Répertorier et éditer des chartes de franchises : réflexions historiographiques à la lumière d’une expérience collective
p. 439-446
Texte intégral
1 Le « détonateur » de cette contribution fut la parution récente d’une édition de textes baptisée Chartes-lois en Hainaut1. Elle a pris place dans une collection de publications de l’association des sociétés d’histoire du Hainaut (belge) et a été menée à bien par une équipe d’historiens de métier issus des universités francophones de Louvain-la-Neuve et Bruxelles, ainsi que de l’Université Charles de Gaulle – Lille III. Elle est la première du genre dans la production scientifique belge, où l’on disposait certes déjà de catalogues élaborés ou de relevés sommaires, en particulier pour le Brabant et le Luxembourg2, mais point encore d’une édition systématique. Celle-ci comporte une cinquantaine de textes enrichis de notices historiques et bibliographiques, ce qui représente au total plus de 550 pages.
2Il nous a paru opportun d’aborder à cette occasion la question des éditions de chartes de franchises à travers un espace que nous qualifierons de franco-belge, en raison du thème proposé pour les Journées de Toulouse de la Société d’Histoire du droit (juin 2005). La question peut donc être formulée comme suit : quelle place occupent pareils travaux d’édition dans cet espace ? En d’autres termes : qu’y a-t-on réalisé en la matière ? Et puis aussi : comment devrait-on en faire davantage ? L’accueil du sujet choisi se justifie encore dans la mesure où, in illo tempore, la Société d’Histoire du droit suscita elle-même en la matière une curiosité et des initiatives qui ont donné quelques résultats et permis d’engranger plusieurs publications. Il va de soi que nous n’aborderons pas les choses sous l’angle de l’exploitation des chartes, ce qui exigerait alors la mise en jeu d’une multitude d’articles et de monographies.
3Quelques notions succinctes seront d’abord les bienvenues. Au cœur de cette recherche, voici donc la « charte de franchises ». Le mot « franchises » prend tout son sens si on l’écrit ici au pluriel. Charles-Edmond Perrin, historien de la société médiévale en Lorraine, en a fourni (dès 1924 puis, dans les mêmes termes, quarante ans plus tard encore) une des meilleures définitions que nous en connaissions : « Acte accordé par le pouvoir seigneurial à l’ensemble des sujets d’une seigneurie pour [1°] régler les relations du seigneur et de la communauté et [2°] garantir à celle-ci et à ses membres des droits bien définis »3. J’émettrai une seule réserve à propos de ce qu’écrivit Perrin : c’est l’utilisation initiale du singulier pour le mot « franchise », qu’il identifie à l’acte même de l’« affranchissement », alors que les concessions de franchises (au pluriel...) se situent à différents moments dans l’évolution d’une communauté vers plus d’autonomie ou, en tout cas, moins d’arbitraire4. Nous ne souscrivons pas non plus à l’expression « charte de coutume » (coutume au singulier) qu’utilise consciemment Robert Fossier pour la Picardie, dans une édition exemplaire, sous prétexte que ce terme, vague – il le reconnaît –, rendrait le mieux compte de la diversité des usages, normes et contraintes abordés5.
4En Hainaut, à la suite des travaux fondateurs de Léo Verriest, en particulier son Régime seigneurial6, on aime écrire « chartes-lois » et on reste d’ailleurs ainsi très proche du vocabulaire auquel recourent les textes, qui se disent eux-mêmes lex, ou encore pax. Des éditeurs et auteurs ont souvent mis en évidence la distinction nécessaire entre chartes de franchises et chartes de commune. On a écrit que les premières visaient une émancipation, les secondes une autonomie. Dans son catalogue des chartes poitevines, Madeleine Dillay voyait dans les premières des ensembles de franchises « civiles », dans les secondes des franchises « politiques »7. Ce distinguo ne nous convainc pas, car il fait appel à des qualifications peu en phase avec l’esprit du temps des chartes. Ce qui peut séparer les unes des autres, ce ne sont guère que la forme et le degré d’association, qui dans le cas d’une commune requièrent un serment d’aide mutuelle. Rien n’incite donc à consommer un divorce, dans la recherche et l’utilisation, entre deux types de chartes de libertés locales8.
