Jus commune et « droit commun » en France du xiiie au xve siècle
p. 219-247
Texte intégral
1Canonistes et juristes ont toujours affectionné les métaphores médicales : je resterai donc dans la tradition en comparant l’intérêt soudain pour le jus commune à la récurrence d’une épidémie assoupie depuis un peu plus d’une génération. La publication du travail de Francesco Calasso, en 1951, avait marqué une étape dans la définition du concept et, en France, celle de l’article de Pierre Petot sur « Le droit commun en France selon les coutumiers », paru en 1960, avait précisé la question pour le royaume de France. Ayant relevé les emplois de l’expression « droit commun » chez les coutumiers français, il en concluait qu’il fallait entendre par là non pas le jus commune des professores legum mais le droit commun coutumier du royaume. Depuis cette période les chercheurs ont porté leurs curiosités sur d’autres sujets mais, tout d’un coup, la question du droit commun revient sur le devant de la scène, sans doute à la suite de la publication de la première édition de L’Europa del diritto commune de Manlio Bellomo en 1988. Depuis, les articles sur la question se sont multipliés1 et le sujet devrait connaître une sorte d’apothéose à l’Escorial au printemps 1999 à l’occasion du congrès international de la Société d’histoire du droit sur le thème : « Le droit commun et l’Europe ».
2Les conclusions du savant français n’ont jamais été remises en cause, elles viennent même d’être récemment confortées2. Il ne m’a pas paru inutile cependant de reprendre le dossier à la lumière de ce que l’on sait désormais sur la chronologie de la connaissance du droit savant en France. Il est maintenant établi que l’influence de la nouvelle science juridique issue de Bologne n’a été ni tardive ni superficielle -tout au plus formelle- comme on l’estimait encore dans les années 1960. Dès les années 1160 l’entourage de Louis VII (1136-1180) connaissait le nouveau droit et dès le règne de Louis IX, la Curia regis, devenue Parlement, sans être déjà peuplée de virorum ecclesiasticorum et laycorum scientifficorum in utroque jure peritorum 3, avait cependant dans ses rangs, surtout parmi les clercs4, bon nombre de membres issus de studia juridiques5.
3Tous ces juristes ne pouvaient ignorer ce qu’était le jus commune et on ne voit pas bien pourquoi ils auraient donné à cette expression une signification différente de celle qui était généralement usitée : le droit des compilations de Justinien interprété par les doctores legum. Dès le milieu du siècle en effet on la rencontre dans une œuvre conçue par un groupe très proche de la cour, dans une partie rajoutée entre 1246 et 1250 précisément à l’intention de l’entourage royal : le Speculum doctrinale, troisième volet de la vaste encyclopédie compilée par une équipe dirigée par le dominicain Vincent de Beauvais (+ 1264), où les livres 8 à 11 concernent le droit. L’expression jus commune au sens de droit des Compilations apparaît au moins dans les chapitres 42 et 52 du livre 8, composés d’extraits de deux œuvres encore anonymes (une Summa juris et une Summa Decretalium)6.
4Ce qui ne signifie par non plus que le jus commune ne puisse désigner autre chose. L’exemple de la « common law » anglaise est là pour rappeler la polysémie des termes et la situation de la France se prête parfaitement à une transition : entre le jus commune de la péninsule et la « common law » insulaire, le « droict commun » pouvant offrir une synthèse des deux tendances. Mais laissons cette preuve supplémentaire de l’élection du royaume des lys, oubliée par Bernard de Rosier dans ses Miranda de laudibus Francie, pour procéder de manière plus banale : en examinant les documents.
5Toute cette question de l’utilisation des Compilations de Justinien est liée étroitement à celle des rapports du royaume de France avec l’Empire et la Papauté. Si le jus commune est bien le droit romain et le droit canonique interprétés par les docteurs, de quelle façon et au nom de quoi peut-il s’imposer dans le royaume ? En 1164, Louis VII se contente de prendre acte que le Midi du royaume suit les lois des empereurs. En 1254, dans l’ordonnance de réformation de Louis IX, le problème est encore abordé de façon pragmatique : on constate que dans les sénéchaussées du Midi, on procède à l’enquête au criminel, secundum jura et terre consuetudinem. Et, dans les deux cas, on oppose aux jura la consuetudo regni ou la consuetudo gallicana. En 1259, dans une instruction relative aux difficultés d’application du statut de 1229 sur les hérétiques, on précise qu’il est assuré que cette terre a été régie coutumièrement par le droit écrit et qu’il en est encore ainsi7. En 1312 enfin, dans l’ordonnance sur le studium d’Orléans, les juristes qui ont rédigé le texte sont plus précis : ce n’est plus la coutume qui justifie l’emploi des Compilations mais la permission royale, et le jus civile n’est que supplétif. On voit donc que dès le milieu du XIIIe siècle on a estimé nécessaire de justifier juridiquement l’utilisation des Compilations8 par la coutume, puis, le développement de la réflexion sur le pouvoir royal aidant, on a invoqué la permission royale.
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6Une reprise du dossier s’appuyant sur l’étude des expressions dans leur contexte s’imposait ; j’ai donc dressé la liste des occurrences de quelques expressions désignant le droit des Compilations dans les actes de la pratique9 : jus scriptum, jus civile, jus commune et ratio scripta -sans compter quelques autres plus rares-, que l’on commence à rencontrer en français à partir des années 126010. Les trois premières expressions se trouvent dans les compilations de Justinien et sont commentées à Bologne dès Irnerius11 ; la dernière n’est pas propre à la France12 car elle est employée par les glossateurs transalpins et par Dante13. J’ai fourni en annexe une liste des documents dont je me suis servi, un peu plus d’une centaine, pour que ce dossier puisse ainsi être repris par un autre, qui pourra arriver à d’autres conclusions...
7Le dépouillement des auteurs plus savants n’a été fait que de façon sélective ; il ne m’a pas semblé utile de relever les emplois de jus commune chez les maîtres Orléanais, montpelliérains ou toulousains. Ce qui a déjà été fait pour les premiers montre à l’évidence que les jurisconsultes français sont très proches des docteurs italiens. J’ai retenu les auteurs, juristes, dont l’œuvre était plus proche de la pratique ou destinée parfois (ce qui ne veut pas dire qu’ils aient réussi) à un plus large public : Guillaume de Paris14, Guillaume Durant le Jeune15, Eudes de Sens, Évrart de Trémaugon, Jean le Coq, Jean de Terrevermeille, Jean de Montreuil, Bernard de Rosier, Noël de Fribois.
8Quant aux styles-coutumiers il n’y a pratiquement rien à ajouter aux relevés de P. Petot. Il convient cependant d’écarter les cas pour lesquels « droit commun » est la traduction de jus publicum dans la mesure où le français « public » n’est attesté que tardivement16 : il en est ainsi dans Li livres de jostice et de plet -qui n’est en rien un style-coutumier mais une traduction partielle du Digeste et des Décrétales-, dans l’annexe du Conseil à un ami de Pierre de Fontaines et, bien sûr, dans les traductions des Institutes et du Décret de Gratien, pour me limiter à celles qui sont éditées17.
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9Dans les actes de la pratique jus commune et jus scriptum apparaissent, associés, pour la première fois en 1202 dans un document important réglant la question de la régale de l’évêché de Châlons-sur-Marne, tranché par le professeur de droit bolonais Lothaire de Crémone18, assisté de deux maîtres français, Geoffroy de Poissy et Nicolas de Chartres. L’origine savante des expressions ne fait pas de doute : quia jus commune manifeste contra eum (= le vidame) faciebat… jus etiam scriptum in quo dicitur quod fiscalia non prescribuntur tempore similiter contra ipsum faciebat. Mais ce document est isolé et il faut attendre l’année 1262 pour voir réapparaître l’expression jus commune avec le même sens dans les premiers registres du Parlement de Paris et dans une sentence du sénéchal de Carcassonne. Entre temps, l’expression jus scriptum et une fois même « lois des empereurs » dans l’affaire de la succession de Flandre19, en 1246, permettent de constater l’utilisation, ou, la même année, la critique, du nouveau droit.
10De 1262 à 1269, au Parlement, il est fait six fois mention du jus commune et autant de fois dans la décennie suivante ; au XIVe siècle l’expression est devenue assez courante : elle se trouve même dans deux ordonnances royales (1303 et 1315). Si le sens savant prévaut le plus souvent, dans quelques-unes de ces occurrences, la signification des termes n’est pas évidente et l’on peut comprendre pourquoi P. Petot en a conclu qu’il s’agissait d’une sorte de coutume générale du royaume20.
11Pour s’assurer de la signification savante de jus commune, un point doit être écarté d’emblée, sur lequel on croirait pouvoir s’appuyer sûrement : l’objet des procès, qui pourrait permettre de déterminer avec précision le point de droit auquel il est fait allusion lorsque le jus commune est invoqué.
12Les Olim ne sont malheureusement que des résumés très brefs des affaires et il faudrait une connaissance parfaite non seulement du Corpus et de la glose mais aussi des opinions des docteurs pour savoir dans quels cas on invoquait ou non les lois du Corpus. Il est frappant de remarquer que le droit commun est invoqué dans plusieurs affaires de garde (1269, 1274, 1278, 128921), or c’est dans un cas de ce genre que l’on a invoqué le jus commune pour la première fois en France dans un acte de la pratique.
13On se prévaut aussi du droit commun pour refuser les aides aux cas dits féodaux (adoubement du seigneur ou de ses fils, mariage de ses filles). Dans ces cas, il serait tentant de penser que le droit commun est un droit général du royaume, d’autant plus que dans le plus ancien exemple de refus il est fait allusion au jus commune regis (1270)22. Mais en 1271 les gens du roi invoquent le jus commune contre les habitants de Bourges qui se défendent en invoquant la regni consuetudo generalis, on ne peut donc assimiler les deux expressions. Bien plus, en 1285 -en pays de droit écrit il est vrai- une consultation des plus savantes refuse avec succès l’aide pour la milicia du roi en s’appuyant sur le jus commune scriptnm et en écartant d’un revers de main Roffredus23 qui n’était ni legislator ni princeps qui posset condere jura. On peut rattacher à ce document l’article 12 de la charte aux gens du Périgord et du Quercy par lequel le roi promet de ne lever des subsides que lorsque le droit commun ne dispense pas de les verser (1319) ; c’est encore le droit écrit qu’invoquèrent en 1333 les habitants de Carcassonne pour refuser de contribuer à la chevalerie du fils du roi. Donc, même des sujets que l’on croirait tout à fait coutumiers peuvent être défendus ou combattus à l’aide du jus commune, ce qui ne simplifie pas l’enquête. L’un des arguments de la consultation de 1285 est repris avec le même renvoi au jus commune dans une plaidoirie en Parlement de 1375 : libertas cuique presumitur attributa 24. Il est donc très difficile de trancher sur la signification de jus commune/droit commun en examinant le seul sujet des débats ; sans la présence de Lothaire en 1202 et la consultation de 1285 on aurait hésité sur la signification de jus commune dans les cas précédents.
