Histoire du droit et linguistique
Réflexions à partir de deux exemples : Wergeld et Monarchie administrative
p. 457-470
Texte intégral
1L’histoire de l’histoire du droit nous donne l’occasion de nous pencher sur les mots-clef de notre discipline ; ces mots, issus des sources ou forgés par les historiens, qui cristallisent nos constructions scientifiques et qui font en quelque sorte partie de notre patrimoine. Ainsi des mots personnalité / territorialité des lois, faïda, wergeld, saisine, théocratie, ordalie, enchâtellement, féodalité, patrimonialisation des fiefs ou des offices, consensualisme et formalisme matrimonial ou contractuel, inquisitoire / accusatoire, renaissance urbaine, pays de coutumes / pays de droit écrit, unification du droit, légitimité, souveraineté, droit romano-germanique / Common Law, centralisation, absolutisme, monarchie administrative, légicentrisme, codification, école de l’exégèse, etc. ; ces mots qui ont pris une telle place au-dedans de notre historiographie, qu’il n’y a guère que la philosophie du langage et la linguistique pour nous aider à les observer du dehors. Il existe, à ce titre, deux grandes tendances. L’une, plutôt continentale, héritée des Grecs, interroge le langage à partir de l’ontologie. Qu’est-ce que l’être ? Qu’est-ce qui est et qu’est-ce qui n’est pas ? Qu’est-ce qui fait que quelque chose est ou n’est pas ? Et quels rapports le langage entretient-il avec ces questions ? Il s’agit par exemple de la querelle des universaux : l’amour, l’honnêteté, la liberté existent-elles en tant que telles, avec des mots pour le dire, ou ne sont-elles que des mots rassemblant des collections d’expériences individuelles qui, seules, sont réelles ? L’autre tendance, plus anglo-saxonne, donc pragmatique, interroge les grandes catégories du langage pour lui-même, parfois même le langage ordinaire, et ne rejoint les grands problèmes de la philosophie que dans un second temps. C’est, par exemple, Quine quand il se penche sur la possibilité de traduire d’une langue à une autre. C’est Austin lorsqu’il distingue le langage énonciatif (ex. la fenêtre est ouverte, Babylone est maudite) du langage performatif par lesquels les mots agissent de leur propre autorité (ex. la séance est ouverte ! je te maudis !). C’est encore, pour le problème qui est le nôtre, Sapir et son élève Whorf quand ils s’interrogent sur la relativité du langage. Deux phrases synthétisent leur thèse :
2Sapir : « Deux langues ne sont jamais suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la même réalité sociale. Les mondes où vivent des sociétés différentes sont des mondes distincts, pas simplement le même monde avec d’autres étiquettes ».
3Whorf : « Chaque langue est un vaste système de structures différent des autres, dans lequel il existe un ordonnancement culturel des formes et des catégories qui non seulement permet à l’individu de communiquer, mais également analyse le réel, remarque ou néglige des types de relations et de phénomènes, analyse son raisonnement et jalonne peu à peu le champ de sa conscience »1.
4En substance, cela signifie que la langue détermine les représentations des sujets qui la parlent. Elle façonne leur vision du monde. Dans un sens, en effet, chacun construit toujours ses représentations du monde selon une forme qui correspond à sa langue. Dans l’autre, certaines représentations sont impossibles pour le groupe, parce qu’elles ne sont pas construites dans la langue de ce groupe. Si l’on prend exemple sur la langue hopi, une langue amérindienne, il n’y a aucune forme linguistique objective quelconque pour rendre compte du temps qui passe, que par conséquent les trois catégories du passé, du présent et du futur, en tant que tels et avec tout ce que cela implique pour les activités humaines sont étrangers aux indiens hopi. Il n’y a pour eux que le subjectif (ce qui est en train de se manifester ou ce que l’on souhaite voir se manifester) et l’objectif (ce qui est manifesté), de sorte que le présent n’existe pas pour eux ; il est écartelé entre l’un et l’autre, quand il n’est pas tout simplement agrégé à ce qui fait notre passé. Dans une version maximaliste, la thèse de Sapir et Whorf peut évidemment aller jusqu’au relativisme le plus complet (aucune réalité universelle, intraduisibilité d’une langue à une autre, relativité de la vérité à la simple expression des connaissances dans chaque langue donnée), néanmoins, dans une version minimale difficilement niable, elle indique que les représentations sont intrinsèquement liées à la langue dans laquelle elles ont été cristallisées.
5Voilà, il nous semble, de quoi réfléchir utilement sur notre propre histoire. Notre travail en effet est-il autre chose que comprendre et exposer (travaux de recherche et enseignements) des représentations du droit et des institutions qui ont été forgées dans une autre langue que la nôtre ? Parfois, il s’agit d’une langue étrangère, de surcroît ancienne. Là, au moins intuitivement, le chercheur sait que le stade premier de son raisonnement est de savoir ce que désignent les mots de ses sources avant de se risquer à des interprétations juridiques. Et l’on sait à quel point une thèse peut être tour à tour louée ou confondue parce que tel mot de l’écriture cunéiforme, tel mot latin antique ou médiéval, tel mot du Common Law ancien aura été traduit de telle ou telle manière. Parfois – et le risque est paradoxalement plus grand –, il s’agit de notre langue française mais à un stade où certains mots n’existaient pas encore ou avaient un sens différent du nôtre. Il n’est pas sûr alors que nous veillions toujours à accorder les mots de nos analyses aux mots de l’époque. Or, il se pourrait bien que... les représentations soient intrinsèquement liées à la langue dans laquelle elles ont été cristallisées.