5Autre rupture qui ne mérite guère d’être encouragée : la ville, la campagne. Faire nettement le départ entre chartes urbaines et chartes rurales est une option qui compte ses partisans. Mais on se heurte très vite à d’épineuses questions : qu’est-ce qu’une ville ? depuis quand une localité est-elle devenue ville ? Admettre schématiquement, avec Robert Fossier, que la charte maintiendrait le village dans un cadre seigneurial mais ferait sortir la ville de ce même cadre9 se heurte à de très nombreux cas d’espèce, puisque le pouvoir seigneurial peut demeurer une réalité bien présente, même en cas d’affranchissement de type « lourd ». Nous nous rallions volontiers à l’opinion de Jean Schneider qui voyait plutôt « s’estomper » en l’espèce la distinction entre villes et campagnes10.
6Enfin, sous d’amples horizons, on convient que les chartes de franchises ont eu leur temps privilégié. Amorce parfois intensive dès le XIIe siècle, apogée au XIIIe siècle, présence moins appuyée depuis la première moitié du XIVe siècle. Certes décèle-t-on des concessions bien plus tardives. Mais la démarche de confirmation ou une certaine routine y prennent alors une plus grande place.
7Voilà pour quelques points d’ancrage dont on ne pouvait se passer.
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8Traçons alors un bilan rapide et sélectif de la production. Une multitude de chartes de franchises ont fait l’objet, dans toutes les régions, d’éditions isolées, souvent anciennes, dues à des érudits locaux et peu critiques. Mentionnons à titre d’exemple ce texte du Brabant septentrional à rechercher dans un annuaire commercial communal (adresboek) de 192811 ou cette table de documents luxembourgeois publiée dans un programme d’établissement scolaire de 190812... D’autres éditions plus élaborées n’en sont pas moins dispersées, ainsi en France dans la Revue historique de droit français et étranger, ou en Belgique dans les Bulletins respectifs de la Commission royale d’histoire ou de la Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances. Des chartes de franchises éparses sont à retrouver, voire à identifier, au sein de recueils d’actes d’un prince, d’un établissement religieux, d’une ville. Il existe aussi des recueils sélectifs du type de l’anthologie, comme celui de l’archiviste bruxellois Alphonse Wauters13, ou encore un Recueil de textes d’histoire urbaine belge14, reproduisant des documents déjà publiés antérieurement et très malencontreusement baptisé, puisque contenant pour une part des textes d’essence rurale, quoi qu’il en soit de l’usage du mot burgenses.
9Parmi les éditions consacrées en principe à des séries régionales de chartes de franchises, épinglons les quatre volumes (introduction postérieure incluse) de la monumentale entreprise de Joseph Garnier pour la Bourgogne, commencée il n’y a pas loin d’un siècle et demi15. Plus près de nous, voici les Chartes de coutume en Picardie de Robert Fossier, dans la « Collection de documents inédits sur l’histoire de France » du Comité des travaux historiques et scientifiques16. On se défiera des titres trompeurs, quelles que soient pour le reste qualité et utilité des volumes : les Privilèges et chartes de franchises de la Flandre, publiés par les soins d’historiens de l’Université et des Archives de l’État de Gand pour le compte de la Commission royale des anciennes lois et ordonnances de Belgique, ne livrent qu’une faible proportion de chartes de franchises au sens strict, en l’occurrence de caractère exclusivement urbain17.
