Marcel Proust, le droit, l’histoire du droit
p. 303-319
Texte intégral
1 Très nombreux sont les grands écrivains français qui ont reçu une formation juridique, mais le phénomène demeure peu étudié. Il s’agirait pourtant de mieux comprendre ces auteurs et, pour nous juristes, parce que la littérature occupe une place majeure en France, de mieux évaluer la participation du droit au monde de l’esprit. Aujourd’hui nous aimerions nous intéresser à Marcel Proust, peut-être un des génies littéraires qui évoque a priori le moins notre discipline juridique. Et cependant, M. P. est licencié en droit comme bien d’autres hommes de plume encore à la fin du XIXe siècle et dans le premier XXe siècle.
2Pour un juriste, se poser la question des rapports de M.P. et du droit a des couleurs de réponse à une petite provocation car biographes et analystes ont estimé que le romancier n’avait pratiquement rien retenu des études faites place du Panthéon à Paris entre 1890 et 1893, études qui l’auraient ennuyé. Sur les premières études supérieures de Proust en général (dans un second temps, il fera des études de Lettres en philosophie), les biographes et les analystes ont livré quelques éléments sur son passage à l’Ecole des Sciences politiques mais la moisson est plus mince pour ce qui est de la faculté de droit. Rappelons rapidement ce qui est connu : sur les vives instigations du docteur Adrien Proust, son père (très inquiet pour de multiples raisons de l’avenir de son fils), M.P., après sa période de « volontariat »1, s’inscrit sans enthousiasme en droit et en sciences politiques2. Un épisode qui se place à l’Ecole des sciences politiques et qui nous a été livré par un ami et témoin important de M.P., Robert de Billy que nous citerons plus d’une fois3, nous fait connaître à la fois l’atmosphère de l’Ecole et l’attitude du futur romancier :
3« [...] le comte Vandal se plaisait à introduire dans l’effroyable complexité des affaires d’Orient de vives remarques destinées sans doute à fixer nos esprits, par un bon mot, le Traité de Koutschouk-Kaïnardji ou l’aventure d’Ypsilanti. « Un jour à Belgrade disait-il, un Serbe voulut puiser de l’eau. Un soldat turc l’en empêcha et, comme il insistait, le tua. Messieurs, de ce puits sortit un incendie qui embrasa l’Orient tout entier ». Et Marcel écrivait sur son cahier jusqu’alors vierge :
Vandal, exquis, répand son sel.
Mais qui s’en fout, c’est Gabriel,
Robert, Jean et même Marcel,
Pourtant si grave d’habitude ».
4Ce passage et d’autres anecdotes nous montrent, en effet, un étudiant peu empressé. Toutefois, personne ne saurait soutenir que les relations internationales, matière qu’enseignait Albert Vandal, n’intéressaient pas M.P. Rappeler ici mille discussions décrites dans la Recherche ou simplement le personnage de Norpois serait fastidieux. Mais le droit ?
5La thèse du désintérêt de M.P. pour la question juridique est fortement affirmée. Nous ne pouvons reprendre ici tous les écrits des partisans de cette position plus que dominante. M. Tadié, par exemple, écrit : « [...] le droit l’ennuie ; il ne voit pas comment lui appliquer ses qualités artistiques. Aucun juriste ne figure parmi ses amis. Dans la Recherche, on rencontre à Balbec le « bâtonnier de Cherbourg », le premier président de Caen, un grand notaire du Mans, un grand avocat de Paris. Aucun professeur de droit. C’est peu à côté de Balzac, qui a tiré un meilleur profit d’études que Proust, lui, a effacées de sa mémoire et de son imagination, de sa vie quotidienne aussi : il ne comprendra pas qu’il ne devait pas abandonner sa part de l’immeuble du 102 boulevard Haussmann, et ne laissera pas de testament. »4
6Cette position, concluant au fond à l’inutilité de trois ans d’études, ne laisse guère d’ouverture et bénéficie de solides arguments. Tout d’abord, il y a le fameux passage de Jean Santeuil, roman de jeunesse, commencé en 1893, quasiment à la date de l’obtention de la licence en droit, ouvrage qui annonce avec précision beaucoup de thèmes ou de scènes du chef- d’œuvre futur. « S’il a des dispositions littéraires, qu’il fasse son droit »5. Cette exclamation, puissamment ironique pour Proust, est adressée par un « éminent professeur de droit » à M. Santeuil qui lui demandait des conseils pour la carrière du jeune Jean. Remarquons la justesse de la rédaction : quel futur étudiant en droit n’a entendu cette phrase, au mot près, quand, sans vraie vocation autre que celle de rejeter les sciences, il s’est mis à la recherche d’un type d’études ? Plus loin dans le même passage, la question est encore plus clairement réglée : « le droit ennuyait Jean ». Nous savons aussi, sans aucun doute, que ce roman de jeunesse est un roman à clefs, que Jean, c’est Marcel et M. et Mme Santeuil, le docteur et Mme Proust6, ce qui signifie, sans appel possible, que M.P. n’avait pas aimé ces études7.
7Ajoutons à ces « preuves », plusieurs lettres de M.P. soit à son père, soit à ses amis, exposant clairement que diplomatie, magistrature, étude d’avoué ne lui conviendraient aucunement. Nous ferons de ces textes, irréfutables, quelques citations plus loin ; mais ces lettres traitent toutes du choix d’une carrière et, en réalité, c’est toute carrière que repousse le jeune homme qui n’acceptera, après sa licence de Lettres, qu’un poste d’« assistant non rémunéré » à la Bibliothèque Mazarine où il n’ira quasiment jamais, où il passera son temps à demander des congés, jusqu’à être considéré comme ayant donné sa démission en 1900. Dans de telles conditions, est-il possible d’assimiler refus d’une carrière juridique et oubli de la discipline du droit, de son apport, de sa richesse ? Malgré les phrases de Jean Santeuil, nous ne le pensons pas.
8La simple raison nous semble en effet légitimer une recherche de l’influence du droit sur Marcel Proust. N’oublions pas de qui nous parlons. M.P. est universellement considéré comme un des esprits les plus puissants du XXe siècle, les plus accueillants aux disciplines diverses, en particulier grâce à une culture que seule une prodigieuse mémoire peut autoriser. Tous ceux qui ont étudié ses œuvres et sa méthode ont souligné son « œil » souvent comparé à un kaleïdoscope. Il voyait tout. Quant aux résultats de cette observation, Léon-Paul Fargue en donne une description certes littéraire mais aussi générale en évoquant les travaux de Proust : « comme dans ces tableaux des vieux maîtres ou dans ces gravures de Bresdin où l’on pénètre peu à peu dans l’intimité du persillé, du feuillage, de la faune et de la flore, et où l’on découvre, jour par jour, semaine par semaine et chaque fois qu’on y retourne, dans les coins, dans les arbres, sur les pierres, un précieux insecte, un reptile bien ouvré, une grosse fleur avec une goutte de rosée, et parfois d’étranges figures éparses du ciel à la terre, mais dont le mystère, par degrés, sort de la toile et se dénonce. »8
9Cette vision large et profonde est mentionnée par tous les commentateurs : médecine, diplomatie, architecture, art militaire, par moments incarnés par des personnages, sont de véritables acteurs de la Recherche. Sur cette question, à laquelle des ouvrages entiers ont été consacrés, évoquons deux témoignages directs, celui de Jacques-Emile Blanche9, auteur du portrait célèbre de M.P. jeune homme10 et celui de Robert de Billy ; ce dernier salue « l’universelle curiosité » de son ami et le dépeint s’informant « des disciplines et des formes les plus éloignées de ses conceptions »11. Dès lors, pour un tel esprit, trois années de droit pour rien ? La chose paraît invraisemblable, contradictoire à tout le moins avec la présentation générale du romancier par contemporains et critiques.
