Droits et histoire : les fondements de la règle de succession au royaume de France chez Guillaume Benoît (1455-1516)
p. 125-154
Texte intégral
1L’historiographie contemporaine n’a découvert que récemment l’intérêt que pouvait présenter la Repetitio in cap. Raynutius, de testamentis de Guillaume Benoît pour l’histoire des idées politiques. C’est à l’historien américain Ralph E. Giesey que revient le mérite d’avoir exhumé chez le canoniste toulousain la part originale qu’il a apportée à la savante construction juridique de la règle de succession au trône de France1. Il faut rendre ensuite hommage à Colette Beaune pour avoir souvent rencontré et utilisé Benoît dans ses recherches sur La naissance de la nation France 2Bien entendu, Guillaume Benoît était aussi une connaissance de longue date des historiens du droit toulousains qui ne se sont pas contentés de préciser les contours de sa biographie ou de lui donner une place dans l’histoire du droit canonique. André Viala a situé la Repetitio dans le courant de cette « École de Toulouse » dont il devait longuement disserter dans sa thèse sur le Parlement de Toulouse3 et Henri Gilles a mis en évidence l’originalité profonde d’une œuvre qui échappe à la routine des travaux menés par les canonistes de l’époque post-classique4. Paul Ourliac enfin, dans ses deux articles sur Guillaume Benoît, le premier à connotation plus juridique (« Le Palais et l’École »), le second plus « politique » (« La nation et l’État »), a jeté les bases d’une étude approfondie de l’œuvre du professeur cadurcien5.
2Guillaume Benoît est un canoniste formé à l’Université de Toulouse, dont l’œuvre témoigne de l’enseignement qu’il dispensa à l’Université de Cahors dans les années 1490. Né le 21 décembre 1455 à Toulouse, il prit ses premières inscriptions en droit civil en 1471 et devint bachelier en 1477. Il vint ensuite à Cahors poursuivre ses études et fut reçu docteur régent in utroque le 16 décembre 1482. Aux alentours de 1490, il eut l’occasion, au cours d’un séjour à Paris, de se lier avec Robert Gaguin (1433-1501) et le petit groupe d’humanistes qui gravitait autour de lui. Pendant seize ans, il lut la décrétale Raynutius, dont le commentaire, commencé vers 1480, paraît terminé avant la mort de Charles VIII, sans doute vers 1492-1493, mais fut complété jusqu’en 1514. Il fut nommé par faveur royale conseiller au Parlement de Bordeaux et prit séance le 22 avril 1499. Promu conseiller au Parlement de Toulouse le 1er septembre 1503, il le demeura jusqu’à sa mort, à soixante-et-un ans, le 4 septembre 1516. Il avait poursuivi le commentaire de la décrétale Raynutius jusqu’à ses dernières années et ces compléments furent introduits, sous forme de glose, par les éditeurs successifs. C’est son œuvre principale, publiée pour la première fois à Lyon, en 1523 et rééditée huit à neuf fois jusqu’en 16116.
3Le commentaire de Benoît est d’une nature un peu particulière. Une repetitio est ordinairement une leçon qui permet aux étudiants d’exercer leurs talents en « lisant » un texte précis qui leur a été soumis. La répétition peut parfois être l’œuvre d’un maître et il arrive qu’elle prenne des proportions considérables. Tel est le cas ici : de la décrétale Raynutius Benoît commente chaque mot, mais sa subtilité est telle qu’en quatre cents folios, il ne parvient qu’à expliquer les deux premières phrases (c’est-à-dire dix lignes et les trois quarts de la onzième d’un texte qui en compte soixante et demi dans les éditions anciennes). Précisons immédiatement que c’est là, malgré tout, un exploit assez exceptionnel : les répétitions ne comportent en général que quelques feuillets7. La décrétale Raynutius était fréquemment choisie, semble-t-il, à Toulouse comme exercice d’école : un commentaire de Bernard de Rosier à ses débuts dans l’enseignement en a été conservé8. Elle permettait toutes les subtilités sur une matière très subtile : les successions et les substitutions.
4La décrétale Raynutius (Extra., 3, 26, 16) relate un casus très complexe relatif au droit des testaments. La disposition que l’on en retient le plus souvent est la suivante : la décrétale pose à la fois le principe de la protection des descendants du testateur à l’égard des héritiers et, conjointement, celle des héritiers institués face aux légataires (dans le cas présent face aux substitués). Plus précisément la décrétale Raynutius est connue pour réserver aux descendants du testateur une quotité dite « quarte légitime » tout en admettant, au profit de l’héritier institué, la quarte dite « Falcidie » (qui permet à l’héritier institué de retenir le quart de la succession en face de légataires) ou plutôt, dans le cas présent, la quarte dite « Trébellienne » ou « trébellianique » (qui permet à l’héritier institué de retenir le quart de la succession au cas de fidéicommis). Le droit canonique, en distinguant les deux quartes et en admettant au bénéfice du descendant institué héritier par testament le cumul de la légitime et de la falcidie (ou de la trébellianique), rejoignait ici les prescriptions du droit romain, même si les légistes médiévaux se montraient à l’ordinaire plutôt hostiles au cumul, comme le soulignait par exemple Étienne Bernard9.
5On a dit, sans doute à raison, que le commentaire de Guillaume Benoît n’ajoutait pas grand chose à la connaissance des décrétales. C’est surtout une œuvre de compilateur, reflet d’un enseignement oral, mais dont l’intérêt résiderait principalement dans les digressions dont elle est émaillée. Il est vrai que l’auteur finit, en voulant tout traiter, par traiter de tout, « comme si, disait le juriste Denys Simon à la fin du XVIIe siècle, il voulait faire venir tout le droit des mots du Pater »10
6La Repetitio vaut sans doute mieux que sa réputation11. Sur le fond, et pour s’en tenir au seul domaine du droit canonique, il serait loisible de démontrer que Benoît eut le mérite d’avoir su tirer les conclusions de l’évolution qu’avait subie le droit de l’Église au XVe siècle. Surtout, l’auteur n’a pas manqué d’ambition dans sa volonté de comprendre sous un même titre un triple et vaste exposé de droit canon, de droit romain et de ce que l’on pourrait appeler « droit du royaume » : droit royal et coutumes. Ainsi le canoniste Benoît a-t-il fait une place non négligeable, à côté des romanistes qui demeurent bien présents, aux ordonnances aussi bien qu’aux arrêts rendus par les parlements. Il n’hésite pas non plus à recourir, si besoin est, au droit coutumier (en empruntant beaucoup à la Practica aurea de Jean Masuer). Benoît se démarque également d’une formation traditionnelle quand il lui arrive de verser dans l’encyclopédisme et le goût de l’Antiquité. Enfin, il a reconnu en l’histoire (l’histoire antique et surtout l’histoire du royaume) un fondement possible du raisonnement juridique12. Ce début de faveur pour un droit et une histoire « nationaux » font, à n’en pas douter, de Guillaume Benoît un des précurseurs des docteurs du XVIe siècle13.
7Notre curiosité a été éveillée par la concurrence « interne » des sources de la Repetitio : concurrence des sources juridiques entre elles (quoique la matière des testaments ait pu apparaître comme l’une des principales différences existant entre les deux droits, les canonistes coulés dans le moule de l’école bartoliste, tel Benoît, se sont employés, dans ce domaine comme dans d’autres, à rapprocher les solutions du droit romain avec celles du Corpus juris canonici)14 ; concurrence des sources juridiques avec les sources « littéraires », en particulier historiques.
8L’exemple choisi pour l’étude de cette confrontation est celui du droit de la succession royale. Comment Benoît a-t-il envisagé, dans le cadre de sa Repetitio, cette question de « droit public » ? Les différents développements qui s’y rapportent, en dépit de leur aspect fragmentaire, ne doivent pas être considérés comme de simples digressions. L’évocation de la succession royale participe en effet de la volonté du juriste d’embrasser, conformément au projet initial, l’ensemble des successions. On pourrait ajouter que le confusionnisme juridique de la fin du Moyen Âge n’était pas favorable à une claire délimitation de concepts droit public / droit privé : comme il se vérifie ici, ceux-ci se trouvent en marge des préoccupations universitaires traditionnelles axées sur le droit des personnes, de la famille, des biens, sur l’étude des relations contractuelles des individus et de la résolution de leurs conflits par la procédure civile15.
9C’est donc à propos du droit privé des successions que Benoît traite du droit public de la succession royale. Essayer de comprendre comment il y est parvenu sera une de nos préoccupations. L’auteur ne rédigeant pas un traité, la manière dont il évoque le cas dans un commentaire traditionnel (la lecture d’une décrétale telle que les universitaires la pratiquaient depuis des siècles) est au moins aussi intéressante que le contenu de ses développements.
10Benoît aborde par trois fois le droit de la succession au trône de France, à la faveur de l’examen des règles successorales (capacité des femmes à succéder, conditions de l’institution d’héritier, caractéristiques de la condition d’heres : suitas et transmissio). Ces catégories sont celles du droit romain. Montrer comment Benoît a fait intervenir les autres droits dans un cadre en large partie fixé par celui-ci est un autre aspect de l’étude.
I – Privilège de masculinité, droit féodal et histoire
11Le commentaire des mots Duas habens filias s’étend tout au long de 31 folios 1. Une seule question est toutefois « disputée » ici : la capacité des femmes à succéder car, dans le casus rapporté par la décrétale, les deux filles du testateur, Raynutius, étaient normalement instituées héritières.
12Dans le droit romain classique, aucun texte n’écartait les filles des successions ab intestat : à l’époque historique, elles succédaient certainement, comme les fils. S’agissant des successions testamentaires, il existait certes une loi Voconia (169 av. J.C.) qui avait rendu les femmes incapables d’être instituées par les citoyens de la classe aisée. Mais cette loi, parce qu’elle ne répondait plus à la place occupée par les femmes dans la société romaine, tomba peu à peu en désuétude. Elle ne figure pas dans le Corpus de Justinien et ne nous est connue, semble-t-il, que par les Institutes de Gaius (II, 274), diverses citations de Cicéron et un passage de la Cité de Dieu de saint Augustin (III, 21)16 dans lequel l’évêque d’Hippone souligne son caractère injuste. Il convient de se souvenir ici que François de Meyronnes, dans sa glose, fit à ce propos une distinction fameuse entre la capacité des femmes à recueillir les héritages privés et leur incapacité à prendre une succession dans les dignités17. Fort curieusement, cette notation, reprise par un Raoul de Presles par exemple, est inconnue de Benoît qui cite pourtant abondamment la Cité de Dieu et par deux fois François de Meyronnes18.