6D’où le double enjeu d’un regard extérieur sur les mots-clef de notre discipline. D’une part – mais ce n’est pas l’objet du présent article –, on pourrait se pencher sur la manière dont les mots, absents des sources de l’époque étudiée, en sont peu à peu arrivés à cristalliser les recherches sur tel mécanisme juridique : il s’agirait, par exemple, de savoir comment (quels auteurs ? quels moments ? quelles étapes ? quelles controverses ? etc.) le mot fief en est venu à qualifier des pratiques d’occupation des sols en Mésopotamie, en Egypte ancienne, au Japon ou ailleurs alors que les mots fief ou fedus sont absents des sources2. D’autre part, on peut s’interroger sur la légitimité de chacun de ces mots : ne violent-ils pas l’ordonnancement des mécanismes juridiques de l’époque considérée, si certaines représentations sont effectivement impossibles, parce qu’elles ne sont pas construites dans la langue de ce groupe ? Ne sont-ils pas des corps commodes mais étrangers aux représentations juridiques de l’époque ? Ne transforment-ils pas les institutions de l’époque ? Peut-on, par exemple, qualifier les registres de baptême, mariage et sépulture de registres d’état civil avant la lettre si les mots avec lesquels les anciens analysaient le réel différaient de ceux des révolutionnaires (on enregistre certes des populations par des étapes majeures de la vie, mais, dans le premier cas, grâce à deux sacrements et un rituel non sacramentel qui ne peuvent donc être désignés ni par un terme « enveloppe » commun (l’état civil), ni évidemment par une formule non canonique) ? Pour suivre l’idée selon laquelle les mots ne désignent pas seulement des concepts mais aussi les mondes de représentations auxquels ils appartiennent, nous prendrons appui sur deux classiques de notre historiographie, empruntés à deux périodes, deux vocabulaires et deux registres juridiques différents : le wergeld de l’époque franque3 et le vocabulaire de la monarchie administrative des XVIIe-XVIIIe siècles.
I – Le droit pénal des IVe-Xe siècles au risque du mot Wergeld.
7La très grande majorité des manuels d’histoire du droit, notamment d’histoire du droit privé et du droit pénal, usent du mot wergeld pour décrire une règle juridique germanique, notamment franque. Tout d’abord, le terme y est écrit en allemand, comme pour souligner son origine, et suggèrer par là même qu’on le trouve sous cette forme dans les sources : la loi salique, la loi des Burgondes, la loi des Ripuaires, etc. Ensuite, le concept est défini comme « la valeur de la vie d’une personne, exprimée en argent et à payer, en cas d’homicide, pour racheter la vengeance... ou réparer d’autres méfaits »4. Il s’agit donc d’un prix. Ce prix est destiné à racheter un préjudice : homicide ou blessure. Et l’objectif de ce rachat est d’éteindre une vengeance. Enfin, ce mécanisme juridique est donné pour une nouveauté dans l’empire romain. Le wergeld est en effet décrit comme une innovation attachée au droit spécifique des Germains. De sorte que dans les manuels comme dans notre imaginaire, le terme de wergeld semble indissociable du droit oral germanique, et de l’image de Clovis rendant la justice de manière expéditive dans l’affaire de Soisson. Ces représentations sont-elles justifiées ? La description moderne du wergeld est-elle en accord avec sa perception antique ? Et, en définitive, jusqu’à quel point de suggestions, le terme allemand entraîne-t-il toute notre historiographie ?
Wergeld et uuere-geldus.
8Si l’on retourne aux sources, il convient de mentionner les premiers éditeurs des lois germaniques au XVIe siècle, Herold et François Pithou5, puis le corpus de référence publié par l’école allemande à compter du XIXe siècle6, et plus récemment les travaux de Niermeyer, Gerhardt Köbler, Eric Zöllner, Eugen Ewig, Karl-Ferdinand Werner, Olivier Guillot et Jean-Pierre Poly7 ; des travaux où les interactions entre germanité et romanité sont préférées aux oppositions fondamentales parfois recherchées au XIXe siècle, par exemple Kingsley dont le titre, The Roman and the Teuton, est à lui seul tout un programme8.
9Or, dans les sources, la première évidence est que le concept wergeld apparaît dans les textes sous une forme latine9 :
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TEXTE | FORME DU TERME | DATES |
Pactus legis salicae | – | 506-510 |
Decretio Childeberti II | Weregildum | 595 |
Lex ribuaria | Weregeldum | 628-639 |
Edictum Rothari | Wergild | 643 |
Marculf | Wiregildo | 650 |
Liutprand Novell. | Uuirgild | 734 |
Lex Baiuvariorum | Werageldo, Weragelti | 740 |
Gloses de Saint Gall | Weregeldi | 779 |
Lex Saxonum | Werageldis, Weregildo | 802 |
10Tirons quelques enseignements de ces données. D’une part, on constate l’absence de forme du terme wergeld dans le texte qui lui est le plus souvent associé, le Pactus Legis Salicae, ou loi Salique10. D’autre part, sur les dix occurrences les plus anciennes du terme, la forme qui prédomine est celle de variantes d’une base en weregeldus11. Il faut rappeler le contexte du mot : l’ensemble des lois germaniques est rédigé en latin. Il s’agit du latin de l’époque, soit du bas-latin. Or, la différence est notable entre ce weregeldus des textes et le wergeld, terme retenu par l’historiographie, wergeld sonne comme un mot germain. Le terme de weregeldus, donné par les textes, est de forme latine. On peut faire l’hypothèse d’une césure à l’intérieur du vocable. Nous aurions donc deux composants : uuere d’un coté, geldus, de l’autre. Pour le premier terme : uuere, les spécialistes du bas-latin nous fournissent deux clefs de lecture. Il s’agit tout d’abord de la fréquence du doublement du u- ou du v- en position initiale. Nous avons ensuite l’équivalence phonétique entre ῐ- et ē-12. On aboutit ainsi à une lecture de uuēre qui peut être vu comme une graphie, propre au bas-latin, du mot classique vir (viri) : l’homme. Le second terme, geldus appartient au vocabulaire du latin tardif, accompagné de quelques termes apparentés. On a : gildus, geldus, impôt, cens, tribut, gildonium, impôt, gellonia, redevance sur le vin, gilstrio, homme tributaire13. Le sens qui semble unir ces termes, est celui d’une valeur versée à la puissance publique. Il peut s’agir d’une taxe, d’une redevance ou d’un impôt. La réunion de ces deux termes donne en bas-latin, une compréhension de uuere-geldus du type ‘le tribut pour un homme’. Ce sens est conforme à celui généralement attribué au wergeld : ‘le prix de l’homme’. Il est notable de rencontrer en uuere-geldus14 le sens classique du wergeld sans sortir de la latinité tardive. Quant à l’environnement sémantique de uuere-geldus, dans les lois germaniques, où uuere-geldus est présent, on note la grande fréquence du terme componat (‘qu’il compose’), comme de son infinitif componere (‘composer’). On relève aussi l’usage du terme composition15, dans Grégoire de Tours, qui semble être la continuation d’une autre forme présente en latin tardif : compensatio. Le terme classique de poena (‘la peine judiciaire’), est également présent dans les lois germaniques.
