La Terreur dans le "Grand Sud-Ouest"
p. 275-302
Texte intégral
1Décrire l’ensemble des procédures répressives, dénombrer les condamnations, recenser les responsables de la Terreur exigerait un gros volume pour chaque département. La présente étude se bornera à présenter les aspects les plus significatifs de la répression révolutionnaire dans les contrées du "Grand Sud-Ouest".
2Nous utiliserons, pour ce faire, les études et les archives, notamment celles des tribunaux criminels, afin de mieux cerner les mentalités, les acteurs, les procédures dans les différents cas de figure : les deux capitales régionales, Bordeaux et Toulouse, les zones pyrénéennes proches des opérations militaires, les diverses villes moyennes atteintes, à leur manière, par les passions liées à la Révolution, Auch, Foix, Rodez, Agen, Cahors, Bayonne, Pau, Périgueux, Saint-Sever et tant d’autres1.
3Il n’est pas surprenant que l’on retrouve partout les manifestations d’une politique répressive nationale, définie par les lois décidées par le législateur national, appliquées dans chaque circonscription par des administrations similaires, aiguillonnées et surveillées par les sociétés populaires locales (qui réunissent, dans les villes et bourgades, les "patriotes" républicains). Nous conservons les témoignages locaux, bien proches d’un département à l’autre, des efforts des détenteurs du pouvoir révolutionnaire pour circonscrire et anéantir les oppositions, réelles ou présumées.
4La répression révolutionnaire a menacé d’abord les prêtres réfractaires, à la suite des décisions de l’Assemblée Constituante en 1790, durant cette période de la Révolution que l’on nomme "libérale". La Révolution avait reçu, au printemps 89, le soutien actif de beaucoup de prêtres, et l’adhésion des autres aux espoirs de rénovation pacifique. Lorsque les révolutionnaires prennent des mesures hostiles à l’Église, évêques et curés se sont résignés à la nationalisation des biens des établissements ecclésiastiques (décrets du 3 novembre et du 19 décembre) puis à l’abolition des voeux religieux solennels (décret du 13 février 1790). Ils vont se trouver confrontés à un choix dramatique du fait du vote, par la Constituante, de la fameuse Constitution Civile du Clergé (loi du 12 juillet-26 août 1790) qui ne se limite pas à redéfinir les rapports entre l’Église et le nouveau système politique (ce qui n’aurait guère soulevé d’opposition), mais décide la réorganisation de l’Église elle-même, sans consultation ni du pape, ni d’un concile des évêques du royaume.
5Presque tous les évêques se prononcent contre cette Constitution, seulement en tant qu’elle méconnaît l’autonomie de l’Église, puissance spirituelle, "instituée par Jésus-Christ lui-même" (selon la formule reprise par tant de pasteurs de cette époque). L’Assemblée Nationale irritée par cette résistance, impose, pour la briser, à tous les prêtres fonctionnaires publics (évêques, curés, vicaires) de prêter publiquement serment d’adhésion à cette Constitution Civile, devant la municipalité, dans les plus brefs délais sans préambule et sans réserve. Cette loi du 27 novembre-26 décembre 1790 enclenche un processus qui va conduire à l’exclusion, puis à la persécution des prêtres "réfractaires" et de leurs défenseurs. Dès 1791, dans chaque diocèse, et dans la plupart des paroisses, c’est le schisme. La rupture se prolonge entre les Français : les pouvoirs et sociétés révolutionnaires soutiennent énergiquement (jusqu’en 1793) le clergé "jureur", qui constitue une sorte d’"Église patriotique". Quant aux réfractaires, les autorités, méconnaissant la liberté de conscience, les excluent des églises, les traitent en ennemis de la Révolution et de la liberté.
6Fin 1791, début 1792, le climat s’alourdit. La propagande révolutionnaire se déchaîne contre ces "réfractaires". Un décret du 29 novembre 1791 introduit la France dans l’ère de la suspicion institutionnelle : il répute "suspects de révolte" les prêtres qui ne prêteraient pas serment dans les huit jours. Le roi refuse de l’approuver.
7Une fois la guerre engagée, qui tourne mal contre la France, la fièvre obsidionale renforce les haines anti-catholiques. À Bordeaux, deux prêtres sont roués de coups et tués par la foule (14 juillet 1792). Dans le petit village de Clairac, en Agenais, l’abbé Lauger de Lartigue est lui aussi assailli par une foule furieuse et massacré le 20 juillet 1792, sans que les autorités constituées aient réagi.
8Une fois Louis XVI, fragile défenseur de la légalité, arrêté et destitué, la répression contre les réfractaires se donne libre cours. Ils sont emprisonnés par centaines en application de la loi du 11 août 1792 qui attribue aux administrations locales la police de sûreté générale. À Paris, trois évêques et plus de deux cents prêtres figurent parmi les victimes des fameux "massacres de septembre". Ainsi commence la Terreur. L’Assemblée législative vote la loi du 26 août 1792 décidant le bannissement hors de France des prêtres réfractaires, et punissant de dix ans de réclusion ceux qui seraient arrêtés sur le territoire national. La répression est encore aggravée par la Convention : le décret du 28 mars 1793 punit de mort tout prêtre arrêté sur le territoire de la République et qui n’avait pas prêté dans les délais prévus les serments imposés par la loi.
9La répression s’abattra également sur les "émigrés", du seul fait qu’ils ont quitté la territoire de la République depuis le 1er juillet 1789. La répression commence avec la loi du 2-9 février 1792 et est aggravée plusieurs fois. Chaque commune dresse la liste des émigrés, c’est-à-dire de ceux qui ont cessé de résider sur son territoire. Les prévenus d’émigration sont bannis, leurs biens confisqués, et, s’ils sont arrêtés sur le territoire de la République, condamnés à mort sans autre forme de procès dès que leur identité est attestée par deux citoyens d’un civisme certifié (loi du 28 mars 1793). Les révolutionnaires ont traité d’emblée en ennemis ceux qui quittaient le royaume. Dans chaque département, des "aristocrates", hommes et femmes sont arrêtés, jugés et guillotinés, soit pour émigration, soit pour correspondance avec des émigrés. L’incrimination d’émigration ne pardonne pas à celui qui est inscrit sur une liste d’émigrés. Prouver qu’on y a été inscrit à tort est très difficile.
10L’accusation de complicité d’émigration conduit presque toujours à la mort. Bien des ci-devant nobles seront guillotinés pour avoir seulement écrit à leur fils ou parent émigré. Il suffit, dans une correspondance saisie par la poste, d’avoir exprimé des critiques de la Révolution, ou des regrets, même voilés de la monarchie pour être condamné à mort. Il en serait ainsi de Bouchepom, ancien intendant de Pau, retiré à Toulouse.
11 Le troisième chef d’accusation dont on trouve la trace dans les procédures devant les différents tribunaux criminels du département est celui de "participation à des troubles à l’occasion de la levée des volontaires".
12On sait que le fameux décret de levée de 300.000 hommes, du 24 février 1793, suscita des mécontentements voire des oppositions dans de nombreux départements. Il est évident que la majorité des requis ne tenaient pas à quitter leur village pour risquer la mort. Beaucoup, dans le feu des discussions, déclareront que c’était aux patriotes d’aller défendre leur République, ou bien que les municipalités (exemptes du service militaire) devraient donner l’exemple en partant en tête pour la guerre. Pour briser toutes les résistances, la Convention, par la loi du 19 mars 1793 porte la peine de mort pour tous ceux qui seraient convaincus d’avoir participé à de telles émeutes. L’incrimination sera souvent fatale, encore que certains tribunaux se soient évertués, comme nous le verrons à éviter les sanctions draconiennes.
13Bien d’autres incriminations ont été établies par des lois spécifiques : la loi du 10 mars instituant le Tribunal criminel extraordinaire lui attribue la connaissance de "toute entreprise contre-révolutionnaire, de tout attentat contre la sûreté de l’État, contre la liberté, l’égalité, l’unité, l’indivisibilité de la République" ; ces notions imprécises seront étendues par la pratique des juridictions à l’expression de toutes critiques vis-à-vis de la Révolution ou de ses acteurs. La loi du 26 juillet 1793 punit de mort l’accaparement, ce qui englobe le fait de vendre au-dessus des cours réglementaires, le refus de vendre, le fait de dérober au commerce des marchandises de première nécessité ou de les laisser périr, de ne pas faire inventaire complet des stocks.
14Telles sont les grandes lignes de la politique répressive que les autorités révolutionnaires vont appliquer dans le Sud-Ouest.
15Il convient d’abord d’évoquer les principaux épisodes de la Terreur dans ces départements ; nous en déduirons les règles de fonctionnement de l’appareil répressif.
16La ville de Bordeaux l’emportait sur toute autre, au début de la Révolution par l’ampleur des fortunes, la diversité des négoces, un goût certain pour les principes libéraux2. La bourgeoisie accueille bien, en 1789, le nouveau régime. Sont alliés contre l’Ancien Régime et ses partisans les citoyens regroupés dans le Club des Amis de la Constitution, qui sera le berceau des futurs "Girondins" et ceux qui se réunissent dans le Club National, plus radical. Ce dernier devait se distinguer dans les campagnes de dénonciation et de violence contre les prêtres réfractaires.
17À la Convention, le groupe Vergniaud-Guadet s’oppose aux "marratistes" mais à Bordeaux, les opérations de recrutement en mars 1793 s’accomplissent sans trop de difficultés. À l’annonce du coup de force montagnard, et de l’arrestation des députés "girondins" Bordeaux s’émeut. Les corps constitués se réunissent en "commission populaire de salut public" et prêtent le serment solennel de maintenir la liberté, l’égalité, la République, et de "rétablir la liberté dans le sein de la Convention". Le "Club National" est dissout. Deux représentants en mission sont arrêtés, puis relâchés, les deux autres se replient à Périgueux. Mais la résistance des Bordelais ne s’étend guère, les nouvelles autorités tergiversent, ont du mal à constituer une force armée. La Convention montagnarde, elle, réagit vigoureusement : elle décrète traîtres à la patrie et hors la loi les membres de la commission populaire. Les jacobins regroupent leurs forces, puis encerclent Bordeaux. Le 17 octobre, la dissidence a vécu. Les représentants font leur entrée, menaçants, à la tête des troupes de la Convention.
