Jean Dauvillier, historien du droit
p. 321-338
Texte intégral
1 Ce titre a été calqué sur celui de la plaquette dédiée en 1999 à la mémoire de Paul Ourliac, pour associer dans un même hommage les deux maîtres de l’école toulousaine d’histoire du droit dont les Toulousains ou anciens Toulousains ici présents ont été les élèves, directement ou indirectement.
2Il faut d’abord tenter d’effacer un souvenir qui est plutôt une caricature, tenant à la voix de Dauvillier et à son élocution, que tous ses étudiants ont imitées. Il a expliqué lui-même, « depuis mon enfance j’ai l’habitude de parler lentement (c’est mon père qui m’y avait exercé, afin de me faire prononcer correctement les mots que j’avalais), et la pratique de l’enseignement a renforcé cette habitude ». Des leçons de diction n’ont modifié ni le débit de son élocution ni surtout sa monotonie : la lenteur était plus apparente que réelle ; en prenant des notes, étant donné la densité du propos, on avait des crampes à la fin du cours. À cela s’ajoutait son côté vieux garçon « endurci » (en fait, ses vieux amis lui connaissaient un projet de mariage qui n’avait pas abouti), installé à Toulouse avec sa grand-mère, décédée en 1943, et sa mère, disparue seulement en 1971. On souriait de le voir toujours protéger sa gorge d’un foulard de soie et d’un de laine, et on s’amusait généralement de son souci de ménager sa santé. On voyait en lui un casanier n’allant guère que de chez lui à la faculté, ce qu’il ne devint qu’assez tard, dans les années soixante ; jusque là, il allait au Maroc faire passer des examens, comme d’autres Toulousains, faisait des cours à Louvain, Bonn ou Luxembourg, et participait aux congrès d’orientalistes, de byzantinistes et d’historiens du droit, de Rome, Venise, Florence ou Trieste à Barcelone, de Leyde, Groningue, Bruxelles ou Liège à Thessalonique, de Bâle ou Fribourg-en-Brisgau à Istanbul ; bon nombre de ses collègues, dans sa génération, n’allèrent pas plus loin.
3Il fut, un temps, de tradition pour les étudiants de 2e ou 3e année, d’aller semer le chahut au cours de rentrée de Dauvillier dans l’année inférieure, et d’y inviter des amis des autres facultés. Cela remontait à son arrivée à Toulouse : le président du jury d’agrégation l’y aurait envoyé comme chargé de cours avec des arrière-pensées perfides, les Toulousains ayant alors une solide réputation de chahuteurs ; en outre (narrait Dauvillier), le doyen Thomas l’avait, selon l’usage du temps, accompagné à son premier cours pour le présenter à l’amphi, et c’était l’homme le plus chahuté de la faculté : le chahut se prolongea après son départ. Le professeur Henri Gilles, qui fut l’étudiant de Dauvillier en 1939, se rappelle que l’amphi se « chauffait » en scandant « C’est Dodo, c’est Dodo qu’il nous faut » ; comme la voix de Dauvillier se fatiguait vite, il se faisait porter une carafe d’eau et un verre par l’appariteur, mais dès que sa main se tendait vers le verre, l’amphi hurlait, et les chahuteurs guettaient attentivement la main qu’il tentait d’avancer le plus discrètement possible... Quand le chahut dépassait les bornes, on voyait Dauvillier, négligeant l’escalier, bondir directement, malgré sa corpulence et l’entrave de la toge, de la chaire dans l’amphi pour aller saisir la carte d’étudiant de tel ou tel mauvais plaisant. Mais c’était aussi pour lui l’occasion de manifester un humour pince-sans-rire que beaucoup, même chez les collègues, ne savaient pas voir : un jour où il inscrivait au tableau un texte syriaque ou grec, l’amphi s’agita ; Dauvillier se retourna, regarda alternativement l’amphi et le tableau et conclut, imperturbable, « Vous avez raison, j’ai oublié un accent » (qu’il ajouta aussitôt). De même dit-il un jour à un candidat qui tentait de combler une « impasse » par une imagination fertile, « Dommage que les Romains n’aient pu vous charger d’inventer leurs institutions » (le candidat, qui avait de l’humour, comprit). Mais il surprenait parfois ses étudiants : un oncle de notre collègue Poumarède et ses camarades, vers 1937, l’ont emmené prendre son baptême de l’air dans un petit biplan, ce qu’il apprécia beaucoup.
4Les collègues, je l’ai dit, ne comprenaient pas toujours. Voici bien des années, un président du jury d’agrégation, devant la voix et le physique d’un candidat pourtant fort brillant, hésitait : « Je ne voudrais pas faire un second Dauvillier ». Heureusement, le reste du jury le persuada d’abandonner cette hésitation infondée. Paul Ourliac a rétabli la vérité dans son éloge funèbre de Dauvillier : « Si le droit romain qu’il enseignait était parfois mal aimé, son prestige personnel apparut en mai 1968 : il fut l’un des rares professeurs que jamais les étudiants ne contestèrent. Là où d’autres hésitaient ou même se reniaient, il montra une fermeté et un courage, courage physique et courage moral, qui était dans sa nature profonde... Ce professeur toulousain avait une audience internationale que les Toulousains ignorent trop. J’ai pu constater bien souvent à l’étranger qu’il était le seul maître toulousain universellement connu »1.
5Qui était donc réellement Dauvillier ?
6Jean Georges Henri Dauvillier naquit le 19 août 1908 à Épinay-sur-Orge (Seine-et-Oise), berceau de la famille de sa grand-mère maternelle2. Son père, le commandant puis lieutenant-colonel Georges Dauvillier, fut tué au front le 21 juin 1915 en Alsace, au Bois en Brosse dans la vallée de la Fecht, à deux mois de son cinquantième anniversaire. Sa mère, Andrée Cros, de dix-sept ans cadette de son mari3, se consacra alors entièrement à son fils ; elle mourut à Toulouse en 1971 (je l’ai brièvement connue). Pupille de la Nation le 15 février 1923, Jean Dauvillier finit ses études à Louis-le-Grand ; son livret scolaire en seconde, première et philo offre des révélations inattendues : prix d’excellence en seconde, premier prix de composition française, de thème grec et d’histoire moderne et géographie, deuxième prix de thème latin, il n’avait que le 7e accessit de version grecque et, curieusement, le 2e accessit d’histoire ancienne. En première, c’est en version latine, thème latin et géographie qu’il fut présenté au concours général ; Albert Bayet, en français-latin-grec, notait sur son livret « Bon élève, travail et progrès très satisfaisants, doit réussir ». En philo, le proviseur le qualifiait « d’excellent dans l’ensemble », et le professeur de philosophie jugeait ses dissertations « toujours bien écrites et personnelles ». S’il était bon élève en sciences naturelles, les mathématiques furent toujours sa bête noire, et il aimait raconter d’ironiques histoires de polytechniciens.
7Ensuite, c’est la Faculté de droit de Paris, dont il est lauréat, et l’École Pratique des Hautes Études où il suit les cours de philosophie médiévale d’Étienne Gilson. En 1930 il est assistant (fonction alors bénévole) en histoire du droit canonique. Il est docteur en droit en 1933, diplômé des Hautes Études (sciences religieuses) en 1935, élève de l’École des Langues Orientales anciennes à l’Institut catholique de Paris de 1933 à 1935.
8Le 1er janvier 1936, après le concours d’agrégation, Girard, président du jury, le nomme chargé de cours à Toulouse où il succède à Declareuil. L’année suivante, agrégé à son troisième concours, il est nommé à Montpellier mais détaché à Toulouse, Paul Ourliac allant à Montpellier ; il est agrégé à la Faculté de Toulouse en 1940, et titulaire en 1941... sur une chaire d’économie politique ! Il y reste jusqu’à sa retraite en 1977, ayant refusé des offres de Paris, de Louvain et du Latran, et le Collège de France où il n’accepte d’être présenté qu’en deuxième ligne, pour soutenir la candidature de son ami Louis Hambis. Comme il l’a dit lui-même, « devenu toulousain d’une façon quelque peu accidentelle, par la décision d’un Président de jury d’agrégation, [il a] voulu le rester et cette faculté est devenue [sa] seule famille » après la mort de sa mère ; selon les mots de Paul Ourliac, « la lecture de son testament est à cet égard émouvante »4. En 1970, il fut frappé d’un œdème pulmonaire et d’un accident vasculaire cérébral, entraînant aphasie et hémiplégie, et sa tension artérielle monta à 35. Le lendemain, aphasie et hémiplégie avaient disparu ; toutes les séquelles s’effacèrent dans les mois suivants : guérison inexpliquée par les médecins, que Jean Dauvillier considéra comme miraculeuse et attribua à l’intercession de Jean XXIII (il en témoigna pour le procès de béatification). Il reprit à la rentrée sa carrière à l’université, jusqu’en 1977. C’est à Toulouse qu’il est mort, opéré trop tard d’une appendicite non diagnostiquée qui dégénéra en péritonite, le 5 février 1983.
