La mise en scène des procès et l’idée de justice dans le romantisme musical
p. 37-51
Texte intégral
1Que la Justice ait quelque chose de théâtral, il n’est, pour s’en convaincre, que de regarder ses palais : les Parlements français ou l’Old Bailey de Londres sont délibérément (hors de toute considération esthétique) le cadre naturel de pompes judiciaires où la majesté se veut à la fois solennelle, sévère et sereine, où l’on qualifie spontanément "d’acteurs" ceux qui demandent ou rendent justice. La procédure, là où elle est accusatoire, peut renforcer l’élément théâtral, qui s’impose à l’évidence en matière criminelle, au-delà même des prétoires tant qu’a duré la "mise en scène" publique des châtiments. Le théâtre, dès ses débuts, a volontiers à son tour porté la justice sur ses tréteaux, un peu comme il existe un théâtre sur le théâtre ; les Guêpes d’Aristophane, la Farce de Maître Pathelin au XVe siècle, Les Plaideurs de Racine, en sont tour à tour l’illustration sur le mode comique. Rien d’étonnant à ce que le XVIIIe siècle, qui a prétendu réfléchir tant sur la justice que sur le théâtre, avec la nouvelle philosophie pénale de Beccaria et de ses disciples, ou la controverse entre d’Alembert et Rousseau, ait amplifié le mouvement, en en déplaçant le terrain. Si le procès scénique du Mariage de Figaro est aussi bouffon que celui d’Agnelet ou du chien Citron, Beaumarchais, procédurier permanent, connaît et cultive les liens entre les genres. "Les mémoires judiciaires offraient à leurs lecteurs des récits mélodramatiques dont les personnages étaient présentés sans nuances. Leurs histoires étaient "fictionnalisées"…, non pas tant inventées que formées, façonnées, modelées. Leurs personnages étaient plus des stéréotypes sociaux que des créations littéraires… Lorsqu’on examine le contenu des mémoires, il est difficile de tracer une séparation nette entre le personnage et l’intrigue : un riche aristocrate sera systématiquement endetté, mentira et se comportera avec arrogance ; une maîtresse royale aura toujours un passé trouble et sera portée à l’intrigue. Mais c’est en raison même du caractère stéréotypé et prévisible de l’intrigue et des personnages que ces mémoires prennent un sens, car c’est l’absence de nuance et de retenue du récit qui lui confère le caractère d’un mythe"1. Les mémoires, portant les procès sur la place publique et devant l’opinion, s’inspirent pour convaincre des méthodes théâtrales. Mais il existe aussi une démarche inverse. "Dans son traité sur le théâtre, Mercier souligne que ce n’est que lorsqu’elle se rapprochera des thèmes et du style du prétoire que la scène pourra remplir sa fonction de forum voué au débat public et à l’éducation morale. Il propose que les grandes affaires judiciaires soient réinterprétées sur scène afin que le public puisse être pris à témoin, puis "confirmer par les applaudissements le triomphe des loix"… Selon lui, la finalité morale du théâtre est avant tout de doter la nation, y compris les plus modestes de ses citoyens, d’un véritable lieu public de représentation. Mercier rêvait d’un authentique drame politique qui révélerait au public les secrets des cabinets ministériels et des conseils royaux ; mieux, il exhortait l’auteur dramatique à se rendre dans les chaumières et les fermes des pauvres gens, là où les faits et gestes de la vie quotidienne révèlent les vérités de la nature et de la politique"2. Le romantisme, qui en matière théâtrale est à peu près le fils naturel de la Terreur et du drame "larmoyant", reprend ces tendances et ces objectifs. Hugo voudra, sur scène, enseigner au peuple à la fois l’histoire, la morale et la politique, la préface de "Marie Tudor" l’explique. Le théâtre -et l’opéra qui y puise ses sujets-, à la suite de Mercier ou de Beaumarchais, met la justice en scène, une justice -ou sa négation- qui peut être privée ou politique.
2Certes, l’opéra baroque n’ignorait pas les procès sur scène, puisque le prince apparaissait souvent dans son rôle de gardien de la justice. Mais il ne s’agissait pas de déployer "les fastes de Thémis", on assistait plutôt à ce que l’ancienne France appelait la "justice retenue" ; le souverain "confessait" le criminel, en tête-à-tête ou devant peu de témoins, avant de pardonner (dans les multiples versions de la Clemenza di Tito) ou parfois de sévir, et le procès pouvait fort bien prendre la simple forme d’un récitatif : le nombre des solistes était restreint, les ensembles et les chœurs assez exceptionnels. L’opéra romantique au contraire efface peu à peu les récitatifs, et multiplie les effets de foule. Certes, jamais on ne trouve à l’Opéra l’interminable liste de rôles secondaires des drames hugoliens, mais les chœurs peuvent fort bien en tenir la place, pour incarner autant le tribunal que le public. Les scènes de procès à grand spectacle semblent rivaliser, dans la faveur des amateurs, avec les parades militaires. S’il est assez difficile de dater le début (et plus encore la fin) de l’opéra romantique, on peut toutefois retenir ici comme point de départ l’œuvre de Spontini : il a certes incarné d’abord le néoclassicisme impérial, mais ses dernières œuvres deviennent franchement romantiques ; surtout, dès le début on trouve chez lui ces mouvements de foules, ces scènes à grand spectacle et ces reconstitutions historiques -de l’Antiquité gréco romaine au Moyen Age, voire aux "Temps modernes"– qui, sur les scènes lyriques, ont largement précédé la Préface de "Cromwell", et La Vestale, Olympie, Agnes von Hohenstaufen, voire à certains égards Fernand Cortez, ont leurs scènes de procès, tandis que dès 1804 Milton se déroule sur un arrière-plan judiciaire3…
3 Omniprésente, cette justice de l’opéra romantique est souvent plus menaçante que protectrice ou réparatrice : les abus de pouvoir pullulent, les détournements aussi, et l’on voit régner ce que F. Mitterrand a nommé "la force injuste de la loi". Toutefois, la vision romantique n’est pas uniformément noire, et la justice retrouve parfois sa véritable fonction, la protection des faibles et des innocents, la punition des traîtres ou des oppresseurs, et le rétablissement d’un ordre fondé sur la concorde.
