... et obtient d’être dispensée de la cour. Mais elle reste fidèle à l’amitié, et réussit à innocenter et à sauver à nouveau Neipperg soupçonné par Napoléon. Une sympathique figure populaire, donc, dont on ne manque pas de rappeler l’origine alsacienne (la pièce de Sardou est de 1893, l’opéra de 1915)196 dans une oeuvre à la gloire de l’armée et du peuple : on est en 1915, et pour la création au "Met" de New-York, où l’enthousiasme populaire et démocratique est de meilleur ton sans doute qu’en Europe ; en revanche l’éloge des soldats qui souffrent en silence aurait alors touché tous les publics.
80Enfin, s’il n’y a pas d’opéras évoquant la Restauration, on peut évoquer ici deux oeuvres de circonstances de Rossini : la cantate scénique Le nozze di Teti e Peleo fut composée pour le mariage de Marie-Caroline de Naples et du duc de Berry197 ; héros et dieux y célèbrent, sous un voile allégorique, puis ouvertement, ces futures noces royales, Jupiter annonce Altro Peleo sorgera sulla Senna, ed ultra Teti portera dal Sebeto a Lui la speme del fecondo Connubio. Un Prence Augusto, Padre invocato dalle Franche genti, ne’REGI SPOSI rifiorir giulivi i bei Gigli vedra su d’uno stelo, les dieux chantent les futurs époux, et le choeur implore la speme de’Gigli ne’Gigli rifiorisca d’Europa all’onor ! Neuf ans plus tard, Il Viaggio a Reims salue le sacre de Charles X. Les pensionnaires de l’Auberge du Lys d’Or, qui représentent à peu près toute l’Europe, chantent l’éloge de la Dauphine Madame Royale, du Dauphin son mari, le duc d’Angoulême, de l’enfant du miracle, le duc de Bordeaux, de la duchesse de Berry et enfin du roi, vivra felice il prediletto Carlo, de’Franchi delizia e amor ! Sul verde stelo, risplenda il Giglio d’Or ! Ces invocations empruntent notamment les airs de Belle Gabrielle et surtout de Vive Henri IV ! Notons enfin, comme résumé d’histoire de France, les dix sujets proposés à l’improvisation finale de Corinna : Jeanne d’Arc, le bourgeois de Reims, Charles X roi de France, la bataille de Tolbiac, Clovis, les trois races royales de France, David et Samuel, le saint-chrême et la couronne198, Hugues Capet et saint Louis. Nous en avons rencontré quelques-uns au fil de cette étude199.
81On peut passer plus vite sur les personnages historiques devenus acteurs d’aventures imaginaires. Le cas extrême est évidemment Richelieu dans Marion Delorme de Ponchielli200 ; plus bref encore que chez Hugo ("Pas de grâce !"), son rôle est réduit à un monosyllabe, No !, qui sort de sa litière. Relevons que le rôle de Louis XIII a disparu, comme le demandait déjà la censure de Charles X.
82Philippe-Auguste reparaît dans les diverses Gabriella di Vergy ; sauvé par Raoul, il tente de le récompenser en lui faisant donner la main d’Alméide, soeur de Fayel. Trop tard, il apprend l’amour de Raoul et Gabrielle, la trahison dont Raoul a été victime ; il ne peut plus que laisser faire la loi et ordonner le duel judiciaire réclamé par Fayel : délia patria legge l’uso negar non m’è concesso. Il est choqué par le comportement de Fayel, Che a me spetta punir obbliasti ? Che qui regno, puoi forse scordar ? mais lui fera justice s’il y a lieu : Inesorabil giudice di lor saro, quai vuoi ; se entrambi son colpevoli, entrambi io punirô. Le "jugement de Dieu" ayant, contre toutes les règles, donné la victoire à Fayel, le roi ne peut plus rien faire et la justice est vaincue. Philippe-Auguste apparaît ici comme un roi juste mais quelque peu terne au milieu de personnages outranciers. On ne peut s’empêcher de penser que le vrai Philippe-Auguste aurait mieux affirmé son droit de justice et mieux fait son enquête... Mais le Philippe de Tottola est aussi un roi qui aime son peuple et en est aimé : Alla tromba che festosa di tua gloria sparse il grido, prode Augusto, umile e fido or risponde il nostro cor, proclame le choeur à son arrivée, et le roi répond : Questi ardenti ingenui voti son mia gioia, son mio vanta. Per voi soli, a miei devoti, per voi palpita il mio cor.
83On retrouve Philippe-Auguste dans Agnes von Hohenstaufen de Spontini, plus connue dans sa version italienne Agnese di Hohenstaufen 201 ; il s’y présente à la cour de l’empereur Henri VI comme son propre ambassadeur, sous le nom de duc de Bourgogne, pour y obtenir la main d’Agnès, cousine de l’empereur202. Il s’y montre courtois et galant, mais aussi généreux. Henri de Brunswick, fils d’Henri le Lion (ennemi de l’empereur), blessé et prisonnier en France, y a été honoré comme un guerrier vaillant, dont le roi demande, par son "ambassadeur", la grâce à l’empereur, qui la refuse brutalement. Faisant la cour à Agnès, le "duc" est interrompu par Brunswick, masqué, qui lui reproche d’outrepasser ses droits d’ambassadeur (Brunswick et Agnès, fiancés avant la révolte du "Lion”, s’aiment toujours) ; Henri, démasqué, est condamné sommairement par l’empereur, malgré les protestations des princes, mais le "duc" exige de le rencontrer d’abord en duel, pour venger l’insulte faite à la France. Mais il empêchera l’assassinat d’Henri par les sbires impériaux. Lors du duel, l’épée du "duc” est brisée, les chevaliers français révèlent son identité pour le sauver : horrifié d’avoir tenté de tuer celui qui l’avait sauvé (mais qu’il ne connaissait pas), Henri implore le pardon du roi, qui le lui accorde, tandis que l’empereur s’obstine dans sa haine. L’arrivée victorieuse du Lion sauve Henri, qui veut, comme l’honneur le lui enjoint, retourner dans sa prison française, mais le roi lui ouvre les bras, le libère et renonce pour lui à Agnès. Philippe-Auguste apparaît ici comme un héros de roman, mais beaucoup plus sympathique que l’empereur.
84C’est toujours sous Philippe-Auguste que se passe La Straniera. Le roi n’y paraît pas, mais l’Étrangère n’est autre qu’Agnès de Méranie, comme le révèle le Prieur des Hospitaliers : Onora Agnese in lei. Spenta e Isemberga, e riedere, Regina, al soglio dei ; mi annunzia il lieto evento con questo foglio il Re. Nous sommes là en pleine fantaisie, Agnès étant morte plus de vingt ans avant Isambour ; mais cette "révélation", qui précipite le suicide d’Arturo, amène le dénouement.
85La Caccia di Enrico IV ramène à un registre plus joyeux. Le roi y dénoue les intrigues de "Conchiny" contre Sully, mais aussi sa tentative coupable contre l’honneur d’une jeune paysanne, Agata. Chassant près de Fontainebleau et séparé de ses compagnons, le roi trouve l’hospitalité chez le meunier Michèle, qui ne le reconnaît pas. Il entend toute la famille chanter les louanges du roi et il découvre l’infamie de Conchiny et l’innocence d’Agata que le traître a enlevée ; retrouvé au matin par ses compagnons, il bannit Conchiny, réunit Agata et son fiancé Riccardo, et récompense les bons, dont il reçoit les louanges. Comme dans la pièce de Collé, on entend dans l’opéra Belle Gabrielle et Vive Henri IV : avec six ans d’avance, c’est l’atmosphère de la Restauration.