Uuere-geldus, droit germanique et droit romain.
11Evidemment, toutes ces données nous invitent à réfléchir sur la spécificité germanique du tribut pour l’homme. S’agit-il d’un concept qui apparaîtrait d’un coup dans les textes au VIe siècle avec les lois barbares ? Peut-on plutôt trouver dans les textes juridiques romains des antécédents, des notions proches de uuere-geldus ? Le terme de poena, par son sens, peut être rapproché de la notion de tarification de la peine, puisque le sens premier est celui d’une « rançon destinée à racheter un meurtre (XII Tables) d’où compensation, réparation, vengeance, punition, châtiment, peine »16. D’où la recherche et les données suivantes :
TEXTE | TERME | OCCURENCES |
Duodecim Tabularum Leges17 (c. 450 a. | Poena | 1 |
Gai Institutionum Commentarius18 (c. | 336 | |
Imperatori Theodosiani Codex19 (435- | ||
Imperatori Theodosiani Codex | Compensatio | 6 |
12La peine pécuniaire, rachat d’un préjudice, est présente, en droit romain, depuis la Loi des XII Tables, soit environ 450 avant Jésus-Christ. La notion de poena perdure jusqu’au Code Théodose. La notion de compensatio paraît liée à celle de poena. Elle est absente des textes anciens. Elle naît d’une négociation, admise entre les parties, sur le montant des pénalités. Le nombre croissant des occurrences relevées n’indique pas une inflation des peines avec l’avancée des temps, mais sont une conséquence de la brièveté de l’expression antique dans la Loi des XII Tables alors que la modernité de Théodose est plus prolixe. La Loi des XII Tables occupe moins de quatre de nos pages actuelles, il en faut cent pour les Commentaires de Gaius et près de neuf cents pour le Code Théodose. Quant à l’idée de vengeance, c’est aux termes talio, vindicta et ultio qu’il convient de se référer.
TEXTE | TERME | OCCURRENCES |
Duodecim Tabularum Leges20 (c. 450 a. | Talio | 1 |
Gai Institutionum Commentarius21 (c. | Vindicta22 | 22 |
Imperatori Theodosiani Codex23 (435- | Ultio | 39 |
13Les termes qui désignent la vengeance ne sont pas absents du vocabulaire du droit romain, ils font au contraire partie du corpus juridique latin, comme le montrent les textes suivants :
14Duodecim Tabularum Leges : Tab. VIII : « Si membrum rupit, ni cum eo pacit, talio esta. Manu fustive si os fregit libero, CCC <assium>, si servo, CL <assium> poenam. Si un membre est rompu, et ne tient plus, c’est un (cas de) talion. Main invalide, ou os rompu, à un homme libre : 300 as. Pour un esclave : 150 as de pénalité. »
15Gai Institutionum Commentarius, Livre III, art. 194 : « adulter uel homicida sit ; ai illud sane lex facere potest, ut proinde aliquis poena teneatur. Adultère ou homicide constitués, pour ce cas, par une saine loi, il est possible qu’une peine soit établie à l’encontre de ceux-ci. »
16Gai Institutionum Commentarius, Livre III, art. 223 : « Poena autem iniuriarum ex lege XII tabularum propter membrum quidem ruptum talio erat ; propter os uero fractum aut conlisum trecentorum assium poena erat, si libero os fractum erat ; at si seruo, CL ; propter ceteras uero iniurias XXV assium poena erat constituta. Peine pour blessures selon la Loi des XII tables, pour un membre brisé, un cas de Talion était (constitué) ; pour un os vraiment rompu ou meurtri, 300 as de pénalité étaient prévus. Si l’os rompu était d’un homme libre, mais pour un esclave : 150 ; pour les autres blessures avérées, une pénalité de 25 as était constituée. »
17Ces extraits ouvrent un champ de recherche inespéré car ils présentent une version romaine de rachats tarifés de vengeances potentielles24. D’où les quelques remarques suivantes : d’une part, la forme du mot uuere-geldus, comme son environnement textuel, le font appartenir au bas-latin plutôt qu’à une langue germanique encore non attestée à l’époque de ses premières apparitions25. D’autre part, le mécanisme judiciaire du rachat d’une vengeance potentielle semble connu du droit romain, du moins dans une certaine part qu’il conviendra de préciser. On cherchera également à savoir pourquoi et comment le terme wergeld en est venu progressivement à supplanter les termes latins dans l’historiographie allemande, avant de passer dans l’historiographie juridique française ; que se serait-il passé, pour nos représentations, si le mot avait conservé sa forme d’origine ? que serait-il advenu en effet si, dans nos manuels, on rencontrait le terme uuere-geldus plutôt que wergeld ? Ce mot non seulement cristallise une analyse et, au moins pour les XIXe-XXe siècles allemands, des arrière-pensées que l’on peut débusquer, mais il représente un danger majeur : celui de nous interdire à lui seul d’imaginer, pour ce mécanisme juridique auquel il renvoie, une filiation romaine plutôt que germanique.
II – Le droit public des XVIIe-XVIIIe siècles au risque du vocabulaire de la monarchie administrative.
Autre époque, autre exemple.