14Il est quelques cas où jus commune s’oppose à la coutume générale, on vient d’en voir un exemple en 1271 à Bourges, on en trouve un autre à Cahors, en pays de droit écrit, en 1281 dans une affaire monétaire. En 1314 on oppose le jus commune et consuetudo Francie notoria pour justifier que le roi ne doive hommage à personne et pour condamner le duc de Nevers pour crime de lèse-majesté25. Il me paraît impossible que dans ces deux affaires importantes il y ait simple redondance des termes par renforcement. On rencontre encore quelques autres cas par la suite26. De même dans les plaidoiries dans l’affaire de la succession de Bretagne en 1341, où les avocats étaient obligatoirement de bons juristes (ils avaient proposé des raisons de droit divin, naturel, canon et civil !), ou même en 1345 sur la question de la protection des mineurs, je ne crois pas que droit commun ait pu être employé au hasard ; on rencontre d’ailleurs un renvoi au droit commun pour la protection des mineurs dans Beaumanoir (§ 348,1620).
15On rencontre aussi fréquemment « droit commun » associé à « raison, raison écrite, droit civil », ainsi en 1341, 1355, 1390 (trois fois), 1393, 1394, 1396. En 1390 on oppose raison et coutume et en 1396 on allie droit commun et droit civil. Ces associations de termes sont éclairantes pour mon propos : le droit commun est fortement ancré au droit savant.
16Le seul texte qui semble faire problème est celui de 1344 où le procureur du roi parle du « droit commun royal » sur le rivage de la mer, mais il faut l’entendre au sens du droit commun régalien, le procureur pensant aux regalia (non les chapitres des Libri feudorum mais ce que les docteurs tiraient du Code), quant à celui de 1386 sur l’amende en cas de renonciation à l’appel, il permet de comprendre comment on peut inclure, avec une certaine logique, dans la notion de jus commune, droit qui s’applique à tous, les ordonnances royales, puisqu’il est fait ici application de l’ordonnance du 18 novembre 1365 que les habitants de La Rochelle refusaient d’observer.
17Finalement, si pour quelques emplois, le sens de droit commun savant n’est pas évident par suite de la pauvreté du contexte, il n’en reste pas moins vrai que dans la plupart des cas on ne peut avoir d’hésitation et, de plus, on ne rencontre pas d’occurrence pour laquelle on puisse établir avec certitude que jus commune/droit commun signifient « droit commun coutumier ». Il me paraît donc qu’il faut entendre, en France, jus commune et « droict commun » au sens que lui donnaient les jurisperiti.
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18Lorsque l’on examine les auteurs savants, les problèmes disparaissent. Ils ne font d’ailleurs pas une utilisation excessive de l’expression, ils préfèrent renvoyer directement aux textes mêmes du Corpus juris, à la glose ou aux docteurs. Si l’on ne peut pas toujours savoir ce que les juristes français entendent précisément par jus commune il est évident qu’ils ancrent le jus commune au Corpus juris civilis et aux œuvres qui en découlent27. Ils n’y englobent pas nécessairement le droit canonique.
19J’ai signalé plus haut la présence de ces termes dans les chapitres sur la sciencia politica du Speculum doctrinale de Vincent de Beauvais. Guillaume de Paris n’emploie qu’une fois jus commune au sens de droit canonique28.
20Le mémoire de Guillaume Durand le Jeune de 1307 est d’un tout autre intérêt. Mais il faut prendre garde qu’il s’agit d’une argumentation dans un procès où tous les moyens sont bons pour soutenir son droit, même les contradictions. Ainsi, bien qu’il n’ait pas manqué de flatter la Cour en assurant d’emblée que dans la poitrine de ses membres « fleurissait la science des deux droits », il rétorque que l’on ne doit pas alléguer le jus scriptum au Parlement en vertu de l’interdiction de son enseignement à Paris. Il ne fait que répondre, il est vrai, à l’opposition du procureur du roi à son argumentation, fondée sur le droit canonique, que ce dernier prétend interdit « dans le pré de Justinien ». Mais Guillaume Durant n’avait pas auparavant hésité à invoquer plus d’une douzaine de fois ce jus commune qu’il condamne. Il aurait d’ailleurs mieux fait de s’abstenir de l’invoquer sur un point qui ne pouvait faire entendre favorablement sa cause : « Le roi de France, dont le royaume est de ce monde et, de droit commun, soumis à l’Empire… ». Comment s’étonner qu’il ait perdu son procès !
21Eudes de Sens († apr. 1332) dans ses Aliqua de stylo curie 29comme Jean le Coq (+ 1399) dans ses Questiones 30utilisent eux aussi jus commune dans son acception savante, de même que le glossateur anonyme du coutumier bourguignon de la fin du XIVe siècle qui rédige sa glose en 1400-140231. En cette même fin du XIVe siècle, Evrart de Trémaugon, tant dans ses leçons que dans le Somnium viridarii (1376), traduit peu après en français, a une conception savante du jus commune 32. Et Jean de Montreuil33, Jean de Terrevermeille34, Bernard de Rosier35 et Noël de Fribois36 sont dans cette lignée.
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22Les actes de la pratique, les registres du Parlement et les œuvres des docteurs ont donc une même conception du jus commune, qu’en est-il des styles-coutumiers ?
23Dans les styles-coutumiers français, l’expression est très rare, ce qui ne simplifie pas l’enquête. P. Petot avait indu dans ses relevés les arrêts des Olim car il entendait par « coutumiers » non pas les œuvres mais les auteurs et, dans la conception traditionnelle que l’on avait alors de la Curia regis, il allait de soi que les gens du Parlement n’étaient pas des docteurs mais des prud’hommes connaissant les coutumes et obéissant plus à leur bon sens qu’à leur science juridique, au reste toute pratique et coutumière, pour rendre une justice plus proche du chêne de Joinville que des ordines judiciarii.
24Seules les Coutumes de Beauvaisis de Beaumanoir emploient avec quelque constance l’expression37. Les autres styles coutumiers sont plus discrets et c’est dans les plus sommaires que l’on peut s’attendre à une certaine confusion terminologique dans la distinction entre droit et coutume.
25La Summa de legibus in curia laicali normande, postérieure à 1235, use de l’expression quelques fois mais, bien que ce soit un texte fortement marqué par le droit savant, on ne peut guère voir dans l’expression une allusion évidente au droit savant38.
26Le Livres de jostice et de plet n’est qu’une traduction-adaptation du Digeste et des Décrétales et « droiz communs » est la simple traduction de jus publicum 39.
27Le Coutumier d’Artois (1282-1302), qui renvoie volontiers au droit des Compilations, associe la raison et le droit commun et il s’agit ici du jus commune savant comme le prouve l’association avec le droit écrit ou la raison40. Il emploie aussi l’expression « loy commune »41. Au titre 51, § 1, « et il est de droit commun en cours laie » pourrait sembler signifier : « c’est ce qui se fait communément en cours laie » par opposition au droit des cours ecclésiastiques, mais il est fait immédiatement une citation de X 2, 20, 5, qui ne laisse aucun doute sur le sens savant des termes, tout comme la « loy commune » associée à la coutume au titre 27, § 1442.
28Les emplois de « droit commun » par le Coutumier de Champagne 43sont plus difficiles à classer. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce coutumier n’est pas très savant, malgré sa date, et c’est le seul pour lequel on doit admettre que le sens de droit commun est celui de règle générale : deux fois le droit commun et associé à la coutume de Champagne, et pour le droit commun du douaire de la femme assis sur la moitié des propres de l’époux, on pourrait à la rigueur penser à l’ordonnance perdue de Philippe Auguste44. C’est le seul coutumier où il est indiscutable que « droit commun » ne signifie pas droit des Compilations.
29Reste l’incontournable Philippe de Beaumanoir. Douze fois le coutumier du comté de Clermont en Beauvaisis mentionne le droit commun. On sait depuis longtemps qu’il est largement inspiré par le jus commune : A. von Daniels, H.L. Bordier45, Karl Gross, P. van Wetter ont fortement insisté sur ce point, sans vraiment, il faut bien le reconnaître, apporter plus que des présomptions, à l’exception de P. van Wetter. Manlio Bellomo remarque qu’il a « largement utilisé sa culture fondée sur la connaissance et l’étude du droit romain et du droit canonique »46. Il faudra bien se décider à vérifier si Beaumanoir s’est effectivement inspiré de Tancrède, du Digeste, de tel ordo judiciarius ou de tout cela à la fois.
30Quatre passages mentionnant le droit commun concernent les chemins47. L’un d’eux est assez intéressant car Beaumanoir y mentionne sa source : « Anciennement, si comme avons entendu des seigneurs de lois, fu fes un establissemens comment l’on maintenoit la largesse des voies et des chemins […] et, de droit commun, si tost comme li marcheant entrent en aucun travers il et leur avoirs sont en la garde du seigneur qui li travers est ».
31Beaumanoir renvoie à un établissement dont font mention les seigneurs de lois48, c’est-à-dire des gradués en droit. Il s’agit donc d’une loi du Corpus juris civilis citée par des jurisconsultes49, peut-être à l’occasion d’un procès50
32Deux autres chapitres renvoient sans doute aux Décrétales, l’un à propos des dîmes (X 3, 30), l’autre à propos de la garde des maladreries51, agitée souvent en Parlement52.
33Deux concernent la protection générale des mineurs, un autre le pouvoir du mari sur les biens de la femme53. Pour les mineurs, il est certain que l’allusion renvoie au Corpus juris et le pouvoir marital en pays de coutume pouvait sans difficulté s’assimiler à celui du pater familias.
34Un point de procédure est réglé « par coustume general et de droit commun », Beaumanoir fait donc ici une distinction entre le droit et la coutume54.
35Seul le droit commun des amendes pour dégâts causés dans les vignes ne peut guère être autre chose qu’un usage commun, usage plus local même que général. Mais il ne faut pas s’étonner d’un flottement terminologique somme toute normal. Pour connaître le droit, Beaumanoir n’est pas pour autant un spécialiste et un style destiné à des praticiens peut manquer plus facilement de rigueur qu’une repetitio.
36Reste enfin le prologue de l’œuvre. Beaumanoir y esquisse (§ 6) une hiérarchie des sources : jurisprudence, coutumes notoires, coutumes voisines, droit commun. C’est une hiérarchie classique, on la trouve, inversée, en 1274 : droit commun, usage, « maniemens », lettres55. Une plaidoirie au Parlement de 1389 énumère d’abord la raison écrite, puis l’usage, les ordonances royales et la coutume tandis que l’ordonnance de 1312 précise que l’on a recours au droit écrit lorsque, la jurisprudence et les ordonnances royales étant muettes ou incertaines, on n’a pas trouvé de coutume assurée. On peut avancer sans hésitation que le droit commun est ici le jus commune 56, il me semble qu’il ne peut s’agir de la coutume générale du royaume57. C’était au reste déjà l’opinion de Thomas de La Thaumassière en 1690 et, dans une certaine mesure, de P. van Wetter en 1908 qui notait même une parenté avec le Digeste (1, 3, 32 pr.)58.