18Le 18, ils créent une commission de surveillance, chargée de faire arrêter ceux qui ont participé au mouvement de dissidence, puis une commission militaire de sept membres présidée par un instituteur besogneux, Lacombe, venu de Toulouse et pilier du "Club National". La Terreur à Bordeaux s’identifie à cette commission.
19Elle est installée le 23 octobre, et commence par "épurer" Libourne (soixante jugements, dont cinq à la peine capitale). Puis elle retourne à Bordeaux. Les dénonciations se sont accumulées. Les prisons et les couvents regorgent de détenus. 5.000 suspects (pour une population de 100.000 âmes), des milliers de poursuites. Les finalités de la répression sont exposées ainsi qu’il suit par les représentants en mission au Comité de salut public, qui trouve la répression trop lente : "faire tomber les têtes des meneurs en chefs, saigner fortement la bourse des riches égoïstes et faire jouir des bienfaits de l’indulgence nationale les patriotes trompés par des scélérats". Deux cents négociants opulents ont été arrêtés dans la nuit du 29 au 30 novembre. Les moins compromis seront libérés après avoir subi une "forte saignée" dans leur fortune.
20Le 16 pluviôse an II, coup de théâtre, les représentants en mission suspendent les séances de la commission militaire, destituent les membres de la commission de surveillance. Les dissensions entre proconsuls et la volonté de limiter l’arbitraire expliquent ces mesures. Les prévenus ne comparaîtront qu’en vertu d’un arrêté des représentants en mission, puis après enquête, l’inculpé pourra bénéficier de l’assistance d’un défenseur. Puis le train-train de la Terreur reprend. On commence à murmurer, à Paris, que la répression manque de vigueur et de cohérence. C’est le temps où la belle Thérèse Cabarrus, compagne du représentant Tallien, prend parfois la défense d’un prisonnier. Le vertueux Robespierre s’indigne, accuse de modérantisme, envoie son fidèle Marc-Antoine Jullien pour surveiller tous les organes révolutionnaires et accélérer la répression. C’est la "Grande Terreur", du 4 juin 1794 au 31 juillet, date à laquelle parvint à Bordeaux la nouvelle de l’élimination de Robespierre. Ce sera le tour des "terroristes" d’être inquiétés.
21La commission militaire, en huit mois, a prononcé 302 condamnations à mort. Cruel bilan, compte tenu du fait qu’il y avait bien eu quelques semaines de dissidence, mais sans combats contre les troupes de la Convention.
22Cette répression à Bordeaux s’est ressentie, dans ses rythmes et ses singularités, des luttes d’influence parmi les hiérarques de la Révolution. Elle est caractérisée aussi par le fait que la terrible commission avait monnayé son pouvoir, exigé ou accepté de fortes sommes dont le versement ne fut pas intégralement réparti entre les pauvres patriotes. La roue ayant tourné, Lacombe, accusé à la fois de concussion et de terrorisme est destitué, arrêté, jugé, guillotiné. Ce bouc-émissaire exécuté, la guillotine sera symboliquement démontée le 14 août 1794. Les Bordelais respirent après un an de terreur.
23L’autre capitale provinciale, Toulouse, n’a pas laissé une trace aussi brillante dans l’histoire de la Révolution. Elle a subi, plus que précédé les événements. Cependant la Terreur a sévi durement dans cette capitale catholique traditionnelle3.
24 La ville a connu ce qu’on pourrait appeler le "quotidien de la Terreur" : arrestations en masse des suspects qui remplissent les couvents, dénonciations par les "patriotes", proclamations virulentes des autorités, police omniprésente, guillotine installée le 24 juillet 1792.
25À Toulouse comme ailleurs, le mouvement révolutionnaire s’en prend d’abord au clergé réfractaire, victime comme partout des sociétés populaires et de l’hostilité des autorités constituées. Dès avril 1790, la municipalité blâme les citoyens qui osent utiliser les libertés qui venaient d’être déclarées pour pétitionner en vue du maintien de l’Église catholique et de ses établissements. L’administration, à Toulouse comme ailleurs, outrepasse ses prérogatives contre les prêtres réfractaires : un arrêté municipal du 12 août 1792 les chasse de la ville. Les arrestations se multiplient à partir d’août 1792. M. Meyer, dans sa thèse, dénombre 509 prêtres ou religieux incarcérés dans le département de la Haute-Garonne (soit environ le tiers des détenus). Cent vingt-quatre seront envoyés en déportation, et douze à la guillotine. Quatre d’entre eux sont bien des "confesseurs de la foi", qui se cachent dans le pays, après le décret du 26 août 1792, pour continuer à exercer comme ils pouvaient leur ministère. D’autres sont plutôt des "martyrs par inadvertance". Ils se croyaient en règle avec la loi, mais des ennemis les dénoncent pour avoir prêté les serments requis, ou trop tard, ou avec restriction. L’un d’eux sera condamné à mort quoique abdicataire, marié, membre de sociétés populaires, et bardé de certificats de civisme. D’autres sont condamnés pour incrimination politique : ainsi un ex-vicaire, abdicataire, devenu employé de bureau, a l’imprudence de critiquer (en privé) le redoutable représentant Dartigoeyte. Un mouchard le dénonce. Le voilà inculpé d’avoir "avili la représentation nationale en la personne du représentant du peuple", incrimination punie de mort.
26Arrêtons-nous au cas exemplaire du père Gros, ex-prieur de l’antique monastère bénédictin de Saint-Sever, jureur, élu curé constitutionnel de cette ville. Il avait osé prêcher contre le divorce, et fut rappelé à l’ordre par la municipalité. Il se rend à Toulouse, où il a l’inconscience de demander aux autorités où il pourrait célébrer la messe. La municipalité s’empresse de l’incarcérer, fouille ses papiers, y trouve des dissertations sur les malheurs de la religion, et les moyens de réunir les deux clergés. Cela suffit pour que Dartigoeyte, prévenu, voit un complot contre-révolutionnaire dans le voyage de son compatriote landais, et un plan tendant à dresser une partie du peuple contre l’autre dans ses écrits. Le réquisitoire est pris dans ce sens, et notre naïf religieux condamné à mort.
27 On relève aussi, dans les dossiers criminels, le lot habituel des émigrés rentrés (condamnés à mort sans procédure), de ceux qui ont correspondu avec des fils ou parents d’émigrés (Madame de Cassan), de ceux qui ont eu l’imprudence de confier à une lettre (saisie à la poste) des réflexions sur les malheurs des temps, ou des regrets d’autrefois. Dans l’esprit vindicatif de l’accusateur public, cela devient "incitation au rétablissement de la royauté", ou "avilissement des pouvoirs constitués". Les autorités ont profité de la loi du 19 mars 1793 pour faire guillotiner quelques adversaires sous l’inculpation de troubles à l’occasion du recrutement de l’armée.
28Le tribunal prononce plusieurs condamnations à mort pour des infractions d’ordre économique : contre des négociants qui ont fait des déclarations de stocks incomplètes ou trop tardives ; contre un boucher pour vente de viande avariée ; contre un boulanger pour avoir vendu du pain de mauvaise qualité. L’accusateur public et les juges considèrent que celui qui peut rendre malade les patriotes est aussi nuisible à la patrie que les guerriers étrangers.
29Plusieurs poursuites, suivies de condamnation à mort, constituent des règlements de compte pour rivalités politiques : plusieurs administrateurs en place au printemps 1793 seront arrêtés après la crise dite "fédéraliste", accusés, jugés et guillotinés, pour incitation à la guerre civile, attentat à l’indivisibilité de la République, bien que le dossier soi mince ou inexistant et qu’il n’y ait pas eu de rébellion armée contre la Convention. Les garanties prévues pour les citoyens accusés par les lois de 1790 et 1791 sont oubliées. Les deux promoteurs de la Terreur à Toulouse, l’accusateur public et le président du Tribunal Hugueny, entendent imposer la "ligne générale" par la Terreur judiciaire à des populations plus réticentes que convaincues.
30L’autre expression de la répression révolutionnaire à Toulouse concerne ceux qui avaient été, avant la Révolution, les plus puissants, les plus illustres, les plus redoutés, les membres du ci-devant Parlement de Toulouse. Leur marche à la mort s’achève à Paris, mais l’aventure débute à Toulouse. Le Parlement de Toulouse, le plus ancien du royaume après celui de Paris, exerçait son autorité de la Gascogne au Rhône, des Pyrénées au Velay.
31L’Assemblée Constituante, qui entendait anéantir toute autre autorité que la sienne, avait décidé le maintien des Parlements en vacances, par décision du 3 novembre 1789, avant de procéder à une réorganisation de la justice qui les supprimait. Les chambres des vacations, maintenues pour expédier les affaires courantes, devaient cesser leurs fonctions après avoir enregistré les lettres du roi comportant promulgation du décret réorganisant la justice. La plupart des Parlements s’en tinrent à des regrets privés. Quelques uns protesteront.
32A Toulouse, les membres du Parlement se réunissent le 25 septembre 1790 dans l’hôtel particulier du premier président de Cambon. Un texte est rédigé (dans des conditions qui feront l’objet de témoignages contradictoires) imprimé et distribué sous le manteau, comme tant de remontrances depuis le milieu du XVIIIe siècle. La Cour s’y déclarait inviolablement attachée à la personne du roi, protestait contre toutes les atteintes portées à la constitution de la monarchie, à la religion, aux privilèges du Languedoc, et notamment contre la suppression des cours souveraines.