18Notre historiographie, du moins la grande majorité des manuels, des ouvrages et des articles, présente le droit public d’Ancien Régime 1) en distinguant l’administration du judiciaire, 2) en classant les institutions par grands services publics (armée, finances, justice, etc.), 3) en parlant d’une fonction publique hétérogène, 4) en expliquant que cet ensemble institutionnel était animé d’un vaste mouvement de centralisation, l’intendant étant la préfiguration du préfet, le Conseil du roi annonçant le Conseil d’État. Si l’on réfléchit à chacun de ces mots, on s’aperçoit que le droit public des XVIIe-XVIIIe siècles est ainsi exposé à un danger, car il s’agit du vocabulaire juridique du XIXe siècle. Il convient tout d’abord de montrer que ces mots, avec le sens que lui donnent les historiens, n’appartiennent pas – mais il y a place ici pour le débat – au vocabulaire institutionnel des XVIIe-XVIIIe siècles, ensuite de chercher les raisons de cet emprunt à un vocabulaire commode mais postérieur, enfin de constater que cette transposition du vocabulaire du droit public du XIXe siècle aux siècles antérieurs est plus grave qu’elle n’y paraît, parce qu’elle ne transpose pas seulement des mots et des concepts mais aussi tout un monde de représentations postérieur qui bouleverse notre interprétation du droit public de l’Ancien Régime.
La transposition du vocabulaire du XIXe siècle aux XVIIe-XVIIIe siècles.
19A propos du vocabulaire, on peut assez facilement faire le procès des mots services publics et fonction publique qui, manifestement, renvoient aux catégories du droit administratif du XIXe siècle ; ceci est encore assez vrai pour le mot centralisation qui, malgré tout le bien qu’on peut penser de Tocqueville, apparaît d’un coup sous la Révolution pour qualifier un phénomène jugé nouveau par les observateurs. Ceci est plus discutable pour les mots administration et judiciaire car on en use déjà sous les Richelieu, Colbert et Turgot. Mais ont-ils le même sens à l’époque que pour les historiens du droit contemporain ? Non sans doute, à part pour quelques ministres, conseillers d’État et parlementaires d’avant-garde, pour quelques philosophes du XVIIIe siècle, quelques almanachs royaux à l’extrême fin de la période et pour une part réduite de la doctrine. Car, pour le reste, l’administration est rarement un substantif ; c’est l’élément d’une formule qui dans un sens qualifie, de près ou de loin, le gouvernement de la chose publique à la manière d’un administrateur de biens ; on parle alors de l’administration des affaires, des affaires d’administration (le fameux édit de Saint-Germain de 1641), de l’administration de la monarchie, de l’administration de ce royaume, de l’administration de l’Etat. Dans un sens voisin mais différent, les sources usent du verbe administrer, par exemple administrer la justice ou administrer la police, comme on administre un sacrement ou une potion ; il s’agit alors de fournir ou distribuer la justice ou la police. En revanche, l’administration, au sens des personnes morales qui réglementent et gèrent les services publics, n’appartient pas encore au vocabulaire des officiers du roi ; le mot comme l’idée flottent dans l’atmosphère.
20Il apparaît aussi que le judiciaire n’est pas encore distingué du reste. Nous résumerons ici deux études faites l’une à propos du vocabulaire choisi par les archivistes du XIXe siècle lors de l’élaboration du plan de classement des archives d’Ancien Régime, l’autre à propos de la séparation administration/judiciaire dans la perspective de l’émergence des juridictions administratives26. La nomenclature des séries des Archives départementales fut, nous le savons, élaborée dans la première moitié du XIXe siècle, c’est-à-dire à une époque très marquée par la rationalisation administrative opérée par Bonaparte. Pour les auteurs et les archivistes, la chose était fort claire : sous le règne de la loi, il y a deux fonctions de l’État : l’administration et la justice. Et ils cherchèrent à faire admettre que l’Ancien Régime, sans y être parvenu tout à fait, s’acheminait vers une telle séparation. Pour les séries B des Archives départementales, on opta donc pour « Cours et juridictions avant 1790 » (excellent titre) ; pour les séries C, on adopta un titre moins pertinent : « Administrations provinciales et contrôle des actes avant 1790 ». Sous couvert de distinguer deux types d’institutions, on cherchait à distinguer le judiciaire (série B) de l’administration (série C). Or, que faisaient, au quotidien, les milliers d’officiers du roi dont on conserve les actes dans les séries B ? Ils appliquaient consciencieusement et sans trop se poser de questions le principe traditonnel suivant lequel « justice et police c’est tout un ». Voilà le mot clef dans les sources. Dans une série B comme celle du Maine-et-Loire, je ne pense pas avoir rencontré une seule fois le mot administration, mais celui de police. Cela veut dire qu’à tous les niveaux, les cours et juridictions (parlements, sénéchaussées, juges seigneuriaux27) qu’on souhaiterait séparer de l’administration, continuent, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, à faire de la police qui discipline, réglemente, interdit, contraint, circonscrit dans l’intérêt public. Elles ne sont pas confinées au judiciaire, mais elles distinguent en interne – et c’est une précision de taille – l’activité de police des procès ordinaires et extraordinaires.
21Vouloir à tout prix séparer l’administration du judiciaire revient sans doute à une mauvaise interprétation du mot justice. L’ancien droit, quand il parle de la justice, mêle en effet deux concepts : le premier est la méthode pour régir l’État, le principe de gouvernement, « la prudence de commander en droiture et intégrité » (Bodin, Préface aux Six Livres de la République, éd. 1577), la vertu de direction, une manière d’entendre la mission du roi et de ceux, de tous ceux (Conseil, ministres, parlements, intendants, sénéchaussées, etc.) qui le représentent28. Cette idée est héritée de l’Ancien Testament (notamment les figures de David et Salomon, les psaumes), des Pères de l’Église et des théologiens carolingiens. Et – aussi surprenant que cela puisse paraître – elle demeure active jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Si l’on ouvre, au hasard, le recueil Isambert pour y lire les principes véhiculés dans les préambules des édits, déclarations et ordonnances des années 1777-177829, surprise ! Pas un texte n’échappe à l’idée qu’il est de la justice du roi (ou de l’esprit de justice) de... fixer tel impôt, supprimer tels offices d’intendants, donner tel privilège de librairie, etc. ; toutes choses qui n’ont rien à voir avec le judiciaire. D’où les deux remarques suivantes à propos du vocabulaire d’Ancien Régime.