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10Abordons, dans la foulée de tels constats, la question du contenu à donner à des recueils ou à de simples catalogues de chartes-lois. La terminologie et les formes diplomatiques ne sont d’aucune aide en la matière. Les critères de sélection, dans les travaux existants, ne sont pas toujours exposés avec la précision espérée. Quelques exigences semblent cependant assez généralement posées : concerner une communauté locale dans sa totalité, traiter de la condition juridique des personnes, viser le domaine propre du seigneur concédant, comporter une dimension de contrat bilatéral entre seigneur et bénéficiaires. Par contre, on peut se montrer souple quant à l’ampleur des textes, à l’échelle de leurs dimensions.
11Il est, en effet, des concessions en bonne et due forme juridique qui ne visent qu’un seul point, ce que Léopold Genicot dénommait « mini-affranchissement »18, par exemple l’abolition d’une banalité du moulin ou du droit de formouture. Ce peut être une charte de franchises en soi. Mais gare aux excès de tolérance ! Joseph Garnier, pionnier par ailleurs méritoire, en arrivait à vouloir publier tous les actes dans lesquels un seigneur accordait quelque chose à une collectivité. De cela résulte la présence dans son – forcément – monumental travail d’un acte du duc de Bourgogne de 1235 sur la durée des fonctions mayorale et scabinales à Dijon ou d’une lettre de non-préjudice d’un autre duc, en 1300, concernant le service militaire à Beaune, délivrée à l’occasion précise du siège d’une place forte19. Georges Espinas, un érudit actif dont on reparlera, définissait encore la charte de franchises comme étant « essentiellement un octroi, une concession de certains avantages accordés par un pouvoir non communal à l’autorité communale », une pseudo-définition beaucoup trop laxiste20.
12Peu de temps avant Garnier pourtant, un autre éditeur bourguignon, Marcel Canat de Chizy, entendait valoriser les chartes « renfermant un corps de droit local », « un corps complet de franchises locales », par opposition à tel accord, privilège, texte sur la justice ou le commerce « qui ne relate[nt] que des droits ou usages restreints »21. La sélection s’impose. On ne peut tout placer sur un seul pied, même si on se réserve de prendre en considération, à côté des textes « de base », des documents de portée annexe. Sélectionner n’est pas isoler. Mais cela ne peut pas être non plus trop prendre et dès lors engloutir. C’est forcer la dose, nous semble-t-il, que de répertorier dans un catalogue de « chartes de franchises » les fragments d’une enquête de 1258/59 à Fontenay-le-Comte, en Poitou, parce qu’ils mentionnent des coutumes consignées in cartis dicte ville à propos de redevances dues au comte, de la fixation d’une mesure et d’une exemption de la garde des foires22. Il manque à tout le moins ici la marque de fabrique de la vraie carta libertatum, celle du contrat entre maître et sujets. Une référence explicite pourrait tout au plus justifier en l’espèce une note complémentaire. Mais il n’en va plus de même lorsqu’on voit figurer dans un catalogue de chartes de franchises du sud-ouest, Guyenne et Gascogne, une décision du Parlement de 1313 ordonnant un complément de procédure tendant à définir les droits de juridiction du roi d’Angleterre Edouard II et d’un abbé local sur les habitants d’un château de la région de la Gironde ; ou bien cet acte du roi Edouard Ier (1289) accordant au magistrat de Bayonne de connaître des procès relatifs aux constructions urbaines23. On sort là du concept même de la franchise.
13En dressant un catalogue étoffé des franchises médiévales du duché de Brabant, Willy Steurs énumérait avec soin les types de documents consultés, outre les chartes-lois classiques, des records d’échevins aux documents fiscaux de la pratique, en passant par des conventions entre communautés locales ou des sources ecclésiastiques24. Mais il le faisait pour y déceler des références à des textes perdus, non pas pour placer indistinctement toute cette manne dans un relevé global et flou. Il ne succombait pas en l’espèce à la tentation de gonfler le nombre de véritables chartes de franchises, comme le dénonçait notamment en étudiant l’Auvergne Pierre Charbonnier25.
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14L’historiographie des chartes de franchises a sans doute pâti de l’absence d’une coordination suffisante. Et pourtant, celle-ci a bien failli exister et connut même une amorce encourageante. La Société d’Histoire du droit a voulu jouer là un rôle déterminant.