86L’Histoire de France, au total, même si elle n’est pas toujours respectée, est vue avec intérêt et sympathie. Le seul opéra où les Français ont le mauvais rôle (pas entièrement !), ce sont les Vêpres siciliennes, commandées par l’Opéra de Paris : un masochisme assez classique en France en la matière, qui a d’ailleurs surpris Verdi.
87L’intérêt pour la France ne se dément pas après la guerre. De nouveaux opéras s’inspirent d’oeuvres françaises, Il Malato immaginario de Napoli en 1939 à Naples, Le Preziose ridicole de Lattuada à la Scala en 1929, Volo di notte de Dallapiccola en 1940 à Florence, Cyrano de Bergerac et, d’après Balzac, Madonna Imperia d’Alfano, à Rome en 1936 et à Turin en 1927, Il Cappella di paglia di Firenze de N. Rota en 1955 à Palerme, Alcassino e Nicoletta de M. Barbiéri à Naples en 1938, parmi bien d’autres ; l’histoire de France a inspiré Il piccolo Marat de Mascagni en 1921, Villon de Bruni-Tedeschi à Bergame en 1941, Per Massimiliano Robespierre de G. Manzoni en 1975 à Bologne, Charlotte Corday de L. Ferrero à Rome en 1989, et la même année à Fermo Il carillon del Gesuita de P. Area. Une fois de plus, les fluctuations politiques n’ont pas affecté la longue symbiose entre les deux pays. La lettre de Camille Bellaigue à Verdi à la création de Falstaff reste d’actualité : "le génie latin classique, que ni la politique ni les Alpes n’empêchent nos deux pays (et ne les empêcheront jamais) de comprendre, d’aimer, et de se partager"203.
Bibliographie
Note bibliographique
Il est évidemment impossible de donner id une bibliographie complète. Outre les encyclopédies musicales ou littéraires classiques, dtons les commentaires de J. TRUCHET dans le Théâtre du XVIIIe siècle, coll. Pléiade, 2 vol., 1972-1974 ; C. GATTI, Verdi, Milan 1953 ; M. CARNER, Puccini, Paris 1985 ; G. TINTORI (éd.), Amilcare Ponchielli, Milan 1985. Voir aussi les plaquettes des enregistrements, particulièrement dans la série Opéra Rara.
Notes de bas de page
1 "Salut à la France", air final de La fille du régiment (Donizetti, liv. Saint-Georges, Paris, 1840).
2 MÉRY (J.), Scènes de la vie italienne, 1837, revu (Les Nuits italiennes. Contes nocturnes), rééd. (Les Nuits italiennes) 1998, p. 65, 167,199-200.
3 Herculanum (1859, mus. F. David), préface. Satan mène le drame ("Et que l’homme écrasé sous le poids de ma haine Comprenne à ses douleurs que j’ai rompu ma chaîne"), dans un empire romain fantaisiste, cf. PORTE (D.), Roma Diva, Paris 1987, p. 348-353.
4 Héva (1843, rééd.1980, p. 13), début de la "trilogie d’Edward Klerbbs" (La Floride, 1844 ; La Guerre du Nizam, 1847). Spontini, Fernand Cortez, liv. de Jouy, Paris 1809.
5 1846, roman par lettres à 4 auteurs, D. de Girardin (lettres d’Irène de Châteaudun), Méry (Roger de Monbert), Th. Gautier (Edgard de Meilhan), J. Sandeau (Raymond de Villiers).
6 La Croix de Berny, rééd.1980, p. 19, 212-213 et 210. Il y a correspondance entre l’air de La favorite, "Viens, Léonore", et les passions de Roger (face à l’amour d’Irène et de Raymond, sa violence fait écho à celle d’Alphonse XI).
7 MÉRY, La Juive au Vatican, II, Débora, rééd. 1897, p. 54-55 et 235. Verdi, 1 Masnadieri, liv. Maffei, Londres 1847.
8 La Battaglia di Legnano, Rome 1849. Don Carlos, liv. fini par du Locle à la mort de Méry en 1866, Paris 1867.
9 Barthélémy tenta en vain de le remettre au duc de Reichstadt, cf. DUMAS (A.), Mes Mémoires, rééd. 1989, II, p. 881-886.
10 Les Nuits italiennes, p. 29-30.
11 On pense aux procédés actuels des metteurs en scène ; au moins au XIXe s. modifiait-on le livret avec l’époque.
12 Spontini, La Vestale, liv. de Jouy, Paris 1807.
13 Donizetti, liv. Cammarano, comp. 1838, créé Naples, 1848.
14 Elvida, liv. Schmidt, Naples, 1826 ; Enrico di Borgogna, Venise, 1818 ; Le Nozze in villa, Mantoue, 1821 ; Pietro il Grande o Il Falegname di Livonia, Venise, 1819 ; La Zingara, Naples, 1822 ; Chiara e Serafina, Scala, 1822 ; Alfredo il Grande, Naples, 1823 ; Gianni di Calais, Naples, 1828 ; Il Paria, Naples, 1829 ; Francesca di Foix, Naples, 1831 : un ou deux extraits chacun. Gli esiliati in Siberia : radiodiffusion du festival de Montpellier. Sancia di Castiglia et Le duc d’Albe : microsillons "pirates".
15 Mercadante : Elisa e Claudio, 1821 ; Donna Caritea regina di Spagna, 1826 ; Il Giuramento, 1837 ; Le due illustri rivali, 1838 ; Elena da Feltre, 1838 ; Il Bravo, 1839 ; La Vestale, 1840 ; Il Reggente, 1843 ; Orazi e Curiazi, 1846 ; Virginia, 1866 ; extraits : L’Apoteosi d’Ercole, 1819 ; Andronico, 1821 ; Amleto, 1822 ; Didone abbandonata et I Sciti, 1823 ; Nitocri, 1824 ; La testa di bronzo (d’après un mélodrame français comme l’opéra homonyme de Soliva, Scala, 1816, liv. Romani), 1827 ; Gabriella di Vergy, 1828 ; I Normanni a Parigi, 1832 ; La Schiava saracena, 1848. Pacini : L’ultimo giorno di Pompei, 1825 ; Saffo, 1840 ; Maria regina d’Inghilterra (Maria Tudor), 1843 ; Medea, 1843 ; extraits : Annetta e Lucindo, 1813 ; Adelaide e Comingio, 1817 ; Il Contestabile di Chester, 1829 ; Carlo di Borgogna, 1834 (intégrale prévue) ; Cherubini : Il giocatore, 1777 ; Démophon, 1788 ; Lodoiska, 1791 ; Elisa, 1794 ; Médée, 1797 ; L’hôtellerie portugaise, 1798 ; Les deux journées, 1800 ; Anacréon, 1803 ; Pygmalion, 1809 ; Le Crescendo, 1810 ; Les Abencérages, 1813 ; Ali Baba, 1833 ; extraits : Il Giulio Sabino, 1786 ; Faniska, 1806. Spontini : Li Puntigli delle donne, 1796 ; L’eroismo ridicolo, 1798 ; Teseo riconosciuto, 1798 ; Milton, 1804 ; Julie ou le pot de fleurs, 1805 ; La Vestale –, Fernand Cortez ; Olympie (1819) ; Agnes von Hohenstaufen, 1827.
16 DUMAS (A.), Mes Mémoires, II, p. 999 et 617.
17 Adelia, Rome, 1841, d’après une "pièce française" (Donizetti à Romani). Le livret de Romani a servi à Carafa et Camicer, Adele di Lusignano, 1817 et 1819, à Coccia et Pedrotti, La Figlia dell’arciere, Naples 1834 et Amsterdam 1844 (dénouement tragique). De même un mystérieux Rochester français adapté par Piazza (Rocester ou peut-être Lord Hamilton), revu et transféré en Italie par Solera, aurait donné Oberto, conte di San Bonifacio de Verdi, Scala, 1839.