13Pour Benoît donc, la règle est la suivante : les femmes succèdent à égalité avec les hommes. Mais cette règle, ajoute-t-il presque immédiatement, connaît trois exceptions : elle ne s’applique pas quand il s’agit de successions aux fiefs, quand des dispositions statutaires ou coutumières prévoient l’exclusion des filles, quand s’exerce la renonciation des filles dotées. Le droit de la succession au trône de France, qui semble concerné par l’application ou plutôt la non-application de la règle, est abordé ici sous la rubrique de la première de ces exceptions : le droit féodal19.
14L’argument avancé pour justifier l’exclusion des femmes de la succession aux fiefs est classique : elles ne peuvent accomplir le service militaire. Fidèle à la technique bartoliste des limitations et des restrictions, Benoît leur concède toutefois de grandes qualités guerrières que de nombreux exemples fameux de l’Antiquité, et encore dernièrement Jeanne d’Arc, ont fait connaître avec éclat20.
15Mais tous les exempla n’y peuvent rien changer : elles ne succèdent pas, parce qu’elles ne peuvent, en raison de la « fragilité du sexe », servir normalement les fiefs21. « Le propre des femmes est en effet d’éviter les conflits et de fuir les combats ». L’antiféminisme, latent jusqu’ici, s’affiche longuement22. Au total, plus que l’inaptitude des femmes, leur incapacité à rendre le service ou encore la coutume (consuetudo feudi), c’est la nature même du fief qui entraîne l’exclusion, une exclusion qui s’applique aussi aux descendants mâles en ligne féminine.
16Cette dernière assertion mérite que l’on s’y attarde. On ne sache pas que le droit féodal ait été aussi strict. Les Libri feudorum (I, 1, 3 et I, 8, 2) et, plus nettement encore, les coutumes admettaient certes le privilège de masculinité. Mais la règle ne jouait, le plus souvent, qu’à égalité de degré ; si le de cujus laissait seulement comme plus proche successible une femme, le fief lui revenait. De surcroît, la variété des régimes demeurait très grande23. À Paris par exemple, il était admis que les femmes pouvaient faire « le pont et la planche », c’est-à-dire transmettre à leurs fils des droits qu’elles n’avaient pas (ce qui fut invoqué en 1328 par Édouard III)24. La fermeté du raisonnement de Benoît n’en est à ce propos que plus étonnante. Celui-ci ne conteste pas l’aptitude au service des mâles issus des femmes mais la capacité de celles-ci à transmettre : Fœmina enim non est agens aptum operari transmissionem, licet masculus ex ea esset patiens aptum confirmari, si fieret transmissio25. On imagine ce qu’une conception aussi restreinte des règles féodales était susceptible de justifier. N’oublions pas ici que l’éventuel droit des filles à succéder au royaume de France trouvait précisément son principal soutien dans le droit féodal26.
17Ces réserves une fois formulées, Benoît poursuit sa réflexion. La règle qui s’impose en matière féodale -le privilège de masculinité- souffre elle-même certaines exceptions. Elle ne s’applique pas en cas d’acquisition pécuniaire, car la femme succèdera alors davantage en considération de la nature du contrat que du fief27. Elle se heurte aussi à la variété des coutumes28. Précisément, le droit des filles doit être reconnu chaque fois que le statut ou la coutume du pays (statutum vel consuetudo regionis) l’autorise. C’est ainsi qu’en France, précise Benoît, les femmes succèdent aux fiefs -même liges- et cela pour une raison qui n’est pas sans rapport avec le cas envisagé précédemment : en France, selon une expression reprise de Jean Faure, les fiefs sont devenus patrimoniaux. Bien plus, ils peuvent être, ex generali regni consuetudine, vendus, aliénés ou engagés comme de simples biens. On peut alors se demander comment, dans ces conditions, le droit qui leur est applicable pourrait servir de cadre juridique à la succession des royaumes.
18La dernière exception s’inscrit dans le fil de ces raisonnements et touche enfin à la succession royale29. Benoît indique en effet que, de jure communi, une femme peut succéder à un fief non soumis au service, et même à un royaume, comme c’est le cas à Naples (exemple fourni par Balde30) ou, ajoutera-t-il plus loin31, en Navarre (exemple fourni par Pierre Jacobi32). Ainsi en arrive-t-on à la frontière théorique tant attendue, entre droit privé et droit public. Bien sûr, il ne fait pas de doute pour le docteur toulousain que les femmes sont exclues de la succession royale française. Mais le droit féodal, dont les arguments ont jusqu’ici conduit la réflexion de l’auteur, permet-il trancher la question ? Ses dispositions touchent-elles au domaine « public » ou « privé » ? Question futile. Il y a les grands fiefs et les autres. Les grands fiefs sont considérés comme un degré de la pyramide administrative du royaume. Les autres fiefs, ainsi qu’il se vérifie chez Benoît, ne sont qu’une façon de tenir des terres, des tenures spécifiques ou simples qu’on a tendance d’ailleurs à assimiler à l’emphytéose romaine33. De plus, les coutumes féodales sont mouvantes. Comment concilier ces prescriptions contradictoires ? On pourrait, comme on l’a fait quelquefois, suggérer que les royaumes sont des « fiefs masculins » qui ne peuvent donc échoir qu’aux mâles34, mais Benoît n’y songe pas. On pourrait surtout arguer que les royaumes ne sont justement pas des fiefs, mais des dignités, dont le statut particulier ne ressortit pas au droit commun35, mais Benoît n’use pas ici de ce raisonnement. À la vérité, d’autres sources vont balayer ces incertitudes.
19Il existe, en effet, une exception de l’exception. Car, précise l’auteur de la Repetitio, bien qu’on ne prête, pour ce royaume, ni hommage ni service (il ne connaît d’autre supérieur que Dieu, d’après la décrétale Per venerabilem), jamais femme ne viendrait succéder au royaume de France en raison d’une coutume spéciale : sa coutume (ex ipsius speciali consuetudine), règle qui, ajoute Benoît, tire aussi son origine des dispositions de la loi Salique (lex regni antiqua)36. La coutume du royaume de France et la loi Salique pallient donc avec bonheur les insuffisances du droit féodal.
20La coutume et la loi : Benoît reviendra sur la coutume au sujet de la primogéniture ; l’exclusion des femmes, qui est son propos de l’heure, serait-il du domaine de la loi ? On a pu dire que la loi Salique venait en quelque sorte garantir la coutume qui ne pouvait constituer, par sa seule force, une défense juridique suffisante37. Telle semble être, de prime abord, l’opinion de Benoît.
21S’ouvre alors un exposé désormais plus historique que juridique qui s’articule en plusieurs séquences :
La nature de la loi Salique (I.16.73 – I.17.77).
Le principe de l’extension du droit de succession aux degrés les plus éloignés (1.17.78).
L’excellence du royaume de France institué par Dieu comme Israël (où les femmes, déjà, ne succédaient pas), excellence démontrée par l’histoire de Clovis (I.17.79 – I.22.115)38
Enfin et encore, l’exclusion des femmes à la succession du royaume, avec son corollaire l’exclusion de leurs descendants (I.22.116 – I.23.123).
221 – La loi Salique relève davantage du domaine de l’histoire que de celui du droit. Elle méritait toutefois, de la part d’un juriste rompu à toutes les subtilités en matière successorale, un exposé doctrinal. On entrera pas ici dans le détail des différents aspects développés : contenu, origine, nom39. Retenons l’essentiel. Un examen attentif révèle la grande densité des emprunts au « Grand traité de la loy salique », texte décisif pour sa diffusion, dont on peut dater la composition des années 1450-146440. La caution proprement historique est donnée par l’historien favori de Guillaume Benoît, Robert Gaguin41. Les informations de l’un et de l’autre auteur se rejoignent pour avoir, semble-t-il, puisé à la même source, toujours le « Grand traité ». Chez Gaguin cependant, la perspective est moins « monarchiste » : l’instauration de la loi Salique correspond davantage à « l’établissement d’une loi générale donnant une règle de vie aux Francs avant leur conversion au Christianisme et consentie par un peuple dont la liberté interdit qu’on lui impose autoritairement quoi que ce soit »42. En tout état de cause, preuve est donnée de l’influence très forte du traité anonyme, principal vecteur de diffusion du mythe de la loi Salique, dans les milieux parisiens comme dans le Midi.
23L’utilité de la loi Salique ne se borne pas à fonder en droit l’exclusion des femmes. D’une part, comme l’avait pressenti C. Beaune43, la loi Salique fait office de véritable « loi successorale » du royaume englobant l’ensemble des principes de dévolution au trône. Elle permet d’en justifier, contre toute attente, l’autre versant, le droit de primogéniture44. Plus surprenant encore, cette même « constitution », en faisant échapper le royaume aux règles du droit privé des successions (aux partages par exemple) contribue à légitimer, d’autre part, la règle d’inaliénabilité du domaine45.
242 – Après avoir réaffirmé que, « selon les lois du royaume et la coutume immuablement observée », les filles et les mâles qui en descendent ne peuvent succéder au trône, Guillaume Benoît revient aux arguments empruntés au droit féodal. Une autre particularité de la dévolution des fiefs mise en valeur par R.E. Giesey46 intéresse en effet au premier chef le juriste : il s’agit de l’extension du droit de succession jusqu’aux degrés les plus éloignés. À vrai dire, le droit coutumier aussi, au moins dans son dernier état, avait fini par admettre la succession des collatéraux jusqu’à l’infini, mais la faculté en avait été principalement reconnue « à l’égard des maisons illustres », comme le dira Lebrun à la fin du XVIIe siècle, car l’important, ici plus encore qu’ailleurs, était de trouver un héritier, fût-il très éloigné, pour éviter la déshérence47. Balde, dans son commentaire sur les Fiefs datable des dernières années du XIVe siècle, avait montré la validité du principe de l’extension aux degrés éloignés dans le cas des grands fiefs et des royaumes en fournissant à l’appui de son raisonnement un exemple extrême mais extraordinaire touchant le cas de la succession royale française. Selon lui, parce que celle-ci était d’une espèce à nulle autre semblable, la succession des collatéraux devait être en tel cas étendue jusqu’à l’infini : « s’il advenait, disait-il, que la maison royale de France vînt à disparaître et que ne survécût qu’un membre de l’ancien sang, par exemple de la maison de Bourbon ( !), et qu’il n’y en eût pas d’autre de plus proche, fût-il parent au millième degré, il succéderait quand même au royaume de France en vertu du droit du sang et de la perpétuelle coutume ». S’agissant des royaumes et spécialement du royaume de France, l’hérédité ne pouvait évidemment échoir ni au seigneur ni au fisc (alors qu’en principe la collatéralité purement féodale s’éteignait au dixième degré d’agnation, le fief faisant alors retour au fisc48) : seul alors succédait « le sang, qui est perpétuel »49. Benoît reprend presque mot pour mot l’étonnante démonstration de Balde, qui reconnaissait un caractère incomparable à la succession française... sauf l’incise portant l’exemple (prophétique) de la maison de Bourbon. De manière assez piquante, quand il alléguera à nouveau ce passage à propos de la succession des collatéraux en général (dans le cadre de son étude sur les successions ab intestat), la « maison de Bourbon » réapparaîtra dans l’incise mais précédée de la « maison d’Orléans », exemple ressenti comme davantage significatif en 1492-149350.