15Fondée en 1912, cette compagnie, suivant l’idée, semble-t-il, de Paul Guilhiermoz, se propose dès l’année suivante de mettre en chantier un corpus des chartes de franchises de la France entière. Des contacts sont immédiatement noués avec divers savants et chercheurs. Au nombre de ceux qui répondent sans retard figure l’historien belge Léo Verriest, qui prépare à l’époque son Régime seigneurial, déjà cité26, et projette de mettre lui-même en chantier un recueil pour le Hainaut, tant français que belge. La guerre ayant surgi, il faut attendre 1921 pour qu’une note circulaire soit diffusée très largement, à un millier d’exemplaires. Elle est signée Paul Fournier, président de la Société. Les deux objectifs conjoints sont les suivants : dresser des fiches, préparer des éditions. La note, pour dire vrai, demeure peu explicite lorsqu’elle parle de la recherche de documents « ayant un caractère juridique général ». L’heure n’est pas aux définitions tant soit peu rigoureuses.
16Les chiffres fournis à propos des réactions et promesses ne traduisent pas un engouement excessif. Ainsi, de seize universités sollicitées parce qu’il y existe des enseignements et des publications d’histoire régionale, six seulement envoient des réponses, dont trois sont négatives... Quelques lumières tout de même percent les ténèbres, à tout le moins les ombres. Léo Verriest, persévérant, demande l’envoi de 2 500 fiches-types, promet d’intégrer dans ses recherches Tournaisis et Cambrésis et, passant aux actes concrets, publie le texte de la célèbre charte-loi de Prisches en Hainaut27. 1 500 fiches sont fournies par ailleurs à François-Louis Ganshof et Henri Nowé, candidats volontaires pour l’ancien comté de Flandre. Au total, 10 500 fiches auront été demandées, dont, on l’a lu, 4 000 pour la seule Belgique.
17Une cheville ouvrière de l’entreprise s’avère être Georges Espinas, chartiste, archiviste au Ministère des Affaires étrangères à Paris, auteur de plusieurs Rapports présentés à la Société d’Histoire du Droit au nom de la Commission des chartes de franchises, publiés dans la Revue historique de droit français et étranger entre 1923 et 192928. Ils attestent le caractère laborieux de l’entreprise et traduisent une inévitable déception, tout en attirant l’attention sur ce qui « fonctionne » bien... En sa séance du 17 mai 1923, la Société elle-même constate que 2 300 fiches ont été renvoyées – complétées, on le suppose – et affirme que « la Commission (des chartes de franchises) ne se laissera pas oublier par les possesseurs des autres fiches demandées ». On déplore alors aussi que des régions entières demeurent muettes, mais on est en mesure d’annoncer les premières publications en cours29. En séance du 13 mars 1924, on se donne même du courage en faisant état d’une « activité très satisfaisante »30.
18Les rapports successifs établis par Georges Espinas procèdent à de véritables « tours de France » des collaborations promises... et des silences persistants. Marc Bloch lui-même prend un engagement concernant les régions proches de Paris. Charles-Edmond Perrin est cité pour la Lorraine et publiera effectivement en 1924, dans une revue savante régionale, son Catalogue des chartes de franchise [sans s !] de la Lorraine antérieures à 1350, comportant près de 150 pages31. En séance de la Société, le 28 octobre 192532, Paul Fournier annonce la parution prochaine du premier volume du Catalogue des chartes de franchises [avec s !] de la France, consacré aux chartes du Poitou et établi par l’archiviste-paléographe Madeleine Dillay. Il sortira de presse en 1927 et comportera 143 pages33. Un second volume de cette série, ayant trait aux chartes de Guyenne et de Gascogne et dû à un autre archiviste-paléographe, Marcel Gouron, paraîtra en 1935 (853 pages !)34. On en restera là en matière de catalogues, élégamment définis pourtant comme « besogne d’exploration, de jalonnement, avant le travail de construction »35.