33Ce texte suscite aussitôt de violentes protestations du côté des "patriotes" toulousains, bien qu’il n’ait comporté aucun appel à la désobéissance ou à la résistance. L’Assemblée Nationale accuse les auteurs de crime de "lèse-Nation" et invite le roi à les faire arrêter ; elle démontre ainsi qu’elle ne tolère aucune opposition, même pacifique. Les parlementaires jugent prudent de s’exiler. Ils reviendront lorsque l’Assemblée Nationale, en se séparant, proclamera l’amnistie totale pour les faits survenus depuis 1789 (14 septembre 1791). L’affaire aurait dû en rester là. C’eut été compter sans les rancunes tenaces des "patriotes" toulousains contre ceux qui avaient osé contester leurs principes et qui avaient tenu auparavant le haut du pavé.
34Les ex-parlementaires ont été arrêtés, en grand nombre, avec tant d’autres notables, comme "suspects" en avril, puis en septembre 1793. L’accusateur public près le Tribunal criminel de la Haute-Garonne, Capelle inculpe, d’abord les membres de la Chambre des vacations, puis tous les autres, "de rébellion contre la Souveraineté Nationale et de conspiration contre-révolutionnaire".
35Les parlementaires se sont défendus par un bref mémoire, bien argumenté, soutenant que la protestation qu’on leur reproche n’était pas une infraction réprimée par le droit alors en vigueur, et que les faits étaient couverts par l’amnistie décrétée par la Souveraineté Nationale.
36Ces arguments ne sont pas pour arrêter Fouquier-Tinville, le célèbre accusateur près le Tribunal Révolutionnaire de Paris, devant lequel les prisonniers sont renvoyés. Tous les membres du Parlement de Toulouse qui ont pu être arrêtés sont jugés à Paris en trois fournées. Les premiers sont jugés le 1er floréal an II (20 avril 1794), en même temps que dix-sept membres du Parlement de Paris poursuivis eux aussi pour avoir rédigé une protestation secrète. Quelques heures suffirent pour condamner à mort les uns et les autres. La seconde journée est expédiée encore plus vite, en application de la loi du 22 prairial an II qui a simplifié encore la procédure. Le tribunal peut condamner sur "preuves morales". Vingt-six parlementaires sont condamnés à mort le 26 prairial an II, sous l’inculpation, combien vague, d’être "les ennemis du peuple". La troisième fournée est exécutée le 18 messidor. Au total, cinquante-cinq membres du Parlement ont été guillotinés, chaque condamnation étant totalement arbitraire au regard même des règles de droit établies en 1789, 1790, 1791. Ces exécutions s’ajoutent aux cinquante qui ont eu lieu à Toulouse, pour motif politique, durant cette période.
37Le châtiment était terrible pour cette "Cité catholique", où les pouvoirs constitués suivaient, depuis 1789, les impulsions révolutionnaires, où les flottements et les zizanies de juin 1793 n’avaient pas fait couler le sang.
38Dans les Basses-Pyrénées, où la population, dans sa majorité, restait attachée aux "bons prêtres", on relève, dès 1792, mainte procédure criminelle engagée en matière religieuse : contre tel curé pour rétractation de serment ; contre tel autre pour avoir nié la validité du sacrement administré par le curé constitutionnel "intrus" ; contre tel autre pour avoir diffusé les mandements et ordonnances de l’évêque de Lescar, réfugié à Pampelune (ce qui est qualifié de "propagation d’écrit séditieux"). Fin 1792, début 1793, plusieurs citoyens sont condamnés à la détention ou à la déportation pour "incivisme"4.
39La sévérité de la répression s’accentue à partir d’août-septembre 1793. Les administrateurs, les comités de surveillance font la chasse aux suspects. Les prisons et les couvents se remplissent : prêtres, ci-devant nobles, administrateurs révoqués, notables dénoncés par les sociétés populaires. On relève à peu près deux mille suspects dans le département. L’abbé Dubarret dénombre 51 prêtres du diocèse de Bayonne reclus ou déportés. Plusieurs mourront dans les hôpitaux, les prisons, les pontons ou en Guyane. Un vicaire de Briscous, inculpé d’avoir quitté le territoire national, acquitté en septembre 1793, mais maintenu en prison, est renvoyé à Bayonne, où le représentant Pinet le fait fusiller.
40Deux prêtres et ceux qui les hébergeaient furent condamnés à mort à Pau, le 12 novembre par un "jury militaire" et fusillés. Plusieurs autres seront guillotinés. La dame Capdeville, qui les cachait a la chance de n’être condamnée qu’à six ans de réclusion.
41Les représentants en mission déploraient le "mauvais esprit" ou l’attentisme des populations. La proximité du théâtre d’opérations du Pays Basque suscite, chez les républicains, la crainte de trahisons, et l’espoir d’une libération par les troupes du roi d’Espagne, chez les adversaires et les victimes du régime. Les passages clandestins de la frontière étaient de tradition dans les montagnes basques. Lorsque 47 "chasseurs basques" désertent, les représentants en mission réagissent par des sanctions collectives. Tous les habitants de Sare, Ixassou, Ascain, et les suspects d’Espelette, Aïnhoa, Souraïde, autres communes frontières sont rassemblés, entassés dans des églises et déportés à 20 lieues de la frontière, par dispersion dans les départements voisins (13 ventôse an II). Cette mesure ne sera rapportée que le 8 vendémiaire an III.
42Les représentants décident aussi par arrêté du 13 vendémiaire an II, d’établir une commission militaire, qui connaîtrait des entreprises contre-révolutionnaires, et, plus largement, de tout comportement de nature à compromettre le salut de la patrie. Monestier justifie ainsi cette création : "... considérant que l’organisation des tribunaux criminels du département... ne nous permet pas de leur confier les verges de la justice nationale et révolutionnaire... leur conduite n’atteste que pusillanimité, piété funeste et commisération absurde... Considérant que la voie la plus certaine d’assurer au peuple la justice vengeresse des crimes dirigés contre lui est dans l’organisation d’une commission extraordinaire". Le 18 ventôse, les représentants écrivent au Comité de Salut Public : "Nous avons installé un appareil et une pompe à faire frémir tous les traîtres. Le sang des monstres va couler en expiation de tant de crimes".
43De fait, la purification par la guillotine frappe aussitôt, à Bayonne, ceux qui ont été arrêtés dans l’affaire de cette désertion des chasseurs basques, hommes et femmes, civils et militaires. Parmi les condamnés, Manech Etcheverry, pour avoir dénoncé trop tard le complot d’émigration, le juge de paix d’Espelette, accusé d’avoir favorisé émigration et désertion. Le maire d’Espelette est condamné "seulement" à la prison à vie, pour n’avoir pas employé tous les moyens dont il disposait pour empêcher l’émigration. Selon une plainte qui sera adressée après thermidor par la société populaire de Bayonne, le capitaine Grandgean, traduit devant le tribunal militaire sur dénonciation et acquitté, est à nouveau arrêté sur ordre de Pinet, renvoyé devant la commission militaire pour faits déjà jugés et condamné à mort.
44La commission, qui se compose de quatre officiers, sous la présidence de Monduteguy, juge de paix d’Ustaritz, puis de Toussaint, commissaire des guerres, use d’une procédure expéditive : plus d’acte d’accusation, plus de défenseurs. Le président interroge rapidement l’accusé, fait lire des pièces et procéder à la décision.
45Cette redoutable commission militaire se rend ensuite dans les Landes, pour anéantir une prétendue conspiration que nous décrirons un peu plus loin. Après avoir continué son oeuvre de mort à Auch (affaire d’un attentat contre Dartigoeyte), la commission militaire, vient à Bayonne pour prononcer encore dix-neuf condamnations à mort, dont celle des prisonniers ayant appartenu à la "Légion Saint-Simon", exécutés en application de la loi du 9 octobre 1792 pour avoir porté les armes contre la République. Le 4 floréal, la commission condamne quatre personnes, comme "convaincues d’avoir voulu avilir la représentation nationale en la personne de Pinet, pour avoir voulu occuper, au théâtre, la loge de Pinet et de son épouse". Au total, en deux mois, elle aura fait exécuter soixante et une (ou soixante-deux) personnes.
46Une autre commission militaire a été établie à Pau par Monestier, le 12 germinal an II, avec le conseil "vous jugerez en votre âme et conscience et selon la nature de la commission extraordinaire que vous remplissez". Elle prononcera plusieurs condamnations à mort.
47Après le 9 thermidor, la société populaire de Bayonne dénoncera à la Convention Monestier, Pinet, Cavaignac pour actes de despotisme et notamment, pour les exécutions décidées par cette commission "qui a fait assassiner de sang-froid une foule de victimes, prononçant ses jugements au milieu des invectives et du mépris de toute espèces de décence et d’équité".
48Le département des Landes5, en arrière-plan des Pyrénées-Occidentales, paraît s’être situé dans une ligne moyenne jusqu’à l’affermissement de la dictature montagnarde. Les jugements diffèrent sur une même réalité : pour les mémorialistes catholiques du XIXe siècle, la population approuvait les prêtres réfractaires, les plaignait, les hébergeait même. Pour les Montagnards un "modérantisme" proche de la trahison paralysait la diffusion de l’esprit révolutionnaire.
49Les représentants en mission, Pinet, Monestier, Cavaignac, puis Dartigoeyte, entendent "regénérer" le département en se faisant accompagner de la guillotine. Le premier guillotiné, l’abbé Cabiro est un prêtre réfractaire qui a refusé de s’évader avant l’arrivée des "proconsuls", déclarait qu’"il n’avait rien fait pour mériter la mort". Il est guillotiné le 22 octobre à Mont-de-Marsan et un autre prêtre à Saint-Sever le 18 octobre. À Tartas, l’abbé Dambouger sera guillotiné avec la fille du boulanger qui l’a hébergé, en avril 1794, ainsi que deux autres prêtres.