10Avant de nous mettre en quête de traces éventuelles de la discipline du droit chez M.P., deux remarques. La première pour rappeler que le contexte universitaire des années 1890 et au-delà est, pour ce qui nous intéresse, celui de l’explosion des sciences sociales. Entre autres, la sociologie naît. Proust, s’intéresse à Tarde et à sa théorie de l’imitation. Ce point, qui retient les chercheurs proustiens depuis plusieurs années12, mériterait un long travail après une lecture de Tarde comme juriste et non seulement comme sociologue célèbre par ses controverses avec Durkheim13. En philosophie, bien entendu, les liens Proust/Bergson sont essentiels. Liens de famille, et travail sur la mémoire les réunissaient14, en tous cas intellectuellement. En droit, l’Affaire Dreyfus (à laquelle M.P. prit une grande part, ainsi se targue-t-il d’avoir obtenu la signature d’Anatole France15, en 1898, en faveur de Zola) accéléra un mouvement déjà fort avant elle. Le Doyen Carbonnier a évoqué l’Affaire en soulignant que « le droit naturel en avait été une des idées forces »16. Achevée en 1910, la thèse de J. Charmont17 décrit parfaitement ce climat dans lequel Proust vit au moment de ses études et après. L’introduction de la thèse caractérise le désarroi des juristes et la grande difficulté de la recherche des critères : « tel approuve le refus d’obéissance dans les grèves et le désapprouve dans les inventaires »18 ; la conclusion est nette : « l’affirmation du droit naturel ou plus exactement de l’idéalisme juridique nous a paru la seule solution de la crise de la philosophie du droit » et évoque « l’idée du droit acceptée comme une croyance, comme une donnée du sentiment. »19 C’est dans cette atmosphère qu’écrit M.P. Il en aura, au moins un moment, subi la séduction. Ce serait plus discutable pour la fin de sa vie. Dans le Temps retrouvé, au nombre de ce qui aura fait perdre du temps à sa génération, il évoquera la croyance au « triomphe du droit ».
11Seconde remarque, relative au titre de notre étude, Marcel Proust, le droit, l’histoire du droit. Il est tout à fait inutile de distinguer, au sein de l’œuvre, les connaissances de droit positif de l’auteur de ses connaissances d’histoire du droit. La raison en est simple : l’essentiel de son travail concerne le temps et les marques du passé dans le présent. S’agissant du droit, les juristes savent à quel point passé et présent se mêlent pour finalement vivre ensemble. Si l’on voulait absolument compter les notations de droit positif et celles d’histoire du droit chez Proust, sans doute ces dernières seraient-elles en plus grand nombre. Ce serait là un travail sans intérêt puisque nous tentons de trouver chez Proust une culture juridique, des manifestations d’esprit juridique et surtout, l’intégration par le romancier d’éléments de droit utiles à sa tentative de dévoilement du monde. Les deux notions ou disciplines, le droit et son histoire, plus séparées en outre aujourd’hui qu’à l’époque de Proust, ne seront donc pas distinguées.
12Cette étude pourrait comporter une myriade d’approches. Certaines ont été effleurées dans cette introduction. S’agissant d’un sujet qui va à l’encontre d’une position ancienne, argumentée, autorisée, posons simplement deux questions : quant à l’étudiant en droit, quelle fut sa formation et les résultats de celle-ci ? Quant à l’œuvre, le droit n’y figure-t-il pas ?
I – Marcel Proust, étudiant en droit : formation et resultats.
13Marcel Proust « fait son droit » pour satisfaire son père mais n’en ira pas moins jusqu’au bout de ces études comme de celles qu’il entreprend au même moment à l’Ecole des sciences politiques. Après l’obtention des deux diplômes, en 1893, la querelle entre le père et le fils reprend au sujet de la future carrière du fils. Cette dispute est jalonnée de lettres du romancier la relatant et une lettre célèbre au Docteur Proust, qui est datée, selon Kolb, de septembre 1893, expose les doléances et les souhaits du fils. Dans ce document se trouvent les phrases fameuses : « quant à l’étude d’avoué, je préfèrerais mille fois entrer chez un agent de change. D’ailleurs sois persuadé que je n’y resterais pas trois jours ! »20 M.P. parle d’expérience puisqu’il a fait avant la date de la lettre un stage chez Maître Gustave Brunet, avoué, 98 rue des Petits Champs à Paris et qu’il n’a supporté d’y rester que quinze jours. Aucune brouille cependant avec cet avoué qu’il consultera plus tard pour ses affaires21. La cause est parfaitement entendue : M.P. ne veut pas être avoué. Pour autant, n’a-t-il rien retenu de son droit ? Il nous semble qu’il s’agit d’une toute autre question ; des éléments précis sur sa formation et sur la culture juridique dont il a pu ensuite user nous en diront plus.
La formation.
14Trois éléments nous paraissent à considérer ici : la faculté (certainement le sujet sur lequel nous avons le moins d’éléments) ; les cours à domicile ; les conversations avec les amis.
15Le 20 novembre 1890, M.P. s’inscrit à la Faculté de droit de Paris. La faculté ne semble guère avoir obsédé l’étudiant mais il faut comprendre que ces trois années sont exactement celles de son entrée dans le monde, à laquelle il tient tant, qu’il écrit déjà de nombreux articles pour des revues et que, en 1893, Les plaisirs et les jours seront achevés. Plus intéressants pour nous, seront les cours à domicile donnés à M. P. par un juriste Charles Monnot, seulement à partir de 1893 semble-t-il. « M. Monnot », selon la Correspondance22, est docteur en droit, avocat à la Cour d’appel et auteur de plusieurs ouvrages destinés aux étudiants en droit. Il s’agit de précis, même si cette dénomination ne figure pas sur ces livres. La Bibliothèque nationale en conserve quatre23 dont deux sont consacrés à l’histoire du droit, « matière de loin la plus difficile », selon l’auteur.
16L’existence de ce genre d’ouvrages est pleine d’intérêt. Dans les deux livres d’histoire du droit, Monnot « se met sous l’autorité de MM. Chénon et Esmein, les savants professeurs de l’Ecole de droit ». Ce sont donc des livres pédagogiques, sans doute rédigés à partir de notes prises aux cours, cours qu’il cite plus d’une fois, surtout celui de Chénon qui, lui, ne fera paraître son traité qu’en 1926. Sur le fond, que sont ces ouvrages ? En histoire du droit, ils traitent d’un catalogue d’institutions et de notions enseignées classiquement en première année. L’ensemble paraît rapide mais tout à fait sérieux, certainement centré sur le moyen âge, période particulièrement aimée de M.P., pour plusieurs raisons dont l’amour des cathédrales24. Sur le fond toujours, mais ce point est encore pour nous une énigme, dans la préface de l’ouvrage de 1900, sur le droit constitutionnel, Monnot estime que son livre va être très critiqué et ajoute « de ces reproches, nous n’avons cure [...], on a le droit et le devoir de dire en face [...] leurs vérités à ces despotes d’un jour qui s’intitulent ministres de la défense républicaine et qui ne sont que des agents de la défense dreyfusarde aux ordres des cosmopolites ». Pour la biographie proustienne, beaucoup de questions se posent ici, par exemple : qui a recommandé Monnot à Marcel et à ses amis car, par commodité, l’avocat a souhaité regrouper au moins trois élèves25 ?