19Dans le rapport publié en 1926, Espinas notait avec un optimisme non feint : « nous avons la ferme confiance que la publication régionale des chartes de franchises se fera peu à peu au cours du siècle et que l’apparition d’un premier volume de textes sera un exemple, qui ne cessera ensuite d’être graduellement suivi »36. L’auteur paya en effet par l’exemple en livrant pour l’Artois son Recueil de documents relatifs à l’histoire du droit municipal [...], derechef sous le label de la Société d’Histoire du droit, un monument dans le genre37. Les deux volumes intitulés Privilèges et chartes de franchises de la Flandre, déjà cités38, concernent la Flandre aujourd’hui française et n’auront pas comme tels de suite, bien que les Flandres actuellement belge et zélandaise eussent été programmées. Le nom de Georges Espinas39 figure encore légitimement sur la couverture de ces volumes, précédé de la petite croix d’usage, mais la Société d’Histoire du droit n’était plus alors « dans le coup ».
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20Comment donc faire preuve de réalisme ? La pratique de l’histoire du droit, des institutions et de la société du moyen âge gagnerait beaucoup à disposer d’un plus grand nombre de recueils, ou à défaut de répertoires, de chartes de franchises. Mais deux contingences nous paraissent essentielles. Une très vaste entreprise, à un échelon national, coordonnée par une hypothétique autorité scientifique, n’est plus à concevoir. Les initiatives susceptibles d’aboutir doivent adopter un profil régional. La Picardie chère à Robert Fossier a bénéficié voici trente ans, dans le cadre des travaux de cet historien sur la région, de la formation d’un corpus fondé sur des critères circonscrits et excluant donc sans appel des catégories d’actes, en particulier s’ils ne mettent pas en présence du chercheur, même passivement, des collectivités entières d’hommes d’un village, ou autres groupes cohérents statutairement et socialement, tels – allons ici à la « pêche » aux exemples – un ensemble d’homines relevant d’un hôpital (domus Dei), en 1134-1135, des hôtes (hospites) dépendant d’une abbaye et transplantés d’un lieu à l’autre, en 1190/9140. Dans la fidélité à une tradition de recherche et d’exploitation des textes inaugurée par Léo Verriest, Hannonia, l’association des sociétés d’histoire du Hainaut belge, a suscité la publication de chartes-lois la plus récente à ce jour, puisque porteuse du millésime 200541.
21Et voici la seconde contingence : une définition claire, la plus claire possible en tout cas, de ce que peut être une charte de franchises. Pour le recueil hainuyer, on a exigé des textes qu’ils abordent, « dans tout ou partie de leurs clauses, la condition des habitants, des personnes »42. N’importe quelle concession royale, princière ou seigneuriale à une collectivité locale, urbaine ou rurale, ne peut être tenue pour une charte-loi. Les recueils à établir devraient toujours être les plus spécifiques possibles. Cela encouragerait, au-delà de l’étude toujours prioritaire des cas, des dossiers individuels, les démarches de comparaison, de recherche des filiations entre chartes, fussent-elles avérées ou discrètes, « légitimes » ou « bâtardes », que la « mère » soit, pour s’en tenir à de grands exemples (dernier quart du XIIe siècle), la « charte de Beaumont-en-Argonne dans l’est ou les Etablissements de Rouen dans l’ouest43.
22Clôturons ces propos en suggérant que l’historiographie des chartes de franchises s’attache à un thème privilégié : déterminer dans quelle mesure elles ont pu éveiller au sein des communautés une conscience collective. À moins que cette dernière ne leur ait préexisté et ne les ait elle-même inspirées. Nous optons personnellement pour la première hypothèse44. Vaste programme, d’autant plus stimulant qu’il devrait permettre, comme ce fut le cas dans des travaux déjà menés à bien, une fructueuse collaboration entre historiens médiévistes, juristes historiens, chartistes, animés par un souci commun de faire progresser par un permanent retour aux sources cette histoire de l’ancien droit qui est chère à tous ceux qu’elle a rassemblés dans la belle métropole de la France du sud-ouest, un haut lieu de sa pratique.