9Évoquons successivement le savant et l’homme.
I – Le savant.
10Jean Dauvillier fut l’un des derniers, voire le dernier, à posséder un savoir encyclopédique, non seulement dans sa spécialité – entendue dans son sens le plus large, de toute l’histoire du droit dans le temps et dans l’espace –, mais aussi dans d’innombrables domaines, de la mycologie à l’histoire du cinéma. Sa curiosité d’esprit était sans bornes : je l’ai entendu un jour interroger à brûle-pourpoint mon père, ingénieur à la circonscription électrique, sur la nature métaphysique de l’électricité, comme j’ai assisté à une conférence sur le chat dans l’Antiquité, qui allait de la préhistoire à Rome en passant par l’Égypte, la Mésopotamie ou la Chine5.
11Sa science commençait par la connaissance des langues et des écritures. On a dit de lui qu’il étudiait les chrétientés orientales « non pas en juriste qui travaillerait de seconde main sur les traductions, mais en philologue expert à la fois dans les formes occidentale et orientale du syriaque et familier avec l’ensemble de la culture syriaque, tant il est nécessaire pour comprendre les auteurs étrangers de connaître non seulement leur langue, mais encore la formation intellectuelle et les croyances qui motivent leurs propos sans y être évoqués »6. Je n’énumèrerai pas les langues européennes modernes qu’il connaissait ; le russe y figurait, et toutes étaient représentées dans son immense bibliothèque au moins par des dictionnaires. Au fil d’un parcours que nous retrouverons, il apprit, outre le latin, le grec et l’hébreu, de multiples langues orientales anciennes : syriaque, copte, araméen, arménien, hittite, égyptien, sumérien, accadien, éthiopien, chinois... et j’en passe. Son intérêt pour la philologie ne s’est jamais démenti, il lui a consacré des articles et des dossiers restés inédits : « Le nom de la soie dans les langues orientales » (cet intérêt venait-il de ses ancêtres « mouliniers de soie »7 ?), « La phonétique du néo-syriaque », « L’histoire et la langue des Kourikan de Sibérie », « Recherches sur les noms des animaux dans les langues orientales, romanes, germaniques et slaves », « Adaptation de Marie, Pierre, Élisabeth en grec et en latin »8, la préface aux Contes libanais de ses amis Mgr Michel et Mgr Joseph Féghali9, véritable étude de l’arabe libanais, la préface à un glossaire anglo-assyrien des noms d’animaux10, « Les ballades en jargon de François Villon »11 (Villon dont Dauvillier a aussi étudié les procès12).
12Mais sa passion ne s’arrêtait pas à la philologie. Il aimait l’histoire, en particulier l’histoire du droit, et il en avait une très haute idée qu’il a exposée dans son remerciement, quand il reçut la Légion d’Honneur des mains du Doyen Gabriel Marty, à la Faculté de droit de Toulouse le 24 février 1967 : « Historiens des Facultés de Droit, nous sommes à la fois historiens et juristes, en toute unité avec les historiens des Facultés des Lettres, qui se consacrent davantage à l’histoire des événements. Quelle aventure passionnante que la nôtre, à nous historiens. Aux autres hommes, il n’est donné que de vivre leur temps, l’époque où se déroule leur courte existence, et à beaucoup d’entre eux on peut appliquer cette expression dont usait Leibnitz pour caractériser la matière : mens momentanea. En revanche, les historiens et les personnes cultivées qui goûtent l’histoire ont le privilège de revivre aussi les temps passés, de voir ressusciter les civilisations disparues. Et ils ne rencontrent aucune limitation de temps, ni de pays. Ils peuvent à leur gré revivre la préhistoire13 comme les civilisations de notre Europe occidentale ou celles de l’Orient, celles de l’Antiquité, du Moyen Âge ou des temps contemporains. Quelle joie raffinée de retrouver les traits d’une physionomie disparue, qui menaçait de s’effacer définitivement, ou de reconstituer les traits d’une institution ignorée ou mal connue, d’en déceler l’origine et d’en suivre l’évolution. Qu’on n’objecte pas que les historiens se complairaient dans une contemplation morbide du passé, pour se détourner des malheurs du temps présent. incapables qu’ils seraient de le comprendre et de le vivre. Quelle illusion, que commettent ceux qui n’ont jamais compris ce qu’est l’histoire. Ce serait faire des historiens des adeptes de l’averroïsme, d’une philosophie de l’éternel retour des choses, ce qui est la méconnaissance la plus absolue de la notion d’évolution qui est à la base de l’histoire. Et si la Divine Providence nous a fait naître en ce siècle, c’est que nous avons notre tâche à y remplir. Bien au contraire, jamais l’histoire n’a cessé d’être magistra uitae. L’historien est surtout le spectateur des mêmes erreurs, qui se répètent et qui sont parfois tragiques pour tout un peuple, alors que l’étude de l’histoire en aurait préservé les hommes. Et en scrutant les institutions passées, l’historien décèle, mieux que nul autre, ce qui est la part du temps et qui est définitivement aboli, et ce qui mérite de survivre et dont il est souhaitable de s’inspirer ».
13L’œuvre de Dauvillier est en parfaite conformité avec cette conception.
14Son premier travail historique connu, daté du 22 avril 1924, est sa table généalogique, soigneusement calligraphiée en latin après de longues recherches qu’il poursuivit d’ailleurs plus tard. On garde une correspondance avec des notaires, où il fut assisté par son oncle, notaire lui-même, pour retrouver les ancêtres parisiens (les archives de l’état-civil parisien ayant brûlé, on le sait, sous la Commune). Le plus lointain ancêtre relevé est Marin Dauvillier (1613-1692), frère cadet de Charles (1611- 1691), et marié à Marguerite Savouré, dont Marin (1645-1733), époux de Marguerite Sergent, d’où Jean et Marin, né en 1660 ; de Marguerite Harmand, ce Marin III eut Marin, né en 1681, Cantien, né en 1689, Philippe, né en 1692, et Liphard14, né en 1697. Liphard épousa Catherine Delafoy (fille de Jean et de Catherine Tenave), dont Liphard II (1734-1816), époux de Marie Nicole Henriette Poirier (1733-1809, fille de Nicolas et de Marie Louise Cocheteau), d’où Marie Caroline (épouse Jacques Herman), Geneviève (1778-1808) et Claude Henri Liphard (1766-1847) ; marié à Marie Geneviève Félicité Hullot (1766-1848, fille de François et d’Henriette Clinard), celui-ci eut cinq enfants, Marie Françoise, Henri (époux de Marie Françoise Ménard), Marie François (né en 1795), François Constant (né en 1800) et Marie François Constant (1803-1840, le premier de la famille, semble-t-il, à mourir jeune), époux d’Emmélie Flore Huet (1801-1856), dont nous retrouverons la famille. De ce mariage vinrent Jules Émile (en 1827), Théophile (en 1833), et Charles Adolphe Léon (1831-1899), qui eut d’une première union Léonie Marie Hyacinthe (1859- 1898, sans alliance), et d’un second mariage avec Adélaïde Virginie Rivière (1835- 1912)15, Georges Léon (1865-1915), Gaspard Henri (1872-1927)16 et Fernand Émile (né en 1876)17. Malheureusement, peut-être parce que la mort prématurée du colonel Dauvillier empêcha la transmission de souvenirs, nous ignorons tout de ces personnages, sauf ces sèches indications d’état-civil : tout au plus peut-on noter la prédominance de la postérité mâle (sauf à la dernière génération) et dans l’ensemble une remarquable longévité.