17En tous cas, en l’absence d’autres documents, les livres de Monnot, dans leur aspect technique, permettent de comprendre la formation initiale de Proust26, telle que nous allons ensuite la constater, une formation classique et très axée sur l’acquisition d’une bonne terminologie.
18Enfin, cette formation de M.P. a bénéficié, et ce fut un apport notable dans une perspective de « bachotage », de conversations avec les amis juristes qui pouvaient l’aider. Avant les examens, peu avant il faut l’avouer, la Correspondance montre M. P. user et abuser de la gentillesse de certains. Il en va ici exactement comme lorsque ce romancier-questionneur veut approfondir d’autres disciplines27.
19M.P. a un noyau d’amis capables de l’aider : Boissonnas, Trarieux mais aussi Pierre Lavallée28 qui deviendra Conservateur en chef des dessins du musée de l’Ecole des Beaux-Arts, Robert de Billy, futur ambassadeur, Robert Dreyfus29, qui écrit mais qui est, d’après le catalogue de la Bibliothèque nationale « attaché au Ministère de la Justice ». Ce dernier adressera plus tard sa thèse de droit romain30 à M. P. qui le remerciera dans une lettre où il paraît faire grand cas du livre (dont il n’a lu que le début mais en le comprenant) : « cher ami, je te remercie [...], très doué comme quelques-uns de notre génération, il me semble que seul, tu sembles avoir trouvé une œuvre où le montrer. »31
20Parmi ces amis juristes, R. Dreyfus32 et, pour nous surtout, R. de Billy ont laissé un livre de souvenirs. R. de Billy décrit la façon de travailler de son ami : « il avait peu de livres et ne fréquentait pas les bibliothèques. Mais son universelle curiosité exigeait des réponses de tous ceux de son entourage qui pouvaient lui en donner, et sa correspondance allait interroger ceux qui ne venaient pas le voir »33.
21Cette attitude, fréquente chez Proust, peut être repérée à propos des examens de droit. Ainsi, l’examen de la licence allant avoir lieu rapidement, M.P. écrit-il à P. Lavallée : « je t’en prie, quand tu viendras à Paris fais-moi dire à quel moment je puis te voir. Sans te faire perdre de temps, j’irai te chercher à la sortie de Monnot et te mènerai jusqu’à chez toi pour aller ensuite te reprendre et te conduire à la gare. En route nous causerons de droit, affectueusement ! »34.
22Un dernier point, un peu différent, nous est livré par R. de Billy à propos du type de chef-d’œuvre aimé par Proust : « il aimait parmi les chefs-d’œuvre d’un amour plus direct ceux qui avaient leur secret, ceux qui nourrissent, suggèrent, rayonnent. Il aimait Montaigne, les cathédrales, Wagner, Claude Monet [... 1, il avait la passion des nefs où l’âme se déploie, mais ne se laissait pas mener vers les chapelles où elles s’étriquent. Aucune théorie, aucun enseignement ne le réclament »35.
23Voilà pour le droit, à notre avis, l’une des clefs des goûts de M.P. : son esprit annexe les idées majeures, les lignes directrices, les principes, tout ce qui peut servir à sa vision du monde ; il néglige les « chapelles », les points secondaires et clairement la pratique. C’est sans doute l’explication de sa lettre à son père sur son impossibilité de demeurer dans une étude d’avoué. Nous essaierons de montrer plus loin que la théorie du droit et non certainement la pratique a laissé chez lui quelques traces. Auparavant, tentons de dégager les résultats de l’aspect juridique de la formation de M.P.
La culture juridique.
24L’hypothèse est la suivante : ces études de droit ont fourni à M.P. une bonne terminologie juridique -sans laquelle il est vain de parler de culture juridique- et ont permis que le droit soit présent en lui, au sein de la grille de connaissances qu’il projette sur le monde pour le déchiffrer.
25Un catalogue serait à faire qui montrerait chez Proust l’étendue du vocabulaire du droit, utilisé sans erreurs et étrangement parfois au sein même des plus grandes démonstrations proustiennes. D’abord, l’Affaire Lemoine, publiée dans Pastiches et mélanges, notamment pour les pastiches de Saint Simon, Flaubert et Sainte-Beuve. S’inspirant d’un fait divers de son époque (une escroquerie), M P. décrit l’affaire pour parodier neuf grands écrivains en usant d’un excellent vocabulaire judiciaire et juridique ; quel écrivain alors est capable d’évoquer Patru au milieu d’une liste d’anciens juristes qui ne sont pas des plus célèbres ?36 Ce passage moque la belle et prétentieuse érudition du monde des juristes ; il perd une partie de son comique si on ne voit pas jusqu’où vont les connaissances de M.P. Ces pastiches montrent en tous cas une complète facilité de rédaction de type juridique et seraient à étudier avec grande précision.
26Plus généralement, il faudrait faire la liste de tous les mots, expressions, membres de phrase comme droit du premier occupant37, protester une lettre de change, pacte bilatéral, la description des banalités, tout ce qui concerne le droit des nobles à l’époque féodale et au-delà, la notion de vassalité, les coutumes, les servitudes, Batbie plusieurs fois cité38 ou encore la difficile notion du « magistrat gardien des lois »39 qui n’est certes qu’évoquée mais dans une situation romanesque qui en démontre la compréhension.
27Tout ceci est utilisé à la manière de Proust qui, à l’opposé d’un Balzac, ne fait que de brefs emplois des termes juridiques, emplois qui peuvent cacher des connaissances approfondies. La technique proustienne faite d’allusions, sans l’ombre d’un étalage de connaissances, à mille lieux de la cuistrerie, peut laisser ignorer ce savoir au lecteur non habitué à la littérature juridique. La dédicace des Pastiches peut-être aurait pu attirer l’attention : « à M. Walter Berry, avocat et lettré... ».