25Comme l’a fait remarquer R.E. Giesey, il y avait alors bien d’autres moyens d’argumenter sur l’extension illimitée de la succession royale : déjà le « droit du sang » apparaissait sous la plume de Balde pour en expliquer le véritable fonctionnement. Mais le rôle, dans la genèse de l’idée, du droit féodal, qui n’avait pourtant pas toujours été favorable aux règles françaises, ne méritait pas d’être oublié.
263 – Benoît va chercher à conclure. Il revient une dernière fois sur l’exclusion des femmes et, davantage, sur celle de leur descendance masculine51. Or, tout se passe comme si notre juriste estimait ne pas disposer encore d’un ensemble suffisant d’arguments. À l’évidence, l’invocation de la loi Salique ne permet pas de clore le débat alors que les « droits savants » ne fournissent toujours pas une opinion claire, notamment sur le second aspect de la question. Sans parler du droit romain qui donnait en plusieurs cas la capacité à la mère de transmettre à son fils un droit qu’elle-même ne pouvait exercer, le droit féodal, dans le cadre duquel l’exposé est conduit, montrait son impuissance à résoudre la difficulté.
27Benoît règle alors une ultime répartition des tâches. L’histoire (la loi Salique) a justifié et justifiera encore l’exclusion des femmes. Certes, les contre-exemples abondent. Des juristes attestent que de nombreuses femmes ont régné : il y a Pierre Jacobi, qui affirme qu’elles succèdent en Navarre ; il y a Balde qui évoque la haute figure de la reine Jeanne de Naples. Les historiens en témoignent aussi, tel Jacopo Foresti qui raconte, dans son Supplementum chronicarum, l’histoire de l’impératrice Irène. On a même pu soutenir que les lois ou les coutumes propres à certains royaumes (et dérogeant au droit commun) autorisent les femmes à gouverner, à moins que ce n’ait été, comme dans le cas de la souveraine de Byzance, la conséquence d’une usurpation52. Mais en France, point de tout cela : « ni le droit commun ni aucune loi particulière ni aucune coutume » ne permettent aux femmes de succéder. Les circonstances mêmes de l’exclusion le rappellent. Trois longues citations du Compendium de Gaguin forment le récit des divers évènements qui, aux yeux de Benoît, ont marqué les débuts de la querelle franco-anglaise : l’avènement de Philippe V, l’avènement de Philippe VI, l’histoire de Jacques van Artevelde53.
28Le droit légitimera l’exclusion des descendants mâles des femmes. Dans cette idée, Benoît est amené à emprunter à Balde deux raisonnements54. Le choix du premier55 n’est pas des plus pertinents. Certes, le juriste italien y reconnaît que, excluso ascendente satis dicuntur descendentes exclusi, mais ce que ne dit pas Benoît, c’est que cet argument prend place dans une « question » portant sur le droit de succession des descendants (et des descendantes) de Charles d’Anjou au royaume de Naples56. Tel n’était pas l’exemple le plus clair, on en conviendra, d’une succession exclusivement masculine. Le second raisonnement, qui faisait expressément référence à la succession française, a davantage de portée57. K. Daly et R.E. Giesey en ont montré l’importance dans un article récent consacré à Noël de Fribois. À leurs yeux, ce dernier serait en effet le premier auteur français, dans son Abrégé des chroniques de France (1459), à invoquer le commentaire de Balde à propos de la succession royale58. Benoît serait donc le second. De quoi s’agit-il ? L’exclusion des femmes, pour le Pérugin, fut tout simplement déterminée par « la loi et la coutume raisonnable des Français » et, comme « il ne peut y avoir en la chose causée plus de vertu qu’il n’en procède de sa cause », Édouard III n’a pas de droits sur le trône de France. Si les femmes sont exclues, coutume rationnelle, alors, logiquement, leurs fils le sont aussi59. Il est évident que pour Benoît comme pour Fribois, tous deux juristes de profession, le renfort du plus grand des maîtres de l’École était déterminant. Et c’est peut-être parce qu’ils partageaient les mêmes doutes. Fribois « a bien vu qu’à elle seule la loi Salique n’a pas pu faire pencher la balance en faveur des Valois lors de la succession de 1328 ; d’autres principes juridiques, tels ceux qu’il trouvait chez Baldo, avaient nécessairement été invoqués pour écarter les revendications d’Édouard III ». Cette conclusion s’applique en tout point, pensons-nous, à Benoît. Invoquer in fine le témoignage de Balde était aussi, d’une certaine façon, donner le dernier mot à la coutume et suggérer d’ultérieurs développements.
29Droit et histoire ont mêlé leurs armes. Les historiens -l’auteur du « Grand traité », Gaguin- fournissent des justifications politiques (les origines de la loi Salique et de la guerre de Cent Ans). Les juristes -Balde surtout-, outre certains exemples historiques peu favorables (le cas de la succession au royaume de Naples), offrent des justifications politiques (l’éviction des rois d’Angleterre de la succession au trône) et enfin des arguments proprement juridiques (l’extension de la succession royale à l’infini, la vertu particulière de la coutume française). Au total, la force historique du mythe de la loi Salique n’a pas fait taire chez Guillaume Benoît les incertitudes et peut-être même les répugnances du juriste.
II – Primogéniture et coutume
30Dans le commentaire du membre de phrase In eodem testamento relinquens, Benoît se penche, copieusement (pendant 32 folios) sur un des fondements de la dévolution testamentaire, la « pièce maîtresse », l’institution d’héritier. Contrairement à ce qu’il annonce, il n’en examinera toutefois que quelques aspects. Il semble qu’il souhaite surtout s’attacher aux différences entre les règles du droit canonique et du droit civil. Ce sentiment est confirmé par une remarque préliminaire nous informant de la présence, au cours alors professé, d’étudiants des deux facultés (civilistes et canonistes). Benoît est ici fidèle à son ambition de départ, qui est de permettre aux canonistes de se hisser au niveau des civilistes pour ce qui regarde le droit des successions60
31À la vérité, la quasi-totalité du cours porte sur un point très précis : suffit-il que le testateur laisse simplement quelque chose à son fils, comme Raynutius dans la décrétale du même nom, pour que le testament soit valable de la même manière que si le fils avait été expressément institué61 ? Si l’Aequitas canonica permet de passer outre, la rigueur et l’asperitas du jus civile exigent l’institution en bonne et due forme, et effectivement, en droit romain classique, le fils doit être expressément institué héritier dans le testament62. Mais, comme toujours, il y a des exceptions dans lesquelles le testament vaut même si le fils n’a pas été à proprement parler institué. Benoît fixe le nombre de ces cas à 27. Et c’est dans le recoin d’un de ses fameux raisonnements à tiroirs que l’on déniche une nouvelle séquence de « droit public » sur la succession royale française qui vient prolonger les réflexions de la première.
32Cette question si particulière se glisse dans la dix-huitième rubrique63. L’exception est la suivante : le testament fait dans un « pays » (in patria vel loco) dans lequel le statut ou la coutume veulent que le premier-né succède ne nécessite pas l’institution des autres fils : dans ce cas en effet toute l’haereditas paterna est considérée comme la légitime du premier-né, et cela au détriment des autres enfants64. C’est introduire, sous l’angle coutumier, la question du droit d’aînesse ou plutôt de primogéniture (jus primogeniturae) : construction à la fois habile et maladroite dans la mesure où la discussion de ce privilège paraît avoir davantage sa place dans un exposé sur les successions ab intestat que sur les testaments.
33Très vite, Benoît précise que ce droit s’applique aussi aux dignités royales et princières, parce qu’elles sont indivisibles et qu’en l’espèce, les autres fils ne sauraient prétendre à une légitime65. Mais ces formules générales ne préludent pas à un exposé spécial sur les successions royales. Fidèle à son habitude, l’auteur sur la Repetitio se refuse d’en discourir à part et, tout au long de son petit traité de la primogéniture, passe constamment du cas général aux cas particuliers que représentent à ses yeux les fiefs, les royaumes et enfin le royaume de France. On remarquera d’emblée que l’emprise du modèle féodal est encore forte dans cette nouvelle contribution au sujet, tant le droit d’aînesse (ou de primogéniture, comme on le verra) paraît consubstantiel au régime de dévolution des fiefs66.
34L’application d’une « coutume » favorisant la primogéniture n’allait pas sans soulever un certain nombre d’inconvénients. Comme souvent, Benoît suscite lui-même les objections auxquelles il se propose de répondre. Ce mode de raisonnement, tout empreint du formalisme bartoliste, n’est pas dépourvu d’une certaine confusion.
Primogéniture et testament
35S’il n’y a pas d’institution d’héritier au cas de primogéniture, c’est aussi tout simplement parce qu’il ne peut y avoir en l’espèce matière à tester67. Les royaumes précisément, surtout celui de France, sont d’une nature qui exige que de ceux-ci ne soient faits ni testaments ni legs. Ici, et pour la première fois de manière significative, est invoquée l’autorité de Jean de Terrevermeille68. L’argument peut parfaitement être compris d’après le commentaire que donne J. Barbey des passages cités par Benoît. La force de la coutume s’oppose à ce que le roi institue son successeur, puisque l’institution est éminemment fondée sur un acte de volonté. « Qu’il s’agisse du fils aîné, normalement appelé à lui succéder, a fortiori de tout autre, le roi ne peut les instituer par testament ». Et Benoît de souligner, de la même façon que Terrevermeille, que les rois, en France, n’ont jamais eu pour habitude de dresser des testaments.
36Cette dernière affirmation amenait le juriste nîmois à discuter les termes du testament de Louis VIII. Benoît se permet, quant à lui, de faire observer que le roi actuel, Charles VIII, pas davantage que ses prédécesseurs, ne peut tester du royaume. P. Ourliac a vu dans ce propos comme un avertissement destiné à combattre l’idée que le roi pourrait déshériter Louis d’Orléans69. Sans donner à ce trait du canoniste toulousain une importance exagérée, on se souviendra ici que le premier dauphin devait naître en 1492, soit l’année du début de la rédaction de la Repetitio ; que les incertitudes pesant sur la succession de Charles VIII allait demeurer d’actualité jusqu’à la fin du règne et que, pour la première fois depuis 1328, un roi mort sans laisser de fils allait offrir en 1498 le trône à un cousin éloigné70.