15Il en va tout autrement de la famille maternelle de Dauvillier. Dans ses papiers, une « Étude politique d’Épinay en l’an de grâce 1926 » et une « Histoire d’Épinay au XIXe siècle », description de la vie quotidienne manifestement établie d’après les récits de sa grand-mère maternelle Julie Lallemant-Cros, nous apprennent maints détails familiers : André Cros était très grand, mais il buvait et n’était gardé par son patron qu’à cause de sa femme « qui était une bonne personne très rangée » ; son petit fils Charles le faisait enrager ; son fils André était grand et maigre. Jean François Bouquet était petit ; le cousin Henri Bouquet, asthmatique, couchait dans un fauteuil ; Louise Bouquet, petite et brune, a apporté un trousseau évalué à cinq cents francs, a fait exploiter sans succès un café dans sa maison à la mort de son mari et était couturière en 1880. Nathalie Happey était appelée par son beau-père Charles Lallemant « la blonde aux cheveux d’or » ; à la fin de sa vie, elle les avait toujours aussi abondants, bien que blanchis, et pour ne pas se donner la peine de les démêler, s’en coupait des mèches. On devine le peu de sympathie entre Nathalie et sa bru Marguerite Maitret ou sa petite-fille Julie Lallemant : Nathalie mangeait à part (son mari prenait son repas avec ses ouvriers) ; elle « faisait des malices » et montait son fils contre sa bru ; mais à la fin de sa vie, elle dit à Marguerite, qui la soignait avec beaucoup de dévouement, qu’elle était la meilleure et la soignait mieux que ses filles. On découvre la vie pittoresque du grand-père Charles Cros, élevé à Crest dans un collège laïque tenu par un certain Bouvier (religieux sécularisé ou prêtre défroqué ?), menuisier à Crest, à Valence, dans une mine près de Saint-Étienne (son parrain en était le directeur, « mais il l’a vite quittée, parce que le parrain était très dévot et il lui fallait aller à la messe » !), à Lyon, puis « dans un petit pays à côté de Lyon, de l’autre côté du Rhône, où il y a un vin renommé », puis à Paris en 1878, « l’année de l’exposition » (il travaillait pour les Rothschild et gagnait vingt-cinq francs par jour) ; lors d’une grève, en 1879, il va travailler en septembre et octobre à Longjumeau (il fait le trajet à pied et se nourrit de raisins !) ; en décembre, Jules Adolphe Lallemant demande des ouvriers chez son patron ; Charles Cros vient à Épinay et se fiance le 19 juin avec Julie Lallemant (on regrette de ne pas avoir de portrait de ce charmeur, qui dépensait tout ce qu’il gagnait, au point que sa belle-mère dut lui acheter son costume de noce !). On apprend que selon la tradition familiale, les Cros descendaient des Grecs (ce que Dauvillier accompagne d’un point d’interrogation dubitatif). Ce tableau d’Épinay révèle déjà la minutie de Dauvillier dans la recherche des détails, son intérêt pour l’histoire des costumes (les chapeaux de fête des fillettes, notamment) et celle de la cuisine : il décrit la cuisine de la maison Lallemant, avec sa cheminée où cuisait la soupe aux choux et au lard ; il précise que la nourriture se composait surtout de porc, de lapins, de pommes de terre, de haricots, de lentilles et de fèves, généralement en ragoûts, et d’œufs en omelettes, que le beurre était utilisé exceptionnellement et les rôtis réservés aux jours de grande fête, qu’on ignorait le riz, introduit par des étrangers à Épinay. Plus tard il collectionna les livres de cuisine anciens ; il évoquait aussi les talents culinaires de ses aïeules (Julie, abonnée à l’Écho de la Mode, en essayait les recettes, tel le plum-cake, « trouvé bon et adopté ») et citait une querelle à propos « des ris de veau de sa quadrisaïeule Nathalie », qui avait marqué la tradition familiale : selon l’Histoire d’Épinay, « Marguerite rapportait à Nathalie des ris de veau, mets qu’on ne mangeait pas habituellement, pour deux jours ; Nathalie rassemblait ses filles – elle en avait quatre – et se mettait à faire un repas, puis le lendemain attrapait Marguerite parce qu’elle n’avait plus rien et réclamait un autre ris de veau ! ») ; mais « Nathalie cuisinait très bien et faisait très bien les pets-de-nonne »...
16Sur le plan scientifique, les premiers travaux de Dauvillier ont concerné le droit canonique occidental, que l’on commençait à peine à redécouvrir grâce à Fournier et Génestal, qui furent tous deux ses maîtres, puis à Gabriel Le Bras. Il consacra sa thèse au mariage en droit canonique classique18, puis revit et compléta l’ouvrage d’Esmein et Génestal sur le mariage19. Nombre de ses publications concernent le droit canonique occidental, l’histoire et les institutions ecclésiastiques, sur des sujets éclectiques20 allant jusqu’au droit positif : en 1964 dans une note au Dalloz, à propos de l’immatriculation à la Sécurité Sociale d’une religieuse enseignante, il examinait avec son érudition coutumière l’application éventuelle du droit canonique par les tribunaux d’État21. En marge du droit canonique, il a éclairé « Un point d’histoire liturgique : le port de la mozette sur le rochet découvert »22, et a révélé ses implications politiques gallicanes.
17Mais en préparant sa thèse, il fit la connaissance du P. Maniglier, assomptionniste et orientaliste, et lui fit part de ses recherches. Maniglier lui apprit l’existence du droit canonique oriental, alors presque totalement ignoré, révélation qui changea la vie de Dauvillier : il suivit aux Hautes Études les conférences du P. Mécérian (qui commençait la recherche des manuscrits canoniques arméniens), qui l’envoya à l’École des Langues Orientales anciennes de l’Institut catholique. Sa thèse des Hautes Études en 1935, sur le mariage en droit canonique oriental au Moyen Âge, fut publiée en 1936, associée aux recherches de C. de Clercq23. Jean Dauvillier expliquait lui-même : « Historien du droit canonique de la Chrétienté d’Occident dans ma première thèse de doctorat, j’ai été amené dès la fin de ce travail à porter mes regards vers l’Orient. C’est ainsi que j’ai tenté de retrouver l’histoire et les institutions des Églises orientales, particulièrement de l’Église chaldéenne. À la recherche de son expansion et de son droit missionnaire, j’ai été ainsi conduit en Asie centrale, au Tibet et en Extrême Orient »24 Par là, il fut plus tard chargé, avec Louis Hambis puis seul, d’achever et publier l’œuvre de Paul Pelliot25, ce qui absorba les dernières années de sa vie : son étude sur la face syriaque de la stèle de Si-nganfu de 781, monument des chrétientés chinoises, complétant celle de Pelliot sur la face chinoise26, semble hélas s’être perdue dans un tiroir d’éditeur.
18Les Églises d’Orient (et de Byzance27), il les a étudiées dans le détail, sous tous leurs aspects, institutions, droit, histoire, archéologie28 ; il a montré que les croix triomphales des anciennes églises chaldéennes ne représentent pas le corps du Christ parce qu’elles symbolisent, non la Passion, mais la Parousie29 ; il a longuement étudié les Églises syriennes et chaldéennes et leur vaste expansion, bien oubliée, en Asie centrale et extrême-orientale30. Dix-sept de ces articles ont été repris par les Variorum Reprints, dont il ne vit malheureusement pas le volume, parvenu à Toulouse quelques semaines après sa mort31. Dauvillier a aussi laissé des dossiers sur l’évangélisation de la Chine et sur l’expansion copte médiévale jusqu’au Sahara et en Afrique noire, et un cours manuscrit de droit canonique oriental. Sa fidélité aux Églises d’Orient se montra jusque dans ses funérailles, qu’il souhaitait chaldéennes ; ce vœu ne put être exaucé, faute de prêtre et de chorale de ce rite disponibles alors à Toulouse, et son ami Mgr Joseph Féghali les célébra selon le rite maronite. Sa fidélité apparut aussi dans son testament, où l’OEuvre d’Orient était jointe à l’Association diocésaine comme légataire universel.
19Pour suivre leurs rapports avec la chrétienté, il a étudié le bouddhisme et l’Islam ; il apprit l’arabe avec Mgr Michel Féghali, enseigna à Toulouse le droit musulman et lui consacra deux articles32.
20À partir de l’Église encore, il s’est intéressé à l’archéologie toulousaine, l’église du Calvaire ou Sainte-Marie des Anges33, et il a abordé l’étude des costumes universitaires34, d’où il passa au costume des gens de justice de l’ancienne France35 : Jean Gaudemet rappelait « la joie quelque peu malicieuse que [Dauvillier] éprouva un jour à identifier un membre d’une cour souveraine dans un tableau où, cédant trop facilement à l’évocation des pourpres romaines, on avait cru reconnaître un cardinal »36 ; de même, il en vint au droit universitaire37, puis à l’histoire de notre Faculté38, sur laquelle il a laissé des inédits39.
21Saint Paul l’amena au droit matrimonial des cités hellénistiques, surtout de Corinthe40, et au droit maritime romain41. Cet intérêt pour la marine remonte peut-être aussi à son enfance à Cherbourg, où il allait avec son père voir les navires dans le port. Il a publié des articles sur le droit maritime phénicien, le contrat d’affrètement, la navigation babylonienne, les origines du prêt à la grosse42. Il reste, dans ses inédits, un imposant dossier, avec dessins de navires et gigantesque bibliographie, sur le droit maritime dans l’Antiquité, et une étude inachevée sur le périple africain des Phéniciens pour le pharaon Nékao.
22Diverses études de droit romain sont liées à l’histoire de l’Église43, mais on relève aussi l’iniuria iudicis44, un testament romain45 ou un procès jugé à Rome par Bérénice46.