18 Andromaca e Pirro, Rome 1807 ; Cenerentola, Venise 1900 ; L’amore medico, Dresde 1913 ; Jocelyn, San Remo 1908.
19 Sans Edipo a Colono (musique de scène, 1814 ?), et avec Le Siège de Corinthe, 1826, et Moïse et Pharaon, 1827, "révisions" de Maometto II, 1820, et Mosè in Egitto, 1818.
20 Diverses oeuvres bouffes de Rossini doivent dériver d’originaux français ; Torvaldo e Dorliska ne doit à Faublas que le prénom de l’héroïne, mais peut s’inspirer d’une pièce à sauvetage qui en dérive. Moïse, plus que Le Siège, diffère assez de son modèle pour être une oeuvre quasi originale. Otello s’inspire de l’adaptation de Ducis plus que de Shakespeare.
21 II Pirata, liv. Romani, Scala 1827, vient du Bertram de Maturin revu par Raymond, Bertram ou le pirate, 1822. Cf. BRUNEL (P.), Vincenzo Bellini, Paris 1981.
22 Par le livret, Jérusalem, 1847, diffère presque totalement d’Z Lombardi alla prima crociata, 1844. Aida ((1871) repose sur une idée de l’égyptologue Mariette et un canevas de Du Locle, transformé en livret italien par Ghislanzoni.
23 La fille du régiment, 1840, et Ne m’oubliez, pas (inachevé, 1843) de J.H. Vemoy de Saint-Georges, et Rita ou le mari battu de Vaëz (1841, créée 1860), sont des livrets originaux. Alahor di Granata, 1826, comme L’esule di Granata (1822) de Meyerbeer, dérive en partie du Gonsalve de Florian et peutêtre des livrets du Pavillon du calife ou du Pavillon des fleurs de Dalayrac, 1804 et 1822 (cf. CELLA (F.), "Indagini sulle fond francesi dei libretti di Gaetano Donizetti", Contributi dell’Istitulo di Filologia Moderna, 4, 1966, p. 343-584, et "11 donizettismo nei libretti di Donizetti", Atti dei 1° Convegno internationale di studi donizettiani, Bergame, 1975, p. 43-50, tableau récapitulatif hors-texte). Elisabetta al castello di Kenihvorth, 1829, utilise la traduction italienne de Scott, et le livret de Scribe et Mélesville, Leicester, pour Auber, 1823. Anna Bolena emprunte à Henri VIII de M.J. Chénier (1791). La fiancée de Lammermoor, drame de Ducange, 1828, a pu servir d’intermédiaire entre Scott et Cammarano. En revanche, La romanzesca e l’uomo nero, 1831, s’inspire de La donna dei romanzi d’A. Bon, 1819, non de L’homme noir de Scribe et Dupin, 1820.
24 La substitution de Bérénice à sa camériste dans L’occasione fa il ladro de Rossini peut venir de Marivaux, Le jeu de l’amour et du hasard, mais sans doute par une pièce non identifiée.
25 Medea in Corinto, liv. Romani, Naples 1813. Cf. notre "Corneille et l’opéra", MAIT, 145, 1983, p. 159-171.
26 Cimarosa, Gli Orazi e i Curiazi, 26.12.1796 Venise, liv. Sografi ; Mercadante, Orazi e Curiazi, liv. Cammarano, Naples, 10.11.1846.
27 Rossini, Le siège de Corinthe, prophétie de Hiéros ; Verdi, Nabucco, Va pensiero et prophétie de Zaccaria ; Attila, Venise 1846, méditation d’Ezio ; Les Vêpres siciliennes, air de Procida.
28 Sur le sens de l’acte V, HERLAND (L.), Horace ou naissance de l’homme, Paris 1952.
29 Même changement dans les divers Roméo et Juliette.
30 Liv. Scribe, Paris, 1840. Poliuto, liv. Cammarano, Naples, 1848.
31 Liv. Genoino, ecclésiastique et censeur, Naples, 1822.
32 Psyché, III, 3, v.1189 s., peut-être inspirés d’Anacréon et de Th.de Viau, Les amours tragiques de Pyrame et Thisbé, 1623, IV, 1, v.753-762.
33 Andromaca : Caldara, Vienne, 1724 ; F. Feo, Rome, 1730 ; L. Léo, Naples, 1742 ; Jommelli, Londres, 1755 ; Sacchini, Naples, 1761. Andromaque : Grétry, 1780. Britannicus : Graun, 1751. Mitridate : Graun, 1750 ; Gasparini, 1767 ; Mozart, 1770. Iphigénie en Aulide : Gluck, 1774. Ifigenia in Aulide : D. Scarlatti, 1713 ; Caldara, 1718 ; Graun, 1748 ; Jommelli, 1751 et 1753 avec Traetta ; Sarti, 1777 ; Martin y Soler, 1779 ; Zingarelli, 1787 ; Cherubini, 1788. Hippolyte et Aride : Rameau, 1733. Ippolito ed Aricia : Traetta, 1759. Phèdre : Lemoyne, 1786. Fedra : Paisiello, 1788. Esther et Athalia : Haendel, 1718 et 1733.
34 Fedra, liv. Romanelli, Scala, 1820. Bien qu’Allemands d’origine, Mayr, Paër, Winter ou Meyerbeer ont leur place id pour leurs opéras en italien, souvent composés en Italie, comme les Italiens Cherubini, Spontini, Rossini ou d’autres pour leurs opéras français.
35 Le sujet revient au XXe siècle chez Pizzetti (mais d’après d’Annunzio) ou Bussotti.
36 Naples, 27.3.1819, liv. Tottola.
37 La déploration de Troie durant l’ouverture, Troia, quai fosti un di, s’inspire du rédt d’Andromaque, III, 8.
38 Naples, 26.2.1829, liv. Gilardoni. Il existe un Signor di Pourceaugnac de Franchetti (Scala, 1897).
39 Pavesi, Agatina o la virtù premiata, liv. Fiorini, Scala, 1814. Rossini, Cenerentola, liv. Ferretti (démarquant Fiorini), Rome, 25.1.1817. La Belle au bois dormant de Carafa, Paris, 1825, est jusqu’ici inconnue.
40 Il peut exister des adaptations sous des titres moins transparents.
41 Portogallo, 1802 ; Federici, 1803 ; Lavigna, 1809 ; Garcia, 1825 ; Gardini, 1829 ; Mercadante, 1831 ; Manni, 1845.
42 Parme, 16.5.1829 : fiasco répété à Florence, 1836. Reprises à Païenne (Scotto, 1976) et Catane (Riciarelli, 1990).
43 À la différence de Iago, il agit par fanatisme religieux, non par jalousie personnelle.
44 Otello de Rossini (Naples, liv. Berio, 9.12.1816) est encore très discret à cet égard ; si les ennemis d’Otello le traitent de vil African ou de dell ’Africa rijïuto (mais aussi, de façon plus banale, de barbaro stranier), le héros luimême n’évoque ses origines africaines qu’à la 1ère scène, en demandant à devenir vénitien en récompense de sa victoire. Même l’Otello de Verdi en 1887 insiste moins que Shakespeare sur ce point.