28Il y a plus important que ce vocabulaire approprié. M.P. va développer non pas une conception du droit, plutôt une vision qu’il va faire servir, ceci sans jamais le dire40. Il faut se souvenir de la méthode d’utilisation de la mémoire, celle de la « vision intérieure »41, puis repartir du Temps retrouvé, fin de l’œuvre mais écrite tôt et qui en contient les clefs. Le narrateur y évoque ce que pourrait être son œuvre (en fait, l’œuvre de Proust) : « la recréation de la mémoire, d’impressions qu’il fallait ensuite approfondir, éclairer, transformer en équivalents d’intelligence, n’était-elle pas une des conditions, presque l’essence même de l’œuvre d’art telle que je l’avais conçue tout à l’heure dans la bibliothèque ? »42
29Le narrateur a, un peu avant, expliqué son travail de restitution de la vérité et dit sa déception face à la mauvaise réception de ses écrits. Ceux même qui lui sont favorables, le félicitent d’avoir découvert des vérités « au microscope ». Il écrit : « je m’étais au contraire servi d’un télescope pour apercevoir, des choses très petites en effet mais parce qu’elles étaient situées à une grande distance, et qui étaient chacune un monde. Là où je cherchais les grandes lois, on m’appelait fouilleur de détail »43
30Nous pensons que ce travail sur les « équivalents d’intelligence », notion qui englobe tant d’éléments, englobe aussi le droit. Il s’agit de rendre le monde intelligible, d’en découvrir (ce point revient souvent dans l’œuvre) les grandes lois. Au milieu de l’observation, de la connaissance des âmes, de la métaphysique, de toutes les grandes disciplines de l’esprit, le droit figure chez Proust qui en a intégré les plus grandes données.
31La « mort de Bergotte »44, un passage des plus commentés (« Mort à jamais ? Qui peut le dire ? »), comporte plusieurs références à l’idée d’obligation, au droit. On y trouve les mots « obligations contractées », « obligés », « obligations qui n’ont pas leur sanction dans la vie présente », « lois inconnues », « lois dont tout travail profond de l’intelligence nous rapproche et qui sont invisibles... ». Laissons de côté le mot « loi », souvent d’emploi sociologique chez M.P.45, l’idée d’obligation est plus intéressante ici. Il pourrait s’agir d’un emploi absolument banal, sans connotation juridique ; mais « obligations contractées », mais « obligations... sans sanction », appartiennent forcément à la sphère du droit. M.P. avait-il des souvenirs des obligations sans sanction et de la plus connue d’entre elles, l’obligation naturelle ? Personne ne peut le savoir, du moins peut-on souligner le secours que lui apporte le droit dans un passage-clef, d’une page seulement, pour exprimer une hypothèse sur la mort, hypothèse qui place le texte aux confins de la théologie et du platonisme, lesquels ont plus qu’une proximité de vocabulaire avec la science juridique.
32Les apparitions du droit chez M.P. peuvent même être quelquefois regardées comme franchement scolaires. Au début du Côté de Guermantes, le narrateur et sa famille habitent à Paris dans un appartement dont les fenêtres donnent sur l’hotel de Guermantes. Le lieu fascine le narrateur mais : « malgré l’air de morgue de leur maître d’hotel, Françoise avait pu, dès les premiers jours, m’apprendre que les Guermantes n’habitaient pas leur hotel en vertu d’un droit immémorial mais d’une location assez récente, et que le jardin sur lequel il donnait du côté que je ne connaissais pas était assez petit et semblable à tous les jardins contigus ; et je sus enfin qu’on n’y voyait ni gibet seigneurial, ni moulin fortifié, ni sauvoir, ni colombiers à piliers, ni four banal, ni grange à nef, ni châtelet, ni ponts fixes ou levis, voire volants non plus que péagers, ni aiguilles, chartes murales ou montjoies ».46
33Inutile de commenter ce que tout étudiant actuel reconnaîtrait pour un chapitre de son cours de première année. Une indication cependant : tout ce catalogue est fort conforme à l’enseignement de Monnot dans son précis de 1891, et bien sûr au futur traité de Chénon ou aux ouvrages pour étudiants d’autres professeurs.
II – Le droit au cœur de l’œuvre.
34Ce titre peut surprendre. Bien entendu, il ne faut pas s’abuser et voir partout dans l’œuvre de M.P. des notations juridiques. L’excès ajouterait à l’inexactitude le ridicule. Toutefois, il est incontestable que, parfois lors d’épisodes cruciaux de la Recherche, surgissent, inattendues et pertinentes, des références au droit. Pourquoi ?
35A plusieurs reprises, M.P. a expliqué que son but était la recherche de la vérité ; nous n’avons guère la possibilité ici d’en dire plus sur ce sujet immense. Evoquons simplement la lettre de février 1914 à Jacques Rivière, secrétaire de la Nouvelle Revue Française, qui est l’un des premiers à avoir senti l’importance de P. : « enfin je trouve un lecteur qui devine que mon livre est un ouvrage dogmatique et une construction ! [...] J’ai trouvé plus probe [...] de ne pas laisser voir, de ne pas annoncer que c’était justement à la recherche de la Vérité que je partais, ni en quoi elle consistait pour moi. [...] Ce n’est qu’à la fin du livre, et une fois les leçons de la vie comprise, que ma pensée se dévoilera »47.
36Ajoutons à cela, les remarques de R. de Billy qui a beaucoup insisté sur le besoin de son ami de trouver « le mot juste »48. « Marcel ne croyait qu’au travail et à la vie intérieure », disait encore Billy. Cherchant en lui-même le mot exact, M.P. parfois retrouve un mot du droit mais parce que le droit précisément fournit le terme qui dévoile au mieux la vérité. Ceci arrive rarement dans l’œuvre mais ne peut être négligé ou nié. Au sein de la pensée proustienne, des éléments strictement juridiques sont là, vivants et utiles49.
37A ce stade de notre enquête, nous ne saurions chercher à systématiser le propos. L’influence de Tarde, de Darlu50 dont l’enseignement sur les droits de l’homme devrait être comparé à certains écrits venus de la faculté de droit, les conséquences intellectuelles de l’Affaire Dreyfus, et surtout la situation de M.P. par rapport à l’individualisme si présent dans le droit51, fournirait vite des pistes de travail. Ici, nous choisissons de nous limiter à la présentation de certaines citations de la Recherche selon deux thèmes : à notre avis, le droit est chez Proust l’un des éléments de l’analyse du temps ; l’idée contractuelle sert à éclairer un des grands ressorts de l’œuvre dans la mesure où, acharné à comprendre les relations entre les personnes, M.P. conçoit largement celles-ci comme des « pactes ».
Le droit, élément de l’analyse du temps.
38Le tout dernier paragraphe du Temps retrouvé fait une description de l’homme dans le temps. À la fin d’une « matinée » chez les Guermantes, le narrateur livre ce qu’il a entrepris et parle de son œuvre future : « Aussi [...] ne manquerais-je pas d’abord d’y décrire les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant une place si considérable à côté de celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place au contraire prolongée sans mesure puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants plongés dans les années à des époques vécues par eux si distantes, entre lesquelles tant de jours sont venus se placer, – dans le Temps. »52
39L’image des « géants » émeut spécialement l’historien : nous sommes notre présent, notre passé et même les siècles d’avant notre passé. Quant au juriste, combien cette image est-elle puissante pour lui puisque le droit n’est pas une science moderne, née au XVIIe siècle aux alentours de la diffusion du microscope et de télescope, et que son serviteur, qui applique un art si ancien, est une sorte de « géant » de profession. Un autre passage unit plus précisément l’histoire du droit à la grande découverte proustienne : « le passé non seulement n’est pas si fugace, il reste sur place [...], après des siècles et des siècles, le savant qui étudie dans une région lointaine la toponymie, les coutumes des habitants, pourra saisir encore en elles telle légende bien antérieure au christianisme »53.