22En premier lieu, l’activité de police qui se distingue peu à peu des procès30, reste rattachée à la Justice. Cette Justice (mission royale) assure l’unité de toutes les missions de l’État soit que, traditionnelles, elles s’y rattachent, soit que, nouvelles, elles s’y greffent (voirie, ponts et chaussées, finances, marine, etc.). Les fonctions de police, de finance, de justice (judiciaire), aussi différentes qu’on puisse les concevoir, cherchent toujours en grande partie à réaliser la Justice parmi les sujets du roi ; mais aux méthodes anciennes et aux thèmes traditionnels de paix, d’ordre et de concorde viennent se greffer des méthodes et des thèmes nouveaux tels que le bien être, l’abondance, etc.
23En deuxième lieu, le fondement de la mission d’un agent du roi est la juridiction que le roi leur remet avec la lettre d’office, la lettre de commission ou les ordres précis ; juridiction, c’est-à-dire, au-delà du sens originel et du sens actuel (le tribunal), l’autorité de celui qui va représenter le roi en son absence pour diriger et juger au nom du roi31. C’est sur la base de cette juridiction, que les officiers rendent la justice – ils assurent la paix en réparant les injustices – et font la police – ils imposent des règles, fixent les devoirs respectifs, contraignent le peuple à vivre en paix et à respecter l’ordre public. Prenons le cas de la voirie. En 1781, les magistrats du présidial d’Angers remontrent que, pour confier cette matière aux magistrats ordinaires des sénéchaussées et juridictions seigneuriales d’Anjou : « Sa Majesté déclare que la voirie est une dépendance de la justice et jurisdiction ordinaire ; le Roi en assure la propriété et les droits à Monsieur, prince apanagiste et à ses officiers, [et déclare] qu’ils leur appartiennent en conséquence pour le soulagement des sujets dans l’étendue de l’apanage [...] » (ADML, 1 B 137). À l’autre bout de la hiérarchie institutionnelle, le procureur fiscal de la baronnie de Candé ne dit pas autre chose en 1786 : « Vous remontre le procureur fiscal que, quoique la voirie soit une dépendance de la justice et jurisdiction ordinaire qui appartient au seigneur baron de cette ville dans l’étendue de sa baronnie... » (12 B 119).
24Synthétisons l’ensemble de l’approche : 1) le mot administration est rarement utilisé dans les sources avec le sens que l’historien du droit lui attribue, 2) le mot police, qui est omniprésent dans l’activité des cours et juridictions, reste un corollaire de la Justice (au sens de la mission royale) et ne se distingue, au niveau local, que progressivement de la justice (au sens judiciaire du terme), 3) le fondement de l’autorité des officiers comme des commissaires est la juridiction que leur attribue le roi. Nous sommes loin ici d’une administration distincte des organes judiciaires. L’Ancien Régime n’est pas l’organisation révolutionnaire. L’Ancien Régime n’est pas l’organisation napoléonienne32.
Les objectifs de la transposition.
25Il convient désormais de savoir pourquoi l’historien du droit transpose les mots à venir pour se représenter le passé. Première explication : l’habitude et la simplicité. Avouons à quel point nous sommes habitués à ces mots (et aux thèmes de cours auxquels ils renvoient), véhiculés par des générations de manuels, à partir desquels nous avons fait nos études, et sur lesquels nous avons au moins jeté un coup d’œil pour monter nos enseignements. Admettons aussi à quel point ces cours seraient impossibles à suivre si pour chaque mot, il fallait faire une analyse sémantique, puis nuancer, préciser, mettre en garde. Parler à nos étudiants de l’administration des intendants, de la fonction publique et des services publics a l’avantage de la simplicité et de la cohérence avec leurs cours d’institutions administratives contemporaines. Cependant, après quelques années à répéter les mêmes thèmes, je suis aujourd’hui convaincu que les étudiants sont plus intéressés et par les différences de nature entre le droit public d’Ancien Régime et le nôtre, et par l’atmosphère nouvelle qui surgit dans une certaine doctrine, et par la place qu’occupe l’évolution des mots dans cette affaire.
26Deuxième explication : le double souci de rigueur et de pédagogie. Le droit public d’Ancien Régime est impossible à synthétiser et à présenter de façon rationnelle. Nos esprits de juristes s’en trouvent tourmentés sans même y penser. Aussi, plutôt que de lire l’intégrale de Guyot en amphithéâtre – ce qui serait peut-être la seule manière d’être pertinent –, apparaît-il infiniment plus commode de mettre de l’ordre dans ce droit public qui résiste à l’entendement. Nous suivons ici les traces des archivistes du XIXe siècle qui, par l’emprunt du vocabulaire de leur siècle, ont repensé les institutions d’Ancien Régime pour mieux reclasser leurs archives. C’est ce à quoi je pense lorsque je relis le 4ème chapitre de ma thèse intitulé : le rôle administratif du de la sénéchaussée d’Anjou et présidial d’Angers33. Je ne crois pas avoir rencontré une seule fois les termes administration ou administratif dans les sources, mais j’ai regroupé dans une même catégorie toutes les activités qui, depuis la Révolution et jusqu’à aujourd’hui, seraient qualifiées comme telles : enregistrement et publicité des actes du pouvoir royal, organisation des états généraux en Anjou, convocation du ban et de l’arrière-ban, réception des officiers de toutes les juridictions subalternes, contrôle des corps d’officiers, police urbaine, fondation d’institutions de charité, police de l’économie, du commerce, de la moralité, de la voirie, etc. Toutefois, les mots “enveloppe” rôle administratif restent inconnus des officiers angevins, ce qui traduit quelque chose d’essentiel : cette représentation leur est sans doute impossible parce qu’elle n’est pas construite dans leur langage qui continue à user d’un vocabulaire complètement éclaté. À l’inverse de cette idée, dans ma thèse, la rigueur et la forme l’ont emporté sur la représentation de la réalité.