50Entre-temps la Terreur avait pris dans les Landes, une violence furieuse à la suite d’un étrange incident : une lettre a été saisie, qui exprimait l’espoir que les armées espagnoles viendraient bientôt délivrer le Midi de la dictature révolutionnaire. Cette lettre désignait un certain nombre de notables du pays comme susceptibles de concourir à l’opération. Ce document sue la fausseté, car on ne peut imaginer, à l’époque, que l’on prenne le risque de compromettre nommément des personnes. Mauvaise plaisanterie ? Acte d’un provocateur ? Le document est remis aux représentants en mission qui imaginent un immense complot destiné à favoriser l’action militaire des Espagnols par une "cinquième colonne" sur les arrières. Ils mettent aussitôt en application le grand jeu de la répression : arrestation de tous les ci-devant nobles qui n’étaient pas encore incarcérés, inculpation de dizaines de suspects, et surtout, appel à la terrible "Commission extraordinaire" établie à la suite de l’armée des Pyrénées-Occidentales.
51À Montadour (ex Saint-Sever), elle siège du 4 au 15 germinal an II et condamne à mort tous ceux qui sont désignés dans la lettre fatale, et bien d’autres, dix-neuf au total. L’un des accusés s’est ouvert la gorge au rasoir, puis s’est jeté du haut d’une fenêtre, on le traîne à l’échafaud, moribond ou mort. La Commission se déplace ensuite à Dax, où elle prononce dix condamnations. Parmi les condamnés, Méricamps, ancien député, accusé de "fédéralisme". D’autres landais seront guillotinés au mois d’avril.
52Ainsi, une machination, la fureur des représentants, la pratique implacable d’une commission ont multiplié les exécutions dans un département paisible. Le rôle des représentants en mission, Pinet, Monestier, Dartigoeyte a été déterminant : Dartigoeyte, né à Mugron, en 1763, fils d’un notaire, l’un de ces avocats gagné à la Révolution, engagé à fond dans la Montagne, anime la répression dans ses différents proconsulats du Midi ; il crée ou réanime les sociétés populaires, multiplie les injonctions aux municipalités, aux agents nationaux, aux accusateurs publics (on a évoqué son rôle, à Toulouse, dans l’affaire du Père Gros). Il est de ceux qui doivent se cacher, après la chute de Robespierre, tant sa dureté avait suscité des rancunes. Décrété d’accusation, défendu par sa compagne Sophie de Foix-Candale (étrange idylle de ces temps tourmentés), il bénéficie de l’amnistie votée par la Convention avant de se séparer, et vivra paisiblement jusqu’en 1812.
53Dans d’autres départements du Sud-Ouest la Terreur prend d’autres formes.
54Prenons l’Ariège6 ; pas de grande ville, pas d’aristocratie judiciaire, pas d’offensive étrangère. Les "ports" des Pyrénées serviront de voie de fuite à bien des migrants, comme voici cinquante ans. La correspondance des autorités et les archives du Tribunal criminel conservent trace du "quotidien de la Terreur" : arrestations de suspects (plus de cinq cents), qualifiés "d’aristocrates" ou "fanatiques", opérations contre les prêtres réfractaires qui se cachent avec la complicité d’une bonne partie de la population, aidés par l’isolement des habitations, les forêts, le relief montagneux.
55Le Tribunal criminel, qui ne semble pas avoir été érigé en "tribunal révolutionnaire", juge sans sévérité excessive, en 1793, les villageois accusés de propos ou de chansons contre-révolutionnaires. Le 13 nivôse an II, un "travailleur de terre" accusé de "trafic contre-révolutionnaire", produit une attestation favorable du comité de surveillance de sa commune ; il est acquitté. Est acquitté de même un administrateur accusé d’avoir reçu de l’argent pour faire exempter un jeune du service militaire. Le 4 pluviôse an II, le Tribunal élargit une femme suspecte d’actes inciviques. Le même jour, un tisserand détenu sous l’inculpation gravissime d’émeute contre-révolutionnaire est autorisé "à se retirer provisoirement chez lui pour vivre de son travail", à charge de se comporter en bon citoyen ; se ménageait-on entre "pays" ? Le Tribunal condamne le 15 avril 1793 un prêtre réfractaire à 10 ans de détention, lui appliquant la loi du 26 août 1792, et non celle, plus rigoureuse du 28 mars 1793.
56Mais un fils du pays, parvenu au cercle suprême du pouvoir, surveille de loin le département et ses habitants : Vadier, ancien conseiller au présidial, député à la Convention, régicide, président du Comité de Sûreté Générale, âme de la police politique. Il s’informe sans cesse de ce qui se passe en Ariège, critique le modérantisme, mobilise les purs républicains, invite les représentants en mission à se montrer rigoureux, leur envoie des listes de suspects à faire arrêter, reçoit les dénonciations. Ses inspirations sont relayées par son fils, qui anime le Comité révolutionnaire de Pamiers. Ils s’exaspèrent notamment d’apprendre que des résistances se sont manifestées : ainsi, à Montaut, dans le Volvestre, le 25 août 1793, aurait eu lieu, selon la version des autorités "un rassemblement contre-révolutionnaire composé de volontaires qui avaient lâchement déserté leur corps et d’autres simples citoyens". S’agissait-il d’un complot organisé, ou de manifestation de mauvaise humeur de "volontaires" qui ne l’étaient pas ?
57Cette affaire sera jugée seulement le 17 ventôse an II (alors qu’en d’autres départements, le jugement, dans de semblables affaires, suit de près l’infraction). Le chef d’émeute, contumax, ne manque pas d’être condamné à mort ; d’autres participants, arrêtés, sont condamnés à la déportation à vie par application de la loi du 7 juin 1793.
58La correspondance de Vadier père avec les autorités locales et avec Fouquier-Tinville exprime sa mentalité de policier révolutionnaire. "Si les pièces que je t’envoie ne pouvaient suffire à une légitime condamnation, je t’invite à... compléter l’instruction par les témoignages indiqués dans les mêmes pièces... Je t’observe que si par malheur ces hommes pouvaient être acquittés ce qui serait une calamité publique, il est au moins indispensable de les renvoyer aux commissions populaires, pour prononcer leur déportation et la confiscation de leurs biens...".
59La répression se durcit en Ariège au printemps 1794, soit par l’effet des incitations de Vadier, soit par la logique des lois révolutionnaires. Quatorze personnes sont condamnées à mort et exécutées. Beaucoup d’autres seront sauvées par la longanimité du représentant en mission Chaudron-Rousseau, et la chute de Robespierre. Divers prisonniers ont été renvoyés devant le Tribunal Révolutionnaire de Paris, seul compétent selon la loi du 27 germinal an II pour juger des crimes contre-révolutionnaires. Chaudron-Rousseau fait arrêter le convoi à Toulouse, et traite les prévenus avec humanité. Vient le 9 thermidor ; ils seront élargis ou acquittés.
60Quant à Vadier, considéré avec raison contre l’un des principaux responsables de la Terreur pour avoir décidé tant d’arrestations, il se sent menacé, se cache pour échapper à l’arrestation. Il refera surface après l’amnistie décrétée par la Convention dans ses derniers jours, et vivra dans la retraite, après quelques incidents. Ses contemporains l’ont accusé d’avoir profité de son pouvoir pour assouvir des rancunes personnelles. La rumeur publique lui reproche notamment d’avoir fait condamner à mort un père de famille dont le seul tort était d’avoir refusé sa fille en mariage à son fils.
61Pour d’autres départements, nous ne retiendrons que les épisodes spécifiques pour éviter des redites.
62Le dépouillement des registres de jugement du Tribunal criminel du Gers7 nous présente les procédures habituelles de répression : prêtres réfractaires dénoncés et arrêtés, aristocrates rentrés, propos inciviques ou tendant au rétablissement de la royauté. Dans ce département comme ailleurs, les représentants en mission ont "regénéré" les sociétés populaires, établi de "vrais Montagnards" aux postes essentiels. Le Tribunal essaie de tailler sa route en combinant respect des principes généraux du droit pénal et application des lois révolutionnaires.
63Le 13 août 1793 (ce qui est tôt, il est vrai dans le développement du processus de Terreur), il acquitte deux personnes qui avaient passé une nuit en Espagne, considérant que ce fait ne suffisait pas à les réputer émigrés, n’étant pas portées sur les listes d’émigration. Le 6 frimaire an II, il acquitte un citoyen accusé d’avoir hébergé un prêtre réfractaire, le jury ayant répondu sur la question intentionnelle, qu’il ne l’avait pas fait "méchamment et à dessein". Le 6 frimaire, il applique le principe de non rétroactivité de la loi pénale au profit d’un prêtre réfractaire, refusant de lui appliquer la loi du 28 mars 1793 pour une infraction antérieure à cette loi.
64La ville d’Auch a connu cependant, ses jours de "Grande Terreur" à la suite du séjour du redoutable représentant Dartigoeyte. Il a fait procéder à des rafles de suspects, dont on dénombrera 413 dans les prisons. Une soirée de mars 1794, alors qu’il assiste au théâtre, à une réunion de la Société montagnarde, une brique tombe près de lui, lancée, dit-on, des hautes galeries. La police multiplie les arrestations. Des proclamations fulminent contre l’attentat. La terrible "Commission militaire" suivant l’armée des Pyrénées-Occidentales est appelée, pour frapper de terreur les mécontents. Elle arrive à Auch le 25 germinal (2 avril), escortée de dragons, et siège sans désemparer à l’Hôtel de Ville pour juger les suspects. En trois jours, sont condamnés et exécutés, outre l’auteur présumé de l"’attentat", onze personnes, "aristocrates", prêtres réfractaires, officiers municipaux révoqués. L’un des prisonniers est condamné à mort pour avoir fait célébrer, le 1er février 1793, une messe privée à la mémoire de Louis XVI. La servante du condamné à mort est elle-même condamnée à six mois de prison, a être promenée deux heures dans les rues et exposée auprès de la guillotine pendant trois journées "pour avoir partagé les sentiments aristocratiques et fanatiques de son maître".