23Venu par l’Église aux antiques droits orientaux, notamment mésopotamiens, il a contribué à la mise au point des inédits du Doyen Georges Boyer réunis en Mélanges47 ; il a recherché les traces de ces droits, leur longue survie en Orient et leur impact en Occident, et a scruté leur influence sur certains passages du Nouveau Testament. Ce vaste travail lui a servi dans son magnum opus, Les Temps apostoliques48, et plus encore pour l’œuvre ultime qui lui tenait à cœur, Le Nouveau Testament et les Droits de l’Antiquité, où il comptait regrouper et compléter les articles publiés de 1947 à 197449 ; il me chargea d’achever cet ouvrage, s’il ne pouvait le faire lui-même : la retraite m’a enfin permis de le faire, et Le Nouveau Testament et les Droits de l’Antiquité vient de paraître aux Presses de notre université50.
24Sur le Moyen Âge ou les temps modernes, ses articles sur le droit normand restent en rapport avec l’Église51, mais sa curiosité sans bornes l’amène aussi à étudier « L’union réelle de Gênes et du royaume de France du XIVe au XVIe siècle »52 ou les récompenses publiques dans l’ancienne France53 (il possédait une riche collection de décorations, à côté de celles qui lui avaient été décernées), comme à toujours enrichir de ses remarques les travaux des auteurs, dans ses recensions pour les revues savantes.
25Son intérêt pour l’Antiquité l’avait amené à chercher jusque dans la préhistoire les origines premières du droit, ce qui lui permit d’exposer sa méthode de travail : il avait le souci, non d’imposer ses hypothèses comme des certitudes, mais de distinguer toujours ce qui est certain, ce qui est probable, ce qui est possible et ce qui est simplement hypothétique, en nuançant soigneusement les degrés de vraisemblance des hypothèses.
26Son enseignement, comme son oeuvre, fut encyclopédique : les hasards de la carrière l’amenèrent à enseigner en capacité le droit civil et le droit public, voire à faire une année un cours d’économie politique ! J’ai déjà évoqué ses cours de droit musulman. Mais il enseigna surtout, suivant l’évolution des programmes, l’histoire du droit français jusqu’à la Révolution, l’histoire du droit privé français, l’histoire des institutions et des faits sociaux de l’Antiquité à l’époque franque, et, bien sûr, les institutions de l’Antiquité et tout le droit romain. Plusieurs de ces cours ont été publiés par la librairie Soubiron, de 1944 à 196154.
27Cette science avait été largement reconnue et saluée. Membre des sociétés savantes toulousaines55 dont le siège, le très bel hôtel d’Assézat, a accueilli nos travaux, il était aussi correspondant de l’Academia Colombiana de Jurisprudencia de Bogota depuis 1951, et docteur honoris causa de Louvain (où il avait été professeur invité jusqu’en 1962). En 1965, il fut présenté (mais n’accepta de l’être qu’en deuxième ligne) par le Collège de France et l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour la chaire d’histoire et civilisations de l’Asie centrale du Collège de France, l’ancienne chaire de Pelliot ressuscitée. Il était officier de l’ordre national du Mérite, commandeur des Palmes académiques, commandeur de Saint-Grégoire le Grand, dont il reçut en 1972 la grande plaque d’argent. La Légion d’Honneur qui lui fut décernée en 1967 ne récompensa pas seulement les services civils de l’universitaire, mais aussi les services militaires de l’homme.
II – L’homme : le chrétien, le patriote, le maître, l’ami.
28C’est d’abord le chrétien, ou plutôt le catholique. Le catholicisme était au cœur de sa personnalité, bien que sa généalogie révèle dans ses ancêtres maternels des protestants, et au moins un anticlérical56, qualifié il est vrai de « modéré ». Chez les ancêtres paternels d’Andrée Cros, dauphinois de Roche-sur-Grave (généralité de Grenoble, élection de Montélimar), on trouve maints mariages mixtes, et une curieuse répartition des enfants entre les religions. André Cros, fils de Jean-Jacques (cultivateur à Saint-Fortunat, près de La Voulte) et d’Anne Malègue, était protestant, comme peut-être sa femme Marguerite Arthaud (fille naturelle de Catherine, de Romans) ; leur fils aîné André (1824-1870), installé à Crest, mort avant son père des suites d’une fracture de la jambe, était protestant57 (menuisier, il fabriquait néanmoins des confessionnaux), mais épousa en 1854 une catholique, Louise Geneviève Bouquet (1823-1897), fille d’un catholique et d’une protestante58 ; leurs enfants furent catholiques (mais la fille, Marie, épousa un protestant, Alexandre Armorin ; le fils cadet divorça et se remaria). Le fils aîné, Jean Charles André (1856-1920), grand-père de Jean Dauvillier, épousa en 1880 Julie Lallemant, d’une famille apparemment toute catholique59, et dont la mère, Marguerite Onésime Maitret (1829- 1903) est qualifiée de « très pieuse »60. On relève d’autre part des ecclésiastiques dans la famille de Flore Huet (1801-1856), bisaïeule paternelle de Dauvillier, fille de Pompone61 et de Julie Agathe Savouré62 : le grand-oncle maternel de Julie Agathe, Éloi Denizet (v. 1714-1788), a résigné en 1784 sa cure de Garancières en faveur de son neveu Jean Baptiste Marcille (1741-1815), ordonné en 1765, curé de Barmainville en 177863 ; celui-ci prêta le serment constitutionnel, celui de Liberté-Égalité et celui de haine et démissionna en 1794, mais se rétracta rapidement et, réhabilité, desservit sa paroisse de la réouverture des églises à la fin de sa vie.
29Le père de Jean Dauvillier souffrit dans sa carrière de l’anticléricalisme ambiant. En 1911, après la conquête de la Haute-Guinée où il avait eu un rôle décisif, la Légion d’Honneur, pour laquelle ses chefs l’avaient proposé, lui fut refusée parce qu’il était catholique. Il ne la reçut que dans la promotion du 14 juillet 1914. Son avancement, de même, fut ralenti : il ne devint lieutenant-colonel qu’à la veille de la guerre. Jean Dauvillier, à son tour, en 1933, se vit refuser un poste de chargé de cours par le président du jury d’agrégation, le très sectaire Félix Senn, au seul motif qu’il était catholique. Mais jamais il n’eut l’idée de mettre sa foi sous le boisseau ; l’Église récompensa cette fidélité : le chapitre du Latran, avec l’approbation personnelle de Jean XXIII, lui accorda en 1961 la croix du Latran de 1ère classe ; trois mois plus tard, le pape le fit commandeur de Saint-Grégoire le Grand. Paul VI lui attribua en 1965 la médaille d’or de son pontificat et lui conféra en 1972 la grande plaque d’argent de Saint-Grégoire le Grand.
30Dauvillier était fier d’être cousin de Mgr Bouquet, évêque de Chartres et savant64. Il fut l’ami de divers patriarches, dignitaires et érudits orientaux : Joseph Ghanima, futur patriarche chaldéen de Babylone (Joseph VII), Mgr Khouri Sarkis avec qui il fonda la revue L’Orient syrien qui dut se saborder faute de moyens matériels et humains, Mgr Michel Féghali et son neveu Mgr Joseph. Il fut l’ami du cardinal Tisserant, qui le choisit pour continuer une œuvre scientifique que ses charges dans l’Église l’empêchaient de poursuivre. Il fut aussi l’ami de nombreux ecclésiastiques, notamment à l’Institut catholique de Toulouse, le Père Cavallera, Mgr Xavier Ducros (qu’il consultait beaucoup pour les Temps apostoliques et pour Le Nouveau Testament et les Droits de l’Antiquité). Il fut encore l’ami de plusieurs papes, avant ou après leur élévation au Pontificat : il connut Mgr Roncalli dès sa nonciature parisienne, et fut fier de recevoir une de ses premières bénédictions apostoliques, avant même son couronnement ; il attribua plus tard sa guérison miraculeuse à l’intercession de Jean XXIII. Il fut consulté, officieusement mais abondamment, pour la réforme du droit canonique, surtout sur le mariage.
31Il resta toujours fidèle à sa religion et à la Tradition. Historien chrétien au meilleur sens du terme, il fut parfois mal vu par des clercs plus soucieux d’innovation que de tradition. Les Temps apostoliques, en 1970, suscitèrent un assaut aussi violent qu’inepte dans des revues pourtant dites catholiques, de la part d’exégètes qui n’acceptent le Nouveau Testament que dans la mesure où ils l’ont refait. Certains eurent le ridicule d’affirmer que Dauvillier n’avait pas le sens historique, ou ne connaissait que l’Église d’Occident, prouvant ainsi qu’ils ignoraient son œuvre et avaient bien mal lu les Temps apostoliques ! Ils allèrent jusqu’à tenter de faire condamner l’ouvrage par Rome, et Dauvillier dut en composer la défense65. Le Saint-Siège lui rendit évidemment justice (la plaque de Saint-Grégoire le Grand le manifesta), mais il sortit éprouvé de cette affaire, survenue peu de temps après sa maladie. Il n’en poursuivit pas moins ses recherches66 sur le Nouveau Testament et les Droits de l’Antiquité.