45 Alzira, liv. Cammarano, Naples, 12.8.1845. Verdi lui-même se disait peu satisfait de cette oeuvre.
46 Lettre de Voltaire à Benoît XIV, 17.8.1745 : "Votre Sainteté voudra bien pardonner la liberté que prend un des plus humbles, mais l’un des plus grands admirateurs de la vertu, de consacrer au chef de la véritable religion un écrit contre le fondateur d’une religion fausse et barbare". Réponse du pape le 19 septembre, où il dit avoir lu Mahomet avec un très grand plaisir.
47 Cf notre "Le rose et le noir à l’opéra : le tragique estil subversif ?", AFHIP IV, Aix-en-Provence, 1986, p. 53-72.
48 On ne connaît aujourd’hui de cet opéra que le fort beau trio entre Zopiro, Seide et Palmira, correspondant à l’acte IV, sc. 4 de la tragédie. Le livret est de Romani.
49 Donizetti, liv. Salatino, Naples, 4.9.1832. Le sujet est emprunté à un épisode légendaire de la Primera Cronica General de España. Cf. notre "Apostasie, amour et trahison, de La prise d’Orange h Sancia di Castiglia", Méditerranées, n° 17, 1998, p. 111-126
50 Le dénouement a pu être inspiré par Rodogune de Corneille. Sancia emprunte, directement ou non, à des sources diverses. De la même façon, Fausta (Donizetti, liv. Gilardoni, Naples, 12.1.1832) pourrait dériver, quant aux machinations politiques de Massimiano, du Maximien de Nivelle de la Chaussée, le reste de l’intrigue venant d’une autre source.
51 Rossini, liv. Rossi, Venise, 3.2.1823. Divers opéras consacrés à Sémiramis ne s’inspirent pas de Voltaire, mais d’un livret de Métastase (avec une intrigue très différente) mis en musique par Vinci à Rome (1723), par Porpora, Jommelli, Galuppi, Perez, Manfredini, Sacchini, Traetta, et encore par Meyerbeer en 1819 à Turin.
52 C’est, dans Orlando furioso de l’Arioste, l’épisode d’Ariodant et de Ginevra d’Ecosse, source de maints opéras.
53 Tancredi, liv. Rossi, Venise, 6.2.1813 ; finale tragique, Ferrare, mars 1813 (le plus joué de nos jours). Pavesi compose un Tancredi pour Milan en 1812.
54 Spontini, Olympie, liv. Dieulafoy et Briffaut, Paris, 22.12.1819 (Olympie et sa mère Statire meurent toutes deux) ; rév. Berlin, 14.5.1821 (l’aveu d’Antigone mourant éclaircit tout à temps). Une Olimpia de Conti, prévue pour la Scala en 1827, fut finalement créée en 1829 à Naples.
55 Notamment Adélaïde du Guesclin (Mayr, 1799), Zadig (Catrufo, 1818 ; Vaccai, 1825), Samson (Mercadante, 1831), Les Scythes (Mayr, 1800 ; Mercadante, 1832 : ouverture enregistrée).
56 Salieri, Tarare, liv. Beaumarchais, Paris, 1787 ; rév. 1788, Axur, re d’Ormus, liv. Da Ponte, Vienne. Sur Tarare et la politique, notre "De la Glorious Révolution aux prodromes de la Révolution française : Dioclesian et Tarare, opéra, tyrannie et révolution”, Revue des sciences politiques, n° 24, 1990, p. 43-55.
57 Et le personnage de Figaro, à qui l’opéra invente des aventures : Carafa, Les deux Figaros, 1827 ; L. Ricci, Il nuovo Figaro, 1832 ; Mercadante, I due Figaro, 1835 ; Lauro Rossi, la Figlia di Figaro, 1846 ; Cagnoni, Il Testamento di Figaro, 1848.
58 II barbiere di Siviglia, Paisiello, liv. Petrosellini, Saint-Pétersbourg, 1782 ; Morlacchi, même liv., Dresde, mai 1816, version révisée, Dresde, 1817 ; Rossini, liv. Sterbini, Rome, 20.2.1816 ; Dall’Argine, Bologne, 1868 ; Graffigna, Padoue, 1879.
59 Liv. De Jouy, Paris, 6.4.1813.
60 Abenamet e Zoraide, liv. Romanelli, Scala, 1805.
61 Rome, 28.1.1822 ; liv. revu par Ferretti, Rome, 7.1.1824.
62 Liv. Ricciuti, Naples, 15.1.1826, unique représentation.
63 Tazian’a qu’un acte. Balducci prévoyait-il des suites ?
64 Sousa Carvalho a composé un Numa à Lisbonne en 1789, cf. PORTE (D.), Le., p. 106-110. Sans doute peut-on rattacher à Florian les Numa Pompilio de Buchwieser (liv. Romanelli, Scala, 1808), Morlacchi, Dresde, 1810, Nannetti, Buenos Aires, 1883, voire Romolo e Numa de De Dominici, Brescia, 1805.
65 Publiée en 1761, elle fit chasser l’auteur du séminaire.
66 Monsigny, liv. Sedaine, Aline reine de Golconde, 1766, reprise pour les noces du comte de Provence ; Donizetti, Alina o la regina di Golconda, liv. Romani, Gênes, 1828.
67 Mayr, Venise, 1796 (l’histoire passe du XVIIIème au XIIIème siècle) ; Caruso, 1796 ; Paër, 1804 ; Curmi ; Succo, 1849.
68 Marmontel fut librettiste de Rameau et Piccini, et encore de Cherubini (Démophon, 1788) et Zingarelli (Antigone, 1790).
69 Musique de Spontini, Paris, 28.11.1809
70 Mme de Tencin, Mémoires du comte de Comminge, 1735 ; Baculard d’Arnaud, Les Amants malheureux, ou le Comte de Comminges, 1764 et 1790.
71 Gli amori di Comingio e di Adelaide, 1809 ; Adelaide maritata, 1812 ; La Morte di Adelaide o Adelaide e Comingio romiti, 1817 (d’après les drames de Gualzetti, Naples, 1789). Étonnamment tolérante, surtout pour le 3e épisode, la censure laissa l’œuvre faire une longue et prospère carrière.
72 La Favorite reprend L’ange de Nisida, projet inachevé de Donizetti et des mêmes librettistes (lieu et date changés). Donizetti y a utilisé son projet italien de 1834, Adélaïde, tiré des Amants malheureux. Cf. ASHBROOK (W.), Donizetti, and his Opéras, Cambridge 1982.
73 A. Saavedra, duc de Rivas, Don Alvaro o La Fuerza del Sino, 1835 ; Verdi, La Forza del destino, Saint-Pétersbourg, 1862, remanié pour la Scala, 1869.
74 Baculard d’Arnaud, Épreuves du sentiment (24 nouvelles, 1772-1780) ; Bellini, Adelson e Salvini, liv. Tottola (écrit pour Fioravanti, Lisbonne et Naples, 1815-1816), 1825, remanié 1827. Cf. BRUNEL (P.), l.c., p. 51 et s.
75 Baculard d’Arnaud, Fayel, Y110 ; Pierre-Laurent Buirette, dit Dormont de Belloy, Gabrielle de Vergy, 1777 ; tous deux s’inspirent des Anecdotes, mémoire secrets et annales galantes sur les cours de Childéric, Philippe-Auguste, Charles VIII, François 1er et Henri II (1733-1749) de Marguerite de Lussan, où se mêlent deux récits médiévaux, La châtelaine de Vergy et le Roman du châtelain de Coucy et de la dame de Fayel (Mlle de Lussan, la première, nomme la dame de Fayel Gabrielle de Vergy). Carafa, Gabriella di Vergy, Nantes, 1816 ; Donizetti, Gabriella di Vergy (première version, 1826, composée "par plaisir", jamais représentée ; 2e version, 1838, créée 1978, festival de Belfast ; version donnée à Naples après la mort de Donizetti par Puzone et Serrao (1869), mêlant les 2 autres et empruntant aux cantates de Donizetti Il fausto ritorno et Cristoforo Colombo !) ; Mercadante, Lisbonne, 1828. Le Fayello de Coccia, Florence, 1817, liv. Faielli, a probablement les mêmes sources.