65Le Tribunal criminel, remanié, prononce encore plusieurs condamnations à mort. D’autres suspects sont dirigés vers le Tribunal Révolutionnaire de Paris, qui les fera guillotiner. Quatre conseillers au Parlement de Toulouse originaires des pays gersois seront exécutés à Paris avec leurs collègues.
66Le cas du comte de Barbazan est significatif de l’acharnement des autorités révolutionnaires : arrêté à la suite de la saisie d’une correspondance avec son petit-fils émigré, il est acquitté au bénéfice du doute par le Tribunal criminel du Gers le 7 janvier 1794. Mais l’accusateur public le fait maintenir en prison par mesure de sûreté, en réfère à la Convention qui le traduit devant le Tribunal Révolutionnaire de Paris ; celui-ci le condamne à mort.
67Dans le département de l’Aveyron, l’attachement des populations au clergé catholique (réfractaire) a été particulièrement vivace, et les résistances à la Révolution, énergiques8. Les Révolutionnaires ne manquaient pas de déplorer le mauvais esprit des habitants, et entendaient les convertir par les moyens habituels : comités de surveillance dans les villes, instructions énergiques des représentants, guillotine dressée. Cependant, les autorités locales se montrent peu zélées pour pourchasser ses prêtres réfractaires, dont la majorité est restée dans le pays. Certaines municipalités se bornent à faire mine de les poursuivre, pour obéir aux ordres. Les arrestations suscitent des incidents, des actions de force pour libérer les prisonniers. Le 23 mars 1793, un prêtre qui avait célébré la messe pour la Gendarmerie Nationale de St-Geniès est arrêté. Il sera déporté à Bordeaux.
68Avant même ce printemps 93, durant lequel la répression se durcit, six prêtres aveyronnais ont été massacrés : quatre en septembre, à Paris, un à St-Chinian (Hérault).
69Le Tribunal criminel montre encore quelque indulgence fin 1792-début 1793 : le jury acquitte quatre prêtres soumis au bannissement, malgré le réquisitoire de l’accusateur public, en répondant à la question "intentionnelle" posée par le président aux jurés "qu’il ne l’a pas fait [la désobéissance à la loi] méchamment et à dessein de nuire" (jugement du 25 février 1793, en faveur de Marc Majorel, ci-devant vicaire) ; mais le 15 mars dans des circonstances analogues, le contrevenant est condamné à dix ans de détention.
70Les verbaux d’interrogatoire, conservés à Rodez comme en bien des lieux, montrent que le juge enquêteur cherche à faire avouer des comportements contre-révolutionnaires : "Est-il possible... que sous prétexte de religion tu ne leur aies pas demandé (à ses ouailles) leur façon de penser sur la Révolution ?... As-tu porté le peuple à la désobéissance aux lois, sous prétexte de religion ?... As-tu eu des relations soit avec le ci-devant évêque de Rodez, soit avec les prêtres réfractaires qui ont quitté la République, soit avec les émigrés ou chefs d’attroupements ?" Ce que nient les prêtres arrêtés. Ils répondent seulement qu’ils n’ont pas prêté serment pour raison de conscience, qu’ils n’ont exprimé aucune opinion politique (interrogatoire de P. Durand, arrêté le 15 décembre 1793). Parmi les pièces à conviction contre ces prêtres, des fragments d’hostie, une étoffe marquée du Sacré Coeur. L’accusateur public requiert la mort, en arguant, pour convaincre les jurés, que les prêtres bannis ont bénéficié d’un délai suffisant pour se conformer à la loi, qu’ils méritent d’être condamnés pour rupture de ban.
71Désormais, les jurés suivent, et rendent un verdict de culpabilité. Neuf prêtres ont été guillotinés dans l’Aveyron. Parmi eux, deux jeunes, ordonnés le samedi-saint de 1791. Selon les témoins, ils passeront leur dernière nuit à chanter l’office, le Miserere, le Stabat Mater, le Salve Regina, puis les prières des agonisants. Deux prêtres aveyronnais ont été guillotinés en vendémiaire an III.
72Vis-à-vis de ceux qui les avaient hébergé, la répression est modulée. Une femme est condamnée à la déportation avec exposition pendant six heures à l’échafaud. Un homme est condamné aussi à la déportation mais sa femme et ses trois filles acquittées.
73L’Aveyron a été aussi le théâtre de véritables soulèvements, liés pour partie à la reconstitution de réseaux royalistes, malgré les échecs des camps de Jalès (dans le Vivarais proche) en 1791 et 1792, et pour partie à la réquisition des 300.000 volontaires, qui se heurte à de multiples résistances. Des troubles plus ou moins graves ont eu lieu à Estaing, Sainte-Affrique, Séverac. La configuration montagneuse de la contrée facilite la réunion d’insoumis. Selon un commissaire révolutionnaire, cinq cents communes sur les six cent cinquante du département auraient pris une part active ou passive aux résistances.
74Le gouvernement révolutionnaire réagit énergiquement. Le représentant en mission Taillefer, ou son délégué, Périer, révoquent les administrateurs élus, installent des comités révolutionnaires, (à Rodez, Villefranche, Séverac, Najac), remplissent les prisons de suspects (1.200 prisonniers, dont une moitié de prêtres et religieux). Le soulèvement le plus important est dirigé par Charier, notaire à Nasbinals (mai-juin 1793) ; il groupe plusieurs centaines d’hommes armés à Lapanouze, bouscule dans un premier temps les gardes nationales, s’empare de Mende et Marvejols (Lozère), puis est vaincu par les républicains. Arrêté le 4 juin avec sa femme, il sera jugé et condamné à mort par le Tribunal criminel de l’Aveyron le 15 juillet 1793 (en application des lois du 19 mars et du 10 mai 1793).
75Le Tribunal criminel siège "révolutionnairement" pour connaître des menées contre-révolutionnaires (procédure accélérée, ni défenseur, ni recours). Il module cependant la sévérité des lois en fonction des circonstances : le "chef d’attroupement" jugé responsable des troubles à Pont-de-Salars est condamné à mort ; à côté de lui, un jeune gentilhomme qui a fait le coup de feu est déclaré "digne de mort", mais attendu qu’il n’a pas seize ans, le Tribunal le condamne à 20 ans de détention, en appliquant les règles du code pénal de 1791 sur la minorité pénale.
76Après les émeutes de mars 1793, plusieurs accusés sont condamnés à mort, d’autres acquittés ou maintenus provisoirement en prison. Parmi les personnes arrêtées après l’émeute de Séverac, trois sont condamnées à la déportation, trois maintenues en prison et plusieurs autres acquittées. Parmi ceux qui ont suivi Charier, quelques uns sont condamnés à mort, d’autres aux fers. Quelques uns sont acquittés, faute de preuves (le 12 août 1793, un prisonnier qui avait suivi Charier, mais l’avait quitté bien vite, est acquitté).
77Le président du Tribunal, Andurant, jugé trop modéré et qui passe pour "fédéraliste", est remplacé par Cabrol, plus dur. La sévérité de la répression s’accentue. Le 16 janvier 1794, neuf paysans furent guillotinés à Rodez. Le sang selon les témoins, ruisselait sur la place. La population se terrait. Au total, ce tribunal criminel a prononcé, de mai 1793 à septembre 1795, soixante-dix condamnations à mort, dont vingt-six pour crime de droit commun, quatre pour émission de fausse monnaie, neuf contre des prêtres réfractaires, et vingt-sept pour participation à des soulèvements contre-révolutionnaires ou autres crimes politiques.
78Aux yeux des représentants montagnards la situation du département du Lot est déplorable au printemps 17939. Les envoyés de Paris épurent les administrations, régénèrent les sociétés populaires, donnent la chasse aux prêtres réfractaires. Le représentant Bô s’en prend particulièrement aux "fanatiques". À la tête d’une "armée révolutionnaire", il intervient dans les villages où des assemblées séditieuses ont eu lieu, soit à l’occasion du recrutement des 300.000 "volontaires", soit pour défendre les "bons prêtres" pourchassés par les autorités. Quatre habitants de Moissac ont été condamnés à mort le 6 avril 1793 et trois de Gourdon le 14 mars pour trouble au recrutement de l’armée. Bô s’en prend particulièrement aux emblèmes de la religion catholique, fait renverser les croix, descendre les cloches. Ces activités anti-catholiques irritent la population, les femmes notamment. On rapporte qu’elle se répandent en "mauvaises paroles".
79Lors d’un déplacement vers Figeac, le 27 mars 1794, le représentant et son escorte se heurtent à Comburat, à un attroupement d’hommes et de femmes. "Huguenot" jaillit comme insulte contre Bô. Les pierres volent. Un coup de feu part. Le représentant, qui aurait été mis en joue, préfère se replier à Figeac, où il fait ériger la guillotine et siéger le tribunal criminel, institué pour ces affaires. Trois "cultivateurs", accusés d’avoir participé à l’émeute sont condamnés à mort et exécutés le 31 mars. En outre, des sanctions collectives frappent le canton, hébergement de l’armée révolutionnaire, taxations, arrestations comme otages de chefs de famille.
80Par ailleurs, le curé de Caussade et quinze fidèles qui avaient assisté à un service à la mémoire de Louis XVI, sont dénoncés, envoyés devant le Tribunal Révolutionnaire de Paris, qui les condamne à mort (3 messidor = 21 juin 1794) pour "rassemblement sous prétexte de fanatisme". Douze lotois ont été condamnés à mort hors de leur département.
81Dans le département du Lot-et-Garonne, la Terreur, observent ses historiens fut modérée, bien que le Tribunal criminel ait siégé "révolutionnairement"10. Est-ce dû à l’absence de résistances, à la rapidité du passage des représentants en mission, au "caractère aimable des habitants" ? On relève "seulement" huit condamnations à mort, frappant des émigrés rentrés ou des prêtres réfractaires, mis hors la loi. Dans les autres cas où le tribunal peut disposer d’une certaine marge d’appréciation, son président use de la question "intentionnelle".