I – "La force injuste de la loi"
4Le romantisme s’est complu à en détailler les nuances, et il est évidemment impossible ici d’être exhaustif, même en se bornant aux œuvres dont tout ou partie a été enregistré. On laissera en outre de côté les œuvres où les personnages opposent à l’injustice du pouvoir des "tribunaux populaires révolutionnaires", ou du moins s’érigent en justiciers et condamnent -illégalement- dans des formes qui calquent celles des tribunaux : les conjurés, qu’ils se plaignent d’un abus de pouvoir réel ou supposé, prennent souvent leur décision de meurtre en forme quasi-judiciaire4, et parfois les plus noirs assassins font de même5. Si les accusés sont généralement condamnés à tort, ou sous une fausse inculpation, ou trop lourdement, le juge peut être lui-même innocent, trompé par des traîtres ou paralysé par une inflexible loi. Enfin, quand la culpabilité matérielle et juridique ne fait aucun doute, il est fréquent que la sympathie, ou du moins la pitié, s’attachent quand même au condamné.
5L’abus de pouvoir volontaire réside d’abord dans les chefs d’accusation, falsifiés pour frapper soit de véritables innocents, soit des gens dont la vraie faute n’est pas celle qu’on leur impute, mais dont on veut se débarrasser pour des raisons publiques ou privées, d’ambition ou d’amour, les deux se mêlant parfois. Henri VIII d’Angleterre s’est lassé d’Anne Boleyn et épris de Jeanne Seymour : il rappelle machia-véliquement à la cour le premier amour d’Anne, Percy, comptant sur son imprudence pour susciter la catastrophe, et le hasard -grâce au page Smeton, lui aussi épris de la reine- le sert au-delà de ses espérances6. Marie Tudor accuse Fabiani-Fenimoore d’un faux attentat contre elle-même, mais punit en fait l’amant infidèle : il n’est d’ailleurs ni un petit saint ni simplement un homme d’honneur, et on ne le plaint guère, bien qu’il soit victime d’une machination (une telle situation -une sentence injuste qui cependant rétablit la justice sur un autre plan- est d’ailleurs exceptionnelle à l’opéra) ; la sympathie va à Gilberto-Ernesto qui pour venger sa fiancée séduite et trahie s’expose à une condamnation imméritée et n’en réchappe qu’in extremis 7. Elisabeth d’Angleterre poursuit en Marie Stuart une ennemie politique, en Matilde et Enrico les enfants politiquement dangereux de Marie Stuart, en Robert Devereux un général soupçonné de trahison, et ses ministres la poussent au châtiment ; mais les ministres ont leurs propres raisons, jalousie ou volonté de puissance, et la reine frappe la rivale amoureuse qu’on lui préfère ou l’homme qui refuse de l’aimer8. Filippo Visconti veut se débarrasser de son épouse Béatrice pour exercer sans partage le pouvoir qu’il tient d’elle, et pour épouser sa maîtresse : il accuse Béatrice d’un adultère imaginaire et confirme la peine pour sédition quand le peuple s’émeut9. Lorédan accuse Jacopo Foscari de meurtre, puis d’avoir violé la loi vénitienne par son retour clandestin, mais "les Foscari lui doivent deux vies" : il s’estimera payé par la mort de Jacopo et du vieux doge, tués successivement par le désespoir10.
6Dans le conseil-tribunal qui jette Vasco de Gama en prison comme "impie et rebelle", l’inquisiteur n’est mû que par une sottise fanatique, mais Don Pedro veut voler au héros sa découverte et sa fiancée11. Barnaba accuse la Cieca de maléfice pour que Gioconda, seule, tombe plus facilement dans ses pièges12. Le Podestat s’empresse d’instruire, sans qu’on le lui ait demandé, le procès de Ninetta pour vol, espérant qu’elle se donnera à lui pour avoir la vie sauve13. Sans qu’il s’agisse, cette fois, d’une accusation capitale, Appo prononce que Virginia est bien l’esclave de Marco, son homme de paille (et non la fille d’un homme libre), afin de pouvoir assouvir sa passion sur elle14. Antenore et Leucippo accusent Zelmira15 du meurtre du tyran Azor (que Leucippo a assassiné pour ouvrir à Antenore la voie du trône), puis de la tentative de meurtre sur Ilo, son mari (elle a en fait désarmé Leucippo, prêt à frapper Ilo sans connaissance). Enfin, il arrive que le chef d’accusation soit exact, mais que le juge soit aussi coupable ou plus que l’accusé : dans le Liebesverbot de Wagner, Claudio et Julia ont bien violé les lois sur le carnaval et l’amour, mais Friedrich qui les condamne va faire bien pire en poursuivant Isabella, en trahissant Mariana, et en préparant l’exécution sommaire de Claudio alors qu’il a promis de le libérer16.
7L’abus de pouvoir peut se trouver aussi dans les formes. Certes, celles-ci sont parfois assez fantaisistes, les librettistes n’étant pas historiens du droit pénal. En outre il est fréquent qu’on ne nous montre qu’une partie du procès : le début, avec l’accusation et l’arrestation, et la fin avec la signature de la sentence -souvent prétexte à de longues hésitations, réelles ou feintes, ou à des demandes de grâce, qui permettent des airs et ensembles spectaculaires17- puis la marche au supplice, voire un début d’exécution : l’exécution capitale, hors scène évidemment, peut être "vue" de la scène et décrite par un témoin18, mais la dégradation de Gaston19, préalable à la décapitation, occupe une scène entière de Jérusalem : sur ordre du Légat, le héraut fait briser le heaume, l’écu, l’épée du chevalier, et le Légat ordonne enfin "que le bras séculier à le punir s’apprête", annonçant l’exécution pour le lever du soleil20.