76 Belloy, Le Siège de Calais, 1765 ; Donizetti, L’assedio di Calais, liv. Cammarano, Naples, 19.11.1836, s’inspire aussi de Philippe-Jacques Laroche, dit Hubert, Eustache de Saint-Pierre ou Le siège de Calais, 1822. Cammarano a éliminé Godefroi d’Harcourt, le traître finalement repenti, dont l’héroïque fiancée Aliénor de Vienne est devenue Eleonora, bru d’Eustachio ; il a gardé à la reine d’Angleterre le nom d’Isabelle que lui donne Belloy (chez qui elle reste en coulisse).
77 Collé, La partie de chasse d’Henri IV, Noël 1764, Bagnolet (chez le duc d’Orléans), imprimée mais interdite à Paris sous Louis XV ; Comédie française, nov. 1774. Cette liaison Orléans a peu d’importance en 1809. Mais Louis XVIII vit en Angleterre depuis 1807. Pucitta, La Caccia di Enrico IV, liv. Buonaiuti, 7.3.1809. De Collé, aussi, Le jaloux corrigé, mus. Blavet, 1752, inspire Gnecco, Il geloso corretto, Venise 1804.
78 Dodsley, Le Roi et le Meunier de Mansfield, 1735.
79 Au début de 1809, après la défaite de Moore à Lugo et sa mort à La Corogne, l’armée anglaise a pu se rembarquer, mais l’Espagne semble perdue pour les Anglais (le futur Wellington n’y sera envoyé qu’en avril).
80 Déjà Houdar de la Motte était plus connu pour ses multiples livrets que pour son Inès de Castro (1723), source néanmoins d’un opéra de Zingarelli, liv. Gasparini, Milan, 1803.
81 Rossini, Matilde di Shabran, liv. Ferretti, Rome, 24.2. 1821 (Ferretti a ajouté l’élément semiserio représenté par les rôles d’Edoardo et Raimondo). Sur le même sujet, Morlacchi, Corradino, Parme, 1805, et Pavesi, Il trionfo délia beltà, Venise, 1809. On peut rappeler que F.B. Hoffman est en 1797 le librettiste de Cherubini pour Médée.
82 Paër, Leonora ossia l’amore conjugale, Dresde, 1804 ; Mayr, L’amore conjugale, liv. Rossi, Padoue, 1805 (l’histoire est transférée en Pologne, Léonore devient Zeliska).
83 Mayr, Le due giornate, 1801 ; Elena, liv. Tottola, Naples, 1814 ; Meyerbeer, Emma di Resburgo, liv. Rossi, Venise, 1819 (on est passé de la Provence à l’Écosse en ajoutant quelques péripéties). Donizetti, Francesca di Foix, Naples, 1831.
84 Liv. Foppa, Venise, 1812. Planard s’était lui-même inspiré du livret de madame Riccoboni pour Sophie ou le mariage caché de Kohaut (1768), la source ultime étant The clandestine marriage de Garrick (1766), origine du Matrimonio segreto de Cimarosa (1792) ; mais La Scala di seta ressemble peu au Matrimonio segreto.
85 Le roman de Jean de Paris (1494) a inspiré à Marsollier un mélodrame en 3 actes (1807), musique de Darondeau.
86 DUMAS, Mes Mémoires, II, p. 688-693, aurait ainsi fait jouer à Florence 4 de ses oeuvres, interdites, en les attribuant sous d’autres titres à Scribe : L’ambitieux ou le fils du bourreau (Richard Darlington), L’échelle de femmes (Angèle), L’assassin par amour (Antony), L’adultère puni (La Tour de Nesle).
87 Liv. Romani, Milan, 12.5.1832.
88 Gustave III, Paris, 1833 ; Mercadante, Il Reggente, liv. Cammarano, Turin, 2.2.1843 ; Verdi, Un ballo in maschera, liv. Somma, Rome, 17.2.1859.
89 Betly o la capanna svizzera, liv. Donizetti, Naples, 24. 8.1836. Le sujet vient de Goethe, Jéry et Bdtely, 1790.
90 La Somnambula, liv. Romani, Milan, 6.3.1831.
91 Le Comte Ory, Paris, 20.8.1828 (légende picarde).
92 R. Stolz refusa son rôle et Donizetti ne finit pas l’œuvre, complétée par Salvi et créée à Rome en italien le 22.3.1882. On a rebaptisé les personnages, pour atténuer la ressemblance avec les Vêpres siciliennes.
93 Paris, 13.6.1855. Sur la correspondance inédite à ce propos entre Verdi et Scribe, A. PORTER, Gramophone, 1974. Dans Le duc d’Albe Hélène (Amelia) tentait de mer le duc à son départ et Henri (Marcello) se jetait sur le poignard. Dans les Vêpres, Montfort pardonne et marie Hélène à Henri, mais Procida organise le massacre que déclenche la cloche des noces.
94 Liv. Gilardoni, Naples, 7.2.1830.
95 Scribe et Legouvé, Adrienne Lecouvreur, 1849. Cilea, Adriana Lecouvreur, liv. Colautti, Milan, 6.11.1902.
96 Pesaro, 1919. De Scribe vient aussi le dernier opéra de Ponchielli, I Mori di Valenza, achevé par Cadore, Monte-Carlo, 1915. Le fils prodigue d’Auber et Scribe a inspiré quelques traits d’Il figliuol prodigo de Ponchielli, liv. Zanardini, Scala, 26.12.1880.
97 Le Val d’Andorre, Paris, 1848. Cagnoni, La Valle d’Andorra, Milan, 1851.
98 Halévy, La Reine de Chypre, Paris, 1841 ; Donizetti, Caterina Cornaro, liv. Sacchero, Naples, 12.1.1844 ; Pacini, La Regina di Cipro, Turin, 1846.
99 Anne Honoré Joseph Duveyrier, dit Mélesville, coauteur du Chalet, écrit aussi (Les deux Pierre) avec Jean-Toussaint Merle, époux de Marie Dorval et secrétaire de Bourmont.
100 Il Borgomastro di Saardam, Naples, 12.8.1827.
101 Rappelons qu’on ne connaît alors Les mille et une nuits que par la traduction de Galland (1704-1712).
102 Il n’est pas la source du Belisario de Donizetti (liv. Cammarano, Venise, 1836) ; Cammarano dit avoir utilisé l’adaptation par Marchionni du Belisario de "F.I. Holbein", en fait Belisarius d’E. von Schenk, Munich, 1820.
103 Il se serait toutefois en partie inspiré d’Ericie ou la Vestale de Dubois Fontanelle. On signale à Rome en 1803 une Vergine Vestale d’Albertini, liv. Prunetti, dont on ne sait rien. Le livret de Schikaneder, Vestas Feuer, dont Beethoven composa une scène et que Weigl utilisa à Vienne en 1805, n’a rien de commun avec La Vestale de Jouy.
104 L’acte I est presque entièrement nouveau, avec l’épisode des Tables de la Loi et le tremblement de terre ; le fils du Pharaon survit jusqu’à la dernière scène et l’intrigue amoureuse est mieux répartie.