32Jean Dauvillier fut aussi un ardent patriote. C’est encore une tradition familiale, même si ses ancêtres étaient de tendances politiques variées. Selon l’Histoire d’Épinay, « du côté des Maitret et des Simon, on était royaliste ». Jules Lallemant (qui n’était pas abonné à un journal, et ne lisait pas le Moniteur au café, alors que son gendre Charles Cros était abonné au Petit Journal) a dû être bonapartiste, il était en relation avec un cousin garde-chasse du prince de Wagram (« c’est de lui qu’on a hérité les fusils incrustés de nacre et sculptés »67), mais après « le coup de foudre de 1870, on découvre tout à coup que l’empire n’a pas assuré la sécurité de la France, on en veut à l’hérédité. On espérait beaucoup en la république, en laquelle on voyait un gouvernement patriote avant tout, honnête, conservateur – une république qui n’était pas la république. On aimait Gambetta, en qui l’on voyait l’homme dévoué à la France qui nous avait sauvés en 70. On était partisan de la paix en 71, donc pour les conservateurs. La Commune avait suscité une réprobation unanime, personne n’en était partisan ». « La famille de Charles Cros était bonapartiste, mais après 1870, dans les milieux ouvriers de Paris, il devint républicain, partisan de la république opportuniste ; il n’a jamais été socialiste, mais avait eu l’esprit faussé par les belles théories qu’il avait entendu développer ; il n’avait jamais cependant été l’ennemi des patrons ; lorsqu’il a été entrepreneur, il est devenu plus modéré ; il n’était pas radical ; il était ennemi du général Boulanger, dont il se défiait ; il était ennemi de Dreyfus. Il y eut de grandes fêtes à l’inauguration du monument de la république. Tout le monde alla le voir, déposer des couronnes. Charles alla le voir avec Julie. Il vit des camarades, qui ne pensaient qu’à siroter. Charles votait pour les honnêtes gens, les conservateurs ».
33Le patriotisme de Dauvillier venait aussi du souvenir de son père, mort pour la France après avoir participé aux opérations coloniales en Indochine et en Afrique, surtout en Guinée, où il s’était illustré dans la capture de Samory68.
34Après son sursis pour fin d’études, Jean Dauvillier fut réformé en 1934, mais reclassé service actif en 1939, et rappelé sous les drapeaux dans l’artillerie, d’avril à juillet 1940. Il entra ensuite dans la Résistance, pour le Deuxième Bureau. Peu de gens savent qu’il partit un jour de chez lui par la fenêtre quand les Allemands allaient arriver à sa porte. Fort peu aussi savent qu’il fit partie de l’État-major FFI de Toulouse en août-septembre 1944. Comme il n’avait pas les opinions dominantes des FFI, et dans l’odieuse ambiance du temps à Toulouse (aujourd’hui bien connue), certains tentèrent cependant de se débarrasser de lui, sous prétexte qu’il avait prononcé une conférence historique devant des membres de la milice ; fort heureusement, la vérité, pour une fois, triompha. Même si un journal étudiant, peu après, ricanait sottement en apprenant que Dauvillier était résistant (« jusqu’ici on ne l’avait vu résister qu’aux jeunes filles ! »), son action fut officiellement récompensée par la médaille commémorative de la guerre 1939-1945 avec les barrettes France, Libération et Engagé volontaire.
35Nous sommes bien sûr plus nombreux à nous souvenir de Dauvillier comme maître. Élève des plus grands de son temps69, il leur était reconnaissant et s’efforçait de prolonger leur tâche : « j’ai essayé », disait-il, « d’ouvrir des pistes qui n’avaient pas encore été tracées et de découvrir quelques perspectives nouvelles. J’aurais été indigne de ces Maîtres que j’ai rencontrés, si je m’étais borné à redire ce qu’ils m’avaient enseigné ou ce qu’ils m’avaient fait connaître – tel un airain qui sonne ou une cymbale retentissante et creuse, χαλκὸς ἠχων ἡ κύμβαλον ἀλαλάζον70. C’est ainsi que tout en traçant quelques sentiers nouveaux et en entrouvrant quelques domaines qui n’avaient pas encore été défrichés, je me suis efforcé de faire la synthèse de leurs travaux. Dans ce que j’ai apporté de nouveau », continuait-il avec son habituelle modestie, « ai-je eu beaucoup de mérite ? Je n’ai fait que suivre leur exemple et m’inspirer de la leçon qu’ils m’avaient donnée. Peut-on s’enorgueillir de découvrir un horizon plus vaste, quand on est monté sur les épaules de géants ? »71. Il disait aussi n’avoir jamais envisagé d’autre carrière que l’enseignement. Ses élèves se souviennent non seulement de son érudition, mais aussi de l’extrême clarté de ses cours. Ses polycopiés, pour cette raison, soulèvent aujourd’hui encore l’enthousiasme des jeunes chercheurs qui veulent s’initier au droit romain, même s’il ne s’agit que de donner quelques références historiques dans une thèse de droit civil, mais aussi quand ils s’inspirent des méthodes du droit romain pour résoudre un problème de droit positif.
36Il fut mon directeur de mémoire, puis de thèse. Comme tous ceux qui ont été dans cette situation, je puis attester l’extrême minutie qu’il mettait à cette direction : toujours disponible pour recevoir les rédactions successives, il les annotait page par page, voire mot à mot, rectifiant, complétant, donnant des conseils de présentation et des indications de fond. Jamais il ne croyait avoir consacré trop de temps à cette tâche qui devait former ses futurs successeurs. De même, pour la préparation à l’agrégation, plusieurs d’entre nous se souviennent de ses judicieux conseils et se sont efforcés de les transmettre. Il a préfacé – trop élogieusement – ma thèse. Plus tard, dans son testament, il m’a légué ses insignes universitaires en déclarant me considérer comme sa fille spirituelle, ce dont je reste très fière. Enfin il m’a associée à ses derniers travaux. C’était un maître bienveillant, attentif et scrupuleux, sur qui ses élèves savaient toujours pouvoir compter ; les étudiants étrangers qui venaient travailler ici trouvaient auprès de lui la même aimable assistance : Laurens Winkel ou Fernando de Arvizu, parmi ceux qui sont présents aujourd’hui, pourraient en témoigner, et bien souvent ces rapports de maître à élève se prolongeaient, avec le passage du temps, en amitiés solides.
37Car Dauvillier était aussi un ami, et ses amitiés étaient nombreuses et parfois inattendues : René Cassin, par exemple, qui avait été d’abord son examinateur. Il était toujours dévoué, prêt à rendre service et à mettre son immense savoir à la disposition d’autrui, pour assister ou réconforter dans des temps difficiles. Sa connaissance du droit canonique a aidé bien des gens dans de pénibles procès en nullité de mariage. Et à la mort d’un bébé qu’on n’avait pas eu le temps de baptiser, il adressa aussitôt à la famille inquiète une longue mise au point sur les limbes. En amitié comme pour tout, il était fidèle en même temps que discret.
38Le recevant en 1973 docteur honoris causa de Louvain, son ami Mgr Andrieu-Guitrancourt disait : « Vous vous imposez partout par votre savoir, par cette charmante simplicité des hommes bien nés, par cette obligeance jamais en défaut, par cette prudence et cette sûreté dans le renseignement sollicité, qui vous caractérisent au plus haut degré, et par cette sensibilité, cette délicatesse de cœur, qui double la valeur du savant et le fait aimer autant qu’on le respecte. » Et il ajoutait, citant Fontenelle : « Les savants de premier ordre auraient peine à le devenir, s’ils n’étaient passionnés par leur science et possédés par un goût supérieur : Fontenelle avait raison. Il vous a expliqué et il a fait votre portrait. »
39À sa mort, Jean Gaudemet salua « un homme de cœur, généreux et discret », qui « fuyait les honneurs et les charges universitaires, mais guidait vers la recherche historique les meilleurs de ses étudiants et se montra un ami d’une rare fidélité », « un homme de sciences et de devoir »72. Germain Sicard évoquait « les rares qualités humaines d’un maître toujours prêt à accueillir avec une patiente courtoisie, donnant l’exemple d’un jugement bienveillant et d’un travail exigeant, dominant avec sérénité les épreuves et le péril ultime, et assurant à ses familiers le soutien d’une amitié délicate et sûre »73. Et Paul Ourliac soulignait son « courage devant la mort, préparée et acceptée dans la soumission aux volontés de Dieu et la foi profonde qui avaient commandé toute sa vie » ; il rappelait « la grandeur d’une vie consacrée à la science, les qualités d’un homme simple, bon, fidèle à ses amis comme à ses convictions », et « témoin d’un temps révolu : celui où l’université s’ouvrait encore à des personnalités hors du commun et trouvait sa gloire dans celle de ses maîtres. Gloria virtuti resonat tanquam imago »74.