8Mais le procès nous est parfois plus complètement décrit, et tout l’apparat de la justice est déployé sur la scène dans la Gazza par exemple (les livrets donnent d’ailleurs des détails précis de décor et de mise en scène). Les procès apparaissent alors souvent truqués avec éclat. "Ah, segnata è la mia sorte/ Se m’accusa chi condanna, / Ah, di legge si tiranna/ Al poter soccombero !" prédit Anne Boleyn lors de son arrestation, et les courtisans redisent, à l’acte suivant : " Accusatore è il Re. Ella è perduta" ; Henri VIII ne dissimule nullement sa volonté de truquer le procès, il fait "avouer" Smeton par de fausses promesses, et supplié par tous de faire grâce répond hypocritement "Giustizia prima è dei re virtù". Elisabeth promet Marie Stuart à la hache avant le procès (que nous ne voyons pas) ; la réaction de Marie quand Cecil apporte la sentence est éloquente : "Cosi nell’Inghilterra vien giudicata una Regina ! Oh iniqui ! E i finti scritti… – Cecil : Il regno… -Marie : Basta !" Elle se sait condamnée "dans l’intérêt du royaume", sur de fausses preuves, les fameuses "lettres de la cassette". Ni pour Marie ni pour Anne Boleyn n’est soulevée l’éventuelle incompétence du tribunal. Elle l’est en revanche -souvenir manifeste de 1793- par Béatrice de Tende : invitée par les juges à se disculper, elle demande qui leur a donné le droit de la juger, ajoutant "Ovunque io volga gli occhi sorpresi, altro non veggo intorno che i miei vassalli" ; le ministre Anichino avait déjà demandé qui pourrait rendre un juste verdict sur Béatrice, quand Filippo l’accusait, et la suite est plus noire encore, Filippo faisant torturer Béatrice -en vain- comme il a fait torturer l’amant supposé… Le plus spectaculaire de ces procès truqués est peut-être celui du Dom Sébastien de Donizetti, bien qu’il soit jusqu’ici impossible de l’entendre intégralement21 : le librettiste Eugène Scribe a imaginé que le roi Sébastien de Portugal n’était pas mort sur le champ de bataille d’Alcazar Kébir, mais que, revenu à Lisbonne juste à temps pour troubler ses "funérailles", il était dénoncé comme imposteur et jugé par ceux qu’on connaît, depuis le 1er acte, comme ses pires ennemis : son oncle Dom Antonio, qui aspire à sa succession, et surtout le Grand Inquisiteur Dom Juan, agent secret de Philippe II, chargé de préparer l’annexion du Portugal, et qui adressait à l’armée royale ces vœux secrets : "Oui, que la Providence daigne exaucer mes vœux, et monarque et soldats, des sables africains vous ne sortirez pas !" Le IVe acte entier est consacré au procès, devant l’Inquisition évidemment : un imposant chœur des inquisiteurs donne la tonalité : "Que rien ne retentisse en ce saint édifice, que la voix du supplice et le cri du mourant". Dom Juan ose demander son nom à l’accusé "impie et téméraire", venu "semer ici la discorde et la guerre". Et le roi d’interroger à son tour : "Dis-moi, traître, qui t’a permis d’oser juger ton roi ? Je le suis ! Je l’atteste !" Un témoin se présente, Zaida, fille du gouverneur de Fès ; au 1er acte, prisonnière et condamnée, elle a été graciée par le roi, et renvoyée à son père. Sur le champ de bataille, pour sauver Sébastien inconscient, elle a accepté d’épouser Abayaldos (qui avait pris un autre mort pour le roi). Abayaldos, jaloux du souvenir de cet inconnu, est venu à Lisbonne avec Zaida et a attesté (de bonne foi) avoir vu Sébastien mort en Afrique. Zaida affirme l’avoir sauvé elle-même, mais Dom Juan la reconnaît et la condamne comme relapse, tandis qu’Abayaldos la rejette comme adultère : Zaida et le roi, s’avouant leur amour, sont promis au bûcher (en fait, ils seront abattus par ordre de Dom Juan alors que Camoëns tente de les faire évader). On a ici le modèle du procès inique, où tous les accusateurs sont de mauvaise foi et ont contre l’un ou l’autre accusé (voire les deux) de secrets motifs de haine ; le tribunal est évidemment incompétent à l’égard de Sébastien ; à l’égard de Zaida, épouse d’un prince étranger, on peut aussi douter de sa compétence, même si son mari la lui livre ! C’est la quintessence du procès romantique, du "grand opéra français", de la conception donizettienne de l’opéra historique22, du théâtre tel que le rêvaient tant Mercier que Hugo.