105 Guillaume Tell, Paris, 3.8.1829. Marrast, alors âgé de 28 ans, révoqué de l’Université en 1827 après les funérailles de Manuel, est précepteur chez le banquier Aguado. On lui devrait le serment des conjurés ("si parmi nous il est des traîtres") et la cabalette d’Arnold ("Amis, secondez ma vengeance"). Bis serait le principal auteur de l’acte II. Sur Marrast, MENTEUR-MARRAST (G.), "Armand Marrast (1801-1852)", Revue du Comminges, 110, 1995, 1, p. 59-71. MELMER (P.), "À la découverte d’Armand Marrast", ibid., p. 73-95 ; 110, 2-4, p. 219-244, 421-445, 577-604 ; 111, 1986, p. 67-98 ; 285-316, 407-436, 591-612 ; 112, 1997, 1, p. 87-97. Sur Crémieux, AMSON (D.), Adolphe Crémieux, l’oublié de la gloire, Paris 1988.
106 Ugo, conte di Parigi, liv. Romani, Scala, 13.3.1832. Face à l’importance des coupures imposées par la censure, Romani refusa de signer le texte (repris en 1843 à Milan par Mazzucato, Luigi V, avec peu de changements : Adelia devient Edita, par exemple). Cf WEATHERSON (A.) et BLACK (J.), "Ugo, conte di Parigi. Its Source, and the Convenienze teatrali which led to its short life on the stage", Donizetti Society Journal/1985, et nos "Ugo, conte di Parigi de Donizetti : un opéra légitimiste ?", AFHIPVi, Aix-en-Provence, 1989, p. 95-111 ; "La source oubliée d’un opéra de Donizetti : de Blanche d’Aquitaine à Ugo, conte di Parigi", MAIT, 151, 1989, p. 209-234.
107 Il Signor Bruschino ossia Il figlio per azzardo, liv. Foppa, Venise, janvier 1813.
108 Ecuba, Naples, 20.12.1812.
109 Pacini, liv. Romani, Scala, printemps 1819 ; Donizetti, liv. Bevilacqua, Venise, 26.12.1819.
110 Gyrowetz, Il finto Stanislao, Scala, 1818 ; Verdi, Un giorno di regno, Scala, 5.9.1840 (ce fut un fiasco).
111 La Gioventù di Enricov (Hérold, 1815 ; Morlacchi, Dresde, 1823 ; Pacini, 1828 ; Mercadante, liv. Romani, Scala, 7.11.1834). Selon DUMAS, Mes Mémoires, I, p. 654, Duval plagie Mercier, Charles II en un certain lieu.
112 DUMAS, Mes Mémoires, I, p. 597. Rossini, Bianca e Falliero, Scala, 26.12.1819 (son dernier opéra milanais).
113 Cf. MAZA (S.), Vies privées, affaires publiques. Les causes célèbres de la France pré-révolutionnaire, Paris 1997.
114 La Gazza ladra, liv. Gherardini, Scala, 31.5.1817.
115 La Zingara, liv. Tottola, Naples, 12.5.1822.
116 Gianni di Calais, liv. Gilardoni, Naples, 2.8.1828.
117 Liv. Gilardoni, Naples, 1.1.1828. Les autres opéras "antiques" sont Fausta, Poliuto, Les Martyrs et Belisario.
118 Dans le programme, A. Weatherson remarque "it would be nice to know what happened to the lion" et affirme "the real hero, I suppose, is the lion". Donizetti n’a pas composé le récit par Settimio de sa rencontre avec le lion ; il reste quelques mots sur le sauvetage dans l’arène.
119 Vaccai, Malvina, liv. Rossi, Venise, 1816 ; Saladino e Clotilde, Milan, 1828. M. Costa, Malvina, 1829 ; Malek Adhel, 1837.
120 Gli esiliati in Siberia, liv. Gilardoni, Naples, 13.5.1827 ; rév. 1833, Livourne, liv. Alcozer ; rév. diverses à partir de 1840 (Élisabeth ou la fille du proscrit, version incomplète, liv. A. de Leuven et Brunswick, Paris, 1853).
121 F. Pezzi dans La Gazzetta di Milano s’irritait à propos de Chiara e Serafina de la fréquence des sources françaises.
122 Chiara e Serafina, liv. Romani, Scala, 26.10.1822.
123 Gaveaux, liv. Pixérécourt, La rose blanche et la rose rouge, Paris, 1809. Mayr, La rosa bianca e la rosa rossa. Gênes, 21.2.1813. Richard II régnait en 1399 ; le Richard du livret est nécessairement Richard III ; l’ordre royal de la rose blanche n’existe pas.
124 Margherita d’Anjou, Scala, 14.11.1820. Marguerite n’a pas recouvré le trône ; son fils est mort à 18 ans, avant Henri VI. Il n’y a pas eu de poursuite en Écosse.
125 Scala, 10.3.1833. En France La Calprenède (1632) et Th. Corneille (1678) ont écrit des Comte d’Essex très politiques. Au XIXe s., la drame de la jalousie passe d’abord. Romani a utilisé l’histoire anglaise dans Rosmonda ou Anna Bolena.
126 Têtes rondes, 25.12.1833. I Puritani, liv. Pepoli, Paris, 24.1.1835.
127 Maria Padilla, liv. Rossi, Scala, 26.12.1841 ; avec lieto fine, Triste, 1.3.1842.
128 Gallignani, Atala, liv. Praga, Milan, 1876. Setaccioli, L’ultimo degli Abenceragi, Rome, 1893. Velléda de Boniforti, liv. Rossi, Scala, 1847 ; Dall’Argine, Naples, 1864 ; Caiani, Florence, 1874. Mais en 1803, la Velléda non représentée de Gordigiani doit concerner la vraie Velléda.
129 Cantate scénique pour le sacre de Charles X, liv. Balochi, Paris, 19.6.1825. Cf. notre "L’Auberge du Lys d’Or : Rossini, la France et l’Europe des Bourbons", AFHIP IX, Aix-en Provence, 1993, p. 591-611. Corinne et Delphine de madame de Staël ne semblent pas avoir tenté les librettistes. Mais Verdi conseille De l’Allemagne à Piave pour préparer Attila : Attila, König der Hunnen de Wemer, y est étudié (en fait Solera fera l’essentiel du livret d’Attila).
130 Trieste, 1818. Il s’agit de la destruction du chêne d’Irminsul en 772.
131 Légitimiste, il écrit Jeanne d’Arc en 1825, l’année du sacre, et La divine épopée.
132 Romani a supprimé aussi le christianisme de Clotilde, inutile et susceptible de censure. Les rôles d’enfants chantés sont impossibles ; il fallait de plus resserrer l’intérêt sur les protagonistes, Norma surtout. L’infanticide disparaît pour atténuer la ressemblance avec Médée, Romani et Bellini ayant une autre idée du rôle. Cf. BRUNEL (P.), Lc., p. 234-257.
133 Paris, 9.10.1826. Cléomène, Néoclès, Pamyra, sont de curieux noms pour la Grèce du XVe siècle.
134 Il était fils et petit-fils de fermiers généraux guillotinés en 1794. Cf. GOUBER VILLE (M. de), "Réussir dans la finance du roi au XVIIIe siècle", Histoires et sociétés, n° 74, p. 45-61 ; n° 75, p. 37-46.
135 Pavesi, Il Solitario ed Elodia, liv. Tottola, Naples, 1826. Persiani, Il Solitario, liv. Bassi, Milan, 1829.
136 Bellini, La Straniera, Scala, 14.2.1834
137 Coccia, Rosmonda, Venise, 27.2.1829. Donizetti, Rosmonda d’inghilterra, Florence, 27.2.1834. Repris par Nicolaï, Enrico II, Trieste 1839.