Notes de bas de page
1 Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 145, 1983, p. 37.
2 Julie Emma Lallemant (épouse Cros) y naquit le 7 mai 1860.
3 Née à Épinay le 4 septembre 1882, mariée le 21 septembre 1904.
4 Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 145, 1983, p. 37. Des affaires d’intérêt, après la mort du colonel Dauvillier, ont relâché les rapports avec le reste de la famille ; Jean Dauvillier semble n’avoir conservé que de rares relations épistolaires avec sa cousine germaine Élisabeth. Il avait choisi ses légataires parmi ses collègues et anciens élèves.
5 Dauvillier aimait beaucoup les chats ; il fut très touché lorsqu’un de nos assistants de Droit privé lui offrit un chaton « pour sa fête » (tout en s’amusant que ce cadeau ait eu lieu à la « Saint-Jean d’été », fête de saint Jean-Baptiste, alors que son saint patron était l’évangéliste, fêté à la « Saint-Jean d’hiver »).
6 Jean Filliozat, dans son rapport sur la candidature au Collège de France en 1965.
7 Le moulinier « tord et file la soie grège à l’aide d’un moulinet ». André Cros et sa femme Marguerite Arthaud ont exercé ce métier.
8 Avec A. Dauzat, Revue internationale d’onomastique, 1954, p. 213-216.
9 M. et J. Feghali, Contes, Légendes et coutumes populaires du Liban, t. II, Université catholique de Louvain, Institut orientaliste, Louvain-la-Neuve, 1976.
10 w. Sarmas, Anglo-assyrian glossary of Names of animais, I, Mammals, Ruminants, Rodents, Reptiles, Cannes, 1975.
11 Bulletin de l’Université et de l’Académie de Toulouse, 1944, p. 244-248.
12 « Les procès de François Villon », Bulletin de l’Université et de l’Académie de Toulouse, 1943, p. 261-310.
13 Jean Dauvillier a longuement travaillé sur les bases préhistoriques du droit ; il a publié « Problèmes juridiques de l’époque paléolithique », Mélanges Lévy-Bruhl, Paris, 1959, p. 351-359 ; « Aux origines des notions d’État et de souveraineté sur un territoire », Mélanges P. Couzinet, Toulouse, 1975, p. 153-221 ; « Henri Breuil et la genèse des premières notions juridiques au Paléolithique supérieur », Bulletin de la Société méridionale de Spéléologie et de Préhistoire, 1.18, 1977, p. 32-36 ; il a aussi laissé un cours manuscrit de DEA.
14 Saint Liphard (ou Lyphard. ou Lifart, fête le 3 juin) fut d’abord ermite, puis premier abbé du monastère de Meung, aux VIIe-VIIIe siècles ; la collégiale Saint-Lyphard (XIe-XIIIe s.) à Meung-sur-Loire lui est dédiée.
15 Michel Rivière, époux de Marie Mainfroy, eut pour fils Louis Georges (1778-1832), marié à Claire Manifroy (1779-1870, fille d’Honoré et de Marie Louise Roulleau), dont Louis Georges II (1810-1881), époux de Virginie Adèle Grenet (1812-1889, fille de Pierre Jérôme, 1776- 1824, et d’Anne Marie Rose Jacquemard, 1773-1850, fille de François et de Françoise Payen), dont Adélaïde Virginie, une autre fille et trois fils.
16 Il épousa Louise Marguerite Cros, née en 1882, sœur aînée de sa future belle-sœur Andrée, et en eut deux filles, Marguerite (née en 1901, qui semble s’être mariée) et Madeleine, née en 1905, dont il reste diverses lettres.
17 Il épousa Louise Victoire Germaine Mullard, née en 1881, dont Germaine Louise Fernande, née en 1906, et Élisabeth, née en 1923.
18 Le mariage dans le Droit classique de l’Église depuis le Décret de Gratien (1140) jusqu’à la mort de Clément V (1314), Paris, 1933.
19 A. Esmein. R. Genestal, J. Dauvillier. Le mariage en droit canonique, II, Paris, 1935.
20 « À propos du privilegium fori (R. Aubenas, « Recueil des lettres des officialités de Marseille et d’Aix aux XIVe et XVe siècle », Annales du Midi, 209, 1941. p. 90-97 ; contribution à G. Le Bras, Introduction à l’histoire de la pratique religieuse en France, Bibliothèque de l’ÉPHÉ, Sciences religieuses, LVII, Paris, 1942 ; « La paroisse, communauté spirituelle et temporelle », Économie et humanisme, 1943, p. 341-350 ; avant-propos à l’édition de R. Genestal (p. LXXIV), Les origines de l’appel comme d’abus, notes de cours publiées par les soins de P. Timbal, Paris, 1951, Bibliothèque de l’ÉPHÉ, Sciences religieuses, LXIII (théories gallicanes et régaliennes au Moyen Âge aux Pays-Bas, en Espagne, en Angleterre et dans l’Empire) ; « Génestal du Chaumeil », DDC, XXVIII, 1952, col.946-951 ; « Le mariage des catholiques élevés en dehors de toute influence religieuse », Atti del 3° congresso di Diritto comparato, II, Rome, 1953, p. 361-379 ; « La juridiction arbitrale de l’Église dans le Décret de Gratien », Studia Gratiana, IV, Bologne, 1956-1957, p. 123-129 ; « Pierre le Chantre et la dispense de mariage non consommé », Études d’histoire du Droit privé offertes à P. Petot, Paris, 1959, p. 97-105 ; « L’assistance aux déshérités et la charité dans la primitive Église », La Table ronde, 157, 1961, p. 87-92 ; diverses recensions dans la RHD et la Revue d’Histoire ecclésiastique de Louvain ; « L’indissolubilité du mariage dans la Nouvelle Loi », L’Orient syrien, IX, 1964, p. 265-289 ; « De nouvelles sources sur les origines des institutions chrétiennes : les manuscrits de la Mer Morte », Études d’histoire du Droit canonique dédiées à Gabriel Le Bras, I, Paris, 1965, p. 55-71.
21 Note d’arrêt (Cour de Chambéry du 15 janvier 1964) sur le problème de l’application des règles du Droit canonique par les tribunaux d’État français en 1964, Recueil Dalloz., 1964, 34e cahier, 21 octobre 1964, Jurisprudence, p. 605-609.
22 L’Année canonique, 5, 1958, p. 183-184.
23 Le mariage en Droit canonique oriental, Paris, 1936.
24 Remerciement lors de la remise de la Légion d’Honneur, 24 février 1967.
25 P. Pelliot, Recherches sur les Chrétiens d’Asie Centrale et d’Extrême-Orient, I. En marge de Jean du Plan Carpin, II. Guillaume de Rubrouck, III. Màr Ya (h) bhallàhâ, Rabban Sàumâ et les princes Öngüt chrétiens, Paris, 1973 (paru en 1976), Avertissement par J. Dauvillier et L. Hambis, ouvrage doublé d’étendue, mis au point et complété par de nombreuses notes et publié par les soins de J. Dauvillier et L. Hambis.
26 Prêt à être publié en 1979 : en collaboration avec L. Hambis, mise au point de l’ouvrage posthume de P. Pelliot, Recherches sur le Christianisme d’Asie centrale et d’Extrême-Orient, t. II, L’inscription chinoise de la stèle de Si-ngan fou, œuvre augmentée d’une partie nouvelle par J. Dauvillier, L’inscription syriaque de la stèle de Si-ngan fou, texte, transcription, traduction et commentaire.
27 « L’évolution du Droit canonique byzantin », 6e congrès international d’études byzantines, prévu pour Alger, octobre 1939 ; résumés des rapports et communications publiés Paris, 1940, p. 93 ; * « Byzantins d’Asie centrale et d’Extrême-Orient au Moyen âge », Mélanges Jugie (Revue des études byzantines, XI), Paris, 1953, p. 62-87.