9A côté de ces juges iniques23, d’autres sont eux-mêmes victimes. Philippe-Auguste voudrait pouvoir juger lui-même entre Fayel et Raoul24 et il sent bien que Raoul a été victime d’une trahison, mais : "délia patria legge L’uso negar non m’è concesso" ; il ordonne donc un combat singulier (où Raoul va succomber). Le doge Foscari est forcé de signer la condamnation de son fils, car elle est régulière dans la forme, et son honneur de doge est engagé25. Dans Le due illustri rivali 26, les juges, peu convaincus de la culpabilité des accusés, partagent également leurs voix, et Bianca, la reine de Navarre, est donc forcée de les départager, prenant la responsabilité d’un verdict inique, quand Elvira lui réclame un dernier tête-à-tête.27. Le juge peut être trompé : Ladislas de Hongrie laisse condamner Laszlò Hunyadi pour un prétendu complot régicide, alors que le palatin Gara -dont la fille est fiancée à Laszlò- a inventé ce complot pour se débarrasser de son futur gendre et donner à la place sa fille au roi, accédant ainsi au pouvoir suprême ; mais le roi Ladislas est un faible qui redoute Laszlo, et ne résiste guère aux mauvais conseils28. Tout autre est le cas des deux empereurs donizettiens, Constantin et Justinien29. Constantin est abusé par son épouse : Fausta, violemment éprise de Crispo, fils du premier lit de Constantin, tente d’empêcher son mariage avec la princesse gauloise Irella et finit par lui déclarer sa passion ; repoussée, elle renverse les rôles, accuse Crispo d’un amour incestueux et le fait exiler par Constantin. En même temps, l’ancien Tétrarque Massimiaro, père de Fausta, conspire : il veut éliminer Constantin et Crispo pour reprendre le trône ; Crispo, en train de dire adieu à Irella, surprend les conciliabules de Massimiano et de ses complices, et veut les frapper, mais c’est Constantin, arrivant à son tour, qu’il blesse presque, dans la pénombre. Massimiano l’accuse de vouloir ajouter le parricide à l’inceste, et Constantin est forcé de citer son fils devant le Sénat, qui prononce une condamnation à mort. L’empereur hésite longuement à ratifier la sentence, car son fils unique lui reste cher, mais il ne peut éviter de se soumettre à la loi, et Massimiano hâte l’exécution. Ses complices parlent, cependant, et Constantin le fait arrêter ; mais la grâce de Crispo, lavé du crime de parricide, vient trop tard. Fausta avoue ses propres mensonges, et s’empoisonne, laissant l’empereur seul au milieu des ruines de sa famille et de son bonheur. Constantin, tout au long de l’opéra, a voulu être bon, juste et clément, il ne s’est résolu à condamner que devant l’énormité des crimes apparemment accumulés, mais il n’a pu échapper aux mensonges combinés de Fausta et de Massimiano et sauver l’innocent. Justinien frappe lui aussi son meilleur soutien, abusé par les apparences : Antonina, femme de Bélisaire, soutenue par le traître Eutropio, accuse son mari d’avoir conspiré contre l’empereur, fournissant de fausses lettres. Elle révèle en outre que Bélisaire a jadis fait périr leur fils ; Bélisaire avoue cet infanticide (les horoscopes révélaient que cet enfant serait funeste à Byzance). Justinien horrifié ne veut cependant pas mettre à mort le général couvert de victoires, mais le chasse à jamais de sa vue ; Eutropio interprète extensivement cet ordre et fait aveugler Bélisaire. Conduit par sa fille, Bélisaire retrouve son fils (qui avait été sauvé, et qui, chef de mercenaires sous le nom d’Alamir, vient d’être gracié par Bélisaire) ; Alamir voudrait venger le général en détruisant Byzance (justifiant les oracles), mais son père le persuade au contraire de sauver la ville. Antonina repentante a tout avoué, mais Bélisaire, blessé au combat, meurt sans avoir pardonné. L’empereur, ici encore, a rendu une sentence sévère mais qui paraissait juste (et dont l’horreur ne venait pas de lui) : sa bonne foi a été surprise par des accusateurs qui paraissaient au-dessus de tout soupçon ; Justinien est donc, comme Constantin, une victime lui-même, mais qui ne pourra se libérer du remords, devant les effets de son erreur.
10Enfin, certains condamnés sont coupables, tant en fait qu’en droit, mais le spectateur prend leur parti : ainsi Roméo banni pour le meurtre de Tybalt30, ou les diverses Vestales, qui ont certes manqué à leurs vœux -mais qui ne les avaient pas faits librement31- ou le chevalier Dalibor, bien qu’il ait voulu venger un ami assassiné32, ou Marino Falier et ses complices33, ou Radamès34, qui a trahi sans le vouloir ni le savoir, ou même le pirate Gualtiero35, qu’Ernesto avait persécuté sans relâche, lui prenant sa fiancée et usurpant ses terres (Ernesto est tué en combat loyal, et on ne voit guère pourquoi Gualtiero est traité en criminel, comme un vulgaire assassin). Et bien sûr il y a Polyeucte36, condamné de façon tout à fait régulière (même si Callistene a des vues sur Paolina), mais que son juge même, Severo, voudrait pouvoir sauver malgré leur rivalité…
11En somme, cette justice correspond bien à l’esprit du drame romantique en général : elle est bien souvent sombre et "torse", selon le vieil adjectif d’Hésiode. Justice politique dans l’immense majorité des cas, elle est corrompue par le pouvoir ou tend à l’être, même entre de nobles mains. Il existe cependant aussi, même dans l’opéra romantique, une justice digne de son nom, qui sauve et répare.
II – Les bienfaits de la justice
12L’idée du XVIIIe siècle, illustrée principalement par Métastase et ses élèves, qu’un opéra devait bien finir, par le triomphe terrestre d’une Justice cosmique, n’a pas complètement disparu durant la période romantique. Peut-être l’influence maçonnique en prolonge-t-elle l’effet. Parallèlement au romantisme noir et à ses outrances désespérées, on retrouve parfois des thèmes plus apaisés, plus optimistes. Ils sont cependant en nombre bien inférieur, le XIXe siècle ayant le goût des catastrophes en littérature ou en art. L’innocence peut néanmoins être sauvée, par des auteurs très éloignés à la fois dans le temps et dans le style.
13La jeune fille -ou jeune femme- faussement accusée d’infidélité, voire de trahison politique, est un thème cher au romantisme ; ses tribulations peuvent être extra-judiciaires37, mais le procès -avec duel judiciaire, bien sûr- a sa popularité. Mayr reprend -après Haendel et Méhul-l’histoire d’Ariodant : Ginevra s’efforce vainement, avant le combat, de convaincre de son innocence son mystérieux chevalier (Ariodant, naturellement), qui cherche la mort dans le champ clos38. Douze ans plus tard, le jeune Rossini reprend dans Tancredi le même sujet, compliqué par Voltaire et par son librettiste Rossi : Amenaide est accusée d’avoir trahi, non son amour mais son pays, par une tendre lettre qu’on croit adressée à Solamir, le chef des assiégeants musulmans de Syracuse (la lettre était, bien sûr, pour le banni, Tancrède) ; condamnée à mort par son propre père Argirio, après une scène cornélienne, elle est sauvée par Tancrède, qui provoque et tue l’accusateur Orbazzano (son rival en amour et en politique) ; il faudra cependant encore de longues péripéties pour qu’il comprenne enfin l’innocence d’Amenaide39. Manifestement, ces preux ont une curieuse conception du jugement de Dieu et ne croient pas à ses résultats. Il faut chercher dans l’opéra allemand des présentations plus orthodoxes. Marschner, adaptant l’Ivanhœ de Scott, sauve Rébecca dans une grande scène de jugement de Dieu40, malheureusement non enregistrée jusqu’ici. Mais chacun connaît le procès d’Eisa de Brabant au premier acte de Lohengrin 41. Wagner a minutieusement recomposé la procédure, l’appel au champion, les défis, la description du champ clos, le rappel des règles (interdiction de troubler le combat, et proscription de toute pratique magique) : "Hort auch, ihr Streiter vor Gericht ! Gewahrt in Treues Kampfes Pflicht ! Durch bosen Zaubers List und Trug stort nicht des Urteils Eigenschaft ! Gott richtet euch nach Recht und Fug, so trauet ihm, nicht eurer Kraft !", proclament les accents solennels du héraut. Et le chevalier au cygne, bien sûr, sait qu’il défend le Bien, puisque sa mission mystérieuse ne peut justement être autre.