27Troisième explication : la modernité de l’Ancien Régime. Lassés, au contact des sources, d’entendre parler de la confusion, de l’arbitraire, voire de l’obscurantisme de l’Ancien Régime, notre historiographie a peut-être aussi réagi en le modernisant par les mots, en faisant siennes les idées selon lesquelles la centralisation bourbonienne annonce la centralisation napoléonienne, les intendants et les agents des bureaux centraux et des Ponts et Chaussées préfigurent la fonction publique contemporaine, le Conseil du roi annonce le Conseil d’État, etc. Il s’agit là en quelque sorte de réhabiliter l’Ancien Régime institutionnel. Reste à mesurer les effets de ce genre de phrases sur la réalité du droit public d’Ancien Régime.
Les effets de la transposition.
28L’effet apparaît double. Partons, tout d’abord, d’un exemple : « l’intendant préfigure le préfet ». Elle effectue dans l’esprit du lecteur un transfert comme dans une équation mathématique du premier degré où l’on cherche à quel quotient ou racine se rapporte l’inconnue. Dans notre exemple, on transfert l’attention du lecteur sur « le préfet » (la donnée connue) pour définir « l’intendant » (l’inconnue). Or, chacun croit savoir qu’un préfet est chargé seul de l’administration du département (art. 3 de la loi du 8 pluviôse an VIII). De sorte que l’intendant administrait seul son territoire... Bien qu’en réalité, intendant et préfet soient différents tant dans leur nature que dans leur activité concrète34. Par l’alchimie de quatre mots, on a fait de l’histoire à l’envers : en parlant d’une institution passée avec des matériaux du futur, c’est du XIXe siècle dont il est question. Mais, rétorquera-t-on, si ce transfert n’est pas voulu par le locuteur ? Si la phrase n’est écrite que par souci de pédagogie ? Réponse tirée de la linguistique : la phrase n’appartient pas au locuteur. Elle est communication, elle concerne autant le lecteur (ou l’auditeur) que le locuteur. De sorte que le locuteur reste responsable – et nous savons combien un mot mal choisi peut avoir de conséquences à cause des représentations parfois délirantes qu’il fait naître dans l’esprit de l’auditeur – si le lecteur traduit la phrase de la manière suivante : les intendants d’Ancien Régime avaient les mêmes pouvoirs que le préfet.
29Ensuite, en revenant à la thèse de Sapir-Whorf, on en vient au lien mot/concept. La remarque classique est en effet la suivante : peu importe que le mot se trouve ou pas dans les sources, si l’on y décèle le concept. À voir. Car les mots ne déplacent pas seulement des concepts, mais aussi, avec eux, tout un monde de représentations. Partons d’un autre exemple. Quand Tocqueville parle de la centralisation à propos de l’Ancien Régime, ce n’est pas seulement un mot, un concept, une clef de lecture passionnante, mais encore le déplacement du monde institutionnel du XIXe siècle vers les siècles précédents. Il suffit de fermer les yeux pour s’apercevoir de tout ce que véhicule avec lui le mot centralisation : 1) un centre (Paris, les ministères et les bureaux) où est concentrée non seulement l’information (« il faut, exige Montalivet en 1812, qu’au centre, on sache tout ! ») mais encore la prise de décision pour tout le pays, 2) un agent local pourvu des plus larges moyens pour administrer seul son territoire, 3) une organisation institutionnelle uniformisée ayant atomisé les corps et les pouvoirs locaux afin de permettre à la même décision d’être appliquée partout de la même façon, 4) des rapports étroits entre le centre et la périphérie tels que les décrit Chaptal : transmettre « la loi et les ordres du gouvernement jusqu’aux dernières ramifications de l’ordre social avec la rapidité du fluide électrique ». Derrière la magie du mot Centralisation, toutes ces représentations arrivent en cortège au beau milieu de l’Ancien Régime, si bien qu’elles bouleversent complètement la réalité que ce mot était sensé décrire. Elles vont entraîner à négliger les différences et la singularité radicale du droit public des XVIIe-XVIIIe siècles. En substance, c’est d’ailleurs le reproche de Furet à l’égard de la thèse de Tocqueville : toute l’incroyable vitalité des centaines de milliers de corps (parlements de province, états provinciaux, présidiaux, sénéchaussées, justices seigneuriales, corps de ville, paroisses, corporations, confréries, etc.), toute la problématique des divers statuts (offices, commissions) ont échappé à Tocqueville, car d’une part la série F des Archives nationales et l’intendance de Tours à partir desquelles il a écrit son ouvrage ont occupé toute la place, mais encore et surtout le monde qui était le sien et qu’il a transposé aux siècles précédents a bouleversé tous les schémas du réel35. Ce monde était étranger à l’ancien, non pas le même monde avec d’autres étiquettes, c’est-à-dire des vocabulaires différents.
30Concluons. La différence de sens du mot administration, et l’absence des mots centralisation, services publics, fonction publique, ne s’apparente pas une simple question de vocabulaire. Dans un sens, ce vocabulaire, tel qu’il se donne ou se refuse à nous dans les sources, signifie un ordonnancement culturel des formes et des catégories qui analyse le réel. L’absence de ces mots nous apprend que la doctrine n’analyse pas le réel des institutions de son temps avec des catégories juridiques aussi claires que les nôtres. Les représentations sont intrinsèquement liées à la langue dans laquelle elles ont été cristallisées. Dans un autre sens, l’utilisation massive et désormais classique de ces mots dans notre historiographie brouille la réalité institutionnelle de l’époque. La linguistique et la philosophie du langage peut d’une part nous inviter à les utiliser avec scrupules, d’autre part inciter nos doctorants à consacrer un passage de leur thèse aux mots pour le dire, c’est-à-dire à recenser le vocabulaire des sources, à l’interroger grâce à la sémantique, la linguistique et l’étymologie afin d’ouvrir des pistes d’histoire du droit ; ce que rend impossible le procédé qui consiste à plaquer, sans l’expliquer, des mots classiques mais étrangers à leurs sources.