Notes de bas de page
1 J.-M. Cauchies et F. Thomas (édit.), Chartes-lois en Hainaut (XIIe-XIVe siècle). Edition et traduction. Mons, 2005 (Analectes d’histoire du Hainaut, IX).
2 W. Steurs, « Les franchises du duché de Brabant au Moyen Âge. Catalogue alphabétique et chronologique provisoire », Bulletin de la Commission royale des anciennes lois et ordonnances de Belgique, t. XXV (1971-1972), 1973, p. 139-295. Pour le Luxembourg, travaux cités par J.-M. Yante, « Les franchises rurales dans les comtés de Chiny et de Luxembourg (ca 1200-1364) », H. Trauffler (dir.), Le pouvoir et les libertés en Lotharingie médiévale. Actes des 8es journées lotharingiennes, Luxembourg, 1998, p. 40-41.
3 E. Perrin, « Catalogue des chartes de franchise de la Lorraine antérieures à 1350 », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, t. XXXIII, 1924, p. 272. Ch.-E. Perrin, « Les chartes de franchises de la France. Etat des recherches : Le Dauphiné et la Savoie », Revue historique, 231, 1964, p. 34.
4 Remarquer toutefois, dans la seconde publication, l’adoption du pluriel plutôt que du singulier pour le mot « franchise(s) ».
5 R. Fossier (édit.), Chartes de coutumes en Picardie (XIe-XIIIe siècle), Paris, 1974. p. 9.
6 L. Verriest, Le régime seigneurial dans le comté de Hainaut du XIe siècle à la Révolution, Louvain, 1916-1917 (réimp. 1956).
7 M. Dillay, Catalogue des chartes de franchises de la France. I. Les chartes de franchises du Poitou, Paris, 1927.
8 Ch. Petit-Dutailis, Les communes françaises. Caractère et évolution des origines au XVIIIe siècle, Paris, 1947 (réimp. 1970), p. 43 s.
9 Cf. R. Fossier, « Franchises rurales, franchises urbaines dans le nord de la France », M. Bourin (dir.), Villes, bonnes villes, cités et capitales. Etudes d’histoire urbaine (XIIe-XVIIIe siècle) offertes à Bernard Chevalier, Tours, 1989, p. 179-192.
10 J. Schneider, « Les origines des chartes de franchises dans le royaume de France (XIe-XIIe siècles) », Les libertés urbaines et rurales du XIe au XIVe siècle. Colloque international, Spa, 5-8. IX.1966, Bruxelles, 1968, p. 30.
11 Cf. Steurs. Franchises, p. 287.
12 Cf. Yante, Franchises rurales, p. 41 n.10.
13 A. Wauters (dir.), De l’origine et des premiers développements des libertés communales en Belgique, dans le Nord de la France, etc. Preuves, Bruxelles, 1869 (réimp. 1968).
14 M. Martens (dir.), « Recueil de textes d’histoire urbaine belge des origines au milieu du XIIIe siècle », dans C. Van de Kieft et (†) J. F. Niermeyer, Elenchus fontium historiae urbanae, t. I, Leyde, 1967, p. 279-404.
15 J. Garnier (édit.), Chartes de communes et d’affranchissements en Bourgogne, Dijon, 1867-1877, 3 vol. ; Introduction terminée par E. Champeaux, Dijon. 1918.
16 Cf. n.5 supra.
17 G. Espinas, Ch. Verlinden et J. Buntinx, Coutumes du pays et comté de Flandre. Privilèges et chartes de franchises de la Flandre, Bruxelles, 1959-1961,2 vol.
18 L. Genicot, L’économie rurale namuroise au bas moyen âge, t. III : Les hommes. Le commun, Louvain-la-Neuve et Bruxelles, 1982, p. 192.