14La Scandinavie, avec Kung Karls Jakt (La chasse du roi Charles) de Pacius, nous offre un mélange de Léonore et des souverains méta-stasiens : le jeune roi Charles XI de Suède, ayant échappé à un complot et à un enlèvement grâce à la jeune Leonora, remercie celle-ci en graciant son fiancé qui, la veille, avait tué par mégarde l’élan de la chasse royale, crime capital ; mais pour exercer son droit de grâce, le roi doit être déclaré majeur, ce que sa mère la régente fait aussitôt42. Smetana nous présente, dans Libuse 43, une jeune souveraine qui rêve de faire régner la justice dans les meilleures traditions ; mais justement, nous ne sommes plus chez Métastase, et les guerriers slaves estiment une femme incapable de juger sagement ; la princesse choisit donc un époux… Der Freischutz 44, bien que dans une atmosphère très romantique, nous ramène à une justice d’avant les troubles révolutionnaires : le roi Ottokar applique une justice stricte, en bannissant Max, mais cette sentence est injuste pour l’innocente Agathe, qui après avoir failli mourir frappée par la balle magique, va perdre son bonheur par l’exil de son fiancé ; l’intervention de l’ermite fait triompher une justice plus haute, qui tient mieux compte de l’innocence des uns et du degré de gravité de la faute des autres : Max sera seulement mis à l’épreuve pour un an, et les deux fiancés peuvent donc espérer être unis. "Der uber Sterne ist voll Gnade ; Drum ehrt es Fursten, zu verzhein !", affirment, unis, le roi et l’ermite.
15Simon Boccanegra 45 est certes un opéra romantique : la conception de la justice qui s’y affiche est cependant digne des siècles précédents, même si les mouvements de foule sont bien de leur temps : dans la "scène du Conseil", le doge de Gênes calme une émeute, suscitée par le meurtre d’un popolano, en interrogeant Adorno (le meurtrier) sur ses mobiles ; il s’agissait de punir l’homme qui avait enlevé une noble jeune fille, et chacun convient alors que Lorenzino avait mérité son sort. Quant à celui qui l’avait poussé au crime -et qui ne sera ouvertement démasqué que plus tard-, le doge appelle sur lui la malédiction de tous ; il a deviné qu’il s’agit du traître Paolo, et force celui-ci à se maudire lui-même, en attendant que vienne l’heure du châtiment (elle viendra au début du troisième acte, où Paolo est conduit au supplice après de nouveaux crimes).
16Deux justices, enfin, qui ont d’habitude mauvaise réputation sont réhabilitées, dans La Straniera de Bellini46 et Bianca e Falliero de Rossini47. "L’Etrangère" (en fait la reine Agnès de Méranie) est traduite devant le tribunal des Hospitaliers de Saint-Jean, grâce aux machinations d’Osburgo (dont le maître, Arturo, s’est épris de cette mystérieuse A l’aide, mettant en danger son projet de mariage avec Isoletta) ; Alaide est accusée d’avoir tué et précipité dans le lac le comte Valdeburgo ; le Prieur, qui ne paraît guère croire à cette culpabilité, pourrait cependant être forcé de condamner la jeune femme qui s’obstine dans son secret, mais Arturo vient s’accuser, et "Valdeburgo" (en fait le frère d’Alaide), qui n’était que blessé, apparaît, précise qu’il s’agissait d’un duel, et demande la libération d’Alaide et d’Arturo. L’assistance exige, au nom de la loi, que l’étrangère révèle son identité ; Alaide montre alors son visage au seul Prieur, qui s’incline et lui demande pardon, avant d’aller tancer sévèrement le fourbe Osburgo. La justice ecclésiastique ne ressemble nullement ici aux habituels inquisiteurs hystériques, le Prieur interroge chacun posément, voire avec bienveillance, cherchant manifestement à découvrir la vérité dans une affaire qu’il sent truquée.
17Dans Bianca e Falliero, c’est la justice vénitienne qui est, pour une fois, réhabilitée : Falliero, qui vient de rentrer victorieux à Venise, s’entretient avec sa bien-aimée Bianca, mais pour ne pas être surpris par Contareno, le père de la jeune fille, qui le hait, il doit fuir par la seule issue possible, le jardin de la maison voisine : or c’est l’ambassade d’Espagne, et une loi vient de punir de mort tout Vénitien qui entretiendrait des relations avec un ambassadeur étranger. Falliero est vu et arrêté, et Contareno pense s’en débarrasser définitivement : le jugement appartient au Conseil des Trois, dont il fait partie, ainsi que Capellio, le fiancé qu’il a imposé à Bianca. Devant le tribunal, Falliero, qui se croit trahi par Bianca, refuse d’abord de se défendre, mais un "témoin secret" demande audience : c’est Bianca, qui vient expliquer ce qui s’est passé ; Falliero, comprenant qu’il est toujours aimé, affirme son innocence : il ne savait pas que ce jardin était celui de l’ambassadeur, et -arrivé de l’armée le jour même- ignorait encore la nouvelle loi. Contareno compte sur la jalousie de Capellio, mais celui-ci est juste, et refuse de condamner Falliero ; or le vote doit être unanime, et l’affaire est donc renvoyée au Sénat, où Capellio lui-même plaide pour son jeune rival, et emporte l’acquittement : "Oh giustizia ! quel cor che ti onora D’ogni affetto maggiore si rende", proclame-t-il en renonçant à son amour et à la main de Bianca. La justice, que Contareno comptait détourner, a donc finalement triomphé.