40Ces divers textes recoupent ce que l’histoire du droit ne cesse de traquer, la fabrique du droit notamment par la dialectique entre l’individu et le groupe, entre celui qui se sent libre mais agit selon le droit longuement mûri par la société, unitaire ou non, à laquelle il appartient. Ainsi bien sûr, le noble est un « géant » par le temps qu’il porte en lui mais aussi parce que le temps le porte lui-même. La duchesse de Guermantes, et plus encore sans doute le duc, en sont des illustrations mais choisissons d’évoquer Françoise, la roturière, la domestique.
41Françoise, servante campagnarde, est une figure de la paysannerie française, de l’Ile-de-France, des patois, des usages, de la coutume, du monde juridique médiéval. Huitième personnage le plus cité dans l’œuvre54, Françoise habite le monde des groupes. Elle a, dit Proust : « un code impérieux, abondant, subtil, intransigeant sur des distinctions insaisissables (ou oiseuses). Ce code, si l’on en jugeait par l’entêtement soudain qu’elle mettait à ne pas vouloir faire certaines commissions que nous lui donnions, semblait avoir prévu des complexités sociales et des raffinements mondains que rien dans l’entourage de Françoise et dans sa vie de servante de village n’avait pu les lui suggérer ; et on était obligé de se dire qu’il y avait en elle un passé français très ancien, noble et mal compris »55
42Françoise, en effet, vit selon une norme d’Ancien Régime, sans formulation mais diffuse partout. Sa présence constante dans le roman tient, en particulier, à ce que le mécanisme coutumier a une certaine proximité avec la découverte de Proust concernant la « mémoire involontaire »56. C’est malgré lui que le narrateur, dans l’épisode de la petite madeleine (et ailleurs), retrouve son passé. C’est malgré elle que Françoise édicte ce qui n’est écrit nulle part. Dans les deux cas, le temps règne.
43Les temps coutumiers sont souvent évoqués par les notations concernant la servante. Ainsi de son immobilité, morale mais aussi physique : elle apparaît au narrateur comme « une statue de sainte dans sa niche »57. Ses règles de conduite sont soulignées comme anciennes mais aussi locales, caractère coutumier évidemment58.
44Comme il est naturel à son personnage, la servante n’a guère accueilli les Lumières en particulier dans leur aspect scientifique : « si notre médecin lui donnait la pommade la plus simple contre le rhume de cerveau, elle, si dure aux plus rudes souffrances, gémissait de ce qu’elle avait dû renifler, assurant que cela « lui plumait le nez » et qu’on ne savait plus où vivre »59.
45Coutumière, Françoise peut être très savante. La Tante Léonie, sa maîtresse, est toujours souffrante mais estime que Françoise reste trop longtemps auprès d’elle : « je vous fais perdre votre temps, ma fille »60. La servante répond : « Mais non, madame Octave, mon temps n’est pas si cher ; celui qui l’a fait ne nous l’a pas vendu. Je vas seulement voir si mon feu ne s’éteint pas ».
46En moins de trois lignes, voici affichée une compréhension fine d’un élément essentiel de théologie passé dans le droit canonique et le droit laïc. Seul Dieu est le maître du temps qui lui appartient tout entier, ce qui a de nombreuses conséquences de droit. On ne saurait être payé du simple effet du passage du temps. Certaines des racines de l’interdiction du prêt à intérêt sont ici. Evidemment, la science de l’écrivain est totale : au moyen de la langue populaire, restitution d’une règle savante, règle respectée par le personnage qui ne pourrait l’énoncer. Françoise est bien un modèle de la mentalité juridique qui a vécu le plus durablement en France.
47La servante fournit enfin l’occasion de constater chez M.P. la connaissance d’une des grandes questions du droit. Elle arrive à Paris et, à l’étonnement de la famille du narrateur, elle va acquérir « les jurisprudences d’interprétation des domestiques des autres étages »61. L’expression technique « jurisprudence d’interprétation » est parfaite, sur le terrain romanesque, pour évoquer les transformations qui s’opèrent chez Françoise du fait de sa venue dans une grande ville. Ce renseignement est d’ordre social – l’influence du groupe des domestiques parisiens- mais son véhicule est un terme juridique qui fait intervenir à la fois le temps comme créateur de droit, la jurisprudence étant forcément l’œuvre du temps62 et la difficile notion d’interprétration. Là encore, subitement, M.P. utilise le droit parce que c’est ce vocabulaire qui dégagera au mieux la vérité, le réel.
48Reste un dernier point à évoquer, celui qui demanderait le plus de recherches complémentaires, qui à notre avis, lie à certains thèmes proustiens la théorie contractuelle.
Le « pacte » dans les relations humaines.
49A notre avis, Proust qui met au dessus de tout son travail sur la nature humaine, selon Robert de Billy, pour s’approcher de la difficile expression des rapports entre les personnes, utilise l’idée du contrat. Le mot « pacte » est fréquent dans la Recherche et dans d’autres textes. Il sert à évoquer différentes situations ; d’abord, nous nous arrêterons à la question de l’amitié qui nous fait rencontrer chez M.P. l’idée contractuelle, la réciprocité et, non expressément cité, l’idéal de la bonne foi. On sait que, dans la vie de M.P., il y eut s’agissant de l’amitié deux périodes : la jeunesse, pendant laquelle il fait constamment référence, dans ses lettres par exemple, à la sincérité amicale ; l’âge mûr, alors que déçu (adjectif essentiel), il ne peut plus se résoudre à y croire. Ce dernier sentiment est développé dans une lettre à Lucien Daudet que celui-ci reçoit « avec un profond chagrin » car il n’a aucun doute sur la sincérité de son ami : « Mon cher petit, ne va pas supposer qu’il y a de ma part reproche ou récrimination car tu m’as toujours comblé. Mais alors je croyais à l’amitié ; aujourd’hui tu verras ce que j’en dis dans Swann et qu’elle n’existe plus pour moi, et je ne dis pas que personne en soit cause, ce serait trop long à expliquer. »63
50La lecture de la correspondance de M.P. montre un ami exigeant et qui argumente parfois ses demandes auprès de ses amis au moyen du vocabulaire contractuel. La princesse Bibesco cite ainsi une lettre à Antoine Bibesco : « Quand trouverai-je enfin quelqu’un qui agira avec moi comme je commence toujours par agir avec mes amis jusqu’à ce qu’ils m’aient désabusé par trop peu de réciprocité, avec qui je pourrai faire un pacte entier, bilatéral et beau ? »64
51Quel meilleur témoignage de la richesse de la terminologie du contrat pour décrire (c’est précisément l’ojet de tout contrat) les relations entre deux personnes ? La précision, la technique même de la langue offerte par le droit, explique que M.P. la choisisse ici, en parfaite situation.
52Aller plus loin sur la question des liens entre les personnes nous ferait entrer dans les systèmes de pensée juridique, politique et surtout religieuse. Un long détour par la question de « l’homme mauvais » serait indispensable pour éclairer ce Proust désabusé, déçu des autres et déçu de lui-même : avec qui contracter si chacun est dans l’erreur ? Ce ne peut être pour l’instant notre propos. Poursuivons donc en entrant plus avant dans le drame de Marcel Proust.