37Les coutumiers postérieurs59 ne sont pas plus prolixes à ce sujet -alors même que le terme devient plus diffusé dans la littérature savante- bien qu’ils utilisent plus largement le jus commune que leurs devanciers. Quelques-uns reprennent, de façon très proche, une remarque des frères Pierre et Guillaume de Maucreux dans leurs Ordonnances de plaidoïer (1330-1340) qui exalte la concordance entre le droit et la coutume dans la lignée du prologue de certains manuscrits des Établissements de saint Louis 60:
38« De ces drois y a aucuns si consonans que le droit non escript se accorde proprement au droit escript et lors l’appelle-on droit commun. Et les cas ou le droit de coustume est proprement contraire au droit escript sont appelez et dit hayneux de droit, comme seroit droit de retrait et moult d’autres »61.
39Tel Jacques d’Ableiges dans Le grand coustumier de France (1388) : « Et jà soit que par les docteurs nous soient distingués toutes manières de droict toutesfois, pour parler du commencement, nous usons de droict naturel tant seulement et de droict escrit et de droict non escript […] Et ès pays coustumiers, les coustumes qui sont contraires au droict escript passent et destruisent le droict et sont appelées haineux de droict et quant la coustume s’accorde au droict escript l’en le dict droict commun »62.
40La Somme rural (1393-1396) de Jean Boutillier reprend le précédent : « Droict commun est, come les sages dient, un droict qui s’accorde au droit escrit et a coustume de pays et que les deux soient consonant ensemble, si que le droict escrit soit conforme avec la coustume local, car lors est ce droit commun et coutume tolerable […] Est droit haineux le droict que, par coutume de païs, est contraire au droit escrit ». L’auteur du coutumier bourguignon de la fin du XIVe siècle exprime une opinion proche, mais sans mentionner le droit commun63 : « Les usages sont bons qui s’accordent aux lois et ceulx qui ne s’accordent pas a raison ne sont pas diz usages mais sont diz abus et sont a corrigier »64. Enfin, au début du XVIe siècle, le juriste bourguignon Hugues Girard, dans son traité de procédure, fait une citation littérale de Jacques d’Ableiges : « Et ès pays coustumiers comme en ce duché de Bourgogne les coustumes qui sont contraires au droit escript passent et détruisent ledit droit escript et quant la coutume s’accorde au droit escript, l’on le dit droit commun »65.
41Cet idéal de concordance entre le droit et la coutume est à l’opposé de l’évolution que l’on traçait de l’influence du jus commune en France. Il ne s’agissait pas de concorde mais d’opposition et la mise par écrit des coutumes est même apparue comme une résistance au droit savant orchestrée par la royauté66. Or je ne crois absolument pas que le roi et son entourage aient eu une politique de mise par écrit des coutumes au XIIIe siècle, comme on le pense et on l’écrit encore. Et si l’on admet cette hypothèse, quel échec ! Reportées sur une carte de la France coutumière, les coutumes rédigées au XIIIe siècle font petite figure et la seule qui a été rédigée par un membre du Parlement, -Beaumanoir rédige la coutume d’un comté « indépendant »– Le conseil à un ami, est un centon de droit romain dont l’auteur n’a pas de plus grande satisfaction que de constater que l’usage est conforme à la loi romaine. Le siècle suivant n’est pas beaucoup plus actif et les baillis du domaine royal ne se signalent pas par une activité significative.
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42Il me semble que l’on ne peut plus soutenir que jus commune ou droit commun signifient en France, aux XIIIe et XIVe siècle, autre chose que ce qu’il signifiait en Italie ou dans le royaume d’Arles, c’est-à-dire les terres qui, aux yeux d’Henri de Suse, étaient régies par le droit civil.
43Les exemples que j’ai donnés montrent à l’évidence qu’il n’y a que très peu de cas où l’expression peut désigner une coutume générale, si ce n’est dans des textes assez peu savants, où les flottements terminologiques sont normaux. Il est d’ailleurs patent que par sa généralité même l’expression prêtait à cette confusion. Au Parlement ou chez des auteurs coutumiers frottés de droit civil il est rare que l’on puisse avoir des doutes sur sa signification « savante ». Les juristes d’alors, tout en niant, et on les comprend, que son utilisation puisse signifier une quelconque soumission à l’Empire, considéraient le droit des Compilations comme la raison écrite et le droit commun de la France.
44En revanche on comprend bien pourquoi, dès la fin du XIVe siècle, la liaison droit commun-ordonnances royales peut se rencontrer : ces deux sources du droit avaient la caractéristique d’être générales et, de plus, la multiplication des ordonnances et la réflexion théorique sur le pouvoir royal rendaient absolument indispensable, pour des raisons de doctrine juridique et de politique, une équivalence de ces deux sources du droit et même une supériorité des ordonnances, normale au reste puis qu’elles étaient plus récentes. La transformation du droit commun en droit supplétif était en marche.
45Le nationalisme humaniste à partir du début du XVIe siècle a travaillé avec efficacité à l’émergence d’un droit commun propre au royaume de France, contre le jus commune que les humanistes avaient par ailleurs beaucoup de bonnes raisons67 de critiquer. Dans un article peu utilisé, Vincenzo Guizzi a montré excellemment que les juristes des deux derniers siècles de la monarchie avaient poursuivi ces tentatives pour définir un système de droit unitaire purement français68. La question du jus commune y revient avec obstination et les arguments pour et contre, toujours les mêmes depuis plusieurs siècles, sont ressassés sans lassitude : prouver la quadrature du cercle n’est pas une démarche propre aux mathématiciens.
Le témoignage des documents
46– Lex romana. 979-1144. C’est l’expression la plus fréquente que l’on rencontre entre 979 et 1144 en Septimanie et en Provence69. On peut noter que c’est au moment où le droit de Justinien s’impose qu’elle disparaît, on ne rencontre pratiquement plus ensuite « loi romaine » ou « loi des Romains », sauf dans une remarque de la Summa Justiniani est in hoc opere (cohaeredes legum Romanarum) et dans le titre des Exceptiones Petri : Exceptiones legum Romanarum (donc dans des œuvres doctrinales)
47– Leges imperatorum. 1164. Lettre de Louis VII à Ermengarde de Narbonne (Recueil des Historiens de France, t. 16, p. 91).
48– Jus civile. A partir des années 1170. Dans les renonciations en concurrence avec jus scriptum.
49– Jus scriptum. Jus commune. 1202 à Châlons, lors de l’affaire de la régale épiscopale à laquelle participa Lothaire de Crémone (Recueil des actes de Philippe Auguste, t. 2, p. 296, n° 72770).
50– Jus scriptum. 1211. Dans les Gesta Philippi Augusti, le continuateur de Rigord († 1209) Guillaume Le Breton fait une allusion au droit écrit à propos de la construction de l’enceinte de Paris en 1211 : licet de jure scripto posset propter publicum regni commodum in alieno fundo muros erigere… ipse tamen juri preferens equitatem (éd. DELABORDE (H.-F.), Paris 1882, t. 1, p. 241, § 16071).
51– De jure sive secundum jura. 1211. Lyonnais, sentence épiscopale (Chartes de Forez, n° 60172).
52– « Lois des empereurs ». 1246. Paris, mémoire écrit à propos de la succession du comté de Flandre (Layettes, t. 2, p. 624-628, n° 3527).
53– Jus scriptum. 1246. Révolte des barons contre les empiètements de la juridiction ecclésiastique et plaintes au roi Louis IX : quod regnum non per jus scriptum […] fuerit acquisitum (ISAMBERT, t. 1, p. 252-253, d’après le Corps diplomatique, t. 1, p. 194)73.
54– Jura legalia vel decretalia. 1247. Faux privilège de Philippe Auguste de 1186 pour l’abbé de Figeac (Layettes, t. 1, n° 341, d’après un vidimus de 1247, Recueil des actes de Philippe Auguste, t. 1, p. 199-200, n° 167).
55– Jus scriptum. Crimen lese Majestatis. 1259. (Olim, t. 1, p. 461-462, n° 9) Alain de Insula avait commis un crime de lèse-majesté en livrant le château de Montréal, il avait donc perdu son droit de succession selon le droit écrit, en conséquence il ne pouvait pas avoir donné le château à son neveu qui le réclamait au roi74. La même année, en pays de droit écrit, le merum imperium est invoqué au Parlement dans une affaire de punition de criminel : le précepteur de la commanderie de Douzens ne le possède pas, donc il ne peut punir (ibidem, p. 79, n° 7).
56– Jus scriptum. 1259. Ordonnance interprétative de celle de 1229 (Cupientes) sur les hérétiques. Le § 4 (voir aussi § 26) oppose la consuetudo gallicana au jus scriptum (HGL, t. 8, c. 1440-1445)75.
57– Jura scripta. 1260 (Olim, t. 1, p. 469-470, n° 6). Demande de la restitution du château de Montréal par Jean de Valérac. Bien qu’il ait été débouté une première fois on décide de l’écouter selon les droits écrits et la coutume de France.
58– Jus commune*. 1262 (Olim, t. 1, p. 154, n° 1)76. Paris. Per inquestam istam et per jus commune probatum est quod alta justicia pertinet ad dominum regem, bassa justicia pertinet ad capitulum Parisiensis.
59– Jus commune et scriptum. 1262. Carcassonne. Affaire de paiement de tailles réclamées à des habitants tam de jure communi et scripto, sentence en présence de 3 jurisperiti (Layettes, t. 5, n° 744).
60– Jus commune*. 1263. Entre Guillaume de Beceyo et l’abbé de Saint-Pourçain super proprietate justicie de Nuilliaco. Pour Guillaume la justice de Nuilliaco est à lui : tum quia jus commune faciebat cum ipsa villa sit infra metas baronie Borbonensis. L’abbé et le couvent répliquent que Guillaume super hoc non debebat audiri quia jus commune potins faciebat pro ipsis (Olim, t. 1, p. 554, n° 11)77.
61– De jure communi. 1266/68. Plaidoirie pour le précepteur de l’Hôpital d’Avignon (Enquêtes d’Alphonse de Poitiers, p. 273, n° 119/2). De j. c. res emphiteotice non possunt tranferri in milites nec in fortiores personas vel majores 78(le comte ayant confisqué ce bien il doit donc s’en séparer, il est fait droit au précepteur).