Notes de bas de page
1 The selected Writings of Edward Sapir, ed. D. G. Mandelbaum, University of California Press. 1951, p. 162 ; B. L. Whorf, Linguistique et anthropologie, 1956, trad. fr. C. Carme, Denoël. 1971. p. 193, cités par S. Auroux, J. Deschamps & D. Kouloughli, La philosophie du langage, PUF, 2004, p. 180.
2 On peut se reporter, sur ce point, aux problématiques posées dans l’ouvrage d’E. Bournazel & J.-P. Poly (dir.), Les Féodalités. Histoire générale des systèmes politiques, PUF. 1998.
3 M. Christophe Camby prépare une thèse consacrée au wergeld entre spécificité germanique et tradition juridique romaine, sous la direction du professeur Jean-Pierre Coriat.
4 J. F. Niermeyer, Mediae latinis lexicon minus, EJ. Brill, 1954-1976, p. 1131.
5 B. J. Herold, Originum ac germanicarum antiquitatum libri, Basel, 1557, souvent désigné Recensio Heroldina ; F. Pithou, Responce à l’examen d’un hérétique, sur un discours de la loy salique, faussement prétendu comme la maison de France, & la branche de Bourbon, Paris, 1587. Les discordances entre ces deux auteurs faisaient sourire Voltaire, Dictionnaire philosophique, 5ème éd. Kehl, 1765, art. Loi salique.
6 Ecole représentée par K. A. Eckhardt : Monumenta Germaniae Historica, Legum nationum germanicarum, t. IV, 1962. ; K. Beyerle, Lex Baiuvariorum, Hueber, 1926 ; F. Beyerle, Leges Langobardorum, 2ème éd. Witzenhausen, Deutschrechtlicher Inst.-Verl., 1962 ; K. Beyerle & R. Buchner, Lex Ribuaria, Monumenta Germaniae Historica, Leges, 1, Legum nationum Germanicarum, t. III, Hannover, 1954 ; E. Wohlhaupter, Gesetze der Westgoten, Boehlau, Deutschrechtlicher Inst.-Verl., 1936. Il faudrait aussi citer Bluhme, Boretius, Büchner, Hânel, Krause, Lehmann, Merkel. Pertz, von Richthofen, von Schwind, Sohm, Zeumer...
7 E. Zöllner, Geschichte der Franken bis zur Mitte des 6 Jahrhunderts, Beck, 1970 ; E. Ewig, Die Merowinger und das Frankreich, Urban-Taschenbücher, 1988 ; K. F. Werner, Die Ursprünge Frankreichs bis zum Jahr 1000, 1989, Naissance de la noblesse, Fayard, 1999 ; O. Guillot, La justice dans le royaume franc à l’époque mérovingienne, La Gustizia nell’alto Medioevo (Secoli V-VIII), Spoleto, 1995, II, p. 653-736 ; O. Guillot, A. rigaudière & Y. sassier, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, 2 vol., Armand Colin, 1999 ; J.-P. Poly, « La corde au cou. Les Francs, la France et la loi salique », Genèse de l’Etat moderne en Méditerranée, Ecole française de Rome, n° 168, 1993, également dans : C. Gauvard, A. de Libera, M. Zink., Dictionnaire du Moyen Âge, PUF, 2002.
8 C. Kingsley, The Roman and the Teuton, MacMillan, 1875.
9 Sources : J. F. Niermeyer, ouv. cité, p. 1131 ; H. Nehlsen, Quellen zur Vorlesung Deutsche Rechtsgeschichte, Teil I, Ludwig-Maximilians Universität, 2004/2005, p. 2-8. Il existe des occurrences postérieures de variantes du terme de wergeld. Nous les avons négligées car elles ne sont plus révélatrices de la forme d’apparition du mot.
10 La présence d’un uuereguldum, en une seule occurrence, dans la recensio Heroldina, n’est pas probante, au contraire, ce mot, absent des versions anciennes, a été ré-introduit par Herold lors de sa publication de 1557 : K. A. Eckkardt, Pactus legis salicae, MGH, Leg. Nat. Germanicarum, t. IV, Tit. LIIII (H10), p. 197 ; voir aussi en introduction p. XL sur la version de Herold désignée H10 par Eckkardt. Le terme équivalent à weregeldus, usité dans la loi salique, est mallobergo.
11 Forme déjà signalée par du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, Tomus quartus, Léopold Favre, 1938, p. 67, forme également par G. Köbler, ouv. cité, p. 513.
12 J. Hermann, Latin vulgaire, PUF, 1967, p. 40-42.
13 J. F. Niermeyer, ouv. cité, p. 465, 468, 1130-1132 ; du Cange, ouv. cité, p. 55, 67-68.
14 Une autre confirmation de notre hypothèse de césure viendrait des différents mots formés sur une base gildus, geldus, relevés par du Cange, ouv. cité, p. 72 et par G. Köbler : bargildus, novigeldus, octogildus, Liber Exquisiti Xenii, respectivement, p. 65, 318, 328.
15 Grégoire de Tours, Historiarum libri X, dans MGH, Script. Rer. Merov., 1 ed., B. Krusch, 1937, IX, 19, cité par H. Nehlsen, ouv. cité p. 2.
16 F. Gaffiot, Dictionnaire illustré latin-français, Hachette, 1934, p. 1193.
17 Fontes iuris Romani antiqui I, ed. G. Bruns & O. Gradenwitz, 1909.
18 Gai Institutionum commentarii quattuor, 5ème éd. B. Kuebler, 1926.
19 Codex Theodosianus, Th. Mommsen, P. Meyer & P. Krüger, Berlin, 1905.
20 Fontes iuris [...], ouv. cité.
21 Gai Institutionum [...], ouv. cité.
22 La filiation des termes : vindicatio > vindicte > vendetta, montre que certains espaces du monde latin sont resté cristallisés à ce stade de la mutation entre vengeance privée et vengeance d’état ou justice. Bibliographie critique du mot “Vengeance” dans S. Rials et D. Alland (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF et Lamy, 2003, p. 1507-1510.