82Rapportons un exemple d’omniprésence des dénonciateurs, et du risque mortel que les notables couraient à s’exprimer, en l’an II "de la Liberté". Un ci-devant est accusé d’avoir dit un beau soir, en contemplant le ciel étoilé : "Ne voyez-vous pas des fleurs de lys par côté ? Ne vous semble-t-il pas une espèce de bâton royal ?" Ces paroles bien anodines valent à leur auteur d’être arrêté, et renvoyé, après enquête, devant le tribunal criminel. L’accusateur public requiert en termes vengeurs : "en tenant de semblables propos, [l’accusé] n’a pu avoir d’autre dessein que de faire entendre que le ci-devant Louis XVI avait été injustement mis à mort puisque le ciel avait gravé dans une étoile des marques de son courroux... qu’en fanatisant ainsi des têtes faibles [deux femmes], [il] a cherché sans doute à leur faire croire que la mort du tyran était un crime... qu’une observation semblable est une provocation au rétablissement de la royauté et même l’improbation de la conduite des représentants qui l’ont prévue". Il requiert la peine de mort pour les deux chefs d’incitation au rétablissement de la royauté, et d’avilissement de la représentation nationale.
83Heureusement pour l’accusé, le président du tribunal, Bory, patriote mais juriste équitable, pose la question intentionnelle. Le jury répond qu’il est constant que l’accusé a bien tenu les propos à lui reprochés, mais qu’il ne les a pas tenus méchamment et dans le dessein d’avilir la Convention Nationale ni de rétablir la royauté. Il est acquitté.
84Bien d’autres exemples confirment que des bavardages anodins, dénoncés par des sycophantes, peuvent aboutir à des mises à mort complètement arbitraires.
85Dans le département de la Dordogne comme ailleurs11, les populations ont mal accueilli la levée des 300.000 hommes en mars 1793 ; les autorités ont pourchassé prêtres réfractaires et émigrés, les dénonciateurs ont rapporté les "propos inciviques". Le relevé des jugements du tribunal criminel révèle une sévérité en dents de scie. Jusqu’à l’automne 1793, le nombre des acquittements l’emporte sur celui des condamnations : dans son audience du 7 avril 1793, à la suite de troubles à l’occasion du recrutement de l’armée au village de Siorat, le tribunal raisonne pour ne pas appliquer la loi du 19 mars 1793 qui lui paraît trop sévère, et préfère un recours à la Convention. Il fait de même à l’égard d’accusés d’émeute contre-révolutionnaire à Montravel. Dans une autre émeute du même genre, il condamne à mort l’un des accusés, un domestique, accusé d’avoir déclaré aux citoyens réunis qu’on voulait les faire égorger, qu’on voulait les faire combattre pour détruire la religion. Un autre accusé est acquitté. Des prévenus d’émeute contre-révolutionnaire à Rouffignac sont remis en liberté. Le même tribunal acquitte le 12 mai 1793 Anne Radegonde de Marcillac, accusée d’avoir envoyé des secours à ses enfants émigrés. Le 20 juin 1793, cinq laboureurs accusés d’avoir abattu un arbre de la liberté sont acquittés avec des considérants inattendus : ils n’ont pas agi avec le coupable dessein de détruire la liberté, mais parce qu’ils ne jouissaient pas de la liberté qu’ils espéraient dans toute son étendue.
86Durant la même période, le tribunal condamne à mort deux émigrés. À partir de brumaire an II, la répression se durcit : Anne Boussaire-Chatenet est condamnée à mort (première femme dans le département ?) pour avoir dit "que la République est foutue, qu’un roi coûterait moins à la France que les députés..." avec les considérants suivants : "C’est à des propos semblables et à des agents tels que Boussaire que la République doit la trahison et les troubles affreux qui l’ont jusqu’à présent déchirée... qu’il est évident qu’il n’a pas dépendu de Boussaire de ne pas égarer par ces propos plusieurs citoyens pour les armer contre la représentation nationale et faire égorger les bons patriotes". Raisonnement étrange qui permet de la condamner à mort pour "propos tendant à avilir la représentation nationale et soulever les citoyens les uns contre les autres".
87Dans le même ordre d’extrapolation mortifère, Mondavy, ci-devant conseiller à la Cour des Aides de Bordeaux est condamné à mort pour composition d’écrits tendant à l’avilissement et à la dissolution de l’Assemblée Nationale ; dans une lettre privée, il déplorait la mort du roi, et qualifiait sévèrement les révolutionnaires. Le ci-devant marquis de Valady, doublement détesté comme aristocrate et "girondin", hors-la-loi, est condamné à mort le 5 décembre 1793. Un notaire d’Excideuil est condamné à mort pour propos défaitistes. Deux domestiques sont également envoyés à la guillotine, l’un pour avoir émigré avec son maître, l’autre pour conspiration (en réalité, pour paroles imprudentes). Dans les mêmes temps, le tribunal acquitte d’autres accusés de propos contre-révolutionnaires, et même Teyssière-Miremont père, et son épouse, parents d’émigrés, accusés de correspondance avec émigré, et de recel d’émigré. Les verdicts opposés s’expliquent-ils par la différence des charges, lourdes ou douteuses ? Par les relations personnelles ou bien par la volonté de ménager les paysans, en frappant les notables (et leurs domestiques) ?
88La diversité des décisions reflète au moins la complexité du phénomène de la Terreur, avec la rencontre des lois draconiennes, des mentalités répressives, et des comportements divers des responsables.
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89Après cette évocation, bien abrégée, des réalités de la Terreur dans les départements du "Grand Sud-Ouest", quelques observations sur les hommes, le jeu des institutions, les mentalités, se déduisent d’une documentation abondante.
90Relevons, après bien d’autres historiens, que le rôle des représentants en mission a été déterminant. Ces "proconsuls" imposent la Révolution et la Terreur en province, et jusque dans les bourgades et villages, à des populations en majorité réticentes, attachées à leur prêtre, et hostiles aux levées de soldats. Les Dartigoeyte, Bô, Monestier, Cavaignac, Pinet ont gouverné d’une main de fer, avec le concours d’une minorité décidée de "bons républicains", et la guillotine pour ultima ratio. Leur tempérament, leur présence déterminent, pour l’essentiel, le climat local. On a évoqué leurs décisions et leurs fureurs. Quelques représentants ont essayé de ne pas aggraver par la haine et l’arbitraire une législation pénale draconienne (ainsi Chaudron-Rousseau et Paganel).
91Les activités de police politique sont accomplies par les autorités administratives : les départements, les municipalités et leurs comités de surveillance, les agents nationaux. Le personnel modéré ou accusé de fédéralisme a été victime d’épurations. Les uns et les autres reçoivent les dénonciations, décident les perquisitions, les arrestations, avec le concours des gardes nationaux et des gendarmes. Le gouvernement révolutionnaire regroupe les "bons patriotes" en comités de surveillance, en comités révolutionnaires. Il arrive exceptionnellement, comme à Bayonne, que le comité révolutionnaire maintienne une politique autonome, au point d’entrer en conflit avec le représentant en mission. Normalement, ces comités prêtent aux envoyés de Paris un secours sans faille. Ces activistes, inspirés par l’idéologie jacobine, la rancune vis-à-vis des prêtres réfractaires, des anciens notables, des modérés, sont à l’affût des allées et venues, s’empressent de désigner pour la prison leur compatriotes comme suspects.
92Par l’action convergente (depuis l’été 93) de ces divers responsables unis par les mêmes craintes et les mêmes espoirs, un maillage efficace de la population achève de se mettre en place en août-septembre 1793. Rien n’échappe à la surveillance. Les correspondances sont ouvertes, les dénonciations écoutées (et encouragées par les primes). Les prêtres réfractaires sont débusqués les uns après les autres. Les "aristocrates" arrêtés dans leurs demeures. Le moindre indice est exploité contre ceux que les autorités supposent "mal-pensants". Dans le Midi comme ailleurs, un véritable "état policier révolutionnaire" fonctionne.
93Quand les exécutions se multipliaient, chacun comprend qu’il ne faut donner aucune apparence de mécontentement pour survivre. Un exemple de cette domination par la peur est fourni par l’attitude de la municipalité de Mont-Adour (ci-devant Saint-Sever) : à l’approche de la commission militaire précédée d’une sinistre réputation, elle invite les habitants à illuminer, ce qu’ils font la mort dans l’âme, en dissimulant la peur.
94La répression judiciaire, qui avait pu relever, en 1791 et 1792 des tribunaux de police correctionnelle, est accomplie en 1793-1794, par les tribunaux criminels qui appliquent soit le code pénal de 1791, soit les multiples lois "révolutionnaires" qui se succèdent à partir du 10 mars 1793. Selon les temps et les affaires, ils siègent en se conformant aux règles de la procédure criminelle de droit commun ou "révolutionnairement", en suivant les procédures prévues pour le Tribunal révolutionnaire de Paris (plus de jury d’accusation, plus d’avocat, plus de recours en cassation). À Toulouse, les représentants érigent un Tribunal révolutionnaire, mais avec les juges du Tribunal criminel. Les "jurys militaires" et surtout les "commissions militaires" de Bordeaux et Bayonne se montrent encore plus terribles, on l’a vu.
95Dans le jeu de la Terreur judiciaire, deux personnages jouent un rôle déterminant (outre le représentant en mission) : l’accusateur public, choisi parmi les meilleurs "montagnards" est le promoteur de la répression : il anime et surveille les diverses autorités de police, centralise les dossiers, délivre les mandats d’arrêt, rédige, à partir des pièces (éventuellement des témoignages), le réquisitoire qu’il prononcera en audience publique, et fait exécuter la condamnation. L’examen des pièces de procédure, comportant souvent le texte du réquisitoire, montre que l’accusateur ajoute foi aux moindres dénonciations, présente toujours l’affaire sous le jour le plus dangereux pour l’accusé, qualifie les faits retenus sous l’incrimination la plus grave (par exemple : provocation au rétablissement de la royauté pour de simples paroles imprudentes, incitation à l’avilissement de la représentation nationale, pour critique d’un représentant en mission, incitation à la guerre civile pour toute agitation). Ils se reconnaissent la mission d’envoyer à la guillotine tous ceux qu’ils jugent nuisibles à la République, quelle que soit la ténuité des indices.