62– Jus commune*. 1266. Pontoise. A l’occasion d’un procès le maire et les pairs déclarent n’avoir pas d’usus mais eis non nocebat cum jus commune et bonum commune habeant pro se. Et le Parlement interprète strictement le privilège mis en avant par les défendeurs, intellecto insuper quod carta ipsa continebat quasi jus iniquum (Olim, t. 1, p. 659, n° 1).
63– Jus commune. 1267. Il s’agit de la prétention du comte de Blois à confisquer les biens des bâtards, cum pro se jus commune habebat (BOUTARIC, Actes du parlement de Paris, t. 1, n° 1121 = Olim, t. 1, p. 668, n° 10).
64– Jus commune*. 1269 Le comte de Blois réclame la garde d’une abbaye quant ad se de jure communi pertinere dicebat (Olim, t. 1, p. 309, n° 13. DIDIER (N.), La garde des églises au XIIe siècle, Paris 1927, p. 55, n. 21).
65– Jus scriptum. 1269. Coutume de Louhans (Bourgogne, au sud-est de Chalon), art. 46 : le droit écrit sera supplétif (HILAIRE (J.), La vie du droit, Paris 1994, p. 16479).
66– Jus commune*. 1269. Sens. Un malfaiteur est pris et on découvre qu’il est aussi meurtrier. Le seigneur dont il tenait les biens veut exercer sur eux la commise mais le bailli veut qu’ils reviennent au roi de jure communi en raison de sa haute justice, le seigneur les obtient cependant car il a un privilège du roi ; il produit le document. Le privilège l’emporte donc normalement sur le droit commun (Olim, t. 1, p. 780, n° 25).
67– Jus scriptum. 1270. Agenais (Enquêtes d’Alphonse de Poitiers, n° 494, p. 349-350). Réponse aux barons d’Agenais qui demandent à être jugés par la coutume et non per jura canonica vel civilia : videtur consilio domini comitis quod cum publice utilitatis jus servari, presertim cum jus scriptum sit finitum et certum et consuetudines quandoque dubie et incerte (on admet cependant les coutumes justes, raisonnables et notoires).
68– Jus scriptum. 1270. Réponse aux barons de l’Agenais qui demandaient à être jugés selon le droit coutumier (Olim, t. 1, p. 846, n° 21. HILAIRE (J.), La vie du droit, 165).
69– Jus commune 1270. Les hôtes du Temple de Paris résidant hors des murs sont taxés pour une aide au roi. Les Templiers protestent, réponse du procureur du roi : les hôtes sont dans la haute justice du roi et n’ont pas de privilège par lequel ils pourraient s’appuyer contra jus commune regis (Olim, t. 1, p. 843, n° 13, AUGUSTIN (J.-M.), « L’aide féodale levée par saint Louis et Philippe le Bel », MHDB, t. 38, 1981, p. 74).
70– Jus commune*. 1271. Bourges. Réclamation aux citoyens de Bourges : petebatur pro domino rege tamquam jus suum et de jure communi sibi debitum a civibus Bituricensis auxilium pro milicia domini Philippi […] et pro maritagio regine Navarrie (Olim, t. 1, p. 848, n° 28). Les gens du roi répondent aux gens de Bourges qui refusent de contribuer en invoquant la regni consuetudo generalis, contre laquelle il faudrait un speciale privilegium.
71– Jus commune*. 1271. Procès entre le chapitre de Noyon et Julien de Péroné sur la justice des voies publiques de Montaucort : Julien invoque en sa faveur le jus commune. Le Parlement, subposito eciam quod dominus Julianus habebat pro se jus commune et que le chapitre n’avait pas apporté de preuves qui puissent faire que tollatur jus commune cui super hoc innititur dominus Julianus (Olim, t. 1, p. 378, n° 7, BOUTARIC, Actes du Parlement, t. 1, n° 172180).
72– Jus commune. 1272. Le comte de Blois obtient le droit de bâtardise à Blois et Romorantin Presertim cum jus commune et usus suus in utroque loco fecerat pro dicto comite (Olim, t. 1, p. 913, n° 78-79. HILAIRE (J.), « Autour de l’appel », p. 160, n. 10).
73– Demum quia de jure communi ad dictum comitem spectabat hec justicia. 1273. L’affaire concerne le port d’armes que le comte de Sancerre prétendait avoir en raison de sa pleine juridiction à l’encontre du bailly de Berry (Olim, t. 1, p. 932, n° 23, PERROT (E.), Cas royaux, p. 164, n. 1).
74– « Par droit commun, par usage, par maniemenz et par lestres […] Par droist escrit et par coustume de pays ». 1268-1274. Défenses du comte de Champagne contre un achat par le chapitre de Saint-Martin de Tours à Chablis81.
75– « Droict escrit ». 1277. Ordonnance sur l’instruction des procès, art. 9 : « li advocats ne soient si hardis d’eus mesler aleguer droict escrit la ou coustumes aient lieu, mais usent de coustumes » (Ord., t. 11, 354. ISAMBERT, 2, 662). Publ. aussi par LANGLOIS (Ch. V.), Textes relatifs à l’histoire du Parlement depuis les origines jusqu’en 1314, Paris, 1888, p. 96 (n° 72, § 982).
76– Auditorium juris scripti. Janvier 1278. Ordonnance où apparaît la première mention de l’auditoire de droit écrit du Parlement (§ 17, 23, LANGLOIS (Ch.-V.), Textes, p. 95). Apparaît jusqu’en 1343 (Actes du P. de Paris, Parlement criminel, Règne de Philippe VI de Valois, Paris 1987, n° 4141, 4098A).
77– Jus commune*. 1278. Affaire de garde d’église au comté d’Alençon : le prieur invoque un privilège royal, le comte dit qu’il a omnimoda jurisdictio, de jure communi garda et ressorto predicti prioratus (BOUTARIC, Actes du parlement de Paris [= DELISLE (L.), Essai de restitution], t. 1, p. 345, n° 292*, cité par DIDIER (N.), La garde, p. 51, n. 2).
78– Jus scriptum. 1278. Réponse du roi à certains points de droit soumis par la curia regis : recurri volumus ad jus scriptum nisi quid agi debeat consuetudo declaret (ISAMBERT, t. 2, p. 655).
79– Jus. 1279. Ordonnance de Philippe le Hardi envoyant une délégation de son conseil dans les sénéchaussées du Midi (Ord., t. 12, p. 325. ISAMBERT, t. 2, p. 665-666, n° 261) : pro querelis […] audiendis […] terminandis secundum quod jus et equitas suadebunt.
80– Jus commune et jus proprium*. 1281. Affaire de monnaie contre l’évêque de Cahors. Les habitants invoquent pour eux la coutume, le procureur de l’évêque dit que celui-ci peut interdire les vieilles espèces de suo jure proprio et etiam de jure communi. Les habitants invoquent à nouveau le longevum usum et antiquam consuetudinem et perdent (Olim, t. 2, p. 186, n° 45).
81– Jus commune*. 1281. Contre le précepteur du Temple le roi déclare quod de jure communi ad ipsum pertinent entende, exitus et expletamenta que percipiuntur ex delictis et forisfactis punitis per curiam suant (Olim, t. 2, p. 193, n° 16).
82– Jus commune*. 1282. Entre le chapitre de Brive et les habitants qui prétendent former une communitas et faire serment de fidélité au roi. Le chapitre répond que omnia supradicta ad dictam ecclesiam de jure communi pertinet tanquam ad dominant dicte ville et omnia alia de jure communi ad dominium pertinere possunt ratione dominii, ut jus preconizandi… (DELISLE (L.), Essai de restitution, p. 375, n° 496).
83– Jus scriptum, jus commune. 1285. Consultation pour les ecclésiastiques et nobles du Rouergue qui refusaient de payer l’aide pour la chevalerie du fils de Philippe le Bel : on rappelle que la sénéchaussée est régie par le droit écrit et que de jure communi scripto libertas cuique presumitur. Le passage de la Summa de libellis de Roffredus sur les aides est expressément repoussé car dans son texte il n’allègue aucun canon ni loi et qu’il n’était ni prince ni législateur83.
84– Jus scriptum. 1286. Affaire des appels dans les possessions du roi d’Angleterre en Aquitaine (Olim, t. 2, p. 37, 40, 41, 58, 59).
85– Jus scriptum. 1287. Arrêt du parlement prescrivant l’enquête par témoins séparés en Agenais (Olim, t. 2, p. 268).
86– Jus commune*. 1289. A propos de la garde des églises à Tonnerre (pays de droit coutumier [Yonne]) : et de jure communi et usu comitatuum et baroniarum in Francia, ecclesie et abbatie […] sunt in gardia et justicia et superioritate et ressorto comitum et baronum selon la comtesse de Tonnerre. Les religieux invoquent aussi le jus commune dans leur réplique (BOUTARIC, Actes du parlement de Paris [= DELISLE (L.), Essai de restitution], t. 1, p. 419- 420, n° 702*, cité par DIDIER (N.), La garde, p. 51, n. 2)84.
87– Ratio juris. 1290. Arrêt du Parlement : Et sine dubio tam advocati curie... quant alii jurisperiti dixerunt quod propter rationem juris et consuetudines curie allegatas (BEC, t. 50, 1889, p. 43).
88– Jus commune. 1292. Mémoire (de Guillaume de Nogaret ?) au roi sur les droits des évêques de Maguelone : Et sic, tam de jure communi quam ex privilegio predicto […] episcopus habet plenam jurisdictionem (éd. par GOURON (A.), RH, 299/1, 1998, p. 45).
89– Jus scriptum. 1294. A propos de l’hypothèque de la femme mariée (MARTIN-CHABOT (E.), t. 28, n° 147).
90– Jus commune. 1296. A propos de biens non amortis en Champagne : enquête (en vertu sans doute de l’ordonnance de 1291) : les clercs se pourvoient en Parlement pour nier la compétence du tribunal laïc et invoquer la prescription. Réponse des enquêteurs sur la prescription : prescriptionem locum contra functiones publicas non habere, elle n’est pas valable de jure communi et de plus elle n’est pas admise par la coutume de Champagne contre le comte (Olim, t. 2, p. 409)85.
91– « Par droit ». 1297. Protestation de Guillaume Barrot contre une sentence du duc de Bourgogne, contraire au droit avec renvoi au Digeste et au Code86.
92– Jura tam canonica quant civilia. 1298. Lettre des prélats de la viguerie de Béziers pour empêcher l’érection d’une viguerie à Pézenas ; Béziers est plus indiqué car on y enseigne le droit canonique et civil et qu’il y a jurisperitorum habundancia (HGL, t. 9, p. 210, et t. 10, c. 355).
93– Jus commune et jus civile. 1303. Grande ordonnance de réforme de Philippe le Bel (ISAMBERT, t. 2, p. 780, art. 59)87. Ordinatum etiam quod si alique persone provinciarum que jure communi reguntur in parlamento nostro causas habeant que jure scripto debeant terminari sententia diffinitiva ipsarum secundum jus scriptum feratur.