37En France donc, c’est la consuetudo regni qui préside à la dévolution, car, comme l’explique Benoît en s’appuyant à nouveau sur Terrevermeille, la succession au royaume n’est ni testamentaire ni ab intestat. Le premier-né de France ne tient pas le royaume de son père mais de cette seule coutume-là71. L’indisponibilité n’est d’ailleurs pas caractéristique de la royauté. De manière générale, précise notre juriste, les rois, les ducs, les comtes et les marquis ne peuvent tester de leurs dignités, ce que confirme Jason ; le pape et l’empereur ne le peuvent pas davantage, selon Jean d’André et Jean d’Imola72. Disant cela, Benoît rend furtivement compte des efforts déployés par certains canonistes du XVe siècle pour préciser les règles qui tiennent à la constitution de l’Église. Imola précisément fut de ceux, avec Butrio, qui prétendirent qu’une dignité ecclésiastique, au premier rang desquelles la papauté, ne se transmet pas jure hereditatis mais canonica institutione. Le pape ne peut pas désigner son successeur, car « le successeur […] n’est pas l’héritier du patrimoine, mais le titulaire d’une fonction »73.
38Dans le cas de la France, Benoît tire la conséquence naturelle de ces différentes constatations : la nullité du traité de Troyes (1420). En quelque sorte, l’impossibilité d’aliéner les biens du royaume découle du fait que les « dignités » sont indivisibles et qu’en tant que tel, le royaume ne peut être dévolu qu’au fils aîné, les autres enfants ne pouvant y prétendre sous peine de division et donc d’annihilation. « Le roi ne pouvant priver son fils aîné d’un royaume dont il ne dispose pas »74.
39L’exposition et le commentaire par Benoît de cet épisode de la querelle franco-anglaise sont en eux-mêmes dignes d’intérêt75. D’une lecture rapide, on pourrait retenir que l’exposé historique revient à Gaguin ; la justification juridique à Terrevermeille. Mais l’auteur de la Repetitio paraît aussi intervenir lui-même. Il commence par évoquer brièvement les circonstances et la teneur du traité de quo Angli suum faciunt principale fundamentum. Il note ainsi, au passage, que Charles VI a décidé « seul, sans les Grands, que la Couronne de France devait revenir » au roi d’Angleterre. Il laisse ensuite la parole à l’historien parisien, qui, au tout début du dixième livre du Compendium, raconte les mêmes événements en mettant, quant à lui, l’accent sur le silence du traité de Troyes à l’égard du Dauphin76. Comme on voit, les deux points de vue se complètent. Mais Benoît poursuit son idée, à savoir la mise en évidence de l’absence de délibération et de ratification du traité. D’une part, le texte n’a pas de valeur comme inconsulte factus et demum a proceribus regni reprobatus – et le rôle des « Grands » est en effet déterminant, selon Benoît, puisque ce sont eux qui, après la mort de Charles VI, firent sacrer et couronner son fils instante Joanna Darc nominatissima puella. D’autre part, le pape Martin V, sollicité à plusieurs reprises par les Anglais, n’a pas voulu confirmer le. traité77.
40Pour en terminer avec tout ce qui touche à la « nullité et à l’évidente iniquité du traité ainsi qu’à la punition de ses partisans », Benoît renvoie purement et simplement à Terrevermeille (deuxième allégation explicite), dont il fait à cette occasion grand éloge. À ses yeux, la principale conclusion que l’on peut tirer des Tractatus est que le duc de Bourgogne et tous ceux qui, même ecclésiastiques, avaient soutenu cet accord (davantage, selon son expression, un accord de « désolation du royaume » que de « paix ») et s’étaient rebellés contre le Dauphin, étaient tombés dans le crime de lèse-majesté.
41Benoît tire lui-même les premiers enseignements de ses réflexions : 1) le roi ne peut pas priver son premier-né du royaume ; 2) on ne peut disposer du royaume, même en faveur du premier-né. Toutefois, s’agissant des autres biens que les royaumes, il concède que, sous le régime de la dite coutume de primogéniture, le père peut instituer héritier le premier-né78. Concession importante, car c’est ainsi avouer, sans formellement l’admettre, que la succession aux royaumes relève d’un droit de primogéniture particulier.
La primogéniture, une coutume particulière
42Définition de la primogéniture (jus primogeniturae, consuetudo de primogenito)79. Le primogenitus est à la fois l’aîné et plus que l’aîné. Pour rendre compte de cette complexité, Benoît use d’une formule qui n’en est pas dépourvue : « est dit non seulement premier-né celui qui est né le premier, mais aussi celui que personne ne précède lorsque le premier-né est mort au moment de la mort du père ».
43Le droit de primogéniture n’est pas le simple équivalent du droit d’aînesse. L’aînesse implique que, parmi plusieurs enfants qui ont tous des droits, un seul a été choisi pour exercer un droit spécial qui n’est pas divisible : en ce sens, il n’est que le primus inter pares. La primogéniture suppose, à l’inverse, l’absence de toute sorte d’égalité entre les enfants : en quelque sorte, on n’envisage pas qu’il y en ait d’autres, le premier-né étant traité comme s’il était le « seul-né »80. Les termes d’aînesse et de primogéniture ne sont donc pas interchangeables. « Le premier-né est certes l’aîné des fils, mais il est aussi bien l’unigenitus, le fils unique »81. Le modèle en est le Christ, fils unique dénommé « premier-né » dans l’Évangile de Matthieu (1, 25), citation commode qui n’avait échappé ni à Terrevermeille ni à Benoît.
44La définition quelque peu alambiquée que donne notre juriste du primogenitus sous-entend un autre aspect. Balde, on s’en souvient, s’était émerveillé de ce que le droit de succession au trône de France pût s’étendre jusqu’aux plus lointains agnats. C’est aussi de cette singularité dont veut rendre compte Benoît. Car, si un collatéral peut être reconnu titulaire du pouvoir royal, c’est parce qu’il assume alors vis-à-vis du roi la position de successeur direct, de « premier-né »82. Le primogenitus est plus que l’aîné et plus que le premier-né. Primogenitus désignerait donc bien, dans l’esprit du professeur cadurcien, l’agnat le plus proche, comme l’avait déjà noté P. Ourliac83.
45Fondements du droit ou de la coutume de primogéniture84. – Benoît invoque tour à tour le droit divin et canonique, la loi civile et la « raison naturelle ». C’est beaucoup. Des assises aussi diverses peuvent difficilement fonder un concept unique. La primogéniture paraît en vérité indissociable d’une forme particulière de gouvernement, qui est le pouvoir d’un seul (forma administrandi, scilicet quod principatus per unum regatur). Benoît cherche donc à qualifier ce régime. Il n’est pas de droit divin « nécessaire », comme la papauté, mais purement « volontaire et positif », quoique rationnellement fondé.
46Justification morale de la primogéniture85. – Elle est un remède à la cupiditas dominandi qui entraîne jalousie et division, car « l’ambitieux n’a pas de probité et on ne saurait se confier à lui ». Les querelles entre frères, surtout entre princes, sont funestes. L’Antiquité biblique et romaine puis l’histoire de France (de Gaguin) abondent de sombres exemples86.
47La moralité que tire Benoît de ces exemples s’impose d’elle-même : il faut que les royaumes soient régis par un seul. On ne s’étonnera donc pas de la suite donnée à cette pétition de principe, à savoir un éloge de l’unicité et de l’indivisibilité du pouvoir87 Toutes ces considérations sont également assorties d’allusions institutionnelles et historiques. Ainsi le sacre et le couronnement de Charles VI avant l’âge de sa majorité, au mépris de l’ordonnance d’août 1374, ont été décidés par les princes pour prévenir les rivalités qui auraient pu naître d’un gouvernement commun (c’est l’opinion de Gaguin88). Somme toute, un royaume est quelque chose de parfait, mais le parfait ne peut être qu’un, car seul ce qui est indivisible est parfait et ne peut-être diminué : ce sont là également des formules reprises de Balde89.
48Nature du droit de primogéniture90. – Reprenant à son compte, de la même façon que Terrevermeille, la glose du canon Quant periculosum du Décret, Benoît estime que la primogéniture est une sorte de dignité91. Il entre même dans une plus grande précision, une nouvelle fois sous l’influence de Balde : « la primogéniture est la première après la dignité paternelle, à telle enseigne que le fils premier-né du roi détient la première dignité, la dignité de primogéniture après son père »92. Un degré supplémentaire est franchi un peu plus loin, toujours dans le sillage du maître italien : « les premiers-nés ont une telle espérance dans (= une telle expectative de ?) la dignité du père, par exemple de la dignité royale, que, du vivant de leur père, ils peuvent être appelés rois »93. Bien sûr, on pense immédiatement à la formule, très proche, de Terrevermeille : « Le fils aîné peut être appelé roi du vivant de son père »94. Mais notre juriste s’en tient ici à l’autorité de Balde95.
49Origine de la primogéniture96. – L’histoire donne la réponse : la primogéniture plonge ses racines dans la loi Salique. Conformément à une évolution qui a été mise en lumière par C. Beaune97, la fameuse loi se voit assigner le rôle, dans le courant du XVe siècle, de justifier en même temps, en leur donnant la base historico-juridique qui lui faisait défaut, les deux volets de la loi successorale française, la primogéniture et l’exclusion des femmes. Sans doute Juvénal des Ursins, en incorporant à son argumentation sur la loi Salique les démonstrations de Terrevermeille, contribua-t-il à ce processus. Mais Guillaume Benoît est probablement le premier à avancer qu’entre autres choses, elle disposait que le premier-né devait succéder. C’est donc, selon lui, à la suite de cette loi qu’il fut de coutume que la primogéniture s’appliquât en France. Et cette coutume vaut parce que, selon l’expression de Balde, toutes les successions du monde sont de droit positif98 et qu’en conséquence le statut ou la coutume peuvent disposer à leur propos ad libitum, compte tenu que le droit positif peut être modifié par la coutume.
50Benoît résume ensuite ses propos. La primogéniture est une dignité : selon la coutume de France (ex consuetudine Franciae), elle est d’usage chez les nobles et pour les fiefs. Le jus regni, comme le jus feudi étant indivisible, elle a été introduite, dans les deux cas, pour le « bien public » (bonum publicum) afin que les dignités ne soient pas diminuées. Parce qu’il a été instauré par Dieu à l’instar du royaume d’Israël, le royaume de France l’a pareillement adoptée.
Primogéniture et transmission
51Ce droit de primogéniture, affirme d’emblée Benoît, appartient si fortement au premier-né qu’en mourant il le transmet à ses descendants, même si le père est encore vivant au moment de la mort de son fils99. Mais, comme le reconnaît volontiers notre juriste, le principe ne fait pas l’unanimité : certains tiennent au contraire que la primogéniture est un privilège personnel non transmissible et qui s’éteint avec la personne du premier-né. Le point de savoir si le fils du primogenitus doit être en ce cas préféré au secundogenitus mérite donc un examen attentif. Désireux de s’en remettre sur cette question au jugement du droit savant, Benoît distingue, parmi les docteurs, trois principales opinions, en considération desquelles il compte dégager la commune opinion.