53La scène fondatrice de l’œuvre, celle du baiser du soir, entre dans notre actuelle hypothèse. La cocontractante essentielle de Proust est sa mère. Ses relations avec elle sont du domaine de l’affection pratiquement absolue mais à plusieurs reprises le mode contractuel apparaît.
54La scène du baiser du soir va, entre autres éléments, contribuer dès le début du livre à la description des parents et à l’opposition de leurs caractères. Rappelons l’intrigue. Un petit garçon très anxieux redouble d’angoisse les soirs de réception chez ses parents. La présence de l’invité empêche en effet sa mère de monter et de remonter dans sa chambre pour le calmer en l’embrassant. Une de ces soirées est décrite, Swann vient rendre visite aux parents du jeune garçon. Après bien des péripéties, le moment crucial arrive quand l’invité parti, les parents montent se coucher. Moment crucial car l’enfant qui, malgré des subterfuges, n’avait pas réussi à faire monter sa mère, avait enfreint les ordres et renoncé à s’endormir. Entendant les pas de ses parents, il est certain d’être gravement puni. Il aperçoit sa mère la première, qui comprend la situation : « Sauve-toi, sauve-toi qu’au moins ton père ne t’ait pas vu ainsi attendant comme un fou ! « [...] Sans le vouloir, je murmurai ces mots que personne n’entendit : « Je suis perdu ! ». Il n’en fut pas ainsi. »
55Contre toute habitude, le père ne punit pas et c’est ce qui est, contractuellement, intolérable pour l’enfant. Suit alors un développement sur le comportement paternel : « Mon père me refusait constamment des permissions qui m’avaient été consenties dans les pactes plus larges octroyés par ma mère et ma grand’mère parce qu’il ne se souciait pas des « principes » et qu’il n’y avait pas avec lui de « Droit des gens ». Pour une raison toute contingente, ou même sans raison, il me supprimait au dernier moment telle promenade si habituelle, si consacrée, qu’on ne pouvait m’en priver sans parjure ou bien, comme il avait fait encore ce soir, longtemps avant l’heure rituelle, il me disait : « allons, monte te coucher, pas d’explication ! »65
56Il est difficile d’emprunter plus au droit, à la science des contrats et à son histoire. La présence de ces termes dans cette scène est à souligner spécialement. L’épisode est célèbre mais surtout capital : trois pages avant la fin du Temps retrouvé, le narrateur, qui se plaint de ne pas faire d’œuvre, de manquer de forces, date de cette soirée et de « l’abdication » de sa mère, c’est-à-dire du fait qu’elle non plus ne punit pas selon la loi du contrat, sa faible volonté, sa mauvaise santé même66. C’est, dans le roman, accorder une place majeure au non respect des « pactes ».
57D’un autre côté, l’imprévu survient avec l’emploi de cette notation savante et ici fort claire pour un juriste : « droit des gens ». Cette référence étant inattendue, nous avons voulu savoir si Proust l’avait employée dans toutes les variantes de la scène. Lorsqu’on n’est pas spécialiste de ces redoutables manuscrits, il est toujours loisible de lire au moins quatre versions de la scène : la version définitive citée plus haut ; deux autres versions, publiées dans la collection de La Pléiade par Gallimard, Esquisse X et Esquisse X1167 et enfin le texte du roman de jeunesse Jean Santeuil68 qui comprend déjà la scène. Aucune des versions précédant la version définitive ne contient l’expression « droit des gens ». Tout au plus, en particulier dans l’Esquisse XII, lit-on déjà : « mon père me privait constamment des choses qui m’étaient consenties par le pacte plus large fait avec ma mère et ma grand’mère, parce qu’il ne se souciait pas des principes. »
58Nous ne pouvons que tirer argument de ce choix de « droit des gens » pour la dernière version. Dans les Esquisses déjà, l’idée de pacte, l’expression « choses consenties », signalaient l’influence du droit ; mais le recours au « droit des gens » sera le résultat d’un mûrissement. Face à la bonne foi contractante de la mère et de la grand’mère, la conduite du père ne saurait être indiquée plus clairement : il ne respecte pas ce qui est convenu, contracter avec lui n’offre aucune sécurité juridique, c’est un homme d’autorité qui fait fi de tout le droit naturel69. Une fois encore, le droit, l’histoire du droit sont utilisés là où le lecteur ne les attend pas, surtout au profit d’une description psychologique. Et toujours selon la même méthode, pas d’explication au lecteur, pas de cours de droit, pas de développement par exemple sur l’importance de la parole donnée en droit des gens. À notre connaissance, il n’y a jamais de note sous l’expression « droit des gens » dans les éditions savantes françaises de Marcel Proust.
59Voici achevées ces quelques remarques sur les liens, à notre avis conservés, entre Proust et ses études juridiques. C’est peu dire que de souligner qu’il n’y a là pour l’instant qu’un embryon de recherche. Ces remarques ne devraient en aucun cas étonner. Nous parlons d’une époque pendant laquelle l’homme cultivé cloisonnait infiniment moins son esprit qu’aujourd’hui. Chemin faisant, nous avons rencontré un Robert de Fiers pourvu d’une assez inattendue licence en droit ; mais à la lecture de L’habit vert ou du Roi, irrésistibles comédies qu’il écrit avec un autre grand ami de Proust, Gaston Arman de Caillavet, on constate dans ces œuvres la présence d’un grand nombre de notations juridico-institutionnelles. De même pour évoquer un auteur dont nous avons déjà parlé, Les lois de l’imitation de Tarde font-elles l’objet, dans le journal La France, d’un compte-rendu du célèbre critique dramatique Francisque Sarcey. De tels exemples peuvent être multipliés. Dès lors, au sein de la pluridisciplinarité sans jargon de cette époque, imaginer que Marcel Proust ait pu faire son droit pour ne rien en retenir serait simplement douter de l’étendue d’un des esprits qui dominent le XXe siècle.
Notes de bas de page
1 La loi du 15 juillet 1889 a instauré une durée de service militaire de trois ans. Il pouvait paraître avantageux, dans le court délai existant avant la mise en application de la loi nouvelle, de s’engager pour un volontariat qui ne durait qu’une année, ce que fit M.P. le 11 novembre 1889.
2 V. les biographes de Proust, essentiellement J.-Y. Tadié, Marcel Proust, 2 vol., Gallimard Folio, 1996, en particulier p. 196 et s..
3 R. de Billy, Marcel Proust. Lettres et conversations, Edition des portiques, Paris, 1930, ici p. 24 s.
4 J.-Y. Tadié, ouv. cité, p. 198.
5 Marcel Proust, Jean Santeuil, Préface J.-Y. Tadié, Gallimard Quarto, 2001 (reprise de Gallimard, 1971 pour l’établissement du texte), p. 150. Nous citerons ce roman et cette édition, dorénavant ainsi : J.S. Pour commenter ce conseil célèbre, rappelons que « le droit, au XIXe siècle, est [...] la voie la plus classique et la plus fréquentée des héritiers de la bourgeoisie qui cherchent une vocation, veulent s’ouvrir les portes sans s’en fermer aucune », v. Ch. Charle, « La toge ou la robe ? Les professeurs de la Faculté de droit de Paris à la Belle Epoque », Revue d’histoire des Facultés de droit et de la Science juridique, n° 7, 1988, p. 169.