28 Plusieurs articles dans le Dictionnaire de Droit Canonique : « Chaldéen (Droit) », « Denys bar Salîbhî », « Ébedjésus de Nisibe », « Extrême-onction dans les Églises orientales » ; dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique : « Édesse, métropole de l’Église syrienne jacobite et de l’Église syrienne catholique », « Édesse, métropole de l’Église chaldéenne », « Étés, évêché jacobite », « Émèse, métropole jacobite », « Eqror, évêché nestorien », « Farso (Gabriel), évêque catholique de rite chaldéen », « Gêlàn, évêché, puis métropole de « l’Église d’Orient », encore appelée syrienne orientale, chaldéenne ou nestorienne ».
29 * « Les croix triomphales dans l’ancienne Église chaldéenne », Éléona, 1956, p. 11-17, repris dans une note sur Pelliot, Recherches sur les Chrétiens [...], p. 178-181.
30 * « Témoignages nouveaux sur le Christianisme nestorien chez les Tibétains », Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, 1941, p. 163-168 ; * « L’Évangélisation du Tibet au Moyen Âge par l’Église chaldéenne et le problème des rapports du Bouddhisme et du Christianisme », Actes du XXIe congrès international des orientalistes (Paris, 1948), Paris, 1949, p. 355-356, et * « L’expansion au Tibet de l’Église chaldéenne au Moyen Âge et le problème des rapports du Bouddhisme et du Christianisme », Bulletin de la société toulousaine d’études classiques, 75, 1950, éléments d’un dossier plus vaste repris par *M. Lalou, Les religions du Tibet, Paris, 1957, p. 15-16, et dans des notes de Dauvillier sur Pelliot, Recherches sur les chrétiens [...], surtout p. 7 et 200-207 ; * « Les provinces chaldéennes de l’extérieur au Moyen Âge », Mélanges Cavallera, Toulouse, 1948, p. 260-316 ; * « L’ambon ou bêmâ dans les textes de l’Église chaldéenne et de l’Église syrienne au Moyen Âge », Cahiers archéologiques, VI, Paris, 1952, p. 11-31 ; * « Le Droit public et le Droit sacramentaire de l’Église chaldéenne », Annuaire de l’École des Législations religieuses, 1951-1952, Paris, 1952, p. 27-32 ; * « L’expansion de l’Église syrienne en Asie centrale et en Extrême-Orient », L’Orient syrien, I. 1956, p. 76-87 ; * « Quelques témoignages littéraires et archéologiques sur la présence et sur le culte des images dans l’ancienne Église chaldéenne », ibid., p. 297-304, repris dans une note sur pelliot, Recherches sur les chrétiens [...], p. 156-160 ;
* « Guillaume de Rubrouck et les communautés chaldéennes d’Asie centrale au Moyen Âge », L’Orient syrien, II, 1957, p. 223-242 ; recension de M. collinet-guerin, Histoire du nimbe des origines aux temps modernes, Paris, 1961, L’Orient syrien, VII, 1962, p. 386-388 ;
* « L’archéologie des anciennes églises de rite chaldéen », Mélanges dédiés au P. François Graffin, Parole de l’Orient (Melto), VI et VII, 1975-1976 (paru en 1978), p. 357-386 ; * « Les diverses formes extraordinaires du mariage et l’absence totale de forme dans le droit de
« l’Église d’Orient » et de « l’Église d’Occident », Mélanges P. Hébraud, Toulouse, 1981, p. 273-308.
31 Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, Londres, Variorum Reprints, 1983. Le volume contient, outre les articles marqués ci-dessus d’un astérisque, « Quelques réflexions à propos d’un ouvrage récent sur l’histoire de l’Église arménienne [Jean Mécérian, Histoire et institutions de l’Église arménienne – Évolution nationale et doctrinale, spiritualité, monachisme, Beyrouth, 1965] », Cahiers de civilisation médiévale, 1970, p. 63-72 ; « Les Arméniens en Chine et en Asie centrale au Moyen Âge », Mélanges de Sinologie offerts à M. Paul Demiéville, II, Paris, 1974, p. 1-17 ; « La papauté, l’union des Églises et les missions en Orient durant le Moyen Âge. À propos d’un ouvrage récent [J. Richard, La Papauté et les missions d’Orient au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècle), ÉFR, 33. Rome-Paris, 1977] », Revue d’histoire ecclésiastique, LXXIV, Louvain, 1979, p. 640-651.
32 « Les donations en Droit musulman », Recueil général de Jurisprudence, de doctrine et de législation coloniales et maritimes, 1934, p. 51-58 ; « La répudiation en Droit musulman », Revue de législation et de jurisprudence marocaines, 1937, p. 9-18.
33 « Situation juridique de l’ancienne église du Calvaire à Toulouse », Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, 4, 1942, p. 265-268 ; « Une fondation de Louis XI, l’église Sainte-Marie des Anges, dite chapelle du Calvaire », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, 22, 1954, p. 7-44.
34 « Les costumes des anciennes universités françaises », Actes du Ier Congrès international d’histoire du costume (Venise, 1952), Venise, 1955. p. 254-261 (avec huit planches) ; « Origine et histoire des costumes universitaires français », Annales de la Faculté de Droit de Toulouse, 6, 1958, p. 3-41.
35 « Histoire des costumes des gens de justice dans notre ancienne France », Mélanges Roger Aubenas, Recueil de mémoires et travaux publiés par la Société d’histoire du Droit et des institutions des anciens pays de Droit écrit, 9, Montpellier, 1974, p. 229-240.
36 RHD. 1983, p. 330.
37 « La notion de chaire professorale dans les Universités depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours », Annales de la Faculté de Droit de Toulouse, 7, 1959, p. 283-312.
38 « Le rôle de la Faculté de Droit de Toulouse dans la rénovation des études juridiques et historiques aux XIXe et XXe siècles », Annales de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 24, 1976, p. 343-384.
39 Dossier : « Notes pour une histoire de la Faculté de Droit de Toulouse aux XIXe et XXe siècles.
40 ** « Le Droit du mariage dans les Cités grecques et hellénistiques d’après les écrits de saint Paul », RIDA, 7, 1960, p. 149-164.
41 ** « À propos de la venue de saint Paul à Rome. Notes sur son procès et sur son voyage maritime », BLE, 1960, p. 3-26.
42 « Les usages de la navigation des Babyloniens et des Phéniciens », Bulletin de l’Université et de l’Académie de Toulouse, 1950 ; « Le Droit maritime phénicien », RIDA, 6. 1959, p. 3-26 ; ** « le contrat d’affrètement dans le Droit de l’Antiquité », Mélanges offerts à Jacques Maury, II, Paris, 1960, p. 97-110 ; ** « Recherches sur un contrat caravanier babylonien et sur les origines du prêt à la grosse aventure dans l’Antiquité grecque », Mélanges dédiés à Gabriel Marty, Toulouse, 1978, p. 341-381.
43 ** « La litterarum obligatio des pérégrins à la lumière des textes scripturaires », RHD, 1946-1947, p. 136-138 ; (** « Le contrat litteris dans les provinces orientales de l’empire et la parabole de l’économe infidèle », AHDO-RIDA, 2, 1953, p. 425-426) ; ** « Le texte évangélique de Zachée et les obligations des publicains », Recueil de l’Académie de Législation, 1952, p. 27-32 ; ** « La parabole du trésor et les droits orientaux ». RIDA, 4, 1957. p. 107-115 ;
** « Les procès de saint Paul et l’attitude de l’autorité romaine », Recueil de l’Académie de Législation, 6, 1976, p. 359-361.
44 « L’iniuria iudicis dans la procédure formulaire », Recueil de l’Académie de Législation, 13, 1937, p. 144-301.
45 « Note sur un testament romain récemment trouvé en Égypte », Recueil de l’Académie de Législation, 18, 1947, p. 1-21.
46 « À propos d’un procès plaidé devant la reine Bérénice », Mélanges Montané de la Roque, II, Toulouse, 1986, p. 575-587.
47 Avec Jean Nougayrol, Émile Szlechter et Maurice Birot, il a mis au point les Mélanges d’histoire du Droit oriental, Toulouse et Paris, 1965 ; il avait également mis au point avec Paul Ourliac les Mélanges d’histoire du droit occidental de G. Boyer, Toulouse et Paris, 1962.
48 Paris, 1970.
49 Aux articles précédés de deux astérisques cités précédemment, il faut ajouter « La parabole des talents et des mines et le § 99 du Code de Hammurabi », Mélanges Magnol, Paris, 1948, p. 153-165 ; « Le partage d’ascendant et la parabole du fils prodigue », Actes du Congrès de Droit canonique (Paris, 1947), Paris, 1950, p. 223-228 ; « La parabole du Bon Pasteur et les Droits de l’Antiquité », Mélanges offerts à P. Andrieu-Guitrancourt, L’année canonique, 17, Paris, 1973, p. 269-278 ; « Aux origines de l’épiscopat et du sacerdoce », Esprit et Vie, 1974, p. 65-76, 97-103, 193-202, 209-215.