19 Garnier, Chartes de communes, t. I, p. 43-44, 226. Le fait que l’acte de 1300 se réfère aux privilèges de la ville de Beaune ne suffit pas à en justifier la présence, selon nos critères.
20 G. Espinas (éd.), Recueil de documents relatifs à l’histoire du droit municipal en France des origines à la Révolution. Artois, t. I, Paris, 1934, p. X.
21 M. Canat DE Chizy (édit.). Documents inédits pour servir à l’histoire de Bourgogne, t. I (seul paru), Chalon, 1863, p. XVII, 190 n.2.
22 Dillay, Catalogue, p. 15.
23 M. Gouron, Catalogue des chartes de franchises de la France. II. Les chartes de franchises de Guienne et Gascogne. Paris, 1927.
24 Steurs, Franchises (n.2 supra), p. 144-145.
25 P. Charbonnier, « Les chartes de franchises d’Auvergne. Des franchises en terre seigneuriale », La charte de Beaumont et les franchises municipales entre Loire et Rhin. Actes du colloque organisé par l’Institut de recherche régionale de l’Université de Nancy II (Nancy, 22- 25 septembre 1982), Nancy, 1988, p. 254.
26 Cf. n.6 supra.
27 L. Verriest, « La fameuse charte-loi de Prisches (Ancien Hainaut) (Anno 1158) », Revue belge de philologie et d’histoire, t. II, 1923, p. 337-349.
28 Les détails qui précèdent et qui suivent sont extraits, sauf indication contraire, de ces pages : G. Espinas, « Rapports présentés [...] », Revue historique de droit français et étranger (cité : RHDFE), 4e s., t. II, 1923, p. 405-424 et 424-440 (deux rapports, pour 1921-22 et 1922- 23) ; Rapport présenté..., ibid., 4e s., t. V, 1926, p. 501-530 (cinquième rapport, les troisième et quatrième – pour 1923-24 et 1924-25 – n’ayant pas été publiés) ; Rapport présenté..., ibid., 4e s., t. VIII, 1929, p. 312-341 (huitième et dernier rapport, les sixième et septième – pour 1926 et 1927 – n’ayant pas été publiés non plus).
29 RHDFE, 4e s., t. II, 1923, p. 508.
30 RHDFE, 4e s., t. III, 1924, p. 366.
31 Cf. n.3 supra.
32 RHDFE, 4e s., t. IV, 1925, p. 718.
33 Cf. n.7 supra.
34 Cf. n.23 supra.
35 Par G. Espinas, dans son ultime rapport : RHDFE, 4e s., t. VIII, 1929, p. 337.
36 RHDFE, 4e s., t. V, 1926, p. 529-530.
37 Trois volumes parus en 1934, 1938 et 1943. Cf. n.20 supra.
38 Cf. n. 17 supra.
39 Décédé le 8 juin 1948.
40 Fossier. Chartes de coutume, p. 135 (n° 5), 191-192 (n° 31).
41 Cauchies et Thomas, Chartes-lois [...] : cf. n. 1 supra.
42 Ouv. cité, p. 13 (« Introduction », par J.-M. Cauchies).
43 Cf. J. Brejon de Lavergnée, « La formation du régime municipal des pays de l’ouest de la France », La charte de Beaumont [...], p. 7-18.
44 Cf. nos articles récents, postérieurs à l’édition des textes : « Publier un recueil de chartes de franchises. Pourquoi ? Comment ? », Académie royale de Belgique. Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, 6e s., t. XVI, 2005, p. 123-134 ; « Franchises et conscience villageoise en Hainaut aux XIIe-XIIIe siècles : une esquisse », Autour du « village ». Etablissements humains, finages et communautés rurales entre Seine et Rhin (IVe – XIIIe siècles), Louvain-la-Neuve, 2006 (sous press).
Auteur
Professeur aux Facultés Saint-Louis de Bruxelles et à l’Université catholique de Louvain.
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