6 V. la Préface, citée dans la note précédente, de J.-Y. Tadié.
7 Toutefois, notons également que M. Santeuil est ancien président de chambre à la Cour d’appel, ce qui n’a pas grande importance mais qui permet à Proust un petit passage qui est une brève parodie plutôt véridique des qualités que les gens du droit aiment à se reconnaître ; Mme Santeuil est décrite comme émerveillée par son mari alors qu’elle est douée de nombreuses qualités qui font défaut à ce dernier, intelligence, sens artistique, sensibilité... Chez M. Santeuil, elle admire tout spécialement le magistrat : « quant aux travaux, à ses jugements qu’il rédigeait avec tant de clarté, avec une connaissance parfaite du droit unie à tant d’élégance, elle pensait qu’elle et toutes les natures comme la sienne en étaient incapables, qu’ils exigeaient une intelligence spéciale, très rare et infiniment supérieure », J.S., p. 81. Trois lignes qui vaudraient bien trois pages de commentaire.
8 L.-P. Fargue, « Portraits », Hommage à Marcel Proust, I, N.R.F., 1923, p. 81-87.
9 Mes modèles. Souvenirs littéraires, Stock, Paris, 1984 (1ère éd. : 1928), p. 143 : « On a pu dire avec justesse qu’il était un esprit scientifique ; que n’était-il pas ? ». Lire aussi J. Rivière, Marcel Proust et l’esprit positif, N.R.F., Paris, 1923.
10 Musée d’Orsay.
11 R. de Billy, ouv. cité, p. 80-81.
12 A. Henry, Théorie pour une esthétique, 1981 ; Le Kaleïdoscope, Cahiers Marcel Proust, n° 9, 1979, p. 26-67. L. Fraisse, « Une sociologie transfigurée : Marcel Proust lecteur de Gabriel Tarde », Rev. d’Hist. littéraire de la France, 1988-4, p. 710-736.
13 V. par exemple S. Chaudié, Proust et le langage religieux, H. Champion, Paris, 2004, p. 242 : dans un groupe « l’existence de la loi légitime le principe d’imitation que Proust, à la suite du sociologue G. Tarde, a reconnu comme l’un des moteurs de la vie sociale ». Darlu, le professeur de philosophie de Proust, à Condorcet, a été le destinataire des papiers de Tarde.
14 J.-Y. Tadié, ouv. cité, I, p. 234 s. Le rayonnement de la pensée de Bergson sur les juristes serait à étudier précisément ; O. Cayla le signale dans « L’indicible droit naturel de François Gény », Rev. d’hist.des facultés de droit et de la science juridique, n° 6, 1988, p. 103-121.
15 Ibid., p. 522 s.
16 Cité par J.-L. Sourioux, « La doctrine française et le droit naturel dans la seconde moitié du XXe siècle », RHFD, n° 8, 1989. p. 155.
17 La renaissance du droit naturel, Th. droit, Montpellier, 1910.
18 Ibid., p. 7.
19 Ibid., p. 127.
20 Marcel Proust, Correspondance, texte établi, présenté et annoté par Philip Kolb, 21 vol. Plon. 1970-1992, ici t. I, lettre 102 datée par Kolb du 28 septembre 1993, p. 326 ; nous indiquerons dorénavant cet ouvrage fondamental ainsi : kolb. La suite de la lettre 102 est édifiante : « ce n’est pas que je ne croie toujours que toute autre chose que je ferai autres que les lettres et la philosophie, est pour moi du temps perdu. Mais entre plusieurs maux, il y en a de meilleurs et de pires. Je n’en ai jamais conçu de plus atroce, dans mes jours les plus désespérés, que l’étude d’avoué. Les ambassades, en me la faisant éviter, me sembleront non ma vocation, mais un remède ».
21 P. Kolb, « Marcel Proust clerc d’avoué », Bull, de la Soc. des Amis de Marcel Proust, 1975, n° 25, p. 7-15 ; on peut aussi consulter dans ce même n°, D. Gaboret-Guiselin, « Marcel Proust et le droit », p. 80-88.
22 Kolb, I, 1.73, à Pierre Lavallée, premier semestre 1893, p. 202 ; 1.81, à Pierre Lavallée, juin-juillet 1893, p. 209.
23 C. Monnot, Eléments d’histoire du droit à l’usage des étudiants de 1ère année. Rousseau, 1891 ; le même titre reparaît en une seconde édition, enrichie, Rousseau, 1898 ; Eléments de droit constitutionnel à l’usage des étudiants de 1ère année, Rousseau, 1900 ; Eléments de droit civil, Dalloz, 1914.
24 En dehors de la Recherche et des travaux sur Ruskin, v. les lettres à Emile Mâle ou différents textes dont l’extraordinaire « En mémoire des églises assassinées », Pastiches et mélanges, L’imaginaire Gallimard. 2002, p. 97-220, qui reprend l’éd. de 1919.
25 « Je prends des leçons de droit avec Trarieux et Boissonnas », Kolb, I. lettre à Robert de Billy, mai-juin 1893, p. 208. Sur Gabriel Trarieux, fils de Ludovic Trarieux. fondateur de la Ligue des droits de l’homme et Jean Boissonnas, futur ambassadeur, v. Kolb, I et J.-Y. Tadié, ouv. cité, I, qui donnent, à l’index, plusieurs mentions sur ces amis de Proust.
26 Les leçons de Monnot ont lieu, semble-t-il, seulement en 1893 ; or le premier précis (d’histoire du droit) de l’avocat date de 1891. Monnot s’est donc vraisemblablement servi de cet ouvrage pour faire travailler Proust et ses amis.
27 Pour le droit, hors les amis, il semble aussi que Jean Cruppi. Avocat général près la Cour de Cassation, allié de Madame Proust, ait aussi aidé M.P., v. Kolb, I, lettre 53, à J. Cruppi, p. 175.
28 B. C. Freeman, « 42 lettres, billets et dédicaces à P. Lavallée », BSAMP, 1961, n 11, p. 323-361.
29 Peut-être même aussi Robert de Fiers, l’auteur dramatique, très grand ami, licencié en droit et qui, « vient me voir presque chaque jour » dit Proust dans une lettre à R. de Billy de janvier 1893, période pendant laquelle il a dû travailler en raison de la proximité de l’examen final. Dans cette lettre, il écrit significativement à son ami « donnez-moi donc [...] la liste des quatre examens que je dois passer et des livres qu’il faut lire, je l’ai perdue ! N’oubliez pas, mon petit » (Kolb, 1,1.71, p. 200).
30 R. Dreyfus, Essai sur les lois agraires sous la République romaine, th. droit, Paris, 1898 ; même année, chez Calmann-Lévy.