23 Th. Mommsen, Codex..., ouv. cité
24 Nous devons à Emmanuelle Chevreau d’avoir signalé à notre étude l’opinion du grand romaniste : Emile Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Editions de minuit, Paris, 1969. Selon cet auteur, le droit romain n’aurait pas conçu le rachat judiciaire portant sur le corps humain ou ses parties. Nous ne manquerons pas d’observer plus en détail cette apparente opposition entre textes et théories dans nos travaux.
25 L’étude objective de cette langue débute avec celle de ses premiers textes : les Merseburger Zaubersprüche notamment, datés d’environ 750 après Jésus-Christ, H.D. Schlosser, Althochdeutsche Literatur, Fischer, Frankfurt A.M., 1970.
26 Série B des Archives départementales de Maine-et-Loire, Introduction, à paraître ; La justice administrative avant 1790. Retour sur trente ans de découvertes, Histoire de la justice administrative (G. Bigot & M. Bouvet dir.), Litec, 2006, p. 3 et s...
27 Ph. Payen, Les arrêts de règlement du parlement de Paris au XVIIIe siècle. Dimension et doctrine, PUF, 1997 et, du même auteur, La Physiologie des arrêts de règlement du parlement de Paris au XVIIIe siècle, PUF, 1999 ; R. Bareau, Les arrêts de règlement du parlement de Bretagne, thèse droit Rennes 1, 2000, dactyl., 2 t., à paraître aux PURennes ; A. Lemaitre & O. Kammerer (dir.), Le pouvoir réglementaire : dimension doctrinale, pratiques et sources, XVe et XVIIIe siècles (colloque de Mulhouse, octobre 2002), PURennes, 2005 ; S. Soleil, Le Siège..., ouv. cité, p. 87 s. ; F. Brizay, A. Follain & V. Sarrazin (dir.), Les Justices de village. Administration et justice locale de la fin du Moyen Âge à la Révolution, (Colloque d’Angers, oct. 2001, PURennes, 2002, 326 s..
28 Sur les racines médiévales de cette idée : Senellart, Les arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Seuil, 1995 ; M. Reulos, « La notion de « justice » et l’activité administrative du Roi en France (XVe-XVIIe siècle) », W. Paravicini & K.F. Werner (dir.), Histoire comparée de l’administration (IVe-XVIIIe siècle), (colloque de Tours, mars-avril 1977), Artémis, 1980, p. 27 s..
29 La justice administrative [...], ouv. cité.
30 On pense notamment au préambule de l’ordonnance de 1667, à propos de la police et de la procédure civile. Par exemple, P Napoli, Conclusion, Le pouvoir réglementaire[...], ouv. cité
31 Sur le concept de jurisdictio, pouvoir de dire le droit, de juger et de diriger, voir Costa, lurisdictio. Semantica del potere politico nella publicistica medievale (1100-1433), Giuffrè, 1969 et Tierney, Religion et droit dans le développement de la pensée constitutionnelle (1150-1650), PUF, 1993, p. 45 s. et la synthèse pertinente de R. Colson, La fonction de juger. Etude historique et positive, thèse droit, Nantes, 2003, p. 17 s..
32 Sur cette idée, il convient de faire le détour par la bibliographie italienne, et notamment L. Mannori & B. Sordi, « Giustizia e amministrazione », M. Fioravanti (dir.), Lo Stato moderno in Europa. Istituzioni e diritto, Laterza & Figli spa, 2002, p. 59 s..
33 Le Siège royal de la sénéchaussée et du présidial d’Angers – 1551-1790, PURennes, 1997, p. 87 s..
34 Pour synthétiser, les uns sont des magistrats, les autres des administrateurs ; les intendants n’œuvrent qu’en fonction d’une double clientèle à Versailles et en province, clientèle infiniment moins contraignante pour les préfets ; les intendants ont une lettre de commission large, mais n’agissent qu’en fonction des ordres précis du gouvernement et des relations avec les institutions et les clientèles locales ; enfin, ils animent une institution squelettique. Voir F.-X. Emmanuelli, Un mythe de l’absolutisme bourbonien : l’intendance, du milieu du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, PUAix-en-Provence/Honoré Champion, 1981 ; L’unité des principaux Etats européens à la veille de la Révolution (recherche collective, P. Villard & J.-M. Carbasse dir.), éd. par l’Institut d’histoire du droit de la faculté de droit de l’université René Descartes, Paris V, 1992 ; S. Mannoni, Une et indivisible. Storia dell’accentramento amministrativo in Francia, 2 vol., t.l : La formazione del sistema (1661-1815), Giuffrè, 1994 ; S. Soleil, Le Siège royal [...], ouv. cité ; L. Mannori, « Centralisation et fonction publique dans la pensée juridique de l’Ancien Régime : justice, police et administration » [et] C. Michaud, « Centre et périphérie (I). Du hameau à la région et de la province au royaume », dans L’administration territoriale de la France (1750-1940) (colloque d’Orléans, septembre-octobre 1993), Orléans, PU, 1998, p. 248 s. et p. 627 s..
35 Sur cette remise en cause de la thèse de Tocqueville (« que la centralisation administrative est une institution de l’Ancien Régime et non pas l’œuvre de la Révolution ni de l’empire », L’Ancien Régime et la Révolution, Gallimard, 1967, p. 89), voir S. Soleil, « L’Ancien Régime centralisateur ou respectueux des libertés ? », Décentraliser en France. Idéologies, histoire et prospective (colloque du Centre de recherche sur 1 anthropologie de l’Etat de Caen, décembre 2002), C. Boutin & F. Rouvillois (dir.), éd. F.-X. de Guibert, 2003, p. 13 s. et L. Jaume & S. Soleil, « Centralisation / Décentralisation. Retour sur quelques certitudes historiques », AJDA, 2005, p. 760 s..
Auteurs
Professeur et doctorant en histoire du droit Centre d’Histoire du droit de l’Université, Rennes I
(www.chd.univ-rennesl.fr)
Doctorant en histoire du droit au Centre d’Histoire du droit de l’Université Rennes I.
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