94– Jus commune. 1310/11. Procès de Périgueux, mémoire en faveur du roi de France, il s’agit de supériorité et de droit féodal (CHAPLAIS (P.), Essays in medieval diplomacy and administration, Oxford 1981, n° III, p. 7, n. 8).
95– Jus scriptum. 1311. Affaire d’appel en Parlement (Olim, t. 3/1, p. 636- 637).
96– Jus scriptum. 1312. Procès en Parlement, d’une affaire du Périgord : secundum consuetudinem terre Ruthenensis que regitur jure scripto (Olim, t. 2, p. 781. Voir aussi p. 436, 454, 557, n° 3).
97– Jus civile. 1312. Ordonnance de Philippe le Bel pour le studium d’Orléans : Litterarum studium in utroque jure, ac presertim in jure civili laudabiliter viguerit ab antiquo (Olim, t. 2, p. 582-584, n° 14).
98– Jus commune. 1312. Procès en Parlement, affaire féodale à Senlis : Nedum de jure communi sed de consuetudine patrie pertineant (Olim, t. 3/2, p. 744, n° 27)88.
99– Jus commune*. 1314. Le roi de France ne fait hommage à personne. La cour accepte la requête attendu que tam de ratione ac jure communi 89quam de consuetudine Francie notoria et generaliter in similibus casibus observata. (Olim, t. 2, p. 616, n° 15).
100– Jus commune, jus scriptum. 1314. Accord entre l’évêque de Mende et le sire de Mercœur dont la terre sera régie par le droit écrit. Si vero agatur personali actione [vel] civili vel ratione delicti aut contractus servetur super hoc jus commune (JACOTIN (A.), Preuves de la maison de Polignac, t. 1, 1898, p. 363, n° 380, témoin Petrus [Jacobi] de Aureliaco, legum doctor, officialis). – Jus commune*. 1314. Le comte de Nevers a été condamné pour lèse-majesté tam de ratione ac jure communi quam de consuetudine Francie (Olim, t. 2, p. 616-617, n° 5).
101– Jus scriptum. Jus commune. 1315. Charte aux Bourguignons et aux Foréziens. Art. 28 : pour l’appel on jugera secundum jus scriptum et bonas consuetudines patrie. Article 31 : sur la juridiction sur les lieux sacrés, les chemins et les fleuves publics, on enquêtera et on s’en tiendra au jus commune si on ne trouve rien en faveur des seigneurs justiciers (Ord. t. 1, p. 572, ISAMBERT, t. 3, p. 84). Art. 19, à propos de l’appel : volumus stari juri communi, nisi illi qui consuetudinem allegaverint illam probent (cité par VIOLLET (P.), Établ. de saint Louis, 1, 64, PERROT (E.), Les cas royaux, p. 215, n. 290, Ord., t. 1, p. 571, ISAMBERT, t. 3, p. 82). Un certain nombre d’articles font aussi renvoi au jus, jus et consuetudo (13,19, 20, 30).
102[ – « Selon le droit de nature ». 1315. Ord. portant affranchissement des serfs du domaine (ISAMBERT, t. 3, p. 102-104).]
103– « Droit ». 1315. Définition des droits royaux : « que la royale majesté est entendue ès cas qui de droit ou de coutume püent et doivent appartenir à souverain et à nul autre » (ISAMBERT, t. 3, p. 119).
104– Jus commune*. 1316. Montlhéry. Tam de jure communi quam de usu et consuetudine patrie notoriis et approbatis […] juxta jus […], consuetudinem, saisinam et usum. Visis et attentis jure communi et saisina […] (Olim, t. 3, p. 1097, n° 32).
105– Jus scriptum. 1318. Affaire en Parlement pour Clermont d’Auvergne (Olim, t. 2, p. 1419).
106– Jus commune. 1319. Chartes aux gens de Périgord et de Quercy (ISAMBERT, t. 3, p. 225, art. 12). À propos des subsides : ne devront que les subsides accoutumés depuis longtemps et dans les cas où de droit commun ils ne doivent pas être dispensés (il y a donc bien opposition droit coutumier/commun). Concessimus […] quod subditi dictorum nobilium… non compellantur ad solvendum nobis aliquod subsidium […] nisi in casu a quo de jure communi non deberent immunes haberi.
107– [droit romain.] 1323. Trois frères sont admis à prouver leurs défenses conformément au droit romain régissant le pays (bailliage de Mâcon) (BOUTARIC, Actes du parlement de Paris, t. 2, p. 522, n° 7216, analyse seule d’après Jugés, I, fol. 320r).
108– « Droit écrit ». 1333. Refus des habitants de la sénéchaussée de Carcassone pour contribuer à la chevalerie du fils du roi (HGL, t. 9, p. 467- 468). Mention seulement, semble très proche de la consultation de 1285.
109– Ratio communis, jus civile. 1341. Procès en Parlement sur la succession de Bretagne, sentence au nom du roi : et per consequens de ratione communi, usu et observantia notoriis regni nostri […] Pluresque alie consuetudines et facta necnon et rationes juris divini, naturalis, moralis, canonici et civilis proponebat idem comes […] (MEIJERS (E.-M.), Études d’histoire du droit international privé, Paris 1967, p. 116-118, p. 118).
110– « Droit commun royal ». 1344. Arguments du procureur du roi au bailliage d’Amiens contre les religieux de Saint-Josse à propos du droit sur les rivages de la mer (BN, ms. fr. 16650, fol. 3391).
111– « Loys ». 1345. Ordonnance additionnelle sur le Parlement, art. 13. Au conseil, « nul ne doit alleguer loys, canons ni decret se demandé ne lui est par le presidens et aussi se ce n’est pure matière de droit » (ISAMBERT, t. 4, p. 502-503).
112– « Droit écrit ». 1347. Ordonnance de Philippe VI reconnaissant que le Midi est de droit écrit (HGL, t. 9, p. 620). Mention seulement.
113– Jus et ratio communis. 1355. A propos de la sauvegarde des mineurs qui appartient au roi tam de jure et ratione communi quant usu et consuetudine patriarum Pictavie et Andegavie predictarum notoriis (PERROT (E.), Cas royaux, p. 128).
114– De jure communi. 1366. Dicta regina, Adam, procurator noster […] dicebant omnes suos officiarios […] de jure communi in nostra protectione et salva gardia speciali existera. Arguments de la reine de France à propos d’infraction à la sauvegarde royale (PERROT (E.), Cas royaux, p. 102, n. 3).
115– Jus, jura. Août 1374. Ordonnance92 sur la majorité du roi de France (Ord., t. 6, p. 26-32. ISAMBERT, t. 5, p. 415-423).
116– « De la raison escrite et naturelle la mère a meilleure et plus tendre amour a ses enfants ». 1374, août. Ord. sur la tutelle royale (BABEAU (A.), « Les préambules », p. 15, n. 2, renouvellement de 1392).
117– « Droit commun* ». 1375 (PETOT (P.), « Le droit commun » p. 424, n. 52). Plaidoirie en Parlement : dans les procès de liberté, « franchise […] est de droit commun ».
118– « Droit commun ». 1386. « Duquel cas de droit commun la cognoissance appartient aux haulz justiciers ». Plaidoirie en Parlement dans une affaire de fausse monnaie (PERROT (E.), Cas royaux, p. 365).
119– Jus commune, id est ordinaciones regias*. Apr. 1380. Procès en Parlement. Allégation contre un chevalier qui, ayant reçu des hommes de l’archevêque de Reims au mépris des ordonnances sur les bourgeoisies (de 1287 et 1303) invoquait la possession pour sa défense. Il lui est répondu que cette posesion ne peut valoir, quia possessio, cum sit contra jus commune, id est contra ordinaciones regias (PETOT (P.), p. 419)93.
120– « Si auroit acquis domicile par raison escripte » 1386 (OLIVIER-MARTIN (F.), « Notes d’audience », n° 43, n. 43).
121– « Raison, Loy ». 1386 (OLIVIER-MARTIN (F.), « Notes d’audience », n° 70, n. 70).
122– « Droit commun ». 1386 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 63, n. *94). « L’eveque est fondé de droit commun et puet faire pranre un clerc ». Ici l’expression ferait plutôt allusion au droit canonique.
123– « Droit commun ». 1386 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 75, n. *). « Le procureur du roi dit que en pays coustumier, de droit commun, qui renonce dedans VIII jours qu’il doit LX sols ».
124– « Droit commun ». 1387 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 105, n. *). « Dit l’evesque qu’il est fondé de droit commun […] » (répété trois fois dans la plaidoirie de l’avocat de l’évêque d’Amiens).
125– « Raison escrite ». 1389. Arrêt d’un procès en Parlement (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 182, n. *). Plaidoyer du procureur du roi : « Premièrement que de raison escrite, par usage, par les ordennances royaux et par la coustume il ne leist a aucuns user de fait d’armes » (et renvoi à D 4, 2, 13 et 8, 4, 7). Hiérarchie des sources au reste très classique où la raison écrite arrive en premier et n’est donc pas supplétive.
126– « Droit commun ». 1389. L’évêque du Mans prétend connaître d’une exception d’excommunication de droit commun (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 188, n. *).
127– De jure communi. 1390. L’évêque de Paris assurait que de jure communi ad ipsum spectabat visitatio omnium ecclesiarum dicte sue diocesis (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 203, n. *).
128– « Droiz escrips ». 1390. Résumé de plaidoirie en Parlement (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 210, n. *). Affaire de rente à Douai : « et allegue droiz escrips a ce propos ».
129– « Raison escrite ». 1390 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 216, n. *). « Torny dit qu’il est chevalier et par raison escrite il puet ignorer les drois et stiles […] ». Les défendeurs répliquent « et dient que Tourny est licenciez es loys, si ne puet ignorer le droit ».
130– « Droit commun. Raison escrite ». 1390 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 219, n. *). Mêmes expressions que question 105, de 1387 (d. c. revient trois fois).
131– « Raison escrite ». 1390 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 221, n. *). Affaire entre la seigneur de Montmorency et le procureur du roi sur une saisie de poissons. « Car par raison escrite il est loisible a un seigneur pranre pierres ou gens de son subjet lui contredisant »95.
132– « Droit commun. Raison ». 1390. Lettre de jussion du roi sur le refus du procureur du roi au Parlement d’enregistrer un privilège en faveur de N.-D. de Paris qui permettait d’aller en première instance aux Requêtes du Palais, « disant entre autres choses qu’elles sont octroyées contre droit commun et au préjudice de nous et de la chose publique […] et contre les ordonnances royales ». Le Parlement accepte sous réserve des droits royaux qui appartiennent au roi « par raison, coutume et usage » (AUBERT (M.), Compétence du Parlement, p. 224 = ISAMBERT, t. 6, p. 703-708).