52L’objectif, rappelons-le au préalable, est toujours d’exposer les traits originaux d’une coutume, la coutume royale de primogéniture, dont le contenu, sous certains aspects, demeure toutefois très proche du droit romain de la Novelle 118 ou de celui des fiefs. Notre juriste se préoccupe donc de déterminer par quels traits elle s’en distingue. Le cas présent n’est autre que celui de la représentation du fils aîné prédécédé par son premier fils. Les conceptions étaient divergentes. Le droit féodal y répugnait dans le mesure où cette solution pouvait aboutir à transmettre le fief à un enfant qui ne pouvait le servir (au contraire de son oncle). Conforme à une certaine logique féodale, l’exclusion du petit-fils semblait en revanche heurter le droit romain, où, depuis la réforme de Justinien, était appliquée, pour les successions descendantes, le règle de la proximité de degré tempérée justement par celle de la représentation. La règle romaine adoptée dans les pays de droit écrit admet ainsi parfaitement que les petits-enfants viennent à la succession par représentation de leur père prédécédé100.
53La première opinion de la doctrine est celle que développe Oldrade de Ponte (+ 1335) dans une de ses consultations que Benoît qualifie d’« élégante » (Cons. 223) et dont il reprend en large part la teneur. Le juriste italien s’y montre clairement favorable au petit-fils contre l’oncle, dans le cas d’une succession à un royaume101. La deuxième opinion, contraire à la première, soutient les droits de l’oncle au détriment de ceux du petit-fils102. Une troisième opinion est celle, mitigée, de Balde sur la loi Ut intestato 103.
54Apparemment impressionné par les divergences d’opinions qu’il a observées chez ces deux « lumières du droit » (lucernae juris) que sont Oldrade et Balde, Benoît hésite104. La justification finale s’appuie entièrement sur une autre réflexion du juriste de Pérouse (1. Ex hoc jure) qui mérite d’être rapportée.
55L’affaire sur laquelle Balde était revenu à plusieurs reprises (et qui paraît avoir été très débattue chez les romanistes, spécialement les feudistes105) était la succession au royaume de Naples-Sicile. En dépit de l’adoption du principe de primogéniture lors de l’investiture de Charles Ier d’Anjou par le pape Clément IV en 1265, la règle ne fut pas appliquée à l’occasion du règlement de la succession de son fils, Charles II († 1309). En effet, le fils aîné de ce dernier, Charles-Martel, étant mort en 1296, Boniface VIII, par l’acte du 24 février 1297, avait reconnu comme héritier du royaume non pas le fils de Charles-Martel, Charles-Robert (Carobert) à qui le pape réservait expressément la couronne de Hongrie, non pas le second fils de Charles II, Louis, entré dans la vie religieuse, mais le troisième de ses fils, Robert. Ce dernier devint donc roi de Naples à la mort de Charles II bien qu’il fût seulement troisième fils et que vécût Carobert, fils de l’aîné, Charles-Martel106.
56Balde argumenta en faveur de Robert contre les prétentions du roi de Hongrie. Voici le cœur de sa démonstration. Le « royaume d’Apulie », comme il l’appelle, non disponitur natura sed pacto quia est feudum, et legem transmissionis assumpsit ex conventione, et ideo a tenore contractus non possumus recedere. Et Benoît de donner et de citer la suite du raisonnement : le royaume de France, à l’inverse, est un royaume où la succession est régie par la nature. Il faut alors favoriser les droits du petit-fils, parce que la primogéniture est la première dignité après le roi, jure inseparabili ipsius sanguinis proveniens et ideo eo mortuo ille qui succedit in sanguine naturaliter succedit in regno cum natura imitetur et ab ea separarari non possit 107. Balde exprime à merveille l’idée profonde qui a sous-tendu toutes les considérations précédentes et à laquelle adhère en dernière analyse Benoît : la succession royale française est régie par le droit du sang.
57Il reste à lever un dernier doute108 Au cas de coutume de primogéniture, le père ne peut disposer de l’héritage de la dignité royale en faveur de ses autres fils. L’ingratitude du fils aîné ne pourrait-elle pourtant justifier son exhérédation ? Il semble difficile de refuser alors au père ce droit qui est, comme le dit J. Barbey, « l’expression même de la patria potestas » 109. Dans un premier temps et selon les règles de la dialectique, Benoît se refuse à croire à l’interdiction d’exhéréder. Elle heurte trop le « droit de succession » (Jus successionis) en dépit de la « force de la coutume » (vis consuetudinis) ; elle néglige trop les enseignements que fournissent de nombreux exemples où l’ingratitude des premiers-nés méritait d’être châtiée. Et pourtant Benoît décide de laisser le dernier mot à Terrevermeille : s’agissant de la succession royale française, toute exhérédation est impossible, même pour cause d’ingratitude, cum [Delphinus Viennensis] regnum non habeat ex persona patris sed sola regni consuetudine ei deferente.
58Ainsi se conclut le « traité » de la primogéniture que le professeur cadurcien a inséré dans son cours sur l’institution d’héritier. Mais la difficile question de la transmission, déjà abordée, n’a pas encore livré tous ses secrets. Il convient de mettre d’ores et déjà l’accent sur les lectures de Guillaume Benoît. Trois auteurs surtout se mêlent sous sa plume : deux juristes, Balde et Jean de Terrevermeille ; un historien : Robert Gaguin. L’apport du juriste nîmois, quoique explicitement cité à trois seules reprises, est décisif ; son rôle n’est d’ailleurs pas terminé. La contribution de Balde est massive, mais pas seulement décorative. Comme R.E. Giesey l’avait suggéré à propos de Noël de Fribois, les juristes ne pouvaient manquer de noter que des principes proprement juridiques se trouvaient chez le plus fameux des maîtres, le chef incontesté de l’École110. Le mérite de Benoît est d’avoir su les isoler. Les citations du Compendium enfin apportent leur lot d’exemples dont la valeur est renforcée par le caractère « national » : origines, fondements ou nature des lois et coutumes de France sont illustrées par les droits, civil ou canonique, par l’histoire antique, mais aussi et surtout par l’histoire de la nation France.
59On peut enfin s’essayer à comparer le commentaire de Benoît avec la toute récente glose de Cosme Guymier (1486) sur le même sujet pour juger du degré de précision apporté par le canoniste toulousain. Philippe Probus, auteur, au XVIe siècle, de compléments à cette glose, renvoie à dix reprises à la Repetitio pour l’éclairer. Les textes juridiques utilisés sont très proches et les commentaires de Balde orientent parfois le discours dans une même direction. À l’évidence, Benoît a lu Guymier, mais il développe considérablement le commentaire traditionnel en l’enrichissant de ses propres défintions (par exemple de la primogéniture même) et de ses lectures (Terrevermeille, Gaguin)111.
60Le droit de la succession royale française est une exception du droit féodal qui ne serait justifié que par l’histoire (loi Salique) s’il ne relevait d’une coutume très particulière. Qu’est-il donc au regard du droit romain qui ne connaît ni privilège de masculinité ni privilège de primogéniture (le fille hérite comme le garçon, le cadet comme l’aîné)112, mais seulement, comme on va le voir, le jus suitatis selon lequel la copropriété est égale pour tous ?
III – Suité et droit romain
61La seconde partie de la Repetitio est largement consacrée à l’examen des différents types de substitutions (80 folios sur 145). Au terme de cette longue étude, Benoît en revient au testament lui-même. Il cherche désormais à en déterminer, selon son expression, la perfectio (« le complet achèvement »). La perfection du testament est quadruple. La première est la nécessaire déclaration de volonté du testateur, la seconde l’observation de l’institution d’héritier, la troisième le respect des formes du testament et la quatrième, l’ultime perfection, concerne l’effet du testament (effectum testamenti)113. C’est ce dernier aspect qui va entraîner Benoît à l’écriture de près de cinquante folios (commentaire en deux parties du membre de phrase Mortuo itaque testatore).
62Le testament sort tout son effet : premièrement par la mort du testateur, qui rend le testament irrévocable ; secondement par l’acceptation de la succession de la part de l’héritier (aditio haereditatis), qui empêche l’ouverture d’une succession ab intestat114. La notion romaine de succession, et notamment son caractère universel, suppose que la succession est déférée par un seul acte, le testament, et qu’elle est acquise par un seul acte, l’adition. Benoît commence donc par se pencher sur les conditions de l’acceptation et singulièrement sur les conditions relatives à l’acceptant. Il en arrive ensuite, fort logiquement, à la question générale des modes d’acquisition et de répudiation de la succession. Ainsi va se dessiner le rapprochement entre la dévolution royale et la succession héréditaire.
63S’ouvre la deuxième partie du commentaire portant sur le chapitre Mortuo itaque testatore. Guillaume Benoît, à l’instar de tous les auteurs de manuels contemporains de droit romain, se propose de définir au préalable un point délicat qui se présente comme une exception très importante à la règle de l’acceptation (et de la répudiation) : l’existence d’héritiers nécessaires115. Dans le principe en effet, comme pour toute libéralité, des raisons de convenance personnelle peuvent inciter le bénéficiaire à refuser la succession qui lui est offerte. Mais il est des héritiers pour lesquels la question des modes d’acquisition ou de répudiation ne se pose pas, qui ne peuvent répudier et pour qui l’acquisition de l’hérédité a lieu de plein droit, par l’ouverture de l’hérédité à leur profit : ce sont les « héritiers nécessaires ». Ces derniers font l’objet de la part de notre juriste d’une dissertation longue de dix-huit folios. Le minutieux examen des notions de « suité » (suitas) et de « transmission » (transmissio), que Benoît lui-même qualifie de subtiles, est la cause de tant de soin116.
64En droit romain classique, les héritiers nécessaires, au sens large, se répartissent en deux catégories, toutes deux composées d’individus qui se trouvaient, du vivant du de cujus, sous sa puissance : ceux qui étaient sous sa patria potestas ou sa manus, qu’on appelle les héritiers « siens et nécessaires » ; ceux qui étaient sous sa dominica potestas ou in mancipio, qu’on appelle les « héritiers nécessaires » tout court. La situation des premiers est la même dans les successions ab instestat ou testamentaires – successions seulement d’un homme, les femmes ne pouvant avoir d’héritiers siens. Ce sont véritablement des héritiers forcés. Par opposition, les autres successibles sont appelés « héritiers volontaires » (voluntarii ou extraneï), car ils n’acquièrent la succession que par un acte de volonté et ils peuvent la repousser. Seuls les héritiers « siens et nécessaires » intéressent notre propos et, à la vérité, pour une large part celui de Benoît, car c’est sous cette rubrique qu’il range le cas des fils de rois (de France), tout en se refusant, comme pour la primogéniture et sans doute avec davantage encore de réticence, à lui consacrer une contribution spécifique.