18Ces quelques exemples permettent de nuancer le tableau très noir dressé précédemment. Toutefois, malgré ces atténuations, le bilan de la "justice romantique" à l’opéra reste sombre. On peut penser que cette image -bien qu’historiquement largement fantaisiste- a contribué pour une part non négligeable (jointe à la littérature) à répandre envers la justice une sorte de désenchantement, la fiction déteignant sur le réel : les justiciables se méfient vaguement de Thémis, et ne croient plus au "retour d’Astrée".
Notes de bas de page
1 S. MAZA, Vies privées, affaires publiques ; les causes célèbres de la France prérévolutionnaire, Paris, 1997, p. 13-14.
2 Id., p. 58-59.
3 SPONTINI, Milton, liv. Dieulafoy et De Jouy, Paris, Théâtre Feydeau, 27.11.1804, évoque les tribulations du poète, proscrit et traqué, puis gracié, à la restauration de Charles II ; La Vestale, liv. De Jouy, Paris, Opéra, 16.12.1807 ; Fernand Cortez, liv. d’Esménard et De Jouy, Paris, Opéra, 28.11.1809, rév. 1817 (le grand-prêtre aztèque exige à maintes reprises de sacrifier la princesse Amazily, non seulement parce que sa naissance en fait la parfaite victime propitiatoire, mais pour la punir de son amour pour Cortez, de sa conversion au christianisme, de ses efforts inlassables pour une paix sincère, bref de tout ce qu’il considère comme une trahison) ; Olympie, liv. Dieulafoy et Briffaut, Paris, 22.12.1819, rév. Berlin 1821 et Paris 1826 (dans une série de coups de théâtre, Antigone fait accuser Cassandre du meurtre d’Alexandre et le fait condamner, mais Cassandre évadé est victorieux, et Antigone blessé à mort avoue être le vrai coupable) ; Agnes von Hohenstaufen, liv. Raupach (l’œuvre est plus connue dans sa version italienne, Agnese di Hohenstaufen), Berlin, 12.6.1829, rév. 1837 (Henri le Lion est frappé d’anathème et proscrit, son fils Henri qui devait épouser Agnès, nièce de l’empereur, est à son tour proscrit et condamné à mort, à la fois parce qu’il est le fils de son père et parce qu’il veut garder sa fiancée, que l’empereur prétend donner au roi de France ; nous assistons à une série de brefs procès où s’entremêlent les droits de justice de l’empereur, des princes allemands, de l’archevêque de Mayence, et même du roi de France Philippe-Auguste, qui passe pour son propre ambassadeur sous le nom de duc de Bourgogne et provoque Henri de Brunswick en duel judiciaire).
4 Citons parmi bien d’autres les amis de Masaniello dans La Muette de Portici (Auber, liv. Scribe et G. Delavigne, Paris, Opéra, 29.2.1828), les compagnons du maréchal dans Drot og marsk (Heise, liv. Ch. Richardt, Copenhague, Théâtre royal, 1878 : il s’agit de tuer le roi Eric V, qui a fait violence à Ingeborg, l’épouse du maréchal Stig Andersen, pendant que Stig était à la guerre), les conjurés de Gustave III (Auber, liv. Scribe, Paris, Opéra, 27.2.1833), d’Il Reggente (Mercadante, liv. Cammarano, Turin, 1843), et d’Un Ballo in maschera (Verdi, Rome, 17.2.1859, liv. Somma ; on sait que les trois œuvres s’inspirent du livret de Scribe, l’assassinat de Gustave de Suède étant remplacé, à la demande de la censure, par celui de Murray, régent d’Ecosse, chez Mercadante, et celui d’un Riccardo, gouverneur de Boston, chez Verdi), les nobles espagnols du 3e acte d’Ernani, "l’acte d’Aix-la-Chapelle" (Verdi, liv. Piave, Venise, 9.3.1844). On peut sans doute assimiler à ces divers vengeurs la Sainte Vehme d’I Lituani (Ponchielli, liv. Ghislanzoni d’après Konrad Wallenrod d’A. Mickiewicz, Scala de Milan, 7.3.1874, rév. Saint-Pétersbourg sous le titre d’Aldona, 1884 : le patriote lituanien Walter réussit, sous le nom de Conrad de Wallenrod, à devenir le grand-maître des Chevaliers teutoniques et à les faire tomber dans une embuscade, mais doit s’empoisonner pour échapper à la Vehme, qui l’a découvert), et les Francs-Juges commencés par Berlioz entre 1825 et 1829 (le 3e acte, où les "francs-juges" intervenaient, n’a jamais été composé, alors qu’il existe quatre fragments des autres, mais ces francs-juges devaient être de "vrais" justiciers, serviteurs du Bien).
5 Dans I Masnadieri (Verdi, liv. A. Maffei, Londres, 22.7.1847), Carlo Moor, découvrant que son frère laisse mourir leur père de faim dans une prison secrète, transforme sa bande de brigands sans foi ni loi en "ministri dell’alta Giustizia divina", et prononce avec eux une condamnation solennelle : transfiguration momentanée d’un groupe de bandits. A l’inverse, on peut relever la célèbre "bénédiction des poignards" au 4e acte des Huguenots (Meyerbeer, liv. Scribe, Paris, Opéra, 29.2.1836), où l’on prépare la Saint-Barthélémy par ce dialogue : "Du trône et du ciel, du ciel, de la patrie, voulez-vous, comme moi, frapper les ennemis ? – Nous sommes prêts ! – Du Dieu qui nous protège le glaive menaçant est sur eux suspendu : des huguenots la race sacrilège aura dès aujourd’hui pour jamais disparu ! – Mais qui les condamne ? – Dieu ! – Et qui les frappera ? – Vous ! – Nous ! Pour cette cause sainte, j’obéirai sans crainte à mon Dieu, à mon roi".