138 Carafa, Il Paria, Venise, 1826. Donizetti, Il Paria, Naples, 12.1.1829.
139 Donizetti, Marino Falier, Paris, 12.1.1835. Cf. notre "Marino Falier entre Byron et Donizetti : la liberté et le Lion", Pouvoir et Liberté. Études offertes à J. Mourgeon, Bruxelles, 1998, p. 27-37.
140 Mabellino, Rolla, Turin, 1840. Boezi, Don Paëz, 1893. Puccini, Edgar, liv. Fontana, Scala, 21.4.1889 ; rév. Ferrare, 28.2.1892.
141 Hernani : Gabussi, 1834, Mazzucato, 1843, Laudamo, 1849 ; Marion Delorme : F. Ricci, 1839, Bottesini, 1862, Pedrotti, 1865, Ponchielli, 1885 ; Marie Tudor : Ferrari (Maria d’inghilterra), 1840, Chiaromonte, 1862 ; Ruy Bios : Besanzoni, 1843, Traversari (Don César de Bazari), 1853, G. Rota, 1858, Franchetti, 1868, Pietri, 1916 ; Les Burgraves : Salvi, 1845, Orsini, 1881, Podesta 1881 ; Notre-Dame de Paris : Mazzucato, 1838, Battista (Ermelinda, 1851, rév. Esmeralda, 1851), Campana, 1869 ; L’homme qui rit : Ronzi, 1894 ; La légende des siècles : Mancinelli, Isora di Provenza, 1884.
142 Ruy Bios, liv. C.d’Onneville, Scala, 3.4.1869. Verdi, Ernani, liv. Piave, Venise, 9.3.1844 ; Rigoletto (Le roi s’amuse), liv. Piave, Venise, 11.3.1851. Pacini, Maria regina d’inghilterra, liv. Tarantini, Païenne, 11.2.1843. Gomes, Maria Tudor, liv. Praga, Scala, 27.3.1879. Ponchielli, Gioconda, liv. Boito, Scala, 8.4.1876, rév. Scala, 12.2.1880 ; Mercadante, Il Giuramento, liv. Rossi, Scala, 11.3.1837 ; Donizetti, Lucrezia Borgia, liv. Romani, Scala, 26.12.1833.
143 Cf. notre "Victor Hugo, inspirateur d’opéras", MAIT, 148, 1986, p. 115-132.
144 Dom Sébastien, roi de Portugal, Paris, 11.11.1843.
145 Il en est de même pour G. Sand, dont Claudie (1851) a inspiré E. Muzio, Claudia, liv. Carcano, Milan, 1853.
146 Cellini a Parigi, liv. Penizzini, Turin, 1845.
147 Blanche de Beaulieu, 1826, rév., La rose rouge, 1831 ; Caterina Blum, liv. Bolognese, Naples, 3.10.1862.
148 Dumas, Christine ou Stockholm, Fontainebleau et Rome, 1830. Bellini a préféré Béatrice di Tenda en 1832, à l’agacement de Romani ; Cammarano en 1840 propose le sujet à Mercadante, qui le trouve "monotone" et préfère La Vestale.
149 Dumas, Catherine Howard, 1834 ; Lillo, Caterina Howard, liv. Giacchetti, Naples, 26.9.1850 ; Petrella, Caterina Howard, Rome, 1866.
150 Dumas, Lorenzino, 1842 ; Pacini, Lorenzino de’Medici, Venise, 1845 ; Marenco, même titre, liv. Perosio, Lodi, 1874.
151 Dumas, Henri III et sa cour, 1829 ; Coccia, Caterina di Guisa, liv. Romani, Scala 14.2.1833 ; rév. Turin 1836 (Guisa, de ténor devient basse). Sujet repris par Savi, Caterina di Clèves, Scala 1841 ; Serrao, La Duchessa di Guisa, liv. Piave, Naples 1865.
152 Dumas, Charles VII chez ses grands vassaux, 1831 ; Donizetti, Gemma di Vergy, liv. Bidera, Scala, 26.12.1834.
153 DUMAS, Mes Mémoires, II, p. 522-533 : Bérengère est inspirée d’Hermione, d’Adélaïde (Götz de Berlichingen de Goethe) et de la Camargo (Les marrons du feu, de Musset).
154 Charles VII..., acte V ; Gemma di Vergy, II, 3.
155 Dumas fils, La Dame aux camélias, roman 1848, drame 2.2.1852. Verdi, La Traviata, liv. Piave, Venise, 6.3.1853.
156 Dumas fils et Pierre Corvin de Kroukovskoy, dit Pierre Newski, Les Danicheff, 8.1.1876. Catalani, Edmea, liv. Ghislanzoni, Scala, 27.2.1886.
157 E. Sue, Les mystères de Paris, 1842-1843. De Ferrari, Pipelet, liv. Beninzone, Naples, 1859.
158 E. Sue, Les Mystères du peuple ou Histoire d’une famille de prolétaires à travers les âges, 1849-1857 (120 livraisons réunies en volumes) : "l’alouette du casque, ou Victoria la mère des camps", I, p. 129-351 ; "le trépied de fer", III, p. 241-510. P. Bona, Vittoria, madré degli eserciti, 1858, Gênes ; G. Marinuzzi, Jacquerie, liv. Donaudy, Buenos-Aires, 1918.
159 La Bohème : Puccini, Turin, 1.2.1896 ; Leoncavallo, Venise, 6.5.1897.
160 Salammbô : Petrella, liv. Ghislanzoni, inachevée ; Fomari, liv. Palermi, Florence, 1884 ; Massa, liv. Zanardini, Scala, 15.4.1886. Mario Pasquale Costa, Il Capitan Fracasso, liv. E. Emanuel, Turin, 1909. Le livret de Gautier pour Gis elle, tiré de Heine, semble être la source des Villi de Puccini (liv. Fontana, Milan, 31.5.1884).
161 Erckmann-Chatrian, L’ami Fritz, 1864 ; Les deux frères, 1873. Mascagni, L’amico Fritz, liv. Suardon, Rome, 31.10.1891 ; I Rantzau, liv. Targioni – Tozzetti et Menasci, Florence, 10.11.1892.
162 Silvano, liv. Targioni-Tozzetti, Scala, 25.3.1895.
163 Salvator Rosa, liv. Ghislanzoni, Gênes, 21.3.1874
164 La Vénitienne, 7.3.1834. Il Bravo, liv. Rossi, Scala, 9.3.1839.
165 Donizetti, Maria de Rudenz, Venise, 30.1.1838.
166 D’Ennery, La Grâce de Dieu, 1841. Donizetti, Linda di Chamounix, liv. Rossi, Vienne, 19.5.1842, rév. Paris, 17.11.1842.
167 Lockroy, Un duel sous le cardinal de Richelieu, 1832. F. Ricci, Un duello sotto Richelieu, Scala, 1839. Lillo, Il conte di Chalais, liv. Cammarano, Naples, 1839. Donizetti, Maria di Rohan, Vienne, 5.6.1843. Giordano, Regina Diaz, liv. Targioni-Tozzetti et Menasci, Naples, 1894.
168 Bourgeois et Souvestre, Le Pasteur, ou L’Évangile et le foyer, 1849. Verdi, Stiffelio, liv. Piave, Trieste, 16.11. 1850. Aroldo, liv. Piave, Rimini, 16.8.1857.