65R.E. Giesey a été le premier à montrer à quel degré la notion romaine et médiévale de la suité a pu, à la fin du Moyen Âge et jusqu’au XVIe siècle, renseigner le droit public de la succession royale française. Certes, comme l’a lui-même fait remarquer l’historien américain, l’outil théorique de la suité n’aurait peut-être pas eu une grande fortune s’il n’avait été « retravaillé » plus tard, par un juriste de l’envergure d’Hotman. Il semble que la lecture attentive des raisonnements de Benoît permette de comprendre avec une certaine précision les raisons du succès de ce thème en même temps que celles de sa provisoire désaffection. Le canoniste toulousain n’en détient pas moins un rôle que nous tenons pour déterminant dans sa diffusion.
66La « suité », autrement dit le droit de succession propre à ceux qui ont la qualité d’« héritiers siens », est à proprement parler un raffinement médiéval. Le concept, davantage dégagé que repris du droit romain, a été forgé au XIVe ou au XVe siècle par des juristes italiens, appliqué par des juristes français aux successions françaises puis à la succession au royaume de France117.
67L’énumération de quelques données préalables fournies par Benoît fera comprendre tout l’intérêt de la notion de suité pour le droit de la succession au trône de France.
681. Ce que l’adition d’hérédité opère à l’égard des héritiers volontaires (les autres héritiers), c’est-à-dire la translation de propriété, le jus et potentia suitatis l’opèrent dans le cas des héritiers siens118 ; accepter ou répudier la succession est le propre des héritiers volontaires, s’immiscer ou s’abstenir est le propre des héritiers siens.
692. Les héritiers siens sont « une portion du corps paternel transfusée dans la procréation des enfants »119. Pour Benoît, Aristote et le droit civil s’accordent ici, le premier pour affirmer que filius est aliquid patris, imo est pars ejus ; le second pour confirmer que filius est portio paterni corporis (Cod., 11, 47, 22). Le lien charnel et corporel qui unit le père et le fils s’explique par des raisons naturelles, à la vérité toutes empreintes du plus pur aristotélisme. Dans la procréation, la mère fournit la matière, le père la forme : pater praebet formam et mater furnit materiam. Cette conception est encore mieux exprimée par une formule très frappante que Benoît emprunte à Galien : Sperma hominis est velut Fidas [Phidias] ad ceram. Par son sperme, l’homme est, tel le sculpteur Phidias, celui qui donne forme à la cire, c’est-à-dire à la matière offerte par la femme.
70Ces expressions, issues du naturalisme aristotélicien par l’intermédiaire de saint Thomas, ont été fort justement rapprochées de celles dont use Terrevermeille. On les jugera volontiers comparables à condition de bien vouloir noter que le juriste nîmois n’est, à cette occasion, ni cité ni même allégué et que la citation de Galien est une authentique trouvaille de Benoît. Il demeure qu’on retrouve, chez les deux auteurs, le même type d’emprunt au langage philosophique médiéval et cela dans le même but, celui de promouvoir l’argument de la « seminally impressed force »120. Toute la lumière a été faite sur la signification profonde de l’utilisation de ces données anthropologiques. Les conceptions séminales d’Aristote ont pour vertu de donner une image forte, censément prouvée par la nature, de la continuité du père dans le fils121. Toutefois, Benoît n’a guère le goût du mysticisme dynastique et ces réflexions de biogénétique ne le conduisent nullement à exalter les pouvoirs magiques de la semence ou même du sang royal122. Il demeure sur le terrain du droit.
713. Le père et le fils sont réputés être la même personne mais non vere, sed ficte 123. Telle est la conclusion que tire Benoît de toute une série de considérations sur les rôles respectifs du père et de la mère à l’égard de leurs fils. Puis il s’attarde sur le véritable sens de la formule et entreprend d’en examiner les fondements. Il reprend tout d’abord les « démonstrations naturelles » dont il a déjà fait usage, alléguant une citation de saint Thomas qui cache cette fois un véritable emprunt, non avoué, aux Tractatus de Terrevermeille124. Il ajoute, toujours d’après le Docteur angélique, qu’aussi longtemps que vivent les fils, il reste quelque chose en eux de leur père défunt : ainsi le père survit-il dans le fils après sa mort. Encore une formule propre à asseoir, dans un autre domaine, l’idée de la perpétuité des dignités, des « seigneuries » ou de la couronne. Elle n’est d’ailleurs pas très éloignée, dans l’esprit, de la remarquable phrase de l’Ecclésiaste (30, 4) : Mortuus est pater, etc. invoquée par Nicole Oresme125. Mais Benoît ne file pas la métaphore. Il poursuit, en méditant qu’il vaut mieux mourir sans fils que laisser derrière soi des impies. L’illustration la plus éloquente de cette dernière maxime lui est donnée par l’« ingratitude de la descendance impie » de l’empereur Louis le Pieux. Après avoir visé les droits divin et canonique qui fournissent, à leur tour, leur lot d’arguments, le droit civil donne au juriste l’occasion de prolonger sa réflexion sur le même thème : Pater non dicitur mortuus vel desiisse stare, dum superest filius 126.
72Ces prémisses amènent Benoît à la conclusion suivante qui fait insensiblement glisser le commentaire du terrain de la filiation à celui de la transmission et donc, à proprement parler, de la suité. « Le fils in corpore forme avec le père une seule personne aussi longtemps qu’il reste en sa puissance ; après la mort du père, la maîtrise (dotninium) des biens paternels se continue ipso jure dans le fils de telle sorte que l’hérédité ne paraît pas alors avoir été acquise de neuf par le fils, et cela comme s’il en était déjà le « maître » du vivant de son père127.
73Peu après avoir analysé le mécanisme de la transmission dans les termes rapportés ci-dessus, Benoît semble vouloir se reprendre, comme s’il estimait être allé trop avant. « Je ne dis pourtant pas que, du vivant du père, le fils soit proprement le maître, mais improprement (improprie) en raison de cette manière de succéder (species succedendi) qu’il a sur les biens du père » et, ajoute-t-il sans transition aucune, « [manière de succéder] qui fait que le fils de roi, même du vivant de son père, est appelé roi, quoiqu’il n’ait pas le royaume à sa disposition ni à son administration »128. Le parallèle est enfin explicite, l’auteur renvoyant lui-même à ce qu’il a écrit sur la primogéniture. Benoît rapproche l’heres du filius regis en raison de leur commune « espérance » (attente) de la succession paternelle129. Et, eu égard aux phénomènes précédemment observés d’identification du père et du fils et de continuation de la personne du père dans le fils, le constat de l’existence d’une espèce de propriété commune entre eux se révèle la conséquence logique de tout le raisonnement. À ce stade, n’est-il pas évident que les mécanismes du droit romain rejoignent ceux de la coutume du royaume de France ? Le parallèle ne se fait-il pas assimilation ? « Le droit du successeur dans le royaume n’est-il pas tout proche de celui de l’héritier sien : l’un et l’autre, à la mort du roi ou à la mort du paterfamilias, ne sont-ils pas des continuateurs du dominium de leurs prédécesseurs ? »130.
74La source principale sur laquelle Benoît s’appuie est la célèbre loi In suis du Digeste (28, 2, 11). Tout ceci n’est donc qu’une façon de parler (loquendi usus), car le passage considéré dudit fragment l’exprime sans ambiguïté : quodammodo dicuntur domini et, quand on utilise le mot quodammodo, ajoute Benoît, on veut marquer une certaine « impropriété ». Et c’est bien là que gît, à ses yeux, la différence essentielle entre la condition du suus et celle du primogenitus. Encore une fois, le cas de la succession royale française est particulier et les formules du droit romain ne suffisent pas à en faire comprendre le mécanisme. Ici point de formule « impropre » ou de fiction. La coutume veut que, même du vivant du père, le fils premier-né soit proprement et véritablement dit domimis, puisque le père ne peut disposer du royaume au préjudice (et même en faveur) de son fils autrement que ne le veut précisément la coutume131. C’est le moment que choisit Benoît pour alléguer explicitement l’auteur qu’il suit de plus ou moins près depuis le début de cet exposé, Jean de Terrevermeille. La démonstration de la différence entre succession coutumière et succession héréditaire est analogue, dans la lettre sinon dans l’esprit132. Le mérite de Benoît, comme souvent dans l’utilisation de ses sources, est aussi de savoir en retenir l’essentiel en quelques phrases, frappées comme des maximes.
75Les conditions juridiques du primogenitus et du suus, après avoir été intimement rapprochées, sont désormais irrémédiablement disjointes. La suite l’illustre. Les considérations portant sur les ressorts de la transmission coutumière, qui eussent dû susciter quelque analogie avec le principe d’instantanéité de la succession royale française, se dérobent à un tel rapprochement. Nous voulons parler ici de la fameuse maxime « Le mort saisit le vif », dont J. Krynen a bien montré la vertu efficiente en la matière133. Il faut pourtant se rendre à l’évidence : l’exposé s’achève sans que Guillaume Benoît l’ait mentionnée à propos de la couronne. Comme on l’a fait justement remarquer, la trouvaille du chevalier du Songe du Vergier (1378) ne figure pas explicitement avant le XVIe siècle dans la littérature juridico-politique française. Et son rapprochement avec le principe d’instantanéité n’est pas le fait de Benoît. Il allègue la formule en quelques autres (peu fréquentes) occasions en renvoyant au présent exposé et donc en l’appliquant strictement au cadre du « droit privé » des successions134
*
76La loi d’hérédité est un des grands thèmes de « droit public » (avec les droits du roi dans le royaume et sur l’Église gallicane) que Guillaume Benoît approfondit dans sa Repetitio. Trois considérations peuvent en être dégagées.
771) La contribution de Benoît à l’élaboration de la règle de succession au trône de France. Benoît résumera ailleurs sa pensée (à propos de la question de la minorité du roi135) en écrivant que les rois succèdent en vertu du « droit du sang ». La dette contractée à l’égard de Terrevermeille est patente. Les citations de Benoît prouvent la circulation du manuscrit des Tractatus que notre juriste est le seul à avoir explicitement utilisé avant l’impression de 1526 et qu’il a donc indéniablement contribué à transmettre. On sait que le manuscrit a circulé au XVe siècle ; on peut se persuader que Jean Juvénal des Ursins l’a lu et exploité, mais c’était sans le citer136. Guillaume Benoît, au contraire, vise explicitement les Tractatus, et moins fréquemment qu’il ne les utilise137.