31 Kolb, II, 1.170, p. 261 s.
32 R. Dreyfus, Souvenirs sur Marcel Proust, Grasset, 1926.
33 R. de Billy, Lettres et conversations, éd. des Portiques, p. 11.
34 Kolb, 1,1.81, p. 209 et s..
35 R. de Billy, ouv. cité, p. 13.
36 Pastiches, ouv. cité, p. 29. dans Critique du roman de M. Gustave Flaubert sur l’affaire Lemoine, par Sainte-Beuve dans son feuilleton du Constitutionnel : « pourtant M. Flaubert, bas Normand s’il en fut, est d’un pays de haute sapience qui a donné à la France assez de considérables avocats et magistrats, je ne veux point distinguer ici. Sans même se borner aux limites de la Normandie, l’image d’un président Jeannin sur lequel M. Villemain nous a donné plus d’une indication délicate, d’un Mathieu Marais, d’un Saumaise, d’un Bouhier, voire de l’agréable Patru, de tel de ces hommes distingués par la sagesse du conseil ». A rapprocher, mais il s’agit de scènes plus convenues, de la fine analyse des rapports de hiérarchie sociale entre le premier président de Caen et le bâtonnier de Cherbourg dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs, préface P.-L. Rey, Gallimard Folio, 2003, à partir de la p. 243. D’une manière générale, nous ne pouvons le montrer ici, Proust s’intéresse à la vie du Palais et s’en amuse en amateur fort éclairé.
37 Pastiches, p. 161, n.1.
38 Pastiches, p. 49 et au moins une fois dans la Recherche.
39 Les plaisirs et les jours, « Conversation », éd. T. Laget, Gallimard Folio, 2003, p. 270.
40 « Proust n’a pas coutume de divulguer ses lectures les plus utiles », L. Fraisse, ouv. cité, p. 710.
41 Voir : L.-P. Quint, Marcel Proust, sa vie, son oeuvre, Simon Kra, 1925, p. 126, sur l’explication de la recherche en soi de la vérité à partir d’une impression.
42 Le temps retrouvé, préface P.-L. Rey et Brian G. Rogers, Gallimard Folio, 2003, p. 349.
43 Ibid., p. 346.
44 La Prisonnière, cité d’après Les Cahiers Marcel Proust, 3, p. 288 : « Il était mort. Mort à jamais ? Qui peut le dire ? Certes, les expériences spirites pas plus que les dogmes religieux n’apportent la preuve que l’âme subsiste. Ce qu’on peut dire c’est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d’obligations contractées dans une vie antérieure ; il n’y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croiyons obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l’artiste athée à ce qu’il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l’admiration qu’il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Ver Meer. Toutes ces obligations, qui n’ont pas leur sanction dans la vie présente, semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci et dont nous sortons pour naître à cette terre, avant peut-être d’y retourner revivre sous l’empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nous en portions l’enseignement en nous, sans savoir qui les y avait tracées, ces lois dont tout travail profond de l’intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement -et encore ! – pour les sots. De sorte que l’idée que Bergotte n’était pas mort à jamais est sans invraisemblance. »
45 J.-Y. Tadié, I. p. 199 : M.P. « n’est pas indifférent aux lois qui régissent la société, mais il préfère les déduire lui-même en sociologue (disciple de Tarde dont il discutait avec Robert de Billy à cette époque), plutôt que de se les voir imposer, jusque dans le détail, en juriste (mot qui ne figure pas dans la Recherche) ». A l’occasion de cette citation, notons que le mot « juriste » figure dans Pastiches et Mélanges, ouv. cité, pastiche de Sainte-Beuve, p. 33.
46 Guermantes, p. 22.
47 Kolb, 1. 43 du 6 février 1914, XIII, p. 98-100.
48 R. de Billy, ouv. cité, lire le passage des p. 80 s.
49 Lucien Daudet (fils d’Alphonse, frère de Léon et ami très cher de Proust), Autour de soixante lettres de Marcel Proust, N.R.F., 1929, p. 178, avait très tôt repéré la place du vocabulaire technique dans le travail de Proust : « Chaque mot, en effet, est le seul qui pouvait être dit et même si l’auteur ne trouve, pour exprimer ce qu’il veut faire entendre, qu’un terme technique, il contraint celui-ci à sortir du domaine spécial et abstrait où il gisait, pour faire circuler à travers lui le sang de son oeuvre. » Sur les lettres à L. Daudet, v. aussi Marcel Proust, Mon cher petit : lettres à Lucien Daudet [...], édition établie, préfacée et annotée par M. Bonduelle, Gallimard. 1991, spécialement p. 17-79.
50 Sur Darlu, v. H. Bonnet, Alphonse Darlu, maître de Proust, Nizet, 1961.
51 Nous pensons ici à ce qu’on pourrait appeler le « malheur » de l’individualisme.
52 Ouv. cité, p. 353.
53 Le côté de Guermantes, éd. T. Laget, Gallimard Folio, 2003. p. 405.
54 Pour les proustiens, elle est aussi figure de la création littéraire : elle ne meurt pas et ne quitte pas l’écrivain qu’elle sert. Les indications sur son âge sont peu précises : elle est toujours là.
55 Du côté de chez Swann, éd. d’A. Compagnon, Gallimard Folio, 2003. p. 28.
56 Sur la mémoire involontaire, bibliographie inépuisable ; v. J.-Y. Tadié, Préface pour Jean Santeuil, ouv. cité. p. 25 s.
57 Swann, p. 52 : « à peine arrivions-nous dans l’obsure antichambre de ma tante, que nous apercevions dans l’ombre, sous les tuyaux d’un bonnet éblouissant, raide et fragile comme s’il avait été de sucre filé, les remous concentriques d’un sourire de reconnaissance anticipé. C’était Françoise, immobile et debout dans l’encadrement de la petite porte du corridor comme une statue de sainte dans sa niche ». L’image de statue religieuse médiévale est d’autant plus importante qu’elle est reprise dans plusieurs volumes qui suivent Swann : Françoise semble au narrateur identique à certaines sculptures de l’église Saint André des Champs, près de Combray, église type de l’Ile de France.
58 Passage de Guermantes, p. 57, dans lequel Françoise arrive à Paris pour servir toujours la famille du narrateur : « notre appartement parisien était décoré par les paroles de Françoise inspirées d’un sentiment traditionnel et local et qui obéissait à des règles très anciennes. »
59 Guermantes, p. 59.
60 Tout le passage dans Swann, p. 55.
61 Guermantes, p. 58.
62 On pourrait ici citer le Discours de Portalis.
63 L. DAUDET, Autour de soixante lettres de Marcel Proust, N.R.F., 1929, p. 178.
64 Princesse BlBESCO, AU bal avec Marcel Proust, Gallimard, 1989, p. 93.
65 Pour toute la scène, Swann, p. 35 s.
66 Temps retrouvé, p. 349 : « C’était de cette soirée où ma mère avait abdiqué, que datait, avec la mort lente de ma grand’mère, le déclin de ma volonté, de ma santé. Tout s’était décidé au moment où, ne pouvant plus supporter d’attendre au lendemain pour poser mes lèvres sur le visage de ma mère, j’avais pris ma résolution, j’avais sauté du lit ».
67 Swann, La Pléiade, p. 675 puis 691.
68 Ouv. cité, p. 72 s.
69 Sur le sens de l’expression « droit des gens » qui n’a pas pour seul territoire le droit international public, v. D. Alland, « Droit des gens. Droit des gens et droit international », Dictionnaire de philosophie politique P.U.F., 1996 p. 152 s. ; M.-F. Renoux-Zagamé, « La disparition du droit des gens classique », R.H.F.D., 1987, n° 4, p. 23 -53.
Auteur
Professeur à l’Université René Descartes Paris V.
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