133– Jus commune. 1390 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 223, n. *). Ipse (= episcopus Parisiensis) quantum ad detentionem dicti Petri habendam fundatus erat de jure communi (la cour suit cette argumentation).
134– « Par raison et par l’usage ». 1391 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 243, n. *). Le procureur du roi dit qu’un bailli ne peut alléguer sa cléricature pour décliner la compétence du Parlement : « si ne s’en peut aidier par raison et par l’usage ».
135– « Les drois. Droit commun ». 1392 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 254, n. *). L’évêque de Paris dit qu’il peut faire appel au bras séculier « et aussi le dient les drois. L’evesque dit qu’il est fondé de droit commun de prendre en sa jurisdiction esperituelle son subject […] et n’est pas le roi fondé de droit commun contre l’archevêque de Sens et est l’arrest contre droit commun » (l’expression se rencontre encore une fois plus loin).
136– « Droit commun ». 1392 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 271, n. *). Entre les religieux de Saint-Denis et le procureur du roi : « Reppliquent les religieux qu’ilz sont fondez de droit commun car les débiteurs sont en leur jurisdiction ».
137– « Raison ». 1392 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 274, n. *). Affaire de donation nulle. Le procureur du roi dit qu’elle est nulle aussi bien en pays coutumier qu’en pays de droit écrit, « et ne vault rien par raison » (et renvoi à la loy Post contractum [D. 39, 5, 15]).
138– « Contre droit commun ». Juin 1392. Lettre de jussion au Parlement reprenant les termes de son refus « disant entre autres choses qu’elles sont octroyées contre droit commun et au préjudice de nous et de la chose publique […] et contre les ordonnances royales ». ISAMBERT, 6, p. 70496. Voir supra lettres de jussion de 1390.
139– « Par raison et coutume ». 1393 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 268, n. *) : « La main des commissaires fu tellement liée par raison et coustume qu’ils ne povoient depuis expleter, combien que en pais de droit écrit l’en doie attendre l’inhibitoire » (affaire entre le chapitre de Brioude et le bailli de Saint-Pierre-le-Moustier).
140– « Raison ». 1393. (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 331, n. *). L’expression apparaît quatre fois à la suite et désigne autant le droit canonique que le droit civil.
141– « Droit commun, droit civil ». 1393 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 284, n. *). Entre l’évêque de Paris et le procureur du roi sur une affaire de prise de clerc en vertu de la juridiction spirituelle : « Ne l’evesque ne propose pas formelle defense qui feust faite au prevost et si n’est pas fundé de droit commun, mais la decretale Sententia [X 2, 27,1] sur le temporel de l’evesque, et si est la jurisdiction seculiere avant les drois canonies qui ne sont que positifs […] ». Le procureur du roi avait aussi auparavant allégué « la loy » (= D 49, 5, 7), et les « drois canons » (= X 4, 17, 5, X 2, 28, 7). L’évêque de Paris réplique en invoquant le Décret, les Décrétales, le Sexte, des ordonnances royales de 1318 et précise que le roi n’est pas fondé « de droit commun » en cette affaire. Plus loin le procureur du roi soutient que l’évêque « de droit civil, n’a point de prise » et invoque aussi les Décrétales (et même la glose et les docteurs) et le Sexte puis poursuit : « Et si est question du droit du roi de France qui ne recognoit point de souverain en terre au temporel et de qui l’evesque tient et qui est fondé de raison en ce fait et de droit commun » (un peu plus loin : « par raison et usage ».
142– « Raison. Droit commun ». 1393 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 298, n. *). Affaire de succession d’un clerc bâtard. Réponse de l’évêque du Mans contre le seigneur : « Et dit que quant aucun sanz heritier meurt, de raison l’heredité est vacant […] Dist que la recreance lui appartient car son usage n’est point contre droit commun ». Le sire de Laval rétorque en invoquant la coutume car on est en pays coutumier : « car en pais coustumier ce n’a pas lieu pour ce que le mort saisist le vif ».
143– « Droit commun ». 1393 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 301, n. *). Mais l’affaire concerne l’évêque de Carcassonne. « Et il a droit commun qu’il propose […] et il est en pais de droit escript ou ceste raison97 n’a point de lieu ».
144– « Jus commune, ratio, equitas ». 1393 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 306, n. *). Affaire de succession contestée à un enfant légitimé : « Et ob hoc talibus litteris contra jus commune, rationem et equitatem obtentis […] ». L’affaire est complexe et se passe en pays de droit écrit.
145– « Droit commun. Raison écrite ».1394 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 319, n. *). Procès des Hospitaliers de Rodez demandant que leur soient rendus des prisonniers détenus au Châtelet « L’évesque du Puy dist que lui et les aultres evesques sont fondez de droit commun tellement que l’evesque n’est tenu d’obeir a leur privilège […] ». Les religieux répondent « primo par raison escrite […] et est pour eulx le droit commun en ce, contre les prelas ».
146– « De droit commun. 1394 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 324, n. *). Procès en Parlement, réplique du chapitre de Langres contre l’évêque à propos d’une affaire d’amortissement : « Repliquent chapitre qu’ilz sont fondés en droit commun […] Et dist oultre que la coustume qu’allegue l’evesque [est] contre droit commun et est venir contre l’utilité de l’Eglise, et si eust tollerance du roi »98.
147– « Raison ». 1394 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 329, n. *). Suppression pour la Picardie du refus du témoignage des femmes, dans les procès civils et non seulement au criminel, sauf les cas où elles peuvent être récusées « par raison ou par coutume ». En revanche, dans sa questio Jean Le Coq précise que cette suppression est intervenue quod erat contra jus civile quia eo jure in utroque admittentur.
148– « Raison ». 1393 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 330, n. *). Peut-on instituer héritiers des Mendiants ? « De raison, un religieux ne peut rienz avoir... » (l’expression de ou par raison revient quatre fois).
149– De jure communi. 1395 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 335, n. *). Affaire de saisie de clerc par l’évêque de Paris : Cum ipse Parisiensis episcopus de jure communi sit fundatus.
150– « De droit commun. De droit civil ». 1396 (BOULET (M.), Quaestiones Johannis Galli, n° 378, n. *). Affaire de saisie de laïc par l’archevêque de Reims contre le duc de Bourgogne : « Le procureur du roi dist que le roy est fondé de droit commun sur les lais ». Le procureur du duc « dist que l’intention du duc est fondée en la prinse de droit commun et de droit canon » et renvoie à Grat. C. 11, q. 1, 18, et à X 2, 1, 10. « Le procureur du roy dist que de droit civil […] et allegue l’auctentique Ut judices sine quoquo suffragio (Nov. 8).
151– « Droit commun ». 1426 (KRYNEN (J.), « Note sur Bodin », p. 64). Plaidoirie en Parlement : « Dit que l’évesque [de Nantes] voult de son temporel fere un royaume. Dit que c’est un trop grant outrage car il n’a ne peut avoir souveraineté. S’il dit que souveraineté lui appartient dit que non, de droit commun, selon les lois, les drois et selon les ordonnances royaux ».
Notes de bas de page
1 Cet article est né d’une conversation avec Manlio Bellomo à Erice, en avril 1996. Comme il me faisait remarquer que les historiens français répugnent à employer l’expression jus communeou droit commun, j’avais répondu que l’expression avait un autre sens au Moyen Âge en France, comme l’avait démontré P. Petot ; puis, rentré en France, j’ai commencé à relever, par acquit de conscience, quelques emplois de jus commune et mes certitudes ont été ébranlées.
MAYALI (L.), « Mythes et réalités de la renaissance juridique au douzième siècle », El dret comú i Catalunya. III, Barcelone 1993, p. 187-202 ; BELLOMO (M.), « Parlando di jus commune », RIDC, t. 5, 1994, p. 187-195 ; PENNINGTON (K.), « Learned law, Droit savant, Gelehrtes Recht : the tyranny of a concept », ibidem, p. 197-209 ; MAYALI (L.), « Jus civile et jus commune », dans ce Congrès même ; CORTESE (E.), « Agli arbori del concetto di diritto commune in Italia », et CRESCENZI (V.), « Diritto comune : analisi di un concetto, struttura di una esperienza », Congrès El dret comú i Catalunya. VIII, Barcelone, mai 1998 ; NEVE (P.), « Droit commun, un terme ambigu », conférence à la Société d’hist. du droit, Paris, avril 1999.
2 RIGAUDIÈRE (A.), « La pénétration du vocabulaire édictal romain dans les coutumiers du nord de la France aux XIIIe et XIVe siècles », El dret comú i Catalunya. vi, Barcelone 1997, p. 180-183 ; GOURON (A.), « Le « droit commun » est-il l’héritier du droit romain ? », Journal des savants, 1999, s. p.
3 ARABEYRE (P.), art. cité infra, p. 272.
4 Pour les laïcs, voir GRIFFITHS (Q.), « New mens among the lay counselors of saint Louis’ Parlement », Medieval studies, t. 32, 1970, p. 234-272. Pierre de Fontaines est l’un d’entre eux : « Les origines et la carrière de Pierre de Fontaines », RHD, 1970, p. 544-567.
5 Le studium d’Orléans ne commence à donner de nombreux conseillers au Parlement que du temps de Philippe III le Hardi (1270-1285). Voir VULLIEZ (CH.), Des écoles de l’Orléanais à l’Université d’Orléans (Xe-déb. XIVe s.), thèse dactyl., Paris 1993. Voir en particulier, t. 3, « Les hommes du studium juridique orléanais et les problèmes de l’établissement d’une « liste des personnels » universitaires au XIIIe s. », p. 1339-1468.
6 Sur l’œuvre, GIORDANENGO (G.), « Législation pontificale et science politique dans le Speculum doctrinale de Vincent de Beauvais (mil. du XIIIe s.) », Papauté, monachisme et théories politiques. Mél. M. Pacaut, Lyon 1994, p. 71-78.
7 HGL, t. 8, c. 1440-1445. Quod, licet de consuetudine gallicana aliter observetur, quia tamen terra illa regi consuevit, ut dicitur, et adhuc regitur jure scripto. Il faut traduire ut dicitur non pas « dit-on » mais « il est sûr que » ou « il est établi que ».
8 Ce qui n’empêche pas la question d’être rappelée sans cesse, par exemple dans le Songe du Vergier (1378).
9 Bien entendu le relevé ne saurait être complet. Les premiers registres du Parlement sont de ce point de vue essentiels. Je me suis limité aux frontières du royaume au XIIIe siècle, je n’ai donc pas inclus le Dauphiné et la Provence rattachés à la France aux XIVe et XVe siècles et qui sont alors soumis à l’Empire (l’expression jus commune s’y rencontre fréquemment au XIVe s. mais elle est plus rare au siècle précédent).
10 Jus commune est d’ailleurs l’expression la plus rare, jus scriptum et jus civile sont plus courants (mais ne prêtent pas à discussion).