782) La hiérarchie des sources. Elle est déterminée par les deux contraintes suivantes : c’est à propos du droit privé des successions que Benoît traite du droit public de la succession royale ; c’est à l’intérieur des catégories fixées par le droit romain (et canonique) des successions qu’il conduit sa réflexion, mais sans renoncer à y faire intervenir les autres droits et l’histoire (utilisée comme un fondement du raisonnement juridique). Si l’on reprend le tableau des sources du droit dynastique au trône de France établi par R.E. Giesey, on s’aperçoit que Benoît néglige les droits divins et canonique, emprunte au droit féodal et au droit romain, se fonde en définitive sur la coutume et l’histoire, c’est-à-dire quelque chose d’un « droit du royaume » naissant.
793) Le modèle du droit romain. La référence, comme on l’a vu, n’est ni paralysante ni exclusiviste, spécialement dans le cas de la future « loi fondamentale » de succession138. Commentant des textes souvent contradictoires, Benoît, en bon bartoliste, admet les opinions les plus divergentes. Le droit romain, s’il fournit un « standard » très général, laisse le champ libre aux interprètes. Dans une certaine mesure, il n’y a pas de règle qui ne puisse être ramenée à quelque texte romain (dans un tout autre domaine ; Benoît justifie par exemple la succession des parents paternels admise par la Coutume de Toulouse par la loi des XII Tables139) et à l’inverse il n’y a pas de règle (statutaire) qui ne puisse entrer dans l’orbite du droit commun.
Notes de bas de page
1 GIESEY (R. E.), The juristic basis of dynastic right to the French throne, Philadelphie 1961 (Transactions of the American Philosophy Society, vol. 51, part. 5).
2 BEAUNE (C.), Naissance de la nation France, Paris 1985.
3 VIALA (A.), Le Parlement de Toulouse et l’administration royale laïque (1420-1525 environ), Albi 1953, 2 vol., spécialement t. I, p. 284-298.
4 OURLIAC (P.) et GILLES (H.), La période post-classique (1378-1500). La problématique de l’époque. Les sources, Paris 1971 (Histoire du droit et des institutions de l’Église en Occident, 13/1), p. 107-109.
5 OURLIAC (P.), « Le palais et l’École vers 1500 : le témoignage de Guillaume Benoît, canoniste », dans Revue internationale d’histoire de la profession d’avocat, t. 4 (1992), p. 77-92 et « La nation et l’État dans l’œuvre de Guillaume Benoît, canoniste (1455- 1516) », dans Papauté, monachismes et théories politiques, Mélanges Marcel Pacaut, Lyon 1994, p. 147-160.
6 L’édition utilisée ici est celle de Lyon, Barthélemy Vincent, 1582, avec la continuation d’Étienne Ranchin, 5 tomes en 1 volume. Les citations sont faites au tome, au folio et au numéro du paragraphe (I.1.1).
7 OURLIAC (P.) et GILLES (H.), 1971, p. 111.
8 Turin, Bibl. nat., G-I-25, fol. 186-209.
9 Dictionnaire de droit canonique, t. VII (1958), art. « Testament », col. 1195 ; OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), Histoire du droit privé, t. III, Le droit familial, Paris 1968, p. 320, 328-329 et 482 ; OURLIAC (P.), Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle : Étienne Bertrand, Paris 1937, p. 151-169.
10 Cité par OURLIAC (P.), 1992, p. 77.
11 Excellente mise au point dans OURLIAC (P.) et GILLES (H.), 1971, p. 108-109.
12 Sur l’utilisation de ce type de sources au XVIe siècle, THIREAU (J.L.), « Le comparatisme et la naissance du droit français », dans Revue d’histoire des facultés de droit et de la science juridique, n° 10-11 (1990), p. 175-176 et « La doctrine civiliste avant le Code civil », dans La doctrine juridique, dir. A. Bernard et Y. Poirmeur, Paris 1993, p. 27.
13 C’est ce qu’entend démontrer l’auteur de cet article dans une thèse de doctorat de droit qu’il prépare sur les idées politiques à Toulouse à la veille de la Réforme. La contribution qui suit est un résumé des chapitres de cette thèse consacrés à la question de la loi d’hérédité en France d’après Guillaume Benoît.
14 OURLIAC (P.) et de MALAFOSSE (J.), 1968, t. III, p. 463 et OURLIAC (P.), 1937, p. 151 et s.
15 GIORDANENGO (G.), « Du droit civil au pouvoir royal : un renversement (XIIe-XVe siècles) », Actes du colloque Public, prive : espaces et gestions, Lyon 1986, dans Politiques et management public, t. 5 (1987), p. 19-20.
16 GIRARD (P.F.), Manuel élémentaire de droit romain, 8e éd. F. Senn, Paris 1929, p. 870-871 ; OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, t. III, p. 311 ; GAUDEMET (J.), Droit privé romain, Paris 1998, p. 100.
17 KRYNEN (J.), L’empire du roi. Idées et croyances politiques en France, XIIIe-XVe siècle, Paris 1993, p. 128-130.
18 I.174.27 et II.7.29.
19 I.8.4 – I.23.125.
20 I.8.6- I.11.23.
21 I.11.24 – I.12.32.
22 CONTAMINE (P.), « Le royaume de France ne peut tomber en fille. Fondement, formulation et implication d’une théorie politique à la fin du Moyen Age », dans Perspectives médiévales, n° 13 (1987), p. 72 et s., s’est attaché à démontrer que, dans le premier quart du XVe siècle, se développe toute une vision négative de la nature féminine dans le but de prouver qu’elle est indigne ou incapable d’exercer, en particulier, le pouvoir royal.
23 BART (J.), Histoire du droit privé, de la chute de l’Empire romain au XIXe siècle, Paris 1998, p. 363 ; OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, III, p. 400-401 et GIESEY (R.E.), 1961, p. 7-8.
24 OURLIAC (P.) et GAZZANIGA (J.L.), Histoire du droit privé français de l’An mil au Code civil, Paris 1985, p. 326-327.
25 I.12.32.
26 BARBEY (J.), Être roi. Le roi et son gouvernement en France, de Clovis à Louis XVI, Paris 1992, p. 44.
27 I.12.33-34.
28 I.16.67-71.
29 I.16.72.
30 Balde, Cod. 6, 54, 12 (In sextum librum Codicis commentaria…, Turin 1576, fol. 202v°).
31 I.22.116.
32 Sur l’intérêt que porta P. Jacobi aux modalités de succession à la couronne, RIGAUDIÈRE (A.), « État, pouvoir et administration dans la Practica aurea libellorum de Pierre Jacobi (vers 1311) », dans Droits savants et pratiques françaises du pouvoir (XIe-XVe siècles), dir. J. Krynen et A. Rigaudière, Bordeaux 1992, p. 170-173. Contrairement à la doctrine dominante, ce juriste considère que Jeanne, la fille de Louis X, n’aurait jamais dû être écartée de la succession. « Et cela lui paraît d’autant plus choquant qu’au même moment, dans certains grands fiefs ou même dans quelques royaumes, les femmes sont parfaitement admises à la succession. Tel est bien le cas de la Navarre ».
33 GIORDANENGO (G.), 1987, p. 17-18.
34 OURLIAC (P.) et de MALAFOSSE (J.), 1968, t. III, p. 400.
35 BARBEY (J.), 1992, p. 44-45 et KRYNEN (J.), 1993, p. 128-133.
36 I.16.72 : Praeterea, etiam de jure communi, fœmina in feudo servitio alicujus domini non subdito succedere posset… etiam in regno, sicut pluries successit fœmina in regno Apuliae… quod non permittitur in regno Franciae: nam, licet pro eo nullum praestetur obsequium nec servitium, cum alium quam Deum non recognoscat superiorem…, tamen in ipso regno, ex ipsius speciali consuetudine, nunquam fœmina succederet, quod etiam habuit ortum a lege regni antiqua, quae vocatur Salica, qua prohibitum erat fœminam succedere in ipso regno.
37 BEAUNE (C.), 1985, p. 278-279 ; BARBEY (J.), 1992, p. 47 ; KRYNEN (J.), 1993, p. 133.
38 Excellence qui suggère à Benoît l’insertion d’un long développement sur les signes célestes du royaume, au premier rang desquels les lis de France.
39 Tous ces points seront développés dans la thèse évoquée supra.
40 BEAUNE (C.), 1985, p. 281-283 ; DALY (K.) et GIESEY (R.E.), « Noël de Fribois et la loi Salique », dans Bibliothèque de l’École des chartes, 1.151 (1993), p. 10-11.
41 Dont il cite intégralement le passage du premier livre du Compendium comprenant le règne de Pharamond (éd. Lyon, 1497, fol. 1v°).
42 COLLARD (F.), Recherches sur l’historiographie française à la fin du Moyen Âge : le Compendium de origine et gestis Francorum de Robert Gaguin, Thèse d’histoire de l’université de Paris I, 1994, p. 598-601.
43 BEAUNE (C.), 1985, p. 287-288. Voir aussi BARBEY (J.), 1992, p. 48.
44 I.197.167-168.
45 I.88.224.
46 GIESEY (R.E.), 1961, p. 9-10.
47 OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, t. III, p. 417.
48 BARBEY (J.), La fonction royale. Essence et légitimité d’après les Tractatus de Jean de Terrevermeille, Paris 1983, p. 294 n. 113 rapporte que « dans la querelle successorale précédant la mort d’Henri III, les adversaires catholiques des Bourbons prétendaient qu’ils ne pouvaient accéder au trône en raison de leur agnation qui les éloigne de la maison régnante des Valois de plus de dix degrés ». On voit que Balde, à la fin du XIVe siècle, avait déjà prévenu ce reproche ! F. Hotman saura s’en souvenir dans son De jure successionis regiae in regno Francorum…, s.l. 1588, p. 29 où il exposera, lui aussi, le précieux argument.
49 Balde, L.F., 1,14 (In feudorum usus commentaria, Venise 1580, fol. 26).
50 1.17.78 et I.50.92.
51 I.22.116 – I.23.124.
52 I.22.116-117.
53 I.22.118 et 120-123.
54 I.23.124.
55 Balde, Cod., 6, 54,12.
56 L’affaire paraît avoir beaucoup été débattue chez les feudistes, comme on le verra plus loin.
57 Balde, Dig., 1, 9, 1 (In primam Digesti veteris partem commentaria…, Turin 1576, fol. 52v°).
58 DALY (K.) et GIESEY (R.), 1993, p. 21-24.
59 Balde ajoutait, soulignant mystérieusement l’opinion favorable qu’il venait de formuler : et si male successerit regibus Francorum, forte fuit propter aliam causam quae erat in mente divina, non propter illam quae est clara pro rege Francorum.
60 I.184.11.
61 I.187.54.
62 Se reporter, entre autres, à GAUDEMET (J.), 1998, p. 101-102.
63 I.195.143 – I.202.211.
64 I.195.143.
65 I.195.145.
66 Sur les « avantages des aînés » en général : OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, t. III, p. 401-404 ; OURLIAC (P.) et GAZZANIGA (J.L.), 1985, p. 325-328 ; BART (J.), 1998, p. 361-363. Sur droit de primogéniture et droit féodal envisagés dans le cadre de la succession au trône de France : GIESEY (R.E.), 1961, p. 7-9.