50 Études d’histoire du droit et des idées politiques, n° 9, Toulouse, 2005, 508 p., préface de G. Sicard.
51 « Explication d’un arrêt de l’Échiquier de Normandie. Le divorce pour cause d’absence au XIIIe siècle », RHD, 1933, p. 726-727, « L’affinitas superveniens en Normandie », RHD, 1934, p. 735-736 ; « Le consentement seigneurial au mariage des vassaux et particulièrement des vassales dans les textes normands », RHD, 1935, p. 795-798.
52 « L’union réelle de Gênes et du royaume de France aux XIVe, XVe et XVIe siècles », Annales de la Faculté de Droit d’Aix, 43, 1950, p. 81-112.
53 « Le système des récompenses publiques dans notre ancienne France : ordres de chevalerie et marques de distinction », Recueil de l’Académie de Législation de Toulouse, 91. 1963, p. 13-106.
54 Droit romain, 1ère année (Sources, Droit des personnes, Droit des biens, successions) ; 2ème année (obligations, avec des aperçus sur les destinées du système romain en Droit canonique et dans l’ancien Droit français, et des comparaisons avec le Droit anglo-saxon) ; Histoire des institutions et des faits sociaux, 1ère année (monde oriental : Égypte, monde babylonien, Hittites, Phéniciens ; monde grec ; monde romain ; l’Église dans l’Antiquité ; le monde gaulois et franc ; Droit public à l’époque franque ; organisation de l’Église ; condition des personnes et des terres) ; Histoire des institutions politiques et sociales de l’Antiquité. 2eme année (monde oriental, grec et romain).
55 Société archéologique du Midi de la France, Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, Académie de Législation. Il a publié une « Esquisse d’une histoire de l’Académie de Législation », Recueil de l’Académie de Législation, 6, 1976 (résumé d’une étude beaucoup plus ample, restée inédite).
56 Charles Cros « n’était pas foncièrement anticlérical » ; il « était très bien avec l’abbé Genty », mais n’aimait pas divers autres ecclésiastiques, antipathie que sa femme Julie semble avoir en partie partagée.
57 Le cadet, « l’oncle Charles » de l’Histoire d’Épinay, 1827-1903, qui dirigeait à Valence une cordonnerie avec cinq ou six ouvriers, aurait été catholique.
58 Jean-François Bouquet (1792-1859), entrepreneur de maçonnerie à Crest, fils de Joseph (maçon à Crest sous Louis XVI) et de Marie Marguerite Gaymard, catholiques, épouse Louise Vincent (1788-1866), fille de François et d’Antoinette Savoye, protestante ; deux de leurs enfants, Louise Geneviève (1823-1897) et Eugène, né vers 1827, furent catholiques (mais Eugène épousa une protestante) ; le troisième, Henri (v. 1822-1895), protestant, fut curieusement le parrain de son cousin, le futur Monseigneur Bouquet !
59 Charles Lallemant (v. 1741-1838). le premier ancêtre relevé, catholique, épouse Marie-Catherine Roux (1756-1831), fille de Pierre et de Marie Geneviève Rivet. Leur fils François Julien (1792-1860) épouse en 1821 la catholique Marie Louise Nathalie Happey (1798-1878), fille de Nicolas Maurice et d’Anne Hautefeuille (tous deux morts avant 1821 ; leur fils Antoine Nicolas Maurice, né en 1787, est mort à la guerre d’Espagne, à Ecija, en 1811). François et Nathalie ont eu quatre filles. Désirée (épouse Costa), Elvina (épouse Chotart), Mathilde (épouse Laborialle), Nathalie, et trois fils, Ernest, Emmanuel et Jules Adolphe (1823-1898), marié en 1848 à Adèle Élisabeth Ferret (morte en 1855) et en 1858 à Marguerite Maitret.
60 De Noël Maitret et Élisabeth Cousain est né Pierre (v. 1784- av. 1858), marié à Anne Simon (1793-1871, fille de Pierre et de Marie Pasquier). dont Marguerite, deuxième épouse de Jules Lallemant, d’où Julie et Paul Ernest (1867-1880), tous catholiques.
61 François Pompone Huet épousa une Marcille et en eut Jean Baptiste Pompone Denis (mort en 1803), époux de Julie Agathe Savouré.
62 Louis Savouré (v. 1686-1768), maître d’école, époux de Marie Chandé, fut père de Louis, notaire en 1746, mort en 1780, marié en 1755 à Marie Marguerite Marcille (1735-1825, fille d’Antoine et de Marguerite Denizet), dont Julie Agathe
63 II résigna en 1784 la cure de Barmainville en faveur de Jean Denis Fiacre Marcille (1758- 1825), sans doute un cousin, démissionnaire en 1791, installé en 1794 à Oisonville, où il se fit inscrire sur le tableau des pensionnés ci-devant ecclésiastiques ; ayant prêté le serment de haine, il le rétracta tôt et fut réhabilité sous œuvre ; les notes de l’évêché le disent « sujet faible mais bon ecclésiastique », avec « des talents communs mais beaucoup de piété, exerçant son ministère avec édification et avec fruit ».
64 Louis Henri Alfred Bouquet, né à Paris le 31 décembre 1839, mort subitement dans la nuit du 13 au 14 mars 1926 à l’évêché de Chartres. Études au séminaire de Notre-Dame des Champs et à Saint-Sulpice. Ordonné prêtre en 1864. Professeur au petit séminaire de Notre-Dame des Champs ; vicaire à Saint-Germain-des-Prés et à Saint-Vincent de Paul. Aumônier volontaire en 1870. Prisonnier des Prussiens à Champigny, interné à Lagny puis à Versailles. Chevalier de la Légion d’Honneur, 15 octobre 1871. Médaille de 1870. Docteur en théologie, 1875 (thèse : Théologie de la Trinité d’après saint Grégoire de Nazianze et les Pères de son époque, 138 p.). Aumônier du lycée Saint-Louis, 1876. Officier d’Académie, 1879. Appelé à la Sorbonne en 1881 pour professer le dogme (supplée Mgr Maret, professeur), puis l’histoire et la discipline ecclésiastique en 1882 ; officier de l’Instruction Publique, 1885 ; après la suppression de la faculté officielle de théologie, nommé aumônier du Lycée Saint-Louis (1887). En 1896, accepte sans rétribution pendant six ans la charge d’administrateur de l’église de la Sorbonne. Évêque de Mende, 5 avril 1901, sacré le 21 juin. Évêque de Chartres, 21 février 1906. Honoré du sacré pallium, 19 novembre 1917. Œuvres (outre sa thèse) : Discours sur l’histoire de l’Église (ouverture du cours d’histoire ecclésiastique. 15 décembre 1882, Paris, 1883, 20 p.. dans Annales de la philosophie chrétienne ; L’ancien Collège d’Harcourt et le lycée Saint-Louis, Paris, 1891 (couronné par l’Académie Française). Cousin de Jean Dauvillier au septième degré : fils d’Agathe Marguerite Paul (1810-1893, membre de l’association du Rosaire de la paroisse Saint-Sulpice) et de Jean-Louis Bouquet (1814-1881, inspecteur des perceptions municipales de la ville de Paris ; membre du tiers ordre séculier de saint Dominique), lui-même fils cadet de Jean-Joseph Bouquet et de Marguerite Marie Gaymard. On conserve des restes de correspondance entre l’évêque de Chartres et le colonel Dauvillier ou Jean Dauvillier lui-même.
65 J’ai inséré cette défense, en guise d’introduction, dans Le Nouveau Testament et les Droits de l’Antiquité (Dauvillier y précise très clairement sa méthode de travail).
66 ** « Aux origines de l’épiscopat et du sacerdoce », précité.
67 Ces fusils qui semblent avoir impressionné le jeune Dauvillier ont dû passer à une autre branche de la famille. Ils n’étaient pas dans ses collections.
68 Le colonel Dauvillier était aussi un excellent photographe : il a laissé une importante collection de plaques photographiques remarquables, d’un grand intérêt géographique et ethnographique, qui a été confiée au service historique de l’armée.
69 Pour le droit, Fournier, Génestal, Le Bras alors débutant, Collinet, Meynial, Olivier-Martin, Petot, Perrot ; en philosophie, Étienne Gilson ; Charles Diehl pour Byzance ; Mgr Grébaut, Mariès, Brière, Drioton, pour les langues orientales.
70 Saint Paul, 1ère Co., 13,1.
71 Remerciement lors de la remise des insignes de la Légion d’Honneur.
72 RHD. 1983, p. 330.
73 Annales de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 31, 1983, p. III.
74 MAIT, 145, 1983, p. 38-39.
Auteur
Professeur émérite à l’Université des sciences sociales Toulouse I
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