96Le rôle du président du tribunal est décisif d’une autre manière : c’est lui qui rédige les questions sur lesquelles les jurés sont tenus de répondre par oui ou par non. L’examen des affaires montre que certains présidents, comme Hugueny à Toulouse se comportent en "pourvoyeurs de la guillotine" : leurs questions sont calquées sur le réquisitoire ; elles sont toujours rédigées dans un sens défavorable à l’accusé. Hugueny a fait de son mieux pour envoyer sous le "rasoir national" ceux qui avaient été des adversaires dans son terroir, la Lomagne.
97En sens inverse, plusieurs présidents de Tribunal criminel (Ariège, Aveyron, Gers, Lot-et-Garonne) dirigent la procédure avec l’équanimité qui doit être traditionnellement celle de tout magistrat : ils procèdent à des interrogatoires non captieux, rédigent les questions de manière à ce que le jury puisse tenir compte des circonstances, et notamment posent la question intentionnelle. "A-t-il accompli les actes dont il a été convaincu méchamment et à dessein". Ce qui conduit à des acquittements lorsque les charges étaient fragiles. Ces dispositions n’empêchent pas la condamnation à mort dans les cas où elle résultait automatiquement de la loi (prêtres réfractaires, émigrés, chefs de soulèvement). La "requalification" des faits par le tribunal permet quelquefois une solution clémente : Mme Cabée le montre, pour le tribunal de l’Aude, dans sa contribution au présent volume.
98La modération relative de certains tribunaux détermine les représentants à établir une commission militaire, dans l’esprit que Monestier a explicité en créant celle de Bayonne. La Convention décide, le 27 germinal an II, que le Tribunal révolutionnaire de Paris connaîtrait seul, à l’avenir, des crimes contre-révolutionnaires. Les tribunaux criminels départementaux n’interviendraient plus dans l’ordre politique que pour juger les prêtres réfractaires.
99Les moments forts et les circonstances de la Terreur ont été reliés, dans chaque département aux événements locaux : résistance des Bordelais à la Convention montagnarde, protestation du Parlement de Toulouse, désertion des Basques à l’armée des Pyrénées-Occidentales, formation de "maquis" aux confins des Cévennes et de l’Aubrac, découverte d’un complot (?) dans les Landes. Cependant, l’évolution dans le temps comporte des similitudes partout : contre les prêtres réfractaires, les mesures de répression et d’exclusion se généralisent dès le printemps 1792. Les résistances des populations attachées à "leurs" prêtres, les crises de subsistances, les rivalités à l’intérieur du personnel révolutionnaire, les révoltes contre les réquisitions d’hommes marquent les premiers trimestres de 1793. La répression sévit, mais inégalement selon les lieux et les responsables. La reprise en main de tout le pays, villes et campagnes, est réalisée par les représentants en mission et leurs auxiliaires à partir d’août-septembre 93. Les prisons sont combles. La guillotine fonctionne partout. Les chances de survie pour les inculpés s’amincissent. La Terreur culmine en province comme à Paris de fin 93 à thermidor an IL Elle s’atténue plus ou moins vite après la chute de Robespierre.
100Que retenir de l’ensemble de notre documentation quant aux mentalités ?
101En premier lieu, que les langues vont bon train, jusqu’à l’été 1793, hommes et femmes. La sociabilité des méridionaux, étudiée avec tant de soin par M. Castan pour la période précédente, s’adapte aux circonstances politiques : on s’exprime, on critique, on déplore les malheurs des temps. En 1792 et 1793, beaucoup de plaintes sont relatives aux mesures antireligieuses. Plus d’un bavard sera arrêté sur la seule présomption de "propos inciviques" (avoir traité, par exemple les membres de comités de "Jean-foutre"). On peut être guillotiné pour de simples paroles imprudentes : avoir regretté le roi, dit qu’un roi était nécessaire, qu’il reviendra, devient "incitation au rétablissement de la royauté". La critique des représentants en mission conduit aussi à la mort, sous l’incrimination "d’avilissement de la représentation nationale".
102 Du côté des "terroristes" on relève la tendance à dramatiser à l’extrême, à voir des complots partout : nous avons évoqué Dartigoeyte dénonçant un complot liberticide à partir des papiers du Père Gros. Dans l’affaire de Saint-Sever, le comportement des autorités relève de la fureur obsidionale ; à partir d’une lettre douteuse, émanant peut-être d’un agent provocateur, on justifie les arrestations et les exécutions par un prétendu complot pour donner la main aux troupes espagnoles. Les autorités trouvent dans le complot qu’elles présument la justification de leur politique de mort.
103On peut relever, dans les réquisitoires des accusateurs publics, divers procédés tendant à présenter sous le jour le plus noir, des comportements anodins. Ils recourent à l’amalgame, pour faire exécuter ceux qu’ils considèrent comme ennemis de la République : on a indiqué, à Toulouse, le cas du boulanger exécuté comme empoisonneur de patriotes pour avoir vendu du mauvais pain. L’accusateur public du Lot-et-Garonne use du même procédé mortifère pour faire condamner un bavard "vu que par des moyens à peu près semblables on est parvenu à allumer la guerre civile dans les départements de l’ouest, surtout en persuadant aux malheureux habitants de ces contrées que le ciel improuvait la conduite de la Convention Nationale". Un autre procédé voisin est de supposer une complicité sans preuves ; ainsi dans un acte d’accusation devant la commission militaire de Bayonne, "vu que rien ne prouve que les nobles et seigneurs du département des Landes seraient les seuls d’intelligence avec les émigrés". Dans le dessein de défense de la République, les dénonciations sont encouragées : le Tribunal criminel du Lot-et-Garonne refuse de condamner un dénonciateur calomnieux "attendu que dans un temps où la République est en danger, il serait impolitique de décourager des dénonciations qui sont dictées par le zèle et le patriotisme".
104Les responsables révolutionnaires considèrent que "tous les malheurs qui ont désolé la patrie" doivent être imputés aux prêtres réfractaires, aux émigrés, aux "mal-pensants". La volonté répressive prend la force d’une vengeance "chaque goutte de sang qu’ils ont faite répandre crie vengeance contre eux".
105L’accusateur public près le tribunal criminel du Gers exprime en frimaire an II, le fond de sa pensée après un acquittement : il emploie l’expression de "castes justement suspectes", ce qui implique responsabilité collective, racisme social, discrimination pour avoir appartenu à un groupe honni. Contre tous ces suspects, il exprime le souhait qu’on établisse une procédure répressive "moins favorable et si je puis le dire, moins loyale". Il requiert du tribunal et obtient qu’il demande à la Convention la suppression de la question intentionnelle quand il s’agit de juger les suspects d’aristocratie, de fanatisme, d’incivisme.
106Dans le même esprit, le représentant Monestier justifie "la rigueur des peines et des mesures extrêmes qui seules peuvent satisfaire à la vengeance nationale, parce que seules elles ont pu jusqu’à ce jour maintenir la sûreté générale et individuelle". On a cité plus haut les raisonnements de l’accusateur public de la Dordogne, faisant condamner pour incitation à la guerre civile une femme parce que ses propos "auraient pu inciter les citoyens à s’armer les uns contre les autres". La convergence est certaine entre les vues des responsables de la Terreur en province et les mesures établies par la trop célèbre loi de prairial an II.
107Les populations, "comprimées" plus que convaincues, accueilleront avec soulagement les espoirs d’apaisement et de liberté consécutifs à thermidor an II. Plusieurs responsables locaux de la Terreur ont été poursuivis (Vadier, Hugueny, Pinet, Dartigoeyte, Monestier, Bô, Cavaignac). Ils s’en tireront sans mal, à l’exception de Lacombe à Bordeaux, bouc-émissaire et de quelques victimes de vengeances (tel Groussac, maire jacobin de Toulouse).
Notes de bas de page
1 Ce même volume consacré à la Terreur comporte trois autres contributions sur les situations dans les départements suivants : celle de Mme Gau-Cabée, "Le Tribunal criminel de l’Aude et la répression politique en l’an II" ; celle de M. O. Devaux, "Terreur politique et terreur économique, la "rumeur" de Tarbes" ; celle de M. Nelidov, ’La Terreur dans le Tarn". En outre, Mme Lafourcade a étudié : "L’occupation du Guipuzcoa et la Terreur" et M. Cadé, "La commission militaire des Pyrénées Orientales". Sur l’histoire de la Révolution dans le Midi, cf. Histoire du Languedoc sous la direction de Ph. Wolff, Toulouse, Privat, 1967 ; Histoire de l’Aquitaine, s. dir. Ch. Higounet, Toulouse, Privat, 1971 ; Histoire de la Provence, s. dir. E. Baratier, Privat, 1969 ; Révolution et Contre-Révolution dans la France du Midi, colloque, Montauban, 1989, et les articles de J. Godechot, réunis sous le titre Regards sur l’époque révolutionnaire, Toulouse, Privat, 1980.
2 Sur la Terreur en Gironde :
Révolution en Aquitaine, de Montesquieu à F. Bastiat, Bordeaux, 1990, Histoire de Bordeaux, T. V, "Bordeaux au XVIIIe siècle", livre III, par Bécamps, Bordeaux, Rev. hist. du Sud-Ouest, 1968 ; P. Bécamps, La Révolution à Bordeaux (1789-1794) : J.B.M. Lacombe, président de la commission militaire, thèse lettre, Bordeaux, 1953 ; P. BÉCAMPS, "Détenus et proscrits pendant la Révolution à Bordeaux", dans Rev. hist. Bordeaux, 1958, n° 2 ; P. Bécamps, Les suspects à Bordeaux et dans le département de la Gironde, 1954 ; M. Besson, Histoire de la Révolution à Libourne, 1789- 1795, Libourne, 1968, 388 p. ; Ch. Chauliac, Un martyr bordelais sous la Terreur, le R.P. Pannelier, Paris, 1877 ; Abbé E. M. Dupeyron, Les clercs, prêtres et religieux détenus dans la citadelle de Blaye et le Fort Pâté pendant la Révolution, Blaye, 1936 ; E.F. Spenner, Les martyrs de Bordeaux en 1794, Bordeaux, 1932, 267 p. ; A. Vivié, Histoire de la Terreur à Bordeaux, Bordeaux, 1877, 2 vol.