11 GOURON (A.), « Le « droit commun », p. 1.
12 Pas plus que l’expression Jus scriptum qu’A. Tardif et É. Chénon (Mél. Fitting, t. 2, p. 195-212) croyaient plus neutre et employée à dessein pour éviter jus romamim ou Romanorum (au reste très rare tant en France, voir infra, qu’ailleurs).
13 PÉZARD (A.), Dante sous la pluie de feu, Paris 1950, p. 176, n. 2, 177.
14 De consuetudine (v. 1290-1291), éd. PISSARD (H.), Essai sur la connaissance et la preuve de la coutume, Paris 1910, p. 188-197.
15 Mais je n’ai pas retenu son oncle malgré le succès immédiat du Speculum judiciale.
16 GODEFROY (Fr.), Dictionnaire de l’ancienne langue française, t. 6, 1892, p. 453-454 (plus ancien ex. 1276) et t. 10, 1902, p. 443-444 ; WARTBURG (W. von), Französisches etymologisches Wörterbuch, t. 9, 1959, p. 506-507 ; TOBLER-LOMMATZSCH, Altfranzösischen Wörterbuch, t. 7, 1969, p. 2035-2038. Le coutumier d’Artois (1282- 1302) emploie « public, publike ».
17 PETOT (P.), art. cité, p. 415, n. 15, avait donné quelques exemples tirés des ms. des traductions du Digeste.
18 PENNINGTON (K.), « Lotharius of Cremona », BMCL, 20, 1990, p. 43-50 (= Popes, canonists and texts, 1150-1550, Aldershot, 1993, n° 14).
19 Ce texte est d’ailleurs la traduction d’un original latin ; sur l’affaire elle-même, voir RICHARD (J.), Saint Louis, Paris, 1983, p. 329-339 (et bibl. p. 591).
20 Bien qu’il ait intitulé son article « Le droit commun selon les coutumiers », il a utilisé plus largement encore les Olim, et c’est sur eux qu’il a surtout appuyé sa démontration. Voir plus bas le début du passage consacré aux coutumiers.
21 On pourrait y rattacher l’affaire de sauvegarde royale de 1366.
22 On peut comprendre droit commun en faveur du roi (ou avancé par le roi). Voir plus bas exemple de 1344.
23 Voir l’édition des passages du Tractatus de libellis de Roffredus concernant le droit des fiefs, Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge et Temps Modernes, 92, 1980, p. 198-200.
24 À rapprocher du « droit de nature » de 1315 pour l’affranchissement des serfs du domaine royal.
25 Dans le cas de lèse-majesté de 1269 la liaison avec le jus scriptum est différente.
26 Autre cas d’opposition en 1316 (Montlhéry) : jus commune/usus et consuetudo patrie notarié et approbate. Autres cas où l’on trouve le jus commune et la coutume : 1272 (Blois), 1281 (Cahors), 1312 (Senlis), 1315 (ch. aux Bourguignons, art. 19), 1389.
27 Je me contente de renvoyer à BEZEMER (K.), What Jacques saw. Thirteenth century France through the eyes of Jacques de Révigny, professor at Orléans, Francfort 1997 (Jus commune. Sonderhefte, 99), p. 12 (citation), 16, et à WAELKENS (L.), La théorie de la coutume chez Jacques de Révigny, Leyde 1984 (Rechthistorische studien, 10), p. 165, n. 4, 182, 319.
28 P. 196, § 13.
29 Voir les extraits publiés par GIFFARD (A.), RHD, 1913, p. 666 (consonat rationi scripte), 674 (jus, de jure communi), 680 (ista tamen opinio est contra jus commune), 683 (quod satis convenit rationi juris scripti). Il oppose la consuetudo au jus (p. 673, 686, 688).
30 Questions n° 55 (p. 69. dans le registre du Parlement il n’y a pas l’expression mais des renvois explicites au Corpus), 120 (p. 145 et 146, le registre emploie « raison escripte »), 203 (l’arrêt du Parlement emploie aussi l’expression), 219 (idem), 284 (p. 351, le procureur du roi emploie l’expression, il y a des allégations du Digeste, du Décret, des Décrétales, du Sexte. On note encore dans la plaidoirie de l’évêque de Paris : « et la glose que met le procureur du roi est détruire le texte » ; à cette époque, il est vrai, l’adage est banal, voir RICHARDS (E.J.), « Glossa Aurelianensis est quae destruit textum : medieval rhetoric, thomism and humanism in Christine de Pizan’s Critique of the Roman de la Rose », Cahiers de recherches médiévales (XIIIe-XVe siècles), 5, 1998, p. 247-263), 306 (le demandeur invoque le droit commun dans sa demande), 329 (erat contra jus civile), 373 (le droit de marque est contra jus commune), 374 (Privilegia fisci et ad solum istum spectancia de jure civtli, avec mention lorsqu’un droit est contra jus commune), 375 (Privilegia regis et ejus filiorum de jure canonico et divino, où le jus commune est le droit canonique) ; il est à remarquer que dans la question 376, droits coutumiers du roi, il y a des renvois au Code, Digeste, Authentiques, Libri feudorum, Décrétales (il est vrai que la lèse majesté est sous ce titre). Voir l’introduction, p. xcviii-cii (M. Boulet note que Jean Le Coq emploie surtout jus ou ratio scripta).
31 PETITJEAN (M.) et MARCHAND (M.-L.), Le coutumier bourguignon glosé (fin du XIVe s.), Paris 1982. Glose : jus commune, p. 193, à propos de la coutume du retrait lignager qu’en accord avec la doctrine orléanaise qu’il connaît bien il estime devoir être restreinte (restringenda), p. 202, 281. Secundum legem Romanorum, p. 256.
32 Je signale seulement le passage assez long de la troisième répétition sur les Décrétales repris dans le Somnium viridarii puis dans le Songe du vergier, toutes œuvres éditées par SCHNERB-LIÈVRE (M.), Évrart de Trémaugon [† 1386], Trois leçons sur les Décrétales [Paris, 1371-1373], Paris 1998 (p. 185-193), Somnium viridarii [1376], Paris, 1993-1995 (t. 1, p. 287-299), Songe du vergier [1378], Paris, 1982 (t. 1, p. 248-257, voir aussi p. 244, 246, 250, 252, 253, 255, 259, t. 2, p. 113, 190).
33 MONTREUIL (Jean de) [1353-1418] n’est pas un juriste mais un artien. Opera, t. 2, L’œuvre historique et polémique, éd. GRÉVY (N.), ORNATO (E.), OUY (G.), Turin, 1975 : Traité contre les Anglais, p. 166 (lignes 143-144 et 162) dont le sens n’est pas toujours net. Les allusions aux droits écrits sont plus nombreuses (p. 134, 166, 167 : « et ce n’est en rien contre droit escript, mesmement en matière de fierz », 168, 171, 172, 191), il s’appuie sur une constitution de Frédéric des Libri feudorum (p. 172) et il estime même que « ladite constitution et ordonnance qui est appellee loy salique qui vint jadis des Ronmains » (p. 168, 209), l’argument est repris par Noël de Fribois : ces deux auteurs anticipent ainsi l’hypothèse de J.-P. Poly.
34 TERRA RUBEA (Johannes de) [† 1430], Tractatus tres contra rebelles suorum regum [1419]. J’ai utilisé l’édition de 1586 des Consilia de François Hotman qui renferme les deux premiers traités, 2e partie, p. 28-62. Jus commune, p. 29, 30, 33… Il emploie plus volontiers des références précises.
35 ROSIER (Bernard de) [1400-1475], Miranda de laudibus Francie [1450], éd. ARABEYRE (P.), « La France et son gouvernement au milieu XVe siècle d’après Bernard de Rosier », BEC, t. 150, 1992 (p. 245-285), p. 268-285. Jus commune, p. 260, 282, cap. 14 : De hiis que sunt cujuslibet regis in regno suo de jure communi (renvois à C., D., Auth., LF). Noël de Fribois et Bernard de Rosier connaissent les arguments de Balde.
36 FRIBOIS (Noël de) [† apr. 1459], Abrégé des chroniques [1459], éd. DALY (K.) et GIESEY (R.), « Noël de Fribois et la loi salique », BEC, t. 151, 1993 (p. 5-36), p. 28-36. Jus commune/droit commun, p. 30 (imité de Jean de Montreuil), autre renvoi au droit des Compilations, p. 33 (§ 13f), p. 34 (§ 14, 15), p. 35 (§ 20, avec renvoi à Balde).
37 Malgré leur forte imprégnation de droit savant, les Établissements de saint Louis n’utilisent pas l’expression « droit commun ».
38 Éd. TARDIF (J.), Paris 1896, t. 2, p. 36, 51-52, 55.
39 Il en est de même dans les « Poines de la duchiée d’Orliens », éd. OLIVIER-MARTIN (Félix), RHD, 1928, p. 437, « Ci parle des communs jugemens », p. 439, « La loi que Julien fist de force commune ou privée » issues du même milieu intellectuel.
40 Éd. TARDIF (A.), Paris 1883, « De raison et de droit commun » (tit. 2, § 3, contrainte par corps). Il emploie aussi « loi escrite » (3, 16), « selon le droit escrit en le Digieste » (t. 3, § 6, t. 48, § 4, 6), « droit escrit » (t. 3, § 18, 33, t. 49, 63) et « loys » (t. 3, § 22, 13, 34, t. 27, 63, restitutio in integrum).
41 P. 74 (2 fois, enfants mineurs), 149.
42 P. 119. Le coutumier de Picardie (1300-1325) utilise une seule fois une expression proche de celui d’Artois : « De droit commun et de droit naturel la saisine est transportée en li [= le fils] » (éd. MARNIER (A.-I.) 1840, p. 11).
43 Éd. PORTEJOIE (P.), Poitiers 1956, chap. 9, 17, 35, 36 (p. 154, 168, 190, 191).
44 Ce serait un exemple de plus d’ordonnance considérée assez vite comme une coutume.
45 TARDIF(A.) est resté sceptique, Les sources, p. 396-403, ainsi que VIOLLET (P.), Histoire du droit civil français, Paris 1905, p. 202.
46 L’Europa del diritto comune, Rome, 1989, p. 117.
47 § 330, 718 (mention des seigneurs de lois), 721, 724.
48 Renvoi aussi aux seigneurs de lois au § 405 à propos du nombre des témoins au testament (2 par la coutume au lieu de 5).
49 On pense à D. 43, 8, Ne quid in loco publico vel itinere fiat (Van Wetter) ou à D. 43, 11 De via publica, 1 et 2.
50 Sur les voies publiques dans le royaume, LEYTE (G.), Domaine et domanialité publique dans la France médiévale (XIIe-XVe s.), Strasbourg 1996, p. 169-170.
51 8 § 348, 1620.
52 Questiones Johannes Galli, question 182.
53 § 520 et 533, § 1627.