6 Donizetti, Anna Bolena, liv. F. Romani, Milan, Théâtre Carcano, 26.12.1830. L’œuvre a été ressuscitée par Maria Callas, dont l’interprétation reste inégalée (enreg. EMI) ; pour les autres rôles (et pour une version sans coupures), cf. les versions Decca (Suliotis, Ghiaurov, Horne, en microsillons ; Sutherland, Ramey, Mentzer, en CD).
7 Pacini, Maria Tudor, liv. Tarantini, Palerme, 1843 ; A. Gomes (compositeur brésilien), Maria Tudor, liv. E. Praga, Milan, 17.3.1879, tous deux d’après Marie Tudor de V. Hugo (1833) ; Gomes a conservé les noms de Fabiani et de Gilbert, remplaçant Simon Renard par un Don Gil espagnol ; Pacini les a rebaptisés Fenimoore (l’Italien devient écossais), Ernesto et Gualtiero Churchill. Chez Pacini (à cause sans doute de la censure sicilienne), Gualtiero et Ernesto organisent seuls le faux attentat : Ernesto prétend avoir reçu de Fenimoore de l’or et un poignard armorié (ramassé en fait lors de leur rencontre du 1er acte), pour frapper la reine ; chez Gomes, Marie organise elle-même la machination. Dans les deux cas, la reine tente ensuite de sauver son amant en échangeant les prisonniers sous le voile noir qui dissimule le condamné, mais Don Gil-Gualtiero empêche la substitution, pour "sauver la reine et l’Angleterre".
8 Coccia, Maria Stuart, regina di Scozia, liv. Giannone, Londres, 7.6.1827 ; Donizetti, Maria Stuarda, liv. .Bardari, Scala, 30.12.1835 ; Rossini, Elisabetta, regina d’inghilterra, Naples, 4.10.1815 (Matilde et Enrico, enfants jumeaux de Marie Stuart et de Bothwell, sont bien sûr des personnages imaginaires ; l’opéra finit "bien", car Matilde et son frère sauvent la reine d’un attentat monté par le traître Norfolk ; Elisabeth leur fait grâce et bénit le mariage de Matilde avec Leicester) ; Mercadante, Il conte d’Essex, liv. F. Romani, Milan, 1833 ; Donizetti, Roberto Devereux, liv. Cammarano, Naples, 29.10.1837.
9 Bellini, Beatrice di Tenda, liv. F. Romani, Venise, 16.3.1833. Filippo est aidé par sa maîtresse Agnese, jalouse de Béatrice, car elle aime secrètement Orombello, qui aime (sans espoir) la duchesse : Agnese pour se venger d’Orombello dénonce sa prétendue liaison avec Béatrice.
10 Verdi, I due Foscari, liv. Piave d’après Byron, Rome, 3.11.1844.
11 Meyerbeer, L’Africaine, liv. Scribe, Paris, Opéra, 28.4.1865.
12 Ponchielli, La Gioconda, liv. Boito, d’après Angelo, tyran de Padoue de Hugo, Scala, 8.4.1876 ; la scène commence comme un lynchage, et se transforme en "procès" plus régulier avec l’arrivée de Badoer, l’Inquisiteur d’Etat, qui va d’ailleurs rendre une juste sentence (l’affaire lui paraît sans intérêt et sa femme implore la libération de l’accusée qui ne peut être sorcière puisqu’elle est en train de réciter le rosaire…).
13 Rossini, La Gazza Ladra, liv. Gherardini, Scala, 31.5. 1817 ; avec cet opera semiseria, où l’héroïne est sauvée in extremis par la découverte fortuite de la culpabilité de la pie, on est dans la lignée de la "comédie larmoyante" du XVIIIe siècle.
14 Mercadante, Virginia, liv. Cammarano d’après Alfieri et Tite-Live, Naples, 7.4.1866.
15 Rossini, Zelmira, liv. Tottola, Naples, 16.2.1822. Zelmra passe en outre pour avoir tué son vieux père le roi Polidoro, pour se mettre dans les bonnes grâces d’Azor (en fait, elle a sauvé et caché son père ; tous deux seront finalement sauvés, et les méchants punis, par les soldats d’Ilo). Le procès de Zelmira est expédié en quelques vers, au finale de l’acte I, accusation et condamnation se suivant sans débats ; ce sont les manœuvres extra-judiciaires qui forment la trame de l’opéra.
16 Wagner, Das Liebesverbot, d’après Shakespeare (Measure for measure), Magdebourg, 29.3.1836.
17 Prières de Nottingham à Elisabeth dans Roberto Devereux, de Leicester dans Maria Stuarda, de Jeanne Seymour dans Anna Bolena, d’Agnese dans Béatrice di Tenda, etc. La signature par Elisabeth de la sentence du comte d’Essex ("Il consiglio de’Pari/ Di costui la condanna mi porse/ Io la segno. Ciascuno la impari… Va ! Va, la morte sul capo ti pende/ Sul tuo nome l’infamia discende ;/ Tal sepolcro t’appresta il mio sdegno/ Che non fia chi di pianto lo scaldi… ") est un sommet de la partition.
18 Verdi, Il Trovatore, liv. Cammarano, Rome, 19.1.1853, finale IV. Donizetti, Marino Faliero, liv. Bidera, Paris, Théâtre Italien, 12.3.1835 (la dogaresse écoute et redit les derniers instants de son mari). Finales d’Anna Bolena, Maria Stuarda, Maria Tudor. Gazza ladra, finale II, début. Verdi, Les Vêpres siciliennes, liv. Scribe et Duveyrier, Paris, Opéra, 13.6.1855, finale acte IV (préparatifs d’exécution d’Hélène et de Procida, avec De profundis, apparition du bourreau appuyé sur sa hache, procession de pénitents, supplications de la foule..et grâce quand Henri se décide enfin à nommer Montfort "père"). Bellini, Il Pirata, liv. F. Romani, Scala, 27.10.1827 (Imogène entend la condamnation de Gualtiero et voit -ou croit voir-l’exécution : "Il palco funesto per lui s’innalzo… Oh Sole ! ti vela di tenebre oscure, al guardo mi cela la barbara scure"). F. Erkel, Hunyadi Laszlò, Budapest, 27.1.1844 (Erzsébet Szilagyi, mère de Laszlo Hunyadi, voit le bourreau frapper trois fois son fils sans réussir la décollation ; on entend la voix de Laszlo, proclamant son innocence et réclamant, selon la coutume, sa grâce puisque l’exécution n’a pu s’accomplir, mais sur l’ordre du traître Gara, le bourreau frappe une quatrième fois).