67 I.195.148.
68 Tract. I, Art. I, concl. 9, 10 et 13 ; voir BARBEY (J.), 1983, p. 316-317. Dans le même paragraphe et sur le même sujet, Benoît renvoie aux « vingt-quatre conclusions » de Terrevermeille : il s’agit, selon toute apparence, des 24 conclusions du premier article du premier traité (successio simplex et indisponibilité) ; voir KRYNEN (J.), Idéal du prince et du pouvoir royal en France à la fin du Moyen Âge (1380-1440). Étude de la littérature politique du temps, Paris 1981, p. 298-300.
69 OURLIAC (P.), 1992, p. 79 n. 8 et 1994, p. 156.
70 BEAUNE (C.), 1985, p. 289.
71 I.195.149.
72 I.195.150.
73 OURLIAC (P.), « Souveraineté et lois fondamentales dans le droit canonique du XVe siècle », dans Études d’histoire du droit médiéval, t. I, Paris 1979, p. 557-558.
74 LEYTE (G.), Domaine et domanialité publique dans la France médiévale (XIIe-XVe siècles), Strasbourg 1996, p. 308.
75 I.195.151 – I.196.154.
76 Éd. 1495, fol. 95.
77 Voir IZBICKI (T.), « The canonists and the treaty of Troyes », dans Proceedings of the Fifth International Congress of Medieval Canon Law, Salamanca 1976, Città del Vaticano, 1980, p. 433.
78 I.196.154-155.
79 I.196.156.
80 GIESEY (R.E.), 1961, p. 8-9.
81 BARBEY (J.), 1983, p. 291-292.
82 Ibid., p. 293-294.
83 OURLIAC (P.), 1994, p. 156.
84 I.196.159.
85 I.196.160-162.
86 Éd. 1495, fol. 5v° et 6v° (récit du meurtre des enfants de Clodomir par le roi Clotaire Ier, etc.).
87 I.197.162-163.
88 Éd. 1495, fol. 77v°. Sur cette fameuse ordonnance, KRYNEN (J.), 1993, p. 139-143 et dernièrement AUTRAND (F.), « La succession à la couronne de France et les ordonnances de 1374 », dans Représentations, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge, Actes du colloque organisé par l’université du Maine, 1994, éd. J. Blanchard, Paris 1995, p. 25-32.
89 Balde, Auth. post Cod., 6, 42, 32 (éd. citée, fol. 166v°).
90 I.197.165-166.
91 Gl. ad Decretum Grat., C. 7, q. 1, c. 1. Voir BARBEY (J.), 1983, p. 292.
92 Balde, Dig., 1,1, 5 (éd. citée, fol. 12).
93 Nam tales primogeniti usque adeo certam habent spem in dignitatem, puta regia, quod, adhuc vivente patre, appellari possunt reges : Balde, Cod., 28, 2, 11 (sur la célèbre loi In suis, voir KRYNEN (].), « Le mort saisit le vif. Genèse médiévale du principe d’instantanéité de la succession royale française », dans Journal des savants, juillet-décembre 1984, p. 190-191 et 215 avec renvois à BARBEY (J.), 1983).
94 Vivente patre rege primogenitus illius rex potest appellari : Jean de Terrevermeille, Tract. I, Art. II, concl. 8 (voir commentaire détaillé dans KRYNEN (J.), 1984, p. 214-216 avec renvois à BARBEY (J.), 1983).
95 I.197.166 : Et haec consuetudo multum invaluit in maximis regnis Francorum et Angliae [Balde sur la loi Cum antiquioribus, Cod., 6, 30, 19 ; éd. citée, fol. 110v°-111]… ergo ipsam velut quotidie crescentem servare debemus.
96 I.197-167-168.
97 BEAUNE (C.), 1985, p. 287-288.
98 Balde, Cod., 6, 57, 14 (formule déjà alléguée par Benoît I.45.43).
99 I.199.187.
100 OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, t. III, p. 344, 396, 398 et 434.
101 I.199.188 – I.200.193.
102 I.200.194 – I.201.197.
103 I.201.198 (Balde, Cod., 6, 54, 3).
104 I.201.198-199.
105 Et encore par Étienne Aufréri dans ses notes sur les Decisiones capellae Tholosanae (quaestio 433).
106 LÉONARD (E.G.), Les Angevins de Naples, Paris 1954, p. 197 et 204.
107 Balde, Dig., 1, 1, 5. Commentaire déjà cité à propos de la définition de la primogéniture (I.196.156).
108 I.201.203 – I.202.209.
109 BARBEY (J.), 1983, p. 316-317.
110 DALY (K.) et GIESEY (R.E.), 1993.
111 2Gl. Primogenito ad Pradm. Sanct., proœmium (éd. Fr. Pinsson, Paris 1666, p. 19-21). Chez Guymier, il y a bien un droit de primogéniture, qui est une dignité, qui relève du droit divin et qui est justifié par la nécessaire unité du pouvoir ; on rencontre également dans sa glose la formule de Balde « les premiers-nés ont une telle attenete dans la dignité du père, par exemple de la dignité royale, que, du vivant de leur père, ils peuvent être appelés rois » et une discussion sur les droits respectifs de l’oncle et du neveu en cas de prédécès du primogenitus (mais Guymier ne tranche pas entre les opinions contradictoires). En revanche, point ici d’allusion à la « coutume » entendue chez Terrevermeille, au « bien public » ou à la loi Salique et point de réflexion sur la transmission proprement coutumière du droit de primogéniture.
112 OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, t. III, p. 339.
113 II.81.1.
114 II.105.326. Voir BARBEY (J.), 1983, p. 301 : « L’intestatio est assurément le fait de qui meurt sans avoir fait son testament. Mais aussi de quiconque n’a pu valablement tester car l’heres n’a pas fait adition d’hérédité... ». OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, t. III, p. 354.
115 II.112.1-19.
116 Sur ces questions techniques, toujours les mêmes manuels : OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (J. de), 1968, t. III, p. 349-354 ; GAUDEMET (J.), 1998, p. 109-112 et surtout, pour les définitions qui suivent, GIRARD (P.F.), 1929, p. 929-934.
117 GIESEY (R.E.), 1961, p. 22-25. On retiendra de l’exposé historique que Guillaume Benoît ne semble pas avoir lu le traité d’Angelo Perilli de Pérouse († 1446/7) De suitate, le premier à porter ce titre, et qu’il ne cite pas davantage le De suitate et extraneitate du juriste avignonnais Jean Raynaud. Il connaît cependant les travaux de ce dernier, puisqu’il cite par ailleurs une de ses répétitions de droit féodal. Sur ce juriste du début du XVe siècle, voir GIORDANENGO (G.), Le droit féodal dans les pays de droit écrit : l’exemple de la Provence et du Dauphiné, XII-XIVe siècles, Rome 1988, p. 143.
118 II.112.21.
119 II.113.23-24.
120 GIESEY (R.E.), 1961, p. 15 n. 47 donne en parallèle les textes de Terrevermeille (Tract. I, Art. II, concl. 1) et de Benoît.
121 BARBEY (J.), 1983, p. 326-329 et KRYNEN (J.), 1984, p. 211-212. Voir aussi KANTOROWICZ (E.), Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris 1989, p. 283-284.
122 GIESEY (R.E.), ibid., note à juste titre combien l’exaltation des qualités de la semen royale convient à un type de succession qui prétend exclure les femmes.
123 II.113.32.
124 II.113.35 : Nam, secundum philosophos, in semine hominis est quaedam vis impressiva et activa, derivata ab anima generantis et aliis suis parentibus remotis, et sic est identitas particularis naturae patris et fili, secundum Tho…
125 KRYNEN (J.), 1984, p. 210.
126 I.114.40. La formule est mise en relation, par GIESEY (R.E.), 1961, p. 38 n. 146, avec certaines conceptions « dynastiques » de Balde portant sur la succession des fiefs. Il est vrai que le principe de continuité est destiné, dans l’esprit de Benoît, à s’étendre du fils au petit-fils, comme le révèle la suite de la citation : Similiter filius non dicitur mortuus, ex quo superest nepos ex eo, in quem transfusa fuit patris substantia quae erat una et eadem cum substantia avi.
127 II.114.46 : Restat ergo quod, postquam filius in corpore est idem cum patre, quandiu manet in patris potestate, sequitur quod dominium (et non donum comme il est porté dans l’édition de 1582) bonorum paternorum post patris obitum continuatur ipso jure in filium, taliter quod nulla videtur sibi de novo acquisita haereditas, quasi olim patre adhuc vivente domimis esset.
128 II.114.47-48 : Non dico tamen quod, vivente patre, filins sit proprie dominus, sed improprie, propter speciem succedendi quam habet in bonis patris, propter quam filins régis, etiam in vita patris, vocatur rex, licet regnum non habeat in sui dispositione nec administratione.
129 Il en est de même en matière de fiefs, semble-t-il : Quae omnia praestant argumentum pro nobilibus hujus patriae qui etiam in vita patris vocantur domini domus, ac si de praesenti essent.
130 BARBEY (J.), 1983, p. 334.
131 II.115.49-50 : Ubi ponitur dictio quodammodo quae quandam denotat improprietatem, quae quidem improprietas locum non habet in rebus quae primogenito ex consuetudine patriae deferuntur, prout est regnum Franciae, quoniam in illo, etiam vivente patre, filins primogenitus proprie et vere dicitur dominus, cum de illo regno pater disponere non possit in prejudicium, imo nec in favorem filii, aliter quam consuetudo disponat.
132 BARBEY (J.), 1983, p. 344-346.
133 KRYNEN (J.), 1984 repris dans 1993, p. 135-153.
134 I.42.5, I.57.178-180 (rapprochement avec la suité), I.58.187, I.125.388-389 (à propos du droit de mainmorte), 1.203.226, 1.234.46-47 (Benoît semble placer ici la maxime parmi ces règles qui sont utilisées en France quand le formalisme du droit civil peut retarder les décisions : propter circuitum evitandum, plura in hoc regno tolerantur contra caeremonias juris civilis ; pour une réflexion analogue, voir I.123.367, II.55.15, 11.74.147.
135 I.218-219.41-56.
136 GIESEY (R.E.), 1961, p. 16-17 et n. 54 ; BARBEY (J.), 1983, p. 69-77, 380-381 et p. 328 n. 300.
137 Six mentions explicites seulement : I.72.63, I.82.160, I.195.148, I.196.152-153, 1.202.208 et 11.115.50.
138 GIORDANENGO (G.), 1987, p. 19.
139 Relevé par OURLIAC (P.) et GAZZANIGA (J.-L.), 1985, p. 140.
Auteur
Archiviste-paléographe
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