169 Lhérie, Troin et Brunswick, La sonnette de nuit, 1836. Donizetti, Il campanello di notte, Naples, 1.6.1836.
170 Coppée, Le Passant, 1867. Zanetto, liv. Targioni-Tozzetti et Menasci, Pesaro, 2.3.1896.
171 Mélaenis, conte romain, 1857. Zandonai, Melaenis, liv. Spiritini et Zangarini, Milan, 13.11.1912.
172 Marcella, liv. Steccheti, Milan, 9.11.1907.
173 Madame Chrysanthème, 1887 ; J.L. Long, Madame Butterfly, nouvelle, 1897 ; Belasco, Madame Butterfly, pièce en un acte, 1900 ; Puccini, Madama Butterfly, Scala, 17.2.1904, rév., Brescia, 28.5.1904.
174 Berton et Simon, Zaza, 1898. Leoncavallo, Zaza, liv. du compositeur, Milan, 10.11.1900. La Houppelande, 1910 ; Il Tabarro, liv. Adami, New-York, 14.12.1918 ; Adami a supprimé le meurtre de sa femme par Goujon/Tinca.
175 La femme et le pantin, 1898. Conchita, liv. Vaucaire et Zangarini, Milan, 14.10.1911.
176 Arnica, liv. Bérel et Collin, Monte-Carlo, 16.3.1905.
177 Fedora, liv. Colautti, Milan, 17.11.1898. Tosca, liv. Illica et Ciacosa, Rome, 14.1.1900. Madame Sans-Gêne, liv. Simoni, New-York, 25.1.1915.
178 Giulio Cesare nelle Gallie, liv. Prunetti, Rome 1819. I Romani nelle Gallie, Milan 1869. Epponina, rév. de Giulio Sabino (1786), liv. Giovannini, Trieste 1791. Giulio Sabino in Langres, même liv., Bologne 1824. La source première pourrait être Sabinus (1773), tragédie de Gossec).
179 Pacini, Gli Arabi nelle Gallie, liv. Romanelli, Milan 1327. Mercadante, I Normanni a Parigi, liv. Romani, Turin 1832. Mabellini, Maria di Francia, liv. Guidi, Florence 1846. Fumagalli, Luigi XI, Florence 1875. Bottesini, Marion Delorme, liv. Ghislanzoni d’après Hugo, Palerme 1862. Pedrotti, Marion Delorme, liv. Marcello, Trieste 1865. Bertini, Ninon de Lenclos, liv. G. Perez, Païenne 1896.
180 A. Catelani, Béatrice di Tolosa, liv. Perretti, Modène 1841. Petrella, Elena di Tolosa, liv. Bolognese, Naples 1852.
181 L’erreur chronologique vient d’Odorannus de Sens, Chronique de Saint-Pierre le Vif, II (éd.. R. H. BAUTIER et M. GILLES, Paris, 1972, p. 97), qui place la mort de Lothaire en 976 et celle de Louis en 982, Lothaire ayant confié à Hugues son fils et le royaume, et Louis ayant donné le royaume à Hugues à son tour.
182 Sur l’ensemble de ces légendes, LOT (F.), Les derniers Carolingiens, Paris 1891 ; Études sur le règne de Hugues Capet, Paris 1903 ; CAROZZI (C.), "Le dernier des Carolingiens : de l’Histoire au mythe", Le Moyen Age, 1976. Louis V épousa Aélis "Blanche" d’Anjou, qui l’abandonna un an après pour le comte d’Arles ; Louis était alors roi d’Aquitaine, d’où la confusion des noms. Adélaïde d’Aquitaine, femme d’Hugues Capet, n’est pas parente d’Aélis-Blanche.
183 Verdi, I Lombardi alla prima Crociata, liv. Solera d’après le poème de Tommaso Grossi (1828), Scala 11.2.1843 ; Jérusalem, liv. Royer et Vaëz, Paris 26.11.1847. Sur la première croisade, GROUSSET (R.), Histoire des Croisades et du royaume latin de Jérusalem, Paris, I, 1934 ; L. et J. HILL, Raymond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse, Toulouse 1959.
184 Dans I Lombardi, il s’agissait d’Antioche, qui fut prise effectivement après un long siège. Peut-être lui a-t-on substitué Ramla parce que celle-ci est plus près de Jérusalem : on voit mal en effet pourquoi Gaston serait traîné d’Antioche à Jérusalem pour être exécuté, et comment le remords de Roger tarderait tant à se manifester.
185 Donizetti et Cammarano n’étaient cependant pas satisfaits du 3e acte, qui fut fréquemment omis. En 1837, une modification du livret, vivement critiquée par Cammarano, supprima le rôle de la reine ; Eleonora fléchissait le roi, mais la façon dont elle lui parlait ne convenait pas à sa position (sans doute était-ce un souvenir de l’Aliénor de Belloy, qui était la fille de Jean de Vienne et non une simple bourgeoise). Il n’est pas sûr que cette révision ait été jouée.
186 Notamment ceux d’Andreozzi, 1789, R. Kreutzer, 1790, Carafa (Jeanne d’Arc à Orléans, Paris 1821), Vaccai (Giovanna d’Arco, liv. Rossi, Venise 1827), Padni (Giovanna d’Arco, 1830), Balfe (Joan of Arc, Londres 1837).
187 Ecrite pour Olympe Pélissier (sa future 2e femme) en 1832 ; créée en public chez Rossini par Marietta Alboni, 1858.
188 Liv. Solera, Scala, 15.2.1845, d’après Schiller, Die Jungfrau von Orléans (La Pucelle d’Orléans), 1801.
189 Le 1er patron de la France n’est d’ailleurs pas saint Denis, mais saint Martin (saint Michel a également été proclamé patron de la France, précisément sous Charles VII).
190 Signalons qu’Adelia met en scène un autre personnage historique, Commynes, devenu "Comino", ami d’Oliviero.
191 Pacini, liv. Rossi, Venise, 21.2.1835.
192 On sait que Chateaubriand, dans la généalogie familiale ajoutée aux Mémoires d’Outre-Tombe, dément ce meurtre.
193 On joua longtemps La fille du régiment le 14 juillet à l’Opéra-Comique, et, semble-t-il, le 11 novembre dans certaines villes de Belgique. Lily Pons en 1940 au "Met" exigea un drapeau à croix de Lorraine, et ajouta la Marseillaise à "Salut à la France !".
194 Giordano, liv. Illica, Scala 28.3.1896.
195 Liv. Forzano et Targiom-Tozzetti, Rome, 2.5.1921. Cf notre "La mémoire de la Terreur à l’Opéra", Etudes d’histoire du droit et des idées politiques, n° 1, 1997, p. 359-369.
196 À l’acte II, Lefebvre évoque l’Alsace avec une nostalgie assez inattendue, mais logique en période de "Revanche" : Questa tua bocca mi fa pensare ai frutti dell’Alsazia che il natio sol nell’orto mio matura. Sapor d’infanzia e di malinconia mi scende al core... Or nelle tue parole cerco e ascolto l’accento nota del paese, l’eco dei di passati ! E li rivivo teco, e cerco la mia patria sul tuo volto ! Laggiù in Alsazia noi pensammo un di andar vecchietti, in pace, a chiuder gli occhi !
197 Liv. A.M. Ricci, Naples, 24.4.1816.
198 Il s’agit évidemment des origines et de la signification du sacre.
199 Cf notre étude citée ci-dessus.
200 Liv. Golisciani, d’après Hugo, Scala 1885.
201 Liv. Raupach, Berlin, 12.6.1829.
202 Un tel mariage fut envisagé, mais empêché précisément par celui d’Agnès et d’Henri de Brunswick, qui aurait été un mariage d’amour, chose exceptionnelle au XIIe s. Le déguisement en ambassadeur est évidemment de pure fantaisie.
203 Lettre du 12.2.1893.
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