3 Sur la Terreur en Haute-Garonne :
Histoire de Toulouse, s. direction Ph. Wolff (chapitre X par J. Godechot, Toulouse, Privât, 2° éd., 1970 ; Martin Lyons, Révolution et Terreur à Toulouse (trad. de l’anglais par Ph. Wolff), Toulouse, Privat, 1980 ; A. Duboul, Le Tribunal révolutionnaire ae Toulouse, Toulouse, 1894 ; J.M. Luc, "Le Tribunal criminel de la Haute-Garonne", Ann. Midi ; J. C. Meyer, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution, thèse droit, Toulouse, 1980, éd. P. Univ. Toulouse-Mirail, 1982 ; G. Sicard, "Sur la Terreur judiciaire à Toulouse (1793 an II)", dans Études offertes à P. Jaubert, PU. Bordeaux, pp. 679-700 ; P Gérard, "L’armée révolutionnaire de la Haute-Garonne", in Révolution et Contre-Révolution dans la France du Midi.
4 Sur la Terreur dans les Basses-Pyrénées :
Sources : Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, 97 L et suiv., procédures devant le Tribunal criminel.
Bibliographie : 1789 et les Basques, coll. Bayonne, P.U. Bordeaux, 1991 ; Hourmat, Histoire ae Bayonne, t. II, La Révolution (1789-1799), Bayonne, 1992 ; R. Cuzacq, Le comité révolutionnaire de Bayonne, Bayonne, 1939 ; A. Darricau, Scènes de la Terreur à Bayonne et aux environs, 1793-1794, Bayonne, 1903, réimp. Curutchet, 1988) ; Abbé V. Dubarrat, "Les prêtres déportés du diocèse de Bayonne sous la Terreur", Rev. hist. et arch. du Bearn et du Pays Basque, 1911, pp. 433-434 ; Abbé V. Dubarrat, Études historiques et religieuses du diocèse de Bayonne, 1893-1895 ; Cl. Jouffre, Bayonne sous la Terreur, aactyl. (mémoire de Maîtrise d’histoire, Univ. Paris I, s. direction Soboul) ; Abbé Haristoy, "Les paroisses du pays basque pendant la période révolutionnaire" (Extr. : Étude hist. et religieuses du diocèse de Bayonne), Pau, 190 p. ; Abbé Haristoy, "Le martyre d’un peuple ou l’internement des basques sous la Terreur", (extr. : Études hist. et religieuses diocèse de Bayonne, 1894) ; Labrouet, Le représentant Pinet, d’après ses mémoires inédites, Paris, 1907 ; Lochard, La Terreur en Béarn, Pau, 1893 ; Tarbouriech, Histoire de la commission extraordinaire de Bayonne, 1869 ; Ansoborlo, Les soldats de l’an II en pays basque, Bayonne, 1988, et Le pouvoir révolutionnaire à Bayonne, Bayonne, 1989 ; M. Castaigs-beretervide, La Terreur et la déportation des Basques du Labourd (1794), Ikuska, 1994 ; Fautoux, "Naissances en l’église de Saint-Vincent-de-Tyrosse ou la déportation des Basques dans les Landes (1794)", Bull. S. Borda, 1993, pp. 445-464.
5 Sur la Terreur dans le département des Landes :
Sources : Arch. dép. des Landes, 108. L. et suiv. Registres des jugements du Tribunal criminel du département (jusqu’au 15 brumaire an Iii) ; Bachalou, La Révolution dans les Landes, 1886 ; Bordes J., "La guillotine dans les Landes" (Nos Cahiers, janvier 1904) ; Cabannes, Dartigoeyte, 1936 ; Abbé J. Desbats, Témoins landais ae la foi ; Abbé Dubarrat, Études historiques et religieuses du diocèse de Bayonne (mars 1900) ; Dujas, La Révolution dans les Landes, 1990 ; Lafargue F., La Terreur dans les Landes, Lacoste, Mont de Marsan, 1939 ; Goubelle, La Révolution dans les Landes, 1989 ; Abbé Tauzin, Histoire de la Révolution des Landes (manuscrit) ; Sentex L., Les représentants du peuple et le tribunal révolutionnaire à Saint Sever, en l’an II de la République (janvier 1901), Dax, 1904 ; Papy, "La Terreur à Mont de Marsan", Actes Acad. Sciences..., Bordeaux, 1988, pp. 89-93, et "La vie quotidienne à Mont de Marsan au temps de la Terreur (1793-1795)", Bull. Soc. Borda, 1990, pp. 381-409 ; Gauthier J., Soussieux Ph., Douyrou M., "Chronique de la Révolution. Le Tribunal révolutionnaire à Saint-Sever 1793-1794", Bull, liaison Centre généal. Landes, 1990, n° 13, 14,15.
6 Sur la Terreur en Ariège :
Sources : Arch. dép. Ariège, 8 L 32 et suiv., procédures devant le Tribunal criminel de l’Ariège ; 8 L 21 et 8 L 22, Registre des audiences publiques du Tribunal criminel de l’Ariège ; Beyssi J., "La Révolution dans l’Ariège", Pays de l’Ariège, (16ème congrès de la Fédération des Soc. Acad, et Savantes Languedoc, Pyrénées, Gascogne), Foix, 1960, pp. 179-187 ; de Casteras, Révolutionnaires et terroristes du département de l’Ariège, Toulouse, 1911 ; de Casteras, Histoire de la Révolution française dans le pays de Foix et dans l’Ariège, Paris, 1876, 424 p. ; GalaBert F., "Les archives révolutionnaires de l’Ariège", dans Bull, de la Société ariégeoise des Sc., Lettres et Arts, t. 5, 1905, pp. 4 à 20, et La Révolution française, t. II, 1905 ; Tournier A., Vadier, président au comité de sûreté générale sous la Terreur, Paris, Flammarion, s.d., 348 p.
7 Sur la Terreur dans le Gers :
Sources : Arch. dép. du Gers 2 L 15 et suiv., Registres des jugements du Tribunal criminel du Gers ; 2 L 49 et suivant, procédures devant le Tribunal criminel du Gers.
Bibliographie : Brégail, Le Gers pendant la Révolution, Auch, Cocharaux, 1934 ; Féral P., "Auch sous la Révolution et l’Empire", dans Histoire d’Auch et du pays d’Auch, s. direction de M. Bordes, Horvath, 1980 ; Bordes M. et Peronnet M., La Révolution dans le Gers, éd. Horvath, 1989 ; Hourquebie, La Révolution en Gascogne, Loubatières, 190 p.
8 Sur la Terreur en Aveyron :
Sources : Arch. dép. Aveyron 71 L 16 et suivants, Registre des arrêts rendus par le Tribunal criminel de l’Aveyron.
Bibliographie : Andrieu A., Les prêtres martyrs de la place du Bourg à Rodez (1793- 1794), Rodez, Imp. Causse, 1927, 54 p. ; Alary G., L’Église en Rouergue sous le choc de la Révolution – 1789-1801, (Ed. spéciale de "Église en Rouergue, Bull, religieux du diocèse de Rodez, suppl. au n° 10 du 7 mai 1989) ; Affre H., "Tableau sommaire de la Terreur en Aveyron", Soc. Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, Mémoires, t. XIII, 1881-1886, pp. 317-428 ; Sainte-Affrique et la période révolutionnaire, 1989, 191 p. ; "La Révolution et le Rouergue", Bull. Soc. Amis Villefranche et Bas-Rouergue, 1992, 336 p. ; Bex Cath., "Rodez sous la Révolution. Autour de l’échafaud. Victimes et bourreaux", Rev. Rouergue, 1993, pp. 171-194 ; Carbasse J.M., "La Révolution et la question religieuse : le cas de l’Aveyron", Ann. de l’Université populaire de Rouergue, Millau, 1991, pp. 133-156.
9 Sur la Terreur dans le département du Lot :
Sources : Arch. dép. du Lot L 150 Registre du Tribunal criminel du Lot, L. 151 Registre du Tribunal criminel faisant fonction de Tribunal révolutionnaire.
Bibliographie : E. Sol, La Révolution en Quercy, Paris, Picard, 4 vol. (1926-1932).
10 Sur la Terreur dans le département du Lot-et-Garonne :
Sources : Arch. dép. Lot-et-Garonne 2 L 105 et suivantes, dossier de procédures devant le Tribunal criminel.
Bibliographie : J. Clemens, La Révolution dans le Lot-et-Garonne. Le Lot et Garonne dans la Révolution Française, 1789-1799. (Service Éducatif des Arch. dép. du Lot-et-Garonne, 1989, n° 60, 286 p. ; Douarche A., "Notes sur la justice et les tribunaux à Agen pendant la Révolution, (1789-1800)" in La Révolution Française, 1893, 156 p. ; Ch. Chambon, "La justice révolutionnaire à Agen, 1793-1794" in Revue de l’Agenais, 1932, p. 280 et suiv.
11 Sur la Terreur dans le département de la Dordogne :
Le Tribunal criminel et révolutionnaire de la Dordogne sous la Terreur, Périgueux, Cassant, 1880, in 4°, 2 vol., 576 et 572 p.
Auteurs
Professeur émérite à l’Université des Sciences Sociales de Toulouse
Maître de Conférences honoraire à l’Université des Sciences Sociales de Toulouse.
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