54 § 214 (non cité par P. Petot, cité par Van Wetter, p. 549, avec renvoi à C. 3,19, 3).
55 Réponse du roi : la terre de Chablis a été confisquée (forfeite) car elle avait été achetée par le chapitre de Tours sans sa permission, « et ce pout il fere par droist escrit et par coustume de pays ».
56 Ce qui permet de comprendre ce que sont les « lois » du § 7 : « Mais comme nous voyons que l’on suit les coutumes des terres et que l’on abandonne les anciennes lois pour les coutumes... (Mes pour ce que nous veons user selonc les coustumes des terres et lessier les anciennes lois pour les coustumes) ».
57 Beaumanoir cite la « general coustume du pais » (§ 692) mais il s’agit du comté de Clermont ou du Beauvaisis. De même § 693, 695, 697. La « coustume de France » est celle de l’île de France (§ 1780).
58 Mais le rapprochement qu’il fait entre Jostice et plet et la Coutume de Beauvaisis est ténue (p. 540).
59 Les coutumiers bourguignons édités par CHAMPEAUX (E.) (infra), ne comportent que de rares renvois : le § 147, p. 100, n’est que le commentaire d’un arrêt du Parlement (§ 146, cf. infra) : « Possession de droit commun. Item toutes les foiz de droit commun... » (nécessité de prouver la possession par titre) ; le § 152 concerne la saisine (même sujet que le § 147, il faut prouver la saisine par titre). Il y a donc ici fusion du droit commun et des ordonnances royales. Le droit écrit est officiellement droit supplétif pour la rédaction officielle des coutumes de Bourgogne de 1459 : « Nous voulons et ordonnons qu’icelles coutumes... soient déclarées et interprétées selon droit écrit et non autrement » (cité par TRIPPIER (Y.), MHDB, t. 54, 1997, p. 98, n. 2).
60 « Et furent feiz ces establissemenz par grand conseill de sages homes et de bons clers par les concordances des loys et des qanons et des decretales por confermer les bons usages et les bonnes coutumes qui sont tenues u reaume de France seur toutes querelles et seur touz les cas qui i sont avenu le qui chascun jour i aviennent », éd. VIOLLET (P.), t. 2, p. 473.
61 Éd. GIFFARD (A.), RHD, 1913, p. 204.
62 Livre 2, chap. 1, et chap. 2, De droict, éd. de 1603, p. 189,190-191
63 Sa source ne semble pas les frères Maucreux.
64 Éd. citée, p. 108-109, « Qu’est coustume, loy et usage ».
65 PETITJEAN (M.), « Contribution à l’étude de l’enseignement du droit. Le traité de procédure d’Hugues Girard », MHDB, 54, 1997, p. 93, n. 11. Hugues vivait encore en 1549.
66 Plus anciennement on avançait aussi la « résistance populaire » marquée par les renonciations.
67 Du moins à leur avis.
68 GUIZZI (Vincenzo), « Il diritto comune in Francia nel XVII secolo. I giuristi alla ricerca di un sistema unitario », Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, t. 37, 1969, p. 1-46. Aux nombreuses citations de cet article il faut ajouter celle de Charles-François de Lamoignon de Basville (fin XVIIe s.), pour qui « le corps du droit civil romain de Justinien est le droit commun de la France, non seulement du pais de droit écrit mais encore de pays coutumiers », à propos de la question 341 de Jean Le Coq : « Ce qui s’en recueille entre autres choses c’est que pas un de ses moyens n’est tiré de l’autorité d’aucune coutume ni d’aucune ordonnance de nos rois mais seulement de l’autorité du Digeste, du Code et des Novelles... et de quelques chapitres des Décrétales. » (BOULET (M.), op. cit., p. XCIX), et la notice « Droit commun » du Dictionnaire de droit et de pratique de FERRIÈRE (Claude-Joseph de) (éd. de 1762, t. 1, p. 764-766) dont les contradictions sont pleines d’enseignements.
69 VISMARA (Giulio), « Leges et canones negli atti privati dell’alto medioevo : influssi provenzali in Italia », Studia Gratiana, 20, 1976, p. 397-436.
70 Sur ce document, très souvent cité, voir en dernier lieu PENNINGTON (K.), « Lotharius of Cremona », BMCL, 20, 1990, 43-50 (= Popes, canonists and texts, 1150- 1550, Aldershot, 1993, n° XIV).
71 Cité par LEYTE (Guillaume), Domaine et domanialité publique dans la France médiévale, Strasbourg, 1996, p. 192.
72 L’archevêque de Lyon veut juger selon le droit, ce que Jauceran de Lavieu refuse en demandant que l’on juge selon la coutume : quod si de jure sive secundum jura et non potius secundum usagium vel consuetudinem militum sententiaremus, ipsam sententiam non esset aliquatenus auditurus. Nos vero eidem respondimus quod et secundum jura et secundum consuetudinem que tamen juri non esset contraria sententiam proferremus. NEUFBOURG (comte de), « Coutume et droit écrit en Forez », RHD, 1953, 439-444.
73 Layettes du Trésor des chartes, t. 4, n° 3569, p. 645-646 : commission en français donnée par les barons à quatre d’entre eux pour l’exécution de leur traité d’alliance contre les empiètements du clergé (orig.).
74 Pour prendre sa décision, dominus rex consuluit plures fidedignos et jurisperitos qui, habito consilio… et on invoque aussi une coutume laïque selon laquelle on ne peut donner quelque chose dont on n’a pas été saisi.
75 Ce texte a été daté à tort de l’année 1250 dans Ordonnances, 1, p. 62-65, ISAMBERT, 1, p. 258, voir HGL, 8, c. 1440-1445. Ce qui a induit en erreur Chénon (Mél. Fitting) et quelques autres.
76 L’astérique signale les documents cités par Pierre Petot.
77 Guillaume invoque la possession trentenaire mais l’abbé prouve par des chartes royales que l’abbaye possédait la justice bien avant ces trente ans.
78 C’est effectivement une règle que l’on rencontre énoncée dans un certain nombre de concessions en accapte ou en emphitéose, elle ne provient pas du droit des compilations. PINATEL (J.), L’emphitéose dans l’ancien droit provençal, Marseille 1938.
79 CANAT (M.), Documents inédits pour servir à l’histoire de Bourgogne, Chalon, 1863, 1, 108). Voir aussi le cas des coutumes citées par CHEVRIER (G.), « L’originalité du droit franc-comtois », TRG, t. 37, 1959, p. 1-35 (« Usages et coutumes des autres villes […] ou le droit écrit si mieux leur plait ». Orgelet, 1266, Claivaux, 1304, Champagnole, 1320, La Chaux du Dombief, 1336, Saint-Amor, s. d.).
80 Note de Boutaric : « Le droit commun [était] un droit non écrit, rationnel, s’appuyant sur des principes ».
81 COQ (D.), Documents en langue française antérieurs à 1271 (Aube, Seine-et-Marne et Yonne), Paris 1988, p. 129-130 (orig.).
82 Le texte est ici : « Nus advocaz ne s’entremete de alleguier des droitz* ou les coustumes auront leu, ainz useront des coustumes » (*variante : « droit escrit »).
83 BROWN (E.), Customary aids and royal finances in capetian France. The marriage aid of Philip the Fair, Cambridge (Mass.), 1992, p. 59-60, et éd. p. 227-229.
84 Dans une affaire semblable le comte de Bologne, en 1317, invoque seulement la consuetudo generalis (Olim, 3/2, p. 1147-1148, n° 60).
85 On rencontre aussi les expressions De communi ratione, prout rationis esset et juris.
86 La cédule du duc « ne vault par droit quar drois dient que juges doit solemant pronuncier de ce que il cognoist ne ne doit espandre outre. Que ce soit voirs il est provez ff. De jud., 1. De qua re cognovit judex (D. 5, 1, 74) et De ord. jud....», CHAMPEAUX (E.), Les ordonnances des ducs de Bourgogne sur l’administration de la justice du duché, Dijon 1908 (repr. Genève 1978), p. lxvii, n. 1. Champeaux ajoute, n. 2, « Ce texte nous prouve que c’est le droit romain qui est le droit commun en Bourgogne dès l’année 1299 », voir aussi p. lii où il fait allusion au droit commun, mais sans fournir d’exemple autre que la charte de 1315 (cf. injra).
87 Laurière, repris par Isambert, note que le droit commun semble ici opposé au droit écrit. PETOT (P.), « Le droit commun », p. 421, n. 39, assure que l’expression jus commune désigne ici le droit commun coutumier, opposé au droit écrit. Comparer avec le commentaire du P. Jean de la Croix Kaelin qui explique l’expression jus civile du De lege (1268-1270) de Thomas d’Aquin : « le droit civil est pour saint Thomas ce que nous appelons aujourd’hui droit positif » (trad. du De lege, Paris, 1946, p. 226) ; à rapprocher des opinions de Boutaric (n. 80), Salmon (Beaumanoir, § 6), Perrot (n. 90). Error commuais facit jus.
88 Le défendeur, Raoul, affirme que les droits litigieux lui appartiennent nedum de jure communi sed de consuetudine patrie, les défendeurs veulent s’en tenir à la seule coutume, Raoul refuse de produire des témoins, dicens se de jure communi quod pro se allegabat esse contentum (il perd le procès).
89 Ce jus commune serait-il la bulle Per venerabilem, X 4, 17, 13 ?
90 Perrot note : « Ce jus commune était sans doute le droit commun des chemins dont parle Beaumanoir, n° 721 ».
91 LEYTE (G.), Domaine, p. 183 (s’agit-il de D. 43, 8, 3 ?). Voir aussi un procès en Parlement de 1386 où le procureur du roi pour le bailliage de Mâcon invoque le droit romain pour revendiquer les droits du roi sur une mine de plomb, p. 185-186.
92 Qualifiée dans le texte même de lex edictalis.
93 Éd. CHAMPEAUX (E.), La compilation de Bouhier et les coutumiers bourguignons du XIVe siècle, Paris-Dijon 1907, p. 99-100, n° 146.
94 Les emplois du terme par Jean Le Coq lui-même sont dans la liste des œuvres de la doctrine.
95 Il s’agit du droit du roi ou du seigneur à prendre la chose d’autrui, voir LEDUC (F.– X.), « Le droit du roi à donner la chose d’autrui à la fin du XIVe siècle », RHD, 1967, p. 612-639 (« les doctrines du droit savant ne pénètrent que tardivement dans les faits et les idées politiques du royaume de France », p. 612. « Les doctrinaires du droit savant », p. 614).
96 Et le Parlement finit par céder sous réserve de la connaissance des droits royaux, avec liste de tout ce qui appartient au roi « par raison, coutume et usage ».
97 Ici le mot raison ne désigne pas le droit mais un argument de procédure.
98 Allusion à princeps sciens et non contradicens ?
Auteur
Professeur à l’École des chartes
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