19 Verdi, Jérusalem, liv. Royer et Vaëz, Paris, Opéra, 26.11.1847 (adaptation des Lombardi alla prima Crociata). Roger, frère du comte de Toulouse et épris de sa nièce Hélène, ne peut admettre qu’elle épouse Gaston de Foix, avec qui le comte se réconcilie solennellement avant de partir pour la croisade ; il envoie un sicaire tuer Gaston dans l’église, mais l’homme se trompe et frappe le comte (qui n’est que blessé). Roger fait alors accuser Gaston d’avoir ourdi cette tentative, et le jeune homme, frappé d’anathème, est exilé. Tous se retrouvent en Orient, et Gaston est cette fois condamné à la dégradation et à la mort.
20 Jérusalem, III, 2. Roger, repentant, donne ses propres armes à Gaston qui, incognito, escalade le premier les murs de Jérusalem ; au retour, Gaston se découvre, et Roger confesse à tous son crime avant de mourir.
21 Dom Sébastien, roi de Portugal, liv. Scribe, Paris, Opéra, 13.11.1843. Le septuor du procès, dans les deux enregistrements actuels, est réduit à un sextuor, et surtout coupé : dans la version française ("Legato Classics", dir. Eve Queler) on en entend la première partie à la fin de l’acte III (D’espoir et de terreur je sens battre mon cœur), et la 2e à l’acte IV (Va, parjure, épouse impie) ; dans la version italienne ("Italian Opéra Rarities", dir. Giulini, Mai Musical Florentin, 1955), il est placé au 4e acte, mais la 2e partie est amputée de plus de la moitié. Sur ce septuor, W. ASHBROOK, Donizetti and his Opéras, Cambridge, 1982, p. 524-530.
22 Cf. L. BALDACCI, "Donizetti e la storia", Atti del I° Convegno Internationale di Studi Donizettiani (1975), Bergame, 1983, t. I, p. 5-28 (p. 13 sur Dom Sébastien).
23 L’iniquité peut se révéler aussi, paradoxalement, par la clémence : dans Marino Falier, l’outrage de Steno à la dogaresse et au doge (donc à l’Etat) n’est puni que d’un mois de prison et un an d’exil (et en fait le soir même de sa condamnation il assiste, masqué, au bal chez un de ses juges, qui ne proteste guère).
24 Donizetti, Gabriella di Vergy, composée en 1828, non représentée, revue en 1838 et créée en 1869, acte III, sc. 1. Le même sujet (liv. Tottola) a été mis en musique par Carafa, Naples, 3.7.1815, et Mercadante, Lisbonne, 8.8.1828.
25 I due Foscari, I, 10 ; II, 3, et 6-8.
26 Liv. Rossi, Venise, 1838. Les rivales sont Bianca, reine de Navarre, et Elvira di Pardos, qui aiment toutes deux Armando di Foix ; Elvira, son père et Armando, qui tentaient de fuir, ont été repris et sont jugés.
27 Elle menace de révéler au tribunal l’amour secret de Bianca pour Armando, et les délits qu’il lui a déjà fait commettre. La reine finit par céder, et l’œuvre finit bien.
28 Hunyadi Laszlo, III, 1.
29 Fausta, liv. Gilardoni (probablement terminé par Donizetti), Naples, 12.1.1832. Belisario, liv. Cammarano, Venise, 4.2.1836.
30 Gounod, Roméo et Juliette, liv. Barbier et Carré, Paris, Théâtre Lyrique, 27.4.1867, finale acte III.
31 Les grands pontifes qui les condamnent paraissent toujours des bigots fanatiques, que la Vestale soit finalement sauvée (chez Spontini ou Pucitta, La Vestale, version italienne du liv. de De Jouy, Londres, 3.5.1810) ou exécutée (Mercadante, La Vestale, liv. Cammarano, Naples, 10.3.1840). On peut également évoquer Léila des Pêcheurs de perles (Bizet, Paris, 30.9.1863), qui jure librement d’être chaste au 1er acte et trahit sa parole au 2e, mais qui garde, ainsi que son amant, toute la sympathie du public…
32 Smetana, Dalibor, liv. Wenzig, Prague, 16.5.1868.
33 Cf. notre "Marino Faliero" entre Byron et Donizetti, la liberté et le Lion", à paraître dans les Mélanges Mourgeon, Toulouse I.
34 Verdi, Aida, liv. Ghislanzoni, Le Caire, 24.12.1871.
35 Dans Il Pirata de Bellini.
36 Donizetti, Poliuto, liv. Cammarano, Naples, 30.11.1848.
37 Ainsi dans Euryanthe de Weber (Vienne, 1823) ou Genoveva de Schumann (Leipzig, 1850).
38 Mayr, Ginevra di Scozia, liv. Rossi, Trieste, 21.4.1801. Haendel, Ariodante, Londres, 1735 ; Méhul, Ariodant, Paris, 1799.
39 Rossini, Tancredi, Venise, 6.2.1813.
40 Marschner, Der Templer und die Judin, Leipzig, 1829.
41 Wagner, Lohengrin, Weimar, 28.8.1850.
42 Helsinki, 1852, rév. 1856, 1875 et 1879.
43 Prague, 11.6.1881.
44 Weber, liv. Kind, Berlin, 18.6.1821.
45 Verdi, liv. Piave revu par Boito, Venise 12.3.1857 et Scala, 24.3.1881.
46 Liv. Romani, Scala, 14.2.1829.
47 Liv. Romani, Scala, 26.12.1819.
Auteur
Bruguière, professeur à l’Université des sciences sociales
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